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28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 17:42

   tampon de la ligne -copie-1 

Rite de la ligne  2ème partie.

Nous poursuivons notre étude symbolique du rite de passage de la ligne équatoriale, en cours dans la marine française- Cette étude est un exercice de style sur le symbolisme appliqué à une rituellie fut-elle profane.

 

Approche symbolique du tampon.

Il va sans dire que l’interprétation qui suit ne perd pas de vue le côté humoristique et bon enfant d’un tel rituel même si l’on parle de bizutage des néophytes. Il existe derrière cet aspect potache une rigueur dans l’application rituelique qui doit attirer notre attention.

Ce n’est pas parce que le rite est simplement dit « de passage » qu’il n’offre pas des signes initiatiques dissimulés. Le tampon sur notre document en atteste.

Celui qui a buriné le tampon l’a fait, suivant les règles habituelles de composition d’une flamme circulaire concentrique. Le motif central doit être justement équilibré, les éléments remarquables du sujet représentés. La logique de la flamme est naturellement symbolique, car seul le symbole peut résumer et représenter un concept.

 

Nous avons sélectionné une série de représentations symboliques qui par analogies se complètent et se répondent.

Nous partons d’un cercle dans lequel doivent se représenter le monde d’en haut et le monde d’en bas, avec un triangle montant et descendant. Vu autrement on traduit cette relation par un axe traversant un plan, soit une croix de Saint-André avec un axe vertical en son centre. C’est l’archétype de la croix tridimensionnelle. (Nous utilisons ici les règles d’analyse en cours au REP). Enfin ramené à un navire, l'axe devient le mat central, le plan est le navire sur l'eau.

                 6                                                                                                        

 

À partir de  l’archétype symbolique qui précède on dérive un labarum constantinien du IV em siècle, le tampon objet de l’analyse, un arbre de vie hermétique du XVIIème siècle et enfin le l’axe mercurien ailé enlaçant de deux serpents montant représentants la cristallisation de la vie (ADN). Nous aurions pu utiliser l’arbre séphirotique.  L'ancre est le symbole de l'espérance et de la fermeté. l'ancre désigne la stabilité, la solidité de la foi chrétienne. Sur les tombeaux des premiers chrétiens, elle symbolise le salut. Elle est representée au Rite émulation. 

 

 

. Laborum.jpg     tampon de la ligne

     27.jpg          37.jpg                                                                                                                

 

Nous avons à l’intérieur d’un triple cercle représentant les trois sphères esprit /âme /corps (ou le ciel, la mer et la terre), un chrisme composé d’un axe représentant l’ancrage du marin. Cet axe est la stangue de l’ancre. Ce monde est sphérique et gravitationnel : équivalent du fil à plomb, une ancre relie le haut et le bas avec un cordage vital s’enroulant autour. Le cordage qui le relie à l’ancre est pour le bateau comme pour le marin une ligne de vie (la gumène).

Ce cordage part d’un anneau marquant « l’alliance » avec le ciel qui va jusqu'à la profondeur des océans. Le ciel est la partie supérieure de l’ancre formant un triangle montant, la profondeur abyssale est marquée par le triangle descendant de la partie inférieure.

 Nous reconnaissons ici l’arbre de vie composé d’un axe et de deux ou plusieurs triangles montant et descendant. Le principe hermétique « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » découle de cette représentation universelle. Le haut et le bas sont deux triangles réunis par l’axe de l’ancre et entre lesquels s’enroule le serpent symbole de la vie terrestre qui s’y cristallise. Le triangle haut à pour base la traverse en bois appelée la trabe.

 

Formant une croix de Saint-André, nous avons une gaffe pointe en haut signifiant le pouvoir d’action sur la ligne par le chevalier des mers, qui recroise un trident symbole du pouvoir divin et les trois voies initiatiques (ou les trois mondes minéral, végétal, animal pour les tenant de la grande Nature) qui ont présidées à l’armement aquatique du chevalier.

 Au croisement des trois axes et donc « en abîme » au sens héraldique et précisément au centre du Chrisme, nous avons une couronne « Exotique » dans son ramage ou plumage, marquant le bouleversement des valeurs.

 

Traditionnellement la couronne exprime la procuration et la légitimité divine du roi et de son action ici-bas. Le Roi agit au nom de Dieu. Ce n’est pas la couronne de Neptune ni d’Amphitrite, mais celle du capitaine de bord.

« Couronnant » le centre, une couronne, un zodiaque « indigène » et donc de l’autre monde, marque le changement de centre légal et spirituel. C’est l’illustration de la dépolarisation des hommes et de leurs systèmes référentiels. Ainsi l’horizon terrestre de l’hémisphère Nord cède la place à un horizon maritime en relation avec un nouvel horizon céleste.

 

On remarque que le centre de la croisée du chrisme correspond au centre « intérieur » de la couronne, on peut évoquer ici la notion d’ordre intérieur. Ce centre intérieur peut s’atteindre par la plongée sous la ligne de l’équateur. Ce passage dans l’épreuve permet non pas de dépasser la circonférence pour aller « au-delà » mais plutôt d’atteindre le centre de soi. Nous resterions ainsi dans le monde des petits mystères.

 

 La couronne est le symbole du pouvoir royal « indigène » qui s’exerce par délégation du Dieu tutélaire représenté par le trident de la Connaissance (pouvoir Sacerdotal, Royal et Artisanal) et dont le moyen d’action sur son royaume sera la gaffe (pouvoir artisanal du marin) qui permet le passage sous la ligne. Ledit territoire sera défendu par le chevalier (pouvoir Royal).

Le Roi est l’envoyé de Dieu. Sur l’arche flottante sur le Nouveau Monde des eaux « intérieures » c’est le Capitaine-Roi.

Le chevalier des mers agira par délégation du Roi est sa lance sera une gaffe. Il sera artisan devenu chevalier comme en franc-maçonnerie dans les grades de transition où le maçon porte la truelle et l’épée pour la defense d'un centre spirituel.

 

Enfin en Alpha nous avons le Soleil et en Oméga la Lune affirmant l’empire des cycles ancestraux et de leurs rôles sur les éléments et leurs transformations (marée évaporation cristallisation, etc.). C’est aussi l’expression des deux lumières, la solaire et la mariale.

Deux étoiles sont présentes en symétrie, la première serait l’étoile des initiés (polaire) la seconde celle des mages (sud), mais étant placées à l’est et à l’ouest au plus bas sur l’horizon, elles représentent deux mondes différents avec deux horizons symétriquement opposés. L’étoile sous la ligne de partage des eaux marquée par le Soleil et la Lune est une allusion à l’inversion du système référentiel. Vue de l’hémisphère Nord cette étoile des antipodes (sous la Lune) devrait être représentée par un pentagramme inversé (étoile des mages),  c’est soit une erreur du graveur dénotant un point de vue profane soit que le rituel de passage ne permet pas d’accéder aux voies d’actions.

 

Le cheminement descendant du marin se fait donc entre Lune et Soleil jusqu'à « connaître » les deux étoiles qui sont mises pour les deux hémisphères et les deux mondes. Si la Polaire est connue, il n’y a pas d’étoile du Sud remplissant la même fonction de guide, ou de point fixe dans la mouvance. Donc cette étoile, ce point fixe, est dans l’Arche elle-même, au pied de son mat central. Elle s’incarne dans celui qui donne le cap, le Capitaine seul maître après Dieu.

Cette étoile est celle des voies d’actions propres à l’homme sur le groupe, relative à la potentialité cachée de l’homme.

 

Symboliquement le capitaine couronné « connaît » le chemin pour le passage et pour le retour. Il est le mage et suivant le trident, le « trois fois mage » qui suit l’étoile avec laquelle il entre en « sympathie ». Cette nouvelle étoile aux antipodes ou à l’inverse de celle du Nord et complète la connaissance de l’homme cheminant sur les mers intérieures et les océans dans le but de relier deux rivages, celui du haut et celui du bas…

 

Malheureusement, si le tampon révèle globalement la potentialité initiatique du symbole du passage de la ligne, le rituel semble dégrader l’intention initiale dans une démarche autarcique au groupe, de nature finalement descendante, relatant les potentialités grégaires de l’homme réuni autour du Mage ou sorcier.

La rituellie serait ici de nature chamanique, relative aux états inférieurs de l’être plutôt qu’initiatique.

En effet un rituel initiatique s’attache, après une descente, à une remontée vers la lumière et à l’élargissement de l’esprit. C’est ici le point de vue du franc-maçon qui se retrouve frustré de ne pouvoir poursuivre le rituel plus loin et plus haut.

 

Nous envisagerons, dans une prochaine parution, les différents aspects du rituel de passage de la ligne, en tachant de décrypter sa finalité profane ou initiatique.

L’intégralité du texte paraitra dans la RDM n°7

E.°.R.°.

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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 00:00

Le passage de la ligne...      

Tampon de bord attestant de mon passage de la ligne –

avec le soleil et la lune…       tampon-de-la-ligne-.jpg
     

Le passage de la ligne

 

Il y a 20 ans, j'effectuais mon service militaire dans la marine. En signant un engagement de deux ans, j'ai eu l'opportunité d'être embarqué outre-mer sur un aviso escorteur, le commandant Bory. Durant ce temps, j'ai par trois fois franchi l'équateur, la ligne mythique séparant les deux hémisphères.

 

Dans le sens nord-sud, ce moment a été à chaque fois l'occasion d'un rituel bien connu par tous les marins, appelé « passage de la ligne », ou encore « baptême de la ligne ». 

C'est ainsi que je suis passé de l'état de Néophyte, à celui de Chevalier de la ligne et enfin, lors de mon troisième franchissement, à celui de Dignitaire des mers du Sud.

 

J'avais vécu cet événement comme un bizutage éprouvant la vaillance des marins, voire une manière de souder l'équipage. Même si, comme vous allez vous en rendre compte, ce baptême n'était pas une partie de plaisir pour les néophytes, j'en ai tiré une certaine fierté, car par ce passage j’étais reconnu des anciens marins. Je faisais partie d'une confrérie de métier.

C'est le passage de jeune matelot à celui de marin, comme il existe le passage d'adolescent à celui d'homme. 

 

Bien plus tard, après mon entrée en F :.M :., ce baptême, ce passage de la ligne a eu un nouvel écho en moi. À travers le prisme du symbolisme, je me suis aperçu que ce que j'avais vécu n’était pas dénué de sens, et cela malgré les apparences. J’y ai retrouvé des similitudes avec l'univers maçonnique, même s’il s’agit d’un passage et non pas une initiation. *

*commentaires

 

Mise en condition

 

Impossible de passer à travers, tout marin qui franchit pour la première fois la ligne de l'équateur doit être « baptisé » afin d'expier tous ses péchés d'avant... Dans la marine Nationale, les festivités durent quatre ou cinq jours (dans la marine marchande un seul jour).

La hiérarchie à bord est chamboulée. Il n'y a plus de grades, il n'y a plus que deux catégories de marins, les néophytes et les dignitaires.

Il est très mal vu, et cela pourrait briser sa carrière, qu'un jeune officier essaie de se soustraire à ce rituel. Il en va de même pour d'anciens marins ayant effectué leur travail en métropole, se retrouvant en fin de carrière néophyte.

L'ordre établi n'a plus lieu et c'est un temps suspendu, inversé, qui débute ; un carnaval en pleine mer. Coupées du reste du monde, en vase clos total, les épreuves se déroulent 24 heures sur 24.

Il est possible de faire une comparaison avec les rituels de puberté des tribus primitives où les futurs hommes sont privés de nourriture, mis à l'écart de la tribu, et soumis à diverses brimades. Pour les religions non occidentales, la mort n’est pas une fin mais un rite de passage, selon Micéa Eliade : « La grande initiation ».

Durant quatre jours, les « néos » sont préparés psychologiquement à leur baptême. Malmenés, ils doivent manger à même le sol des repas immondes. Privés de nourritures saines, leurs sens sont altérés en étant bâillonnés, attachés, les yeux bandés des heures durant. Il leur est interdit de regarder ou même d'adresser la parole à un dignitaire sans son autorisation. Ils sont marqués sur le front d'un « N. » pour rappeler leur état.

J'y retrouve des similitudes avec le moment où, dans le cabinet de réflexion, le profane n’est plus rien, mis à l’écart, sous terre.

 

Cette mise au ban de la société est là pour signifier le passage du matelot à une partie du monde inconnue.

Tout comme certains peuples archaïques qui teintent leurs corps en blanc, les corps des matelots seront recouverts de farine à la fin de la cérémonie finale signifiant l'état cadavérique.

Pour s'élever, il faut toucher le fond, passer de l'immonde à la pureté.

Quatre jours à veiller sans fin, à répondre aux ordres les plus absurdes, et à connaître la souffrance qu'ont connue les vieux marins.

Le sentiment du moi, équivalent de la mort, s'efface devant le sentiment d'appartenir à une communauté, à un tout. L'espace temporel devient espace initiatique.

 

Cette épreuve d'avant baptême est à mettre en parallèle aux voyages de l'apprenti. Il nécessite une transformation du soi, une découverte de son moi profond. Ce chaos psychique symbolise le chaos précosmogonique avant la création du monde.

 

C'est ainsi que j'ai vu des « grandes gueules » s'effondrer devant ces brimades, des colosses pleurer la nuit leurs mamans, et d'autres à l'allure fragile supporter les épreuves sans faillir.

 

Dans l'histoire

 

Le rituel du passage de la ligne remonte aux premières traversées de la marine à voiles. En ce temps-là, en plus de donner un nouvel état aux jeunes matelots, cela venait exorciser les peurs du franchissement de la limite d'un monde totalement inconnu. Un inconnu bien réel, déboussolant car les marins perdaient leurs repères d'étoiles et leur nord. La peur de tomber dans le néant était réelle ; un monde inversé avive les plus grands fantasmes.

À cette époque, il semble que le rituel était limité à l'immersion par des seaux d'eau de mer.

Une purification par l'eau dont le principe est bien connu, l'eau, unique élément et seul horizon pour les marins pendant des semaines.

 

Ce passage devait leur faire prendre conscience d'un ailleurs, d'un Nouveau Monde. Ce rituel était certainement la réponse au mythe universel de la fin du monde qui n’est jamais définitive, elle est généralement suivie d’un Nouveau Monde régénéré. Et pour marquer les esprits, il faut bien signifier ce passage. Pour que le marin soit imprégné de ce passage, il va devoir endurer mille épreuves. Dans la marine de tourisme, parfois il existe une petite cérémonie de passage de l'équateur où l'on propose aux passagers de boire une gorgée d'eau de mer... Il est évident que cela devient du folklore et n'a plus aucun sens.

Peu à peu, dans la « royale » ce rituel s'est apparenté à un Carnaval, sans pour autant en perdre son sens initial.

Le rituel que j'ai vécu a été peu à peu codifié dans la marine française sur les premiers navires modernes. J'ai retrouvé le texte du discours de Neptune reproduit par le magazine officiel de la Marine nationale, Col Bleu.

Je suis sûr que certains éléments ont perduré depuis le XVe siècle, âge d'or de la marine à voiles et de la découverte du Nouveau Monde. L'élément principal conservé est la présence de Neptune et Amphitrite dans le rituel.

La réactualisation d'un mythe, nous retrouvons là un thème que nous avons abordé précédemment dans le texte intitulé « le sacré et le profane ». (voir Revue Du Maçon n° 5)

 

La convocation

 

La cérémonie du passage de la ligne est largement théâtralisée. Quelques marins hors cérémonie assurent la sécurité minimale, mais le pouvoir est confié aux anciens suivant leur expérience dans les mers du Sud. C'est ainsi qu'un vieux bosco prendra la place du commandant, le maître d'armes se travestira en Amphitrite, un timonier deviendra Neptune, etc.

Car pour avoir le droit de franchir la ligne il faut en demander l'autorisation au Dieu des mers Neptune (Poséidon).

 

Une nouvelle épreuve attend les néophytes.

Un jour avant le passage, ils doivent venir chercher leur convocation pour se présenter devant Neptune.

Cette convocation, un bout de papier de quelques centimètres, est placée entre les fesses d'un facteur, rôle joué généralement par un homme d'équipage bien charnu, lesquelles fesses ont été au préalable enduites d'aliments dont les dates de consommation ont été largement dépassées. Pour compliquer la tâche, la missive doit être collectée, les mains attachées dans le dos, comprenez avec la bouche et les dents.

 

Jour du passage

 

Le réveil se fait avec un cinglant « Tremblez, Néophytes... ». L'ensemble des « néos » se retrouvent à l'avant du navire où ils doivent essuyer des heures durant un grain, annonçant l'entrée dans le royaume de Neptune et de son épouse Amphitrite. Ce « grain » est symbolisé par des jets d'eau de mer bien réels déversés sur les matelots à l'aide de lances à incendies.

Au point de passage exact de l'équateur, le bateau s'arrête et le plus jeune néophyte aidé d'une gaffe soulève la ligne imaginaire afin que le bateau puisse passer dessous et verser dans l'autre hémisphère.

Puis Neptune et Amphitrite montent à bord pour vérifier que tous les marins sont bien des dignitaires. Il est facile d’y  voir la similitude avec la couverture d'un temple maçonnique.

Neptune lit alors le discours suivant :

 

« En ce... jour de l'an de grâce..., moi, Neptune qui suscite les tempêtes et commande les flots, je vous souhaite la bienvenue, o fiers navigateurs. Vous ayant aperçus dans la flamboyante ondée du majestueux Phoebus, "Mercure", rapide messager m'annonce l'audacieuse intrusion de votre nef aux confins de mon royaume. Et la fidèle Iris m'informe que vous êtes l'équipage de... et que vous venez de France. Soyez mes hôtes d'un jour ». (du Commandant au matelot, Neptune saluera toutes les catégories de personnel du navire).

« Mais que vois-je?

Quel est cet infâme troupeau de bestiaux !! Sont-ce des néophytes que vous m'offrez donc là? Oh !! Vile multitude, craint mon regard divin, Craint mon juste courroux ! Infâmes pourceaux, inclinez-vous devant ma majesté !
Abjecte engeance qui ose souiller ces lieux sacrés et en cet état paraître
Tremblez ! Tremblez Néophytes 

Vous allez subir un baptême purificateur qui permettra peut-être de passer de l'état de non-être à celui de Chevalier des Mouillés, Colorés et Enfarinés. Gendarmes, veillez que pas un n'en réchappe. Juges soyez implacables, faites passer ma justice sans faiblesse. Cireurs et infirmiers mettez de la couleur et appliquez les potions. Fiers sauvages de la tribu des Oula Oula Sa Fait Bobo, noyez-les tous, je reconnaîtrai peut-être les miens. Boulangers, appliquez la blanche pulvérence et humectez-la bien de l'ovoïde produit de nos sociétés aviaires. Il faut que ça colle.
Quant à vous, heureux mortels, profitez pleinement de ce jour de liesse. Je vous souhaite agréable compagnie et plaisirs raffinés. Ma divine protection vous accompagnera jusqu'au terme du voyage. Et peut-être même qu'il fera beau le jour de l'arrivée.
Bonne mer et bon vent !
Venez, chère Amphitrite, que vos chastes paupières dévoilent vos beaux yeux afin qu'ils se réjouissent de cette intronisation salée.
Et maintenant que la fête commence, car tel est notre bon plaisir ! »

 

Le baptême

 

L'un après l'autre, les matelots vont passer devant plusieurs ateliers symboliques encadrés par les gendarmes.

Le Juge qui va signifier une sentence suivant les fautes à expier de sa vie d'avant.

L'avocat, pas toujours de bonne foi, viendra amoindrir ou alourdir la sentence.

Les néophytes devront baiser les pieds de la belle Amphitrite.

L'évêque aidé des enfants de chœur viendra en aide aux condamnés en leur donnant la communion et l'absolution.

L'infirmier procédera à la visite médicale et à l'ingurgitation des potions nécessaires à l'entrée dans les mers du Sud.

Les barbiers raseront les « néos » de très près.

Les mécanos et les cireurs enduiront les corps des infâmes de graisse et de cirage.

La tribu des sauvages installés dans une piscine d'eau de mer a pour mission de faire boire la tasse par trois fois aux matelots en les immergeant, longtemps, longtemps.

Le néophyte sorti de la piscine est confié aux boulangers qui l'enduisent copieusement de farine.

 

Je vous l'accorde, on est loin d'une spiritualité d'élévation, et pourtant...

Je suppose que de telles pratiques existent dans tous les corps militaires.

Là encore, on peut voir une légère similitude avec une loge maçonnique et ses postes  d’officiers.

Je ne suis pas ici pour dire si un bizutage est bon ou mauvais, mais pour faire partager mon vécu.

Ce moment a compté pour moi, je pense en avoir retiré le bon message.

Par la suite, cela a soudé l'équipage, et quelques brebis galeuses ont été découvertes. Nous avons été confrontés, durant cinq jours, à des conditions difficilement acceptables dans un autre contexte, mais nous étions fiers d'être Chevaliers des mers. Pouvoir compter sur l'autre, c'est une nécessité en mer ; en cas d'incendie ou d'avarie, rien ne sert de composer le 18 ou le 112 pour appeler les secours, l'équipage ne peut compter que sur lui-même. 

 

Après mon entrée en F :. M :., ces instants enfouis dans ma mémoire ont resurgi sous un nouvel angle. 

 

Le passage – limite

En ritualisant le passage de l'équateur, les marins ont sacralisé ce moment. En revivant les mêmes brimades que leurs aînés, les jeunes matelots entrent ainsi dans la grande lignée des marins qui sont allés au-delà des mers, vers l'autre monde. C'est ainsi pour toutes les fêtes annuelles, elles réactualisent un mythe et ainsi nous plongent dans un temps suspendu. La question qui se pose est celle de la ligne et de la limite…Que se passe-t-il au-delà ?

 

  Chr.°.Mart.°.   

 

 

 

Commentaires (premiere partie) :

 

Le rite est l’indispensable vecteur de la transmission de la tradition ésotérique ou exotérique.

 

Un rite à pour fonction de révéler au cherchant, une voiesacrée s’il est initiatique ou de rendre compte d’un certain état humain s’il est profane. Il implique un ordonnancement, un processus dramatique précis,  pourvu de sens. Sa fonction consiste à faire voir ou ressentir les chemins qui conduisent aux états supérieurs de l’être. Ainsi il est recherché le dépassement des limites strictement humaines individuelles ou égotiques.

Un rite peut entraîner la mise en œuvre de plusieurs rituels (D’ouverture des travaux, de fermeture des travaux, de tenue funèbre, de tenue solsticiale, d’augmentation de salaire, d’exaltation, etc.), Les rituels peuvent se décomposer en rithèmes (baptême par l’eau, ou par le feu, recomposition élémentaire, mort-renaissance, ingestion, transpercement, marche, envol, descente, etc.). L’ensemble mis en œuvre agit sur des leviers subtils conscients ou inconscients qui selon René Guenon sont susceptibles de transmettre une influence spirituelle.

Un rite initiatique se fonde sur une expérience, un vécu in situ, induisant une métamorphose du regard associé à un recommencement, mais le rituel est dit « de passage » s’il y a un vécu commun d’intégration et le sentiment d’appartenance  à un groupe ou à une classe sociale. Le rite réduit à un rituel de passage correspond généralement à un continuum sociétal et profane.

Le rite initiatique infère un ou plusieurs rituels de passage, mais un rituel de passage isolé n’est pas nécessairement initiatique.

Le rite comprend une succession de rituels qui se jouent en fonction d’une période de l’année et/ou en fonction d’un lieu approprié. La période et le lieu ont pour but de faire revivre un processus ontologique pour l’initiatique, ou une mise en situation ad hoc pour le rituel de passage. Ainsi le rituel de la Saint Jean d’été est un rituel de passage de la lumière solsticiale strictement initiatique pour les francs-maçons qui l’intègre dans un rite maçonnique des loges de Saint Jean. Ce rituel de la Saint Jean est alors une partie du rite maçonnique qui va justifier l’orientation de la Loge calculée en interdépendance avec la place des colonnes marquant le couché du soleil au solstice d’été et d’hiver. Vécu dans les campagnes et particulièrement en Provence ce rituel bien que traditionnel et ancestral n’était pas initiatique pour ceux qui le vivaient. Il n’est alors qu’un vestige fragmentaire de rituels initiatiques antiques bien plus vastes. Il est rendu à une dimension sociétale intégratrice ou l’on démontrait la bravoure des jeunes gens en sautant au-dessus du feu. Il était un repère traditionnel coutumier de type « ritus » pour le basculement des saisons et en ce sens porte un message exotérique de première importance.

 

Le rituel de passage s’attachera à faire passer l’individu d’une rive à l’autre. Il y aura donc un avant, et un après.

Assister ou être acteur d’un rite c’est participer activement à la transmission de celui-ci. Son but est le réveil ou l’éveil d’une conscience individuelle dans un rapport au collectif. La participation collective à un rite d’éveil de la conscience crée un phénomène de cohérence et d’osmose entre les individus.

De cette participation collective, née ou émane un égrégore, c'est-à-dire une entité mentale consistant en une mise en commun d’un ressenti fondé sur l’expérience individuelle partagée.

Ainsi l’individuel intègre le collectif. Par voie de conséquence l’expérience devient collective.

 

L’expérience commune et corporatiste d’un rite de passage est la signature de l’adhésion de l’individu au groupe et de l’acceptation de ce dernier par l’institution. Cette expérience d’adhésion mutuelle se fait par une ou plusieurs épreuves ritualisées, institutionnelles et ancestrales, et constitue un rite de passage essentiellement corporel. Son but est d’intégrer l’individu dans une chaîne de transmission.

Ainsi l’intégration au collectif se fait à deux niveaux : horizontale en intégrant l’individu au groupe ici présent,  verticale en intégrant l’individu à ceux qui ont précédés dans le temps et à ceux qui suivront.

L’intégration se fera par l’élément qui caractérise le groupe, ici l’eau de mer considérée comme le « vêtement » de la sphère maritime. L’aspersion par l’eau salée remplit une double fonction d'enveloppement et de coagulation.

C’est en éprouvant le corps par ses sens  et par voie de conséquence son « état d’âme » que l’on imprime au plus profond de soi la notion d’appartenance et de conscience partagée. Nous savons que le passage de l'experience à la conscience se fait par les sens qui activent l'âme.  De l’expérience partagée par l’eau de mer on passe à la conscience partagée qui est symbolisée par le sel qui va cristalliser. La cristallisation représentant un état de conscience commun.

L’épreuve « sabre » l’innocence des « Néos-néophytes »représentée par l’eau douce du Jourdain (d’où l’expression marin d’eau douce ???).

On fait appel aux Dieux représentatifs de cet élément (Neptune et Amphitrite), avec l’assistance des représentants « carnavalesques » des trois castes initiatiques : l’autorité sacerdotale (évêque), la chevaleresque (gendarme) et l’artisanale (boulanger). Chaque autorité est revêtue de son habit symbolique. (Le lien entre Neptune et les trois voies initiatiques se fait par le trident présent sur le tampon.)

Donc un rite qu’il soit de « passage » ou « initiatique », infère derrière la notion d’épreuve et parfois d’humiliation apparente et d’appréhension, une vérité cachée. La peur, l’éblouissement, les larmes, les épreuves en général sont les bornes d’un processus d'élaboration alchimique interne.

Cet aspect doit être considéré comme vital pour l’équipage. Il met en balance l’individu et le groupe embarqué vivant en milieu confiné et affrontant les éléments. C’est ici que nous pouvons faire une distinction claire entre un rite initiatique et un rite de passage. Ce qui est en cause, c’est la capacité de progression de l’humanisation de l’homme.

Pour un simple rite de passage, cette humanisation consistera à l’abandon de l’innocence du néophyte dans l’épreuve pour assumer son rôle social dans et pour la tribu. Sur le fond il s’agit de servir une utilité collective relative à la survie du groupe entraînant un abandon de souveraineté individuelle. Ici la maison est commune et chacun s’affaire à la survie collective. On est dans une recherche de protection.

Pour un rite initiatique, l’épreuve sous-tend une recomposition. L’humanisation de l’homme s’accompagne d’une élévation spirituelle. Après une mort symbolique, il ne perd rien de sa souveraineté individuelle, mais consacre sa réflexion et son action à grandir vers la lumière. Ici chacun participe dans sa maison à l’œuvre commune. L’initiation maçonnique est une initiation individuelle dans une cadre collectif, chacun s’affaire à l’humanisation de l’Homme par divers moyens, dont la spiritualité. On est dans le construction d’une Œuvre perçue sur un plan de réalisation individuelle dans une perspective de libération ou de délivrance. Cette Œuvre est la reconnaissance des chemins de vie qui mènent à l’Unité.

Un simple rite de passage (tribal corporatiste et opératif) ne doit pas aboutir à grandir l’individu en dehors de l’Œuvre du groupe (exemple la cathédrale à bâtir). L’individu est dévoué à l’œuvre du groupe organisé. Le groupe est l’unité et son Œuvre est à son image. L’individu n’existe qu’au service et au renforcement du groupe. La vie s’envisage et se célèbre dans son unité de base qui n’est pas l’homme, mais le groupe.

Inversement un rite initiatique (franc-maçonnerie spéculative) va faire grandir l’humanisation de l’individu en regard et grâce au groupe. Dans ce denier cas l’individu devient le Tout et son gardien-bâtisseur (reconstruction du Temple de Salomon). Les deux aspects sont complémentaires c’est d’ailleurs le seul moyen de réconcilier les opératifs et les spéculatifs. La sacralité et la spiritualité fut-elle laïque sont de puissants moteurs de transfert du corpus agissant des rites et rituels.

C’est sur ce mode opératoire groupe /individu que se sont élaborés les Rites maçonniques primitifs de transition. On tenta d’allier le groupe et l’individu tendant vers l’esprit élargi. Ce fut la tentative louable, de transmettre les sciences traditionnelles pour les mettre au service d’un humanisme fin connaisseur de la tradition. La scolastique et son trivium – quadrivium constituaient déjà une échelle initiatique où l’homme restait architecte de sa vie et de son ascension vers le visage du divin, l’humanisme l’émancipa du groupe et de la lecture dogmatique. Les différents courants de la science hermétique virent se déverser dans l’athanor de la loge. Apparurent les tendances rationalistes et les tendances magico-occultes qui émargèrent la démarche spirituelle (sans la perdre de vue).

Il n’en demeure pas moins que la démarche initiatique est une réflexion spirituelle basée sur la Vie. Cette « réflexion » telle un miroir met en relation le haut et le bas dans une relation de causalité que l’initié devra décrypter.

« Il n’y a pas d’autre initiation que la vie » disait Robert Ambelain.

(…)

Avant d’aller plus loin, il convient de fixer le problème de l’humiliation et du bizutage dans le rite de la ligne.

Il y a de très beaux rites de passage qui sont mal joués par des acteurs qui ne les ont pas compris. Le rudoiement du corps a pour but d’atteindre l’âme et l’esprit, mais il est inutile d’humilier pour faire grandir. Ainsi on se bornera à remettre en cause l’aspect rayonnant ou apparent du corps et touchant au plus prés la source de son rayonnement. Ce qui peut expliquer le dévêtement partiel, le poignard sur le cœur, etc. Au plan initiatique, cette source sera approchée et activée par le réordonnancement des 5 sens, le néophyte prendra conscience de l’existence d’un corps périssable et d’une âme qui l’anime et assimilera la lumière à l’esprit.

Le rite de passage non initiatique rudoie le corps pour que le groupe s’en empare, la scarification tribale comme le tatouage en sont des stigmates extérieurs.

Inversement en matière initiatique nul besoin d’humiliation qui anéantirait la présence de l’humain dans l’homme. Mais cependant le respect du devoir peut aller jusqu’au sacrifice de soi. Le sacrifice n’est pas une humiliation et correspond à un passage ultime.

Toutefois les véritables épreuves vécues au front appelé « ligne de front », sur mer comme sur terre, dépassent allègrement le stade du bizutage. L’individu incapable de « passer la ligne »n’a probablement pas sa place dans un groupe en situation de combat. Le dépassement psychologique s’associe à une survie qui ne se conçoit pas en dehors du groupe et qui probablement élimine plénitude égotique et l’individualisme.

Pour finir l’humiliation est un sentiment temporaire pour le néophyte qui sera vite remplacé par le sentiment d’appartenance. C’est ici la preuve qu’un rite de cette nature n’est pas initiatique, car il ne débouche pas sur l’élévation spirituelle. Enfin le sentiment d’humiliation de restera dans l’esprit que de ceux qui n’ont fait qu’assister au rite sans le vivre comme expérience ce qui est théoriquement impossible, car tous ceux qui franchissent la ligne doivent vivre cette épreuve. Il ne reste plus que ceux à qui on le raconte qui le verront comme humiliant, car ils n’appartiennent pas au groupe des chevaliers des mers.

(…)

Outre la définition des critères distinguant un rite initiatique d’un simple rite de passage, il convient de découvrir le sens caché du pseudo « dépassement » de la ligne en regard du périple.

Il s'agit du problème non pas de la « ligne », mais de la « limite » et de ce qui se passe au-delà ou plus précisément après.

Si je passe la ligne-frontière, j’aborde un monde inconnu.

Se pose alors la problématique du système référentiel adapté à un nouveau milieu. Ce système référentiel est le fruit de la représentation mentale à partir d’une « connaissance » transmise. Le système référentiel du véritable marin est différent de celle du néophyte. Cette différence justifie le rite de passage qui « réaligne » les systèmes référentiels.

Si un système référentiel sert à l’individu comme au groupe à se situer dans espace-temps et dans un univers donné, alors il nous faudra parler du Nord. (Et du rite du passage corrélatif du cercle polaire !)

L’élément clef du passage de la ligne repose sur une dépolarisation/repolarisation. (Représentée sur le tampon par la présence de deux étoiles)

La représentation mentale intègre de manière dissimilée le changement de pôle et de repère.

Ce changement implique le changement de loi, l’inversion symétrique des sens en regard du plan équatorial et de l’axe Nord-Sud. On assiste alors l’extériorisation de l'imaginaire et intériorisation du réel (charivari des valeurs), et bien sûr à la mise en abîme de l’homme parcourant le grand schéma avec notamment la notion de chute et de remontée (représentée sur le tampon par l’ancre et son cordage serpentiforme équivalent de l’axe ou du fil à plomb).

 (…)

Il sera intéressant d’établir des ponts et des symétries.
Mais peut-on s'affranchir d'une limite ou ne fait-on qu'y tomber? Celui qui repassera la ligne dans l’autre sens sera nommé chevalier des mers voir dignitaire...    

N’est pas chevalier qui veut !

Dans notre prochaine publication nos développerons ces différents aspects, "au fil de l’eau", en commençant par l’analyse de la flamme-tampon attestant du « passage ».

ER (suite prochaine parution)

 

 

1)Il existe traditionnellement trois voies initiatiques qui sont la voie sacerdotale, la voie royale, la voie artisanale.

2) En tant qu’expérience mentale et physique de partage  entre frères, l’égrégore subsiste dans chacun des participants après la tenue en loge et se régénère à chaque tenue.

 

 

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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 23:40

 OUVERTURE DES TRAVAUX AU REP    

Devoir de mémoire portant sur l’ordonnancement du monde, la rénovation de l’Œuvre, la marche des cycles de la Vie.

 

(L’ouverture des travaux sera principalement traitée dans la profondeur ésotérique du « commencement ». Il existe d’autres interprétations.)      

 

 

 

Ouvrir, c’est commencer, c’est découvrir le secret de la vie et du monde, tenu à couvert derrière la porte du Temple.

La Loge reste un lieu d’élaboration d’un soi identifié à l’Œuvre à accomplir. Cette Œuvre suit des plans devenus lois et règles que les compagnons du Devoir, fils de la lumière et enfants de la Veuve s’attachent à exécuter…

Chaque ouverture des travaux est une genèse pour soi et en soi. Il s’y joue le mystère de la lumière Johanique, créée et incréée, née de la ténèbre originelle et ordonnatrice du Chaos. Le mystère se rejoue là sous nos yeux à chaque ouverture des travaux…

Le franc-maçon est attentif à une Nature plus ésotérique que jamais et dont il tente de percer les mystères de l’origine et du retour. Pour lui la nature est la grande matrice et suivant sa sensibilité manichéenne ou théosophique s’assimile au Divin lui-même. La grande nature est synonyme d’origine et de commencement. Ainsi il l’observe renaissante comme lui-même au contact de la lumière. Le franc-maçon oriente la loge et met en scène les cycles lunaires, solaires et solsticiaux. Il imite le mouvement des sphères planétaires et astrales, étalonne et mesure la matière et l’harmonie des formes, codifie son langage secret en fonction de la parole originelle, élabore un tableau de loge qui est l’arcane du grade écrit en symboles, établi les correspondances qui le mèneront dans la verticalité du Principe.

Le rituel d’ouverture montre à l’apprenti ce qui est caché au-delà des apparences profanes et qui concerne l’origine du monde et de la conscience humaine.

 

L’ouverture se fait en trois étapes : 1) l’arrivée des Frères et de la Lumière primordiale en loge, 2) l’ouverture de la loge,

3) l’ouverture des travaux.

Ces étapes sont marquées par la frappe maillet(1) du Vénérable répété par les Frères Surveillants.  Le maillet symbole de l’autorité et de l’ordre, rappelle aux Frères qu’ils doivent suivre avec humilité et rigueur(2) les préceptes de la Franc-maçonnerie. Un triple coup ébranle la tranquillité de la loge et va animer l’espace. Rappelons que la loge en matière organique est une cavité qui protège et héberge un organe(3) vital. Ce point n’est pas sans intérêt pour qualifier la production(4) de la loge et l’identification de l’individu à un groupe organique(5) qui invoque, élabore et travaille(6) à la lumière de l’initiation.(Qui, faut-il le rappeler, est au REP la lumière de Vie de Saint-Jean l’évangéliste.)

 

Le Vénérable - À l’Ordre mes Frères; aidez-moi à ouvrir la Loge générale d’Apprenti. Frère 1er Surveillant, quel est le premier devoir d’un Maçon en Loge?

Le terme de loge générale(7) vient du lieu de réunion universel des maçons opératifs au moyen-âge où l’art de la construction sacrée est enseigné au sein d’une corporation qui grâce au devoir qui l’anime a obtenu le privilège de sa liberté. Cette liberté s’envisage sur un double aspect : la liberté de circuler dans et hors de l’espace sacré et la liberté de penser dans le temporel et l’intemporel. Le maçon est homme de devoir, héritier des Anciens Devoirs et Obligations du Régius en 1390 et du Cooke en 1410 et conserve en mémoire la première phrase des constitutions d’Anderson de 1723 « Un maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la loi morale ».

 Le local où ils se réunissent doit être aménagé à l’image du cosmos afin de permettre la préparation d’un évènement de première importance : la réception de la lumière et la lecture du plan(8). Cet aménagement « universel ou général » est une mise en ordre au milieu du chaos profane.

Il s’agit d’ouvrir les travaux en loge qui logiquement vont suivre l’ouverture de la loge.

 Ouvrir la loge c’est s’ouvrir soi-même, ouvrir son esprit, accepter de créer une brèche(9) dans notre moi égotique qu’une lumière venue d’en haut viendra éclairer. Ici la lumière initiatique (ou lumière vitale) viendra illuminer et donc « animer(10) » notre âme (premier degré).

Le Vénérable demande le concours de tous les Frères pour parvenir à cette ouverture difficile qui évoque la recréation du monde et l’ouverture de soi.

Ensuite il demande quel est le premier devoir d’un franc-maçon en Loge. Le rituel parle de « premier devoir » laissant entendre qu’il en existe d’autres, mais que celui-ci à un lien avec la loge générale.

 Les devoirs qui sont les siens découlent de ces deux libertés liées à la corporation du métier qui ne doit pas s’entendre au sens vulgaire, mais au sens symbolique. La « corporation du mestier » est l’incorporation(11) de l’homme à une voie initiatique travaillant à la transformation de la matière jusqu’au chef d’Œuvre.

Il semble que le devoir ici soit le principe opératif de la loge dans sa mise en fonctionnement. Tous les Frères sont tributaires d’un devoir qu’il conviendra de définir. Évidemment le rapprochement se fait avec les compagnons du Devoir qui au nom du Devoir, et donc de leur liberté, ont fait fleurir les plus beaux édifices d’Europe. Le devoir s’exprime à tous les niveaux, dans le fonctionnement de la loge comme aux postes occupés par chacun. Alors le devoir devient charge(12)et suppose alors une vocation dans l’oubli de soi.

L’honneur et l’orgueil d’occuper une fonction ou de tenir un maillet disparaissent à l'aune d’une charge à accomplir au profit de la loge. L’ego de l’individu va disparaître dans les obligations personnelles et collectives de la charge occupée. Rappelons que le devoir peut aller jusqu’au sacrifice de la vie comme le souligne la légende des Quatres Couronnées.

 

Le 1er Surveillant - Vénérable c’est de voir si la Loge est couverte extérieurement, et si nous sommes tous intérieurement Maçons et membres de celle assemblée.

Les travaux vont se dérouler à couvert, car avant d’être capable d’agir à l’extérieur il convient de rassembler les énergies à l’intérieur de la loge et donc à l’intérieur de soi.

Le premier devoir est donc de nous protéger de toute interférence profane afin d’apercevoir ce qui existe en nous. L’univers est si vaste que nous ne pouvons l’embrasser du regard, il nous reste la ressource de regarder à l’intérieur de nous-mêmes. C’est ainsi par analogie entre l’intérieur et l’extérieur et entre ce qui est en bas et ce qui est en haut que nous aurons une vision des règles et des plans utilisés par le Grand Architecte de l’Univers(13).

 

Le Vénérable - Faites y pourvoir. Mes Frères, quittez l’Ordre et prenez place

Cet ordre provient de l’Orient, il dit de se mettre en route vers le chemin de la réalisation de soi, en prenant sa place dans le grand ensemble ou chacun participe.

 

Le 1er Surveillant - Frère Terrible, vous avez entendu l’ordre du Vénérable. Assurez-vous si le Temple est à couvert(14) et si nous sommes à l’abri de tout profane.

Voici la preuve que le titre d’officier est lié à un office et non pas à un privilège. L’office s’inscrit dans l’ordre naturel des choses, l’officiant doit rétablir l’ordre au milieu du chaos profane.

Le Frère terrible va ouvrir la porte. Le symbolisme est très important, car il indique le passage entre deux états, entre deux mondes, entre le connu et l’inconnu, le profane et le sacré(15).

Cette porte est le passage qui permet d’accéder à une réalité supérieure. L’accès doit être refusé aux profanateurs potentiels qui sont ceux qui ne sont pas de la loge (ou qui ne travaillent pas en loge).

Les Frères Surveillants vont faire le tour de la loge en inspectant les colonnes.

Ils commencent leur tournée d’inspection en marchant sur l’Occident, lieu du coucher du soleil, en portant à main droite et sur le cœur le maillet de l’autorité qu’ils incarnent. Symboliquement, ils descendent dans la ténèbre du couchant pour remonter vers l’Orient très éclairé. Cette descente suivie d’une remontée est le signe de tout mouvement initiatique : il faut descendre aux tréfonds de soi pour enfin remonter à la vérité.(16)

Ils se croisent à nouveau, à l’Orient et redescendent prendre leur stalle pour éclairer de cette lumière orientale leurs colonnes respectives.

Les surveillants réfléchissent la lumière du Vénérable comme la Lune(17) réfléchit celle du Soleil. Le rapprochement de la descente dans les ténèbres et de la remontée à la lumière se retrouve dans l’entrée et de la sortie du cabinet de réflexion. Ce cabinet est dit de réflexion moins pour des raisons philosophiques que pour préparer au réfléchissement(18) à l’intérieur de soi d’une lumière que nous découvrons en Loge.

C’est donc un vrai privilège que nous offre la Franc-maçonnerie : voir en soi la totalité lumineuse du créé et de l’incréé. C’est ce qu’on appelle, découvrir la pierre cachée(19).

 

Le Frère Terrible - Frère 2e Surveillant, annoncez au Vénérable que la Loge est à couvert et à l’abri de tout profane.

Le Frère Terrible avant d’annoncer que la loge est à couvert a regardé à l’intérieur de lui-même, a agi et a écarté le profane en lui. Il nous invite à en faire de même.

Le secret est là, écarter le profane en soi permet de recevoir la lumière. La tradition parle d’un chemin à suivre. C’est pour nous inciter à un double mouvement intérieur et extérieur.(20)

Le Frère Terrible se met à l’ordre, l’épée à main droite pointe en l’air et garde sous le menton. Son positionnement dans l’axe de la lumière Orientale et son épée émettrice permet le dosage lumineux des colonnes en fonction des besoins de chaque frère. À chaque tenue ce frère interroge notre intériorité et écarte en nous le profane.

 

Le 2e Surveillant - Frère 1er Surveillant, la loge est à couvert extérieurement, et tous les Frères sur ma Colonne sont membres de cette assemblée

Cet ordre est répété au Vénérable par le Premier Surveillant. La parole circule comme l’énergie en loge de l’Orient à l’Occident et inversement. Soit, de l’esprit à la matière, du créateur à la création ; c’est une mise en harmonie qui implique le corps de chaque maçon dans la mise « en » ordre. Cette parole en tant qu’énergie créatrice circule, s’ordonne et porte le souffle de la vie. Ce souffle est une information qui n’a d’effet que si nous y sommes « ouverts », réceptifs. D’où l’expression « aidez-moi à ouvrir la loge ». Nous ne devons pas assister au rituel, mais assister le rituel. Nous y participons en nous levant et en nous mettant à l’ordre : par l’inspire et l’expire d’un corps à l’ordre, nous vivons le rituel, nous devenons le rituel.

L’ordonnancement sera visible dans le tableau ou tapis de loge posé sur le pavé mosaïque. Le pavé sous-jacent suggère l’alternance de la montée et de la descente du corps mis à l’ordre et de l’esprit mis en éveil. La circulation des flux(21) et des paroles entre l’Orient et l’Occident implique une notion de vécu et d’entendement de ce qui est exotérique ou ésotérique. À chaque situation une double interprétation s’invite. La première relève de l’attitude physique et de la description des apparences, la seconde relève d’une intériorité qu’on appelle l’éveil.

 

Frère 1er Surveillant, où se tient le Vénérable en Loge?

Le 1er Surveillant - À l’Orient, Vénérable.

Le Vénérable - Pourquoi, Frère 2e Surveillant?

Le 2e Surveillant - À l’exemple du Soleil qui commence sa carrière par cette partie du globe, de même le Vénérable s’y tient pour ouvrir la Loge et mettre les ouvriers à l’Œuvre.

La place du Vénérable est définie entre le Soleil et la Lune, soit incorporée dans la limite de l’univers « tangible(22) ». Sa position est haute en regard des colonnes du Nord et du Midi. Sa lumière est Aurorale, il attendra Midi plein pour « former et décliner le Verbe ». Tout ce qui est mis en place se fait pour accomplir l’Œuvre suivant la lecture du Plan.

 

Le Vénérable - Frère 1er Surveillant, à quelle heure s’ouvre une Loge régulière d’Apprenti?

Le 1er Surveillant - À midi, Vénérable.

Le Vénérable - Frère 2e Surveillant, quelle heure est-il?

Le 2e Surveillant - Midi plein, Vénérable.

Après la loge Générale et donc « Universelle », on parle d’une loge « régulière », qui donc est conforme à la loi et à la règle. Il y a une relation indéfectible entre ces deux notions. L’Universel(23) aux deux premiers degrés,  concerne l’Homme et se rapproche du latin « omnes » soit « tous » qui devient le Tout ou la totalité. Cela veut dire que l’Homme est la mesure de l’univers, il est donc à l’image du Tout et inversement le Tout est en lui.

Est « régulière » la loge qui suit la règle et qui à pris la mesure du Tout par ses membres. La règle est ici la loi universelle de la création. Donc l’Universel associe l’Homme à la Loi-Principe. Plus tard au grade de maître on parlera de « Loge Royale » en référence à la voie à suivre pour l’exaltation qui nous fera passer des petits mystères aux grands mystères.

C’est au Sud et à Midi que l’on perçoit la lumière la plus intense. L’homme y reçoit le maximum de la transmission énergétique. L’apprenti bénéficie de cet apport vital, lui qui, assis dans le froid septentrional, fait face à ce Sud encore lointain.

En travaillant à midi, le maçon est dans l’harmonie éclairée du cosmos. Il fait corps avec la création solaire dont il semble procéder.

À ce point sommital, il est hors du temps, dans l’instant suspendu de l’éternité. Puis, la marche cyclique reprendra son cours jusqu’à minuit, l’exact inverse de midi, soit le point suspendu dans les ténèbres et le silence(24).

La marche de l’apprenti sera donc une dynamisation de ces deux points sommitaux. Ce sera la marche de la vie renaissante partant de la Ténèbre et du silence vers un lieu plus éclairé.(25)

 

À midi plein tout est prêt pour que survienne un évènement :

 

Le Vénérable - Frères 1er et 2eme Surveillants, puisqu’il est midi plein et que la Loge est couverte, il est temps de l’ouvrir et de mettre les ouvriers à l’Œuvre. Annoncez sur vos Colonnes respectives que la Loge qui était fermée et qui est couverte va être ouverte par les Signes ordinaires. (L’annonce est répétée)

SUIVENT LES TROIS COUPS DE MAILLET du Vénérable puis des deux Surveillants.

 

Cet ordre est répété par le Second Surveillant qui s’adresse à la colonne du Nord puis le  Premier pour le Midi.

Le MIDI est « plein », en plénitude lumineuse, prêt à illuminer notre intériorité. C’est  un travail d’accouchement par le Verbe. La gestation dans un ailleurs céleste se termine pour aboutir dans un présent terrestre. Au travail gestationnel et ontologique succédera le travail dans la matière.

L’accouchement de la lumière se mime par trois coups de maillet par trois. OOO

Ici est formé et décliné le verbe créateur, on lui donne une forme dans le monde matériel et dans les trois états de perception humaine lié à la forme : le physique, le psychique et le spirituel. (Il existe d’autres états qui se détachent de la forme).

Cette « formalisation » est donc distincte de l’informe illisible et non visible. C’est le Verbe qui, installé dans la Loge, nous donne  l’image du Monde manifesté et différencié.

Ici la loge est ouverte pour accueillir la lumière.

 

Après l’ouverture de la loge commencera l’ouverture des travaux. Les maçons sont au travail et à l’Œuvre. Le travail sera individuel et collectif avec une tension, une concentration particulière appelée vigilance qui fera que l’acte individuel s’intégrera parfaitement à l’Œuvre collective. Avec persévérance, l’apprenti refera le travail mal exécuté jusqu'à avoir son « mestier en main ». Nous passerons de l’individuel au collectif afin de transformer une loge, qui est le lieu d’élaboration de l’Œuvre, en temple qui sera la maison de la lumière. L’affection des frères et l’Œuvre menée de mains de maître construira cet égrégore qui caractérise le travail individuel dans un cadre collectif. Cet égrégore est un dépassement de l’addition des âmes de chaque maçon pour une entité collective de Frères au sein de laquelle circulent l’énergie créative et l’influence spirituelle.

Accomplir son devoir de maçon consiste donc à mettre au service de l’Œuvre le savoir-faire qui donne accès au savoir-être(26), qui s’appelle aussi connaissance de soi. D’ailleurs le franc-maçon ne se reconnaît pas à son savoir, mais à sa façon d’être et d’agir dans une relation au tout. Enfin cette relation au tout va s’exprimer par des signes qualifiés d’ordinaire, c'est-à-dire ceux qui relèvent de l’ordonnancement du monde selon le grade. Ces « signes ordinaires» du grade sont un langage, la signature extérieure de l’état d’avancement de l’éveil initiatique de l’apprenti dans le Hékal et de l’ouverture angulaire et spirituelle du compas situé au Debhir.

 

Le Vénérable - Mes Frères, évoquons cette lumière que nous sommes venus acquérir en la Franc-Maçonnerie. Frère Maître de Cérémonies et frère terrible, préparez-vous pour votre office selon les usages.

Ici va commencer la déclinaison du Verbe par le Vénérable Maître.

Acquérir la lumière se traduit par « Querir » la sagesse la beauté et la force. Il s’agit d’une Quête. C’est un but inatteignable assorti d’une méthode que nous propose la franc-maçonnerie. Les voiles du mystère initiatique se lèvent par cette méthode qui nous propose un cheminement graduel.

Le frère Maître des Cérémonies frappe le sol avec sa canne comme Moise avec son bâton, Hermès avec sa baguette et le pèlerin avec son bourdon sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. La canne symbolise l’axe du monde qui relie la terre au ciel. Le Maître des Cérémonies véritable ordonnateur de la loge va ensuite prendre la flamme primordiale à l’Autel du Vénérable pour illuminer les lumières d’ordre. Le Vénérable prononce ces trois phrases :

 

Le Vénérable - Que la Sagesse préside à nos travaux.

 - Que la Beauté les orne.

- Que la Force les achève.

 

La lumière triplement déclinée se manifeste dans le Hékal « dans l’ordre architectural » conforme au plan (d’où leur appellation « lumières d’ordres ») par la Sagesse la Beauté et la Force,. A l’inverse pour rejoindre la lumière l’initié « Œuvrera » en Sagesse Beauté et Force et pour qu’il y ait « Œuvre » chaque terme s’appliquera sur les trois plans physique, psychique et spirituel. Le chemin descendant et comme le chemin montant. La lumière est donc trine comme le chemin de l’esprit conciliant les oppositions dans la matière.

 

Tout s’effectue suivant un plan et un ordonnancement immuable, tel que prévu par les rites et rituels. C’est la traditionnelle lumière « trine » qui se met en place faisant apparaître les formes.

La lumière se « manifeste » sur toutes les lumières d’ordre en descendant du ciel. Les paroles prononcées sont l’expression humaine et les coups de canne sur le sol en sont la répercussion terrestre et tellurique. La canne qui se lève, touche le ciel par un bout et frappe la terre par l’autre bout. L’homme est en charge d’harmoniser les énergies et les formes au moyen de la sagesse, de la beauté et de la force.

Suite à l’allumage des lumières d’ordre, les flambeaux des deux Frères Surveillants sont aussi allumés.

La petite flamme qui brille désormais devant les deux surveillants leur confère le pouvoir d’éclairer la colonne de chaque « côté » de la porte, car la vraie connaissance n’est pas celle que l’on garde, mais celle que l’on transmet. Ce qui n’est pas donné est perdu.

C’est cette lumière qui va éclairer le maçon dans l’usage de son libre arbitre.  Nous commencerons à transmettre nous-mêmes lorsque nous aurons trouvé notre voie. C’est ainsi que cette petite flamme viendra éclairer notre chemin jusqu'à l’édifice commun, puis un éclairage total réapparaîtra.

Le Vénérable se trouve au centre des croisées lumineuses, recevant et distribuant la lumière faisant de lui l’intermédiaire entre l’ignorance et la connaissance. Cette lumière si précieuse sera escortée par l’épée du frère terrible qui est le seul à pouvoir lever l’épée symbolisant la vigilance du chercheur de vérité(27).

 

Le Vénérable - Mes Frères, debout et à l’ordre             

Ceci est un ordre donné qui ne demande ni confirmation, ni réplique, car c’est l’annonce d’une vérité nouvelle.

Le Vénérable se lève pour accompagner et parfaire l’union de tous les Frères. L’ordre chasse le désordre.

À l’ordre, c’est la main droite sous la gorge qui semble contenir le bouillonnement des passions qui s’agitent dans la poitrine et qui préserve ainsi la tête. Se mettre debout et à l’ordre c’est être prêt pour l’alliance avec le Grand Architecte de l’Univers, car ce qui va se passer ici, en un lieu et un temps sacrés, appartient à l’histoire et à la franc-maçonnerie, mais pas à l’homme lui-même. Ce dernier est un dépositaire chargé de transmettre.

C’est ainsi que, ne possédant rien pour lui-même, le franc-maçon lorsqu’il se sépare de ses Frères à la fermeture des travaux est soumis au serment de garder le secret et ceci depuis son entrée en franc-maçonnerie. Il ne peut divulguer ce qui ne lui appartient pas et qui le dépasse.

La position debout fait du franc-maçon un intermédiaire entre la terre et le ciel. Les pieds en équerre en terre, la tête dans le ciel, il réunit en lui le matériel et le spirituel. Il ne lui reste plus qu’à ouvrir les portes de son cœur par l’acclamation écossaise et la triple batterie à l’unisson.

 

La tradition initiatique rassemble ainsi tous les frères épars pour une élévation commune vers le Grand Architecte de l’Univers, mais sans jamais se substituer à l’exotérisme religieux qui est en dehors du champ couvert(28).

.

Le Vénérable — À la Gloire du Dieu Tout-puissant, Grand Architecte de l’Univers; au nom et sous les auspices de La GLSREP travaillant au Rite Écossais Primitif, en vertu des Anciens Devoirs et des Pouvoirs qui me furent conférés en fonction de ma charge, je déclare ouverts les Travaux en Loge d’Apprenti…

L’œuvre consistant en l’ordonnancement du chaos en vue d’accueillir la lumière est accomplie par le positionnement de l’esprit et de la matière à la lumière de l’Évangile de Saint-Jean, il ne reste qu’à l’annoncer à la Loge haut et fort. C’est une verbalisation qui, venant de l’Orient, est une imitation(29) du Verbe premier.

Ce verbe semble transiter par Dieu Tout Puissant, puis par le Grand Architecte de l’univers puis enfin par le Maître de la Loge qui place l’équerre sur le compas le tout irradié par le Livre.

Cette déclinaison de la source en trois hiérarchies semble établir un principe démiurgique. En réalité le REP est historiquement témoin de l’arrivée en Loge de la notion de GADLU. Ce dernier s’est accolé au Divin considéré comme le Principe sans prétendre à une démarche démiurgique. C’est un témoignage historique de l’universalisme transreligieux, voir Noachite qui suivi l’apport Andersonien de 1723 et 1737 et celui de De La Tierce des années 1743. Notre rite a conservé la trace de ce passage.

 

Par cette invocation la communion parfaite vient de s’opérer dans un même Amour et une même Connaissance. L’initié au milieu de tous ses Frères les voit avec les yeux du Grand Architecte. Chacun dans l’invocation qui précède doit se rappeler qu’il ne travaille pas à sa propre gloire. Il doit utiliser son cœur pour servir l’autre. Ainsi, construire le temple n’est pas seulement bâtir une personnalité réceptive à une grande vision, mais aussi élever un nouvel Être au-delà du monde visible(30).

 

Le Vénérable - Mes Frères qui êtes à l’Orient, la Loge d’Apprenti étant ouverte vous invite à reprendre vos places

Cette formule sera répétée sur les colonnes suivant le principe de la triple voie(31).

Qu’elle est la place du franc-maçon ?

Chaque maçon à une place et un rôle à jouer dans l’ordonnancement de l’Univers. L’homme n’est pas seul, il participe d’un Tout « ad orientem ». Il sait que l’on veut et que l’on peut ordonner le Chaos. Cette certitude provient du rôle qu’il joua en loge afin de rendre lisible le grand dessin. Gageons qu’il puisse établir pour lui-même un dialogue entre ce qui est en haut et ce qui est en bas.

Le franc-maçon travaillant en loge essaye jour après jour de bâtir un temple intérieursous le « sol salutis » (sous la lumière du salut). Les colonnes ne seront jamais assez hautes pour rejoindre le ciel. Le toit de la loge est une voûte étoilée démontrant le lien permanent entre le ciel et ses deux luminaires qui sont le Soleil et la Lune et le carré long symbole de la matière.

C’est à partir de ce carré long que les francs-maçons décidèrent de bâtir la Loge puis le Temple.

Les francs-maçons travaillent à remplir cet incommensurable espace de leur amour fraternel. Ce sera la voie royale.

 

Le cosmos est donc présent en nous(32). Nous sommes partagés entre la pesanteur gravitationnelle qui nous attache à ce sol terrestre et l’aspiration à s’élever spirituellement. C’est ici que l’ésotérisme de l’ouverture de la Loge nous apprend quelque chose de lumineux sur nous-mêmes et l’univers.

Notre destin semble passer par la brèche ouverte dans l’espace et le temps. L’ouverture de la loge donne bien accès à la grande universalité outrepassant le regard profane.

(…)  ER     

1)En tant que volonté affirmée dans la matière, le coup de maillet s’assimile au LOGOS qui concrétise la Pensée initiale en Parole. La vibration sonore rappelle celle qui fut organisatrice du Tohu Bohu, appelée manifestation. Ce verbe créateur s’exprime en premier par le fiat lux (« Iehi Aor ») G,I,3. Dans l’ordre nous avons : 1er la Pensée à l’intérieur du Principe originel, qui est l’entrée en Loge, en 2nd nous avons le Verbe vibratoire ou Parole qui exprime la Pensée initiale par la frappe du maillet, 3ème, ledit Verbe ordonne et éclaire l’informel par la Lumière.

2)Le maillet de l’autorité devient rigueur dans son application constante. A tous ceux qui cofondent la rigueur du maillet et la rigueur de la faux, je rappelle que la franc-maçonnerie s’attache à la construction suivant la lecture lumineuse des plans, plus qu’à la destruction. La rigueur ne peut être associée à une quelconque sanction. Le rite écossais primitif n’est en aucune façon un rite noir ; c’est un rite lumineux synonyme de vie. Le REP est métaphysique, accepte l’ésotérisme, mais pas l’obscurantisme mortifère. La Lumière provient de la Ténèbre et chassera les ténèbres. Les deux termes n’ont rien de commun d’où la confusion dans certaines interprétations erronées d’un occultisme fondé sur les ténèbres.

3)En ce sens, le cerveau et le sang sont respectivement « logés » dans le crâne et le cœur.

4)La loge à une production spirituelle ou matérielle dans un but spirituel : construire le temple.

5)La franc-maçonnerie « organise » l’initiation individuelle dans un cadre immémorial et collectif.

6)Nous pouvons dire Ora et Labora en lieu et place de l’invocation et du travail. En cabale phonétique on retiendra que l’élaboration est l’association du spirituel par la prière (Ora-oratoire) et de la matière par le labeur (labora), qui nous donne lab-oratoire.

7)Général et Universel s’entend de la plénitude des facultés de l’homme libre, non asservi à un maître ou à un vice, qui se relie par le devoir de mémoire aux lois universelles dont la connaissance fera de lui un homme réalisé.

8)La lecture des Plans fourni par le Divin à David et mis en œuvre par Salomon, est à la voie artisanale l’équivalent des Tables de la Loi fournies par le Divin à Moise pour la voie sacerdotale.

9)Dans la tradition maçonnique, la brèche pour l’esprit est au niveau de la fontanelle et pour l’âme au niveau du cœur percé par l’épée et le compas. Dans tous les cas c’est un « objet rayon » qui fait pénétrer la lumière à l’intérieur.

10)L’animation du corps composé des éléments de base tels que l’eau et la boue, séchée au soleil et à l’air est ce fameux souffle qu’insuffle le divin dans les narines d’Adam. Ce souffle est donc l’âme d’après la Genèse.

11)L’incorporation est l’assimilation de son corps et de son esprit à l’une des pierres de lumière du temple.

12)Il y a une assimilation troublante entre le fait d’assumer sa charge, et le fait de porter la croix. Nous avons d’un côté une pesanteur matérielle normale dans une initiation portant sur la transformation de la matière qui devra être rendue au niveau subtil du chef d’œuvre et la croix portée qui est synonyme de l’avènement ultime de l’abandon du corps de matière pour l’esprit.

13)C’est ici la fameuse logique reliant l’homme au Monde ou à l’Universel (synonyme de Général). C’est le fil de l’analogie et de la correspondance qui est un invariant commun à tous les ésotérismes et qui existe de manière certaine depuis plus de 20 000 ans. On voit dans la caverne de la période Solutréenne, une femme préhistorique tenant en main un quart de Lune barrée de 14 traits, associant le cycle lunaire à celui de la femme. Donc la vie dans sa durée est liée au temps céleste. L’homme est donc en rapport avec le tout.

14)On retiendra la parenté entre l’expression « à couvert » et le verbe « tuiler ». Il s’agit dans les deux cas de se protéger du regard profane, celui de l’extérieur à la loge et celui de l’intérieur de nous même. C’est toujours un couvreur qui place la tuile.

15)La franc-maçonnerie n’a jamais opposé le profane au sacré ni l’exotérisme à l’ésotérisme. Au contraire la science du premier s’enrichit de la « connaissance » du second. Il ne peut y avoir d’ésotérisme fiable sans le rattachement à une base exotérique reconnue. Simplement le niveau d’interprétation sera différent, mais pas nécessairement opposé.

16)C’est ici l’illustration du principe universel de l’analogie inverse, comme le sceau de Salomon, l’arbre inversé, le sablier. L’initié devra voir l’image inversée en soi, unifiant ainsi les contraires en complémentaires. Cette démarche inclut la notion cyclique, le recommencement, le premier qui devient le dernier, etc.

17)On notera qu’autrefois la lune n’était pas positionnée à l’Orient, mais à l’Occident, accentuant le principe réfléchissant des Surveillants.

18)Nous retrouverons dans l’image donnée par un miroir une image inversée décrivant une réalité d’une autre nature.

19)La fameuse pierre cachée du cabinet de réflexion deviendra chez le bâtisseur la pierre rejetée. La pierre est support du sens ésotérique.

20)Le pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle pérégrine tout autant à l’intérieur de lui.

21)Cette notion de flux quasi imperceptible relève du domaine subtil qui est le tissus asubstantiel de l’être. Le subtil participe de la matière et de l’esprit et se retrouve dans la forme. Il interagit entre les objets ou les sujets. L’égrégore en est un exemple. C’est aussi la rosée céleste du rose-croix, le feu secret intérieur de l’alchimiste ou l’influence astrale de l’astrologie de tradition. Le subtil se lie à l’état supérieur de l’être et se révèle par signatures et des correspondances.

22)Soit celui de la tangente, celui de la périphérie, née du Logos central. Il devient alors centre secondaire rayonnant, car détenteur de l’épée flamboyante dans le monde de la loge.

23)C’est aussi par cette explication que l’on parle d’une franc-maçonnerie universelle, ce qui n’a rien à voir avec un communautarisme nivelant d’idées sans relief ontologique.

24)C’est ici la loi des correspondances inversées qui trouve à s’exprimer de Midi à Minuit, mais aussi dans l’hexagramme, ce qui est en haut et ce qui est en bas, etc. Cette antithétique implique ce que l’on appelle la loi du retour qui harmonise les contraires dans un habile complément. C’est ainsi que les premiers seront les derniers, et que tout mouvement atteignant son extrême se converti dans son opposé apparent. Ainsi les deux Saint-Jean et l’Ancien et le Nouveau Testament se retrouvent symboliquement assimilés à la course de la lumière entre les deux solstices que nous représentons en loge par les deux colonnes J et B.

25)Nous retrouvons cette symbolique dans le renversement du sablier.

26)Ainsi les outils du grade présents au tableau de loge, trouvent à exprimer leur sens ésotérique superficiel en regard du temple à bâtir, et un sens ésotérique second en regard de la construction de soi. C’est ce que consacre le passage du savoir-faire au savoir-être. Il y a toujours un sens ésotérique lié à la forme (ici le temple) et un autre consacré au fond (ici concernant l’homme et la puissance créatrice).

27)On raconte qu’on a retrouvé derrière les murs des commanderies templiers d’étranges pièces sombres sans ouverture hormis la lourde porte d’accès. Des tentures blanches ornaient les murs et sur l’autel vacillait une petite flamme. Cette petite flamme était gardée nuit et jour par un templier en prière, car la flamme ne devait jamais rester seule et le moment venu de la relève la bougie était changée. Ainsi la flamme brillait sans interruption afin d’éclairer l’homme dans les ténèbres.

28)La voie religieuse en Occident est exotérique, la voie initiatique est ésotérique.

29)Le mimétisme correspond au devoir de mémoire prescrit par les Statuts de Schaw de 1599.

30)C’est aussi le développement de la faculté de double vue qui permet au maçon de voir au-delà des apparences.

31)Ou triple parole qui anime les deux colonnes Nord et Sud en plus de celle du milieu Est Ouest. La triple voie est un écho dans la matière duelle de la puissance originelle. La parole trine étant liée à la lumière, on comprend que les maillets soient associés à une bougie, que l’on retrouve en Sagesse Beauté et Force autour du tableau de loge. La triple voie induit la lumière trine.

32)Dans nos rituels on retrouve les grandes options de la philosophie : pythagoricienne par la loi des nombres et des proportions,  platonicienne par la notion d’essence, où le concret n’est que le reflet de l’idée, mais aussi les principes du monde des formes et les différents plans de l’être face à l’unité, etc.  Cet ensemble varié trouve à s’exprimer dans l’ésotérisme de base du franc-maçon. La version humaniste et sociale de la franc-maçonnerie viendra équilibrer cette recherche et la discipline de l’arcane, en s’assurant que le sens caché apporte un progrès pour l’humanisation de l’Homme, et que le retour dans la Lumière ne soit pas sans effet dans le monde profane.

 

 

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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 00:00

 (Nous surlignons pour favoriser une lecture rapide, ER)

C’est par trois grands coups que nous sommes entrés en franc-maçonnerie, c’est ce que nous indique le catéchisme de l’apprenti. Cette affirmation est confortée dans la plupart des rites continentaux inspirés des modernes, à l’exception du REAA où il faut frapper deux coups et du RFM où il faut frapper un coup. Rien dans les anciennes divulgations ou les anciens rituels ne conforte l’absence des trois grands coups. Nous en conclurons que dans le but de se différencier et de donner à la tenue rituelique un aspect moins trinitaire, certains rites ont voulu marquer une différence dès l’instant ou le profane est amené à la porte du temple.

L’aspect trinitaire n’est pas le seul problème généré par les coups à la porte, celui de la place de cet épisode dans le processus initiatique n’est pas sans intérêt. Pour certains rites, le cabinet de réflexion n’est pas l’épreuve de la terre partant du principe que l’homme existe tel qu’il est, ledit cabinet devient chambre de réflexion, pour d’autres ce n’est pas le cabinet de réflexion, mais la chambre des réflexions (RFT) donnant une part plutôt méditative et philosophique à ce passage dans l’isolement.

 Nous resterons sur les principes du REP qui considère que les trois grands coups frappés à la porte du temple se situent entre la recomposition subterrestre du corps et son animation par les sens et les émotions dans les épreuves dextrocentrées, pour finir dans l’illumination de l’esprit.

Une fois de plus, face à la porte et au moment de frapper les trois coups, nous nous interrogeons sur le sens profond du rituel qui comme la porte qui va s’ouvrir, offre un aspect extérieur et moral et un aspect intérieur et ésotérique. La porte offre en effet à celui qui la fait ouvrir le sens « caché » de ce qui s’y trouve conservé à l’abri des regards profanes.

Les trois coups sont liés au sens secret de la porte et à la nature profonde de la sortie du cabinet de réflexion. Tous les rites n’entrevoient pas la même intériorité dans le sens à donner à cette « translation ».

Quels que soient les chemins empruntés par les différents rites maçonniques, ils aboutissent tous devant la porte du temple.

Dans le développement qui suit nous ne perdrons pas de vue le principe de dé-corporation avec l’idée de la mort du vieil homme, et nous n’oublierons pas que le REP privilégie l’interprétation en miroir entre ce qui est « extérieur » et ce qui est « intérieur ». C’est sous cette double condition que nous pouvons valablement étudier le sens à donner aux trois grands coups appelés aussi les trois coups distincts, qui sont une opération rituelique de la « lumière trine » appliquée au candidat qui va demander la lumière. Nous ne perdrons pas de vue le sens du mouvement général de l’initiation caractérisée par les trois verbes du catéchisme Demander, chercher et frapper. Ce mouvement abouti à réintégrer le centre de soi-même et de découvrir qu’il se superpose au centre des centres.

 

 

 

I)                 L’histoire, le rythme et l’intensité 

Dans le sens des trois grands coups, nous avons le rituel de la loge mère écossaise de Marseille de 1751 qui est d’après nos recherches et les affirmations de Robert Ambelain l’une des souches du REP du moins pour les deux premiers degrés. Nous avons aussi le Wilkinson de 1727, « la Maçonnerie disséquée » de Samuel Prichard de 1730, « la Réception d’un Frey maçon » de 1737, « l’Ordre des Francs-Maçons trahis » de 1742, « le Sceau Rompu de 1745, « the Three Distinct Knoks» de 1760, « Jachin et Boaz » de 1762. En sens contraire : un seul coup dans la Parfait Maçon de 1744, dans le guide du maçon de 1804 (REAA), deux coups dans le Rite Français de 1858 et 1887.  À noter que le Nécessaire Maçonnique du rite français de 1817 et le Nécessaire Maçonnique du rite écossais de 1817 optent tous les deux pour les trois coups.

Tout porte à croire en l’antériorité historique des trois grands coups pour entrer en loge. La question subsidiaire repose sur le rythme de ces coups, ils peuvent être réguliers ou irréguliers.  On apprécie l’irrégularité « profane » au sens du rythme et de l’intensité en regard de la pratique des maillets. S’ils sont dans le rythme des maillets, cela veut dire que celui qui frappe à la porte est déjà franc-maçon. Si le rythme ou l’intensité n’est pas celui du rite, cela veut dire qu’une présence étrangère à l’ordre est derrière la porte. Ainsi nous voyons tantôt le maître de cérémonie frapper à la porte pour le compte de l’impétrant ( REP, R Emulation, RFT) qui assiste de tous ses sens auditifs à cette scène, soit nous avons l’impétrant qui frappe lui-même à la porte (RER, RY), les yeux bandés se faisant guidé dans la frappe par le Maître de Cérémonie ou par l’expert. Mais nous ne leurrons pas le cherchant n’est jamais livré à lui-même il est toujours guidé dans ses pas, sa marche, ses coups et ses réponses.

 Nous en conclurons que la frappe à la porte par trois grands coups est une manière extérieure d’exprimer son désir de rentrer dans les mystères de l’ordre maçonnique. Cette manière extérieure s’exprime aussi bien au sens propre qu’au sens figuré.

De nos jours les trois  grands coups sont requis au REP, au RER, à la SOT le RFT, le RY, un coup au REAA,deux coups au RFGO et un nombre non déterminé au RAPMM. S’agissant des trois coups s’ils sont égaux dans leurs intervalles, ont dit qu’ils sont le reflet d’un principe trinitaire et triunitaire, les trois coups égaux formant l’unité ; s’ils sont inégaux deux plus un, ils signifient le processus du passage du monde binaire profane vers la découverte de l’unité sacrée. La différence n’est pas anodine si nous considérons que les maillets vont rythmer et mettre en phase l’égrégore de la loge. Dans le premier cas, le principe est révélé, dans le second on le découvre.

 

 

A)Quand débute l’initiation ? 

Débute-t-elle à l’entrée dans le cabinet de réflexion ou au moment de l’entrée en loge ? C’est en répondant à cette question que nous établirons la nature réelle des trois grands coups.

Il existe une initiation « extérieure»  fondée sur l’évidence de la mort,  de l’espoir et du cycle éternel basée sur une recomposition élémentaire.

Il existe une initiation « intérieure» de nos sens activés par les éléments. Nos sens deviendront créateurs d’émotions et  berceau de l’âme.

-         Dans la première est « extérieure » et individuelle celle du cabinet de réflexion, c’est une démarche existentielle née de la possible mort à soi-même qui nous fait comprendre la nature des éléments qui nous compose. C’est donc l’épreuve de la terre faisant apparaître le principe de vie et sa dissolution élémentaire, et la notion même l’existence matérielle. Est sous-tendue l’idée d’une décomposition et recomposition organique du corps. La recomposition se fait par agrégation des éléments alchimiques autour d’un centre que nous découvrirons dans l’acronyme V.I.T.R.I.O.L.  Dans le cabinet de réflexion nous entrons sans frapper, car nous accédons à une intériorité propre à tout homme face à l’idée de la mort. C’est un simple « mémento mori» avec des indices précieux sur la manière profane de se percevoir. Ces indices sont incompréhensibles et sans effets sans la lumière du temple. Cette épreuve de la terre est insuffisante, car elle ne révèle que la vanité des prétentions liées au matériel et au corporel et ne fait pas apparaître les autres éléments constitutifs de l’Être. Le but de l’initiation est de prendre conscience de toutes les composantes de l’être.

-          La seconde est intérieure dans un cadre collectif, c’est une purification ou plutôt une rectification alchimique des sens d’un corps recomposé sorti du cabinet de réflexion. Ce corps recomposé des quatre éléments n’a pas de vie s’il n’est associé aux 5 sens, et les 5 sens n’ont aucune cohérence s’ils ne sont animés par une âme coordinatrice. Celle-ci va se situer graduellement au-dessus des sens, des sensations, des sentiments et enfin des émotions. Le Maître de Cérémonie viendra heurter et frapper à la porte du cabinet qui nous retient, activant ainsi la recomposition matérielle de notre être. Ce réveil du corps tiré de sa dissolution dans le vitriol, appel l’âme et l’esprit à le compléter…

 

Ce supplément d’âme demandé par le corps,  fait que l’homme se détache de l’animal en élaborant des sentiments et des émotions reliées à une causalité supérieure. Ces émotions se traduisent dans un ordonnancement qui fait prendre conscience à l’homme de sa dimension et de son altérité. La relation aux autres âmes crée le sentiment humain et la possibilité de fonder une famille une société puis un temple et une spiritualité.

C’est donc dans l’idée de bâtir quelque chose, outrepassant la simple état de vie, qu’apparaît enfin une dimension spirituelle. Cette dimension verticalisante, se traduira par l’accueil par l’âme et par le corps recomposé et purifié d’une troisième composante appelée « Esprit ». Le corps l’âme et l’esprit sont les composantes propres à toutes les initiations spirituelles qui spiritualisent la relation au monde et à l’homme dans leurs communes origines et destinées. Nous ne sommes plus très loin de la recherche de la cause première.

Il existe incontestablement une corrélation entre la tripartition de l’Être, la lumière trine et les trois grands coups. C’est ce que nous tenterons de démontrer.

Retenons simplement que l’initiation au REP et aux rites qui frappent trois coups à commencé par la recomposition élémentaire du cabinet de réflexion. Ici l’initiation est déjà installée sur ses bases lorsque le demandeur-cherchant « pris en main » par le maître de cérémonie se retrouve yeux bandés devant la porte. C’est le MDC qui frappe à la porte 3 coups pour le compte du demandeur devenu cherchant puis frappeur !

Nous comprenons qu’a chaque coup est attaché un verbe et que l’association des trois verbes va nous rapprocher du Verbe créateur.

 

 

B)De l’extérieur à l’intérieur. Problème de la verbalisation. 

En effet le demandeur cherchant est face à sa réponse qui se trouve de l’autre côté de la porte. Symboliquement Il faut FRAPPER trois fois sur trois portes pour trois ouvertures sur l’intériorité.

A ce DEMANDEUR, CHERCHANT  nous allons lui ouvrir la porte d’accès aux mystères de l’intérieur.

Le demandeur a les yeux bandés, il est muet et il est tenu en main. Il n’a aucune autonomie. Il va donc s’exprimer et donc verbaliser par l’entremise de son interprète le Maître de Cérémonie. Cette verbalisation sonore est réduite aux coups sur une porte. Ces coups sont le seul langage connu de l’extérieur comme de l’intérieur, c’est un langage véritablement universel qui demande la permission d’entrer. On verbalise la demande d’entrer en frappant à la porte.

Au REP le futur initié est amené devant la Porte d'Occident du temple. Il est en tension entre l’avant et l’après. Il se prépare à un passage entre l’extérieur et l’intérieur qui du fait des yeux bandés se passe à un double niveau : celui du corporel par le déplacement guidé de sa personne, et celui de l’imagination activée par l’obération d’un sens.

Cet épisode nous donne la première représentation mentale de l’impétrant. Pour la première fois dans son parcours il met en phase l’agir (trois coups) et l’image intime (ce qui est derrière la porte). Soit l’extérieur et le corporel et l’intérieur psychique. Ceci sera une habitude durant la totalité de son parcours maçonnique.

Au REP le futur initié a les yeux bandés, le maître de cérémonie frappe trois grands coups à la porte et attends la réponse du frère terrible qui est à l’intérieur du Temple. On dit qu’il frappe en profane par des grands coups, car il accompagne un non initié. On parle simplement de trois grands coups qui ne sont différents de ceux habituellement frappés que par leur intensité sonore (au REP). C’est l’intensité du coup porté qui annonce l’arrivée d’un profane et non pas comme a d’autres rites la déstructuration du rythme. Nous avons ici la réponse à l’intensité des coups.

On découvrira dans le catéchisme le sens caché de ses trois grands coups :

« Demandez et vous recevrez (la lumière), cherchez et vous trouverez (l’entrée du temple de lumière ou la vérité), frappez et on vous ouvrira (les sens secrets des symboles, ou le livre fermé ou de la porte des mystères de la franc-maçonnerie donnant accès au Centre).

Soyons clairs, les coups relatent la triple verbalisation du demander chercher frapper.

Nous comprenons d’emblée que ces coups, en regard de leurs trois significations, ne peuvent pas être irréguliers dans le rythme au risque de déséquilibrer les trois verbes, et donc la verbalisation entre l’extérieur et l’intérieur. Si cette demande n’était pas équilibrée la porte ne s’ouvrirait pas. Ce qui est excessif et non mesuré est donc l’intensité qui déroge aux habitudes de la loge.

Au REP le rythme sera régulier et l’intensité forte pour se conformer au catéchisme.D’autres rites privilégient l’arythmie à l’intensité. Notons pour conclure que le qualificatif « grand » rend compte de l’intensité mais aussi de l’importance, de la signification haute des coups quant à la cible qu’ils visent qui n’est autre que le Verbe.

 

 

 

Après les trois coups portés par procuration le demandeur décline son identité.

L’association de l’identité déclinée à la demande d’entrer dans le temple doit retenir notre attention.

La porte du temple devient par association de circonstances notre propre porte. La porte est donc identitaire ! Cette assimilation de la porte à son propre accès intérieur est la conséquence immédiate de l’acronyme V.I.T.R.I.O.L.

Cependant nous constatons qu’au REP  (contrairement à d’autres rites) ce n’est pas le demandeur qui frappe à la porte, mais le Maître des Cérémonies (idem R Emulation , RFT REAA.

Donc l’opération de frappe n’est pas physiquement faite par l’impétrant, mais cela reste une expérience initiatique vécue par le demandeur. C’est son accompagnant de confiance qui l’amène à bon port sur la porte inconnue du temple. Il ya a une relation de fusion entre celui qui demande et le guide. Nous retrouvons cet aspect de mise en confiance sur le chemin à suivre dans l’allégorie du Bon Pasteur : « C'est moi qui suis la porte : celui qui entrera par moi sera sauvé », Le maître de cérémonie est celui qui rassemble et guide vers le centre. Il va aller jusqu’au bout de sa mission d’accompagnement en agissant pour le compte du candidat.

 Une demande formulée pour son compte est une extériorisation de la volonté par le principe de la procure. Cette extériorisation de l’acte et de la volonté dans la personne du MDC (procuration) a pour corollaire une intériorisation de la représentation mentale de la scène. Les yeux bandés, le demandeur assiste à sa propre demande et à ses conséquences comme dans une scène où il serait son propre spectateur.

Cette « dé-corporation » face à une porte est le premier exercice initiant la connaissance de soi en étant spectateur de sa propre démarche et de sa propre entrée. Assister à sa propre entrée en loge est plus édifiante que celle d’un acteur maladroit, d’une scène non comprise. L’incompréhension de la scène résulte souvent de l’acte dont on ne comprend pas le sens, occupé que l’on est à l’accomplir sans le vivre pleinement. Au REP on privilégie le ressenti d’un esprit en plein éveil. En vérité l’intérêt de cette démarche est de découvrir sa porte intérieure qui est celle du temple de l’homme.

En conséquence, l’expérience de dé-corporation qui rend le candidat spectateur de sa propre demande, va faire place à l’incorporation de la porte du temple autrement dit à la découverte en soi d’une porte pour faire entrer la lumière.

 

 

A)       Mise en scène de l’intégration 

Voici la scène telle quelle est prévue par les rituels du REP.

Le MDC tient le futur initié par le bras,

Le Maître des Cérémonies frappe trois grands coups à la porte du Temple. « O »     « O »    «  O » (Il frappe en qualité d’initié accompagné d’un profane donc par trois grands coups qui dérogent à l’intensité habituelle, ils sont forts et espacés)

Le Frère Terrible — Frère 2ème Surveillant, annoncez au Vénérable qu’on frappe à la porte du Temple en Profane.

Le 2ème Surveillant - Frère 1er Surveillant, on frappe à la porte du Temple en Profane.

Le 1er Surveillant — Vénérable, on frappe à la porte du Temple en Profane.

Le Vénérable — Frère Terrible, voyez qui frappe ainsi à la porte du Temple et écartez tout Profane qui oserait venir troubler nos travaux.

Le Frère Terrible frappe de l’intérieur du Temple en Apprenti : «  O O O » »

Le Maître de Cérémonies de l’extérieur lui répond de même : « O O O »

Le Frère Terrible - Frère Maître de Cérémonies, pourquoi frappez-vous ainsi?

Le Maître des Cérémonies - Annoncez au Vénérable que c’est un Profane qui demande la faveur d’être reçu Maçon et d’être admis à nos Travaux.

Le Frère Terrible — - Vénérable c’est un Profane qui demande la faveur d’être reçu Maçon et d’être admis à nos Travaux.

Le Vénérable — Frère Terrible, demandez à ce Profane son nom, ses prénoms, son âge, son lieu de naissance, qui étaient ses père et mère et sa religion.

On voit que dans cette procédure d’introduction en loge la présence d’un profane en demande n’est pas une surprise, il n’y a pas lieu de s’armer comme au REAA d’épée pour s’en défendre, nous sommes en conscience dans un  rituel dit d’initiation ou tout est annoncé et programmé. Personne n’est surpris par la frappe à la porte. Mais la porte ne s’ouvre pas immédiatement, car il faut mettre en résonnance ce qui se passe de part et d’autre de la porte. Une deuxième série de frappes en miroir (en réponse) entre l’intérieur et l’extérieur va y pourvoir. J’insiste sur l’effet miroir de cette réponse qui justifie les trois coups de la demande. Elle sera « régulière » dans l’intensité et le rythme et donc au diapason de l’égrégore de la loge. C’est donc cet effet miroir de l’intérieur à l’extérieur qui va débloquer le processus d’initiation en autorisant un non-initié à entrer accompagné et « pris en main » ou « maintenu ». Cette réponse est un écho purifié de la présence profane. On fait déjà entendre au candidat la régularité de la frappe !.

 

 

B)    Le processus hermétique d’intégration intérieure

 

L’effet miroir des deux fois trois coups réguliers de l’intérieur vers l’extérieur nous donne un indice capital sur le principe de symétrie analogique qui nourri les premiers grades du REP. Cette symétrie joue aussi bien entre les parvis et le Hékal qu’entre le temple et l’intimité du maçon. Le miroir est une clef hermétique majeure qui donne la relation entre le haut et le bas, mais aussi entre l’extérieur et l’intérieur..

Maintenant que nous avons perçu la notion de porte intérieure à soi même il faut bien souligner qu’elle s’associe parfaitement avec l’intérieur du Temple. Toute porte fait la frontière entre l’intérieur et l’extérieur.

Il est donc logique et nous l’avons démontré que le premier acte intérieur soit un non-acte qui aboutit à une représentation mentale de haut niveau qui est elle-même de nature intérieure. Ainsi avant le début de la cérémonie dans le temple,  c’est par la représentation mentale inconsciente que nous nous intériorisons le sacré d’un temple en trois niveaux :

1)    le niveau matériel d’une porte est imaginé

 

2)   le niveau corporel d’une porte d’entrée dans notre intériorité

3)   le niveau intérieur d’une vérité et d’une lumière en soi qui se déclinera entre âme et esprit,

Nous allons retrouver cette stratification des niveaux dans le catéchisme de l’apprenti. D’un constat de correspondance entre extérieur et intérieur nous allons déduire le sens intérieur et le sens extérieur des choses et des symboles. Soit l’ésotérisme et l’exotérisme. Ainsi le fait de frapper à la porte séparant l’intérieur de l’extérieur les yeux bandés est déjà un acte plein de sens. Le fait qu’il soit fait pour notre propre compte par un initié dont la fonction est de nous guider sur le chemin est encore plus symbolique.

Celui qui sait nous montre où frapper en nous et comment, pour y faire entrer la lumière !

On peut cependant relever une différence de point de vue entre la porte du temple qui permet de rentrer dans la lumière et la porte intérieure à soi que l’on entrouvre pour faire entrer la lumière jusque dans notre centre. L’homme n’est pas un démiurge il ne peut que recevoir et transmettre. Il ne crée pas la Lumière. Il va la chercher dans un lieu consacré et dédicacé à cet effet lumineux. Ce lieu de lumière fut conçu comme la maison de Dieu. Ce Temple de Salomon demeure la référence architecturale de la réception de la lumière et de sa diffusion dans ses trois parties qui sont le Debhir, le Hékal et l’Ulam, soit dans une transcription anthropomorphique du Temple : l’esprit, l’âme et le corps.

 

C)   Où frapper en nous ?

À l’évidence les trois grands coups frappés sur une porte s’adressent à trois entrées en soi. Nous retrouvons ces trois entrées dans les trois maillets frappeurs du VM du 1er et 2nd S mais aussi dans la légende d’Hiram. Hiram perd la vie par les trois coups assenés par trois outils ou instruments dévoyés, sur trois sorties pour le corps pour l’âme et pour l’esprit.

Sur un plan symbolique, nous pouvons affecter les trois coups à la porte sur les trois strates qui humanisent l’homme :

-         La première concerne nos sens corporels et en premier lien l’audition, une vibration entre dans notre corps. Elle est intériorisée, tout comme la vue et les autres sens qui sont sans repères visuels « extérieures »

-         Le deuxième s’adresse à l’émotion induite par l’acte solennel et mystérieux, elle concerne l’animation du corps autour de cet événement, l’augmentation du rythme cardiaque, la tension musculaire et l’appréhension de ce qui va se passer. C’est ici l’âme qui « réagit » aux coups sur sa porte. Elle est littéralement mise en vibration par les émotions et en phase avec la volonté d’enter dans la lumière. La porte d’entrée de l’âme animatrice du corps est le cœur. L’intelligence de ce cœur est vibratoire, on la dit « cardiaque ».

-         Enfin un troisième niveau est frappé, c’est celui qui entraîne l’imagination et la représentation mentale, c’est donc l’esprit, analytique, discursif ou synthétique qui projette la « dé-corporisation » de l’expérience en regardant son corps et son âme être mis en vibration par cette rituellie. Il y a pour la première fois dans le parcours maçonnique une tentative de séparer ou du moins de distinguer, le corps et l’esprit, comme un premier exercice.

Il y aurait ainsi trois centres en soi qui seraient frappés, celui du corps atteint par la vibration ici sonore (elle pourrait être lumineuse, tactile, olfactive, etc), celui de l’âme atteinte par le sens concerné ici l’audition. Elle est issue de l’émotion générée par les sens dans le corps. Il y a mise en phase de l’âme et du corps. Enfin intervient le troisième centre, celui de l’esprit qui verticalise et réuni les zones du cerveau activées par les sens, dans la recomposition d’une image mentale cohérente.

Voici résumée la signification des trois coups dont on nous dit qu’ils sont « grands » au REP ou « distinct » dans la divulgation « the three distincts knoks »,veut dire distincts ou tranchés, voir séparés ou formels. Cette mise en valeur des coups se fait plus au regard de l’importance des centres qu’ils vont réveiller chez ce profane accompagné..

On notera que la tripartition de l’Être rend l’homme sensible aux multiples de 3 et que le raisonnement précédent vaut pour tout système ternaire dans ses modalités symboliques. Autrement dit le ternaire maçonnique et son tri-unitarisme doit nous permettre de découvrir le centre en soi et le centre du Tout.

 

 

D)Acte volontaire codifié aux trois effets 

Les trois coups frappés par procuration ou par soi-même ont une fonction d’apprentissage du code universel du franc-maçon, il en sera de même avec l’épellation où pour la première fois on souffle au futur maçon la lettre à prononcer. Nous aurons le même processus imitatif dans l’exécution des pas et des gestes.

Nous sommes indiscutablement dans un processus mémoriel d’apprentissage par imitation de ceux qui savent. On marque par les trois grands coups EXTERIEURS et par leurs réponses INTERIEURES le principe de mise en phase des trois niveaux :

- celui de l’individu au groupe,  (du cabinet de réflexion à la loge)

- celui du corporel à l’intellectuel (imagerie mentale)

- celui de l’intellectuel à la représentation mentale ternaire ou triangulée, en partage avec la structure de la Loge ou du Temple, le langage des trois coups et la lumière trine.

Sur ce dernier point nous reviendrons  dans une prochaine étude sur la différence existant en trois coups à intervalles réguliers ou progressifs.

Au REP la représentation mentale de l’acte de frapper et d’entrer va activer le corps dans son souffle intime appelé par les anciens l’âme et va exaucer le niveau de notre pensée par la spiritualisation de l’acte lui-même faisant la part belle à l’esprit.

Pour les rites qui excluent les trois grands coups, la signification s’arrête au premier stade celui de la mise en harmonie de l’individu au groupe. Ou avec les deux coups on se situe dans l’utopie au sens noble (représentation mentale) appliquée au groupe social.

 

 

 

Hormis l’effet miroir des trois coups frappés régulièrement qui répondent aux trois grands coups « extérieurs », nous allons vivre l’intégration de la périphérie au centre par les trois voyages dextrocentrés. On pourra analyser ce phénomène comme une agrégation au groupe de l’intérieur ou comme une réintégration centripète au centre lumineux.

Mais avant l’intégration de cet élément extérieur, il est nécessaire que le profane soit passé par une série de questionnement.

Le Frère terrible au REP fait le relais entre la porte Ouest conçue comme le cercle extérieur et le centre représenté par le Maître de Loge. C’est donc par l’interface du Frère terrible-expert que s’organisera le questionnement identitaire. Ce questionnement porte sur les trois parties constitutives du candidat ne sera qu’une synthèse des trois grands coups portés à la porte du temple

 

A)Le questionnement identitaire et le premier gnôthi seauton 

Le questionnement sur l’identité et l’origine parentale ou religieuse du candidat n’est pas qu’une simple formalité. Ici se résume la totalité du parcours profane pour aller jusque dans le temple. Le testament philosophique à permis au REP de réfléchir sur les trois niveaux d’intégration de l’être envers les siens, la société et le cosmos. Mais cette triple interrogation n’était qu’une amorce à la découverte de soi en trois étapes.Nous mettons entre parenthèse nos ajouts :

« D. Comment avez-vous été introduit en Loge (dans votre temple intérieur)?

R. Par trois grands coups (par trois réveils)?

D. Que signifient ces trois coups?

R. Demandez (en vous), vous recevrez;(la lumière) Cherchez (en vous), vous trouverez (le chemin); frappez (en vous), et l’on vous ouvrira (les trois portes de l’être).

D. Que vous ont produit ces trois coups?

R. Un Expert, qui m’a demandé mon nom, mes prénoms, mon âge, mon pays, et si c’était bien ma volonté d’être reçu Maçon? »

 

En demandant au candidat de décliner son identité, on lui demande de répondre profondément à la question : qui es-tu ? 

Le fait de le dire qui on est entraîne une prise de conscience à l’instant même d’entrer à l’intérieur du Temple comme de soi-même. Nous l’avons démontré, la porte est la même.

L’état civil est la synthèse des trois enquêtes et du passage sous le bandeau. Il est racinaire, on fait apparaître ses géniteurs et ses racines sociales qui animent et son corps, il est aussi une indication sur sa spiritualité qui donne un sens à son âme, car on demande sa religion. Donc nous pouvons affirmer que la question-réponse pour entrer dans le temple repose sur la connaissance élémentaire et minimale de soi. Ceci implique un état du corps (géniteur et filiation), un état d’âme qui penche vers le complément d’âme apporté par le groupe initiatique et un état d’esprit (croyance ou pas) une spiritualité affirmée ou en voie de construction. Nous avons donc ici un état des lieux de l’Être. Nous voyons intuitivement ce que la loge peut compléter dans cet état de l’Être.

Ce sont les trois ressorts invisibles du questionnement identitaire fait par le Vénérable pour le compte de la Loge comme pour le compte du candidat.

Ce questionnement identitaire du « connais-toi toi-même », n’a de valeur dans ses réponses qu’a l’issue d’un parcours mental et physique en trois temps qui sont résumés dans le catéchisme de l’apprenti à propos des trois grands coups :

 

B)« Demandez, Cherchez, Frappez » et Le Verbe. Le retour au centre 

Nous revenons sur les trois verbes du catéchisme que nous qualifierons de « centripètes » et intégrateurs.

Le Verbe créateur nous est inaccessible, nous ne pouvons que l’approcher. Nous ne pouvons qu’épeler ou n’utiliser que des verbes  « centripètes » manifestant notre volonté de réintégrer le centre.

Dans le grand mouvement des idées métaphysiques et religieuses, l’homme cherche son centre immobile, celui de la quiétude et de plénitude ultime où ni le temps ni la contingence n’ont de prises. L’effet miroir appelé aussi loi des correspondances nous dit que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas : donc ce centre en soi correspond au centre du Tout.

Il n’est pas dans le privilège de l’homme de posséder le Verbe divin. Il doit se contenter des éléments de sa « manifestation » par l’épée flamboyante et le maillet d’un coté, et par la déclinaison verbale de l’agir de l’autre. Nous avons ainsi les trois coups qui sont associés aux trois états de l’être et aux trois verbes du retour.

D. Que signifient ces trois coups?

R. Demandez, vous recevrez; cherchez, vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira.

 

Nous avons compris que l’intégration en loge et l’intégration au centre lumineux autrement dit symboliquement la réintégration de l’homme au paradis perdu. Il s’agit pour chacun de revenir à cet état édénique.

 

 Les verbes sont l’expression d’une démarche active et volontaire pour revenir au centre.

1)   La demande est un acte volontaire et persistant, on veut intégrer à soi une réponse. C’est un désir qui s’affirme !

 Il faut la formuler par écrit et verbalement on n’entre pas en franc-maçonnerie par hasard. La demande se fait à une autorité supposée supérieure à soi,. Non pas que la loge soit hiérarchiquement et socialement supérieure, mais que la demande faite à la loge est faite aussi à soi-même dans une intimité supérieure à son état d’existence. Nous revenons ici à cet état de dé-corporisation propice à une prise de conscience. de notre tripartition  (nous en retrouvons les effets dans le testament philosophique qui prépare la mort du vieil homme.)

C’est ici l’effet miroir du rituel qui joue à plein sur la demande à soi et aux autres. Elle se traduit par la persistance et des examens successifs par enquêtes et bandeau jusqu'à la déclinaison identitaire de ce que nous sommes vraiment, à la porte du temple. Sur la base d’une demande faite à une position hiérarchiquement avancée sur le plan initiatique, la question de la porte de la loge ou du Temple se posera à nouveau. S’il s’agit de la loge, le système égalitaire qui la gouverne sous l’égide des modernes ne pourra répondre à ce lien hiérarchique. Par contre c’est dans l’intériorité que ce lien hiérarchique va s’imposer. Au contraire, si nous frappons à la porte du Temple, alors la hiérarchie s’impose à nous depuis l’Ancien Testament. Le Temple de Salomon est inégalable et non reconstruit. Il représente l’archétype de la maison de Dieu. 

L’esprit de la demande trouve ici un écho de première importance. J’en viens à la demande que vous avez formulée pour entrer en franc-maçonnerie : avez-vous souhaité intégrer un groupe de réflexion qui ne s’inféode qu’à ses propres expectatives et où chaque maçon bâtit comme bon lui semble l’aléa de ses pensées ? Où avez-vous souhaité rechercher un rapprochement sérieux avec le grand schéma des origines et rechercher la voie qui mène à la source ?

Dans tous les cas les murailles ne seront plus reconstruites, et les pierres serviront à bâtir des ponts, sans doute entre les peuples, mais plus sûrement avec celui qui tient le compas.

 

2)   Chercher n’est pas la réponse à une énigme comme si l’on comparaissait devant le sphinx. C’est tout simplement chercher le chemin qui conduit au temple, mais aussi ce chemin de lumière ou de vérité qui est tout autant extérieur ( la loge) qu’intérieur et archétypal (le temple de Salomon devenu temple intérieur). On comprendra dès lors que le chemin se dessine à chaque bifurcation. Chacun aura donc son chemin, chacun marche vers l’idée qu’il se fait de ce qui est juste beau et bon. Chercher en soi le chemin qui sera semé d’embûches, fait de nous un pèlerin de l’esprit. Or un pèlerin de l’esprit est un homme qui vit son désir d’exaltation confronté à ses tentations. Le RER résume parfaitement cet aspect par les termes nous serons « cherchant persévérant et souffrant ». 

 

 Nous pouvons estimer que celui qui cherche s’inscrit dans une perspective de découverte de ce qui est au-delà des apparences. C’est donc un certain regard qui s’affirme jusqu'à se retrouver intériorisé face à la porte.

Il faudra un travail constant et opiniâtre pour rester sur ce chemin et enfin atteindre la porte. L'Évangile selon Saint-Jean nous parle d’une porte et d’un chemin difficile à trouver: « Entrez par la porte étroite, large en effet est la porte et spacieuse est la route qui mène à la perdition et nombreux sont ceux qui s'y engagent. Qu’elle est étroite la porte et qu'elle est resserrée la route qui mène à la vie, et peux nombreux sont ceux qui la trouvent. » Il semble donc évident qu’à l’égal du pèlerin, il faille demander et chercher son chemin qui n’est autre qu’intérieur.

 

3)   Frapper est ici l’objet même de l’entrée dans le temple maçonnique et intérieur. Nous avons vu que la frappe à la porte par trois coups s’adresse à la totalité tripartite de l’Être soit le corps, l’âme et l’esprit. En loge la frappe légale se fait par le maillet qui ouvre le cœur à la lumière par la frappe  de la tête du compas. La frappe éveille ou réveille, elle met en alerte et en ordre, c’est l’appel d’une insondable profondeur.

Si l’acte est physique, son écho et psychique et spirituel. Pour ouvrir la porte intérieure il faut une clef, la clef est l’écho intérieur à cette frappe extérieure ! ce sont trois coups cette fois-ci réguliers et harmonieux au  comme le centre d’où ils proviennent.

 

La frappe de haut en bas, liant le Verbe venu du haut, à la manifestation de l’ici bas, sera une seconde nature dans le processus initiatique du maçon. On l’illustre dès son admission par son premier travail sur la pierre. Knock est un cognement, un coup, une frappe. C’est aussi l’idée de heurter de bouleverser ce qui est établit pour activer un nouvel état. 

 

On retrouve l’intégralité des trois coups associés aux trois verbes et aux trois états de l’Être qui ont en commun le même centre. Le mouvement général est bien celui d’une intégration au centre lumineux au sens métaphysique du terme, et l’Évangile en général se laisse interpréter dans ce sens assez facilement.

L’acceptation est réitérée plusieurs fois dans les Évangiles.


 

C)   Acceptation par le gardien du seuil 

 

Par ces trois coups associés aux trois verbes marquant le désir du retour au centre, on répondra positivement :

 

Matthieu 7 :7 ; Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira.

Matthieu 7 :8 ; Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe.

Luc 11 :9 ; Et moi, je vous dis : Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira.

Luc 10 :10 : Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe

 

Il semble donc qu’à chacun, une réponse positive peut être faite. Les conditions doivent relater un état d’esprit : La demande doit être persistante, elle fait apparaître la recherche d’un chemin de lumière et enfin la volonté doit s’engager jusqu’à l’épreuve de soi faisant naître des sentiments profonds.

(C’est l’état de « l’homme de désir » au RER, qui infère aussi une notion de souffrance et de tension en regard des vices qu’il doit combattre.)

La réponse de la Nouvelle Alliance qui est donnée est une lumière faite homme.

Elle est structurée tant au plan intérieur qu’extérieur par les trois coups et les trois verbes. Ils provoquent le réveil de l’être (corps âme esprit) et ce ne sera pas le fruit d’un hasard ou d’une attitude passive. Cette réponse évangélique est intégrée au catéchisme maçonnique.

C’est toute la méthode maçonnique que nous retrouvons résumée à la porte du Temple. A l’évidence par les trois coups notre rituel voit plus loin que de simples préoccupations morales ou sociales. Ce qui est visé au terme de notre initiation c’est de comprendre ce que signifie la réintégration de l’Être en son propre centre.

Cette méthode universaliste et œcuménique est fondée sur une Esperance active, une foi maçonnique qui est celle des bâtisseurs de cathédrales, et l’intégration charnelle de la notion de partage, de solidarité et de fraternité. Nous retrouvons les chemins d’une initiation qui ne sépare pas l’homme de la fraternité à laquelle il appartient, ces critères typiquement occidentaux seront repris dans les grades supérieurs et notamment dans la chevalerie Rose Croix (Foi, Espérance et Charité)

Qu’y a-t-il derrière la porte ?

Bien plus qu’une assemblée de maçons célébrant la lumière

Bien plus qu’une loge pratiquant un rite traditionnel moderne ou ancien

 

Autre chose de plus fort et de plus intérieur et une méthode d’exaltation de l’être.

Le rapport au Temple qu’il fut celui de Salomon ou de notre intériorité renoue avec l’échelle ascensionnelle qui nous mène vers ce centre divin.

Finalement les trois grands coups nous montrent le chemin de l’intérieur. C’est le second secret de sagesse après celui du centre en soi révélé par l’acronyme. C’est le secret qui révèle le lieu et les étapes du passage vers un centre un jour peut-être illuminé par l’esprit.

En frappant à la porte de la Loge et du Temple, nous souhaitons secrètement acquérir les moyens et la connaissance qui nous permettront une réintégration dans le Jardin d’Éden. Cet accès passera par l’humanisation grandissante de l’homme de vérité qui sommeille en nous. Ce réveil se traduira par le relèvement du maître intérieur.

Nous savons ce qu’il nous reste à faire.

Catéchisme caractéristique des Anciens Devoirs de la maçonnerie opérative anglaise, daté de 1760 et intitulé « Les Trois coups distincts ». Les « Trois Coups Distincts » est la divulgation d’une cérémonie dialoguée sur la base du devoir de mémoire qui aurait été pratiquée par les loges des Ancients.

Extrait

Degré d’apprenti

« Le maître : Y a-t-il un lien qui nous unit, mon frère ?

Réponse : Oui vénérable.

Maî.: Quel est ce lien mon frère ?

Rép.: C’est un secret.

Maî.: Quel est ce secret, mon frère ?

Rép.: La maçonnerie.

Maî.: Alors je suppose que vous êtes maçon.

Rép.: Mes frères et mes compagnons me reconnaissent et m’acceptent comme tel.

Maî.: Pouvez-vous me dire quel genre d’homme un maçon doit-il être ?

Rép.: Un homme né d’une femme libre.

Maî.: Où vous êtes-vous d’abord préparé pour devenir maçon ?

Rép.:Dans mon cœur.

…………..

Maî.: Comment avez-vous été admis ?

Rép.:Par trois coups distincts.

Maî.: Qu’est-ce qu’on vous a dit ?

Rép.: Qui va là ?

Maî.: Qu’avez-vous répondu, mon frère ?

Rép.: Quelqu’un qui demande à prendre part au bienfait de cette très respectable loge dédiée à saint Jean, comme ont fait beaucoup de frères et compagnons avant moi.

________________________________________________________________

Le sceau rompu en 1745 dans sa critique du Secret des Francs maçon précédemment publiés.

« A la page 68, quand il s'agit d'introduire le candidat dans la chambre de réception, il est vrai que le parrain frappe trois coups à la porte, mais l'Auteur ne marque pas que le premier des Surveillant frappe aussitôt trois coups sur le maillet du second, & que celui-ci lui répond par autant de coups sur le sien ; omission, comme on voit des plus importantes. »

…………………………………………………………………………………………

« D. Comment vous y a-t'il introduit ?

R. Par trois grands coups.

D. Que signifient ces trois grands coups ?

R. 3 Paroles de l'Ecriture Sainte : Frappez, on vous ouvrira ; Parlez, on vous répondra ; Demandez, on vous donnera. »

___________________________________________________________________________

 

RITE FRANÇAIS 1788 : DU CATECHISME DU GRADE D'APPRENTI DU RECUEIL DE LA MACONNERIE (1788) 

 

D. Que signifient les trois grands, coups ?

R. Trois Paroles de l'Écriture-Sainte, Frappez, on vous ouvrira ; Cherchez, vous trouverez ; Demandez vous, recevrez. (inversion)

D. Que vous ont-ils produits ?

R. L'ouverture de la Loge.

D. Lorsqu'elle a été ouverte, qu'est-ce que l'Expert a fait de vous ?

R. Il m'a remis entre les mains du second Surveillant.

________________________________________________________________

Rituel du marquis de Cages 1763

Extrait :

 Le Terrible sort de la loge et va trouver le récipiendaire en lui disant :

Monsieur, c'est donc vous qui vouliez apprendre les secrets des maçons et être admis parmi eux.

Lorsqu'il a répondu, il lui dit :

Armez-vous de patience et de courage !

Puis il lui fait quitter tous les métaux comme argent, boucles, agrafes, boutons de manche, habit, puis il lui fait mettre le bras droit nu, et il lui bande les yeux et lui met le soulier gauche en pantoufle et le genou droit découvert.

En cet état, il le conduit à la porte de la Loge en lui disant :

Monsieur c'est ici qu'il faut montrer de la fermeté et ne vous étonner de rien.

Puis le Terrible frappe trois coups à la porte ce qui est le frapper de l'apprenti. Le 2 eme Survts.·. ayant entendu frapper, frappe sur le maillet du 1er et le 1er sur le sien, le maître sur l'autel, alors le 2 eme Survts.·. dit au 1 er :

Vénérable frère 1er Survts.·., on frappe à la porte du temple en apprenti

et le 1er dit :

Vénérable Maître on frappe en apprenti à la porte du temple.

alors le maître dit :

Vénérable frère 1er Survts.·., envoyez voir qui frappe à la porte du temple par le vénérable frère 2eme Survts.·.

Le 1 er le dit au second et le second va à la porte où il frappe en apprenti. Le Terrible répond, le 2eme répète et ouvre en disant d'une voix grosse et contrefaite :

Que demandez-vous?

Le terrible répond :

C'est un profane qui demande d'être reçu maçon.

Le 2ème Survts.·. ferme brusquement la porte et revient frapper sur le maillet du 1 er et le premier sur le sien, le Maître sur l'autel alors le 2ème Survts.·. dit au premier :

Vénérable frère premier Survts.·.

c'est un profane qui demande d'être initié dans nos sacrés mystères et de voir la Lumière.

Le premier dit au Maître et le Maître dit:

Vénérable frère 1er Survts.·., envoyez le Vénérable frère 2ème Suvts.·., lui demander son nom, son âge, sa qualité et sa religion et si ce n'est point par esprit de curiosité qu'il demande d'être initié parmi nous.

Le 1er le dit au deuxième et le 2eme va à la porte du temple où il frappe en apprenti. Le terrible répond.

Le 2ème répète et il ouvre en di

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 16:22

    I) Le rituel maçonnique, sens, origines et évolutions.

La franc-maçonnerie se veut une des dernières sociétés initiatiques en Occident. Dépositaire des dernières traces de la tradition primordiale, elle s’attache à transmettre ce précieux trésor de génération en génération, d’initié en initié. Le rituel maçonnique est immédiatement relié à la tradition et à l’initiation. Ces trois éléments ne pouvant être séparés, la trilogie se résume de la manière suivante : « J’accède à la Tradition primordiale, celle de l’origine des temps, par l’initiation rituellement menée qui ouvre l’accès à un espace consacré situé hors du temps profane. » Dans une société ou les rites ancestraux ont tendance à être relégué au rang de curiosité, de sujets d’étude pour universitaires ethnologue, ou le mouvement et l’accélération du temps nous oblige à des choix immédiats et précipités, quel bonheur de savoir qu’il existe une filiation entre nous et nos anciens dans la pratique des rituels initiatiques.

 Ceux-ci se déroulaient dans un « espace rituellement consacré », à l’écart du tumulte : « la loge est à couvert extérieurement » et en dehors du temps profane : « les travaux en loge se déroulent de midi à minuit ». Ces trois points sont toujours indissociables pour assurer une mise en œuvre efficiente du rituel, et donc une transmission authentique. La signification du terme « rite » nous renvoi à son étymologie « Rita » signifiant ordre. La mise en oeuvre d’un rite met les participants en dehors du chaos[1], par l’ordonnancement de la cérémonie même, et l’application de règles communes propices à « faire naître cette lumière » que les francs maçons recherchent en se réunissant.

La sacralité liée à l’usage des rites explique sans doute leurs présences dans toutes les liturgies religieuses. Les rites ont encore de beaux jours devant eux, car l’expérience démontre que l’homme, aussi moderne soit il, ne peut se départir de la dimension sacrée. De la même façon il ne pourra se départir de ce qui le relie à cette tradition primordiale, lien non connu du profane, mais mis en « conscience[2] » lors de la cérémonie d’initiation.

Nous pouvons donc définir le rite maçonnique comme la mise en œuvre d’un ensemble de signes, de mots et de sons qui ont tous une portée symbolique et qui respectent des règles communes, dans un espace abrité et consacré, ayant pour effet de mettre en condition le franc maçon pour recevoir l’initiation consistant en une transmission de l’influence spirituelle tout en s’ouvrant à lui-même et aux autres.

 

 Il s’agit d’obtenir par la grâce du rituel, l’ouverture de l’Espace et du Temps[3] pour s’en échapper et se situer radicalement hors la contingence. Rappelons qu’il ne peut y avoir d’influence spirituelle sans la mise en œuvre par des initiés qualifiés[4] de la forme et de la classe[5] rituelique adaptée. Le rite relie le présent au passé marquant ainsi l’intemporalité, il devient la clé d’accès à un espace consacré, mais aussi au temps primordial et sacré qui précédait les temps historiques.

Nous concevons alors comme nécessaire de distinguer « la forme » de « la classe », non pas pour faire apparaître une quelconque opposition, mais pour déterminer plus efficacement les modalités de transmission de l’influence spirituelle.

Finalement, le rite a pour but de donner accès, par ce qu’il est supposé transmettre, à quelque chose qui dépasse notre simple individualité et qui selon l’expression chère à René Guenon « appartient à d’autres états d’existence[6] ».

Néanmoins, on constate que la notion de rite est répandue à tous les niveaux de la société et à chaque moment important de notre vie. Au-delà de ce constat, a priori favorable, car de nature à banaliser le rite comme une seconde nature, il n’en demeure pas moins que le rituel initiatique pour ce qu’il représente et implique est peu répandu, voir combattu dans nos sociétés occidentales.

Au même titre assiste-on en Occident à la prédominance du temps laïc et linéaire, masculin par son essence solaire, face au temps circulaire marqué par le renouvellement et la renaissance lunaire par nature d’essence féminine[7]. À ce sujet on remarque que la célébration des deux solstices d’été et d’hiver symbolise la communion cosmogonique des principes solaires et lunaires par cette inflexion d’une linéarité vers le cycle du déclin et du renouvellement. Ces fêtes sont conservées dans les sociétés initiatiques et oubliées dans la société civile.

La symbolique cosmogonique fondatrice de l’univers demeure la base des sociétés initiatiques dont fait partie la franc-maçonnerie[8].  C’est ici que se situe le hiatus le plus déterminant quant à ses conséquences et sa nature profonde, entre l’opposition de principe qui existe entre la société occidentale expurgée de ses racines ésotériques et traditionnelles et les sociétés orientales plus globales. À défaut d’être cohérentes et efficaces, ces dernières ont réussi à mener simultanément l’interprétation exotérique et ésotérique, passant de l’une à l’autre au quotidien, sans restriction ni ostracisme. Le déracinement ésotérique ne pouvant mener qu’à une laïcité[9] combative, aussi nécessaire que nivelante, et qui a pris le relais d’une inquisition de même nature. De la même manière que l’agnosticisme prend le relais, à titre subsidiaire et en se référant à la laicité, d’une religion essoufflée et endormie sur sa propre légende.

Ce bilan est d’autant plus navrant que le point de convergence entre les trois religions Abrahamiques se situe justement sur le registre ésotérique qui au-delà du temps liturgique[10] et de sa contingence interprétative donne accès au temps primordiaux et mythiques qui sont la souche de l’unité originaire des religions.

Au titre du constat sur la déficience ésotérique, laissons la parole à Mircea Eliade qui souligne dans Naissances mystiques[11] « qu’une des caractéristiques du monde moderne est la disparition de l’initiation ». Cette remarque vient en renfort de l’ouvrage prémonitoire et terriblement actuel de René Guénon « La crise du monde moderne [12]». René Guénon fait une magistrale démonstration de la différence existant entre une société moderne occidentale et une société traditionnelle elle-même en voie de disparition sous les coups de boutoirs du rationalisme idéologique et économique. Il est fort probable que la théorie des cycles finisse par l’emporter et remette un jour sur les rails cette tradition qui tempèrerait les excès d’une mondialisation aveugle.   

 

Comment a-t-on réussi à assurer la pérennité d’une telle transmission dans un contexte occidental particulièrement défavorable ? La question nous impose un rapide survol des difficultés rencontrées dans la dévolution successorale de la tradition initiatique des origines, face à l’hégémonie grandissante d’une religion d’État qui n’a jamais vu d’un très bon œil les groupements « élitistes » œuvrant sur le terrain spirituel et ésotérique et susceptibles d’interpréter autrement les textes sacrés.

 

La religion d’État.

 

Nous savons que le monde chrétien s’est développé justement en rompant avec la tradition élitiste et initiatique des mystères d’Éleusis, tout en absorbant les mythes osiriaques et en reprenant à son compte l’ensemble des mythes mithriaques, éradiquant les castes initiatiques d’origine grecque égyptienne ou celtique. 

La chrétienté des premiers siècles et sa papauté n’ont pas hésité à écraser aussi les mouvements qui se réclamaient de la gnose elle-même fondée sur la même tradition, mais qui contestait son magistère. Le gnosticisme et ses dérivés de l’ordre inférieur étaient tenus pour hérétiques.

Au demeurant on constatera que la confusion des pouvoirs spirituels et temporels accentua la puissance de cette nouvelle religion. L’empereur Constantin en l’an 315, en fit une religion officielle lui donnant l’universalisme de l’empire romain comme support d’expression. Ladite religion s’empressa de détruire et absorber les sanctuaires mithriaques constitués pour l’essentiel par des cavernes pour y bâtir des églises[13]. Ernest Renan, évoquant cet épisode, disait « Si le christianisme eut été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eut été Mithraïste ».

Devenue dogmatique par nécessité séculière, l’église des conciles, de Nicée notamment, dispute aux autres interprétations la parole des évangiles, et tire à elle la couverture de la Tradition qui préexistait à ceux-ci.

La religion chrétienne dans son comportement monopolistique a su démocratiser et rendre accessible les « nouveaux » mystères à tout à chacun, sans filtres particuliers en dehors du baptême[14]. Cette force de la non sélection et cette vocation à accueillir chacun, lui permis de devenir « catholicos » c'est-à-dire universelle. On comprend alors que les anciens mystères dont l’accès et la rituellie n’étaient réservés qu’aux initiés, furent mis en déroute. La pratique initiatique en occident se trouva concurrencée par l’hégémonie grandissante d’une chrétienté toute puissante, jusqu'à imposer l’inquisition. C’est à cette période que l’on situe généralement l’alliance du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel pourchassant l’hérétique interprétation. Cette chasse à l’hérétique sera une véritable croisade intérieure qui par sa lutte contre la gnose et les gnostiques, installera définitivement la tri unité exotérique au sommet de l’interprétation occidentale.

 

L’ésotérisme Occidental en difficulté.

 

Alors que toutes les religions ont une double vocation à la fois exotérique et ésotérique, qui sont à notre point de vue les deux faces de la même pièce, il semblerait que la chrétienté à compter du moyen âge ait cherché à se départir de la dimension ésotérique, sans doute pour mieux assumer son caractère séculier. Enfermée dans la lutte pour un pouvoir politique[15], elle risquait de perde ainsi tout le dimensionnement spirituel ésotérique qui pour le coup ne lui était d’aucune utilité. Ainsi, l’élite[16] associée à l’ésotérisme et capable de double vue, cédait le pas au nombre, à la quantité, à la primauté de l’interprétation exotérique et rationalisée des textes sacrés. L’élite du sens caché disparaissait au profit d’une élite de pouvoir sur les choses.

Dès lors on peu légitimement s’interroger sur la survie de la pratique initiatique ritualisée, par nature ésotérique, seule capable de transmettre la tradition primordiale.

C’est la pratique rituelique qui donne vie à l’interprétation ésotérique ; c’est aussi elle qui permet la transmission de l’initiation.

L’usage du symbole et des mythes et leurs assimilations adaptées à chaque individu suivant un chemin qui lui est propre, reste une spécificité maçonnique. Le rituel étant l’écrin protecteur de l’initiation, il faut rappeler qu’il codifie l’ensemble des gestes et des mots d’un processus qui fait vivre la tenue maçonnique. Héritier inspiré des traditions des collegias faborum, des loges opératives du moyen âge et des confréries qui leurs succèdent ; le rituel des francs maçons élabore un cadre propice à l’éclosion et à la transmission d’une initiation de métier de la classe artisanale appelée « art royal ». Comment la démarche initiatique a-t-elle pu être transmise face l’hégémonie de l’église ?  « E.°.R.°. »

 

Suite de l’article dans une prochaine parution



[1] D’où l’expression bien connue « Ordo ab chaos ».

[2] La mise en conscience peut être progressive ou simplement virtuelle et s’exprimer ultérieurement lors du cheminement de l’initié.

[3] On remarque qu’il est difficile de séparér le tempus du templum, le premier pouvant se décliner en cyclique et linéaire, le deuxième imago mundi.

[4] C'est-à-dire ayant reçue préalablement l’initiation correspondant aux rituels dont il s’agit.

[5] Par principe il existe trois classes initiatique qui correspondent traditionnellement à trois classes sociales distinctes : la classe artisanale ; la chevalerie, la classe sacerdotale.

[6]Aperçus sur l’initiation, Editions Traditionnelles.

[7] Le cycle est de nature féminine sur la base des 28 jours entre déclin et régénération voir renouvellement.

[8] On peut noter que les temples maçonniques sont orientés vers l’Est porte des dieux, et que les deux colonnes représentent le point du couché du soleil aux deux solstices d’Eté et d’Hiver.

[9] Nous restons persuadés que de la même façon qu’une société trouve momentanément son salut puis son équilibre dans l’excès, elle revient, dans l’excès à nouveau, à ce fameux point de départ qui lui revient de droit et de nature.

[10] Il convient de distinguer les trois temps-supports de la tradition, dont le principe est de reposer sur un évènement fondateur : le temps profane, par nature historique et non sacré, le temps liturgique inaugural des temps historiques et reposant par exemple sur la parole de Jésus, le temps primordial porteur de la Tradition qui précède les deux autres et repose sur les mythes ontologiques.

[11]Gallimard 1959, page 9.

[12]Gallimard.

[13] Le choix du 25 décembre solstice d’hiver pour fêter la naissance du Christ correspond à une ancienne fête Mithriaque qu’il s’agissait d’assimiler à la liturgie chrétienne.

[14] Symbolisant une nouvelle naissance, le premier des sept sacrements de l’église pourrait se rapprocher de l’initiation s’il n’était dévalorisé par son caractère exotérique sur fond de prosélytisme.

[15] Cette lutte entre pouvoir temporel et spirituel sera stigmatisée par la lutte entre Guelfes et Gibelins.

[16] L’élite indique que tout le monde n’est pas initiable. N’a pas la "vocation" qui veut.

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 15:19

 

Le tableau de loge et son approche métaphysique.  Du Principe à la manifestation (par E.°.R.°.)

Le tableau de loge est en rapport symbolique direct avec son support qui est le pavé mosaïque. Ce tableau est ainsi « placé » intentionnellement à un endroit du temple que nous pouvons appeler la croisée des chemins de lumière. L’intention dans ce « placement » est ritualisée et donc productrice d’effets.

C’est en fonction de ces deux relations de cause à effet ritualisées que nous tenterons de donner une interprétation métaphysique du tableau de loge(au Rite Ecossais Primitif filation Ambelain-GLSREP).

Rappel des fondamentaux

Les fondements de la voie maçonnique recoupent les archétypes de toute initiation en faisant référence indirecte au Principe. C’est en cela que l’on peut qualifier une voie de traditionnelle.

Il est utile de rappeler que les relations de cause à effet forment la base des systèmes de correspondances qui amplifient et subliment le symbole. Les lois de correspondances associant le haut et le bas, la relation symétrique et l’inversion en miroir font partie des clefs offertes par la méthode maçonnique. L’acquisition de ces notions se fera graduellement comme si nous montions les barreaux d’une échelle. Le but restera celui de nos anciens : voir le visage de la Lumière et redescendre pour en témoigner à nos frères.

     echelle jacob songe onction anges

Tendre vers l’interprétation anagogique constitue l’objectif de la méthode maçonnique. Ainsi la recherche de la cause en tant que démarche rationnelle et scientifique peut muter sur le plan du concret et du social ou tenter de s’en détacher. Du concret et du substantiel nous irons vers l’essence. L’essence elle-même reste liée à la substance, mais nous rapproche sensiblement de la fameuse cause de toutes les causes, appelée cause première. La « cause première » que nous pourrions appeler le « principe » va générer la totalité des effets créés et incréés dont l’un d’entre eux va retenir notre attention : la manifestation. Cette manifestation peut avoir une connotation réelle et concrète, ou une connotation immatérielle. C’est sur cette manifestation que va travailler le franc-maçon, car elle correspond à la voie qu’il a choisie, celle de la transformation de la matière jusqu'à en découvrir l’esprit qui y sommeille. Pour ce travail il y mettra toute son âme en vue de produire un chef-d’œuvre qui sera symboliquement une œuvre de l’esprit. Ainsi entre le sujet et l’objet nous retrouvons une correspondance qui est la suivante : en taillant ma pierre c’est moi-même que je taille et polis jusqu'à l’harmonie parfaite conjuguant la forme et mon esprit. Ma pierre est un miroir qui reflète mon intime et aussi le monde. Il y a donc un double aspect intérieur et extérieur sur lequel il faut travailler.

Dans ce double travail alliant la matière à l’esprit s’interpose le souffle de la vie représenté par l’âme. C’est à elle que revient le privilège de lier le corps et l’esprit, c’est pour cela que l’artisan mettra tout son cœur et donc toute son âme dans son travail jusqu’a en faire jaillir l’esprit. Dans cette lignée nous trouverons les chefs d'oeuvre des compagnons du tour de France ou la perspective du chef d’œuvre de l’artiste qui ouvriront une voie vers la perfection du divin pour certains, ou le principe pour d’autres.

Nous retrouvons dans la progression graduelle maçonnique nos trois états liés à la superposition-entrelacement du compas-équerre :

1)    notre matière formelle, donnant le monde des formes et l’homme charnel

2)    notre esprit extrait de la matière formelle donnant l’intermédiation, l’altérité de l’homme psychique

3)    enfin l’esprit réintégré au principe donnant la remontée dans l’axe transcendant de l’homme spirituel.

L’opération se ferait donc en trois temps.  

Cette constatation s’appliquera au tableau de loge qui devrait dans tous les rites maçonniques traditionnels établir le lien mémoriel et graduel entre le Principe et la manifestation…quelle qu’en soit l’appellation.

La mémoire du grand schéma

Nous avions démontré que tout tableau de loge est une image mémorielle et symbolique du monde. Mémorielle pour rendre compte du devoir de mémoire des anciens devoirs et des statuts de Schaw de 1599 ; symbolique, car il reste entendu que le symbole implique un niveau de réflexion qui dépasse la signification pratique ou littéraire de l’objet. Le signifiant sans s’éloigner du signifié, donne au symbole le statut « d’image du monde » au tableau de loge ou plutôt d’image d’un monde. En effet il existe plusieurs images du monde qui correspondent aux différents niveaux d’éveil du maçon correspondant à trois points de vue pris suivant les trois axes de la perspective de Vitruve.

carré2  equerre3

L’imago mundi du tableau de loge sera la synthèse de la succession des représentations graduelles du monde sans lesquelles le mystère né du signe, du mot, du geste symbolique serait sans but. Or, le seul but commun à tous les symboles est le lien avec le principe. La gradualité maçonnique évoque l’échelle qui monte dans les degrés dits « supérieurs » pour mieux transmettre en redescendant. On retrouve l’idée de l’échelle en divers grades maçonnique, et aussi sur les tableaux de loge du rite Emulation ou noachites. Sans entrer dans les détails d’une telle « élévation » vers le Principe, nous constatons qu’a chaque barreau de l’échelle peut correspondre à un état qui offre un point de vue sur le monde et donc à un tableau de loge.

Néanmoins, toute échelle comme tout tableau repose sur un fondement.

echelle emulation 

Le fondement « sacré » du tracé de loge

Le tableau de loge est sur le pavé mosaïque en forme de carré long.

Le fondement renvoie à la pierre d’angle qui offre à toute construction une possibilité un jour de consécration ou de dédicace.

Le fondement, et la pierre d’angle sont liés au concret d’une construction sacrée. C’est le sacrum que nous retrouvons dans l’anatomie osseuse.

Le fondement renvoie aussi à l’éclairage angulaire, c'est-à-dire à l’ouverture d’esprit nécessaire à la compréhension. Ainsi les piliers d’angles sagesse force et beauté renvoient pour les rites Écossais à la géométrie pythagoricienne des triangles rectangles et au fameux théorème. La bissectrice de l’hypoténuse correspondra symboliquement au point de passage de l’axis mundi. À d’autres rites, il s’agit d’une triangulation du naos, ce qui sur un plan métaphysique revient au même. Nous voyons se dessiner sous nos yeux la correspondance entre le plan du tableau et la notion d’axe, pour ne pas dire d’échelle ascensionnelle. Nous pouvons donc affirmer que les trois tableaux de loge des grades symboliques se superposent dans une ouverture d’esprit toujours plus grande ou du moins toujours plus étendue. Il suffit d’observer le pas de l’apprenti évoquant la ligne puis celui du compagnon évoquant le plan pour enfin découvrir la verticale axiale de l'envol du maître

Nous retiendrons au REP que l’apprenti le compagnon et le maître s’organisent au plan symbolique autour d’un pavé mosaïque et d’un tableau de loge. Ces derniers sont éclairés par les lumières d’ordres sagesse force et beauté. Cet éclairage initiatique du diagramme doit rayonner en nous en fonction de notre avancement dans l’éveil. La norme du dispositif du pavé mosaïque est appelée « carré long » qui évoque la notion de parcours terrestre vers la lumière.

La vision fractionnée du grand schéma fonction de l’état d’âme.

Ce que nous voyons sur le tableau de loge est ce que nous pouvons concevoir et « imaginer » à partir d’un schéma. La notion même du schéma est en rapport direct avec le grand dessein divin tracé par le compas dont il n’est qu’une vision limitée à la hauteur de notre ouverture d’esprit. Le grand dessein du principe et du Verbe devient donc le grand dessin. C’est ainsi que chacun des trois grades possède son tableau signature d’un état intérieur. Ils nous racontent  trois états déclinés du grand dessein. Ces trois états sont perceptibles en fonction de trois états d’âme. Nous pouvons dire qu'il existe une relation d'âme entre notre état de vivant et notre état de percevant.

Cette ouverture graduelle de notre perception va être animée par un état âme qui doit aboutir à un état d’esprit.

C’est là que nous retrouvons liés dans un processus graduel le corps, l’âme et l’esprit. L’état de superposition des trois composantes de l’être donne à l’initié son avancement sur le chemin de l’éveil.

En rassemblant ce qui est épars, il tentera la superposition parfaite sur un axe commun des trois éléments constitutifs. Symboliquement et dans la voie maçonnique, il aura « réalisé » son Être en trouvant le centre de lui-même.

S’agissant d’une progression graduelle,  l’état intérieur du franc-maçon et en relation causale avec les limites du diagramme « la table à tracer ».

La tabula universalis

Quel est ce grand dessein, devenu dessin tracé, sinon la volonté, le logos se traduisant par le rayon premier perçant les ténèbres ?

39 

On représente le Pancréator portant compas. Une pointe s’appuie sur un centre dit ontologique ou principiel, celui à partir duquel le rayon va « rayonner » sur le cercle. Un point (parmi d’autres) engendré sur ce cercle va donner naissance à une manifestation (parmi d’autres) qui ne sera qu’une des possibilités d’expression du centre. Ce centre est relié à la manifestation par le rayon producteur de cette manifestation, composée de substance et d’essence. En simplifiant, nous comprenons que la substance va s’analyser comme la matière et l’essence se rapprochera de la notion d’esprit.

Nous abordons de manière simplifiée les principes de base de la métaphysique, et de ce qui la défini au-delà du simple aspect concret.

Le tableau de loge nous parle en effet de l’état de manifestation du monde soit d’une possibilité concrète et visible d'embrasser de ce qui ne l’est pas et qui s’appelle l’essence du monde. Cette essence est la source de l’état substantiel, autrement dit dans une mesure plus concrète on dira que la matière (substance) est une déclinaison concrète de l’esprit (essence). C’est ce que le maçon détermine clairement dans le travail de la forme harmonieuse,  le travail sur la pierre cubique à pointe permettra d’approfondir cet aperçu entre la matière et l’esprit ou entre la substance et l’essence.

Cette observation nous mène tout droit à la constatation que le rite maçonnique célèbre le lien indéfectible et traditionnel de la matière et de l’esprit, souligné par l’entrecroisement de l’équerre et du compas. L’imago mundi des trois tableaux des trois points de vue fonction des trois axes nous renvoie à l’élaboration pour chaque maçon de sa propre vision du grand schéma de l’univers. Cet exercice se fera à l’aune de la raison, mais dans une dimension différente de celle dictée par les préjugés temporaires. C'est pour s'abstraire de la contrainte occasionnelle ou sociale que le franc-maçon ira chercher sa raison et son raisonnement dans le mythe. On ne devra pas perdre de vue que l’homme ne peut s’humaniser sans une pensée haute, qui tente de se détacher de la contingence en tentant de remonter à la source de l'histoire et des cycles. Cette tabula universalis du pavé mosaïque va donc supporter la « manifestation » par le traçage au compas et à la règle d’une image du monde par le Grand Architecte De l’Univers. Nous y retrouverons le cycle et la ligne, le temps et l’intemporel. Et dans tous les cas, le Principe y figure caché derrière un symbole.

 

Le point et le tout

Le réel du traceur se situe entre les deux points de l’origine et de la manifestation. Ce schéma nous donne une mandorle de laquelle nous tirons un carré long. Ce carré long est un double carré qui exprime le parcours de l’homme dans l’état manifesté. L’état manifesté est donc le fruit de la double puissance du logos et de sa duplication. Ce réel est une vérité qui exprime une des nombreuses possibilités de ce fameux centre ontologique duquel partent tous les rayons de tous les possibles. C’est sur ce point principiel sans existence concrète que s’appuie la pointe sèche du compas du GADLU .

deux cercles secants mandorle 

Ce cercle premier est la volonté initiale (Principe) et le point sur le cercle une simple potentialité qui rayonne à son tour établissant le monde manifesté (verbalisation du monde par le Verbe).

L’espace d’intersection de ces deux cercles ontologique et manifesté est la zone médiane de réalisation du sujet dans l’objet. Ce réel est tenu à distance égale entre le centre source et le centre dupliqué.

Ici se trace la mandorle qui nous donne le double carré de la réalisation. Cette réalisation à une perspective plane qui reproduit le haut et le bas comme la montagne portant en sa base une caverne.

Cette superposition nous ramène à ce qui est en haut et ce qui est en bas soit à l’hexagramme pour le Principe. Dans mesure plus humaine nous retrouvons un sens à la destinée d’Hiram : soit pour sa dépouille et son âme le bas,  lesubterrestre, la crypte, et pour son esprit le haut, l’envol, et l’axe.

Cette organisation axiale et rayonnante de la mandorle forme une croix qui n’est rien d’autre qu’un axe qui traverse un état. Ici avec les trois tableaux de loge il s’agit des trois états du maçon, le physique le psychique et le spirituel.

Évidement, suivant les lois de correspondance et les principes d’harmonie, chaque fois qui nous gravissons une marche vers le haut nous en descendons une vers le bas. Il s’agit de la  « réalisation » ascendante et descendante suivant l’axe que nous retrouvons de manière universelle dans toutes les initiations.

Ces deux carrés superposés du carré long sont le produit de l’intermédiation des deux cercles et de l’axe Nord-Sud et Est-Ouest. Le centre est celui de l’axis mundi. Cette tabula universalis dans le domaine manifesté devient pour le maçon une réalité. C’est sur ce diagramme symbolique que va se « réaliser » en corps et en esprit le maçon. Grâce à la mandorle des compagnons bâtisseurs de cathédrales nous pouvons retrouver le traceur qui se tient entre l’équerre du double carré et le compas du double cercle. L’analogie est à ce point frappante que nous pouvons affirmer que le pavé mosaïque est une table à tracer pour les monuments « axiaux » tels que les cathédrales. Cette tabula devient tableau de loge exprimant un état du « réel » maçonnique en fonction du parcours entrepris.

De cette table du réel nous tirerons au second degré une table d’harmonie qui nous donnera un carré long dans la limite humaine du nombre d’or. Cet ici que la manifestation se resoudra à la vérité humaine et en exprime l’harmonie intégratrice au tout soit à la tabula Universalis.

Nous pouvons en conclure que la manifestation s’exprime par le réel et donc la forme avec deux situations bien connues, l’une dans l’universel sans forme et l’autre dans l’individuel avec forme. Entre les deux on trouve le carré long, soit une zone de médiation qui est aussi celle de la prise de conscience des deux notions informelles et formelles. C’est ici que nous pouvons dire que le réel est une possibilité manifestée et que si la manifestation se traduit par le réel,  elle constitue la base perceptible de la connaissance d’un tout, à la fois formel représenté par la boîte à outils du franc-maçon et informel représenté par le silence et la ténèbre.

Le Principe sera au-delà du manifesté et du non manifesté il fonde la connaissance non duelle, car il annule toutes les oppositions c’est en cela que le Principe est associé à l’idée d’une possibilité universelle. Finalement les principes seconds et traditionnels dont les tableaux de loges sont les tracés, ne sont que des dérivés de la vision totale. Ils constituent notre réel et fondent notre vision progressivement éclairée du Tout.

Donc l’art de la transformation de la matière est bien une voie qui permet de connaître le Tout. C’est une voie initiatique « parfaite ». Notons qu’il existe autant de possibles que de réels, mais qui remontent tous à la même source ontologique informelle.

Le tableau d’avancement et le tablier.

Sur le chemin le pèlerin pérégrine.

compagnon pellerin 

La tabula universalis du Réel est le tracé du possible dont dépend le franc-maçon en fonction de son grade. Ce tableau d’avancement ou tableau du grade est toujours souché dans le point ontologique représenté par l’axe. Le réel est donc une possibilité dite contingente où l’essence est à découvrir. L’initié ne se réalisera qu’en percevant les trois états de son être inscrit dans la permanence qui doit naturellement mener à la connaissance et donc à l’unité première. Arrivé à ce sommet il pourra redescendre et transmettre pour la franc-maçonnerie ou passer dans l’impermanence pour d’autres voies. L'impermanence sera atteinte par la négation de l'existant ou de l'acquis ce qui arrive fréquemment aux grands initiés. Ce comportement incompréhensible voir asocial pour l'entourage n'est pas le but de la franc-maçonnerie. Il est parfaitement explicable en fonction d'une grille de lecture qui repose sur un effet miroir où la lecture du véritable sens à donner aux expressions est inversée (comme dans la lecture sacrée ou l'image reflétée par le miroir des sages). Nous restons en franc-maçonnerie symbolique, dans le partage, le retour d'expérience initiatique et nous n'allons pas au-delà dans cette voie. Ce travail « géométrique » du moi au soi débouchera sur une remontée vers la source. Lors de ce processus sera perçue la dimension non substantielle permettant de suivre le chemin spirituel du rayon.

Cette tabula universalis associant le tableau de loge tracé sur le plan en damier est donc une clef de lecture. On en retrouvera la déclinaison discrète dans le tablier du maçon qui varie fonction du grade, puis dans le tabar du héraut d’armes pour la chevalerie de l’esprit… Nous y reviendrons dans un prochain article. (E.°.R.°.)

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26 avril 2013 5 26 /04 /avril /2013 19:36

 Deuxième partie de l'étude sur les gants blancs. Vu la longueur de l'article nous avons surligné les passages essentiels

II) Les gants blancs et l’expérience initiatique (E.°.R.°.)

Traditionnellement la main s’associe au travail de l’homo faber. Ce dernier imite Dieu dans sa création par le travail de la matière. Il y a dans les mains l’idée d’une conscience liée à la création du monde. La main est parfois utilisée pour détruire, agresser et tuer. Il faut rendre la main à son expression haute dans un meilleur spéculatif clos et couvert. Cette expression noble de la main implique le respect des règles morales qui trouvent un écho en soi. Ceci fait, l’agir dépendra de l’image que chacun a de soi, le soi étant par ailleurs en harmonie avec le tout. L’initiation en loges d’homo faber, héritières de l’art royal, forment la représentation « éclairée » de l’agir.

Les gants blancs font partie du dispositif rituelique de la loge. Dans la plupart des rites, il semble improbable que les travaux puissent être ouverts sans que les frères soient gantés de blanc.

Cette « mise en état » de la personne est comme une seconde nature tant au plan physique qu’au plan psychique et semble directement liée à l’expérience initiatique.

L’expérience initiatique repose sur l’épreuve purificatrice en vue de la perception harmonieuse du Tout.

On constate que les gants blancs sanctionnèrent un passage initiatique lié à la réception de la lumière, et à certains rites ils ne sont remis qu’a l’issue d’une période probatoire complémentaire (rite York).

Le gant est le vêtement de la main, et la main par son chiffre cinq nous renvoie à l’homme en harmonie avec l’univers (pentagramme et hexagramme). L’homme en harmonie avec le tout oblige à penser l’homme à l’image du tout. Nous avons ici le plus bel exemple d’effet miroir au plan initiatique avec le problème de la justesse de la représentation mentale dans l’aller-retour entre la voie extérieure et la voie intérieure. Ainsi nous aurons à prendre en compte l’idée que la représentation symbolique du franc-maçon passe par le filtre corps. Ce corps purifié est symboliquement une unité de mesure et un lieu de projection du Tout. Donc dans la voie initiatique artisanale c’est le corps qui transforme et agit sur un plan extérieur suivant une représentation schématique intériorisée. La relation de l’extérieur à l’intérieur trouve dans le symbole le moyen de s’exprimer. Les gants blancs seront donc l’extériorisation du travail « intérieur ». Ces gants semblent habiller la main extérieure comme la main intérieure illustrant le principe de seconde nature née de l’effet miroir.

Le Tout (le cercle) est Un (le point central), donc l’initié doit trouver son centre unitaire tenter de le mettre en harmonie ou en résonnance avec tous les centres. Ganté de lumière il s’appuiera dans cette tentative sur les piliers sagesse, force et harmonie.

Les gants blancs sont des symboles ritualisés particulièrement influents dans la représentation du soi et du tout. Cette représentation du grand schéma est aussi accentuée par l’épellation qui fait apparaître le sens de la lettre et du silence, par le signe d’ordre qui catégorise les strates superposées de la représentation, par les mots qui sont aussi agissants que le rythme du maillet et le positionnement de l’équerre et du compas, etc.

La méthode maçonnique et sa rituelie ne laissent rien au hasard. Chaque symbole ritualisé à obligatoirement un lien avec le principe. À défaut les rituels maçonniques ne seraient que mise en scène folklorique d’assemblées d’honnêtes bourgeois privilégiant l’entresoi et confondant la lumière avec la fée électricité !

L’obération des sens, que ce soit la vue par le bandeau, ou le toucher par les gants blancs, nous incite à ressentir autrement et à construire symboliquement notre temple de lumière par la voie intérieure. Si la lumière semble de prime abord extérieure, ses effets en franc-maçonnerie sont de nature intérieure. Les gants blancs semblent nous mettre dans la perception d’un ailleurs lumineux, où la forme extérieure comme les empreintes digitales sont oubliées au profit d’une projection plus « essentielle ».

Les gants blancs nous font passer du stade formel pour aller vers l’essence.

L’étude des gants blancs sont un prétexte pour démontrer que le symbole agit tout autant ici, dans notre monde manifesté du petit schéma, mais aussi dans un ailleurs lumineux du grand schéma. C’est cette mise en superposition des effets et des correspondances, entre micro et macrocosme, que nous tenterons d’aborder dans 9 thèmes successifs :

 

1)   L’idée d’un corps pur

Plus qu’un simple isolant fluidique, le gant retient dans la main les conjonctions fluidiques de l’être ;  pour mieux les maîtriser, les recomposer et les filtrer. C’est le principe de la filtration-purification que nous retrouvons dans l’athanor du cabinet de réflexion et dans les voyages initiatiques de l’apprenti. Il s’agit plus d’une rectification au sens alchimique plutôt qu’une appréciation simplement morale.

Ainsi les gants blancs « filtrant » rendent ou témoignent de la pureté des mains pour nous-mêmes et nos frères. Ils symbolisent l’individuel dans le collectif et inversement. C’est autour de cette relation que va s’élaborer l’idée de purification.

Les mains pures sont l’image projetée des gants blancs. Voici les 4 conséquences de la mise en vêture des mains :

  •  Le corps métamorphosé est le signifié du vêtement cérémoniel ou traditionnel, ce qui veut dire que la main pure devient représentation du gant blanc. Le même raisonnement vaut pour le tablier d’agneau sacrifié ou pour la coiffe ou couronne sur la tête. (immanence-transcendance)
  • Dans une assemblée de maçon, la présence des gants blancs est aussi agissante pour la main que pour l’idée de ce qu’est le franc-maçon. Le phénomène est induit au niveau individuel et collectif et se traduira par l’égrégore et la circulation des bonnes ondes en loges. La chaîne d’union évoquera une fusion fraternelle sans gant par les mains purifiées et éprouvées.
  •  Le symbole est réellement agissant au niveau de la Psychée, qui interagit avec le corps, modifiant ses fluides, et renvoie l’âme vagabonde dans le vrai centre de l’être. C’est le principe de concentration. C’est alors un égocentrisme individuel et collectif qui ont un même centre en partage.
  • Le temple déjà purifié et illuminé devient l’image du temple intérieur. Le temple et le corps sont synonymes. Nous avons ici l’application pratique des lois de correspondances : mains visibles de l’agir extérieur/mains de lumières de l’agir intérieur ; temple maçonnique de l’œuvre collective / temple intérieur fait de pierres de lumière.

Les gants blancs protègent nos frères de nos influx profanes. Ainsi ce qui est en partage sont des idées filtrées par la lumière. Par les gants blancs, nous nous protégeons du mauvais geste, du mauvais mot, de la mauvaise tendance. On à donc au plan individuel un effet filtrant qui est dynamisé et redoublé par l’effet du cumul collectif. Nous verrons que pour transmettre il faut dynamiser un certain état collectif et individuel avec un objet clairement défini. Cet objet et de réunir au plan individuel et collectif les différentes composantes de l’Être autour d’un centre lumineux.

 

2)   Prégnance du corps sur l’être et la représentation erronée.

Quelles sont nos limites ?

Les gants blancs nous renvoient à l’imperfection des tendances du corps charnel. C’est donc la perfectibilité du corps qui doit mener à une représentation du Tout unitaire, but de l’initiation.

Si les voyages initiatiques sont des voyages de purification et de renouvellement, nous en déduisons que le corps est potentiellement désordonné voir impur. Ce serait notre incohérence, notre « déconcentration » ou notre impureté qui nous empêche d’avoir la vue et de recevoir la lumière. À ces trois désunions, la franc-maçonnerie répond qu’il faut rassembler ce qui est épars, concentre notre vue haute sur notre propre centre en concordance avec un centre commun, et purifie par les voyages.

Cette idée de recomposition purifiée et de concentration ne peut être prise uniquement au plan moral. Nos anciens nous renvoient aux origines de la chute de l’homme dans la matière comprise dans un sens métaphysique. Sans tomber dans la caricature, et pour mieux comprendre, il faut revenir au système ternaire de l’apprenti :

Soyons simples. Dans les grades symboliques, suivant l’interprétation de la Bible (parfois représentée par la règle à certains rites), l’Être serait triunitaire et donc composé du corps contenant l’âme et l’esprit.

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« Être » franc-maçon c’est vivre l’initiation dans par son corps « animé » par l’âme. Corps que nous tentons de le purifier dans les épreuves que nous subissons. Purifier l’homme charnel, c’est purifier aussi l'âme-psyché et donc le siège de celle-ci qui est le cœur. C’est ici que se joue l’intention :

Nos intentions sont-elles pures ? = Notre coeur est-il pur ?

Si la réponse est positive, nous aurons respectivement un corps pur et une âme purifiée. C’est sur cette base préalable que nous sommes aptes à recevoir la lumière. L’impétrant est interrogé sur ses intentions dans la phase préalable à l’initiation. Si on peut juger de son corps, on ne peut qu’évaluer son âme par ses intentions, et le fait d’être libre et de bonnes moeurs met en relation directe le corps et l’âme. Il peut alors être reçu dans la lumière. Cette réception est « illuminatrice » de notre perception visuelle et se traduit par une représentation mentale claire dont les contours sont définis au-delà des apparences. C'est ce que j’appelle le don de double vue du franc-maçon ou l’interprétation ésotérique dépasse l’apparence dispersée et tend vers l’unité.

Voilà ce que soulève comme question le port des gants blancs, mais aussi sous un autre angle le tablier en peau.

Il est certain que l’initiation passe par la représentation sous l’empire de la lumière. La question qui se posera est de savoir si la représentation de la totalité est corporelle (microcosmique ?) ou partiellement détachée du corps (macrocosmique ?) ou essence pure, hors contingence (Centre des centres ?).

 

3)   Les gants blancs pour la double vue.

L’agir en gants blancs spéculatifs c’est voir et œuvrer au-delà, dans la perfection. La perfection du maçon est d’abord géométrique.

Cette deuxième vue porte sur cette unité toujours présente dans l’initiation. Cette vision de l’unité est associée à l’éveil ou la réalisation de soi qu’on qualifie d’état de conscience supérieure. Le franc-maçon depuis les anciens devoirs (1390 et 1410) inspirés par l’échelle scolastique du trivium et du quadrivium, y accède par la géométrie.

Cette vision de l’unité en loge est relayée par la conjonction de nombreux symboles souvent associés par paires reliées par un axe Chacun les connaît bien, ce sont les paires axiales : pavé mosaïque et voûte étoilée pour le Zénith-Nadir, équerre et compas pour le Nord-Sud « entrelacé », niveau et perpendiculaire pour l’Est -Ouest. Il y a ainsi un seul axe pour deux « points de vue ». Ceci nous conduira à deux interprétations : celle qui se veut exotérique ou du livre ouvert et l’autre plus réservée dite « ésotérique » ou du livre fermé. La paire axiale est l’expression du passage du binaire au ternaire. C’est donc le ternaire expression de l’esprit qui fait retour à l’unité.

Cette vision unitaire privilégiée et sacrée est cependant contingentée dans la voie artisanale par la science géométrique et des nombres qui doit aboutir à la « connaissance » de l’axe concerné par le degré. Ainsi le Tout se « géométrise » ou plutôt est « géocentré » par le point de conjonction des trois axes lumineux formant une croix tridimensionnelle :

-         l’axe Ouest-Est de l’apprenti, formant une ligne, plus

-         l’axe Nord-Sud du compagnon formant le plan plus  

-         l’axe Zénith-Nadir du maître formant le volume ou le Tout.

Ainsi nous avons trois «  prises en conscience » des trois axes d’une géométrie qui se veut sacrée et qui ne peut être mise en conscience que par les gants de l’esprit.

La conscience des trois axes et de la double interprétation nous aide à la représentation du tout.

4)   L’examen des gants et l’éveil par le détachement et l’absence de tâches.

 Pour parvenir à la troisième prise par la conscience de l’axe Zénith-Nadir il faudra procéder à l’examen des gants. Les gants du compagnon sont-ils « tachés » du sang d’Hiram ? Symboliquement la tache de sang est la fatalité morbide du corps. Nous aurons ainsi un « détachement »(et absence de tâches) de l’emprise corporelle au profit de l’envol ou de la libération de l’esprit.

Nous serons jugés par nos intentions qui traduisent notre âme pure et « détachée » d’impuretés qui l’alourdissent et par nos actes lumineux qui traduisent notre corps pur et sans tâche. Donc aucun des trois compartiments de l’Être ne doit être impur et sans conscience.

Par son esprit,  l'être humain a la conscience illuminée d’un centre, par son âme il a la conscience du centre en lui-même, enfin par son corps et ses sens, il a la conscience de la contingence de son environnement sur sa chair.

Cette illumination des gants blancs devient spirituelle lorsque l’homme de chair est purifié et que l’homme psychique a retrouvé son centre en lui (V.I.T.R.I.O.L). La reconquête des états inférieurs de l’Être doit conduire progressivement à une dissolution du sentiment d'individualité séparée, et donc une communion avec toute chose. C’est cette forme d’éveil que consacrent les gants blancs. Sans aborder le domaine religieux, la double vue n’est qu’un aspect de l’illumination qui se caractérise par la notion d'éveil spirituel.

Nous connaissons avec le cabinet de réflexion, le mythe symbolique de la caverne de Platon qui se traduit au minimum par la « vision directe du réel » caractérisée par un sentiment d'éternité et de perfection intrinsèque de toute chose. Les gants blancs favorisent la vision non séparée du sujet et de l’objet.

Malheureusement cette vision globale est souvent erronée et les gants blancs vont permettre de nous en prémunir. L’esprit siège symboliquement dans le crâne, cavité de conjonction des sens filtrés par le corps. Nous verrons que cette filtration inadéquate et profane va fausser l’image du monde.

 

5)   Illumination et dégénérescence du corps

Nous sommes initiatiquement nés en mourant !

Les gants blancs couvrent le corps périssable faible et déclinant et vont l’espace d’une tenue, tenter de le mettre notre corps en gloire par le travail. La mise en gloire par le travail du corps est un état de médiation entre le terrestre et le céleste à l'instar du Christ "en gloire" ou en mandorle au fronton des cathédrales. Le travail du corps peut être fait jusqu'au sacrifice utile d'Hiram, ou pour le rachat des âmes par le Christ. La gloire par le travail signifie simplement la régénération du corps au contact de l'Œuvre accomplie: L'Œuvre « réalisée » et tout autant intérieure qu'extérieure. L’initié dans la voie artisanale se « réalise » par l’œuvre intérieure.

La pureté de la représentation symbolique est réellement mise en cause par l’aptitude de nos sens et de nos cellules nerveuses d’en transférer dans notre crâne l’image vraie. L’image faussée sera mal interprétée et donc l’esprit ne sera pas au diapason du corps et de l’âme.

Malheureusement, habitant notre corps, nous dépendons de nos limites physiques pour tenter la représentation du Tout. Il faut donc se résoudre à porter un bandeau pour voir à l’intérieur de soi,  des verres correcteurs pour voir clair, comme il faut porter des gants blancs pour agir purement et un tablier d’agneau pour travailler à la transcendance (l’agneau divin ou l’agneau pascal).  

En général le corps et ici particulièrement les mains, sont le lieu intermédiaire et permanent de l'expérience initiatique. Ils nous relatent une la perception du monde relatif en fonction de la capacité limitée de nos sens. Ainsi la pensée ne peut s’exprimer que relativement au corps est les 5 sens. Nous pouvons affirmer que la pensée comme la perception sont contingentées et filtrées et souvent déformées par la prégnance de nos sens et du corps. Il y a donc un problème de lien entre l’emprise du corps, la lecture et la compréhension des informations transmises par les sens.

Donc le travail de l’initié symbolisé par la remise à jour des sens dans les voyages et par les gants blancs consistera à rompre avec cette filtration des perceptions par un corps déclinant avec le temps. Il est urgent d’aboutir à une assimilation directe de la lumière et par une reconnaissance des limites du corps pour mieux le dépasser. Ce sera l’objet du passage à la maîtrise, premier des hauts grades.

 Celui qui arrive au bout du chemin initiatique (sommet de l’échelle)  vit hors de son corps, il n’aurait plus besoin de gants.  

La pensée et le songe ainsi que la représentation mentale s’exprime par des mots en nombre limité qui passent par le filtre corporel de la langue et des cordes vocales (cable tow). Ainsi on ne peut libérer la pensée de son enveloppe corporelle malade de sa future mort, sauf dans le cas de l’interprétation anagogique du symbole. Ici la pensée, traduction de l’esprit, s’échappe de l’emprise du corps pour se rapprocher du spirituel ou du divin suivant la sensibilité de chacun.  

En fonction de nos arguments précédents, les gants blancs semblent nous donner le « toucher » essentiel et lumineux. L’anagogie est la bonne serrure des grands symboles initiatiques. La clef reste le symbole tri directionnel.

Anagogie du blanc

Il faudra dans l’expérience initiatique déchiffrer les symboles au plus haut en dehors des limites de l’homme profane. Ce sens anagogique conduit au divin et ne peut donc être analysé que par un exégète déjà initié. Hiérarchiquement, dans les quatre sens de l'Écriture, l’anagogie vient en dernier, après les sens littéral (fonction de la racine ou du sens primitif), tropologique (figuré ou moral) et symbolique. « L’interprétation anagogique » est celle qui tente de dépasser le sens littéral ou immédiat du texte et de remonter à une cause première ou principe premier. Ici on vise l'essence des choses ou les réalités ultimes. Platon appelait cela les Idées. On est assez proche des archétypes.

Nous pouvons appliquer cette lecture aux gants blancs.

. Au corps déclinant et limité dans ses expressions, le rituel maçonnique revalorise la lettre et les mots, le signe et le geste, le rythme, la posture et la vêture.

Faillite du sens

Si nous évoquons la lecture comme phénomène de transcription de l’écrit, ou du symbole compris au filtre de la pensée, nous ne pouvons nier le filtre de la vue et du nerf visuel, de l’acuité, de l’audition et de leurs mécanismes chimiques et physiologiques, etc.  Le cerveau au final se représente une image recomposée par les sens et projetée en différentes zones du cerveau. L’image qui en découle est une recomposition après décomposition par les sens. Si on obère certains sens, on favorise l’expression d’une image non dépendante de mon imperfection corporelle. Elle sera associée à un sens rendu à sa cause ou principe premier. Connaître le principe, c’est le propre de la Connaissance. Voilà l’utilité des gants qui développent un autre sens que le toucher.

 La représentation anagogique va donc se détacher de la matérialité.

Ainsi derrière le voile du symbole, nous réévaluons sans cesse l’expression humaine et nos actes dans la signification lumineuse et principielle ; c’est pour cette raison que nos gants sont blancs.

 

6)   Les gants correctifs

Je pense que la démarche initiatique offre des verres correcteurs à notre représentation mentale et à la traduction verbale de celle-ci. Peut-on comprendre et prononcer la parole divine ?

On doit remonter à la cause première dans le jardin d’Éden et avant la chute pour être dans la parole. Si nous donnons au mot sacré des épellations ou des mots substitués, ce n’est pas pour rien. On ne veut pas donner de perles aux pourceaux !

La connaissance implique la sortie du corps, soit une pensée extracorporelle, comme le maçon « libère » l’esprit de la matière.

À défaut d’avoir cette vision totale, nous devons laborieusement progresser sur l’échelle initiatique qui nous apprend les correctifs de la vision humaine. Ces correctifs nous rapprocheront de la vision totale.

Ces correctifs que nous donnent les grades maçonniques vont nous permettre de rétablir une représentation extracorporelle, c'est-à-dire non définie le filtre et la présence encombrante du corps. C’est pour cette raison qu’au rite Écossais Primitif le relèvement du maître au troisième degré est celui du « maître intérieur » lui aussi ganté de blanc ; on sous-entend que le corps physique n’a pas à être relevé et doit être laissé à sa recomposition élémentaire ainsi détachée de l’esprit. C’est donc l’éveil complet de l’esprit sur les trois axes qui est mis en scène. Le relèvement du maître intérieur par les cinq points est une sortie par le haut et dans l’axe.

Les gants blancs sont des correctifs agissants et efficaces. Ils participent à la vision d’un grand schéma métaphysique qui outrepasse les problèmes de vision profane partielle. Le grand schéma est la vision totale !

7)   Les gants blancs de l’initié sur le chemin lumineux entre caverne et montagne.

Nous devons illustrer la correction de la vision ou de l’état profane par l’usage des symboles ritualisés.

C’est dans le but de comprendre la relation entre le corps et la pensée que le franc-maçon fait l’apprentissage d’un signifiant non corporel. Ainsi le franc-maçon apprend à épeler. Nous sommes dans le vibratoire qui est produit par le corps, mais qui s’en libère.

Il faut libérer la pensée et donc l’esprit du corps qui le retient. L’écueil de la vision totale, c’est le corps qui emprisonne la pensée et limite l’expression plénière de l’esprit.

Le langage implique d'abord une activité intentionnelle, qui passe par le corps en propre.

« La pensée n'est rien d'"intérieur" ou d’extracorporelle, elle reste sous l’emprise du corps. Les gants blancs nous protègent de l’emprise du corporel de l’empreinte digitale et donnent à la pensée la dimension de l’esprit.

 

 Pour se libérer de l’emprise du corps dans le but de se réaliser, il faut soit annuler ses effets ou le détruire :

 

1er) Par exemple la destruction sera la conséquence de l’incapacité à prononcer un mot de passe (2ème degré). Pour prononcer un mot de passe initiatique il faut non pas le lire avec le filtre du corps impur, mais il faut être le mot lui-même. Schibboleth est l’exemple parfait : la non-appartenance à la tribu entraîne un défaut de prononciation à cause du corps, de la langue ou des cordes vocales. Ici ne pas « être » le mot entraîne la mort, ou le refus du passage.

 

2em) Pour le nom ineffable il en est de même il faut appartenir à la tribu des lévites et être le grand prêtre avec une initiation préalable pour le prononcé, ce grand prêtre s’est « réalisé » en tant que grand initié et s’est libéré de la contingence corporelle, il doit être le mot lui-même.

 

3em) L’oralité initiatique est extracorporelle. En devenant le mot ritualisé, nous entrons dans un autre registre qui amalgame la vibration et la mise en scène ritualisée. L’illustration peut être faite par la mise en croix du Christ ou de Saint-André. Ils sont devenus la parole qu’ils ont prononcée, ce qui se traduit par la délivrance ou la libération de l’esprit par le point central de la croix.

 

L’idée de la filtration des fluides par les gants vaut aussi pour les vibrations (son, chaîne d’union), les sons (coups de maillet, acclamation), les images (bandeau ou voilette). Cette filtration s’associe automatiquement à la transmission de la lumière : ainsi le transpercement (épée ou compas sur le cœur dénudé) constitue la base de la transmission initiatique qui ne doit pas être parasitée. La transmission est opérante à l’image des gants, sous la condition qu’elle se fasse entre celui qui sait prononcer le mot rituellement et celui qui sait écouter. Ce qui est prononcé et ce qui est entendu ne sont pas du monde profane. Grâce aux gants, celui qui transmet est un corps pur qui a déjà incarné dans son for intérieur (le centre de lui-même) le mot le geste ou le signe.

Les gants lumineux sont là pour nous rappeler notre relation intérieure au centre lumineux. Ils nous rappellent aussi la condition de métamorphose par la purification préalable à tout acte de transmission ou à tout acte opérant dans le champ de la lumière. Cette condition d’adéquation de l’intérieur et de l’extérieur se retrouve dans la recherche du centre en soi et de son adéquation au centre des centres.

Enfin pour clore la démonstration de l’effet filtrant et correcteur nous retiendrons qu’au REP le gant est maintenu dans le port de l’épée flamboyante par le maître de loge. Celle-ci déjà chargée par le pommeau (soleil ou lune suivant le genre de l’initiation) n’est pas perturbée par l’influx du Maître de Loge, conservant ainsi toute son efficacité. Le médiateur-intercesseur respecte l’origine du flux sans y imposer sa marque (au sens de sa signature).

Dans un autre cas, c’est l’inverse qui est requis : le gant est absent au moment du serment d’obligation, car la main purifiée par les voyages initiatiques est ici posée au contact du centre des centres. Ici il n’est point besoin de filtrer une source pure, qui est la bible le compas et l’équerre, et qui rayonne au-delà des 5 sens. On enlève à nouveau les gants pour la chaîne d’union. Ici c’est la conjugaison des marques (signature géométrique et donc spirituelle des opératifs) qui fait l’œuvre en regard du centre. Il y a un travail commun qui est ce temple de l’homme bâti autour du centre. Cette chaîne d’union vibre moins par l’influx spécifique et personnel du voisin de droite, mais par le point de conjonction des regards qui est le cœur de la croix tridimensionnelle formée par le plan du pavé mosaïque et l’aplomb de l’axis Mundi. Ce point rayonne dans l’esprit de chacun et génère une vibration parfaite.

 

 

8)   Les mains pures pour « opérer » l’Œuvre de l’esprit

 

Le franc-maçon réalise en mettant son acte à la hauteur maximale de ses possibilités. Il y met littéralement toute son âme. Il sort de son corps toutes ses ressources. Cette hauteur maximale qui outrepasse le corps, c’est ce qu’on appelle un chef d’Œuvre. Le chef d’Œuvre dans la matière relate la dimension divine.

Le Gant blanc est un vêtement pour la régénération du corps préalable à la réalisation de l’homme dans toutes ses composantes, jusqu'à la libération de l’esprit dans l’Oeuvre.

Pour le temps qui nous est accordé, nous devons concourir par nos gants à l’édification de l’Œuvre.

La main est l’outil premier de l’esprit qui réalise dans la matière. Cet aspect relationnel entre matière et esprit passe obligatoirement par la main qui « opère » la rectification-purification. On rectifie-purifie la forme par la taille qui retranche et sculpte, par l’assemblage des pierres.

La matérialisation de la pensée est une voie initiatique complète qui se traduit par la trans-formation de la matière. La transformation (au-delà de la forme) doit aboutir à la métamorphose, c'est-à-dire à une forme qui surpasse la matière grâce à l’esprit qui y réside. Les gants attestent de la métamorphose des mains qui vont travailler la forme. Cette dernière est ainsi lumineuse ou sublimée en esprit. Nous retrouvons très partiellement ce phénomène dans l’œuvre d’art.

Le propre de la voie artisanale est de transformer la matière brute en perfection de forme qui relate la perfection de l’esprit. La forme devient l’image manifestée de l’esprit. En ce sens on comprendra que l’artisan initié mette toute son âme dans la réalisation de soi et dans la pierre taillée.

 La projection de l’âme passe par le canal des mains gantées qui se prolonge par des outils. L’effet de projection de l’âme dans le corps abouti à une symbiose entre l’artisan et la pièce transformée. Cette symbiose obéie à des règles d’harmonie, des lignes de force, et une sagesse dans l’exécution. (Force, sagesse et beauté)

C’est un acte où l’âme se projette dans la matière et fait le chemin de l’esprit. C’est au final ce que nous appelons communément une œuvre de l’esprit. L’œuvre est ici constituée de trois aspects indissociables qui dans la voie artisanale ont tous les trois transité d’une manière ou d’une autre par les mains.

 

Ces trois composantes sont le corps, l’âme et l’esprit, soit les tâches sur les gants de la boue adamique, les gouttes de sang et sueur de la pierre cubique, les larmes de l’âme veuve de l’esprit envolé. Si nous voulons des gants sans tâche, il nous faut maintenir les trois composantes unies autour du même centre.

Ici nous comprenons le rôle symbolique et pratique des gants blancs des francs-maçons spéculatifs.

Ils ne sont là que pour souligner et protéger le rôle si particulier de la main sublimée dans le chef d’œuvre. La fraction du corps représenté par la main est chez un initié de la voie artisanale, une expression parfaite de la réunion des trois parties de l’Être. La main pure est donc bien plus qu’une fraction du corps, elle « réalise » l’Homme autour de son centre, elle donne accès à la transcendance du centre.

 

L’initiation sans réalisation de soi est une totale impossibilité. L’homme corporel doit progresser vers l’homme psychique puis vers l’homme spirituel. Il doit voir au-delà de la matière, et plus loin que sa psyché pour rejoindre le point de toutes les vues et de tous les rayons. Le point de toutes les vues, qui recoupe tout les angles et toutes les dimensions s’appellent le Principe. Depuis que nous avons reçu la Lumière, nous savons que celle-ci est blanche. C’est pour ce rappel que nos gants sont blancs, car le franc-maçon doit agir dans l’ici et maintenant sous l’égide de la lumière et non des ténèbres.

Les gants sont blancs par l’assimilation de la lumière principielle. Ils traduisent en retour la pureté de nos intentions.

 

 

9)   L’œuvre de la main pure est unité des genres (le secret de la deuxième paire)

 

Nous avons évoqué de mains pures et de cœur pur de l'homme originel, mais il nous faut aborder la non-différenciation des genres qui caractérise l'unité première. De cette période adamique chère aux fondateurs de la franc-maçonnerie spéculative, il nous reste le souvenir lumineux du paradis perdu. L'homme sur la voie de l'initiation tente de retrouver cette éternité d'avant la chute qui entraîna la différenciation et le nombre par la différence des genres masculins et féminins.

C'est ici le secret de la deuxième paire de gants.

Pour illustrer définitivement ce caractère opérant des gants blancs dans l’unité principielle lumineuse, il convient d’aborder la conjonction des genres propre la franc-maçonnerie.

L’androgyne et le Rebis convergent les genres en un seul corps il n’est plus besoin de pagne fait de feuille de figuier, ancêtre du tablier, pour dissimuler leur différence.

La deuxième paire de gants souligne une dualité réconciliée et apaisée dans le cœur illuminé de l’homme. Le maçon a donc un double qui lui est indispensable pour accueillir la lumière. Ce double est une aide qui va animer (par l’âme) le corps de l’homme. Cette aide se relie à lui par un fil conducteur. Ils sont associés dans la marche vers la lumière : au centre du labyrinthe sont réunis d’un bout à l’autre d’un fil, Thésée et Ariane. Cet aspect n’est vu que par quelques rites primitifs en franc-maçonnerie et reste peu commenté dans sa vraie dimension par les grands auteurs.

Cette paire qui nous est remise, célèbre notre moitié féminine et bien plus. En effet notre réalisation initiatique passe par la connaissance « illuminée » de notre propre intériorité, cette caverne matricielle qui nous a fait renaître à nous même. Notre âme est féminine, elle n’attend que la lumière de l’esprit en son sein. La Dame est l’âme que nous honorons du don de la deuxième paire. Nous l’appelons aussi Notre-Dame, notre reine sans laquelle le roi ne serait pas couronné d’épines. La couronne de lumière du roi auréole celui qui a fait le lien entre le bas et le haut, voire le Très-Haut (mise en gloire).

 

 

Les gants blancs sont à remettre à notre corps agissant comme à notre âme accueillante. Alors ainsi vêtus, l’âme et le corps peuvent accueillir l’esprit et bâtir dans la lumière. Revêtir les gants blancs permettra de recevoir la lumière et nous ouvre l’accès à ce qui est au-delà de la manifestation. Les gants de lumière opéreront le dépassement de la contingence, la "délivrance" de l’ivraie des contradictions et des fausses harmonies.E.°.R.°.

 

 

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 00:00

La première partie, propose une présentation générale de la truelle, avec une interprétation symbolique originale qui reprend le dispositif des lumières d’ordres au Rite Ecossais Primitif. Une seconde partie fera l’exposé du symbolisme de la truelle dans la réalisation descendante du franc-maçon, soit une manière nouvelle d’exposer la gloire au travail.

 

 La truelle opérative

Cet outil est une sorte de petite pelle à main. Il en existe aujourd’hui de différentes sortes (carrée, à bout arrondi, brettée, langue de chat, …),mais pour cette planche, je vais me limiter à l’étude de la truelle « standard » (la plus commune) qui est composée d’une lame triangulaire en métal (aujourd’hui en inox) et d’un manche de fer recourbé se terminant par une poignée en bois. Elle fut inventée au début du XVème siècle par un maçon du nom de Clément Arrieux.

La truelle est l’un des outils principaux que le maçon opératif utilise dans son travail quotidien. Nous pouvons dire que la truelle est l’outil emblématique associé au maçon. En effet, si nous voulons représenter sur un croquis un maçon, il suffit de dessiner un homme en salopette avec une truelle à la main. Le maçon contemporain, dans ses travaux, l’utilise pour divers usages. Je vais essayer de développer, de manière succincte, ses deux principales utilisations.

·         Maçonner les murs : poser et unir la pierre dans un ensemble.

Le maçon l’utilise comme une petite pelle pour prendre le mortier dans l’auge et l’étaler sur le parpaing (ou la brique, la pierre, …) qui doit être scellé (cimenté) avec un autre. Ensuite, il utilise le flanc tranchant de la truelle pour enlever le trop de mortier au niveau des joints et les lisses grâce à sa partie plane.

  

·         Enduire les murs : consolider et harmoniser l’ensemble.

Le maçon utilise la truelle à nouveau comme une petite pelle pour prendre le mortier, mais cette fois-ci afin de l’étaler sur la paroi à enduire, il projette le mortier grâce à la truelle en faisant énergiquement un geste rotatif du poigné. Ce geste très technique n’est pas à la portée d’un novice sans expérience, car la difficulté est de réussir à ce que tout le mortier reste collé sur la paroi verticale du mur de manière étalée et homogène. Pour cela, il faut que pendant la rotation du poignet qu'il y ait en même temps un mouvement du bras (de bas en haut) qui permette à ce que le mortier s’étale correctement sur le mur tout en restant accroché au mur à enduire. La projection de la forme à parfaire se fait en pensée et en acte.

Le maçon utilise également la truelle pour divers autres usages comme lisser le mortier, gâcher le mortier, racler, nettoyer, ouvrir les sacs de ciment, …. La truelle, comme le maillet, le ciseau, le fil à plomb, le niveau, l’équerre, le mètre (la règle) sont les outils indispensables pour tous les maçons opératifs.

Nous ne pouvons pas décrire la truelle sans évoquer de manière plus détaillée le mortier. L’un ne va pas sans l’autre comme je l’ai déjà indiqué un peu plus haut dans cette planche (maçonner et enduire les murs). Le mortier est une matière molle qui sert d’une part à cimenter, à unir plusieurs blocs (constituant le mur) et d’autre part à enduire, à harmoniser la paroi du mur que l’on souhaite embellir. Le mortier est généralement composé de trois doses de sable pour une dose de ciment et une dose d’eau.

   Le triangle opérant

La truelle, au R.E.P.,  n’est pas représentée sur le tableau de loge du premier degré. On la retrouve au deuxième degré au grade de compagnon. Sans dévoiler le tableau de loge du second degré, la truelle y est schématisée et positionnée comme la figure ci-dessous :  

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Si nous observons attentivement cette figure, nous pouvons dire que ; d’une part, la truelle est composée d’un triangle (lame) et d’un éclair (poignée) ; et d’autre part, la truelle est dirigée vers le bas.

L’éclair

La poignée de la truelle représente un éclair. L’éclair symbolise l’étincelle de la vie qui vient du Divin, du Céleste. L’éclair est un signe de puissance et de force qui manifeste une énergie. D’un point de vue spirituel, il produit une lumière intérieure, une révélation en soi provenant d’en haut. On peut ainsi dire que l’éclair représente la volonté agissante de l’esprit.

Le triangle

La lame de la truelle représente un triangle, ce qui nous ramène au ternaire, à la tri-unité. Nous avons tous été initiés sur la base de la « ternarité ». En effet, dès le cabinet de réflexion pour l’impétrant (le soufre, le mercure et le sel) ; en passant par l’initiation avec les trois voyages  (air, eau et feu) ; ou avec les trois pas de l’apprenti ; etc. …                                     

 Dans la loge, au 1er degré, le ternaire est omniprésent aussi bien au Debhir (le Soleil, la lune et le Maître de Loge) qu’au Hékal avec les trois colonnettes (Sagesse, Beauté et Force). Attardons-nous un peu sur les trois flambeaux. Au R.E.P., nous trouvons la Sagesse, ensuite la Beauté et la Force. Leur emplacement autour du carré long (trois points) représente un triangle et son centre se trouve dans l’axe vertical de la voûte étoilée, l’Axis Mundi (fil à plomb). C'est dans le Hékal en fonction de ces trois vertues que doit opérer la truelle.

truelle-1.jpg 

Si à partir de cet axe vertical (axis mundi), nous faisons tourner le triangle d’un quart de tour dans le sens horaire, nous retrouvons la position du triangle représentant la truelle avec la pointe vers le bas (comme on la trouve sur le tableau de loge du Compagnon). Alors, nous avons en premier la Force, ensuite la Sagesse et la Beauté.

truelle-2.jpg 

Le triangle ainsi représenté (avec la pointe orientée vers le bas) symbolise, entre autres, l’eau, ce qui m’amène à réfléchir sur le mortier. Mais juste avant, nous pouvons remarquer que si conjuguons le triangle du Hékal (pointe vers le bas) avec celui du Debhir (pointe vers le haut symbolisant le feu) nous obtenons un hexagramme (l’étoile à 6 branches).  

 

Le mortier

Comme je l’ai évoqué dans la première partie de cette planche, le mortier est étroitement associé à la truelle. Ce mortier maçonnique serait donc le « liant » qui unit tous les francs-maçons. Mais de quoi est-il composé ? Le mortier du maçon opératif se compose de trois doses de sable, d’une dose de ciment et d’une dose d’eau. Si nous additionnons le nombre de doses, nous avons cinq doses pour obtenir ce mortier idéal. Étant donné que nous sommes au 1er degré, je ne développerais pas plus sur ce thème, mais seulement je note que, dans plusieurs rites et notamment au R.E.R.,  le Compagnon reçoit la truelle à l’issue du cinquième et dernier voyage.  Le sable serait donc la Force (le travail de l’homme) provenant de la terre, le ciment serait la Sagesse (l’esprit de fraternité) provenant du céleste et l’eau serait la Beauté (l’harmonie de l’âme). On retrouve ainsi dans l’ordre les 3 points que représentent les colonnettes pour former le triangle de la truelle dirigé vers le bas : Force, Sagesse et Beauté.   

 

Le symbolisme de la truelle

À ce stade de ma réflexion, je peux dire que la truelle est un outil symbole très important, un outil de fraternité, qui sert à unir, à lisser et à consolider, donc à parfaire l’œuvre. La truelle associée au mortier permet au Maçon Compagnon, qui sait correctement la manier, de faire le joint avec tous ses Frères afin de terminer son chantier de Compagnon. Elle permet d’unir chaque pierre cubique pour atteindre l’unité (fusion), et ce, malgré les particularités de chacun d’entre nous. En effet, aucune pierre cubique n’est identique ou parfaite, elles ont toutes quelques différences et la truelle permet également de lisser les joints et d’atténuer les aspérités, les imperfections de l’ouvrage, dans un souci d’harmonie et de cohérence. La truelle atténue la différence de chaque pierre (notion de tolérance), mais elle doit servir pour l’œuvre commune et dans l’intérêt général. Le mortier symbolise l’Amour Fraternel qui, à mon sens, est essentiel pour développer la tolérance, la bienveillance et l’altruisme. La truelle est une volonté agissante de l’esprit sur la matière qui laisse une main libre au Maçon (maillet et ciseau occupent les deux mains).   La truelle est l’outil par excellence qui permet d’achever l’œuvre, la truelle permet de réunir ce qui est épars et de parfaire l’ouvrage. La truelle symbolise également la réalisation descendante de l’esprit sur la matière. Avant de conclure, je souhaite aborder l’expression maçonnique « passer la truelle » qui signifie pardonner, c’est-à-dire passer une couche mortier sur les aspérités. 

 

 

Conclusion

La pierre brute que l’Apprenti taille grâce à son maillet et son ciseau est la représentation de son travail sur lui même. Quand ce premier chantier de l’apprenti est abouti, que sa pierre par son travail est devenue cubique, le Maçon devenu Compagnon peut passer à l’étape suivante, avec toujours la volonté agissante, qui consiste à se rapprocher des autres par l’assemblage de sa propre pierre avec celles de ses Frères Maçons afin de construire le temple. La truelle est le symbole de l’Amour Fraternel qui doit unir tous les maçons et le mortier est alors la fraternité universelle, le liant, qui unit tous les maçons entre eux.                              

 Alors pourquoi cet outil qui nous permet de faire le lien fraternel est si difficile à utiliser ?                                                                                                                                               À mon avis, afin que le liant soit efficace, il est nécessaire que le maçon soit déjà bien conscient du travail qui lui reste à faire, car son chantier ne sera jamais terminé puisque la sagesse n’est pas une fin en soi, mais elle est le début d’un long parcours qui doit permettre aux Francs- Maçons de suivre leur propre voie intellectuelle philosophique et spirituelle tout en acceptant celles de ses Frères.

Pour terminer ma planche, je me permets de donner une petite note légère concernant les agapes en vous disant (à l’ avance) à nos cuillères !

 

Pa :. Av :.

 

 

 

La truelle outil de la réalisation matérielle descendante dans l’état de perfection.

La réalisation matérielle descendante est appelée dans son aspect opératif « gloire au travail ». la gloire sur le fronton des cathédrales est un espace en intersection entre deux cercles, celui du centre ontologique, et celui du centre manifesté. le Christ en gloire appartient aux deux mondes le terrestre et le céleste. Donc la gloire au travail doit s'interpréter comme le travail dans la gloire. Nous travaillons à notre réalisation d'être total en regard du monde matériel et du monde spirituel .

Sans abandonner les généralités admises sur la signification du symbole associé à certains rites au 5ème voyage du compagnon, nous devons signaler que cet instrument est eu REP l’instrument du maître dans l’ennéade des outils, mais figure en bonne place au tableau de compagnon ; Il doit donc être étudié sous deux aspects, opératif et moral (1), puis conceptuel et métaphysique (2). Ces deux aspects emportent la notion de perfection.

 « La truelle symbolise la perfection, a pour vice l’erreur et pour vertu la réintégration c'est-à-dire la prise de conscience supérieure d’une complète totalité. » (Livre de l’apprenti au Rite Ecossais Primitif)

 

1)    Morale opérative de la truelle.

L’outil possède une vocation fraternelle et plaide pour l’universalité dans la différence. C’est l’union fraternelle dans la différence.

De l’individu à l’unité construite

Le franc-maçon taille sa propre pierre et tâche de l’insérer dans un grand ensemble fait de beauté et de sagesse. La beauté suppose l’harmonie de la construction, la Sagesse est l’épouse du Grand Architecte de l’Univers et prédispose à la communion avec le sacré.

Le tailleur envisage l’œuvre à accomplir comme une succession d’étapes : la pierre taillée s’insère dans le mur qui s’insère dans l’édifice entre terre et ciel. Les trois domaines correspondent à la maçonnerie graduelle du trait du plan et du volume que les pas des trois premiers degrés symbolisent.

Ces trois étapes graduelles, pierre, mur, édifice, sont un assemblage homogène d’unités hétérogènes. Il faut donc l’introduction d’un liant.

Au fur et à mesure que l’édifice est érigé, il prend corps et âme en fonction des plans, image de l’esprit, qui ont permis sa conception. En ce sens le maçon et l’architecte deviennent serviteurs d’un dessein supérieur ou chaque instrument et outil joue un rôle matériel et symbolique.

 

Deux approches et deux perfections.

 

La perfection porte sur l’acte matériel du "savoir-faire"  et sur l’attitude qui l’accompagne appelée  « savoir-être ». Le savoir-être emporte la notion union fraternelle et d’universalisme. Ce savoir-faire et ce savoir-être sont les fruits du travail méthodique et ritualisé du maçon, que l’on nomme sous l’expression « gloire au travail ».

Il existe deux approches en taille de pierre, celle qui précise que la taille de chacune est si parfaite qu'aucun joint n’est nécessaire, ce qui suppose une uniformité calibrée de chaque pierre. L’autre approche considère que chaque pierre taillée est unique est qu’un joint est nécessaire à l’unité de l’œuvre.

Le franc maçon spéculatif apprend à travailler la pierre de manière qu’aucune pierre ne puisse être laissée de côté au moment de son insertion dans le mur. La réalité de la taille est toute autre. Chaque pierre est différente, car elle est l’image indirecte de la personnalité de chaque tailleur de pierre. Cette variété des personnalités et des apprentissages enrichit la franc-maçonnerie. En s’éloignant de l’uniformité régimentaire d’une taille uniforme et strictement calibrée, il faut trouver un outil qui permette d’unir la diversité.

La diversité unie par la truelle donnera un sentiment de perfection à l’ensemble bâti. Cette perfection provient de la cohérence des joints entre les pierres. Ce joint est un mortier ou un ciment que la truelle étale sur le support. Enfin l’unité de l’œuvre s’impose au regard. Le joint absorbe la désunion des pierres et les différences de tailles.

 

Unir dans la matière, ou les prémices de la réalisation

Si l’unité architecturale est recherchée tant par son agencement que par sa parfaite adéquation avec son objet divin. Le Temple dessiné comme la maison de Dieu est une « réalisation » matérielle et spirituelle de l’homme. Le maçon comme l’architecte se réalisent en participant à l’œuvre divine. Celle-ci doit être finalisée par l’usage de l’outil qui unit et harmonise la construction.

Donc l’acte au départ opératif se teinte de spiritualité

Alors cette unité visuelle « esthétique » autorise la réintégration du centre spirituel des religions du livre.

 La truelle est représentée au second degré du REP sur le côté Nord du tableau et en parallèle on trouve sur le côté Midi une épée. Dans ce parallèle il est troublant de constater que si l’épée est montante vers l’Orient, la truelle est dessinée la pointe descendante vers l’Occident et au Nord. À l’évidence la truelle est un instrument qui se tient d’une main, donc nous conclurons que la deuxième main est disponible pour se saisir de l’épée. Nous avons pour le compagnon le dessin de sa future condition, un homme d’accord et d’union par la truelle tenue à main droite et un homme relié à l’Orient et à l’esprit par l’épée. Plus tard cette épée servira à défendre l’œuvre. Le lien à l’axe semble impliquer sa défense.

Symboliquement l’épée au Sud sert à se défendre d’ennemi venu d’une partie de l’univers extérieur éloigné du centre spirituel placé au Nord comme l'étoile qui centre symboliquement le Hékal.

La truelle se dit descendante afin d’appliquer à la matière l’influence axiale de l’esprit.

La réalisation descendante par la truelle est une affaire de mise en acte sur un plan matériel de la relation terre ciel. Cette relation se construit extérieurement et intérieurement dans chaque maçon. Il s’agit de produire dans la matière et par la forme parfaite, une image de l’esprit.

2)    Métaphysique de la truelle.

L’interprétation morale ne peut suffire au cherchant, nous pressentons que cet outil dessine une fonction particulière dans ce que j’appellerais la mise en âme de l’ouvrage. (pendant cardiaque de la mise en oeuvre materielle!)

La truelle est l’instrument opératif de la voie du milieu

Pavé mosaïque noir et blanc est la manifestation au cœur des ténèbres de l’étincelle  et sa descendance multiple. Ce pavé à des joints si parfaits qu’ils semblent  invisibles. La raison en est simple : suivant la Genèse, la lumière procède des ténèbres. La case blanche procède de la case noire, il n’y a pas de pièces rapportées. Tout provient d’une materia prima qui s’ordonne avec la forme née de la lumière. Le joint suggère la dévolution parentale.

Dans le noir informe de la materia prima apparaît la forme « éclairée ». Au terme de la taille et de l’assemblage la truelle va agir, elle participe d’un tout parfait. Cette perfection de la forme suivant les canons de sagesse d’harmonie et de force ne peut s’apprécier qu’à la lumière. L’ombre portée de la forme témoigne de la relation génétique de la lumière aux ténèbres (Ténèbres est ici utilisé pour son sens ontologique et métaphysique qui n’a aucune valeur négative, ne pas confondre avec "l’enfer" religieux des ténèbres.).

L’acte de plénitude est un accomplissement de soi en accord avec la source spirituelle ou lumineuse. Celle-ci se situant dans le plan supérieur, il est classique de la comparer à un éclair, un rayon lumineux ou un axe.

Donc la truelle est trinitaire en joignant dans une heureuse synthèse deux pierres différentes, justement posées et "de niveau" sur des fondations, entre terre et ciel. (Dessin formant les deux axes de la croix en partie superieure des fondations).

Ceci implique que l’initié passe par le stade du binaire d’une comparaison des contraires à l’unité d’une réalisation matérielle appelée ici réalisation descendante.

La descente est dénuée de toute connotation discriminante, car elle précède comme dans toute initiation une remontée. Au surplus faut-il rappeler que suivant les principes de correspondance, à la réalisation matérielle correspond un équivalent d’ordre spirituel. La franc-maçonnerie nous donne des exemples de réalisation descendante par les stades du cabinet de réflexion et des épreuves, par l’acronyme VITRIOL, par le travail persistant de la pierre pour bâtir graduellement le temple.

La truelle ne discrimine pas, elle se tient par le joint à égale distance de chaque pierre, et par l’enduit protège l’âme de chacune. Ainsi la truelle unit les différents centres de chaque pierre dans un centre commun à l’œuvre entière. La truelle fait l'apologie du centre.

La truelle finie la forme dans l’axe relationnel au divin

La truelle, la hache et la transpiration.

Les centres se superposent à l’infini. En dépassant le stade de chaque pierre pour en arriver à considérer l’unité de l’œuvre nous mettons en parallèle l’action de la truelle et l’action de la hache sur la pierre cubique à pointe. (Rappelons que la hache est tenue comme la truelle d'une main et reuni aussi deux outils dans une verticalité tranchante qui sont le maillet de la volnté agissante et le ciseau séparant le subtil de l'épais.)

 Cette dernière figure nous fait découvrir, par extériorisation, le centre caché de la pierre. La hache qui la surmonte veut la fendre signifier la descente de l’esprit ou de l’éclair au centre de la matière. Ainsi l’esprit prisonnier de la matière peut s’en échapper. Il y a bien corrélation entre l’assemblage des unités par la truelle et la présence en chacune d’elle d’un élément non matériel. Cette « spiritualisation » et cette « animation » de la matière contribuent à donner à la voie initiatique artisanale une dimension qui par l’expérience nous fait passer dans la dimension autre. La transpiration du tailleur de pierre est faite de sang, d’eau et de sel. (Corps, Âme, Esprit) c’est ainsi que les alchimistes considèrent que le sel inversé dans sa représentation descendante (triangle descendant surmonté d’une croix) est l’image de la respiration de la matière.

La hache de l’éclair fend la pierre au cœur. La truelle du rassemblement de ce qui semble épars dans une même œuvre. Les deux outils démiurgiques de l’âme et de l’esprit, nous démontrent l’interpénétration des trois entités qui sont : -  le corps matériel de la pierre participant à une totalité structurée,

-  une âme commune au façonnage démiurgique de la forme, somme de toutes les âmes des tailleurs de pierre,

- et enfin la relation axiale et spirituelle de l’ensemble bâtit fait de l’assemblage des parcelles lumineuses présentes en chaque pierre.

La truelle s’associe à l’âme, la hache à l’esprit, l’enduit à l’homme fait de terre et d’eau.

3)    L’espace démiurgique du maçon

Nous voyons que c’est dans le jointement que vivra l’œuvre. Cette attitude et ce travail diffèrent de la traditionnelle taille de la matière brute. Elle dépasse le surfaçage et le polissage d’un élément pour s’adresser à une universalité, soit un temple fait de pierre dont la fonction est de célébrer la lumière.

De la taille au façonnage démiurgique.

Si nous construisons Temple en nous même c’est que nous pouvons nous relier au principe. À ce compte ne sommes-nous pas détenteurs du pouvoir de créer la vie à l’égal du divin ?

C’est la lumière qui descend dans les profondeurs matérielles. Elle semble à la portée de ceux qui savent manier la truelle.

Comme outil la truelle est munie d’un manche axial, véritable rayon de connaissance qui fait la prolongation de l’esprit humain. Ce manche va par la force appliquée à la lame triangulaire joindre ou surfacer les pierres à l’aide d’un enduit. Nous passons alors de la maçonnerie de la taille à la maçonnerie de l’enduit et du mélange des éléments, nous nous rapprochons de l’acte démiurgique du potier.

 Nous passons de la taille au façonnage. Évidemment la force indispensable à l’acte matérialise l’esprit, entre sagesse et beauté. La taille, la façon des argiles et enduits et le tissage sont les trois sommets de la voie artisanale dont la vocation est de transformer et sublimer la matière en une forme dotée d’une peau spirituelle. Notre Être apparaît progressivement sur l’action d’une truelle qui confond l’individuel au collectif dans une même synthèse. De cette synthèse née la conscience d’une âme collective.

Un cœur sacré

Ce qui anime cette forme jointée et lissée, c’est une âme qui siège dans le cœur. Le cœur a traditionnellement la forme d’un triangle descendant. Nous avons vu que la truelle est munie d’une lame triangulaire.

La réalisation descendante s’exprime au plan individuel et en franc-maçonnerie, dans la matière et par la forme. C’est ce travail qui fera rencontrer à l’initié le fameux axe considéré en franc-maçonnerie comme une échelle graduelle vers la lumière.

Ainsi le schéma est simple : un triangle descendant tenu dans sa verticalité par un axe traversant la frontière entre le haut et le bas. Cette frontière est symboliquement un horizon dessiné comme une barre horizontale. L’esprit dans sa descente sera un axe descendant traversant l’horizon. Nous avons ainsi un triangle surmonté d’une croix. Ce triangle à la forme d’un cœur. C’est le Sacré-Cœur.

. Sacre-Coeur2-1-.jpg      soufre-symbole[1] - Copie      truelle 

 

C’est dans cette cavité Graalique  qu’a eu lieu la réalisation matérielle descendante : la lumière inonde le cœur et notre intériorité.

Ainsi classiquement la réalisation matérielle descendante ne peut suffire, elle précède une réalisation montante. Cette échelle sera dressée à partir de cette cavité (nous aurons alors un triangle montant surmontant une croix, symbole bien connu du souffre...).soufre-symbole-1-.png           soufre-symbole-1----Copie.png  hexa elements

 Nous avons ainsi le sens précis des deux triangles formant l'hexagramme. L'hexagramme est une clef qui ouvre tous les symboles des trois premiers degrés du REP.

La remontée

Nous avons compris que s’agissant de la voie initiatique artisanale, la réalisation matérielle se situait dans les niveaux terrestres est subterrestres. Le niveau terrestre-céleste est réservé à la chevalerie et le niveau céleste-surcéleste au sacerdoce.

 Atteindre le point extrême de la réalisation matérielle descendante pour le tailleur, c’est réaliser l’œuvre de perfection qui ouvre à la remontée vers la lumière le long de l’axe. Il s’agira alors de franchir les niveaux célestes et surcéleste. La perfection dans le savoir- faire et dans le savoir- être, va libérer l’homme de son conditionnement ; c’est toute la philosophie de la pierre cubique à pointe. La perfection du centre immobile égale et génère la perfection rayonnante de la pointe. Entre ces deux points soit entre le bas et le haut se dessine l’axe de la remontée qui annonce la libération de l’être. Cet axe est clairement l’épée du midi pointée à l’Orient du pavé mosaïque pour le compagnon du REP et l’exaltation de l’esprit vers le zénith pour le maître.

La truelle annonce donc le début de dépassement de la dualité, qui ne sera atteint effectivement au sommet de la remontée.

Arrivé à ce sommet l’initié pourra soit redescendre pour transmettre ce qui est la vocation du franc-maçon soit persister dans l’oubli de la dualité en passant le cap de la lumière pour atteindre la ténèbre originelle du pré-instant qui précède la manifestation.

Cet état ultime non manifesté est en vérité une libération totale et une absence d’état. Il est l’aboutissement de la voie initiatique traditionnelle. L’unité et le principe résident dans ce berceau sans contraintes ni contraires. Cette dernière étape est véritablement non matérielle et descendante.

E.°.R.°.

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16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 21:00

Nous justifions après coup notre entrée dans la franc-maçonnerie avec de grandes déclarations sur la morale, le goût du progrès, les grands sentiments et autres prétextes qui sonnent faux. Souvent ceci ne correspond pas à la vérité.

Nous sommes rentrés en FM car nous y connaissions quelqu'un qui nous inspirait confiance, mais aussi avec une curiosité faussement dissimulée. Certains recherchaient un carnet d’adresses et un relationnel, d’autres voulaient simplement ouvrir le champ des possibles en élargissant leur champ de vison. Voilà la réalité.

Les affairistes qui avaient dissimulé leurs vraies intentions sont partis ou ont accepté cette conversion du regard qui caractérise l’homme sur le chemin initiatique. Les autres, qui espéraient une micro-société élitiste infiltrée dans les arcanes du pouvoir, poursuivant des buts mystérieux et secrets, sont repartis bredouilles vers d’autres théories du complot.

Les raisons qui nous font rester en franc-maçonnerie sont souvent différentes de celles qui nous ont fait frapper à la porte.

Avant d’aborder les motivations qui font que l’on reste en franc-maçonnerie (2,) cette planche décrit d’une manière inédite les raisons qui nous incitent à y entrer (1).

1)Pourquoi entrer en Franc Maçonnerie

    Il y a maintenant quelques années que je suis parmi vous et j’ai voulu faire un point sur les fondamentaux de « ma » maçonnerie. Pourquoi faire ce constat ? Tout simplement pour ne pas oublier le pourquoi je suis rentré en Franc- Maçonnerie. Je ne voudrais pas l’occulter un jour, donc réviser ne peut être que bénéfique.

Ce que je vais développer devant vous mes F :. n’est pas le comment rentrer en F :.M :.  mais le pourquoi.

Je suis franc-maçon, a dit un F.:, parce qu’un jour j’ai frappé à la porte du Temple et on m’a ouvert. J’ai ensuite demandé la Lumière et on me l’a accordée ou plus exactement on m’a donné les outils nécessaires pour la rechercher. J’ai donc été initié, c’est-à-dire que j’ai accepté de me soumettre à un ensemble de rites d’initiation qui m’ont permis d’entrer dans la fraternité maçonnique.

Peut-être avant de mieux préciser le pourquoi on devient maçon, je vais définir 10 raisons ou commandements pour ne pas  vouloir devenir Franc Maçon :

1. Vous avez déjà beaucoup trop d’amis.

Les amis vous causent plus d’ennuis que de bien-être en vous invitant constamment aux évènements sociaux, en s’enquérant au sujet de la santé de votre famille et de votre vie personnelle, et en vous offrant leur sagesse et leurs conseils. Vous ne pouvez pas vous imaginer en avoir plus. Parfois un homme doit juste être seul.

2. Vous aimez mentir, tricher et voler.

Profiter des autres est pour vous, une façon de vous hisser dans la société. Manipulateur, vous savez dire aux gens ce qu’ils veulent entendre, quitte à mentir. Cela vous a toujours été avantageux et la simple pensée de joindre une association qui exige de vous d’être droit et honnête dans tous vos rapports avec votre prochain est fondamentalement contraire à votre caractère.

3. Vous êtes un non conformiste.

Vous vous dites que l’homme libre que vous êtes ne peut respecter les règles édictées par les autres. Ainsi, vous ne pouvez suivre les règlements et le code d’éthique d’un groupe. Vous ne pouvez adhérer à une association qui limite son adhésion aux hommes bons et les encourage à vivre leurs vies aux niveaux les plus élevés de la morale. Cette action serait contraire à votre identité personnelle.

4. Vous êtes avaricieux.

Vous avez tellement travaillé pour posséder cet argent, que vous ne pouvez pas vous résoudre à dépenser un sou pour aider d’autres personnes. Ce sont tous des exploiteurs, ces vieillards, ces handicapés, ces veuves et ces démunis. Ils ne méritent ni temps, ni argent.

5. Vous êtes un fondamentaliste religieux et croyez que le dogme de votre foi est le seul véritable chemin de la vérité et du salut.

Vous croyez que votre premier devoir en ce monde est de convertir d’autres êtres humains en votre foi. Et que ceux qui n’y adhérant pas, sont voués à l’enfer.

6. Vous êtes un matérialiste ou un athée.

Vous ne pouvez pas concevoir qu’il existe une chose telle que Dieu, qu’il soit celui des religions ou celui de Spinoza. Ceux qui croient en Dieu sont stupides. Vous croyez que la pensée est le résultat de l’interaction entre les petits objets comme les atomes et que l’esprit ne peut exister sans la matière. Vous croyez que l’existence de l’homme se limite à sa vie sur la terre et que la vie elle-même n’a aucune signification.

7. Vous détestez la charte des droits et libertés et tout ce qui touche aux droits de l’homme.

Vous croyez que le monde fonctionnait beaucoup mieux quand les hommes étaient incultes, vivaient dans la crainte de la persécution religieuse, sous des monarchies et des dictatures. Vous ne croyez pas que tous les hommes naissent égaux, ni qu’ils ont le droit au bonheur et à la justice. Vous ne croyez pas aux principes de la justice, de liberté et d’égalité.

8. Vous êtes trop occupé.

Il y a tellement d’émissions de télé que vous devez regarder. Sans compter les jeux vidéo, l’Internet et tout ce qui occupe vos nombreux loisirs. En fait, votre précieux temps est complètement en dehors de votre contrôle et il est hors de question de prioriser vos activités permettant de vous engager dans des activités avec votre communauté, même si celles-ci ne sont que de quelques heures par mois.

9. Vous détestez tout ce qui touche à la tradition et à l’histoire.

Vous détestez l’histoire et tout ce qui touche aux traditions. Vous vous dites que nous sommes dans le monde moderne maintenant. Il n’y a rien d’intéressant et de gratifiant à vouloir la préservation de ces choses démodées, ces vieux bâtiments et surtout, toutes ces traditions orales.

Pourquoi voudriez-vous soutenir une cérémonie anachronique, périmée, et injustifiée qui depuis des siècles a survécu en conservant toujours le même objectif ?

Dans la société moderne, ceci est désuet et sans importance.

10. Vous ne trouvez aucune raison de vous améliorer.

Votre personnalité et votre caractère ne pourraient s’améliorer, vous êtes parfait. Si vous aviez à joindre la franc-maçonnerie, ça ne serait que pour enseigner aux autres les grandes techniques que vous avez développées, celles qui rendent votre personnalité si exemplaire.

Si vous avez répondu vrai à une seule de ces affirmations, alors effectivement vous n’avez rien à faire en maçonnerie.

Maintenant, il serait un peu facile de retourner toutes ces affirmations pour motiver une rentrée en maçonnerie.

Comme pour beaucoup, je suppose, mon entrée en Franc-Maçonnerie s’accompagnait d’interrogation.
Les premières Tenues m’ont laissé perplexe : c’est au nom du Grand Architecte de L’Univers que s’ouvrent et se ferment les travaux, j’avais entendu cette incantation pour la 1ere fois, le soir de mon  Initiation,  mais encore sous le choc de cette soirée inoubliable, je n’y ai pas trop fait attention. Aux Tenues suivantes j’ai écouté cette formule avec plus d’attention et je me suis demandé qui invoquait –on ainsi ?
Les livres à la disposition des Apprentis ne sont pas très loquaces. Avais-je trouvé une autre religion ?
La réponse que j’ai obtenue est que « Le Grand Architecte de l’Univers »  n’était pas un Dieu révélé, pas un objet de croyance, ni un dogme imposé, mais  un principe créateur, un symbole, une idée. Ici tout est symbole m’avait dit le Vénérable Maître le soir de mon Initiation. Le symbole dit « Goethe » transforme l’apparence en idée, l’idée en image. Le symbole contient donc l’idée, mais il n’est pas l’idée.  Aussi laisse- t-il la liberté d’évoquer la chose, le phénomène selon sa sensibilité, ses sentiments, ses convictions, voire ses doutes.


La Loge maçonnique est un lieu exceptionnel un lieu sacré, à l’abri du monde profane où des hommes libres et de bonne volonté peuvent se rencontrer, dialoguer, communiquer, rassembler des personnes différentes autour d’un même idéal. En Loge règne un esprit de tolérance, un humanisme, le seul qui permette à l’homme de se sentir tel qu’il est, dans toute l’acception du terme En Loge, le franc-maçon peut exprimer ses sentiments de fraternité, de camaraderie, d’amitié et les partager avec ses Frères et leur offrir le meilleur de lui-même. Au sein de l’Atelier maçonnique, il n’y pas de compétitions entre les Frères, pas d’enjeux financiers. Il y a une spiritualisation au sens large de toute chose,  et la méthode du symbolisme permet d’aller au fond des questions posées. Dans certains moments difficiles de notre vie, la Fraternité avec un grand F et le soutien des Frères  est un grand secours moral.

L’Initiation engage le franc-maçon à développer sa connaissance, à revoir sa manière de penser, de réfléchir, sa manière de vivre où tout au moins essayer de se transformer, de passer du « profane au maçon» qui maîtrise ses passions. Tailler et polir la Pierre Brute que nous sommes, symbole de l’homme, pour l’insérer harmonieusement dans l’édifice commun.
Il ne faut pas perdre de vue que c’est dans la Loge que tout commence. Nous ne sommes pas entrés en franc-maçonnerie par goût de l’érudition, mais pour nous changer. Méthode de réflexion et non-école de pensée, l’initiation Maçonnique ne dispense aucun enseignement doctrinal où dogmatique, n’impose aucune idée toute faite. C’est le franc-maçon lui-même avec l’aide de ses Frères qui accomplit son approche de la vérité, cette vérité qui appartient à ceux qui la cherchent, et non à ceux qui prétendent l’avoir trouvée. Nul ne saurait se dire Franc-Maçon, s’il ne cherche pas, s’il n’entreprend pas de se transformer.  C’est ce que nous tentons de faire nous qui nous réunissons dans nos Loges, en observant le Rituel.
Dans notre Rituel tout nous pousse à prendre des décisions, nous donne un état d’esprit d’homme responsable, d’homme d’avenir. Le Rituel est avant un tout un outil, probablement le plus élaboré nous faisant à chaque fois tenter de bâtir un Temple. Nous sommes pierres et le Rituel nous permet de rendre ces pierres plus conformes à leur intégration dans la construction du Temple.   Le but de la Franc-Maçonnerie est que le franc-maçon s’améliore lui-même et par là améliore  les autres, c’est un travail de groupe donc de la Loge.
En fin de Tenue, nous formons la Chaîne d’Union. La Chaîne D’union est un des points forts de notre Rituel, elle est le moment d’une intense communion affective, la Chaîne d’Union exprime notre concept de Fraternité et notre concept d’amour, lesquels sont au centre de notre vie de franc-maçon.
 « Formons de nos mains qui s’enlacent une chaîne d’amour » dit la chanson maçonnique «  Ce n’est qu’un revoir mes Frères. »
Je rends hommage à mon Frère Dominique qui m’a amené à la porte du Temple. Je l’en remercie sincèrement, ainsi que tous les Frères qui m’ont épaulé et aidé. 
Je fais un retour sur moi-même, de l’homme que j’étais quand j’ai dit ma volonté d’être maçon » me suis-je amélioré ? Seuls mes Frères peuvent le dire.
Je crois avoir appris par le silence de mon apprentissage, mais aussi après, à écouter les autres, et à me maîtriser.
 L’Initiation a été forte et impressionnante au moment où je l’ai reçue. Mais c’est avec le recul que je m’aperçois que petit à petit je me suis transformé. Comment ? comment cela s’est-il fait ? Par quelle alchimie ? Être Maître de son œuvre. J’ai compris que j’étais en train de construire mon Temple intérieur c’est-à-dire : MON MOI. L’Initiation m’a permis d’entrer et de marcher sur un chemin qui me conduit à moi-même, et de créer cette dynamique qui fera qu’un jour un Profane se demandera pourquoi je suis comme cela ? Quelle est la raison de ce changement, de cette transformation ?   Qu’il se dise à son tour : je veux être maçon. Alors une partie de mon œuvre sera accomplie : je rayonne !! J’ai la lumière en moi, je peux la transmettre.
Pour conclure, je cite ces strophes d’un poème :

Le bandeau est tombé tu as vu la Lumière
Ici commence un long chemin
Que chacun d’entre nous doit suivre à sa manière
En taillant chaque jour la pierre de ses mains

C’est le long chemin vers soi-même
La pierre brute à dégrossir
Pour l’ésotérique baptême
Ou le vieil homme doit mourir  

C’est le long chemin qui rassemble
Ceux qu’un même idéal unit
Bâtir un monde où règne ensemble

Sagesse et Beauté et Force
(j’ai modifié le dernier vers afin de le cadrer avec notre rite.)

 R.°.L.°. La Lumière écossaise à l'O.°.d'Ollioules

Par :Thi :. Vei :.

2)Pourquoi rester en franc-maçonnerie ?

Si on reste en franc-maçonnerie, c’est parce que l’histoire de la connaissance de soi et du monde ne s’est jamais achevée. Nous persistons sur le chemin de la connaissance en franchissant les différentes frontières de la représentation mentale.

Je résumerais mon envie de rester par la phrase suivante :

« Je suis un maçon libre, avec une vue haute qui tend vers l’universel. Tels l’arbre et le Temple je célèbre la lumière d’un centre fondé sur l’harmonie des correspondances. Je reste aux côtés de mes frères qui privilégient l’être à l’avoir, participant activement au chantier de l’humanisation de l’homme. »

La franc-maçonnerie spirituelle et traditionnelle est riche de sa diversité et s’adresse à de nombreuses sensibilités. Elle n’est composée que de femmes et d’hommes qui sont des bonnes mères et de bons pères de famille et qui pensent que l’homme est perfectible, son moteur intime n’étant pas fondé sur l’argent ou la lutte des classes. Ils n’ont pas l’impression de détenir la vérité puisse qu’ils la cherchent en entamant le long périple d’un pèlerin libre, sans dogme ni subordination à un gourou ou à une idéologie.

 Il existe en l’homme libre un rapport intime au sacré et à l’intemporel qui ne relève pas d’une révélation faite au café du commerce ou d’une perfusion religieuse. L’homme à en lui des frontières qu’il peut encore franchir. Nous sommes donc dans le domaine mystérieux de l’intime qui se dessine progressivement à celui qui veut tenter l’expérience initiatique.

« Avec une vue haute »

Tout est affaire de représentation mentale et de hauteur de point de vue. La franc-maçonnerie intéresse ceux qui pensent que l’homme fait partie d’un tout qui le dépasse. Le franc-maçon tente de percevoir le tout dans les différents mondes qui l’entourent.

Il a des devoirs envers lui-même, ce qui suppose une connaissance de soi, envers sa famille ce qui le situe dans la transmission et dans la mémoire, envers la société qu’il tente d’améliorer et envers l’univers qu’il tente de comprendre dans sa naissance et son devenir.

Cette prise de conscience graduelle découle non pas d’une simple réflexion écologique globale ou religieuse, mais d’une expérience initiatique qui donne ce que l’on appelle le don de « double vue ». On traduit cela par regard neuf et sans préjugés : je vois l’homme pour lui-même et pour son entourage, mais je le restitue aussitôt dans un grand tout qui par certains cotés n’est accessible qu’au regard averti capable d’établir un jeu subtil de correspondance.

Je ne peux me contenter de penser que l’homme demeura à tout jamais esclave de son inconscient. Alors il ne pourrait voir au-delà de la compréhension de son asservissement. Ce serait une vue basse et partielle !

Il faut simplement reprendre l’initiative avec une vision nouvelle d’un soi relié à la totalité. Ce serait la vue haute et globale, parfois appelée vérité.

Apprendre modestement à se connaître semble la première démarche, mais pour qu'elle soit aboutie et riche de promesses il faut mourir à ses propres certitudes et tenter de recomposer avec méthode notre être. C’est ici la preuve qu’il ne s’agit pas d’une simple exploration du subconscient. On y passe sans y rester.  Le Gnôthi sauton n’est pas une doctrine de l’enfermement en soi.

La méthode maçonnique repose sur une base matérielle et intérieure pour embrasser une dimension spirituelle et céleste qui surpasse la psychologie. Afin d’éviter tout dérapage et la stagnation dans les fractions infernales de l’être, je peux compter sur la fraternité attentive de ceux qui me précèdent sur le chemin.

« Qui tend vers l’universel »

Quoi qu'il en soit nous restons en franc-maçonnerie pour une certaine idée que nous avons du monde, de la fraternité des hommes et de l’harmonie de l’univers. L’idée de fraternité ne peut dans une société initiatique se détacher de la tradition. La tradition c’est non pas se qui nous asservi au passé, mais ce qui nous relie à l’universalité. Cette universalité fut l’objectif des encyclopédistes et des humanistes du Siècle des Lumières. C’est dans ce siècle que la franc-maçonnerie de la spéculation s’est développée. Ainsi aussi bien Anderson, Desaguliers,  le chevalier Ramsay, Le baron de la Tierce, les Stuarts et les Hanovres défendaient cette idée, avec peut-être des arrières pensées politiques…

Je vais tenter d’expliquer ce qu’est la tradition initiante sans parler du temple de Salomon que je connais sans l’avoir jamais vu :

La tradition est la transmission de la grande histoire du monde manifesté par le principe qui transparaît dans le jeu ancestral des symboles, des mythes et des rites. Cette tradition est initiante lorsqu’elle se traduit par une explication universelle qui se double d’une expérience vécue physiquement et intérieurement, inférant une double vision et donc une métamorphose du regard.

« L’arbre le Temple et l’Homme »

Lorsque je vois un homme assis au pied d’un arbre je ne peux m’empêcher de penser au lien ancestral qui nous lie  à la nature, à ce que l’arbre depuis Adam et Ève peut représenter, ce qu’il incarna comme divinité celtique, ce qu’en fit Saint Louis et enfin celui que j’ai planté écolier en CE2. Son pouvoir de représentation est sans limite, arbre de la connaissance, du bien et du mal, arbre de vie, arbre du milieu, centre du paradis céleste ou terrestre, l’arbre de justice, la grande nature à défendre, arbre à palabre, etc.… Le maçon spiritualiste comme le maçon humaniste et social se retrouvent pour défendre l’arbre. Pour interpréter l’arbre, on ne peut se contenter d’interroger son subconscient, il  faut aller plus haut et en dehors de soi-même par l’expérience.

Donc l’arbre dans la forêt, comme le temple de Salomon, possède plusieurs significations étagées dans les mondes de la conscience, de l’expérience et de l’inconscient et au surplus, telle une cathédrale au milieu de la multitude, l’arbre fait la médiation entre la terre et le ciel. Ce dernier schéma abandonne la dictature de l’inconscient pour s’adresser à quelque chose de supérieur que nous pourrions appeler une supraconscience. L’homme n’est plus le centre de l’univers, il est un élément qui veut participer de ce centre, ce qui est différent. Cette participation au centre se fait par différentes modalités rituéliques au sein du temple maçonnique, toutes reliées à la notion de lumière. Lumière et centre vont devenir synonymes sur un plan métaphysique.

 Je découvre que les ramures visibles sont en relation avec les racines invisibles par le tronc qui sourd d’une puissance secrète et que la vie découle de la lumière qui par les racines et le jeu mystérieux de la sève, va recomposer les éléments souterrains obscurs en feuilles vertes baignées de soleil.

Symboliquement l’arbre axial est puissant d’autre chose qu’une simple valeur économique ou biologique.

J’accède ainsi par un symbole polysémique, traditionnel et universel, à une vérité qui est que la vie provient du désir d’énergie et de lumière.

« La célébration d’un centre lumineux »

Ainsi l’arbre comme l’homme debout, semblent devoir leur vie terrestre à une quête lumineuse. Cette lumière pour l’homme peut être conçue avec une dimension spirituelle qui se cache sous l’aspect physique. La vie pour l’homme depuis la nuit des temps, trouve son origine dans autre chose qu’une complexe mutation moléculaire. C’est le conte et le mythe qui meublaient nos veillées jusqu’au XIXème siècle en non une base chimico physique, ni la sélection darwinienne. C’est ainsi notre conscience s’est éveillée aux mystères de la nature et à la dimension sacrée reliant le bas et le haut. La dimension sacrée et l’histoire de la naissance du monde et de l’homme fut transmises par oralité entre les civilisations successives puis consignées par gravure sur des tablettes d’argile ou par écriture dans les livres de sagesse. Les constitutions des hommes ou des grandes loges ne sont que des dérivées organisationnelles et morales de ces grandes explications ontologiques. On y explique comment les sociétés ou les francs-maçons s’organisent autour de ce qui finalement est une résurgence du foyer lumineux des origines. On y agence la relation entre un centre du pouvoir et une périphérie démocratique. Autrefois celui qui détenait le pouvoir se disait de droit divin, aujourd’hui l’électeur, tel Prométhée, s’est emparé de cette relation au divin par l’acte démiurgique partagé de l’élection. La transmission successorale propre aux rois et au sang s’est transféré dans la périphérie citoyenne qui par l’élection refonde périodiquement la légitimité sacrée et républicaine d’un centre lumineux. Le modèle traditionnel se reproduit sous divers aspects, c’est toujours à partir d’un centre que tourne la roue. Les francs-maçons ont tenté de conserver dans la loge un centre lumineux en la personne du Maître de la Loge doté de l’épée flamboyante  de l’autorité spirituelle et de son maillet signifiant son pouvoir temporel.

Le franc-maçon par l’initiation entreprend de faire rayonner le centre relatif en lui-même en le mettant en résonance avec un centre absolu.

L’arbre et la lumière sont une simple illustration du don de double vue qui repose sur la découverte des mécanismes de représentation mentale. C’est ce qu’on appelle le symbolisme. Les mythes ainsi que les rituels en sont les applications socialement ordonnées pour les premiers et graduellement progressives pour les seconds. Ils reposent sur l’oralité et une mise en œuvre qui intériorise l’expérience initiatique. Nous pouvons « appliquer » ce double principe de représentation mentale aussi bien à la définition de la lumière et à son accès intime et spirituel que dans la lecture par la voie(voix) intérieure de n’importe quel texte sacré. Cette voie intérieure passera notamment par l’expérience initiatique de l’épellation qui permet de se mettre en résonance avec les mots sacrés, ou par le tracer « en soi » du tableau de loge et pour finir par l’apprentissage de la planche à tracer. La craie qui crisse sur l’ardoise n’est que le reflet de la lumière intérieure balbutiante. Le maillet et le ciseau n’expriment une forme que dans la pensée devenue volonté agissante. Le ciseau incise la matière entre l’ombre et la lumière. La forme née à la lumière physique par la lumière spirituelle.

« L’harmonie des correspondances »

Nous dépassons ainsi la lecture religieuse ou sociale d’une explication exotérique (qui découle de l’apparence) en recherchant les signifiants ésotériques ou hermétiques (au-delà des apparences). La recherche hermétique ne nie pas la relation de cause à effet, mais ne se borne pas à décrire la crête de la vague en fonction du vent ou du courant. Elle recherche par exemple, le rôle non apparent de la Lune et ce que le phénomène des marées apporta à la vie sur terre. Elle se permet de décrire la Lune dans tous ses états symboliques et mythiques pour en déduire un lien arrimé à l’imaginaire traditionnel ancestral. La crête d’une vague n’est qu’un épiphénomène de quelque chose de plus grand. La face cachée de la lune est donc symbolique, mythique et métaphysique! En un mot ésotérique.

J’en conclurais que la grande explication symbolique vient relier le phénomène à une totalité sans doute issu d’un Principe « lumineux ». L’ontologie fonde pour partie le sens de la vie.

Partant de cet exercice, on comprend que l’homme à une aptitude à une représentation « surjacente » (et pas seulement sous-jacente comme l’affirme le dictat de l’inconscient) et symbolique par le jeu des correspondances entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, entre l’apparent et le caché, entre immanence et la transcendance. Cette interrogation symbolique participe à son humanisation du cherchant par l’élévation de l’esprit.

« Le chantier de l’humanisation »

Le positivisme et le matérialisme ont banni temporairement notre langage sacré, simplement parce que certains n’ont pas compris qu’il existait aussi un sacré « laïque » dépassant la croyance asservie et que la grande mémoire des peuples avait dans son ADN symbolique tous les épisodes de la manifestation. Les nouvelles technologies par la « réalité augmentée » à laquelle succédera la « réalité rêvée » restaurent ce grand mythe des temps premiers démontrant s’il en était besoin qu’aucune dictature idéologique n’empêchera la recherche d’un paradis perdu, preuve que les marges de progression sont importantes.

Nous pouvons faire des progrès sur la voie de l’humanisation de l’homme en lui restituant sa dimension sacrée fut elle laïque. Les progrès très relatifs de la science sont à relire à l’aune de cette capacité à être plus homme universel qu’animal âpre au gain ou à un faux bien-être. L’homme véritable s’extrait de la contingence, l’homme réalisé dépasse son conditionnement intellectuel et social. Il est de notre devoir d’exiger que le progrès matériel ne se passe point d’une éthique et d’une élévation spirituelle.

« Le franc-maçon privilégie l’être à l’avoir. »

Un franc-maçon s’efforce de voir au-delà des apparences et embrasse le monde en franchissant des frontières intérieures. Il finit par rayonner de cette force tranquille qui fait de lui celui qui entend et qui voit.  En aucun cas la franc-maçonnerie ne confine à une observation passive d’un centre immobile. Elle suggère l’élévation de l’âme et le perfectionnement actif par la voie citoyenne.

Je suis rentré en FM comme les autres et j’y suis resté en homme libre, à cause de l’arbre universel que j’ai planté enfant et qui à grandi en moi, sous l’œil bienveillant de mes frères sur le chemin de la lumière.  E.°.R.°.

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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 20:15
    Symbolisme des Vierges noires

 

    Le symbolisme des Vierges noires est un si vaste sujet qu’il faut bien accepter de se limiter. Pour ce travail, nous prendrons le parti de nous fier pour une grande part à une démarche intuitive qui on le sait nous relie le plus sûrement à l’évidence archaïque des mots et des symboles. Nous explorons dans une première partie les généralités du symbolisme des Vierges noires en tentant de trouver des points de convergence avec l’initiation maçonnique. Dans la seconde partie, nous  étudierons un lieu virginal célèbre, Rocamadour. C’est un endroit baigné de ferveur que l’auteur de l’étude a visité à plusieurs reprises.

L’étude s’appuie sur diverses recherches notamment celles de Jean Pierre Bayard, « Les cahiers de Saint-André » des hauts grades du REP, les notes d’instructions de la GLSREP aux divers grades et sur les compléments des FF de la L.°..

Les Vierges noires sont présentes et célébrées en de très nombreux lieux en France. Des sanctuaires ont été érigés en leur honneur, on en trouve dans les églises, dans les cryptes. Les sites dévoués aux Vierges noires font l'objet d'une dévotion ancestrale et leur couleur noire semble recouvrir d’un voile une vérité d’une nature supérieure.

imagesCAQ91BP1                                       2001.07---090-Rocamadour.jpg Photo Chris.°.Mar.°.

 Représentation et symbolisme à travers les âges

Le culte des Vierges noires est lié au culte des Déesses-mères et de la fécondité des anciens temps. Les mystères qui entourent l’enfantement ont sanctifié ses femmes symboles depuis toujours. Elles puisent leur force et leurs substances élémentaires dans la Terre Gaïa. Dans les mythes fondateurs, la caverne est le lieu de vie de la déesse-mère. « L’orifice de la caverne est comparable à l’organe générateur de la Grande Déesse et c’est aussi le lieu de sépulture. Les cadavres y sont toujours orientés […] la tête à l’Ouest afin qu’en se relevant ils se présentent face au soleil naissant ». (J.P Bayard Déesses mères et vierges noires)

À l’époque du néolithique, on retrouve une multitude de petites statuettes en l’honneur de la femme au ventre rond et aux seins bombés, célébrant le mystère de la naissance. Auparavant prédominaient des représentations sans tête ni bras, parfois limité au simple organe reproducteur considéré comme lieu d’entrée en la matière et d’extraction à la lumière.

Dans l’antiquité les Déesses-mères sont innombrables et incarnent la féminité, l’amour et la maternité. On les connaît sous les noms d’Ishtar, Aphrodite, Vénus, Diane, Junon, Rhéa sœur de Cronos, Galatée, Psyché, Danaé, Ariane, etc. Il y a aussi Déméter « la Noire », qui signifie « déesse-mère » et qui préfigure les Vierges noires. « Il ne faudra pas oublier que Déméter des mythes d’Éleusis se caractérise par un voyage au centre subterrestre annonçant le cycle alterné des saisons et des genres. Déméter s’engageant dans les profondeurs se déguise et se voile en femme à la recherche de Perséphone sa bien-aimée. Ce déguisement « voile » la réalité de sa nature pour aboutir dans sa quête amoureuse d’un cœur improbable. Cette ambivalence, nous la retrouverons constamment écartelée entre la virginité blanche et la noirceur primaire d’une non-couleur ».ER[1]

En Égypte, Isis est le symbole de la Déesse-mère. Mariée à son frère Osiris, elle le ressuscite d’entre les morts. Cela fait d’elle la divinité qui détient le secret de la vie, de la mort et de la résurrection. Isis signifie « le trône », elle est parfois représentée ailée, la tête surmontée d’un trône son nom hiéroglyphe, mais aussi ce qui est plus intéressant pour notre sujet assise, donnant le sein à son enfant sur les genoux ou en simple présence faciale sur le genou gauche, la tête surmontée d’un cercle solaire entre deux cornes de bœuf. La déesse est solaire et lunaire (« ambivalence contra-cyclique, elle reçoit symboliquement la lumière de la vie dans le croissant lunaire, coupe réceptacle représenté par les cornes ». ER[2]), elle règne sur le Ciel et la Terre, elle est principe créateur et régénérateur. Le culte d’Isis s’est prolongé dans l’Antiquité avec diverses représentations.

En Gaule romaine Isis a eu ses temples fondés dans les lieux primitifs du culte celtique de la nature, généralement près des sources d'eau. « Les vierges dites noires sont l’expression, par leur situation et par leurs dimensions, d’une pointe tellurique parfaitement située sur le réseau d’Hartmann. Au plan iconographique on ne peut être que surpris par l’identité représentative des vierges noires avec les statuettes d’Isis et de son enfant : grandes mains, enfant de face sur les genoux en trône, la couleur noire, le port haut, etc. La main[3] disproportionnée est à l’évidence celle du guérisseur de l’infertilité qui utilise le magnétisme tellurique du lieu pour établir son pouvoir »[4]

Ce culte a été importé en France par la conquête romaine, mais c'est confronté au culte gaulois de Bélisama qui était la sœur et l'épouse de Belem. La similitude avec le culte d'Isis est frappante. Il est clair que nous sommes devant un symbole universel, appartenant à la tradition primordiale, repris et adapté par tous les peuples.

Vierges noires en Occident

En Occident chrétien, la vierge peut être noire de la materia prima et blanche immaculée de l’esprit lumineux. Le moyen âge a été marqué par la ferveur des pèlerinages[5] vers les sites telluriques voués au culte des Vierges noires de l’ancien système. À travers L’Europe, il apparaît que le plus grand nombre de miracles sont attribués à ces Vierges. « Au XIIe siècle, pas moins de 80 cathédrales dédiées à Notre-Dame et plus de 500 églises, entre 1170 et 1270, seront édifiées à sa gloire ». (Fulcanelli : le mystère des cathédrales). Notre-Dame semble le pendant lumineux et terrestre d’une vierge noire subterrestre. Chaque lieu de cultes de Vierge Noire à sa propre origine, son propre mythe réadapté, mais elles sont toujours nées sur les fondations d’anciens cultes païens. Elles ont proliféré à nouveau au temps des croisades, ce qui laisse supposer une possible importation orientale par les croisés. Ce qui ajoute valeur à cette thèse, c'est la composition des statues des Vierges noires qui sont souvent faites de bois de cèdre, inexistant en Europe et très utilisé au Moyen-Orient.

Ces célébrations mariales ne sont autres que la métamorphose et le réemploi des anciennes Déesses-mères en Marie, Vierge, femme et mère de Dieu.

Pourquoi Vierge ?

Pourquoi nomme-t-on Vierge une déesse de la fécondité ? Être mère et vierge semble contradictoire. Par le terme Vierge il ne faut pas comprendre chaste, il semble que ce soit la notion de la conception miraculeuse qui prédomine.

« Ces déesses qui sont au-delà des lois humaines, au-delà de la conception de mariage, sont  vénérées pour la fertilité quelles apportent. […] Elle demeure “l’Immaculée Conception” puisqu’elle est le principe ». (J.P Bayard Déesses mères et vierges noires) Le terme Vierge n’est pas en rapport de l’état physiologique, mais de la divinité acquise en étant fécondée miraculeusement par l’Esprit Saint. « La vierge quelle soit noire ou qu’elle soit immaculée participe d’une médiation entre les ténèbres et la lumière, entre la gestation des éléments dans les ténèbres et la naissance à la lumière céleste. Ce double aspect doit rappeler au franc maçon spéculatif son expérience initiatique entre le cabinet de réflexion chtonien et la loge illuminée par l’esprit. »[6]

« D'ailleurs, parmi ces “Vierges”, ces femmes qui ne se marient pas, sont choisies les prostituées sacrées, celles qui ont la garde du temple, qui célèbrent le culte divin et dont la racine ultime est toujours préservée ».(J.P Bayard Déesses mères et vierges noires)

Il faut imaginer la notion de virginité comme le renouveau de la nature, le retour de la terre vierge avant l’ensemencement cyclique de nouvelles cultures.

« Ce renouveau saisonnier nous fait pressentir le retour cyclique au cabinet de réflexion, lieu de la « recomposition élémentaire » stade préalable à la renaissance à la lumière en loge. L’initiation à la lumière ne peut se comprendre sans un retour sur soi et en soi  ».ER[7]

Pourquoi noires ?

Il semble que cet aspect suscite le plus d'interrogations, et a frappé l'imagination des fidèles. Écartons la notion de race, bien que ce soit parfois une thèse mise en avant et probable dans certains cas (à Sainte-Marie de la Mer). Le granit noir ou le bois de cèdre ont été souvent utilisés, cela pourrait valider l'origine orientale. Les Vierges noires qui sont parvenues jusqu’à nous ne sont pas toutes authentiques, et quand elles ont été reproduites elles ont été volontairement teintes en Noir. La thèse de la coloration par la combustion des cierges ou avec le temps n’est pas la raison première. On pense que c'est d'une manière soit volontaire, soit traditionnelle, que l'on a reproduit la couleur noire. À l'époque médiévale, l'art pour l'art n'existait pas, et il faut interpréter dans la couleur une référence alchimique. Il s’agissait retrouver la couleur du principe originel, de la nuit cosmique d’avant la création, de la couleur de la terre.

« Nous savons que le noir absorbe toutes les longueurs d’ondes des couleurs. Il précède la variété de la vie organisée. Ainsi le noir est la non-couleur de l’instant qui précède l’arrivée de la lumière. Il s’agit ni plus ni moins d’une sainte ténèbre qui portera et accouchera la lumière ordonnatrice. Cette vie apparaîtra dans l’arc en ciel qui n’est autre qu’une arche céleste. Le Noir est celui de la materia prima, celui du cabinet de réflexion. Il est ce noir qui porte la fragile flamme de la bougie. Le noir est moins une couleur qu’un état antérieur à la manifestation lumineuse. Sans le noir, le blanc est invisible. Nous retrouvons ici l’un des aspects complémentaires du pavé mosaïque en relisant avec précision les premiers paragraphes de la genèse et de l’évangile selon saint Jean. La lumière est née des ténèbres qui la précèdent.

Les vierges noires peuvent donc être qualifiées de cryptiques. La crypte souterraine des Églises les accueillent, comme la vierge mit au monde le christ dans une grotte (notion provençale de crèche, notion maçonnique de l’arche ou de la voûte). L’aspect cryptique obscur et noir rassemble les forces telluriques du bâtiment ou du lieu pour les focaliser vers un nouvel état : le nouveau-né procède d’une fécondation miraculeuse de nature céleste, ensemençant la materia prima. Il y a donc rencontre axiale entre le terrestre le subterrestre et le céleste ».[8]

La Vierge médiatrice dans l'Église

Les évangiles n’accordent qu’une place honorifique à Marie, alors qu’elle est aux premières places dans la liturgie Romaine et Orthodoxe. La ferveur des croyants l’a placée au premier rang. L'Église a bien été obligée de s'adapter et a essayé de contrer la ferveur historique attachée aux Vierges noires en en faisant disparaître certaines, ou encore en mettant progressivement en avant une Vierge Marie immaculée et plus céleste. L’Église a essayé de gommer l’image de la mère nourrice et les représentations de la vierge se sont métamorphosées. D’Isis assise sur un trône donnant le sein à son fils, on est passé à la Vierge noire assise avec son fils sur les genoux, puis La Vierge Marie avec son enfant Jésus dans les bras, pour aboutir à la Vierge dépourvue d’enfant à l’auréole immaculée. L'Église a ainsi effacé la mère subterrestre pour laisser apparaître la Vierge céleste. Devant la ferveur païenne pour ces divinités chtoniennes, et afin d’annexer le culte des Vierges Noires il a été avancé un passage du cantique des cantiques de Salomon : «  O filles de Jérusalem, je suis brune, mais de bonne grâce, comme les tentes du Kédar et comme les pavillons de Salomon – ne considérez pas que je suis brune parce que le soleil m'a regardé ».

La force de l'église a été d'absorber les divinités païennes, de les intégrer dans le cortège des mythes chrétiens.

Le concile d'Éphèse du 22 juin 431 a déclaré Marie mère de Dieu. Il est aussi expliqué que Marie est venue réparer la faute d'Ève. L’apport symbolique de Marie est que le couple Adam-Eve soit responsable de la chute de l'homme, et le couple Marie-Jésus soit celui de la renaissance spirituelle. Marie est désignée comme celle qui a écrasé la tête du serpent. Il est parfois dit que le serpent/Satan redoute plus que tout la Vierge immaculée.

Papesse du Tarot et Vierge zodiacale

Dans le livre symbolique du Tarot, Isis ou la Vierge est personnalisée par la 2e lame majeure, La Papesse. Aucun rapport avec une fonction christique, il s’agit de l’incarnation de la prêtresse des mystères. Elle est assise sur un trône, le visage en parti voilé, et porte dans la main non pas un enfant comme les Vierges Noires, mais le livre des secrets que nul ne peut connaître, a moins de posséder les clefs qu’elle tient dans sa seconde main. On retrouve là une correspondance avec le voile d’Isis qu’aucun humain n’a osé soulever et qui recouvre les secrets de tout ce qui a été, est et sera. Les clefs qu’elle détient sont d’Or et d’Argent correspondant au symbole du Soleil et de la Lune.

La Vierge, c’est le sixième signe du zodiaque, symbole de la moisson. Terme du cycle annuel de l’élément Terre, avant l’équinoxe d’automne. Le cycle végétal s’achève sur une terre nouvelle devenue Vierge. Sa Sixième place dans le zodiaque la fait participer au symbolisme du nombre six et du sceau de Salomon. Elle est le symbole du foyer. (Dictionnaire des  Symboles)

Enfanter le monde

Il est intéressant de souligner que, malgré sa toute-puissance, Dieu créateur du Ciel et de la Terre a eu besoin du ventre d’une mère, Marie, pour envoyer sur terre son fils sauveur des hommes. Elle a ainsi offert à Dieu le fruit de ses entrailles. La Déesse-mère est le réceptacle qui fait germer la graine divine, tout comme Isis elle ressuscite Osiris et transmet la vie à Horus. Elle est le lien matriciel avec le divin. Selon Bernard de Clervaux : « Le passage obligé pour joindre les lois terrestres aux lois célestes ».

Une question que peut-être vous vous posez est : que vient faire une étude sur la vierge noire dans une loge Masculine ? Il faut mettre les choses au point, toute loge masculine que nous sommes, nous avons tous dans nos cœurs nos mères, nos épouses, nos filles et nos sœurs. Nous sommes une loge dédiée aux symboles et il est important de les aborder tous. « Faut-il rappeler que les chevaliers partis pour les croisades, à la reconquête du centre ontologique, avaient pour emblème la vierge Marie  qui était leur Dame sous le vocable Notre-Dame! » ER

Autres questions : n’y a-t-il point de représentation « secondaire » de la vierge dans la loge ? Ce principe matriciel ancré dans les religions les plus anciennes aurait-il pu échapper au symbolisme du R.E.P. ? La réponse nous vient des travaux de Da.°.Dub.°. sur le thème « la loge : matrice initiatique et symbolique ». La représentation de la Déesse-mère, c’est le cabinet de réflexion, d’où germent de nouveaux hommes qui poussent et grandissent  à la lumière de la loge.  

Selon  ER dans Cahiers de Saint-André « la vierge noire est l’expression ancestrale d’une société qui assume l’incarnation de l’âme. Cette société est matriarcale par nature. La transmission de l’appartenance et de l’identité se fait par la mère en l’absence d’un père simplement putatif. Nous comprenons ici, tout l’intérêt de la distinction entre l’initiation féminine et l’initiation masculine. Le REP conserve en son sein cette archaïque tradition d’un athanor commun pour un assemblage d’éléments à chaque fois unique et original comme la molécule d’ADN qui relie le présent au passé. En vérité cette vierge noire est présente en loge, dans le voile noir que nous enlevons du tableau de loge à l’allumage des lumières d’ordre. C’est le symbolisme du voile d’Isis qui pour le premier et le second degré dissimule l’organisation du monde et son ordonnancement à partir de l’imago mundi éclairé par la sagesse la beauté et la force. Ainsi à l’ordonnancement du tableau de loge suit la conception et la gestation du cabinet de la réflexion. Au troisième degré ce voile d’Isis enveloppe le catafalque dans la fosse laissant paraître la « forme » de l’âme qui animait le corps d’Hiram. Cette âme semble condamnée à rester en terre.

Ainsi l’Isis, la vierge noire et le voile du deuil, participe à l'incarnation de l’Âme dans l’homme. Cette âme attend la lumière.

Ici nous est révélé le véritable sens du voile associé à la vierge au voile non déchiré (hymen) et à l’Isis de la recomposition des corps morcelés (ou décomposés lorsque la chaire quitte les os). Cette « incarnation » de l’âme exilée[9] depuis la chute doit trouver un lieu d’accueil pour opérer.

Ce lieu primaire subterrestre est au plan exotérique une caverne ou une crypte, une voûte ou une arche, où naît la forme en présence d’une bougie ou d’un rayon lumineux venu du ciel, et au plan ésotérique le réceptacle utérin, athanor des éléments de l’âme et de l’esprit. Nous avons alors la tripartition classique d’un corps recomposé dans le cabinet de réflexion, assorti et animé d’une âme de terre noire qui n’attend que la venue et la descente lumineuse de l’esprit en son sein.

L’âme anime le corps et les sens dénués de perception totale (bandeau) dans les trois voyages jusqu'à l’arrivée de la lumière illuminatrice. L’esprit est représenté par la lumière reçue et « dévoilée » en loge qui illumine l’âme et réchauffe le corps. C’est ici l’expression humanisée d’une vitalité accordée par les dieux à un animal évolué. Toute l’Humanisation de Cro-Magnon repose sur le concept de tripartition de l’être. Nous sommes rendus au carrefour subterrestre de l’évolution chtonienne et de l’étincelle supra humaine, dont la grotte socratique n’est qu’une version exotérique. L’âme implore la descente de l’esprit, afin que les enfants de la veuve (l’âme) deviennent fils de la lumière (l’esprit).

La vierge noire et son voile[10] intérieur, hymen exprimant une fidélité à l’esprit, sont donc bien présents en loge, dans les trois premiers degrés. Elle transparaît sous d’autres formes et correspondances avec d’autres appellations que le maçon ne pourra ignorer. Cependant rien dans la transmission traditionnelle de la lumière ne doit éliminer cet aspect ancestral de la manifestation de l’âme en un corps régénéré dans la cavité matricielle du cabinet de réflexion. »[11]

Finalement à toute chute malheur est bon.

La dispersion dans la matière est le propre de l’homme vénal, oublieux de son paradis perdu. C’est encore à la femme d’enfanter l’union plutôt que la dispersion, le retour au centre lumineux plutôt que son éloignement.

 

La noire et la blanche

« La mise en gloire chrétienne d’une Marie des évangiles dans sa version terrienne et traditionnelle, trouve sa source secrète dans vierges noires chères aux peuples nomades dont l’aspect souterrain depuis la grotte de la nativité est immédiat.

Suivant le principe de géométrie sacrée, sculptée aux tympans de nos cathédrales, la transcendance par la mise en gloire dépend toujours d’un centre secondaire en relation ontologique avec le centre des centres. Ici avec la vierge noire, ce centre secondaire serait subterrestre en un point tellurique connu des temps immémoriaux alors que Marie immaculée en serait  le pendant céleste. Ce sont ni plus ni moins les deux points, le haut et le bas, formant l’intersection des deux cercles de la mandorle[12] qui porte l’axe ou l’échelle initiatique.

C’est la dévolution céleste qui porte la paix dans la transcendance alors que la vierge noire porte l’immanence à partir du chaos. Au final ce sont deux aspects d’une seule et même vierge que nous décrivons. La vierge noire reste affectée aux Petits Mystères et la vierge immaculée aux Grands Mystères.

C’est en effet, le deuxième aspect de Marie mère du Christ est d’apporter la paix maternelle du chant et de la caresse dans les cheveux de l’enfance agitée. Le peuple nomade guerrier et frondeur issu de la materia prima trouve recomposition et repos en se ressourçant au sein premier. La vierge noire sédentarise l’expression du sacré, comme l’arche d’alliance quitta les tentes pour le Saint des Saints du temple de Salomon. C’est « la paix est en toi» ou « dieu est en nous »soit l’aspect immanent qui prévaut. Marie fût la Notre-Dame de la chevalerie templière pour son double aspect. Cette Marie était comme le beauceant, noire et blanche. Cette paix concerne strictement l’univers manifesté avec l’homme est ses possibles. La Shekinah apparaît à la jonction entre les deux termes : immanence de la vierge noire et transcendance de Marie l’immaculée. Comme une évidence elles détiennent dans leur matrice la présence divine transformatrice, comme l’acacia de l’arche d’alliance fidèlement gardée par les chérubins dans le Saint des Saints.

Ainsi la noire subterrestre et la blanche céleste se posent en médiatrices sur un même axe reliant le subterrestre, le terrestre et le céleste ».[13]

 

La fraction Osirienne manquante

« Réunir ce qui est épars comme le fit Isis avec les 13 morceaux d’Osiris, nous donne à penser que la perte du 14ème morceau manquant, avalé par les poissons, est symptomatique d’un manque freudien. La transmission par les voies basses sans l’esprit associé à l’âme déjà incarnée aboutit à une perte. La reconstruction de la fraction perdue à l’aide de l’esprit divin permettra l’enfantement. En franc-maçonnerie la perte de la parole par la mort d’Hiram et sa reconstitution se fait aussi par la convocation de l’esprit. C’est aussi en ce sens spirituel que s’entrevoie le concept de virginité qui renvoie au divin. Nous sommes bien proches de la tradition maçonnique spéculative de la parole perdue qui nous restitue la vierge noire en une Ruth (veuve de la tribu dissidente) rassembleuse des tribus dispersées. La vierge noire accueillante est une Isis rassembleuse des chrétiens et des cultes païens de la renaissance, conforment à la Tradition primordiale faisant état du verbe... Mais pour rendre cette relation à l’esprit divin plus parlante, plus exotérique, il fallut mettre en avant Marie l’immaculée. Incontestablement Marie l’immaculée et transcendante s’éloigne du paganisme et des cultes de la nature plus immanents ».[14]

 

Vierge noire de Rocamadour

Pour ceux qui ont visité Rocamadour dans le département du Lot ce qui frappe c’est l’ingéniosité des constructeurs du sanctuaire à épouser la grotte originelle et à sublimer le lieu. Certains chercheurs y ont détecté des traces d’habitations Magdaléniennes 15 000 ans avant notre ère. On y retrouve également une source. Nous sommes en présence de tous les éléments matriciels indispensables à la renaissance chtonienne.

Le mythe du sanctuaire : Amadour  sauve la vierge ainsi que l'enfant Jésus lors de leur fuite en Égypte afin d'échapper aux persécutions d'Hérode. Poursuivi par des soldats Romains Jésus pris une poignée de blé dans le sac d'Amadour et le jeta a la volée. Aussitôt le blé germa et les hauts épis cachèrent les fugitifs. Amadour quitta tout pour suivre la Sainte Famille. Marie lui confia le soin d'évangéliser la Gaule et Amadour établit son siège dans le Quercy. Saint Amadour sculpta une statuette de Marie et l'enfant Jésus au Ier siècle. Une autre tradition veut que le saint homme ait ramené avec lui, d'Orient, une statue de couleur noire sculptée par St Luc l'évangéliste.

Cependant, la statue qui se trouve actuellement à Rocamadour a été datée du XIIe siècle. On conçoit que c'est une reproduction de la première statuette reproduite à l'identique.

Le succès de ce lieu est dû au nombre très élevé de miracles qu'on lui attribue. Le premier est lié à la dépouille de Saint Amadou retrouvée intacte en 1166. Les textes ajoutent que le corps était dans un parfait état de conservation. Le corps fut offert à la dévotion des fidèles jusqu'en 1562, date à laquelle les protestants mirent la cité à sac et brûlèrent la sainte dépouille. Plus tard, on attribua comme miracles de ranimer des nourrissons mort-nés le temps qu'ils obtiennent le sacrement du baptême, de redonner la vue, ou encore de rendre féconde une femme infertile. Les marins l'ont également sanctifié, les nombreux ex-voto témoignent de leur adoration, les marins bretons et québécois l'on fait leur protectrice.  

Rocamadour retient notre attention, car tous les ingrédients archétypaux des Vierges noires y sont réunis. Sa taille, environ 70 cm par 30 cm soit un rapport 7/3 commun à beaucoup d'entre elles; la date de sa réalisation le XIIe siècle, même si comme beaucoup de Vierges Noires on retrouve des traces de Culte avant cette époque, Matériellement très peu datent d’avant le XIIe siècle. La Vierge noire est couronnée et assise sur un trône preuve que le lien avec le divin est établi. Les bras écartés symbolisent l’accueil matriciel et le rassemblement de ce qui est épars. L'enfant Jésus sur le genou gauche se situe côté cavité cardiaque[15] où réside traditionnellement l’âme. Tout rappel la statue d'Isis : le lieu, une grotte près d'une source ; l'implantation sur les fondations d'un culte païen antérieur, la couleur, le trône et l’Horus.   

La chaîne des mères.

Notre attention a été retenue par un article de la revue française du National Géographic de mars 2006, un article de James  Shreeve (page 5), qui présentait une enquête mondiale sur l’épopée humaine qui a conquis tous les continents au travers de l’ADN des hommes d’aujourd’hui. L’auteur explique comment à travers les infimes différences génétiques des chercheurs ont découvert de quelle façon et dans quel ordre les humains se sont déployés dans le monde. Mais ce qui a retenu notre attention est le court paragraphe : « les spécialistes estiment aujourd’hui que tous les êtres vivants sont apparentés à une seule et même femme, qui a vécu en Afrique il y a quelque 150 000 ans : une Ève mitochondriale. Ce n’était pas la seule femme à vivre à cette époque-là, mais, si les généticiens ont vu juste, l’humanité entière est reliée à cette Ève par une chaîne ininterrompue de mères ». C’est une manière de constater que la source primordiale qui inspira les mythes peut avoir un écho dans la réalité scientifique, dixit le mythe d'Isis : « chaque être humain est une goutte de sang d’Isis... »

Conclusion

Le personnage de la vierge n’est certes pas un élément directement visible dans corpus maçonnique. On ne l’aborde que par le truchement de l’analogie. L’analogie reste la base de l’interprétation symbolique. C’est le symbolisme lié à la « conception » qui affecte l’athanor du cabinet de réflexion et la réception intime de la lumière en loge. Cette similitude « conceptuelle » autorise des rapprochements qui sont communs à toutes les voies initiatiques, soit une alchimie de l’intime provoquée par la descente de la lumière dans le réceptacle.

Nous pourrions énumérer les lieux et les mythes qui célèbrent les Vierges dans leurs versions noires ou blanches. Ils témoigneraient de l’universalité symétrique du symbolisme matriciel. Nous avons donné un aperçu du symbolisme des Vierges noires dans une transcription symbolique accessible aux francs-maçons questeurs de l’universel.

Nous retiendrons qu'à travers les âges, les cultes se succèdent, mais reflètent une même origine traditionnelle: celle de la célébration de la terre mère Gaïa et le mystère cyclique de la fécondité reliant la terre et le ciel.

 

  Ch.°. MAR.°.

04/03/2013 R.°.L.°. « Les Écossais de la Sainte Baume »GLSREP- SAINT MAXIMIN



[1]Étude sur la vierge, l’âme et la voûte. Cahiers de Saint-André. Éditions du Maçon.

[2]A ce propos on fera l’analogie entre lune réceptacle d’une lumière solaire et le Graal ou le crâne d’Adam recevant le sang du Christ crucifié sur l’intersection du monde manifesté et l’axis mundi. Voir en ce sens RDM 3 « Le crâne d’Adam »

[3]La main pour le maçon spéculatif est le moyen de la realisation. Sa « surproportion » annonce une aptitude à la réalisation initiatique dans la matière.

[4]ibid 1

[5]Le pèlerinage était pour les anciennes confréries de métier un voyage initiatique avec un retour au point de départ qui s’effectuait sous l’égide du saint intercesseur choisi par la confrérie.

[6]Ibid 1

[7]Voir dans ce sens « La marche à reculons et le retournement » RDM4 p 128.

[8]Ibid 1

[9]Sur l’exil de l’âme en terre après la destruction du Temple ou la perte de la parole, le rapprochement doit se faire aux grades supérieurs traitant de retour d’exil, de voûte ou d’arche. Voir notamment Le Maître Parfait Ecossais, REP, aux Éditions du Maçon.

[10]Sur le voile masquant le cœur ou l’athanor, lire « la porte sur l’invisible » RDM4 p 54

[11]Ibid 1

[12]Sur la mandorle et sa finalité lire « dernière mission » « Le Chevalier de Saint-André » par ER aux éditions du Maçon p 104.

[13]Ibid 1

[14]Ibid 1

[15]L’enfant Jésus côté cavité cardiaque indique où se situe l’Âme dans le corps, on situe l’esprit dans la boîte crânienne. La rencontre des deux initie l’ascendance spirituelle représentée par ce fils de la lumière.

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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 15:10

L'aspect matriciel de la loge est rarement abordé, alors qu'il demeure le point incontournable de l'initiation traditionnelle. Il nous a semblé utile d'en faire un compte rendu dans la lignée de nos recherches sur le positionnement colonnes et la porte du temple. Si l'initiation est un commencement entraînant une métamorphose du regard, il faut expliquer les mécanismes cachés de ce qui dans ce lieu "à couvert" nous permet de dire que nous renaissons "intérieurement" à la lumière.

La loge matricielle fut aussi un enjeu politique avec la maîtrise "orientée" de l'entre-soi.

Enfin nous lirons la planche qui synthétise les recherches d'un FF sur ce sujet.    

 

Une double matrice pour une double intériorité

Il existe une relation de cause à effet entre le cabinet de réflexion et la loge. Le cabinet énumère les éléments constitutifs de l’être dans l’oubli testamentaire du Vieil homme et la loge ordonne rituellement l’agencement sensible de ses éléments purifiés en vue du cheminement lumineux[1]. La première cavité est le ventre premier, lieu de la décomposition du désassemblage des éléments primaires[2]en vue de leur recomposition. Ainsi le cabinet de réflexion sera à la fois le lieu mystérieux de la mort, de la décomposition, de la recomposition et de la renaissance. La recomposition se fera dans l’assemblage des contraires que seule la matrice opère. À l’échelle de la génétique, cette matrice va assembler l’élément masculin de la semence à l’élément féminin de l’ovule. Chaque humain possède donc par son origine matricielle ce double aspect au sortir de cette première cavité[3], il sera « ni nu ni vêtu » au franchissement de la porte du temple. Il sera alors dans un état démuni d'ego orienté comme une forme d’immaturité[4]. C’est ici que se terminera sa gestation dans la phase dite lumineuse en loge. L'ego par l’éveil des sens va conquérir l’axe Est-Ouest au premier degré[5]. La lumière de la loge va « orienter » sa marche linéaire et la reconstruction de soi[6]. Cette marche vers la lumière est en fait un retour à la source première, fontaine de sagesse et de sérénité pour certains, arbre de vie pour d’autres.

La loge est par un mystère extraordinaire un lieu situé dans l’espace universel et hors du temps profane. Ce mystère peut s’expliquer par l’alchimie d’un rituel agissant dans le cœur de chaque maçon.

Cette mise hors de la contingence profane de la loge permet la gestation de l’homme nouveau. L’homme n’est nouveau que par son ressenti et la métamorphose de son regard. Cette révolution du moi en soi s’appuie sur la sacralité d’un lieu intemporel. Ce dernier sera remis rituellement à son état originel, celui de la lumière ontologique ou rien ni personne ne venait diminuer l’unité de l’être et de l’univers. Cette unité première ne peut être perçue que par les artifices de la pensée totale reconstituée dans les débris de l’immanence de la matière et de la transcendance de l’esprit.

Les mythes pseudo-historiques[7]de l’unité première et le jeu des symboles vont contribuer à l’élaboration d’un langage commun et à la gradualité de la progression personnelle dans un milieu collectif. Le franc-maçon trouve sa légitimité légendaire dans la construction du Temple de Salomon, ou de l’arche de Noé. Ce sont deux cavités « à couvert » ou se trame la visite de dieu, la renaissance de la parole divine et la régénération-purification de l’homme. L’homme trouve son unité dans la réalisation d’une arche de pierre ou de bois sur la base du plan fourni ou inspiré par le divin. Ce sera l’arche d’alliance au sens de « l’arché » et de l’archétype.

Ces deux notions, individu et loge, vont se lier (alliance de l’homme au divin) l’un à l’autre par le truchement de l’intériorité. L’intériorité de l’individu se définit par le passage de l’immanence à la transcendance, du microcosme au macrocosme et par tous les changements qui impliquent un regard plus haut et plus profond. L’intériorité de la loge s’apprécie par la couverture ou fermeture de celle-ci, au regard qui n’a pas franchi la porte intérieure. C’est ici l’expression du mystère ancestral de la matrice ou de la caverne aux yeux des profanes. C’est un lieu réservé où se déroulent les mystères de la transformation[8]. Le cabinet de réflexion est une caverne sub-terrestre ou la terre est inséminée par l’eau du ciel, la loge est une caverne cosmique où réside la lumière renaissante à l’Est soit la vision lumineuse du Divin. Le cabinet de réflexion est donc symboliquement un triangle descendant et la loge un triangle ascendant.

Ces deux triangles-cavités imposent un double mouvement descendant et ascendant. C’est la signification première de l'hexagramme.

Paradoxalement l’esprit ne peut décoller de la matière qui l’emprisonne sans avoir trouvé son centre. Le centre de la pierre taillée devient identique au centre de la terre et du monde. Ce centre du monde devient à son tour centre des mondes, etc… C’est donc l’abandon d’une matérialité de surface qui donne accès à la plénitude du centre en soi.

Ainsi le sens véritable de V.I.T.R.I.O.L apparaît dans une dimension qui confond l’homme au Tout[9]. C’est cette différence de niveau qui n’est pas toujours comprise par les considérations positivistes limitées au progrès scientifique se substituant à la transcendance. L’homme archétype communie avec une totalité dont il semble issu et qui pourtant n’a d’existence « spéculée » que s’il est apte à la concevoir. Dans l’initiation maçonnique, nous avons trois cavernes matricielles, le cabinet de réflexion, la loge et le temple intérieur représenté par la cavité cardiaque. Chacune reprend le point de vue extérieur et intérieur comme un effet miroir.

C’est la double perception de l’extérieur vers l’intérieur et inversement qui définit le don de double vue de l’initié. Par cette double perception, le maçon pourra élaborer sa propre vision globale. C’est donc la découverte de notre intériorité dans un lieu lui-même intériorisé et collectif que va naître un nouveau regard et une nouvelle altérité. On peut donc affirmer que cette loge maçonnique est une enceinte, une matrice où s’élabore par le mystère de l’expérience lumineuse un nouvel homme pour une nouvelle société. Cette tradition ancestrale de l’initiation purificatrice par l’expérience intérieure est une reprise « inconsciente » par les spéculatifs de 1717 des anciennes traditions qui concevaient la place de l’homme et son rôle dans le grand ensemble manifesté. Les maçons opératifs avaient autrefois conçu la place du maçon entre le savoir-faire et le savoir-être en regard de la transcendance d’une cathédrale. La pratique du savoir-faire et du savoir-être devaient constituer le socle de la connaissance et la finalité initiatique des arts libéraux. Sur ce point le temple de Salomon (ou l’arche en particulier) devient la première des loges idéalement conçue comme la maison de Dieu avant les schismes. Ces modèles d’inspiration opératifs situés  en amont de l’histoire, fonctionnement à merveille au point d’inspirer ces messieurs de la royale society qui à la suite de l’invisible collège vont enrichir le réceptacle matriciel de franc-maçonnerie spéculative. C’est donc la tradition matricielle écossaise du « mot de maçon[10] » qui va inspirer la base du modèle spéculatif anglais. Ce dernier se veut oecuménique et pacificateur d’une Grande Ile en pleine mutation du pouvoir, sur fond de guerre de religion.

La maîtrise de la matrice

La prétention des Stuart catholiques et des Hanovre protestants pour un même trône vont accélérer le rôle singulier de l’entre-soi matriciel des loges. Cet entre-soi sera tour à tour partisan dans sa propagande hanovrienne ou stuartiste pour devenir véritablement eucumenique, voire universel. Cette approche encyclopédique fut la valeur la mieux partagée en ces temps troublés. On en trouve deux exemples francisés dans le camp écossais et le camp anglais en France. Le premier dans le discours du le chevalier catholique et Stuartiste Andrew Ramsay en 1738, le second dans le travail rédactionnel des Constitutions du huguenot le baron De la Tierce probablement auteur ou coauteur avec Anderson des dernières constitutions de 1738 publiées sur le continent en  1742.

Le message de la religion universelle oecuménique se traduira par l’universalisme rassembleur d’une gentry cultivée bien pensante dans « l’entre-soi » aristocrate, bourgeois et commerçant du XVIIIème siècle. Ce lieu de « l’entre-soi » bourgeois ne devient centre d’élaboration du moi en soi que sous l’influence des cultures de la grande tradition initiatique venue de la philosophie utopique[11]agissante et sociale, de la métaphysique, de l’alchimie des cabalistes et des Rose-Croix. Ces cultures initiatiques traditionnelles étaient véhiculées par les élites culturelles[12] de l’époque avant que l’homme ne devienne vers la fin du Siècle des lumières et au XIXe siècle le centre démiurgique de la nature. C’est ainsi que les loges maçonniques continentales devinrent le lieu, le réceptacle d’une culture de l’entre-soi cultivé, mêlées aux influences hermétiques qui enrichirent et définirent les contours du savoir-être. De l’être nous passions à l’Être.

Ce lieu de l’entre-soi devient un creuset pour la recherche, un athanor, un four d’élaboration et un Grall de la pensée totale.

On comprend l’enjeu que représentait la grande maîtrise de ces lieux d’élaboration de la pensée, et la lutte entre écossais et anglais, entre anciens et modernes, entre franc-maçonnerie anglaise et continentale, etc.

L’esprit encyclopédique dévia de son aspect universel au profit d’une hégémonie intellectuelle par la notion de reconnaissance et d’outil politique. Ainsi la notion de « matrice universelle » fut l’objet d’une lutte pour sa maîtrise. Elle fut instrumentalisée dans un but politique voir commercial[13].

L’homme « cherchant » sur cet océan agité fut tour à tour objet et sujet de l’initiation conçue non plus comme un commencement, mais comme un recommencement éclairé. Ce recommencement « orienté » se traduisait pour les Stuartistes par un désir de reconquête du « trône de droit divin ». Pour les Orangistes vainqueurs par l’hégémonie encyclopédique et intellectuelle ou pour les hermétistes par la recherche d’une pierre philosophale cachée centre de la connaissance universelle. On voit bien les trois niveaux d’éclairement du XVIIIème Siècle qui sont par certains cotés toujours d’actualité. S’il n’y a qu’un seul Orient, la lumière ne peut éclairer que l’objet limitatif de la quête que nous pouvons concevoir. Il nous appartient donc de nous affranchir pour nous-mêmes et non pour les systèmes.

C’est donc à la visite de cette matrice de l’esprit libre et éveillé, de ce creuset doublement intérieur à soi et à la loge que cette planche nous invite.    E.°.R.°.

 

LA LOGE, MATRICE INITIATIQUE ET SYMBOLIQUE

 

La franc-maçonnerie, dernière des traditions initiatiques occidentales, vise par un travail individuel dans un cadre collectif à la réalisation spirituelle de ses membres. Dans le cadre d’un rituel, elle utilise une méthode basée sur l’étude des symboles et outils empruntés aux bâtisseurs de cathédrales ainsi qu’une interprétation ésotérique des textes philosophiques et sacrés des anciennes traditions ou religions. Cette méthode de transmission venue des anciens assigne un but à chaque frère : par un processus de purification et de rectification spirituelle et mentale il tentera de  passer de l’ombre vers la lumière, du moi au soi.

Quoi qu’il en soit, ce travail ne peut se faire qu’au sein d’un espace sacré et hermétiquement clos vis-à-vis du monde profane : LA LOGE.

Conscient que le plus important reste à découvrir, je vais modestement vous faire part de la façon dont j’appréhende cet espace sacré où nous nous réunissons lors de chaque tenue. Je m’attacherai dans un premier temps à présenter de façon succincte la LOGE au Rite Ecossais Primitif. Je l’envisagerai ensuite comme ce qu’elle me paraît être avant tout : une matrice initiatique symbolique tant à la fois sur un plan cosmogonique qu’ontologique.

La LOGE, dans la tradition maçonnique, est une représentation du temple de Salomon, et pour le soustraire à la contingence on le situe hors du temps et hors de l’espace historique et le ramenant à la notion de cycle absolu soit la course du soleil et la période de midi à minuit.

Ce temple aurait été construit dans la partie est de l’actuelle vieille ville de Jérusalem aux alentours du Xème siècle avant J-C. Sa destruction du fait des Babyloniens daterait de -58 av J-C. Le temple de Salomon était considéré comme la demeure de Dieu et renfermait en son sein l’arche d’alliance ainsi que les tables de la loi. Il est à noter que, contrairement au temple maçonnique, aucune cérémonie n’y avait lieu et aucun homme n’y était admis hormis les prêtres. La seule porte d’entrée étant celle des dieux à l’orient. La configuration de notre LOGE maçonnique se trouve donc inversée par rapport au temple de Salomon, car les hommes initiés y sont cette fois-ci autorisés à y entrer,  mais par la porte d’occident. On ne confond pas l’homme et Dieu dans le temple maçonnique.

La LOGE maçonnique, au niveau de ses dimensions est délimitée au sein d’un volume sacré décrit dans le rituel : de l’orient à l’occident, du septentrion au midi et du nadir au zénith où passe l’axis mundi autour duquel s’articule la vie en loge. Cet espace où se déroulent nos travaux est à l’abri de tout profane !

Après s’être débarrassé de ses métaux, le néophyte entre par la porte de l’occident après y avoir été autorisé par le frère terrible. Cette porte marque le passage entre les deux colonnes J et B à côté desquelles se trouvent les frères second et premier surveillants. La LOGE est ornée de la houppe dentelée. Trois fenêtres surplombent la colonne du midi où siègent les compagnons et en face se trouve la colonne du septentrion où siègent les apprentis. A l’Orient se tient le Vénérable ; sur son autel se trouve la Bible (ouverte sur le prologue de St Jean) sur laquelle sont posés l’équerre et le compas. À côté de la Bible sont posés son épée flamboyante ainsi que le chandelier des trois lumières d’ordre. Ensuite derrière lui on peut voir l’hexagramme et de chaque côté la Lune et le frère secrétaire ainsi que le Soleil et le frère orateur. En bas de l’autel sont présents face à face, le frère maître de cérémonie et le frère hospitalier. Enfin, toujours au pied de l’autel, se positionne une pierre brute sur laquelle sont posés un ciseau et un maillet. Au centre de la loge se trouve le tableau de loge posé sur le pavé mosaïque, entouré des trois colonnettes Sagesse, Beauté et Force, le tout surplombé par la voûte étoilée d’où à partir de l’étoile Polaire est suspendu un fil à plomb.

Cette description très brève est un rappel pour les apprentis et peut être à la portée de n’importe quel profane bien documenté.

Quel est le sens de ce que nous vivons en loge à chaque tenue ?

Comme tous les édifices sacrés, la loge est une représentation de l’univers dans sa globalité, tant dans l’infiniment grand que dans l’infiniment petit.

Par le service d’un rituel bien compris et le truchement des symboles, nous revivons la création permanente de l’univers. Au fur et à mesure du déroulement de la tenue, de l’ouverture jusqu’à la fermeture des travaux, soit dans le temps symbolique de Midi à Minuit, nous revivons la Genèse.

C’est en cela que la Bible ouverte sur le prologue de St Jean au premier degré a une importance capitale dans notre rituel : à chaque ouverture des travaux, le Vénérable Maître, passeur de lumière, par sa charge sacrée et son épée flamboyante transmet la lumière primordiale qui vient éclairer le chaos. Le Vénérable n’est évidemment pas Dieu ni un démiurge, il n’est le vecteur de la parole, de la manifestation du principe créateur, que les religions appellent Dieu et nous francs-maçons au REP GADLU.  Bien évidemment je cite la Bible, car c’est légitimement le livre sacré adopté par le REP vu le contexte historique du début du XVIII ème Siècle. J’aurais pu également citer une vision égyptienne de la création de l’univers et parler du NOUN, cette énergie primordiale contenant en elle tous les possibles et à partir de laquelle le dieu ATOUM créa le monde. Oui, au départ il n’y avait pas rien, le néant, mais simplement le TOUT, l’UNITÉ.

Comme nous l’avons vu, la loge est la représentation de l’univers en perpétuelle expansion ; c’est en cela que la loge est une matrice. Tel l’utérus où se développe l’embryon, elle renferme en son sein le TOUT, l’ordre et l’harmonie, tant l’esprit que la matière, la manifestation du verbe et l’ordonnancement du chaos.

Tous les hommes font partie du Grand Œuvre, au même titre que le règne animal, végétal ou bien encore  la matière. Mais par leur égo, leurs vices et leur animalité, ils ne sont pas capables de recevoir la lumière et sont perdus dans les ténèbres, condamnés à errer sans orientation sur un plan inférieur et métallique. Tel est alors le dessein de l’initiation :partant d’une volonté personnelle de trouver un sens à la vie ( à la suite d’une rencontre avec un initié le plus souvent), dans un cadre initiatique et au sein d’un espace sacré de la loge. Le profane «cherchant » devenu impétrant «demandant  », puis néophyte « frappant » la porte sera initié par trois coups sur le cœur et trois coups sur la pierre. Ainsi on lie la lumière au cœur et à la matière ce qui veut dire que la lumière de l’esprit se trouve au cœur de la matière et au centre de soi.

 Ce processus de retournement est déjà décrit dans le mythe de la caverne socratique : celui qui tournait le dos à la lumière,  se retourne et se met à sa recherche se positionnant dans son axe, soit de l’Occident vers l’Orient. Par ce mouvement  il fait entrer la lumière dans sa propre cavité cardiaque.

Ainsi, commence le périple de l’initié vers la connaissance. Le premier pas vers la lumière se fait alors au sein du cabinet de réflexion, première matrice qui accueille le profane et à l’intérieur de laquelle ce dernier entame son chemin vers la vérité. Il va vivre sa première épreuve initiatique,  celle de la terre. Après un travail d’introspection (V.I.T.R.I.O.L), il va partir à la recherche de son centre. Il va donc mourir symboliquement à sa condition de profane afin de renaître ensuite sous la forme d’un être prêt à être initié. Il suit le processus de la  graine de l’épi de blé qui du tréfonds de la terre va émerger et pousser en direction de la lumière en puisant sa substance dans la materia prima des quatre éléments. Alors prêt à recevoir cette lumière, il va ensuite être dirigé en loge où il va subir les trois autres épreuves de l’ordonnancement initiatique. La loge est ainsi, à l’image de l’athanor des alchimistes, le lieu où le profane par le biais de rectifications successives et par l’éveil des sens, passe d’un état matériel à spirituel, de l’horizontalité vers la verticalité éclairée.

Oui, l’initié est d’abord celui qui a la volonté de partir à la découverte de son être. Dans le prologue de St Jean, il est dit : « la lumière était la véritable lumière, qui en venant dans le monde, éclaire tout homme. Elle était dans le monde ,  et le monde a été fait par elle , et le monde ne l’a point connue. Elle est venue chez les siens et les siens ne l’ont point reçue. »

L’initié commençant son parcours initiatique s’extrait de cette materia prima ignorant la lumière. L’initié se construit et le profane est déjà mort. Il comprend, ou du moins il en a l’intuition au départ, qu’il fait partie du TOUT et qu’il est à l’image de la chute, un fragment épars qui doit se reconstituer avec les autres éléments. Il doit, en bâtissant son temple intérieur cette fois-ci, retrouver son centre, son être, cette parcelle divine qui le différencie du monde de la matière,  des apparences et des vices. Il fait un travail sur lui-même (V.I.T.R.I.O.L) qui lui permettra par la suite de trouver sa place dans l’univers et de comprendre le sens de son existence.

Ce n’est pas pour rien que le Vénérable Maître nous demande à certains moments de reprendre nos places ; il ne s’agit pas là d’une simple injonction nous intimant l’ordre de nous poser passivement sur les colonnes. En reprenant littéralement nos places, nous nous inscrivons activement dans le grand œuvre, nous nous insérons comme la pierre taillée au sein de l’édifice.

En cherchant à bâtir notre temple intérieur, je pense que nous sommes autant au sein de la loge que la loge elle-même est en nous ! Par l’utilisation des symboles et le travail intérieur, la transformation s’opère et notre centre traversé par l’axis mundi  qui se retrouve lié à tous les autres centres, ceux des autres frères et celui du Tout. Ainsi autour de cet axe qui traverse l’être de chacun et la part d’esprit qui se retrouve autant dans l’univers que dans le moindre atome. Un mouvement se met en marche et nous pouvons telle une spirale marcher de façon dextrocentrique autour du centre de la loge, soit autour du pavé mosaïque et du tableau de loge. L’infiniment grand se synchronise avec l’infiniment petit, tout ce qui est en haut devient alors comme tout ce qui est en bas.

La vie, la lumière sont mouvement !  À travers l’initiation et l’assiduité aux tenues, le profane devenu impétrant et enfin initié se transforme, se rectifie progressivement sur ce merveilleux chantier de mondes imbriqués. Tel l’ouvrier opératif, il façonne les outils qu’il utilise ensuite et qui lui permettront aussi de se façonner lui-même, de tailler sa propre pierre brute.

Nous avons dans l’acte initiatique un dédoublement intérieur. Seuls le courage, l’intelligence du cœur et le goût du  travail permettront d’arriver peut-être à son but ultime. La loge, ce magnifique chantier représenté par la loge couverte extérieurement va servir de cadre à ce travail intérieur à soi.

Il faut se rendre à l’évidence, la loge et le temple intérieur sont les qualificatifs dédoublés de la matrice initiatique.

Une fois la tenue terminée, le frère repart dans le monde profane parmi les siens. Il se doit à lui-même et à ses semblables de rayonner à son tour sur ce monde d’apparence binaire et d’arriver naturellement par la transmission de sa sagesse à faire progresser l’humanité ! Car si le destin du maçon consiste à trouver un sens à sa vie, peut-être sa mission est également d’aider son prochain à y arriver ! Ainsi, sans tomber dans le prosélytisme, doit-il aider le profane qui se cherche à trouver son chemin. Un nouveau cycle initiatique commencera sous couvert de la transmission matricielle.

 

D.°.D.°.  "R.°.L.°. La lumière écossaise"



[1] Ce cheminement implique l’abandon de l’ego profane en vue de la découverte de notre trésor intérieur, élaborant ainsi une nouvelle dynamique reconstructive d’un soi purifié, comme le voyage de Jonas dans le ventre de la baleine

[2] Soit la solutio alchimique qui signifie un retour à la matière différenciée.

[3] C’est l’image de l’androgyne initial.

[4]L’appellation de néophyte ou de jeune graine en germination trouve ici son explication.

[5] Il conquiert l’axe Nord Sud au second degré puis l’axe Nadir-Zénith au troisième pour finir résorbé au centre de la croix tridimensionnelle ainsi formée.

[6] A noter que reconstruction est encore matérielle par le pas composé de quatre stations et de trois pas vers la lumière. On intègre le ternaire spirituel dans l’état matériel quaternaire.

[7] Les mythes fondateurs du vivant ont tous un rapport à l’intériorité première d’une gestation qui s’émancipe par la lumière ou le feu.

[8] La caverne socratique en est l’illustration.

[9] C’est l’autre approche de la connaissance de soi l’intériorité est un jeu de poupées russes ou s’imbriquent une succession de mondes et de niveaux. Nous apprendrons qu’ils ont un centre unique et commun par le jeu des correspondances.

[10] Le procédé mnémotechnique du catéchisme par question-réponse fait écho au système ternaire de la triple voie répondant non seulement à l’exigence du devoir de mémoire mais aussi à la montée en puissance spirituelle de la loge par la ritualisation ternaire.

[11] A bien des égards une partie de l’inspiration utopique agissante et secrète provient d’ouvrages ce sont les ouvrages « Utopia » de l’humaniste Thomas More en 1518 et «  La nouvelle Atlantide » de Francis Bacon en 1622. Ce dernier roman est très rependu pour l’époque et souvent republié. Il s’agit d’une étude décrivant une île dont les habitants sont gouvernés par une société secrète hégémonique créant des filiales à l'étranger dans des nations rivales aux fins de renseignement. Certains y voit une origine possible de la franc-maçonnerie spéculative faisant son apparition en Angleterre moins de 20 ans après la publication de cet ouvrage, et manifestant certains des caractères indiqués dans le livre de Bacon, comme d'affecter un but d'étude mais de s'occuper de politique.(wp)

[12]Ecossaises anglaise et française, le niveau culturel classique et ésotérique et scientifique est relativement élevé et se traduit par le mouvement encyclopédique qui motiva l’esprit Royal Society et l’universalité des loges. A cette époque le savant se piquait autant de science positive que d’alchimie ou d’hermétisme. Newton, Ramsay ou De la Tierce en sont de brillants exemples.

[13] Une partie non négligeable des loges dites « écossaises » furent portuaires, rassemblant au départ nombre d’exilés Stuartistes puis de simples négociants locaux et aristocrates. Elles poursuivaient un but de l'entre-soi avec une connotation certes spirituelle mais aussi commerciale. L'exemple le plus remarquable fut celui de la loge mère de Marseille (1751) qui développa son essaimage portuaire méditerranéen et outre-mer au point de faire de l’ombre au Grand Orient de l’époque.

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23 février 2013 6 23 /02 /février /2013 21:14

Le         Le franchissement de la porte :

 

On entre en franc-maçonnerie en même  temps que l’on entre dans le temple en franchissant le « pas de la porte[1] ».

Cette porte est l’expression du système binaire qui effectue la synthèse axiale. Le binaire s’exprime par les deux faces, externe et interne, la synthèse en est faite dans l’articulation verticale de l’axe des gonds. Si le secret de l’ouverture de la porte est dans la clef des lettres et des mots, le mystère de la porte et son unité symbolique résident dans le gond (l’axe) qui relie la terre au ciel, la matière et l’esprit, la substance et l’essence. C’est donc l’articulation commune et cachée qu’il faut rechercher dans toute opposition apparente. C’est ici l’un des secrets des maçons : un troisième terme vient couronner la complémentarité de l’extériorité et de l’intériorité.

 

L’entrée du Temple de lumière se fait par l’Ouest que les anciens qualifiaient de porte des hommes. Mais l’Ouest est le miroir imparfait de l’Est.

Les hommes se sont redressés en observant la course du soleil et des étoiles qui racontent l’histoire et le cycle des temps.

La lumière s’associe au redressement des corps et à l’élan de l’esprit en passant par la porte basse.

Cette porte matérialise le franchissement d’une limite qui nous fait passer du profane au sacré. Elle signifie que nous entrons dans le domaine de la lumière éternellement renaissante par l’Est. L’Orient devient symbole de renaissance, d’espérance et de vérité.

La démarche « active » de l’initié est de progresser vers l’Orient appelé aussi porte des Dieux. Pour les anciens l’interprétation de la chute d’Adam[2]précipité dans l’univers matériel suite à la faute originelle fait que chaque homme n’a de cesse que de renouer avec son paradis originel, celui d’avant la chute. L’initié va mettre en œuvre tous les moyens dont il peut disposer pour atteinte l’autre porte celle de l’Orient. Cette porte appelée porte étroite serait donc sur un plan symbolique celle des Dieux. Sur un plan plus humaniste, nous dirons qu’il s’agit de la porte de la vérité qui illumine l’homme dans son humanité.

Ce parcours difficile sera structuré sur le modèle de la Loge et des colonnes solsticiales, il sera aussi progressif et graduel et cyclique comme les trois grades de la franc-maçonnerie. L’apprenti devra se livrer à un véritable travail pour progresser sur le chemin de l’Orient. Symboliquement le chemin de l’Orient est le celui du retour vers le paradis perdu pour certains, de la lumière ontologique pour d’autres. C’est aussi la volonté de sortir de l’empire de la matérialité et de l’image du monde représentée par le tableau de loge posé sur le pavé mosaïque. L’initié tentera quitter la manifestation pour atteindre un jour peut être, des contrées plus spirituelles ou plus éclairées du coté de l’Orient.

 

Les « mots-clefs » du franchissement

La grande question est de savoir ce que la porte est censée délimiter. Assurément un intérieur et un extérieur.

Il faut avoir des mots-clefs pour entrer par une porte. En franc-maçonnerie c’est par « trois grands coups » et la déclinaison de mon identité que l’ouverture me fut donnée. Les trois expressions constituent la clef actionnant la serrure : chercher demander et frapper. Ces mots-clefs caractérisent l’état du cherchant volontaire et opiniâtre, désirant la lumière.

Il faut donc chercher demander et frapper pour faire ouvrir cette porte sur la lumière.

Cette porte forme une frontière vue de l’intérieur, flanquée de deux colonnes, telles les colonnes d’Hercules qui marquent le franchissement de deux mers, Mare Nostrum, et une autre mer inconnue. Notre Mare Nostrun devient l’espace intérieur de la loge, lieu d’échange et de partage et d’union entre les fils de la lumière et les enfants de la veuve. C’est ici que se tisse le plus haut sur la trame de l’indicible.

La frontière intérieure

Ces frontières symboliques, on ne les connaît plus lorsque l’on est à l’intérieur. Le maçon admis à l’intérieur du temple est un profane « affranchi » de la porte. Cela veut dire que le maçon à passé en conscience un cap une frontière à l’intérieur de lui-même. Donc la frontière est intériorisée en nous comme le phénomène initiatique lui-même. Ceux qui parlent du passage de la porte du temple comme d’une épreuve extérieure sont dans l’erreur. Ils n’ont toujours pas compris ce que le bandeau posé sur les yeux implique dans la vision intérieure en soi[3]. Paradoxalement, la frontière entre le monde profane et le monde de l’initié est purement intérieure et non matérialisable. Sa matérialisation ne résulte que de convention iconographique et rituelique assistant la mémoire[4]et l’affect dans le travail intérieur. L’abandon des métaux et le travail du couvreur de vérifier que la loge est à couvert sont de nature aussi intérieure que la porte de notre temple.

La convention est parlante et s’inscrit dans un rituel cardiaque. Ce n’est plus sur un plan visuel et extérieur et profane que nous devons parler de la porte. Cette porte à l’évidence donne accès à une cavité cardiaque qu'on peut reconnaître sur un plan symbolique et spirituel si l'on est initié. L’intelligence du cœur « humanise » la rigoureuse efficacité méthodique du rituel. Les cœurs à l’unisson des maillets, des gestes et des mots font raisonner la profondeur signifiante des origines. Ramenée à la raison terrestre et à la course du soleil, la vie vibre et s’étalonne entres les portes zodiacales et  solsticiales sous l’égide du dieu Janus[5]. C’est ainsi qu'entre en résonance le cycle céleste, le cycle terrestre et le cycle cardiaque. Symboliquement en franchissant la porte du temple j’entre dans ces trois cavités qui seront synchronisées et misent à l’ordre par le rituel.

La double lecture

Ces deux points de vue sont extérieurs et intérieurs. Nous les retrouvons dans la configuration de la porte, il y a une face extérieure et une face intérieure et là tout est résumé. Un même objet projette deux visions. La face extérieure représente la vision exotérique ou profane, aussi bien de ce qui apparaît à l’œil comme la lecture morale que l’on peut faire d’un livre sacré telle que la Bible.

Le livre fermé comme la porte fermée sont le symbole de l’interprétation ésotérique réservée aux seuls initiés. La porte ouverte et le livre ouvert symbolisent la lecture à tous et donc au profane soit la version exotérique du plus grand nombre.

La vision intérieure ou ésotérique du même texte ou du même objet devient alors un symbole initiatique. À chaque fois que nous pénétrons dans un bâtiment sacré, il faut en initié avoir les deux lectures.

Les travaux ouverts en loge impliquent la couverture de celle-ci aux regards profanes ou plutot à notre propre regard qui pourait se perdre en profanitude. Les travaux s’associent à l’ouverture de la Bible dont le message de sagesse peut être perçu par les Frères adeptes de la lecture intérieure et ésotérique, au-delà du dogme exterieur.

L’accouchement à la lumière

Au R.E.P., l’ouverture de la porte est le symbole de l’ouverture de la porte basse[6]. L'ouverture est comme un accouchement, et le petit enfant se relève vers la lumière qui règne en loge.

C’est la tradition maçonnique des portes-solstices propres aux loges de Saint Jean. Le temple de Salomon qui nous sert de modèle était inversé, la porte d’entrée était située au levant. La question à poser est : à quoi servait le temple de Salomon et à quoi sert le temple maçonnique ? Le temple de Salomon était la maison de Dieu. Une fois par an, le grand prêtre venait prononcer son nom qui est nous est imprononçable. Nous, simples maçons, nous sommes des hommes et nous passons modestement par la porte qui nous est destinée celle de l’Ouest.

Entrant dans le temple, nous sommes dans l’axe de la lumière de la vie. Notre objectif est de marcher vers la lumière du soleil levant, pour reproduire l’entrée de la lumière à l’intérieur du temple de Salomon comme au sein de nous même. Ce temple maçonnique est une sorte de caverne cosmique. C’est un peu comme un four, un athanor qui est composé de l’apport psychique et materiae de chacun d’entre nous. La loge devient alors une matrice pour la lumière qu’elle célèbre et donc symboliquement pour l’Esprit.

Nous cherchons à nous purifier dans l’abandon de nos scories. L’apprenti qui a voyagé s’est reconstitué un corps composé des quatre éléments tirés du cabinet de réflexion et réordonné par le réveil des sens dans la matrice lumineuse.

En franchissant cette porte du Temple, l’homme désirant la lumière franchit une « enceinte »  sacrée. Il le fera par trois pas comme pour annoncer trois étapes ou trois enceintes. La Franc Maçonnerie propose un espace sacré dédié notamment à la recomposition lumineuse de soi. Cette recomposition s’effectue hors du temps et hors de toutes contingences ce qui permet de renaître à la lumière des origines.

Et après ?

Puisque franchissant la porte, nous marchons en direction de la lumière, notre objectif est d’aller au-delà de l’Orient. Nous voulons  franchir la porte de l’Orient Éternel. Il semblerait que ceux qui ont réussi à atteindre cet espace ne sont plus corporellement présents, c’est peut-être l’abandon de la vêture corporelle et le triomphe de l’esprit.

Nous ne savons pas combien de portes nous devrons franchir dans notre vie maçonnique, mais il est probable que la première franchie tout devient plus lumineux.

E.°.R.°.

 

Nous vous invitons à lire une planche d'une grande sensibilité poétique au premier degré du REP sur ce thème.

 

 

La Porte

La porte délimite deux espaces, l'un d'où l'on vient, que l'on a vu et celui où l'on va donc extérieur et l'autre intérieur, ou vice versa.

Dans l'espace de vie créé dans le monde profane, il ne peut pas ne pas y avoir de portes, pour délimiter les différents espaces, et lieux de vie, ou de travail, ou de loisirs.

Il y une multitude de portes, de différentes tailles et de différents acabits, et leur franchissement est ressentit différemment à chaque fois, car lieux et causes différents.

Sans porte tout ne serait que murs infranchissables et rien ne serait possible, le cloisonnement, comme un château fort imprenable, mais qui aurait son pont levis, sans accès, sur un plan existentiel tel que nous en avons reçu le concept, cela reste chose impossible, car même chez les indiens vivant dehors, le dedans est nécessaire, il y a une possibilité de refuge dans un lieu clos par une tente avec une entrée ouverte ou fermée, au visiteur cherchant chaleur et écoute.

Même un sans-abri ne peut survivre sans un abri de fortune,(cartons, bâches, bois)et une délimitation même très mince d'un lieu individuel ou la sensation de replis sur soi pour un bien être, même illusoire puisse être vécu, avoir son chez soi trouve là même dans la misère une signification justifiée pour trouver le repos dans la tourmente de la vie.

Ou bien imaginons un monde sans murs ou il ne pourrait y avoir de bâtisses. Tout serait donc ballotté par les éléments extérieurs, mus par les forces de la nature et que cela soit les meubles, les objets, et les outils. Tout y serait corrodé et ne résisteraient pas longtemps aux intempéries, et nous aurions nous aussi du mal à vivre sans être malade et mal à l'aise ainsi, sans être à l'abri, et chercherions même sous des cartons ce "un peu de chez soi" si nécessaire à un sommeil réparateur, et ne pourrions pas avoir l'espérance de vie donnée par les médias pour monsieur tout le monde...Le règne animal lui-même ne vit pas sans refuge.

Concernant le va-et-vient de la porte, maître Eckhart fait de la porte le symbole de l'homme extérieur et du gond celui de l'homme intérieur non atteint par le mouvement du dehors.

Dans les traditions juives et chrétiennes, la porte donne accès à la révélation. Christ est, pour les chrétiens, la porte par laquelle on accède au royaume des cieux.

La porte évoque une idée de transcendance accessible ou interdite selon qu'elle est ouverte ou fermée, franchie ou regardée.

Selon Dom Pernety, pour les alchimistes elle signifie la même chose que clef, entrée, ou moyens d'opérer dans tout le cours de l'œuvre. Elle est la communication de l'outil caché, de l'instrument secret.

Elle permet de passer d'un stade à un autre, de changer l'état de la matière dans le domaine philosophique, le moi ne se connaît pas et nous nous devons de nous connaître nous même c'est l'œuvre de toute une vie.

Elle signifie séparation ou relation, c'est indéniable selon si elle s'ouvre, au visiteur inconnu du locataire qui doit faire preuve de confiance pour l'ouvrir, ou reste fermée par une volonté

de ne pas être dérangé par un importun, car il se trouve peut être que le visiteur tombe à un moment mal choisi, pour rendre visite.

Une porte c'est la découverte, faire de nouvelles connaissances, amitiés, fraternités, adhésions, c'est l'ouverture vers un lieu qui nous était inconnu, on peut dire que l'on passe du stade d'ignorant de ce qui est derrière la porte à connaissant, et pour connaître un milieu tel qu'il soit, du domaine professionnel, associatif ou initiatique, seul le temps permet une imprégnation.

Petite citation de Françoise Leclercq que j'ai bien aimée.

« Quand je marche dans une ville, je regarde les portes. Derrière elles, il y a des gens qui vivent, qui s’aiment, qui se disputent, qui sont tristes ou joyeux ; il y a des meubles et des objets, des bruits de voix, des odeurs de soupe…, tout un univers clos et mystérieux pour celui qui passe ou qui attend sur le seuil après avoir frappé ou poussé sur le bouton de sonnette. »

Le seuil, la porte, le passage sont si liés entre eux qu’il est difficile de les séparer comme on démonterait un objet en ses différentes pièces. Ce que l’on pourrait dire du seuil peut se répéter pour la porte : elle se présente aussi comme une limite, une frontière. Mais elle est plus que cela.

Évidemment, la porte délimite un dehors et un dedans, sépare le sacré

du profane, comme le seuil qui la précède, mais aussi induit d’autres significations :

Il y en des portes...Des automatiques pour faciliter l'entrée dans des halls de marchands, et des blindées pour accéder aux coffres de banques, des vitrées pour laisser au visiteur même boutique fermée le libre choix de pouvoir voir ce qui lui plairait à acheter ultérieurement.

Elles correspondent par leurs anatomies à différentes utilisations préétablies par leurs concepteurs, et sont le fruit de différentes volontés, elles sont donc toutes sans exception produites par une action de pensée créatrice.

Les portes sont donc de différentes compositions, et de formes et de taille.

Dans la vie courante, la porte est souvent synonyme de renouveau, un nouvel emploi, nouvel appartement, nouvelle rencontre, nouvelle phase de notre vie, et cætera...

Ou d'enfermement si une porte est fermée et ne permet pas de sortir, le paroxysme de la porte fermée est la porte de prison ou seule une fin de peine permet l'ouverture vers une liberté regagnée par le temps passé.

Pour l'entrée d'une église ou d'un temple, on rentre déjà dans le symbolisme dont le seuil délimité par une ligne imaginaire, mais pourtant si réelle reste invisible séparant le visiteur du monde extérieur d'où il provient à celui de l'intérieur ou se trouve sous forme créée un message, encodé des bâtisseurs.

Franchir le seuil d'un lieu sacré c'est et cela doit être un acte de soumission et de respect des anciens et de leurs legs,( ne se baisse t'on pas pour entrer en loge?) On ressent tous un sentiment d'intrusion dans un espace donné lors d'une visite dans un lieu sacré, on sent que l'on accède à un quelque chose d'invisible, mais d'omniprésent, même en étant encore un profane, ce quelque chose nous attire et attire une multitude de visiteurs, comme dans la

cathédrale de Notre Dame, haut lieu symbolique, ou se croisent des visiteurs venus du monde entier, attirés comme des millions d'abeilles vers une ruche symbole personnifié remplie de miel.

Le seuil et le parvis de Notre Dame est chargé. Elle, est la personnification

du symbolisme que cela soit dans son concept, son architecture, sa situation géographique, ses sculptures et ses peintures.

Sa porte est une quintessence créative, que cela soit dans ses battants ou ses linteaux.

À l'initiation après que le vieil homme symbolique soit mort et que nous ayons rendu notre testament philosophique, on ne peut nous faire sortir de la cellule de réflexion qu'en frappant à la porte, c'est un pas à franchir pour aller vers l'inconnu, et franchir un seuil sombre dont on sort pour aller par un parcours initiatique vers un autre seuil, qui lui est rempli de lumière.

La sensation en portant le bandeau lors des trois voyages qui sont faits de vent, d'eau et de feu, permets un travail opérant un changement d'état de la matière primordiale se rapportant à l'élément terre, le glébeux que nous sommes pour devenir actif sur soi et non plus passif. Le seuil du portique a été franchi, l'opération a commencé, et le serment prononcé.

L'initié passe de l'ombre à la lumière, du profane à l'éclairé. Il appréhendera le symbolisme d'un œil neuf et se doit d'acquérir une ouverture d'esprit progressive le menant à la métanoïa puis à l'individuation, une libération de soi, menant à des changements d'état de conscience, dont on ne peut en dire plus au premier degré.

La porte peut être comparée à une progression, une suite de pièces où l'opérant, fera petit à petit, par le nombre de ses vertèbres, monter son flux vital pour tendre vers la couronne, la porte d'or à franchir pour rejoindre l'astral.

Pour une porte fermée, il faut une clé pour l'ouvrir ou bien il y a un gardien pour lequel il faut un mot de passe, donc une clé symbolique à fournir, sinon le franchissement vers ce qui paraît à découvrir reste impossible.

C'est pour cela que même les diffusions par caméra cachée dans des loges ne peuvent en aucun cas altérer ce qui s'y passe, car ce n'est qu'un film fait de platitude, le secret est ailleurs, mais encore faut-il pour le comprendre avoir du cœur.

Ce qui est perçu par un œil profane n'est pas la réalité elle n'est que suggestive engoncée dans des stéréotypes trompeurs, on peut représenter le profane comme un non-voyant en quelque sorte, d'où le port du bandeau d'un point de vue symbolique.

Alors malgré le tapage médiatique aucune inquiétude de voir disparaître la force initiatique les curieux peu enclins à défendre la cause, sortiront comme ils sont rentrés, c'est-à-dire sans rien voir, entendre ni comprendre.

 

 

La porte

Ne dit-on pas passer le pas de la porte ?

Dans l'autre dimension en quelque sorte.

Tout en enjambant cette ligne imaginaire,

Que l'on ne voit, mais on imagine par terre.

Séparant le monde profane de l'initiatique,

Passer par les deux colonnes c'est magique.

On ne peut y entrer sans y être autorisé,

Car il faut frapper pour Y être enfin invité.

Il faut être "saint d'esprit", avoir le coeur pur,

Prêt à mourir à soi-même et c'est très dur.

Rien ne se perdra, car tout se transforme

Passer d'un état d'esprit à une autre forme.

Plancher enfin sur une vie nouvelle créatrice,

Sortir des statuts quo sortir de cette matrice.

Devenir complet avec ce que cela engendre,

Vivre ce que d'autres ne peuvent comprendre.

Heureux sommes-nous d'avoir pu donc un jour,

Devenir légers comme l'air que de rester lourds.

    Bru.°. Pel.°.



[1] Le franchissement du "pas de porte" implique la notion de pas, ceux de l’apprenti.

[2] Adam et Ève sont, selon la Genèse, les premiers êtres humains sur la terre. Ils vécurent dans le jardin d'Éden. Ils furent chassés par Dieu de ce merveilleux jardin, car ils mangèrent du fruit défendu, cueilli sur l’arbre de la connaissance.

[3] Il en est de même s’agissant du réveil intérieur des sens lors des voyages initiatiques.

[4] Le devoir de mémoire institué par les Statuts de Schaw de 1599 fait obligation de transmission mnémotechnique par le truchement des questions-réponses apprises par cœur et des symboles visuels tracés à la craie.

[5] Janus est le Dieux des portes il à un double visage pour une double lecture intérieure et extérieure. S’agissant des portes solsticiales Janus se rapproche de saint jean l’évangéliste et de saint jean baptiste.

[6] Il est d’usage dans certaines loges d’aménager la fraction inférieure de la porte du temple en porte basse, à défaut on fait courber le corps de l’impétrant à son passage du seuil passant un linteau fictif, de sorte qu’il se redresse à l’intérieur du temple.

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 19:40

LE THÉORÈME DE PYTHAGORE

(Les secrets de l’hypoténuse ou diagonale de la connaissance en loge)

IL TEOREMA DI PITAGORA

nella 47a. Proposizione di Euclide

Voici une étude qui intéresse aussi bien les compagnons dans l’apprentissage de la géométrie planne que les maîtres qui  retrouveront les bases du principe d’élévation en loge. On met en valeur le rôle particulier du Frère Terrible qui "couvre"à l’Occident la naissance de l’esprit dans la matière. On  donne ici un éclairage maçonnique à la 47ème proposition d’Euclide. (traduction libre de l’Italien avec commentaires)

theoreme pythag ouvert 

“ In  un Triangolo Rettangolo con  lati a) b) e c) e con rapporti rispettivamente 3, 4 e 5,  la somma dei quadrati costruiti sui cateti a) e b)   è   uguale   al quadrato costruito sull’ipotenusa  c)”

“Dans un Triangle Rectangle, de cotés a) b) c) , avec les rapports respectifs: 3,4, 5, la somme des carrés des cotés a) et b) est égal au carré de l’hypoténuse c)”

Questa è la scarna e semplice  definizione del teorema così  come più o meno ce  lo ricordiamo  dai banchi di scuola.

Celle-ci est la simple définition du Théorème telle qu’apprise à l’école.

Giamblico, biografo di Pitagora, riporta il seguente aneddoto :  quando il Maestro  intuì l’occulto significato  del Teorema, fu così colpito dalla profondità del mistero intravisto, che ritenne di aver avuto una rivelazione  di origine divina.   Pieno di riconoscenza agli Dei per il dono ricevuto, offrì addirittura una ecatombe in sacrificio di ringraziamento.

Giamblicus, le biographe de Pythagore, nous conte l’anecdote suivante: quand le Maître s’est rendu compte du sens caché du  Théorème , il fut tellement frappé par la profondeur du mystère entrevu, qu’il crut avoir eu une révélation divine.  En  reconnaissance aux dieux pour le don reçu, il offrit une hécatombe en sacrifice pour remerciement.

Dell’occulto significato del Teorema  naturalmente Giamblico non dà nessuna spiegazione .  Nemmeno Euclide, che riporta la dimostrazione di questo Teorema nella sua 47.a Proposizione, non  chiarisce alcun significato occulto: sono dimostrate essenzialmente le  proprietà geometriche e matematiche dei Triangoli Retti.

Du sens caché du Théorème, Giamblicus ne nous donne pas d’explications. Même Euclide, qui donne la démonstration de ce Théorème dans la 47eme Proposition, ne révèle aucune signification cachée, mais démontre simplement les propriétés géométriques et mathématiques des Triangles Rectangles.

 Euclide non  era un Pitagorico:  le  Proposizioni servivano solo ai suoi scopi, ossia le dimostrazioni empiriche e pratiche  dei Teoremi e le loro applicazioni  .

Euclide n’était pas un pythagoricien : le but avéré de ses Propositions était les démonstrations pratiques et empiriques des Théorèmes et leurs applications.

Se c’è una possibile  direzione in cui indagare, potrebbe essere quella del simbolismo dei numeri, caro ai pitagorici,  riferito ai misteri dell’universo,  le implicazioni col mistero divino , e il loro rapporto con il mondo materiale.

S’il y a une direction possible de recherche, elle est sans doute vers le symbolisme des nombres, cher aux pythagoriciens, en relation aux mystères de l’univers, soit les implications avec le mystère du divin et le rapport avec le monde matériel.

Il Teorema di Pitagora potrebbe indicare forse,   la misura della dimensione  dello Spirito presente nell’Uomo, e le corrispondenze tra i due  livelli di Ordine spirituale e di Ordine  materiale .

Le Théorème de Pythagore peut donner la mesure de la dimension spirituelle de  l’Homme et donc la correspondance entre les deux niveaux :  l’Ordre Spirituel et l’Ordre Materiel.

 L’ipotesi  può  essere abbastanza sostenibile,  perché già il neo pitagorico  Plutarco, del II sec. dC, , ne “Le vite parallele”, diceva in proposito:

“Fra le cose di ordine superiore, come fra le cose naturali, esistono legami e corrispondenze segrete di cui è impossibile giudicare se non con l’esperienza, le tradizioni, e il consenso di tutti gli uomini”

Cette hypothèse est assez crédible, parce qu’autrefois le néo-pythagoricien Plutarque (2ème Siècle av JC) disait à ce propos:

“Entre les choses d’ordre supérieur et les choses naturelles, existent des liaisons et correspondances secrètes, qu’il  est impossible d’approcher sinon avec les  expériences, les traditions, et le consentement de tous les hommes…..”

E’ interessante notare il riferimento alla coralità degli uomini,  (consenso) oltre al riferimento alla ricerca empirica, (esperienza),  necessari per comprendere le corrispondenze e i legami tra le due dimensioni.

Il est intéressant remarquer la référence à l’unanimité de tous les hommes (le consensus ) en  plus de la référence à la recherche par l'application des procédés empiriques, qui sont nécessaire pour comprendre les correspondances et les liaisons entre les deux dimensions.(On notera que l’initiation elle-même est une expérience consensuellement vécue. Le consensus reconnaît la tradition et les lois de correspondance.)

 

Per i Pitagorici tutto l’Universo, in ogni manifestazione visibile o invisibile, è espresso in numero. Nel numero è celato il simbolico significato di  ogni cosa manifesta o occulta.

Pour les pythagoriciens l’Univers entier, dans chaque manifestation visible ou invisible, s’exprime en Nombres.  Dans le Nombre est caché le sens symbolique de toutes les choses visibles ou invisibles.

Proviamo ora a risolvere l’equazione del Teorema secondo il procedimento  abituale:

Résolvons maintenant l’équation du Théorème comme d’habitude:

 

si   a = 3,    b = 4 ,  c = 5

alors : 9 + 16  =  25

Per ottenere il quadrato di un numero dobbiamo   moltiplicare il numero per stesso, o, anche , sommare il numero tante volte se stesso:

Pour obtenir le carré d’un nombre, il faut multiplier le nombre par lui-même , ou additionner le nombre autant de fois que lui même.

 3 + 3 +3 = 9   -   4+4+4+4=16     -  5+5+5+5+5=25

Il quadrato ottenuto è formato quindi  da tante  cifre  : tante quante indicate dal numero che lo ha prodotto.  Non si tratta  però di un “aggregato” di numeri, ma di una nuova entità,   che in sintesi contiene tutte le proprietà e le qualità  dei numeri che l’hanno generata.

Le carré obtenu est formé par beaucoup de chiffres:  autant  de fois qu’ indiqué par le nombre lui-même qui a produit le carré. Il s’agit pas d’un ensemble de nombres, mais d’une nouvelle entité élevée sur elle-même, qui contient en synthèse les propriétés et les qualités des nombres qui l’ont produit.

Prendiamo per es. il numero Tre che indica,  secondo le convenzioni ,  la sfera del  Divino, l’Essere Supremo, la sintesi dello Spirito.

Prenons par exemple le nombre Trois, qui, selon les conventions, indique la dimension divine, l’Être Superieur, la synthèse de l’Esprit.

Svolgendo il  quadrato  si   “genera” il numero Nove:  ovvero  l’Enneade, che troviamo  inserita nella Tetractys.   I Pitagorici ritenevano che la Tetractys  rappresentasse il compendio universale della rivelazione divina,  racchiusa nei numeri Quattro, Tre, Due e l’Unità.

En développant son carré s’engendre le nombre Neuf: ou l’Ennéade, qui se trouve insérée dans la Tetractys. Les pythagoriciens jugent que la Tetractys représentait le résumé universel de la Revelation Divine, renfermé dans les nombres Quatre , Trois, Deux et l’Unité.

 Il Numero Nove inoltre  rappresentava per i pitagorici anche  la generazione e la reincarnazione, nonché l’eterna evoluzione dell’Universo :esso infatti   si riproduce continuamente, scomponendosi e ricomponendosi :

Le Nombre Neuf, en outre, représentait pour les pythagoriciens l’engendrement et la réincarnation et, de plus,  l’évolution éternelle de l’Univers:  en effet le nombre neuf se reproduit toujours, en se décomposant et recomposant:

 9x1=9;   9x2=18  * 1+8=9;    9x3=27  * 2+7=9 ….  Etc.

 Secondo i pitagorici ogni numero ha vita e significato propri: il prodotto di un numero, o della sua somma, è   una nuova entità ,  una nuova dimensione  in un piano superiore di cui vengono svelati i misteri.    I numeri sarebbero quindi simbolicamente “idee-forza” dotate di una propria specificità. Sono il fondamento del Tutto, il “Cosmo” ,la realtà che può essere compresa solo se la si riduce a quantità misurabile, appunto  mediante il numero.

Selon les Pythagoriciens tous les nombres ont leur vie et un sens propre: le produit d’un numéro , ou son addition, est une nouvelle entité, une nouvelle dimension sur un plan supérieur, dans lequel il y a des mystères qui sont révélés.

Così il numero Quattro, che moltiplicato per se stesso “genera” il numero Sedici.

De la même façon nous avons le numéro Quatre, qui multiplié par lui-même engendre le numéro Seize.

Il numero Quattro indica la Materia nei quattro principi elementari: Terra, Acqua, Aria e Fuoco., E’ il simbolo della concretezza nella sua essenza  e della solidità.  I Pitagorici lo ritenevano simbolo dell’Ente Creatore rappresentato nel  quaternario, o Tetractys, ( la Tetractys  indica  per estensione anche i  primi  dieci numeri) .  Era talmente importante che essi prestavano giuramento con questa formula: Per Colui che ha trasmesso alla nostra mente il Quaternario, fonte che scaturisce dalla natura inesauribile” (dai Versi Aurei).

 Il Quaternario racchiude  anche   il primo solido: la Piramide,  ritenuta  simbolo di immortalità.

Le numéro Quatre représente la Matière dans ses quatre Principes élémentaires: la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu. Ce numéro représente aussi  symboliquement l’essence du concret et la solidité. Pour les pythagoriciens le quaternaire, ou Tetractys,  était le symbole de l’Être Suprème. Il était tellement important qu’ils prêtaient serment avec cette formule: “Pour Celui qui a transmis à notre Esprit le Quaternaire, la fontaine qui jaillit de la Nature éternelle” (Les Vers d’Or).

Le Quaternaire renferme aussi le premier Solide: la Pyramide, considérée comme un symbole d’immortalité.

Il numero Sedici  è quindi un nuovo  “principio”,  o idea – forza,  generato  dal prodotto ( o somma di se stesso)  del numero Quattro  che svela gli insondabili misteri dei quattro elementi della Materia.

Le numéro Seize est donc un nouveau Principe, ou une idée-force, engendré par le produit (ou addition de lui-même) du numéro Quatre qui dévoile les mystères insondables des quatre éléments de la Matière.

Il numero Cinque, infine,  “genera” il numero Venticinque,  il più “mirabile” di tutti i numeri perché racchiude in sé  il compimento dell’intera creazione:  l’Uomo.     Egli  porta impresso  nel suo DNA la spinta evolutiva verso la perfezione, o il ripristino di un mitico stato edenico , dove  forse  una  volta  viveva  in comunione stretta con il piano Divino, come vari miti ci raccontano.

Enfin  le nombre Cinq, le nombre de l’Homme,  qui engendre le nombre Vingt-cinq: le nombre le plus admirable, parce qu’il renferme en soi-même l’achèvement de la Creation entière: l’Homme.   L’Homme qui porte dans son ADN la puissance évolutive vers la Perfection, la restauration de l’Âge d’Or où le mythique état édénique, où jadis l’homme  (peut- être) communiait étroitement avec Dieu.

Quindi, parafrasando il grande matematico Arturo  Reghini, possiamo affermare che l’Uomo,  nella sua evoluzione verso la massima perfezione, adoperando gli Strumenti dell’Arte Speculativa , si trova in una complessa dimensione sostenuta dai Numeri Nove e Sedici, principi che svelano il Divino e la Materia. 

Donc, pour paraphraser le mathématicien Arturo Reghini, nous pouvons affirmer que l’Homme, dans son évolution vers le plus haut niveau de Perfection, se servant des Outils philosophiques de l’Art Spéculatif, se trouve dans une dimension très complexe soutenue par les Nombres Neuf et Seize, qui dévoilent les mystères du Divin et de la Matière.

La dimensione umana , così complessa , è veramente di difficile comprensione .  L’aspetto fisiologico e biologico, mirabile, è ancora in fase di esplorazione, insondabile poi il livello psichico, di cui si conosce appena la punta dell’iceberg.

La dimension humaine, dans sa complexité, est vraiment difficile à comprendre. L’aspect physiologique et biologique, admirables, sont encore en phase d’exploration. Insondable est encore le niveau psychique, dont on connaît seulement la pointe de l’iceberg.

Di fronte alla inadeguatezza degli strumenti scientifici, forse il ritorno alla simbologia  pitagorica ci offre qualche argomento in più di comprensione.

Face à l’inadéquation des Outils scientifiques peut- être que la tradition et la symbolique pythagoricienne nous donnent des arguments supplémentaires pour comprendre le mystère humain.

Quando per es.  si giudicano persone , argomenti, o opere del genio umano, non ci fermiamo alle semplici apparenze, ma sondiamo e cerchiamo di comprendere i vari elementi che formano le varie dimensioni.

Quand par exemple on juge les personnes, idées, arguments, et œuvres du génie humain,  on ne s’arrête pas aux simples apparences,  mais on cherche de comprendre plusieurs aspects à différents niveaux.

Così il Divino, che scaturisce da tre dimensioni fondamentali  si articola in “nove”  diversi principi…. Così la Materia, strutturata in quattro diversi aspetti…., si articola in “sedici” diversi principi….. Così l’Uomo, con la sua doppia dimensione, umana e spirituale,  la sua struttura psicofisica, il suo intelletto e la sua emotività,  (numero “cinque”)    è  articolato in un complesso sistema , contenuto   in ben “venticinque” diversi principi !.

On prend par exemple la Dimension Divine qui jaillit de trois sources fondamentales et s’articule en neuf principes…. Ou  la Matière, qui se structure en quatre aspects différents, s’articule en seize principes.  De la même façon l’Homme, avec sa double dimension humaine et spirituelle, avec sa structure psychique et physique, son intelligence, son  esprit, et sa  raison (son nombre est le Cinq),  est compris dans un complexe système de vingt-cinq principes!

 

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L’Icosaedro e il numero Venticinque

L’Icosaèdre et le nombre Vingt-cinq

L’Icosaedro, uno dei cinque solidi platonici  associati ai cinque elementi dell’universo,  ha strabilianti  collegamenti simbolici.  Esso   nasce da  tre piani che si intersecano tra di loro, indicando tre Rettangoli Aurei  e formano , come si può intuire dal grafico, venti triangoli equilateri.

L’Icosaèdre est un des cinq solides platoniques associés aux cinq Éléments de l’Univers. Il a des liaisons symboliques très intéressantes.  Il naît de trois plans qui se recoupent entre eux et indiquent trois Rectangles d’Or. Comme on peut le voir dans la figure en haut, ils forment aussi vingt triangles équilatéraux. (Les trois plans suivent les trois axes de la loge. S’agissant du travail de la matière ils ne se superposent pas mais s’entrecroisent suivant les principes de la croix tridimensionnelle.)

 Come  sappiamo, il numero venticinque corrisponde al quadrato dell’ipotenusa cinque del Triangolo retto. Il numero cinque a sua volta è il generatore del rapporto aureo dei tre Rettangoli Aurei dell’Icosaedro.   Rapporto aureo che si rileva anche nel Pentalfa .  

Mais la liaison avec le nombre vingt-cinq est donnée par le carré construit sur l’Hypoténuse avec valeur Cinq du Triangle Rectangle. Et ce nombre Cinq engendre aussi le Nombre d’Or des trois Rectangles d’Or de l’Icosaèdre. Ce Nombre d’Or se trouve aussi dans le Pentaèdre qui donne le pentagramme et l’étoile à cinq branches.

L’Icosaedro  è  l’unico solido platonico inscrivibile nel Dodecaedro, associato esotericamente all’Universo. Esso presenta 12 facce “pentagonali” e anche in questo caso la distanza tra  due facce opposte dà la Sezione Aurea corrispondente.

L’Icosaèdre est l’unique solide platonique qu’on peut inscrire dans le Dodecaèdre, symboliquement associé à l’Univers.    Le Dodecaèdre a Douze faces pentagonales et le nombre d’Or correspondent est donné par la distance de deux faces opposées

  Il significato simbolico è sorprendente: la sovrapposizione dei due solidi raccontano in termini numerologici, geometrici e matematici la storia dell’umanità proiettata nell’Universo e la sua copertura  di origine divina.

Le sens symbolique est surprenant: la superposition  des  deux solides nous parlent de l’histoire de l’humanité ,  qui se projette dans l’Univers avec sa “couverture” d’origine “divine”, en termes numérologiques, mathématiques et géométriques.

 

Il Teorema di Pitagora nella simbologia muratoria

Le Théoreme de Pythagore dans la symbolique maçonnique

Lo svolgimento grafico del Teorema compare anche  nel  Gioiello dell’Ex-M.V. 

Le développement graphique du Théoreme apparaît aussi dans le bijou du Passé-Maitre.

C’è una ragione ben precisa per questo attributo  e  c’è un nesso molto  stretto fra la Squadra,  strumento  del M.V. in carica,  e il Triangolo Rettangolo  dell’Ex-M.V.

Il y a une raison bien précise pour cette attribution, il y a une liaison cohérente entre l’Équerre, Outil du VM, et le Triangle Rectangle du Passé Maître.

La Squadra del MV ha come rapporti i numeri Tre e Quattro.  Il braccio più  corto, con rapporto Tre, unisce verticalmente la Terra al Cielo,  idealmente  dal Nadir allo Zenith.  Il Tre,  come si è detto,  è il numero che simboleggia il Divino ,  la dimensione spirituale che permea la materia e la trasforma in costante evoluzione.  Su questo argomento ricordiamo l’intreccio dinamico della Squadra col Compasso, che segna l’evoluzione del Libero Muratore  in tre fondamentali tappe. (Secondo F.Cusin l’intreccio  indica più che altro lo stato evolutivo dell’iniziato e non tanto il Grado in cui la Loggia lavora : Cfr. “Il Senso del  Linguaggio nell’Arte Reale”)

L’Équerre du VM a comme rapports les nombres Trois et Quatre. Le bras plus court, avec rapport Trois, joint verticalement la Terre au Ciel: idéalement du Nadir au Zénith.  Le nombreTrois , symbolise le mystère Divin, c’est-à-dire la dimension spirituelle qui imprègne la Matière en la transformant de manière continue.

A ce propos, nous rappelons l’éternel et  dynamique entrecroisement de l’Équerre et du Compas qui marque l’évolution du Franc-Macon en trois étapes. Selon F.Cusin l’entrecroisement indique plus que tout autre symbole l’état d’évolution du Franc Macon ,( cfr.: Cusin,  “Il Senso del Linguaggio nell’Arte Reale”)

Il  braccio più lungo della Squadra, con rapporto Quattro, si estende orizzontalmente da Oriente a Occidente . Il numero Quattro simboleggia la Materia con i suoi quattro principi Elementari, percorsi dall’Iniziando durante i viaggi di purificazione.

Le bras plus long de l’Équerre, de rapport Quatre, s’étend horizontalement de l’Orient à l’Occident. Le nombre Quatre symbolise la Matière et ses quatre Principes élémentaires, parcours par l’Initié dans les voyages de purification.

Il MV siede ad Oriente nel punto di incontro dei due bracci della Squadra.  Egli è il garante e punto di unione tra il Cielo e la Terra. Rappresenta la Luce Divina che illumina la Materia. “Come il Sole apparendo ad Oriente per illuminare la Terra….”

Le VM s’assied à l’Orient dans le point d’intersection des deux bras de l’Équerre. Le VM se porte garant de l’union entre Ciel (3) et Terre (4). Il représente la Lumière Divine qui éclaircit la Matière: “….Comme le Soleil qui apparaît à l’Orient pour illuminer la Terre…..”

 Con il rito di apertura dei Lavori, per i “poteri” che gli sono stati conferiti il MV “apre” la Loggia alle influenze spirituali che discendono copiose in chi è predisposto ad accoglierle lavorando con gli Strumenti dell’Arte Speculativa. 

Dans le Rituel d’Ouverture des Travaux, pour les “pouvoirs” qui lui furent conférés, le VM “ouvre” la Loge aux influences spirituelles qui descendent en abondance sur celui qui s’est préparé pour les accueillir en travaillant avec les Outils de l’Art spéculatif.

Ricordiamo in proposito che nella Libera Muratoria  esiste un solo Magistero iniziatico: esso si esprime  unicamente  nella Loggia con i  Nove Strumenti dell’Arte Speculativa, il Rituale, i Simboli e le allegorie.

Rappelons à ce propos que la Franc Maconnerie recèle un Magistère initiatique qui ne peut s’exprimer que dans la Loge avec les Neuf Outils de l’Art Speculatif, le Rituel, les Symboles et les Allégories.

Di fronte al M.V., sull’estremità ideale del braccio più lungo della Squadra, siede il Copritore Interno, tra le Colonne di Occidente. Secondo la tradizione,  la funzione del Copritore Interno dovrebbe essere ricoperta dall’Ex-MV, specchio del MV in carica. Chi meglio del suo Ex-MV lo può rassicurare sulla  “copertura” della Loggia, libera da influenze profane e contemporaneamente dell’ “apertura” della stessa alle influenze spirituali?  L’Ex-MV ha completato il suo cammino attraverso le varie funzioni previste dal Rituale e siede idealmente a Occidente per iniziare il nuovo cammino verso le Stelle sulla direttrice segnata dall’Ipotenusa del Triangolo Retto.

Face au VM , sur l’extremité idéale du bras plus long de l’Équerre, s’assieds le Couvreur Interieur , ou bien le Fr.Terrible,  entre les Colonnes d’Occident . Selon  la Tradition , la fonction du Couvreur Interieur doit être occupée par le Passé Maître, miroir du VM en chair.  Qui d’autre que le Passé Maître peut rassurer le VM sur la “couverture” de la Loge, libre de influences profanes, et en même temps sur”l’ouverture” de celle-ci aux influences spirituelles?   Le Passé Maître a achevé son chemin parmi les fonctions prévues par le Rituel et s’assieds idéalement à Occident pour commencer un nouveau chemin d’élévation vers les Étoiles sur la direction idéale marquée par l’Hypoténuse invisible et le sens secret du Triangle Rectangle. (Le franc-maçon voit au-delà des apparences, c’est l’enseignement du monde des symboles)

La “Copertura” della Loggia  e la sua successiva  “Apertura”  sono, come già sappiamo,  operazioni rituali attivate dal Copritore interno (Ex-MV) e dal MV.

La “Couverture” de la Loge, et son “Ouverture” corrélative, sont, comme on sait, des opérations rituelles activées par le Couvreur Interieur , ou Terrible, et par le VM. (C’est l’application de l’effet miroir entre Orient et Occident ici sur l’axe précis de la lumière équinoxiale.)

Il Copritore Interno, Ex-MV,  siede quindi ad Occidente di fronte al MV e unisce idealmente la Materia al Divino, questa volta dalla prospettiva dell’Occidente: dall’oscurità della Materia alla Luce del Divino si  proietta,  come un raggio di Luce,   l’ipotenusa  con rapporto  Cinque  unendo i due punti della Squadra formando il Triangolo Retto.

Le Couvreur (Passé Maître) se poste donc à Occident, face au VM, et joint idéalement la Matière au Divin, mais cette fois avec le point de vue Occidental: de l’obscurité de la Matière à la Lumière du Divin se projette comme un rayon de lumière, l’Hypoténuse avec son rapport Cinq,  qui joint les deux points les plus élogniés de l’Équerre en donnant forme au Triangle Rectangle. (C’est cette mise en forme qui est le point de vue occidental ici faisant le lien entre le monde naturel de la matière informe, venant du cabinet de réflexion, avec l’univers des formes harmonieuses qui nous lient au monde spirituel de la lumière naissante situé à l’Orient.)

 

Il Copritore Interno  si rende garante della “copertura spirituale” sotto cui la Loggia opera.. per il bene dell’umanità e alla GDGADU…  Si tratta della Piccola e della Grande Opera che indicano  un lungo percorso di perfezionamento della Pietra , che da grezza diventa cubica con punta a piramide.

Le Couvreur  Interieur donc se porte garant de la “couverture spirituelle” sous laquelle la Loge travaille… pour le bien de l’humanité et A’LGDGADLU.  Il s’agit de la Petite et Grande Opération qui marquent le long parcours de perfection de la Pierre, qui de brute devient cubique et de cubique à pointe pyramidale. (Ces trois états de perfection correspondent aux trois axes de la loge.)

  E’ un percorso rappresentato anche allegoricamente  dalla cacciata di Adamo ed Eva dall’Eden e il difficile,  lento  e tortuoso,  tentativo di ritornarci.

Ce parcours est représenté allégoriquement aussi par l’expulsion de Adam et Ève du Paradis Terrestre et la difficile et lente tentative d’y retourner.( Tentative de reintergration dans la lumière divine)

Il Numero Cinque dell’Ipotenusa  simboleggia dunque  l’Uomo e la  sua origine divina, la sua presa di coscienza come materia grezza,  la sua evoluzione e il suo divenire  verso il Divino, tutto ciò simbolicamente rappresentato nel Triangolo Rettangolo nei suoi lati con rapporti 3, 4, e 5 .

Le nombre Cinq de l’Hypoténuse symbolise donc l’Homme et son origine divine, sa prise de conscience comme matière brute, son évolution et son devenir vers la Dimension Spirituelle. Tout cela est représenté dans le Triangle Rectangle et dans ses côtés avec rapports 3,4, et 5. (L’hypoténuse est pour le franc-maçon la diagonale de l’esprit, reliant ses états inférieurs et le plus haut spirituel. C’est aussi la diagonale de la Connaissance.)

Quindi il numero 25 contrassegna l’Uomo che “opera” all’interno di un progetto superiore con la “copertura” delle influenze spirituali di cui il Copritore Interno, Ex MV, si rende garante.

Donc le nombre 25 indique l’Homme qui travaille à un projet supérieur sous la couverture des influences spirituelles garantie par le Couvreur Interieur-Fr.Terrible-Passé Maître.

(Le carré d’un nombre de l’homme caractérise le passage d’un état naturel à un état spirituel, soit l’exhaussement de l’esprit en l’homme, à l’exemple du sommet de la pierre cubique à pointe.)

 Par le T:.de R:. Acacia di San Giovanni di Scozia (REP)

O:. de Cerrina, 5 Fevrier 2013

Bibliografia:

Arturo Reghini  - “Considerazioni sul Rituale di Apprendista”  - ed Anastatica -    “I numeri sacri nella Tradizione Pitagorica Massonica” ed,Atanor – “La Tradizione  Pitagorica” ed . Melita

Louis Claude de Saint Martin  - “ La simbologia dei numeri”  ed.  Atanor

Flavio Cusin – “ Il Senso del Linguaggio nell’Arte Reale”  - Ed.Cozzi – Trieste

Francesco Brunelli – “Principi e metodi di massoneria operativa” ed. Bastogi

Jules Boucher – “La Simbologia massonica”  ed. Atanor

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 21:30

 Certains ont décidé de rester dans la filière initiatique « primitive » qui distingue deux initiations portées par deux moitiés d’un même processus allant de la différenciation vers l’unification. Cette étude ne concerne pas les initiations en loges mixtes parfaitement valables par ailleurs qui installent l’indifférenciation dès le cabinet de réflexion. .    

 

Les deux moitiés dans l'Un.

 

La différence portera moins sur la forme que sur les éléments eau et feu dont on connaît la difficile conciliation. Les loges restant différentes quant au genre. Ce point de vue archaïque au sens de « l’arché » est une très ancienne tradition. Pour en comprendre le sens, nous sommes renvoyés « in principio » soit dans les arcanes de la Genèse.  

Ceci permet d’expliquer qu’a certains rites la décision fut prise de maintenir la différenciation sur le début du parcours initiatique. Au terme de l’initiation au REP comme à d’autres il y aura non pas de« mixité » initiante qui suppose encore une différenciation et une hétérogénéité, mais fusion qui suppose homogénéité finale des filières initiatiques aboutissant à un retour à l’Unité.  

 L'Unité symbolique entre homme et femme découle de la fameuse chose double, la « res binah », idéal d’un rebis ou de l’androgyne initial, soit le retour à une source indifférenciée dans son genre.  

L’enjeu au terme d’un long parcours initiatique est de réunir ce qui fut différencié. Cette unité des genres est typique d’une ancienne tradition qui nous vient en partie des marches de l’Europe. L’Écosse mythique est un endroit abrité, tel un sanctuaire qui s’est nourri des filières initiatiques antérieures au modernisme du Siècle des lumières. C’est dans ce fond commun entre le futur antérieur et le passé que l’on peut soucher une transmission.  

Il faut tenter de rester imperturbable et à l’écart de toute contingence. L’initiation par le genre demeure la valeur universelle, il suffit de relire Mircea Eliade ou René Guenon. La franc-maçonnerie reconnaît l'égalité des sexes dans le respect de la différence.  

Autrement dit, face à une pratique mixte , nous décrivons une pratique où la séparation des genres est conforme à la Genèse. Cette séparation permet de mieux s’identifier pour mieux fusionner avec notre partie manquante, condition sine qua non d’achèvement du parcours initiatique. C’est en effet « le connaît toi toi-même » qui reste un préalable à toute ascension spirituelle ordonnée et graduelle.  

La modernité a transformé les rituels initiatiques pour les rendre intelligibles au plus grand nombre. C’est ici une option qui n’est pas obligatoire. Sans être anti moderne, on peut faire l'effort de reconnaître les archaïsmes en ce sens qu’ils nous apportent une plus grande proximité avec la source. La lecture de ces archaïsmes implique la connaissance d’éléments de langages perçus par l’intelligence du cœur et de l’esprit. À charge pour ceux qui le pratique d’en expliquer l’aspect historique, photographie initiatique de la fin du XVIIème siècle. Certains rites tentent de restituer le moment qui précède le Siècle des Lumières. Ce fut une époque où la stabilité et le caractère éternel des structures traditionnelles n’étaient pas remis en cause par l’éclatement philosophique et politique des trois voies initiatiques. Les frères étaient férus de rosicrucianisme, d’alchimie de science hermétique, de connaissance parfaite de la philosophie grecque, d’études gréco-latines, de celtisme et de druidisme. Leurs bases culturelles s’appuyaient sur une connaissance parfaite de la Bible, livre de chevet de tout bon sujet du Roi d’Écosse et d’Angleterre. Ces matières n’étaient pas vues à l’époque comme exotiques ou sujettes à caution.

 

La conscience de l’Unité.  

La  « mens » consistant en l’arrivée de l’esprit dans le corps animé, se faisait en rapport à la connaissance traditionnelle, où l’esprit accueilli par l’âme, anime le corps et permet la fameuse relation avec le spirituel et le ciel. Ce positionnement graduel donne les trois niveaux de conscience et de discernement. Ces trois niveaux de conscience sont en rapport avec la tripartition traditionnelle de l’être sur le mode : corps, âme et esprit. Un rapprochement utile pourra se faire avec la découverte graduelle des trois axes de la loge. Le premier est l’axe de la vie avec cet axe solsticial et équinoxial de la lumière, soit l’axe Est-Ouest. Cette lumière autorise la vie sur terre avec la présence bénéfique du Soleil et de la Lune. Le second à trait à l’axe Nord-Sud qui est l’axe découvert par le pas du compagnon qui s’harmonise dans l’Étoile flamboyante. Le troisième sera l’axe Nadir Zénith qui sera l’axe d’élévation ou d’exaltation principiel du maître.  

Cette lecture outrepasse les problématiques andersonniennes sans les nier, en remontant aux sources mêmes de la cosmogonie traditionnelle.  

Les rites initiatiques ne sont pas un mode d’emploi pour résoudre les problèmes sociaux de notre époque ni pour justifier l’hyper modernité des temps futurs et la « numérisation » de l’âme humaine. Ce n’est pas leur finalité. Ils peuvent cependant apporter un éclairage sur les valeurs stables et immuables et parfois « oubliées », en complément d’autres réflexions.  

L’initiation par la reconnaissance du genre, est un cheminement qui est moins le produit de la société que des anciennes traditions. Ainsi les rites initiatiques s’adressent indistinctement à des femmes et des hommes qui aspirent au «  commencement » et à la réintégration du Tout.   

L’homme comme sujet et objet de savoir devient élément de la connaissance et peut percevoir un Tout qui dépasse les limites de son horizon. L’initiation doit permettre à chacun de voir son image intégrée dans la transparence de l’Unité.

 

L’initiation par la reconnaissance du genre.

 

Que dit Robert Ambelain de l’initiation masculine en son point d’entrée qui est la chambre de réflexion au REP :  

 « Avant l’Ouverture des Travaux, le Candidat aura été placé dans un Cabinet où il demeurera seul, livré à ses réflexions, pendant un certain temps. On lui aura soumis quelques questions relatives à la morale, tracées sur papier, auxquelles il aura à répondre par écrit.  

Lorsque le Candidat aura ainsi médité pendant un quart d’heure environ dans ce Cabinet, le Frère Maître de Cérémonies viendra lui bander les yeux et le conduira en cet état dans un autre Cabinet obscur dénommé Chambre de réflexion.  

Cette Chambre de réflexion sera tendue de noir, éclairée par une seule lumière rendant une faible clarté. Il y aura quelques ossements et d’autres objets susceptibles d’inspirer de la frayeur au Candidat, un crâne et un poignard disposés sur une petite nappe noire feront l’affaire, placés devant la bougie allumée.  

Le Maître de Cérémonie aura introduit le Candidat dans la Chambre de réflexion, il s’en retirera et fermera la porte derrière lui. »  

Au surplus du décorum minimal on peut y adjoindre le tableau de réflexion reproduit ci-dessous avec posé sur la tablette, un épi de blé ou du pain, une coupelle d’eau, du soufre, une fiole de mercure.  

Pour les loges de la filière féminine on substitue au poignard, un tartan écossais et une quenouille axiale avec du fil autour.  

Évidemment, la substitution du poignard par l’étoffe et sa source pose la question de la complémentarité des deux initiations, sachant que les autres éléments sont communs. Dors et déjà nous pouvons faire un rapprochement avec le fil d’Ariane qui permet à Thésée armé du poignard de s’aventurer dans le labyrinthe afin de tuer le Minotaure au centre du dédale. Vaincre le monstre ne suffit pas il faut alors ressortir grâce au fil et donc à Ariane. C’est donc le couple Thésée-Ariane qui ensemble « renaît » à une autre lumière.  

La question de la métamorphose de l’Homme au centre de la Terre avec la rencontre de la partie sombre qu’il doit vaincre est l’enjeu de la complémentarité entre Ariane et Thésée. Thésée ne peut vaincre sans Ariane, et Ariane guide les pas de Thésée par le fil. La réunion de deux acteurs forme la victoire de la lumière. Ceci doit nous aider à comprendre la complémentarité des voies initiatiques masculine et féminine, reliées par le fil. 

 

Le lien libérateur.  

 

Il faut noter que ni le poignard, ni le tartan et la quenouille ne seront présent en loge, signifiant qu’en loge nous sommes devenus maçon sans distinction de genre. Le maçon en loge quelque soit sont genre travaille avec les mêmes outils à tailler sa pierre.

Quelque part se pose dans la transmission la question du lien. Ce lien est celui d’une tradition initiatique dûment transmise dans un chaînage dûment identifié. Ce lien n’implique aucune inféodation, mais au contraire une indépendance par la conscience plus élevée de soi-même.  

En reliant ainsi les initiations masculines et féminines, nous dépassons toutes les considérations polémiques liées à la mixité des loges. De plus nous pouvons mieux comprendre la dévolution de l’influence spirituelle et sa préservation par la loge. Il existe en effet une relation entre l’influence spirituelle que nous avons reçue de nos aînés et son maintien au sein des loges. La modalité de l’essaimage témoigne du caractère intuitu personae de la transmission. La loge devient réceptacle matriciel de cette influence avec les maçons qui lui donnent vie.  

Ce lien se fait dans le cadre d’un chaînage immémorial de transmission. Chaque initié est un maillon responsable, et pour mettre en œuvre la transmission il faut une loge. Le fil est un lien spirituel vivant, il ne devrait pas être rompu. La mort elle-même ne rompt pas ce lien. Finalement notre liberté dépend de notre transmission et de la reconnaissance de notre partie manquante masculine ou féminine et de notre place dans un « chaînage » immémorial d’initiés sur la « trame » rituelique des loges. Paradoxalement, la reconnaissance de ce double lien nous libère par un processus d’individuation qui reste l’objet premier de l’initiation. Notre liberté passe par la transmission et la reconnaissance de l’autre. Ici l’autre est la partie complémentaire. Le fil de l'union à l'autre confortera la transmission sur un plan générationnel. C’est un aspect clanique que nous devrons examiner et dépasser.

 

 

L’initiation élémentaire.

 

A)     Par l’eau ou par le feu    

 

Traditionnellement le genre masculin implique une initiation par le feu, le genre féminin par l’eau.    

Évidemment la distinction ne se justifie que pour préparer un beau mariage alchimique, il y aura à terme fusion et non pas « confusion » des genres. Cette différence symbolique des genres reconnue dans le parcours des parvis sera assumée dans le cabinet de réflexion puis abandonnée dans la loge. Nous passerons de la différence assumée à la complémentarité pour finir dans l'unité.  

C’est par le feu que la nature est changée : potier, forgeron métallurgiste alchimiste, orfèvre, et c’est par l’eau qui descend du ciel que la vie s’installe : culture, élevage, filage et tissage, etc. C’est l’accès aux fruits et produits de la terre par l’action de l’eau et du soleil.  

Conséquence de ces antiques traditions, la loge masculine initiante par sa nature, voit l’épée flamboyante au repos sur l’autel du Maître de Loge la pointe tournée vers la lune et se charge au feu du soleil. Dans le cas d’une loge féminine initiante, elle sera pointée au repos vers le soleil se charge à l’eau de la lune. Ce seront aussi les derniers restes d’une différenciation car désormais le travail sur la pierre se ferra avec les mêmes outils mais avec une sensibilité différente.   

Dans les deux cas, il est dans les attributions du MDL d’unifier les « éléments » sur un plan donné, dans une relation harmonieuse et éclairée entre le haut et le bas. Il tient l’épée à main gauche et maillet à droite et en bande, reliant le ciel au cœur, soit pour les initiés « l’esprit par l’âme dans le coeur de l’homme ». La tripartition de l’Etre est ainsi prise en compte.  

En loge féminine c’est donc l’eau fécondante et purificatrice venue du ciel jusqu’en terre qui fertilise l’âme en terre pour en faire germer l’esprit.  

L’esprit descend du ciel  par le feu représenté par le rayon céleste ou par la foudre, mais il vient aussi par l’eau qui « anime » la graine des profondeurs terrestres pour aller chercher la lumière en  germant. En vérité, le feu et l’eau sont indispensables au miracle de la vie.  

Le REP consacre le feu et l’eau dans une même unité principielle celle de l’hexagramme qui devient alors le résumé de la pensée hermétique suivant la table d’émeraude : « Ce qui est en haut et comme ce qui est bas ». La jonction du triangle montant du feu et du triangle descendant de l’eau se fait par le rayonnement à partir du Principe dans les six directions de l’espace et suivant les trois puissances axiales du centre ontologique. Sur un plan graphique, le motif de la partie haute se reflète dans le miroir de la ligne de partage des eaux qui est aussi une ligne d’horizon, nous donnant deux éléments de base supplémentaires qui sont la terre et l’air.  

L’universalité symbolique de l’eau est consacrée au plan initiatique et dans la Bible. Son action principale tient à son caractère purificateur (fontaine de Siloé, eau lustrale et déluge, etc.), germinal et fécond au premier degré (l’eau source de vie s’infiltre dans les tréfonds et se retrouve associée à la graine), lors de la progression initiatique c’est son rôle de miroir (surface des eaux) qui va permettre à l’initié sur le chemin de mieux se connaître sans tomber dans le syndrome de Narcisse.  

Outre le symbole de vie quelle porte en elle, l’aboutissement de l’initiation par l’eau aux trois premiers degrés concerne le domaine de la parole divine qui s’applique à l’esprit et principe créateur. Elle y est associée à la Genèse 1,2 et  à l’Apocalypse 22,17.    

Symboliquement, c’est donc une capacité à recevoir l’Esprit qui s’organise dans le rituel initiatique du 1er au 5em et 6ème degré du REP. Traditionnellement faut un corps purifié par l’eau  pour recevoir le souffle de l’âme puis enfin le feu de l’esprit. Sans âme ni souffle, le feu ne peut installer l’esprit dans le corps. Du reste suivant la Genèse c’est sur la surface des eaux qu’est né le souffle divin caractérisé par le logos. Ce souffle, c’est l’âme qui anime les corps[1].  

Sur un plan vital, l’épreuve de la terre suppose la présence d’une graine. Le voyage de l’eau purificatrice va nourrir la graine en terre, celle-ci germe se nourrissant des éléments premiers et va recevoir dans le voyage suivant le « souffle », âme animant le corps de forme. Pour finir, ce bel ensemble reçoit le feu « esprit » dans l’interprétation principielle de la lumière.    

L’esprit se manifeste par un travail engageant la conscience, traduisant une progression sur la voie intérieure. Ceci suppose le réveil préalable du maître intérieur qui seul capable de voir la lumière incréée (MPE).  

Ramenée au lieu sacré du temple, l’eau puisée à la fontaine de Siloé était versée en libation sur l’autel, restaurant  les quatre fleuves du paradis et toutes les eaux de la création. Elle correspond aussi à la prophétie de Zacharie qui indiquait que l’eau, représentant l’esprit du Temple, devait jaillir de sous les fondations du temple. Pour les bâtisseurs, cette eau est l’Esprit du Temple  maison du créateur. Son origine est souterraine comme la plupart des éléments extraits du cabinet de réflexion.  

Pour les chevaliers, l’eau quittera la gravité terrestre pour rejoindre « la parole qui souffle à la surface des eaux », soit dans l’espace compris entre la terre et le ciel. Elle change d’état et devient vapeur montante puis rosée matinale… Ainsi s’accomplit le mystère de la rose sur la croix.  

L’eau du baptême inaugure le passage du fleuve séparant la première Alliance et la seconde. C’est  Saint-Jean le Baptiste qui  met en scène le passage par l’eau est c’est un autre Saint jean dit l’évangéliste qui complétera cette action par le feu-lumière ou feu-principe. Voilà en quelques lignes les fondements de l’initiation par l’eau en loges féminines.  

Ainsi, les loges mixtes ne sont pas initiantes au REP, elles se consacrent à la recherche. Néanmoins c’est sur d’autres bases d’une complémentarité immédiate que les loges mixtes pratiquent l’initiation et les explications quelle donnent sont parfaitement valable en regard des  rites pratiqués. Le REP préfère organiser la complémentarité dans une progression graduelle.  

La tenue se déroule alors avec l’épée flamboyante en accord avec le genre du MDL. La loge au plan administratif est versée dans la rubrique loge de recherche.  

Le choix de l’eau et du feu est imposé par le genre[2] du MDL qui ne peut donc initier que dans son genre et dans une loge du même.

 

B)      Du filage et du tissage – généralités.

 

 

1)       Le métier : de  la matière à la forme.  

Le bâtisseur, le potier et la fileuse-tisseuse sont les arts de la matière transformée. Le génie humain en devient démiurgique au point de donner à celui qui détient le savoir-faire, des pouvoirs en relation avec la création.  

Le cas du forgeron est particulier. Le pacte qu’il doit passer avec les forces infernales pour extraire leur minerai caractérise son impureté. C’est pour cette raison que Tubalcaïn n’a pas droit de citer dans le rite écossais primitif. Il fut valablement assimilé par des rites qui ont fait la part belle aux progrès techniques. Cette évolution accompagnerait pour certain une métallisation du langage associée à la rétractation de l’esprit. Finalement Tubalcaïn appartiendrait à la fraction fautive dans le crime d’Abel qui fut éloigné ou exilé loin du centre créateur.  Tubalcaïn successeur du meurtrier Caïn incarne la faute entraînant la chute de l’homme et son l’exil dans les replis de la terre. La franc-maçonnerie écossaise primitive conserve la cérémonie de l’abandon des métaux avant d’ouvrir les travaux, ce n'est pas pour acceuillir tubalcaïn. Cet abandon des métaux renforce l’idée d’une purification de la matière première afin d’affiner, de « rectifier[4] » les éléments constitutifs de l’être.  

Le métier artisanal fait naître transforme la matière purifiée, et fait naître les formes esthétiques. Comment naissent les formes ? Par le savoir-faire et le savoir-être.  

C’est la maîtrise du monde des formes qui justifie la transmission initiatique associée au savoir-faire. À un travail esthétique, et donc purifié, sur la matière correspond un travail sous-jacent de l’esprit. L’addition des formes,  du savoir-faire complémentaire et du savoir-être spirituel donne accès à la connaissance[5].    

Vu de l’extérieur, le tour de main devient une notion quasi magique qui n’a pas de prix comme l’œuvre d’art. Vue de l’intérieur cette réussite est l’aboutissement d’une transmission et d’une réalisation de soi.  

Ces métiers participent du monde des formes, produisant une perfection matérielle et esthétique par inspiration de l’esprit. Dans notre cas le tissage donne le vêtement qui par analogie est une seconde peau.  

Au plan collectif le tissu peut être une expression d’un socle identitaire clanique lié au celtisme, au druidisme et à toutes sociétés primitives hiérarchisées. Les sociétés traditionnelles ont pour point commun une histoire de l’origine du monde et de l’homme sous l’aspect d’un acte artisanal.

 

2)       Le tissage narratif.  

L’étoffe tissée est une page d’écriture, d’où la racine commune entre « textile » faisant récit et « texte ». Il ne s’agit pas de folklore, mais d’une ancienne écriture de la tradition par le langage des signes universels.

 La base de cette écriture repose sur trois éléments : l’horizontale, la verticale et la couleur avec pour sommet significatif la croix. On retrouve des traces de cette écriture dans le langage du blason. Plus tard le canevas et la broderie puis la tapisserie, renforceront le caractère narratif du tissu sous un angle plus extérieur. Plus simplement en loge, le pavé mosaïque est moins une juxtaposition de cases qu’un tissage, illustré par ses bandes noires et blanches entrelacées comme tressées dans la largeur et la longueur. Il s’agit d’une image contrastée de la chaîne et de la trame.  

Toute écriture traditionnelle doit être capable de décrire l’univers et sa naissance. Le tissu-linceul remplit cette fonction, en accompagnant la naissance et la mort. Pour la vie nous avons le tartan écossais dans le cabinet de réflexion qui accueil le nouveau-né dans sa tribu et pour la mort, nous avons le voile noir posé sur le cercueil ou le corps d’Hiram.

 

3)       l’ordonnancement de la matière.  

La spécificité de l’initiation féminine au REP, passe par le cabinet de réflexion. Nous y trouvons en plus des éléments déjà présents dans les initiations masculines, deux éléments fondamentaux et spécifiques. Ils ont tous les deux des caractéristiques du domaine des petits mystères et au surplus une lecture particulière en matière cosmogonique.  

L’espace du cabinet de réflexion illustre le retour de la matière dans son état indifférencié avec des incompatibilités marquées comme le soufre et l’eau. Le cabinet va réaliser l’union des contraires pour faire naître la vie grâce à l’action transformatrice de la lumière et la naissance du temps.  

Deux fonctions ancestrales sont recouvertes par la quenouille et le tartan, il s’agit du filage et du tissage. Ces deux activités appartiennent aux mystères de l’existence suscitée par leur présence dans le cabinet de réflexion.  

La rencontre de la chaîne et de la trame est aussi celle de l’espace et du temps, soit du ciel et de la terre. La forme elle-même est née de l’espace et du temps, et d’après la Genèse c’est le logos, le verbe qui ordonna la manifestation et la différenciation. Du verbe nous passons à la parole de la transmission pour l’homme.  

La différentiation de la Genèse dépend et s’associe au temps. Le temps est celui de la durée du jour et de la lumière et du règne solsticial du soleil et de l’influence de la Lune. Ainsi la partie haute du métier est le ciel et la partie basse la terre.  

Entre terre et ciel, la chaîne verticale fait le lien axial et la trame marque le cycle du temps par les aller-retour de la navette. Le cycle du tissage est  lunaire, car reflet de la lumière du plan formé en esprit. Le tissage et de la volonté exprimée du Logos, et la parole découlant du verbe.  

Avant l’intervention du principe qui avait-il ? On nous dit : l’informel et le non organisé, une materia prima indistincte et indescriptible, invisible, car sans lumière. Le tout était dans les ténèbres.  Le principe dans son action ordonnatrice est associé à la lumière, celle que nous retrouvons philosophiquement dans le cabinet de réflexion. Nous devons notre monde à un Principe lumineux et ordonnateur que nos physiciens et nos religions tentent de saisir et que nous, franc-maçon nommons de son titre le plus formaliste qui soit : le Grand Architecte de l’Univers.  

 Le cabinet de réflexion est un athanor qui met en présence les éléments disparates et essaie dans l’espace et le temps de leur donner forme et vie. C’est l’impétrant lui-même qui doit pendre conscience de ses propres éléments constitutifs et commencer à réfléchir sur leur assemblage esthétique.  

De la dislocation solution du corps on accède au monde des formes en passant par les états inférieurs de l’être (V.IT.R.I.O.L). Il s’agit clairement d’aller puiser dans le subterrestre associé à la materia prima, les éléments de la future forme. Il faut cependant qu’un souffle particulier anime et maintienne ces éléments primaires ensemble alors même qu’ils auraient vocation à se repousser (soufre-feu opposé au sel-eau).  

Cette force unifiante est l’âme-anima pour nos anciens. Ceci suppose que le subterrestre est le lieu de résidence et de manifestation de l’âme, ce qui correspond à la grande tradition occultiste et à l’idée chrétienne qu’a la fin des temps, les corps enterrés verront leur résurrection (relèvement).

 

C)      Le fil de la vie.

 

D’une certaine façon le cabinet sera vu par la Sœur et le Frère comme un assemblage d’éléments ordonnés et associés malgré leurs oppositions, dans le sens du fil de la vie.

 

1)       La parole créatrice.   

La construction du tartan est une histoire qui s’écrit et provient de la tension entre le haut et le bas du métier à tisser. Le fil lui-même est un assemblage de matériaux bruts associé par le doigté de l’artisan. La vie est au bout de cette gestation.    

Le tissage repose sur l’entrecroisement de deux séries de fils perpendiculaires. L’aptitude au filage et au tissage constituent véritablement le supplément d’âme propre à Ève.    

Ève est née de la cote d’Adam, soit la pointe latérale droite du triangle parfait. Elle se situe sous la ligne de partage des eaux de l’hexagramme et reste en rapport  matériel avec la terre tout en bénéficiant de la lumière chaleureuse du soleil[6].  

De manière plus symbolique il s’agit de la rencontre du visible et de l’invisible qui se traduit sous la forme d’une création. Le tissage est un acte de création par la femme qui emprisonne ses mots et ses pensées dans la fibre. Il en résulte une saga prise dans les filets de la mémoire tissée. Le tissu est à l’image de la tisseuse qui déclare son appartenance tribale par les motifs qu’elle y insère.  

 Le tissu est donc une imago mundi qui provient de « la voix » ou parole féminine. La voix est emprisonnée dans le motif du tartan. Cette parole créatrice de la femme souffle à la surface de la trame comme le verbe divin soufflait à la surface des eaux.

 

2)       La Genèse et le vivant.

 

Ce métier est celui du commencement : « Au commencement Dieu créa la Terre et le Ciel » (Genèse 1-1). Le metier à tisser met en tension le ciel et la terre.  

En tant que métier du « commencement » il est situé à l’endroit de la naissance des formes à la lumière, le cabinet de réflexion.  Le temps s’égrène en fonction de la course de la navette représentant les planètes dans leurs courses cycliques et plus précisément la lune. C’est un temps matriciel qui n’existe qu’en dépendance du mouvement de la navette et se calcule en lunaisons. La navette circule dans un espace créé entre terre et ciel. L’espace et le temps s’associent à la forme, créant par le mouvement le motif signifiant une imago mundi sur l’étoffe. Le motif se construit dans une progression ascendante, et la quenouille fournit la substance (matière-terre) que le métier par la représentation du motif, transformera en essence (esprit-ciel).  

Ainsi par l’exemple du métier à tisser nous pouvons dire que toute forme est souché dans la lumière principe. Sans lumière point de formes ni de lecture. Ce système, nous le retrouvons développé dans le temple maçonnique sous l’angle du bâtisseur. Le travail de la pierre brute ne se conçoit que dans l’hypothèse de la construction du temple qui est aussi une élévation lumineuse vers le ciel, mais cette taille ne peut s’effectuer dans le cabinet de réflexion subterrestre. Ce cabinet est dévolu aux états inférieurs de l’être et à l’assemblage des éléments disparates dans la gestation d’un nouvel homme tailleur de pierre.  

Le filage se fait à partir de fibres végétales ou animales soit le monde du vivant et non pas le monde minéral du maçon. Le monde composé par le tissage repose sur le fil qui est l’image même du destin. La destinée et un fil qui peut se rompre. C’est donc la fileuse qui tient entre ses doigts le destin. Le fil à une épaisseur et une longueur symbolisant la résistance de la ligne de vie et une couleur signifiant la nature de son langage. C’est la main dans son habilité qui fait le fil et son devenir, c’est elle qui assemble et épaissit le trait, en détermine la longueur, c’est une fonction mercurielle.  

La femme file le destin du monde tout comme le cordon ombilical. Le fil part de l’axe du monde représenté par la quenouille et rayonne jusqu’au métier à tisser, image du ventre maternel triangle d’eau, tissant l’étoffe du monde.  

Le monde est coupé de sa source lorsque le fil est coupé, c’est ici encore une image de la chute originelle. C’est aussi l’image de la vie qui ne tient qu’a un fil.

 

 

3)       La mythologie du fil. Les Parques

 

La mythologie grecque reconnaissait trois Moires que les Latins reprirent sous le nom de Parques. En grec : Clotho, Lachésis, Atropos. En Latin : Nona, Decima, Morta : Divinités maîtresses de la destinée humaine, de la naissance à la mort. Elles sont généralement représentées comme des fileuses mesurant la vie des hommes. La première, la plus âgée, tire le fil de la quenouille, la suivante, mesure le fil et le tisse, et la dernière, la plus jeune, quand l’heure de la mort est arrivée, coupe ce fil avec le fatal ciseau dont elle est armée. La longueur du fil plus ou moins long représente la destinée de chacun. Cette destinée dans sa longueur est fonction de la durée mesurée.(WP)    

 

 

D)     La quenouille et le tartan    

 

Revenons aux éléments strictement visibles dans le cabinet de réflexion qui rappelons le n’auront plus à être présents en loge car hommes et femmes seront franc-maçon  et travaillerons avec les mêmes outils.

 

-          Une quenouille composée de deux éléments, l’axe et le fil.

 

-          Un tartan écossais aux couleurs du clan.  

1)       La quenouille est composée d’un axe et d’un fil qui s’enroule autour de celui-ci dans le sens dextrocentrique montant (1er et 2ème degré) et qui se déroule dans le sens sinistrocentrique descendant (3èm degré).  

Évidemment l’axe représente l’axis mundi, le  sens d’enroulement du fil et le sens inverse du déroulement représente le cordon ombilical et l’axe de la vie soit une projection Est-Ouest de la lumière dans les ténèbres. L’axe en laissant dérouler le fil autorise une projection sur le plan horizontal. On comprendra ici qu’il s’agit de l’action du centre ontologique en regard du monde manifesté et précisément que l’axe producteur de la lumière créée permet de percevoir au fond de soi, la lumière incréée[7]. On retrouve cette situation symbolique mise en œuvre par le chiffre 15 seulement abordé au grade de maître, mais pleinement expliqué dans la cérémonie secrète d’installation du maître de Saint Jean. La progression du fil le long de l’axis Mundi est reproduite par 3, 5, 7 en montant puis par 7 et 8 en descendant[8]… Évidemment le fil lové dans les deux sens  représente le double serpent gardien de l’axe du caducée ailé, ou l’escalier à vis que l’on monte jusqu’au visage de Dieu et que l’on redescend pour transmettre ici bas.  

Au plan humain on remarque que le fil fait lien entre le masculin et le féminin il relie l’aspect mâle et femelle donnant une perspective de réalisation vers l’androgyne. Le fil en lui-même est un cheminement qu’il soit sur le métier à tisser ou pour relier la vie à son destin. Ce fil nous sera utile pour la réalisation de l’être total.  

Ceci implique que le cheminement de l’homme dans le labyrinthe de la psyché ne peut se faire sans l’aide de la moitié féminine. Il faut pour atteindre la lumière en soi être à la fois homme et femme, unis ici par un fil.  

Le fil est un conducteur de vie, de sensations d’ondes et ici de lumière. Il donne un sens à la vie en la reliant à son auteur.  L’axe se tient entre les deux paumes des mains, représentant le haut et le bas. Il faut être deux protagonistes pour progresser dans les ténèbres et en revenir : l’un tient le fil et l’autre le déroule en tenant l’axe. Au bout du compte le fil par la volonté de l’axe, uni l’homme à la femme.  

Le fil de la vie est au sens propre l’essence de l’axe.  

 

Une fois la lumière intérieure atteinte au centre du labyrinthe par le guerrier (Thésée tue avec une pierre ou un poignard le Minotaure au centre de lui-même et perçoit alors la lumière « intérieure »). On enroule le fil pour faire revenir notre guerrier intérieurement « illuminé » à la lumière terrestre. C’est la sortie horizontale (Thésée et Ariane) du labyrinthe qui est suggérée et non pas la sortie verticale Icarienne réservée à d’autres initiations au sein du REP.  Thésée et Ariane ont vécu la même épreuve dans les méandres complexes du labyrinthe, car ils étaient reliés par ce fil. Il est donc faux de prétendre au rôle passif et secondaire de la femme, car le fil relie les vécus. Après tout, la lune réfléchit la dimension incréée de la lumière provenant du soleil, elle est donc indispensable à la vie sur terre et à la descente de l’esprit, son rôle n’est en aucun cas secondaire. Nous sommes tous le produit harmonieux du soleil et de la lune. S’agissant d’Ariane, elle raconte sur son métier à tisser l’histoire de Thésée qui est aussi son vécu, elle se confond à lui par le fil. La sortie Théséenne de l’antre est une renaissance dans la matière, soit une forme illuminée de l’intérieur.  

Ainsi 3 notions apparaissent clairement :  

a)       l’élément matriciel de la naissance à la lumière associée au cordon ombilical. Ce cordon est l’axis mundi des formes, la perpendiculaire descendante qui relie l’homme de la « chute » à la terre. C’est aussi un lieu, le ventre (Matrice de l’eau).  

b)       l’androgynie de la réalisation de l’être par le fil. Ariane et Thésée ne sont qu’un seul être. A l'unisson ils sont un seul coeur battant reunifiés pour acceuillir la lumière. C’est en ce lieu du cœur que sera déposée la lumiere interieure. Ce coeur devient réceptacle Graalique(Matrice du feu).  

c)       l’axe vertical au milieu des quatre points cardinaux. L’axe génère le mouvement, l’espace et le temps et relie la vie par un fil au centre créateur. Cet axe cardinal permet de se guider dans le labyrinthe. (Réceptacle et matrice de l’esprit, dans son envol dans l’axe principiel)

 

Nous en concluons que celle qui tient l’axe et le pouvoir de couper le fil détient la source de la vie.

 

 

Quel est donc le pouvoir[9]des sœurs ?

 

Notamment dans le pouvoir de tisser, faire le jour et de défaire la nuit l’ouvrage, lui donner les couleurs et les symboles voulus. La quenouille le filage et le tissage sont démiurgiques par nature et se font à la pénombre, de la nuit originelle jusqu'à la lumière du premier jour de la vie. Le chemin n’est éclairé que d’une lumière qui se veut intérieure.  

Donc la quenouille doit être dans la pénombre du cabinet de réflexion, car elle permet d’y entrer et d’en sortir et d’établir un lien entre lumière et ténèbres. Elle n’a pas à être présente dans la loge même, car les trois axes et six directions y sont déjà en tension dès l’allumage des feux.  

Faut-il rappeler que le cabinet de réflexion est une cavité matricielle, où la lumière de la bougie apparaît comme une promesse en devenir, et où tous les éléments présents concourent à la constitution de l’être. Simplement ces éléments apparaissent dissocies et ne s’assemblent et ne prennent vie qu’en présence d’une âme. Le Temple est déjà l’expression de l’ordre manifesté par la lumière, nous sommes à un état d’avancement supérieur. Le corps est déjà constitué dans le monde des formes, il est réveillé à ses sens dans une lecture profonde dans le but de participer à la construction. Le fil qui relie le maçon au cabinet de réflexion à été coupé par cette fameuse chute. Il reste en mémoire comme une nostalgie des origines, mais l’apprentissage de la marche va donner la liberté de mouvement au maçon. Commencera alors le cheminement vers l’exaltation…Icarienne peut-être.  

On peut faire un rapprochement entre le sel né de l’eau et le soufre né du feu qui ne s’unissent que par le pouvoir du mercure. Le mercure est assimilé au bois au premier degré du REP, il transforme et uni les éléments subterrestre dissociés en vie solaire. Autrement dit le bois fait le lien axial entre la terre et le ciel par les racines jusqu’aux ramures. Le bois[10] du tronc est un axe au même titre que la quenouille, la colonne vertébrale ou les colonnes du temple. Leurs fonctions sont notamment de donner cohérence et forme au chaos, par la lumière descendante représentant la volonté divine ou le principe.  

La sœur initiée est indispensable à ce mouvement lumineux.  

 

Quel est le sens véritable du fil ?  

C’est ce qui relie notre conscience à l’Œuvre.  

Il faut préciser les termes : relier c’est la religion au sens étymologique, « religare » qui veut dire se relier au passé, à l’origine donc. Ce « religare » est au sens propre le fil qui lie mon présent initiatique à mon origine d’homme total et primordial soit l’Adam original. Or l’Adam original est aussi bien homme et femme, car non différentié. Il bénéficie d’une proximité immédiate avec le souffle divin. Ce souffle divin est l’origine de l’Œuvre qui fait de l’homme le gardien, le berger de la création.  

Pour accomplir cette mission, l’homme fut mis en conscience, en situation de responsabilité de sa situation face à l’immensité de sa tâche.  

Malheureusement plutôt que de mener à bien cette mission, il utilisa sa conscience à son seul profit voyant dans la nature une source de valorisation de son seul Ego. Au lien de servir la création, il se l’appropria comme si elle était sienne. L’Ego se développa en lui au point qu’il devient centre de l’univers, perdant ainsi le sens de sa mission première. La perte du sens divin est une rupture du fil par la perte de conscience. L’initié répare la rupture.  

L’initiation qui permet de réparer le lien fait apparaître trois niveaux de conscience, et donne trois pilotes à celle-ci.  

L’âme pour les anciens est ce qui anime les corps. Donc le cabinet de réflexion est l’athanor des éléments alchimiques qui prendront forme et vie par la présence de cette âme.  

1-       L’homme par son corps constitué (et ordonné) prend conscience du moi par ses facultés sensibles notamment lors des voyages initiatiques. Le sensible est du domaine corporel.  

2-       En quittant le cabinet de réflexion, chacun disposait des éléments pour se construire et les voyages vont finir et ordonner en forme humaine cette construction. Ce sera alors « la prise de la conscience de soi » par l’âme.  

3-       Si le vieil homme meurt et se décompose, le nouveau se réordonne dans sa composition de manière consciente dans le but de se dire « je suis » au grade de maître. Cette êtreté embryonnaire ne demandera qu’à se développer et percevra plus tard la notion d’esprit-lumière. Ce sera alors « la prise de la conscience du Tout par l’esprit ».

 

Ainsi la triple « prise de conscience » s’effectue tour à tour : par le corps dans sa cohérence formelle où il s’agit de réunir les éléments constitutifs épars, puis par l’âme venant animer les sens de ce corps à la sortie du cabinet de réflexion et dans les voyages, puis en dernière phase par l’esprit avec la présentation de la lumière faisant briller la parcelle divine[11] qui est en nous. Nous avons ici le triptyque traditionnel : corps, âme, esprit soit un triangle parfait.  

Évidemment cette triple prise de conscience est ici à l’état embryonnaire et se développera au fur et à mesure du travail en loge. Elle doit être plus vécue qu’expliquée, du moins au premier degré…  

C’est en prenant la mesure des trois axes de la conscience que l’on rétablit le lien avec l’origine, qui est en vérité le centre de tout rayonnement.   

 

2)       Le tartan est une étoffe issue de la quenouille, il est donc l’expression clanique d’un monde manifesté né du centre ontologique.  

On voit immédiatement la laine à l’état brut qui sera filé puis tissé. Ces activités se faisaient à l’abri (à couvert), soit à l’intérieur de la « demeure » soit à l’abri d’une « enceinte ». Cette activité est par nature intérieure à l’être dans sa forme et dans son esprit. Nous retombons à nouveau sur le caractère matriciel de l’activité.  

Cette activité se rapproche de la taille de la pierre, mais s’en différencie en touchant au vivant du monde animal ou végétal qui sont les fruits et les produits de l’eau et du soleil. (Laine du mouton, lin, chanvre, etc.). De plus la taille de la pierre est minérale, elle implique l’éventrement de la terre pour y placer les fondations et le tutoiement du ciel par le clocher. Le minéral magmatique est informel et donc indifférencié par nature. Par ses actes le maçon donne la forme au chaos.  

Là ou l’activité textile fait une seconde peau protectrice de la progéniture et donc du vivant, l’activité du tailleur crée des éclats dont il faut se protéger par un tablier en guise de seconde peau.  

La fileuse-tisseuse relève d’une activité sédentarisée organisée et centralisée autour du foyer dont la flamme est entretenue par la mère nourricière. L’homme dans ses excursions et sa chasse est lié par un fil le reliant au foyer central. Ce foyer central vu de loin est une colonne de fumée axiale source de vie, de réconfort de sécurité et de descendance. Ce fil tisse des liens, appelés « lien du sang » et dessine l’appartenance tribale. C’est le principe de la « filiation » qui unit l’homme, la femme et la tribu.  

Le tartan est la construction identitaire sous un double aspect comme l’initiation. Au plan individuel cette construction est appelée « trame de la personnalité ». Au plan collectif et tribal, cette construction est appelée « esprit de corps », et on le retrouve dans les loges régimentaires Ecossaise et Irlandaise. C’est cet "esprit de corps", véritable conscience collective qui sera appelée plus tard égrégore en loge. Évidemment cette expression identitaire est une reproduction du monde manifesté sur la base d’une abscisse et d’une ordonnée. (La chaîne et fil de trame).  

Le tissu est l’assemblage des éléments de vie structurés dans un ensemble cohérent et identitaire. Le tartan intervient à nouveau sur les trois niveaux de la prise de conscience « collective » :

 

-           Le sensible et donc le corps par l’écriture de l’histoire spécifique du clan,

 

-           L’âme par sa présence active dans le collectif de pensée et d’action du clan, uni les individus, transformant leurs différences en complémentarités dans le but d’œuvrer en commun, jusqu'à la mort s’il le faut. Le corps retournant au terroir contribuant ainsi à entretenir un véritable substrat de la mémoire collective et de l’âme tribale.

 

-          L’esprit par la jonction du haut et du bas à l’intersection de la croix et dans la certitude de la présence divine au coté des combattants au-delà du visible. Il y a une survivance spirituelle attachée à la lignée clanique. Donc le clan regroupe par l’esprit les vivants les morts et ceux qui vont suivre.

 

Le tartan est donc un mausolée de la conscience tribale. Ce point sera enfin dépassé en loge et défaisant la barrière clanique de la différence. 

 

Le tartan Imago Mundi  

Le tartan nous raconte l’histoire du clan comme la première étape restreinte d'une cosmogonie. la loge poursuivra le processus en le menant vers l'universel.  

Au plan microcosmique, et donc horizontal, chaque point d’intersection du tartan est signifiant d’un individu en regard de son histoire et l’ensemble constitue un monde tribal avec pour origine un fil qui nous relie à l’axis Mundi. Ce monde est identifié par le clan et ses couleurs spécifiques.  

Au plan macrocosmique et donc vertical, chaque étagement des fils est constitutif d’un monde, et donc le tartan devient « la chaîne des mondes ». Pour nos anciens, il existe des mondes supérieurs et inférieurs. Ces mondes font références aux ancêtres toujours présents, notamment dans les combats et aux dieux ou esprits intercesseurs toujours agissants.  

Ce lien à l’axe et le chaînage textile infère le sens du pouvoir divin, il ne peut se faire qu’à la lumière qui ordonne. C’est l’illustration du pouvoir et de la puissance créatrice du Logos. À cette puissance divine répond la puissance transformatrice de l’homme sur son environnement naturel mission dévolue à l’Adam.  

Le tartan tout en étant une référence ontologique puissante, est aussi un rappel, une « invocation » à nos anciens et à nos racines. Il doit pour les mêmes raisons se situer dans le cabinet de réflexion. Rappelons que la vocation d’un cabinet de réflexion est, entre autres, d’illustrer les éléments constitutifs par dislocation du vivant, de vaincre le moi par le testament pour finalement aboutir à un réordonnancement harmonieux de ces mêmes éléments de base.  

À l’évidence la présence du tartan dans ce lieu prépare l’impétrante aux fonctions matricielles et identitaires propres à l’initiation féminine. La « geste » féminine est matricielle, elle ordonne le chaos en fonction d’une verticale de l’esprit.   

 

La couleur.  

Le tartan Écossais qu’il fût image du monde manifesté, ou plus simplement identitaire et clanique laisse sa place à l’étoffe tissée de couleur unie en loge. C’est une évolution importante qui tend vers l'universel.  

La couleur désormais unie (rouge ou noire) vient souligner la présence vitale du sang et de l’âme :  

-           Il est aux deux premiers degrés de couleurs ponceau soit la couleur du sang irriguant la chair de l’être sur les plateaux et l’autel. C’est traditionnellement le sang du combattant intérieur ici.  

-          Au troisième degré il devient linceul sur le corps d’Hiram au fond de la fosse. Il est de couleur noire comme le subterrestre et comme l’âme errante en quête de lumière.  

-          L’esprit s’échappe dans la lumière, qui faiblie au 3em degré.  

Ceci nous indique que le linceul noir d’Hiram est conservateur de son âme, le reste du corps étant dissous (la chair quitte les os) dans le chaos subterrestre et l’esprit reparti dans l’axe Nadir Zénith[12]. Le tissu recouvre le corps et conserve l’âme en en dessinant les contours. Le tissu et l’os restent en terre avec l’âme qui y fait son lieu de résidence jusqu'à la fin des temps. Cette explication est véritablement traditionnelle et commune à de nombreuses religions, elle correspond au surplus à notre tradition occidentale, elle s’appuie sur une large mythologie. Mais ce linceul noir est aussi un voile qui dissimule l’entrée dans les grands mystères par le biais de l’âme qui unit le corps à l’esprit. Surgit alors l’éclair des trois consciences œuvrant sur les trois parties de l’Être.  

C’est un aspect de l’unus mundus qui sur le plan de la psyché humaine, fait la relation entre le subconscient ou partie dissimulée du Soi, le conscient et la supra conscience. (Ce point sera développé au grade de MPE).  

Le tartan écossais est certes une imago mundi née de la matrice universelle, mais élaborée dans un Orient précis. Le tartan nous donne l’expérience initiatique de l’unus mundi, à l’aune du clan. Dans tous les cas il reprendra les règles communes de composition qui sont liées à l’ontologie. On assiste ainsi au transport du centre ontologique au cœur du clan. C’est ainsi qu’il existe autant de centres ontologiques que d’univers claniques formés. En ce sens le mont mythique Hérédom pour les maçons écossais est un point de contact avec le ciel, soit un centre ontologique. Le tartan est une recréation du monde d’un point de vue clanique.

 

Dans la loge  

La quenouille et le tartan sont absents de la loge. La loge est vêtue de textiles rouges ou noirs suivant le grade. Nous ne sommes plus dans le même univers. Ici l’homme et la femme n’ont plus de différences au plan des attribus qui sont abandonnés dans le cabinet de reflexion. En conservant leur identité, ils apprennent à travailler avec les mêmes outils.

 

 Dans la loge c’est le cycle du bâtisseur qui démarre. La femme participait assez souvent aux chantiers de construction, elle y remplaçait le mari décédé gagnant ainsi son salaire, elle suivait le militaire en campagne et pleurait sur son corps après la bataille. Elle y intervenait avec cette intelligence et cette sensibilité venant de ce fameux fil qui « relie » l’homme à la femme…  

Ariane n’a jamais abandonné Thésée[13].  

 

E)      Recomposition alchimique et transmission de l’influx.  

À la différenciation de la Genèse qui de génération en génération nous éloigne de la source originelle, répond l’aspiration de tout homme à retourner à l’unité. 

 

Quel est l’objectif de la différenciation initiatique de l’homme et de la femme ?  

Tout simplement le respect des anciennes traditions initiatiques. Ce respect s’inscrit dans la philosophie de la transmission.   

Quelle est la finalité de ses deux initiations  apparement séparées ?  

   La réponse en est donnée au grade de Chevalier de Saint André qui va réunifier la Dame au chevalier par l’Idéal et le mundus imaginalis. Cette union à l’évidence rejoint l’androgyne ou l’Adam originel, celui d’avant la division et la différenciation. La fonction du fil est de réunir. C’est donc au retour vers l’unité ontologique que nous travaillons, soit tout le contraire d’une vision machiste et rétrograde.  

Pour obtenir ce résultat unificateur, il faut aller jusqu’au bout de son genre pour comprendre ce que l’on est et ce que fut la différenciation. Ces étapes nous semblent indispensables à une bonne progression, l’Egalite des sexes passe par leur re-connaissance. Cette re-connaissance ne doit pas gommer notre co-naissance[14] sexuée. Il faut d’abord accepter d’être spectateur attentif de notre naissance avant de reconnaître l’autre sexe comme notre propre moitié. . Ainsi reconnu à nous même nous pourrons œuvrer avec les mêmes outils et sans distinction de genre en loge ou en chapitre. 

 

F)       Du clan à la loge.  

La notion d’appartenance clanique implique-t­-elle une initiation par la naissance ?  

La naissance implique un réordonnancement des éléments autour de l’influx spirituel. Cet influx est un fil qui nous relie au centre. En transmettant, nous donnons le fil.  

Le REP comme d'autres rites retrace le rapprochement du grand schéma de l’homme marqué par l’immanence et le grand schéma du Tout englobant tous les mondes caractérisés par la transcendance. Il offre à ses FF et SS un véritable dessin tissé de l’alpha jusqu'à l’oméga.  

La connaissance  par l’initié de ces deux schémas réconcilie l’homme, l’univers et d’autres notions qui ne relèvent pas du monde des formes ; c’est ici que la conscience activée dans ses trois niveaux, chacun subdivisé en trois états, porte ses fruits dans la structuration et la relation entre des deux schémas.  

Le franc maçon s’initie par lui-même dans un regroupement d’initiés sur le chemin, collectivement héritiers du rite et de la tradition. Les trois prises de la conscience, par le corps, par l’âme et par l’esprit, se feront ainsi sur un plan individuel et collectif.  

L’homme comme point de départ se déploie dans un aspect collectif et sociétal (notion d’appartenance) avant de se projeter individuellement grâce à la connaissance de soi, dans le but de mieux se fondre collectivement dans le grand schéma.  

Ce que nous dit le tartan par son aspect collectif est que l’initiation que l’on pouvait considérer en Occident comme une notion strictement individuelle peut être aussi replacée dans un cadre collectif d’une dévolution successorale (clan) qui dépasse l’aspect culturel pour toucher à la connaissance. Peut-on hériter par naissance dans un milieu donné d’une initiation que serait alors innée et non plus acquise?  

Je pense que le milieu et le sentiment d’appartenance favorisent la transmission ne serait-ce que par proximité ou immersion. L’influence spirituelle y est plus forte. Mais la naissance n’est-elle pas déjà une transmission ? À l’évidence, elle ne peut suffire, car l’initiation s’appuie sur l’expérience et donc l'acquis. La naissance doit se doubler d’un apprentissage conscient.  

Cette remarque n’est pas sans conséquence sur la notion de peuple élu ou au rôle dévolu à la tribu des Lévites en rapport au Temple de l’Ancien Testament, ou plus antérieurement de la descendance de Seth ou de Caïn, ou même des castes. C’est  le pouvoir des mères et le système initiatique matriarcal qu’il faudrait étudier en prenant exemple sur la vocation réconciliatrice de Ruth. Celle-ci en s’unissant à Booz, réunie deux tribus rivales de la descendance de David, donnant à la transmission de l’influence spirituelle une dimension universelle, réconciliatrice et matricielle, soit le contraire de la filière sectaire.  

En Occident personne ne nie l’existence jusqu'à la révolution, non pas de castes, mais de classes anciennement calquées sur les trois voies initiatiques traditionnelles : artisanales, chevaleresque pour la noblesse, et sacerdotale pour l’église. Elles n’étaient pas imperméables et restaient subordonnées à une transmission initiatique à l’origine puis à une simple transmission sociale. Cette dégénération se traduit aujourd’hui par une négation des genres. Il n’y aurait rien à regretter si nous arrivons à démontrer que cette évolution s’accompagne d’une plus grande humanisation de l’Homme. Malheureusement ce n’est pas encore le cas.  C’est la raison pour laquelle les traditions désuettes conservées dans certains rites doivent être regardées comme un témoignage intéressant.       

 

(…)  

E.°.R.°.

 

 

 



[1]À partir du MPE et du CSA mais aussi dans les rituels de CT il y a de nouveau purification par l’eau. Au REP on privilégie la fontaine de Siloé comme source de purification et d’ingestion de l’Esprit. L’âme accompagne par le souffle vital la recomposition des éléments dispersés puisés dans le cabinet de réflexion. Puis elle fait une place suffisante dans le corps pour animer la parcelle divine véritable trace du Principe-Logos qui est en nous

[2]A l’évidence nous laissons à nos successeurs l’appréciation de la notion de genre qui sous l’effet d’une certaine modernité se dissocierait du sexe compris au plan physique et génétique. Le genre se comprendrait alors sous l’angle du connaît toi toi-même, soit d’une intime conviction. Voilà de beaux débats en perspective. Cette réflexion pouvant aboutir à un nouveau genre suivant la connaissance de soi. La tradition n’en serait pas bouleversée pour autant et démonterait sa plasticité interprétative.

[3]Images extraites de Textile wibis.com et licornedecluny.com

[4]Purifier au sens alchimique.

[5]Nous avons vu que dans l’accès à la connaissance il y avait deux liens préalables à conforter, celui de la moitié manquante et celui de la transmission. Ceci est illustré par le couple Ariane Thésée. Le couple unisexe Dédale-Icare ne porte que la transmission du savoir, il manqua la complémentarité du genre pour que Icare se réalise dans la connaissance. Son savoir fondit au soleil et il chuta. On peut remarquer que le couple Ariane Thésée allie la transmission par le fil et la complémentarité du savoir- faire par le genre.

[6]Suivant la disposition de l’Orient au REP, où figure au centre un hexagramme lumineux centré de la lettre G.

[7]On comprendra que le sens montant et descendant s’adresse à l’apprenti sorti du cabinet de réflexion et ayant accompli ses voyages initiatiques. Dans toute initiation il est nécessaire de descendre avant d’entamer la remontée. Une fois atteint un certain sommet, il est alors nécessaire de redescendre à nouveau, mais cette fois-ci dans le but de transmettre. (Principe de la caverne socratique.)

[8]La question ne peut être développée ici.

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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 20:30

Ce qu’Épeler veut dire …

 

 

On a souvent pour habitude d’accorder une large part de nos travaux aux symboles visibles de la loge.

Pourtant il est des paroles qui ont une influence tout aussi importante dans la vie d’un Maçon.

Prononcées à des moments clés et d’une certaine manière elles vont l’accompagner tout au long de son parcours initiatique.

 

 Il en est ainsi pour l’acte d’Epeler.

 

Pourquoi utilise-t- on cette façon si particulière d’énoncer  en F\M\ ?

Que nous révèle l’action d’Épeler ?

C’est en essayant de répondre entre autres à ces questions que nous tenterons de lever le voile sur ce qu’Épeler veut dire.

 

Nous nous intéresserons dans un premier temps à l’action d’Épeler dans le monde profane. Ce court préambule permettra de nous éclairer en partie sur les fonctions d’Epeler dans le Temple.

Dans un second temps nous resituerons les séquences ou on met en œuvre l’épellation dans le rituel.

Nous pourrons alors, dans une dernière partie, mesurer toute la portée de cette action d’Épeler.

 

§  Quelques considérations profanes en préambule :

 

Épeler (“nommer oralement successivement chacune des lettres d’un mot” selon la définition qui nous en est donné par Le Petit Robert édition 1993) est intimement lié à l’acquisition et la maîtrise du langage.

 

Chez le tout jeune enfant à la phase de vocalise va succéder une phase de production de syllabes clairement articulées qui vont progressivement lui permettre de reconstituer les mots environnants qu’il perçoit.

C’est par ce biais que l’enfant pose les fondations nécessaires au bon développement du langage.

 

Même si ces premières formations de phonèmes ne sont pas des épellations stricto sensu (ces dernières requérant une plus grande finesse dans la connaissance de la langue), elles peuvent s’y apparenter, en constituer les prémisses, tant le procédé en est similaire :

Décomposer méthodiquement un mot en sonorités élémentaires pour mieux le reconstituer et ainsi se l’approprier.

 

Plus tard, l’enfant pourra apprendre à lire et à écrire en suivant une méthode basée sur la fragmentation des mots en lettres : la méthode syllabique.  Un temps décriée et remplacée par d’autres méthodes, celle-ci se révèle au final la plus efficace pour l’apprentissage de la lecture et l’écriture.

 

Ce même procédé sera d’ailleurs utilisé tout au long de la vie de l’individu pour apprendre ou transmettre oralement la juste orthographe d’un mot. Il est important de noter que l’action d’épeler implique une relation entre un destinateur (celui qui détient l’information et va la transmettre), le message (le mot, nom épelé), et un destinataire (celui qui va recevoir l’information).

Il s’agit donc d’une véritable communication qui est mis en place.

 

D’un point de vue physiologique la fonction d’« Épeler » est la résultante visible d’un mécanisme complexe mettant en jeu différentes capacités cognitives, auditives et phonatoires.

 

D’un point de vue psychologique, ce processus, commun à l’ensemble des individus, apparaît comme un schéma psychique inné d’apprentissage. Il est ancré en nous dés la naissance et se révèle essentiel pour appréhender  une langue.

 

Si le développement du langage va de pair avec celui de la structuration du fonctionnement psychique, il ne fait nul doute que le processus d’épeler joue un grand rôle dans la structuration de la pensée.

 

La fonction d’Epeler s’avère donc être à la fois une faculté naturelle nécessaire pour acquérir le langage, un facteur structurant de notre appareil psychique et un mode de communication particulier.

 

Mais qu’en est-il de l’action d’Épeler en F\ M\ ?

 

§  Épelerdans le temple :

 

Afin de dégager toute la symbolique de l’action d’Épeler au sein du temple, il convient de rappeler quelle place ce mot, cette fonction occupe dans les rituels, à quel moment et où sa mise en œuvre intervient.

 

C’est lors de la phase finale de l’Initiation que le néophyte va être pour la première fois invité à Épeler.

Pour ce faire, le nouvel initié aura reçu au préalable du Vénérable une courte instruction lui dévoilant entre autres la méthode et le mot à épeler.

Cette transmission est appelée Communication des secrets de la Franc-maçonnerie. Ils sont au nombre de sept. Comme le souligne E\ R\“ il ne s’agit pas de secret initiatique, mais de pures conventions qui ont un haut degré d’évocation ” (cf. « Communication aux Apprentis » Les Écossais de Saint Jean p.26).

 

Le septième secret, Le Mot Sacré, est celui qui nous intéresse en l’occurrence.

Le Vénérable “conscient de l’ignorance du néophyte […] lui communique le Mot, par lettre, et l’Apprenti les répète une à une. Après quoi les deux Frères prononcent ensemble le Mot entier ” (cf. Ibid. p.28).

Le nouvel initié aura à renouveler cette séquence en Épelant cette fois-ci le Mot au Second puis au Premier Surveillant, entre les colonnes J\ et  B\.

 

Un autre temps fort de la vie du maçon durant lequel ce dernier se doit d’épeler de nouveau est le catéchisme au grade d’apprenti et bien plus tard au grade de compagnon.

 

Placé entre les colonnes le frère est amené à répondre à une série de questions qui lui “ sont posées de manière à stimuler sa réflexion ” (cf. « La Franc Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes- Livre de l’Apprenti » de Oswald WIRTH p.129).

 

Au cours de ce véritable dialogue, il est demandé à l’Apprenti : “Donnez-moi la parole”

Ce à quoi l’Apprenti répond : “Je ne puis ni lire, ni écrire, je ne puis qu’épeler, dites-moi la première lettre, je vous dirai la seconde …”.

 

Maintenant que nous avons resitué dans son contexte la pratique d’ « Épeler » il convient d’en dégager toute la portée symbolique.

 

§  La portée symbolique de la fonction d’Epeleren F\ M\  :

 

La portée symbolique de la fonction d’Epeler se manifeste à travers différentes formes.

 

o   Épeler, une musicalité symbolique :

 

Commençons tout d’abord par évoquer la musicalité générée par le fait d’Épeler.

 

L’action d’Épeler crée une rythmique, une respiration qui donne une dynamique plus importante encore à la cérémonie. Que ce soit lors de l’initiation ou du catéchisme, l’épellation va apporter un souffle vivifiant, une cadence, une palpitation qui va stimuler les esprits.

 

Ce rythme saccadé n’est pas sans nous rappeler les coups que porte le maçon sur sa pierre afin de la tailler. La symbolique du maillet, du ciseau et du travail de la pierre brute peut d’ailleurs être reprise ici.

Dans la séquence d’épeler le maçon devient tour à tour l’incarnation de l’action combinée du maillet et du ciseau et celle de la pierre travaillée.

-          Incarnation de l’action combinée du maillet et du ciseau, car en nommant une lettre il devient actif et façonne le Mot

-          Incarnation de la Pierre travaillée, car il est ensuite dans l’attente de la lettre suivante, dont l’énoncé par le Vénérable ou le Surveillant va agir sur lui.

Au final chacun des locuteurs apportera sa pierre pour édifier une œuvre orale : le Mot Sacré.

o   Epeler, une autre forme de transmission :

 

Comme nous l’avons vu plus haut la fonction d’Epeler joue chez le tout jeune enfant un rôle primordial dans l’acquisition du langage.

Il n’est par conséquent pas surprenant que ce “procédé” d’apprentissage graduel et performant soit utilisé à des fins initiatiques.

 

Ainsi, lors de la cérémonie d’initiation, l’impétrant gardera pour toujours en mémoire l’énoncé du Mot Sacré, et ce malgré le trouble ou l’émotion qui peut le saisir.

C’est grâce à cette séquence si particulière de l’épellation (répétée par trois fois) que cette transmission se révèle aussi efficace.

 

Une autre illustration du pouvoir de transmission de l’action d’Épeler se trouve dans le catéchisme de l’Apprenti.

 

Comme nous l’avons mentionné précédemment on questionne l’Apprenti ainsi : “Donnez-moi la Parole ?” et en réponse celui-ci avance “je ne dois ni lire, ni écrire je ne puis qu’épeler, dites-moi la première lettre, je vous dirai la seconde”.

 

Attardons-nous un instant sur le début de cette phrase (“je ne dois ni lire, ni écrire”)  et interrogeons-nous sur son sens. 

S’agit-il d’un interdit que l’on aurait intimé au frère apprenti ?

Ou son incapacité, faute de connaissance, d’aller plus loin dans l’énoncé de la parole ?

La référence à d’autres versions du catéchisme nous éclaire sur ce point.

Si l’on se réfère au catéchisme de l’apprenti repris dans l’ouvrage d’Oswald WIRTH (cf. « La Franc Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes - Livre de l’Apprenti » p.132), la réponse apportée par l’apprenti est légèrement différente : “Je ne sais ni lire, ni écrire, je ne puis qu’épeler…”.

C’est par conséquent le manque de connaissance qui empêche l’Apprenti de prononcer “ La Parole”.

 

Face au constat de son ignorance, l’apprenti a besoin d’être guidé.

 

Il sollicite alors le Vénérable (“dites-moi la première lettre, je vous dirai la seconde”) et c’est par le biais de l’action d’épeler que la transmission va une nouvelle fois avoir lieu.

 

Cet apprentissage aurait pu être délivré d’un seul trait (sans être épelé), mais la connaissance transmise aurait alors perdu de sa force.

Par l’action d’épeler l’enseignement devient progressif, à la mesure de l’apprenti qui avance par étape. Le Mot est de plus autant suggéré que donné.

Ce procédé permet au récipiendaire non seulement de mieux l’intégrer, mais au-delà, d’appréhender la méthode de transmission en loge.

“La Méthode d’enseignement de la F\ M\[…] sollicite les efforts intellectuels de chacun, tout en évitant d’inculquer des dogmes. – On met le néophyte sur la voie de la vérité, en lui donnant symboliquement la première lettre du mot sacré ; il doit trouver lui-même la seconde, puis on lui indique la troisième, afin qu’il devine la quatrième ” (cf. « La Franc Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes - Livre de l’Apprenti » de Oswald WIRTH  p. 133).

 

Rappelons de plus que le Frère lors de l’épellation est placé entre les colonnes.

Or dans de nombreuses traditions hermétiques, “les colonnes étaient associées à la conservation et à la transmission de la connaissance” (cf. « Les Deux Colonnes et La porte du Temple» p34. de François Figeac).

Ce qui accrédite encore la thèse selon laquelle Épeler permet de révéler et d’inculquer une connaissance supérieure. 

 

Enfin si l’on poursuit l’analogie entre l’enfant et l’Apprenti on peut avancer que si l’enfant doit produire des syllabes pour acquérir le langage, le jeune initié devra Épeler (non seulement oralement, mais aussi en tant que “démarche intellectuelle”) pour apprendre le langage symbolique de la F\ M\.

Et pour aller plus loin encore, si, comme nous l’avons vu plus haut, l’épellation (et plus largement le langage) joue un rôle dans la structuration et la maturation psychique de l’enfant, il paraît fort probable que ce procédé utilisé en loge agit de la même façon sur l’Apprenti.

 

o   Épeler, une expression orale du Ternaire :

 

Dans de nombreuses religions, le langage est assimilé à l'action primordiale, à l'action créatrice par excellence.

Pour Jean Chevalier et Alain Gheerbrant “Le monde est l’effet de la Parole divine” (cf. « Dictionnaire des Symboles » p.560).

Parole qui est “le symbole de la volonté créatrice de Dieu” (ibid) :

Ainsi peut-on citer le « Prologue de l’Évangile selon Saint-Jean » qui s’ouvre sur : “Au commencement était la Parole… ” et sur lequel sont posés l’Équerre et le Compas.

De même dans les Védas on peut lire : “Au commencement était Brahma et avec lui Vâk, la Parole”.

Dans le « Livre de la Création » (appelé Sefer Yetsirah, ouvrage à caractère ésotérique de la tradition juive), il est dit “La Parole produisit tout objet et toute chose…”.

 

Il en est de même pour l’Homme, il ne peut concevoir les choses, les faire vivre qu’à partir du moment où il les fait sortir de l’indifférencié, autrement dit une fois qu’il les a nommées.

Le Nom, le Verbe, la Parole sont ce qui fait émerger les choses du néant, du chaos.

 

Or en F\ M\ La Parole est symboliquement morcelée.

 

Que nous révèle dès lors le fait d’Épeler ?

 

Qu’on l’appelle Créateur, Un-Tout, Centre cosmique et ontologique ou l’Être dans son unité radicale, c’est de ce Principe originel non manifesté que va découler la manifestation, l’émanation créatrice, le Verbe, la Parole.

 

Or cette manifestation revêt des formes différenciées, voire opposées, tout du moins en apparence (le noir vs le blanc, la nuit vs le jour … pour ne citer que quelques exemples parmi une infinité d’autres).

Si l’on en reste à ce niveau, l’épellation ne consiste qu’à égrener des lettres différentes issues d’un même alphabet.

Cette vision duelle des choses est certes séduisante (la dualité, par essence réductrice, permet de facilement catégoriser)  mais elle se révèle au final stérile, voire illusoire.

En effet, comme le souligne notre G.°.M.°. E\ R\“ toute opposition apparente n’est que l’expression bipolaire d’une même entité ” cf. « La Revue du Maçon n° 3 » p. 23 par E\ R\).

 

C’est cette pensée binaire simpliste qu’il nous faut dépasser.

 

Il nous faut alors tendre vers une troisième voie qui vise à la conciliation des contraires : Le Ternaire.

Ce troisième terme, bien “ plus qu’une synthèse des oppositions” permet “d’aller au-delà des antagonismes” (cf. « La Revue du Maçon n° 3 » p. 8 par E\ R\).

 

Épeler en loge est une mise en œuvre orale du Ternaire.

 

L’épellation se faisant à deux chacun des locuteurs va énoncer une lettre.

 

L’action d’Épeler constitue donc une expression qui semble a priori duelle, mais qui en formant le Mot Sacré va révéler la complémentarité de ces lettres (voie ternaire) et nous ramener à l’Unicité originelle.

 

L’action d’Épeler nous renvoie à “cette synthèse salvatrice du ternaire [qui seule] permet notre progression initiatique” (cf. « La Revue du Maçon n° 3 » p. 40 par E\R\).

 

Nous pouvons conclure que l’action d’Épeler même si elle n’intervient qu’en de brèves séquences dans le rituel est essentielle, car elle permet de poser les fondations d’une méthode et d’une vision maçonnique.

Comme à l’habitude de nombreuses questions demeurent. 

On peut ainsi s’interroger sur la symbolique des silences qui ponctuent l’énonciation de chaque lettre ?

 

M.°.C.°.

INTERVENTIONS :

Nous utiliserons le terme « épellation » pour qualifier l’acte rituelique de décryptage du langage lié au sacré.

 M.°.L.°. : L’instructeur met le néophyte sur la voie en prononçant la première lettre. L’apprenti doit réfléchir par lui-même et trouver ce qui les autres ont déjà trouvé. J’y voie un parallèle avec la rythmique des maillets à l’ouverture et la fermeture des tenues. La parole est la manifestation de la pensée. Concernant le silence entre chaque lettre, il me fait penser aux espaces qui ponctuent l’acronyme V.I.T.R.I.O.L.

E.°. R.°. : la différence entre le R.E.P. et les autres rites  nous disons « je ne dois ni lire ni écrire » oui il y a un interdit et c’est le seul. Le savoir n’est pas la connaissance. Nous savons dire le mot, mais nous ne comprenons pas. «Je ne dois pas » est la directive que l’on a donnée à l’apprenti. L’apprenti nouvellement constitué assimile qu’il ne doit pas confondre son savoir profane et la connaissance acquise en loge.

Le fait d’épeler est le passage du monde binaire au monde ternaire, les deux lettres forment une syllabe qui a sa propre signification. Le fait d’épeler restitue le symbole (morcelé). C’est grâce à un vis-à-vis que l’on peut reconstituer le symbole. L’apprenti ne devine rien il l’apprend, car on lui transmet, il n’y a rien de magique. Ce qu’il faut retenir : épeler, c’est s’élever. Le frère qui répond est un miroir. C’est l’initiation individuelle dans un cadre collectif. Autre aspect à retenir l’apprenti épelle entre les deux colonnes et ainsi par sa présence constitue la troisième partie du ternaire. On ne peut pas parler de l’épellation sans parler du silence. Dans la Genèse il est dit au début était la parole. D’où vient la parole ? Du silence… le préinstant avant la logos et lumière. La parole est née du néant ou silence. Et vous apprenez apprenti à vous construire par le silence.  Vous écoutez, vous entendez. La lumière ne peut exister s’il n’existe pas les ténèbres. Dans V.I.T.R.I.O.L. Chaque lettre est ponctuée et ce point qui représente  l’instant premier symbolisé par le silence précédant le parole.

D.°. D.°. : La position des apprentis au nord représente ce préinstant. Il est dit qu’ils sont là, car ils ne peuvent soutenir qu’une faible lumière. Si la lumière est l’expression du  logos, ils n’ont pas encore la capacité de l’assimiler et ils ont besoin du vénérable pour aller sur la colonne du midi.

A.°. L.°. : épeler, je l’interprète comme un signe d’humilité de la part du nouvel initié.  C’est le préambule du chemin qu’il doit parcourir. On le met dans un état d’ignorance. Le résultat du mot est le premier travail intellectuel que l’on va lui demander. Le temps de pause entre chaque lettre permet la mise en vibration du mot. Le tout ne doit faire plus qu’un.

J.°. P.°. : on parlait de VITRIOL, on enlèverait une lettre de ce mot et il n’aurait plus de signification. On pourrait le comparer aux officiers de la loge qui sont au nombre de 7, comme notre échelle des grades au REP. Nous sommes bien dans un rite christique qui semble porter l’épellation comme on égrène un chapelet. On rencontre l’épellation dans les églises. IHS, qui signifie Jésus Sauveur des Hommes. Il y a aussi INRI Jésus de Nazareth Roi des Juifs, ce sont deux épellations ascendantes.

Je rappelle pour nos apprentis que V.IT.R.I.O.L  en latin signifie Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem soit Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. Soit la partie descendante de l'épellation. 

C.°. M.°. : Ce sujet est un bel exemple pour les apprentis :  ce qui peut paraître anecdotique peut faire surgir d’éléments symboliques. Peut-être que ce travail intellectuel d’épeler est fait pour rassembler ce qui est épart, je ne pense pas qu’il aide à la compréhension du mot. N’est-ce pas une manière de réserver aux seuls initiés la compréhension des mots quand on épelle seulement la première lettre, même si c’est conventionnel ?

E.°. R.°. : Effectivement c’est un secret conventionnel qui repose sur un accord du groupe dans un désir d’élévation, mais le vrai secret se situe au fond de votre cœur,  il est d'une profondeur inexprimable. On pourrait croire vu de l’extérieur qu’il y a volonté de dissimuler. Ce n’est pas le cas,  la vérité, c’est l’effet miroir, l’effet symbole, la conciliation de deux éléments en un tout supérieur. Il y a donc un troisième élément qui intervient dans le fait d’épeler. C’est le travail du second surveillant d’éveiller l’apprenti sur la signification du mot et sa structuration. Il faut donc apprendre à lire entre les apparences. 

E.°. R.°.: L’enfant est dans l’imitation, en entrant en loge on imite les plus anciens. C’est la mise sur la voie. Quand on vous montre le pas, quand on vous donne les lettres à épeler vous imitez, vous n’inventez rien.  Nous apprenons à construire. Il faut trouver la trace des origines entre les interstices des lettres, il faut donc apprendre à entendre les silences interlettrés. Il faut admettre que dans l’Art royal, la connaissance procède du Devoir et non pas du savoir. C’est cette différence que nous apprenons au REP en disant non pas «  je ne sais ni lire ni écrire », mais « je ne dois ni lire ni écrire ».

 

APPORTS, COMPLEMENTS et DEVELOPPEMENTS par E.°.R.°.

Le silence complément à ce qu’épeler veut dire

Le silence suit le même processus que la lumière.

Le silence est la source originelle du fleuve des mots.

Avant la parole qui avait-il ? Le silence primordial

Ce silence primordial fut le silence de toutes les paroles qui suivirent. Le silence est le verbe transcendé, aux potentialités illimitées. De ce silence est née une parole qui n’est autre qu’un aspect mineur du potentiel d'un silence primordial. Cette vibration associant le temps et le mouvement fut appelée Parole.

La parole est un silence « manifesté ». Le silence primordial est non manifesté. La parole perdue n’est que la perte du chemin qui même à l’origine, au grand silence. C’est son véritable secret.

Le silence interlettré.

L’épellation maçonnique est un dialogue en miroir. L’acte d’épeler en maçonnerie est de nature initiatique. Ce miroir inverse totalement l’image. En effet, le signifiant concret est inversé dans le signifié symbolique, comme une image extérieure serait projetée à l’intérieur d’une chambre noire par une ouverture étroite. Pour ceux qui s’intéressent à l’optique,  l’inversion de l’image dans la chambre noire se situe au point de conjonction entre l’extérieur et l’intérieur. C’est l’effet de seuil ou le "sub liminem", de passage  du « point sublime ». Il en résulte que l’image « intérieure » est inverse de l’image « extérieure ». Ceci explique en partie la disposition des colonnes en Loge et le croisement des 1er et 2nd Surveillants en regard de leurs colonnes respectives.

Dans l’épellation, la lettre et son prononcé à certes son importance, mais elle n’est que la partie d’un tout qui dépasse le mot lui-même. Nous avons déjà démontré  que l’apparence binaire n’est qu’un procédé mnémotechnique mettant en évidence le mot lui-même et plus précisément la parole ordonnatrice du chaos. La parole originelle est née dans le silence des immensités sans début ni fin. Cette absence de début et de fin caractérise le non-espace et le non-instant. Cet état absolu des origines est indéfinissable tout autant que la parole et donc le mot à épeler procède de ce « non-lieu ». Ce non-lieu est l’absolu silence.

L’absolu silence est identique dans son concept aux ténèbres dont procède la lumière. Ainsi de l’absolu silence procède la parole.

Ainsi résumé le lien entre la lumière et son berceau ténébreux, nous comprenons que la parole suit le même chemin métaphysique avec cependant une «  articulation » plus humaine. En effet l’homme pourrait peut-être prononcer la parole, mais il ne peut être  la Lumière.

Pour certains c’est une des conséquences de la chute adamique qui nous priva de vivre dans la lumière de Dieu et qui nous a donné. La Connaissance détenue risquait de disparaitre à cause du Déluge. C’est sur les colonnes antédiluviennes que fut gravée la connaissance. Cette connaissance, protégée du Déluge, fut décryptée et lue après avoir été épelée.

Il faut donc refaire le chemin du décryptage de la connaissance transmise et passer par l’apprentissage de l’épellation. La connaissance est lumière par définition, c’est ici que la lumière et la parole se retrouvent, sur le point ontologique.

Ceci posé nous considérons que les traces de ce silence ontologique, qui fut le berceau de la parole subsistent encore. Il nous appartient de démontrer la présence du silence dans les mots sacrés. C’est une trace littéralement « préhistorique » de la parole.

Nous découvrons alors l’intérêt initiatique de l’épellation qui au-delà du passage du binaire au ternaire, au-delà de l’initiation individuelle dans le cadre collectif de la loge, nous fourni une preuve évidente que le silence est bien présent. Le silence se positionne entre les lettres. Il n’est pas présent dans la succession des mots, car nous sommes absorbés par le sens des mots. Dans l’épellation nous  sommes absorbés par le vide ondulatoire inter-lettré. Ce vide fait la mise relief du mot.

Que pouvons-nous dire de cette vacuité silencieuse ? Le silence apparaît encore plus clairement en matière musicale où il donne le souffle et la profondeur de champ.

En peinture le silence s’associe au noir (une non-couleur) qui donne par les jeux d’ombres la profondeur qui alimente le relief. La lettre et plus précisément la syllabe seront couleurs.

Ce que nous transmettons dans l’épellation c’est aussi cette relation au silence ontologique, berceau de la parole organisatrice du chaos. Silence et épellation  viennent évoquer l’origine  et surtout la volonté divine que nous décelons dans le couple Jakin-Boaz. Ce couple Jakin-Boaz n’est plus une épellation, mais une juxtaposition de deux mots sacrés qui évoquent la volonté divine fermement établie sur terre.

Le silence inter-lettré nous renvoie au pré-instant. Il nous oblige à retracer le chemin parcouru par la lumière ontologique jusqu'à nous.

Il Faut être Trois pour épeler !

« Il faut donc être deux pour ne pas prononcer le silence tout en prononçant le mot! Pourquoi ce paradoxe.

Quel est ce mot qui dans sa portée originelle et sa signification nous est inaccessible?

Il y a donc un troisième personnage qui par son absence ou sa disparition à notre vue nous oblige à épeler. Nous sommes rendu au même point qu’au moment de la redécouverte des colonnes antédiluviennes.

C'est la parole perdue sur les chemins du langage. Une forme indéfinie, mal dégrossie. Un manque que ne peut s'exprimer que par le bégaiement ou par l'égrenage du sablier.

Nous n'avons plus la parole qui génère le tout. Notre langage est inachevé et confus au point de rechercher la lettre J ou B qui indique l’intention première du Divin sur Terre.

La vision du tout nous fait défaut. Pourquoi? Subissons-nous les conséquences de Babel? Sommes-nous la génération de Babel? La construction du Temple de Salomon s'est faite dans le silence afin que ceux qui y participèrent ne firent pas de les divergences un thème de discorde. Le silence est une écoute vertueuse qui construit la concorde. Face à cette reussite silencieuse qui permit d'acceuillir la Présence du Divin. Nous avons le contrexemple de la Tour de Babel qui fut construite avec des hommes qui exprimaient leurs divergences et ne pouvaient par leur silence accueillir l'autre et encore moins le Divin. Cette divergence d'opinion ne pouvait permettre l'achevement de la Tour car pour s'elever il faut converger en soi comme vers les autres. L'unité en soi permet l'union pour l'oeuvre d'élévation. Le silence vertueux préserve l'union avec l'autre comme avec le Divin.

Quel est donc cet événement qui nous a rendus orphelins de cette parole divine qui nous a fait à l'image de notre auteur?

Quel fut cet évènement premier qui nous fit chuter dans l'abîme de l'oubli, dans la perte dans la matière au point d'assassiner le dernier porteur de la parole?

Cet événement premier fut le non-respect de la parole et de la volonté du créateur par Adam.

Il nous reste le souffle"anima" qui est notre espoir. Par cette relique du souffle divin (l'âme) nous espérons accueillir l'esprit et donc la lumière, dont nous avons conservé un souvenir nostalgique ».

 

 

Epeler avec son corps, son âme et son esprit.

 

Épeler avec son corps, c’est mettre en évidence le silence impossible du corps. L’apprenti dans son silence écoute le bruit que fait le passage du temps dans son corps de midi à minuit, il ressent par sa posture assise le mouvement de la vie qui est né avec le temps.

Ce mouvement, c’est la vie. Ce ressenti est essentiellement existentiel. Ainsi l’autre épelant est un miroir pour soi.

Le dialogue de l’épellation peut-il se transformer en trilogue ? Si oui alors nous acceptons la « présence » d’un troisième personnage, nous sommes alors dans un schéma anthropique. C’est alors une démarche anthropocentrique qui ramène le silence dans l’épellation à un autre soi.

 Le dialogue épelé du premier degré dans tous les rites est donc d’abord centré sur soi par le truchement du cabinet de réflexion et du testament philosophique. Puis le silence sur les colonnes affirme la place de l’homme dans un Tout qui reste à l’échelle de l’homme dans cycle solsticial. Cette épellation fait appel à un silence existentiel dans un premier temps. Ce n’est que plus tard que l’apprenti découvrira, c’est un silence qui vient d’un ailleurs plus profond et plus lointain, au-delà des capacités de l’homme à concevoir et des frontières du corps.

Donc, épeler avec son corps ce qui est le cas de l’apprenti renvoie au silence égocentré, épeler avec son âme renvoi au silence du paradis perdu, celui d’avant la chute d’Adam, épeler avec l’esprit renvoi au silence ontologique, celui précédant  la création.

Nous avons donc trois niveaux d’épellation qui nous mènent aux trois niveaux du silence.

 

Nous épelons pour sortir du Chaos

 

Si nous épelons, c’est pour réapprendre et réordonner ce qui est épars.

Dans le chaos silencieux des ténèbres, la parole s’est formée instantanément.  Elle fut l’œuvre de la puissance créatrice. Pauvres apprentis que nous sommes nous n’avons pas la capacité d’embrasser le tout ni du regard ni en pensée. Il faut donc se réapproprier les bases premières.

Il faut être deux, car le principe agissant dans l’ordre manifesté décline les genres et les qualités en deux. La manifestation est avant tout une différenciation des êtres et des choses. L’exemple premier trouve sa source dans la genèse.

De cette approche binaire nous savons que la synthèse des complémentarités doit être recherchée comme une troisième voie de synthèse. Ce troisième terme est unifiant et non destructeur. Le tout ainsi formé est supérieur à l’addition des deux parties premières. C’est l’œuvre unitaire du ternaire.

Ce ternaire nous le retrouvons en loge au moment où l’apprenti situé entre les deux colonnes entre en réplique avec successivement les deux surveillants. Situé ainsi, il participe physiquement au ternaire axial. La réplique de l’épellation est faite sur la base faussement binaire. C’est un ternaire dissimulé. Le franc-maçon ne doit pas se laisser prendre par la première apparence il doit rechercher ce qui est vrai. Ce qui est dans le processus d’épellation c’est que chacune les lettres prononcées est séparée d’une fraction de silence. Le fait que ce soit un faible instant est très significatif d’un aspect ontologique du silence, et donc d’ une « non-parole ».

 

La « non-parole » du préinstant.

 

Le temps semble démarrer en même temps que la Genèse.

La manifestation d’apparence binaire est synthétiquement ternaire. Le ternaire renvoie à l’unité première et ceci irrémédiablement. Donc nous  concevons que le silence est le troisième terme des deux lettres épelées.

Si le silence semble précéder la parole-lumière alors, le silence est préontologique. Si la parole crée la vie que fait le silence ?

Il permet à la parole d’exister et donc le silence est le complément indispensable de la vie. Sans ténèbres point de lumière et sans silence point de parole.

Une distinction semble s’imposer : Si la parole peut s’éteindre comme la flamme d’une bougie, les silences pas plus que les ténèbres ne disparaîtront…

 

Rassembler ce qui est épars.

 

Le binaire de la manifestation n’est qu’un pâle reflet des choses nous condamne en apparence à la multiplicité. La conscience de l’unité première n’arrive qu’avec la mort sacrificielle de Hiram qui s'associe à la perte de la Parole et plus précisement de la transmission.

Ce que ne savent pas faire l’apprenti et le compagnon, le maître sait opérer le rassemblement. C’est ainsi qu’il sera capable de prononcer non pas une lettre, mais une syllabe puis le mot de substitution (constatant la rupture dans la chaine de transmission). Cette capacité à rassembler renvoie le silence non plus entre les lettres, mais entre les mots. Cette progression met en avant le morcellement des mots à la manière du morcellement du corps d’Osiris. Personne ne peut prononcer le mot en dehors du grand prêtre une fois l’an. Il faut donc pour prononcer le mot être initié, avoir les qualités requises par le sens de la lettre, de la syllabe et du mot en perspective du silence, soit un avancement suffisant dans la réalisation spirituelle du franc-maçon.

 

La succession des mondes.

 

La franc-maçonnerie offre une progression graduelle dans les différents mondes représentés par les tableaux de loges auxquels on accède par les mots de passe et que l’on invoque par les mots sacrés. Ces mots sont des paroles interlettrées de silence. Ce qui fait lien c’est le silence matriciel.

Les mots sacrés comme les lettres qui les composent sont significatifs d’un chaînage des mondes reliés par le silence du préinstant.

La meilleure image que nous pouvons offrir pour illustrer ce principe du chaînage est le chapelet ou le rosaire. Commun aux chrétiens et à l’islam le chapelet succède sur un fil les prières ou invocations les mondes qui s’y trouvent.

Pour comprendre l'épellation il faut "entendre" le silence ontologique
Il faut aussi accepter le Devoir comme source de connaissance qui donne à la mémoire sa part de tradition.
C'est aussi une invocation graduelle proche du chapelet
bref...
Le décryptage du langage sacré repasse par le point-silence ontologique, comme le cercle visible fait référence au centre invisible...

 

(Nous poursuivrons prochainement cette étude en la resserrant sur les trois silences initiatiques dont le plus achevé, nous l’avons compris, est sans mouvement et hors du temps).

E.°.R.°.

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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 23:24
   

Après l'excellent rappel historique de Roger Dachez, nous envisagerons un nouveau point de vue justifiant la place des colonnes en loge.

La place des colonnes en loge.

Nouvelle approche (Résumé)

Pour travailler sur cette question, il faut reprendre les fondamentaux.

4 éléments doivent être pris en compte pour résoudre la problématique des colonnes.

1) Vers 1730, Jakin et Boaz n'étaient qu'une seule et même expression transmise dans le sens B-J à l'apprenti et dans le sens J-B au compagnon. On pouvait lire l’expression "dans la force il établira!", ou "il établira dans la force!" (Il existe bien d'autres interprétations qui ne changent rien à notre démonstration)

2) Bien souvent la transmission des deux grades se faisait dans la même soirée (voir en ce sens la divulgation de Samuel Prichard "masonery dissected"[1][1]). Dans tous les cas, il semble que les deux mots étaient transmis dans la même soirée, dans un sens au grade d'apprenti et dans l'autre au grade de compagnon. Ceci confirme la lecture en miroir qui précède.

3) Il faut comprendre que les colonnes sont affectées à l'entrée du temple, et donc indirectement, à la porte et à sa signification.

Pour les anciens cette porte est solsticiale. Elle évoque la course du soleil sur le plan terrestre. B indique le jour le plus long et J le jour le plus court.

Dans le temple de Salomon, la lumière venait de la porte des dieux et dans le temple maçonnique la porte est inversée. Donc le maçon entre par le soleil couchant, par la porte des Hommes. Il était logique que l'on considère un changement de plan entre la maison de Dieu qui fut le temple de Salomon et la maison des hommes marchant vers la lumière qui est le temple maçonnique.

4) La colonne du Nord est au plan stellaire la moins lumineuse et convient à l'apprenti sorti du cabinet de réflexion.

Ceci posé nous comprenons que ces 4 éléments vont nous aider à comprendre le positionnement des colonnes B et J en fonction de la lecture de la lumière, car c'est la lumière que nous sommes venus chercher dans le temple maçonnique.

Des quatre points qui précèdent, chaque rite se définira en fonction de la lumière terrestre et céleste qu'il accorde à l’apprenti.

Rappelons qu'il y a trois mondes en loge, celui de l'homme (V.I.T.R.I.O.L et l'étoile à cinq branches), celui de la terre et du plan terrestre (le pavé mosaïque et les bornes solsticiales et l'Orient) et celui du ciel et du plan céleste la voûte étoilée, la polaire et l'axis mundi du fil à plomb). A ces trois mondes correspondent les trois axes de la loge.

Voici ce que nous révèle Prichard en 1730 :

Au grade d'apprenti:

Q -Donnez-moi le mot?

R -Je l'épellerais avec vous.

Q-B

R-O

Q-A

R-Z

Q-donnez-m'en un autre

R-JAKIN

Au grade de compagnon dans la même soirée :

Q-Lorsque vous êtes passé sous le porche, qu'avez-vous vu?

R-Deux grandes colonnes.

Q- Comment se nomment-elles?

R-Jet B, c'est-à-dire Jakin et Boaz.

Les deux mots sont donnés aux deux grades!

La vision "orientée"des colonnes du temple de Salomon se fait toujours en regardant l’Est. Ce qui nous donne à gauche et au Nord Boaz et à droite et au Sud Jakin.

La signification de B-J était confirmée comme dans un effet miroir par la signification de J-B. Cet effet miroir faisait partie du corpus initiatique en tant que changement de "point de vue". Faut-il rappeler que la lecture en langue sacrée se fait de droite à gauche? Or J est à droite et B à gauche, en Hébreux (langage sacré) on devrait commencer par J la lecture des colonnes ! En suivant ce raisonnement Prichard nous apprends que l' apprenti à une lecture élémentaire des deux colonnes. Condamné au silence pour la non-maîtrise du langage sacré, ne sachant ni lire ni écrire (en langage sacré), il fait une lecture en langage vulgaire des colonnes. Ceci donne la lecture B-J de droite à gauche en regardant l'Est. A l'inverse le compagnon fait une lecture pertinente en langage sacré qu'il commence à maîtriser, soit de droite à gauche: J-B

Trois événements vont entraîner un bouleversement dans la représentation et l’orientation des colonnes :

- En changeant l'entrée du temple, de l'entée à l'Est nous sommes passés à l'entrée à l'Ouest. Il fallut reconsidérer le sens de la lecture des symboles en fonction du point de vue humain et du positionnement géographique du lecteur. Ce changement dans l’entrée du temple va obliger nos prédécesseurs à « retrouver » le sens et l’intensité de la lumière terrestre et céleste.

La seule chose stable fut que les apprentis restent assis au Nord!

- Les colonnes se sont retrouvées à l’intérieur du Temple maçonnique.

- Un troisième événement va compliquer le sens premier de la lumière par la dissociation du couple J-B (B-J en sens vulgaire).

La séparation de l'expression en deux mots distincts et séparés pour l'apprenti et le compagnon s'opéra lors de l'arrivée du grade de maître vers 1730. Il fallut individualiser les corpus de trois grades distincts. On sépara les jumeaux signifiants et marqueurs de la porte solsticiale. Ils étaient de même naissance solaire et on donna à l'un la volonté divine (Jakin) et à l'autre la volonté des hommes (Boaz). Cette dichotomie rappelle la porte des Dieux et la porte des hommes.

La controverse de 1753

Peu de temps après l'instauration du grade de maître, un faux problème vient polluer le raisonnement de nos anciens: la controverse des anciens et des modernes. Les "Anciens" constitués en Grandes Loge accusaient les "Modernes " de 1717 d'avoir inversé les mots suite aux divulgations publiées.

Jusqu'a cette polémique artificielle, le choix de Jakin ou Boaz pour l'apprenti ou le compagnon fut sans intérêt majeur dans l'esprit des maçons de l'époque. Ce fut une affaire de convention suite à la séparation du corpus entre l'apprenti et le compagnon. C’est un choix qui relève d'un « point de vue » au sens spatial et initiatique. Il s'agit donc d'un problème de "lumière".

On donna à ce choix une importance polémique pour se distinguer du voisin, en voulant se montrer plus légitime, voire même plus régulier, etc...

Ce problème d'ego et de rivalité entretenait la confusion autour de la notion d'inversion des colonnes et des mots.

Il n'y a en réalité ni erreur ni illégitimité dans le positionnement de B et J dans les trois systèmes connus. Chacun a sa propre cohérence à condition de connaître leur raisonnement fondé la lumière terrestre et céleste que l'on veut répartir entre les colonnes.

Le Rite Écossais Primitif ou Early Grand Scottish Rite est présent dans les premières loges régimentaires à Saint-Germain-en-Laye dès 1688. Il est simple et composite, car synthèse des pratiques Écossaises et Irlandaises.

Antérieur dans sa pratique à la création de la Grande Loge de Londres, il est l'exemple parfait d'un positionnement croisé des colonnes en fonction du J au Sud Ouest pour le Second Surveillant qui surveille la colonne Nord de l'apprenti et du B au Nord Ouest pour le Premier Surveillant qui surveille la colonne Sud.

Ce "croisement" vise à conserver la lumière la moins forte et la moins longue pour l'apprenti. En regardant son surveillant, l'apprenti assis au Nord voit le solstice d'Hiver où le jour est le moins long.

Le REP à conservé le sens premier de la transmission en miroir et met en place cette clef hermétique dans la loge par le croisement des colonnes en X sur le plan du Hékal. Ce miroir met en correspondance la lumière terrestre et la lumière céleste dans le cycle des petits mystères. Nous avons ainsi un moindre éclairement pour l’apprenti qui est doublement garanti.

Ainsi la colonne J au Sud-Ouest par le jeu du miroir en X est "placée pour" la colonne Nord des apprentis. Les apprentis sont abrités du soleil trop vif, et c'est aussi pour cela que tout en étant placés au Nord moins lumineux au plan stellaire, ils sont affectés au paiement de leur salaire, par le second surveillant, à la colonne J positionnée au jour le plus court au plan solaire.

Le REP combine ainsi parfaitement la théorie de la lumière à l'intérieur de la loge par le croisement horizontal du monde stellaire et du monde solaire.

J'invite donc les cherchants, à reconsidérer les rites des trois premiers degrés, en fonction du système adopté pour la lumière des apprentis.

Je pense que les rites dits anciens (REAA) sont en conformité solsticiale avec le temple de Salomon .

B au Nord Ouest est le marqueur du solstice d’été et offre le jour le plus long aux apprentis. On justifiera cette situation par le fait que le jour le plus long donne le soleil le plus haut qui n'éblouit pas... l'argument se discute.

Les rites dits "anciens" sont simplement solsticiaux. Il n’y a aucun croisement ni effet démultiplié dans la loge ou à l’extérieur de celle-ci. La lecture des colonnes se fait dans le sens B pour l'apprenti et J pour le compagnon. Ces rites justifient pleinement la célébration des fêtes solsticiales dans la lignée des deux saints Jean. Sans croisement lumineux nous restons avec ces rites dans un alignement, une dimension symbolique et philosophique des mythes anciens préchrétiens. Le croisement "hermétique" n'interviendra qu'a niveau supérieur au grade de Maître (signe et contre signe etc.)

Les rites dits "modernes" sont de nature stellaire (J au Nord, second surveillant au Nord).

J est le marqueur du jour le plus court dans le temple de Salomon. J est ici inversé dans le soucis du ralliement de la borne du solstice d'Hiver au Nord moins éclairé . Cette inversion n’est pas une erreur, c'est un "alignement céleste". J est mis pour le Nord comme au REP quel que soit sa position géographique.

On donne cependant à l'apprenti la lumière la moins forte et la moins longue comme au REP. Le Nord stellaire est toujours le moins lumineux sur le temple de Salomon qui sert de modèle originel. Il y a cependant inversion (et non-rupture) du sens solsticial entre les colonnes de Salomon et celles du temple maçonnique (ce n’est pas le cas au REP). Au nom de cet alignement du terrestre sur le céleste, le croisement ne se fait pas à l'intérieur de la loge comme au REP, mais sur les parvis des deux temples. C'est un "point de vue des parvis" donc "extérieur" ou exotérique.

Est-ce que ce croisement sur les parvis incite à un travail en loge différent par rapport aux loges travaillant dans le croisement intérieur ou aux loges travaillant dans l’axe solsticial strict ?

Nous constatons que ces rites par nature infèrent une vision extérieure, exotérique et humaine (social, sociétal RF, religieux RER etc…). Nous sommes dans une universalité humaine où le symbole participe du progrès et du perfectionnement de l’homme au plan social et humaniste ou au plan religieux. Nous ne saurions dire si cette approche trouve sa source dans l’orientation des colonnes en fonction d'un croisement "extérieur" qui favoriserait une lecture exotérique. Cette affirmation serait probablement abusive, mais il est possible que les rites aient une influence sur les travaux.

Les rites modernes sont donc stellaires avec croisement « extérieur » des colonnes.

Le Rite Écossais Primitif confirme le Nord stellaire du siège des apprentis et leur affecte une colonne J au Sud Ouest conforme au principe solsticial du temple de Salomon.

Le REP est donc solsticial avec croisement « intérieur » des colonnes.

Le Rite Écossais Primitif a conservé la vision croisée des colonnes à l'intérieur de la loge. C'est un miroir qui met en rapport le plan céleste (Nord) et le plan terrestre (jour le plus court).

A l'évidence il y a un rapport tracé dans le Hekal entre ce qui est en haut et ce qui est en bas. Cette vision « ésotérique » se traduit dans le choix de J pour l'apprenti. C'est un choix qui n'est fait qu'en rapport à la nature de la lumière traversant deux plans.

La lumière son origine et sa manifestation est le propre des mots J et B. Ces mots qui intègrent le "lumineux" dans l’humain et bénéficient de la double lecture croisée ou de lecture dans les deux sens en vue de faire l’Unité.

Ici l’unité est perfection.

C’est ainsi que l’expression au REP « Dieu tout puissant » sera dédoublée vers 1730 de « Grand Architecte de l’Univers » faisant la relation entre le Principe et sa manifestation ou son organisation. L’aspect religieux exotérique est dépassé, sans être exclu. Ce qui est mis à l’honneur, c’est un point de vue principiel. Les deux expressions coexistent au REP pour des raisons historiques et n’ont pas été changées depuis, en raison de leur capacité à appréhender l’aspect métaphysique et hermétique dans leurs dédoublements croisés.

Ce système hermétique et métaphysique fut « placé » dans les loges de transitions opératives puis dans les loges militaires sous l'influence cultivée des chevaliers de Saint-Lazare et de Saint-André. Les membres de ces deux ordres chevaleresques présents en loge se firent reconnaître comme « Maîtres Écossais ». Ils meublaient les Orients à la belle époque de transition des Stuarts. Leurs connaissances en matières traditionnelles et hermétiques étaient reconnues, mais parfois incomprises des vénérables en place.

Ils furent absorbés par l'Ecossisme français, qui en perdit partiellement le sens en sortant de la filière primitive. Mais les grades de Maître Parfait Écossais et de Chevalier de Saint André offrent une saisissante illustration de ces principes.

Ainsi on touche du doigt ce que peut signifier un rite Stuartiste.

Dans un prochain article, nous poursuivrons notre exploration du système du croisement intérieur en décrivant ses effets dans la relation entre le Debhir et le Hékal. Nous tenterons, en concluant, de donner une définition à ce système de correspondance symbolique en loge maçonnique.

 

E.°.R.°.



 

   

   


   



[1]Et l’ouvrage de René Desaguliers « Les deux grandes colonnes de la franc-maçonnerie » ed Dervy complété par Roger Dachez.

     
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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 22:27
3-marelle-premier-droit.JPGLa marche à reculons et le retournement.

 

Le propre du franc-maçon est de progresser vers la lumière.

Cette marche volontaire est ritualisée à tous les grades et elle est porteuse de sens.

La géométrie de cette marche correspond au niveau de l’avancement de l’éveil d’une conscience. Tour à tour seront tracés par le pas, une ligne rectiligne puis un plan et enfin un volume.

Ce qui nous intéresse ici c’est la signification à donner à la marche à reculons associée à la notion de retournement.

Voici le problème : pour marcher vers la lumière il faut d’abord s’enfoncer dans les ténèbres et y trouver la pierre cachée. La marche à reculons est une descente en soi, le retournement est l’abandon des valeurs profanes pour accéder à la lumière.

 

Traditionnellement, en signe de respect, il convient de s’incliner devant l’autorité spirituelle et de se retirer en marche à reculons pour sortir de la pièce où elle se tient.

Cette ancienne marque de respect n’est rien d’autre qu’une marque de transition entre le monde lumineux ou se tient l’autorité et le monde profane.

La marche à reculons peut être physique (marche à rebours) ou virtuelle (marche vers son intériorité par les yeux bandés) et s’accompagne d’un retournement du corps établissant le changement de point de vue (intérieur ou à rebours). 

Certaines peuplades pratiquent le retournement du corps de leurs aïeux, afin de leur faciliter le passage dans des mondes successifs et concentriques vers un centre ultime. Leurs dépouilles sont déposées dans des grottes. Ici la marche à reculons est faite par les vivants qui à la fois descendent du défunt et descendent dans la caverne (marche vers l’intériorité). Si cette marche à reculons se fait par procuration successorale, le retournement de la dépouille est bien réel et pour une durée cyclique de 5 années.

Nous avons tous connu un premier retournement dans le ventre de la mère qui nous permet de naître la tête la première.

Le retournement est donc un préalable à la naissance.

On marque ainsi le passage entre deux mondes de natures et d’essences différentes. Un monde se situe à un niveau supérieur à l’autre tout simplement parce qu’il détient une dimension supplémentaire par rapport à l’autre, c’est ce que nous pratiquons en franc-maçonnerie.

La marche à reculons et le retournement du corps lorsqu’ils sont associés marquent une marche vers la mémoire des profondeurs et le passage d’une frontière.

Le retournement consiste à présenter son dos au monde d’avant et à faire face au Nouveau Monde. Un rapprochement peut être valablement établi avec le symbolisme de la porte dont une face regarde l’extérieur ou le passé et l’autre l’intérieur ou le futur.  La franc-maçonnerie célèbre le symbolisme de la porte des hommes et celle des Dieux à la Saint Jean d’Eté et d’Hiver. Le Janus biface est un symbole universel archétypal à la fois cyclique réalisant l’unité sur deux mondes.

La marche à reculons suppose que nous passions à rebours sur un chemin déjà parcouru, et si nous reculons c’est pour mieux voir, pour avoir le bon point de vue sous un éclairage différent.

Lors de l’initiation à certains rites maçonniques cette tradition fut préservée. Au REP, au premier degré, après avoir prononcé son obligation la main dégantée posée sur la Bible, les yeux bandés, genou en équerre, l’impétrant est ramené en marche à reculons entre les colonnes d’Occident.

Nous sommes bien dans l’accès à quelque chose de supérieur dont nous avons eu à connaître par le cœur plus que par la vue, à savoir la Bible ouverte précisément au prologue de saint Jean dont nous connaissons la profondeur métaphysique et ésotérique du « Fiat lux ». Ici c’est une lumière de l’esprit qui est reçue, car notre vue est occultée.

Nous avons rencontré cette dimension supérieure à notre état, et telle une impression rétinienne persistante, la représentation symbolique doit être préservée. La marche à reculons souligne l’importance de la rencontre. C’est au cours de cet événement que nous avons fait la rencontre de la lumière intérieure au-delà de toute vision matérielle. L’impétrant est préparé pour rencontrer cette lumière, car on aura préalablement ouvert en lui les passages secrets vers son centre. À ce moment, les yeux bandés, il fait face à l’Orient plus précisément comme le souligne le rituel face au trône, d’où lui viendra la lumière éblouissante et présente son dos à la porte d’Occident d’où il est venu. Littéralement, il tourne le dos au monde profane et extérieur dés son serment sur la Bible. Il s’agit bien d’un retournement pour plonger dans l’intériorité et l’ésotérisme du livre de Saint-Jean.

« Le Frère Terrible et le Frère Maître de Cérémonies font reculer le nouveau Frère face au trône jusqu’à l’Occident.

Le Vénérable — Que demandez-vous enfin?

Le Récipiendaire - La lumière.

Le Vénérable - Que la lumière lui soit accordée au troisième coup de Maillet.

Le Vénérable frappe alors lentement trois coups : O. O. O.

( allumage de la lumière)

Tous les Frères se mettent    à l’Ordre d’Apprenti et dirigent la lame de leur épée vers le Récipiendaire, que l’on dévoile. »

Tout ceci nous semble logique et symbolique à la fois.

Toute marche à reculons entraîne systématiquement un retournement dont nous présumons l’extrême importance au plan rituelique.

Le retournement pour faire face à la lumière est le seul possible.  Il faut avoir le courage de transgresser son état actuel de pénombre pour progresser vers la lumière, c’est ici que le retournement a lieu. Il marque le point de départ du changement d’état et d’univers. Le retournement ne consiste pas à tourner le dos à la lumière venue de l’Orient, mais de tourner le dos à son ancienne condition.

Ainsi le maçon ne retourne pas à son état antérieur il ne fait que plonger en lui-même pour trouver la pierre cachée. Il ne faut pas se tromper de chemin. La descente en soi se fait dans l’intention de remonter.

Les mythes qui font partie de ma méthode maçonnique de transmission des connaissances nous apprennent ce qu’il en coûte de se tromper de retournement et de quitter la marche vers la lumière.

 Orphée est parti à la recherche d’Eurydice. Celle-ci morte est aux enfers. Il parvint, grâce à sa musique, à faire fléchir le cerbère et Hadès pour pénétrer aux enfers, et celui-ci le laissa repartir avec sa bien-aimée à la condition qu'elle le suivrait et qu'il ne se retournerait ni ne lui parlerait tant qu'ils ne seraient pas revenus tous deux dans le monde des vivants. Mais au moment où ils s'apprêtaient à sortir des Enfers, Orphée, inquiet du silence d’Eurydice, ne put s'empêcher de se retourner et celle-ci lui fut retirée définitivement.

Ovide dans Métamorphoses nous donne plus de précisions : « Orphée la récupère sous cette condition, qu'il ne tournera pas ses regards en arrière jusqu'à ce qu'il soit sorti des vallées de l'Averne ; sinon, cette faveur sera rendue vaine. [...] Ils n'étaient plus éloignés, la limite franchie, de fouler la surface de la Terre ; Orphée, tremblant qu'Eurydice ne disparût et avide de la contempler, tourna, entraîné par l'amour, les yeux vers elle ; aussitôt elle recula, et la malheureuse, tendant les bras, s'efforçant d'être retenue par lui, de le retenir, ne saisit que l'air inconsistant. »

Orphée se montra par la suite inconsolable de son erreur. De nombreuses traditions circulent sur sa mort. La version la plus courante est que les Bacchantes éprouvèrent un vif dépit de le voir rester fidèle à Eurydice et le déchiquetèrent. La franc-maçonnerie reprend ce châtiment qui doit être interprété comme une dislocation du soi et une déliquescence de l’homme perdant la direction de la lumière en restant fidèle à son état antérieur. On ne peut progresser dans un Nouveau Monde avec les repères cartésiens[1] de l’Ancien Monde.

Voilà ce qu’il en coûte de quitter le chemin vers la lumière : le démembrement du corps et son cœur arraché, ses restes dispersés et jetés à la mer afin qu’il ne fût plus mention de lui. C’est du reste le châtiment prévu contre le traître maçon qui fait parjure à ses engagements et qui littéralement perd le bon sens, celui de la lumière.

Le mythe orphique sous-tend la rituellie maçonnique. L’idéal orphique, qui rejoint le nôtre, et qui consiste à passer de l’épreuve des ténèbres à la lumière, demande, exige même, que l’on ne se retourne pas dans cette marche. C’est en descendant dans les tréfonds que l’on découvre la vraie signification de la lumière, c’est alors qu’il faut faire demi-tour pour remonter à la lumière sans rompre cet élan. C’est le sens de l’épreuve du cabinet de réflexion.

Orphée a douté dans sa marche, il s’est retourné au mauvais moment et dans le mauvais sens. Ainsi le franc-maçon abandonne son habit de vieil homme aux enfers, c’est l’objet même de son testament. Il ne s’agit plus pour lui de le revêtir à nouveau en retournant vers l’obscur. Il fait mourir sa part d’être qui est celle du passé, et s’attelle à construire avec des outils symboliques un chef-d’œuvre éclairé dans son discernement et son intuition par une vraie lumière.

Le vieil homme est mort dans le cabinet de réflexion, ses dernières pensées de profane sont consignées dans le testament symbolique ont été brûlées, il doit aller de l’avant, et son regard tourné vers la Lumière.

Dans sa quête de l’autre, Orphée s’est découvert à lui-même. C’est bien plus qu’une introspection c’est un retournement de soi, le passage du moi égotique, au soi de la totalité.
La devise V.I.T.R.I.O.L du cabinet de réflexion trouve ici a s’appliquer :
“ visite l’intérieur de la terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée “.

Eurydice est la pierre cachée. Orphée la retrouve en visitant l’intérieur de la terre et par analogie l’intérieur de lui-même.

Cette quête du soi pour tourner le dos au moi est aussi un retournement. Jusque ici sa quête est une réussite, mais il n’a pas su aller jusqu’au bout.

Le retournement inadéquat est généré par le doute. Il se traduit par la rencontre des éléments masculin et féminin dans une même relation d’amour et de fusion impossibles à cause du doute.

Le retournement se situe toujours à la frontière de la vie et de la mort.

Ce dualisme de notre existence ici bas pouvait être fusionné si Orphée avait réussi sa remontée. La mort d’Orphée permet le retour à l’état antérieur soit une dualité des forces du bien et du mal. Ceci est donc l’histoire d’un retournement qui a échoué, car fondé sur l’incertitude.

On ne peut douter dans sa marche vers la lumière, on ne peut être amoureux de la pierre cachée et se complaire dans cette relation éloignée. Il faut aller la chercher et la ramener à la surface. La seule façon de réaliser la fusion et l’union est de continuer le chemin vers cette nouvelle étoile. L’exploration des états inférieurs de l’être est une finalité initiatique intermédiaire utile à l’édification du soi, sans plus, il ne constitue nullement une fin en soi au sens littéral.                .

 Orphée par son sacrifice, régénère une quête que l’on retrouve dans les trois branches initiatiques. Son corps est mis en pièces et dispersé sur le sol.

C’est un rite de passage d’un état à un autre et le sacrifice[2] célèbre une union cette fois-ci réussie celle du retour à la terre, par la décomposition du corps et sa recomposition en nous. Nous sommes porteurs de la mémoire archétypale de cet échec dans cette tentative de fusion. Le dualisme à gagné.

Le propre de l’initiation est de franchir ces frontières pour nous libérer de cette contingence. Orphée à failli réussir l’union totale, il personnifie le divin et comme tel doit ensemencer la terre par dispersion de ses restes pour la régénérer. C’est donc un sacrifice utile qui est célébré lors des grands passages. Il appartient au milieu collectif de la loge d’aider l’Orphée franc-maçon que nous sommes à ne point douter au risque de se tromper de sens.

À quelle hauteur se situe notre retournement vers la lumière ?

Le fait de prendre ses engagements sur la bible ouverte à Saint-Jean au chapitre de la Genèse, renvoie le retournement au chapitre de l’apocalypse et à la destinée de l’humanité. Ce retournement de l’apocalypse ne doit pas être confondu avec une inversion. L'Apocalypse signifie "le retournement". Destruction-régénération d’un monde au profit d’un nouveau. Cette ambivalence se retrouve dans un processus dynamique de création et de destruction de l'œuvre que l’on retrouve dans l’épisode de la création-destruction-reconstruction du temple de Salomon[3].

Au plan macrocosmique, le retournement établit une succession de cycles, impliquant la superposition du point final et du point de départ et naturellement une marche à reculons pour perdre de vue un ancien centre lumineux pour un autre supposé plus élevé (entrée du compagnon en chambre du milieu). La marche à reculons ne peut en aucun cas être une inversion, c’est la préparation à une progression polaire.

Le succès de la marche à reculons et du retournement impliquent une conformité à l’Ordre et à la progression graduelle.

C’est donc au passage des petits aux grands mystères qu’a lieu le deuxième retournement.

Le retournement induit une marche à reculons, un retour en arrière dans la marque laissée par nos pas du passé. On remonte le temps et on réactualise notre vision sous une nouvelle lumière ; c’est un transport rétroactif dans notre mémoire, sans revenir à notre état profane antérieur.

Le temps passé et l’espace déjà parcouru nourri notre pensée à rebours comme Isis reconstituant le corps démembré d’Osiris donnera naissance à un nouvel être d’esprit : Horus[4].

On reconstruit Osiris comme on reconstruirait Orphée.

Il est donc possible de remonter le temps et l’espace, c’est la quête initiatique de la découverte du soi. Cette remémoration est donc une reconstruction sans être un errement[5] ni une inversion.

En reconstruisant notre regard par l’équerre et le compas, on découvre son propre centre, on se le réapproprie par la mémoire et on s’en débarrasse comme d’une vielle peau.

 

Les rituels ont toujours fait une place importante à cette marche récapitulative d’un passé à l’aune d’une nouvelle lumière. Le REP au moment de l’introduction historique du grade de maître précise que le compagnon entre en loge tournant le dos au tableau de loge figurant la fosse ou se situe le corps d’Hiram sous un linceul noir. Sa progression se fera de manière sinistrocentrique, constamment dos au centre des centres (chambre du milieu) D’une marche à rebours on passe à une marche de travers et pour finir par une marche qui en survole le tableau de loge. Déjà en 1774 le rituel de la mère loge écossaise d’Avignon précise que le candidat sera introduit en marche arrière et effectuera 17 voyages de l’Occident à l’Orient en passant par le Midi puis de l’Orient à l’Occident en passant par le Nord, « de reculons », c'est-à-dire que le récipiendaire doit toujours avoir le dos tourné au milieu de la loge. Il n’est pas précisé que la marche introductive se fait dans l’obscurité, c’est un syncrétisme récent et logique, mais non obligatoire, une pénombre suffit à la solennité du moment.

L’entrée en loge en reculant du futur maître marque l’abandon. Cet univers du passé, microcosmique marqué par l’étoile flamboyante cette Vénus du système solaire sera abandonnée au profit de la polaire du système stellaire. Les lumières du passé éclairent notre avenir comme le précise le rituel du REAA. La marche arrière qui en fait est une entrée dans un Nouveau Monde inconnu signifie que la mémoire récapitulative est agissante.

 

Le changement d’étoile justifie le passage entre deux mondes[6]superposés et entre les deux, il est douteux que l’on se perde dans les ténèbres. « Les étoiles ne doivent pas être estimées par leur apparence, mais par leur situation et leur distance. Celles qui sont le plus haut étant sûr de paraître plus petites, alors qu’il est vraisemblable qu’elles sont plus grosses. La distance étant la raison donnée ordinairement pour l’apparence et le magnitude. Une autre propriété des étoiles est le secret pouvoir qu’elles ont sur les choses inférieures.(…) Être ce que l’on parait rend compte de cette imperceptible gloire que les étoiles rayonnent dans leurs émanations et leurs significations, qui n’apparaît pas aux yeux qui ne voient que la radiation de leur lumière et de leur beauté. » Sir Robert Moray.

 

Au terme de ses voyages à reculons ou latéraux (dans l’obscurité ou la pénombre[7]) ou plus précisément dos au centre terrestre et céleste, il y a enfin le retournement. On cherche à découvrir en soi cette nouvelle lumière plus intériorisée.

Le tapis de loge figure la mort qui est une limite indépassable pour les petits mystères. Ce n’est pas avec les outils et la connaissance acquise et horizontale que je franchirai cet abîme. Il me faut faire appel à cette verticalité qui portera mon envol. Cet envol au-dessus de ce centre ontologique est une rencontre magnifique avec la puissance du tout.

Ici le retournement face à la fosse marque l’abandon d’un système pour un autre plus élevé. C’est une deuxième mort et renaissance à un monde d’esprit qui contient et dépasse le précédent. Chaque rite maçonnique va préparer et approfondir la signification de ce retournement en fonction des subtilités de la mise en scène et des phrases et des mots prononcés, mais la manière dont est dessiné le tableau de loge et les symboles y figurants est d’une importance capitale[8]. Le relèvement physique n’était pas de mise à l’introduction historique du grade, pas plus que la chute du compagnon dans le cercueil. Ces apports physiques et théâtraux risquent de déformer l’essence même du message en faisant apparaître le nouveau maître comme l’incarnation d’Hiram, et pourquoi pas du Christ !

 

Le retournement symbolique et physique est lié au troisième degré, au relèvement symbolique du maître intérieur, qui ne doit pas être confondu avec une quelconque métempsychose. C’est à ce moment que la scénographie prend tout son sens, changer ses points de repère et son étoile éclairante est un retournement sur soi qui nécessite un recul préalable.

Sans ce retournement le relèvement du maître n’aurait aucun sens. Le maître intérieur ne pourrait s’exprimer, c’est du moins le sens à donner à la phrase de Goethe « Meurs et devient »

Les rituels maçonniques sont d’une perfection et d’une progressivité exemplaires. Malgré les syncrétismes que certains ont pu subir, le cheminement physique du maçon est une progression et une quête de soi. Chemin faisant, deux frontières seront passées : celle du monde profane aux petits mystères, où l’on apprend à se connaître, puis celle des petits mystères aux grands mystères ou l’on passe du microcosme au macrocosme.

Ces deux frontières passent par la mort du vieil homme puis par la libération de l’esprit. Cette libération de l’esprit face à la matière est conforme à la méthode maçonnique, elle se traduira sous des formes diverses suivant les rites. Délivrance pour certains, conçue comme une universalisation totale de l’individu, soit un état absolument inconditionné et donc métaphysique (une non-dualité) reposant sur la connaissance ; ou comme au RER, suivant l’impulsion wilhermozienne de 1778, un état de salut individuel ou l’immortalité chrétienne qui relève plus d’une réalisation mystique.

Chaque rite trouve encore sa richesse interprétative en fonction de ses évolutions. L’interprétation au niveau du franc-maçon se fera suivant la ligne de partage entre l’immanence et la transcendance,[9]entre le croyant et le cherchant…

E.°.R.°.

R.°.L.°. Les Écossais de Saint Jean

 

 


[1] À ce sujet nos amis cartésiens noteront que les étoiles servent de repères et d’appui à l’abscisse et l’ordonnée.

[2] Le sacrifice n’est comme dans la légende d’Hiram pas à prendre au sens moral, mais au sens divin de l’alliance entre l’homme et Dieu. Orphée perd tout, Eurydice lui est enlevée et lui-même subira le démembrement. Ce double sacrifice consacre l’Ancien Monde des dieux dans le statu quo du bien et du mal.

[3] Sur ce point, on constate que les grades supérieurs organisent une philosophie de la reconstruction matérielle impossible dans l’Ancien Monde au profit d’un temple intérieur spirituel dans le Nouveau Monde.

[4] L’enfant d’Isis et d’Osiris est symbolisé par un œil triangulé fruit de la recomposition des éléments et de la génération décorporisée et donc spirituelle (absence du 14em morceau chez Osiris) ce qui ne peut laisser indifférent le franc maçon attentif à ces deux symboles.

[5] L’errement est une situation d’attente et de perdition qui diffère de la quête. Cette situation se retrouve dans les récits de chevalerie, le chevalier errant n’a pas la noblesse du cœur de celui qui est en quête. Dans l’exotérisme chrétien on retrouve cette situation dans la règle de Saint Benoît qui dit exclure de sa règle les moines errants appelés sarabaïtes astreints à aucune règle et sans maître et le gyrovagues errants de province en province suivant leurs passions. Seuls les cénobites soumis à la règle et les anachorètes expérimentés ont grâce à ses yeux. On notera que les francs-maçons sont eux aussi soumis à la règle du livre ou de l’instrument suivant les rites depuis les anciens devoirs.

[6] Devrions-nous dire entre deux mondes et plus ! Le nouveau Maître ayant appris la transition d’un monde à l’autre pourra s’il le souhaite en explorer d’autres. À ce niveau nous touchons aux différentes traditions hermétiques qui mettent en exergue les mondes dits intermédiaires et qui s’appuie sur des maîtres dûment formés à la tradition pour former leurs colonnes. Ces mondes relèvent plus de moyens d’action que de Nouveaux Mondes.

[7] Le Rite Ecossais Primitif fidèle à ses sources et notamment des deux premiers degrés consignés dans les rituels de la Mère loge écossaise de Marseille de 1751, n’organise aucune obscurité dans la marche introductive à reculons du compagnon, pas plus que celui de la Mère loge écossaise d’Avignon de 1774. Le REAA et d’autres rites aménagent postérieurement aux documents originaux cette marche comme un retour vers l’obscurité des enfers ou comme un éloignement de la Vénus flamboyante qui finit par s’éteindre. L’idée reste identique quitter une étoile pour une autre, mais l’interprétation peut prendre des chemins étonnants voir contre-initiatiques. À toute fin utile, nous rappellerons qu’en aucun cas le monde que l’on quitte n’est en opposition avec le Nouveau Monde découvert, c’est une progression graduelle vers une lumière plus totale et enveloppante. Le centre reste identique, mais on obtient un nouveau point de vue axial plus élevé.

[8] La présence d’une croix dessinée sur le linceul ou le voile noir recouvrant le cercueil d’Hiram dans certains rites n’est pas sans conséquence sur la signification du relèvement. Ce qui est relevé est le maître intérieur en même temps que cette croix dans ce Nouveau Monde du maître, mettant en correspondance axiale deux mondes superposés au même titre qu’à la Vénus du système solaire on substitue la polaire du système stellaire.

[9] Pour l’aider dans cette recherche, le franc-maçon utilisera l’équerre et le compas symbolisant la matière et l’esprit.

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21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 22:03
4-marelle-milieu-gauche.JPGLa porte sur l’invisible

 

Toute initiation est un commencement. Le but principal est le mûrissement de l’individu et la découverte de soi-même.

La franc-maçonnerie apporte une méthode que nous connaissons bien, qui a la particularité de doser l’usage de la raison et de l’intuition pour traiter les informations. Ces informations arrivent au cerveau faussées par le filtre des nerfs de la perception et de nos cinq sens[1]. Nous avions dès lors suggéré que le cerveau seul ne pouvait traiter convenablement les informations dans l’obscurité caverneuse de la boite crânienne et que le cœur pris dans un sens symbolique éclairait la pensée d’une flamme aussi fragile que l’amour.

 Les voyages initiatiques à travers la terre l’air l’eau et le feu restaurent ces sensations primitives et les re-identifiants. L’opération d’identification des éléments s’effectue les yeux bandés pour oublier les « à priori » de l’expérience faussée.

Ces voyages ont pour but de nous remettre dans une virginité initiatique, ce qui nous permet de relier nos sens à la liberté et à la plénitude d’une renaissance. On va enfin réactiver une intelligence cérébrale raisonnante et l’intuition cardiaque, cet œil du cœur qui nous marie à la totalité.

La raison engagée et l’intuition de l’élan guident les pas du franc-maçon.

Nous sommes des gréco-latins. Nous privilégions la raison qui est censée donner de notre environnement une vision juste. Nos philosophes Grecs ont fait grand cas de la forme logique et discursive dans une tentative vaine et limitée de décrire le monde. L’individu qui cartographie le monde réel et ses lois, ainsi que le monde de la pensée, s’en rends maître et pourrait peut être accéder à une sagesse. Cette sagesse repose alors sur une redéfinition rationnelle du monde. Cette rationalité philosophique échoua dans sa tentative d’expliquer la totalité d’un monde en plein renouveau.

La philosophie rationaliste fondée sur le raisonnement s’opposait au sacré des religions et des dogmes qui imposaient leurs vérités en dehors du raisonnement. C’est ainsi que de nos jours encore, on considère la philosophie comme un apprentissage de la sagesse par la raison, mais elle n’offre pas de réponse ni de solution donnant une vision globale.

Le mutisme de cette école de la sagesse fit que l’homme se tourna vers les mythes prolixes de l’ontologie d’un côté et de l’autre vers une religion proposant des dogmes fondateurs et rassurants.

 Les Mythes, à cet égard, sont plus efficaces sur le plan de la logique raisonnante et sur le plan de l’intuition métaphysique. Les symboles fournissent les clefs de base de cette interprétation totale grâce à leur plasticité. C’est cette une porte que le franc-maçon franchi. Elle se situe à équidistance entre la rationalité et le dogme de la révélation, mais les dépasse par son adaptabilité aux temps et aux mentalités.

Entre la philosophie rationnelle grecque et le dogme de la révélation se situe l’ancienne porte des mythes fondateurs de l’humanité. Ces mythes sont vierges des dogmes sécularisés et constituent une ressource inépuisable pour l’intuition raisonnée.

Notre histoire connut trois combats opposant le dogme à la raison. La période grecque 6 siècles av. J.-C., la renaissance qui redécouvrit la pensée grecque et le Siècle des lumières au XVIIIe siècle dont l’un des développements fut le positivisme du XIXe siècle.

L’inconvénient principal du fonctionnement rationnel est qu’il interpose, entre l’homme et son aspiration, les étapes du raisonnement et de l’explication scientifique ou technique. Cette interposition d’étapes rationnelles brise la nature primitive et profonde de l’élan humain. C’est un peu comme si on devenait amoureux par l’application d’une équation à une personne. L’élan intuitif et secret, caché dans ses mécanismes profonds, donne plus de fraîcheur et plus de goût à la vie. C’est ce goût de l’indicible et le parfum du mystère qui fait défaut à notre modernité.

On parle alors de l’intelligence du cœur qui recueille et centralise nos sentiments, notre affection et notre subjectivité. Elle fonde, bien plus que la raison, notre goût pour la vie. Elle ouvre à la contemplation et à la perception du divin et du sacré et donc de ce qui est invisible.

Le cœur est pour toujours associé à l’amour, et le cerveau à la rationalité raisonnante. L’homme n’est pas distingué de l’animal par son seul raisonnement conceptuel qui lui offre l’objectivité en cadeau. Il est capable d’amour et de sentiments fondés en partie sur l’intuition analogique donnant une interprétation subjective de l’invisible et un sens à sa vie. C’est la voie cardiaque.

 La différence fondamentale entre la cérébralité et la voie cardiaque est que dans le deuxième cas, il doit y avoir une participation effective et physique, soit par une mise en situation de la personne, soit par mise en contact avec l’objet support de symbole. Ce n’est pas le cas dans une cérébralité bien comprise qui se contentera d’une approche virtuelle. D’où l’importance capitale de la bonne exécution des rituels et de l’approche convergente des maçons en tenue. C’est aussi ce qui explique la notion d’égrégore et la nécessité physique de la chaîne d’union qui n’est autre que la mise en phase des cœurs battants.

Le cœur tient une grande place dans la religion, car il est le siège de l’âme et le cerveau de l’esprit. On retrouve la tripartition corps, âme, esprit que nous avons développé précédemment.

Si la franc-maçonnerie initiatique fonde son tracé sur l’ouverture de la troisième porte, celle des mythes, c’est qu’elle peut compter sur une clef[2] de lecture de l’invisible qui est véritablement universelle : le symbolisme.

La clef du symbolisme n’est pas dans l’encéphale mais dans le cœur. Le symbolisme fait donc appel aux ressources du cœur pour exister. Le cœur produit l’intuition, le ressenti, l’analogie et les effets de correspondance, l’irrationalité et la subjectivité.

La révélation d’une supraconscience[3]faisant fi de l’apparence trompeuse[4] s’ouvre à nous. L’invisible  devient visible.

Plus loin encore, le franc-maçon pousse cette attitude en tentant de construire son temple intérieur. Il le fait à cœur ouvert, c'est-à-dire dans un état de réceptivité totale sur le registre du sacré. Les fondations de ce temple sont celles du cœur. Son architecture repose sur un plan invisible et ses dimensions sont le fruit de l’intuition de l’artisan.

La profondeur du sens est fonction de la lumière reçue. L’exercice quotidien d’un symbolisme constructif permet de bâtir avec des éléments apparemment disparates, une œuvre remplie de sens. Cette « ré-alliance » des éléments dispersés, parfois antagonistes, fait partie du travail unificateur et synthétique du maçon.

L’ouverture du cœur donne lieu à une possibilité d’appréhension d’un univers plus large où finalement chaque objet trouve sa bonne relation avec son environnement. Les symboles deviennent inter-agissants dans un concert d’harmonie. C’est alors que le cherchant trouve sa place dans ce temple de la pensée et les questions existentielles perdent de leur urgence.

Toute œuvre trouve sa limite dans l’idée qui devance son tracé. Si l’idée et l’intention sont bonnes alors le résultat sera parfait. Si par contre l’idée est faussée par un manque de liberté de l’être, que ce dernier reste aveuglé par une matérialité douteuse, ou un défaut d’ouverture à l’autre et donc à soi, alors la voie ne s’ouvrira pas devant lui.

C’est donc le rôle du symbolisme de faire le lien entre les deux voies, celle d’une cérébralité raisonnante et discursive qui pourrait être représentée par la géométrie pythagoricienne et l’intuition cardiaque qui pourrait être représentée par la gnose des origines. On en revient donc au schéma des deux colonnes antédiluviennes que nous avons détaillé précédemment[5]. À l’évidence, la franc-maçonnerie prend le parti de se tenir à égale lecture des hiéroglyphes burinés sur chacune des deux colonnes. Elle emprunte la porte du milieu et entre dans un vaste champ des possibles, régénérée de cette réalité augmentée dans son horizon et sa profondeur.

 

Ainsi la réalité augmentée[6] apparaît à l’entendement de l’initié. Elle est pour partie ce que nous voyons concrètement. Derrière le voile de l’apparence apparaissent des contours autres et une signification d’un ordre plus profond. Cette vision élargie est un pas intermédiaire qui doit nous mener à une vision globale.

La vision globale se fera à l’issue d’un long apprentissage qui peut durer toute une vie. Elle impliquera plus qu’une participation physique aux jeux cosmogoniques des rituels. C’est une authentique fusion de l’être retrouvé dans toute son amplitude.

Cet être retrouvé se situera dans les phénomènes cycliques pour mieux les dépasser.

Le renouvellement dans l’espace et le temps fera place à une ponctualité expression d’une totalité sans début ni fin où le temps n’a ni prise, ni sens. Cette ponctualité, ce fameux point originel, affirme sa puissance plus par son impermanence que par sa présence. C’est ainsi que l’on peut entrevoir le sens ultime de toutes les initiations.

Le ressenti du franc-maçon est bien plus important que la réalité qui se joue sous ses yeux et dont il est acteur. C’est la puissance d’un rituel initiatique que d’agir dans l’ordonnancement intuitif de l’individu. Comme une liturgie, un rituel est agissant dès lors qu’il se met en phase avec les grands cycles et qu’il imprime nos sens. C’est ainsi que l’on peut ouvrir cette fameuse porte sur l’invisible.

E.°.R.°.



[1] Voir RDM 3 Le crâne en franc-maçonnerie.

[2] Sur le symbolisme de la clef dans la franc-maçonnerie des anciens devoirs : elle était en ivoire, cachée sur la langue, excroissance du cœur et faisant lien avec le cerveau ; le cœur semble avoir un rapport d’ouverture permanent avec la boite à os qu’elle peut ouvrir par le truchement de la clef. Ainsi, la parole perdue venant du cœur pourrait se laisser prononcer. Voir « Le crâne en franc-maçonnerie » RDM 3 P 171.

[3] Sur la question de la supraconscience, on fera un rapprochement utile avec la notion d’imaginaire agissant en matière de chevalerie céleste.

[4] L’apparence trompeuse, changer son regard sur le binaire, RDM 3 P 13.

[5] Voir RDM 3 « Perfection et reconquête du langage initiatique » P 60.

[6] La réalité augmentée est une expression empruntée au monde du numérique. Elle consiste, en un lieu donné à faire apparaître sur une tablette ou un smart phone, les éléments recherchés par un utilisateur qui simplement photographierait ce qui l’entoure en se géolocalisant. Ce procédé révèle ce qui est non apparent ou recherché, au milieu d’une réalité.

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7 décembre 2012 5 07 /12 /décembre /2012 22:31

 

La Franc-maçonnerie accueille la Bible sur l’autel du vénérable ou sur l’autel des serments prenant exemple sur ses devanciers opératifs qui se réunissaient sous son couvert comme toutes les confréries du moyen-âge. Héritage de nos glorieux anciens, nos rituels s’inspirent des valeurs hautes de la chrétienté et des textes qui nous offrent un message véritablement universel. Ce n’est pas une question de religion, mais plutôt une aptitude à concevoir la naissance du monde et la place de l’homme dans l’Univers. Cette question fut traitée au plus haut niveau par les religions, par les catholiques primitifs particulièrement et les théosophes qui, en regard des mystères de la nature, cherchaient à interpréter les textes sacrés. Il fut une époque où chacun pouvait interpréter la Bible jusqu'à ce que le Dogme impose sa doxa à laquelle le croyant de base faisait crédit. Parmi les textes sacrés, rien n’égalait pour nos intellectuels cherchant, la Bible, dans sa part ancienne et nouvelle.

Les anciens devoirs font de la présence de la Bible et la référence à la Sainte Église, une évidence en loge opérative. Les réunions annuelles des confréries de métiers voués à un saint ainsi que des loges vouées aux deux Saint-Jean, pouvaient se faire en présence d’un clerc, scribe et lecteur, qui lisait et rappelait les règlements. Ce clerc, homme d’église ou de monastère, formé bien souvent à la règle de Saint Benoît, ne pouvait avoir de plus hautes références que la bible, véritable récit cosmogonique, qui coiffait les règles du métier, tout en justifiant l’art de bâtir en regard de la construction du Temple de Salomon.

Cette observation n’implique aucun parti pris si ce n’est de rappeler un fait historique.

Pour les rites maçonniques dits « anciens » la Bible est l’une des trois grandes lumières (REAA) avec l’équerre et le compas et pour les rites dits « modernes » (RER, RF, REP) elle est l’une des lumières de la loge, car les trois grandes lumières sont le VM le Soleil et le Lune.

Le rôle joué par la Bible n’est pas identique à tous les rites qui l’admettent : livre de Sagesse avec un message universel, interchangeable avec d’autres livres de Sagesse, ou Volume de la Loi Sacrée pour d’autres qui règle la conduite morale du maçon ; règle de religions pour certains entraînant le maçon dans une croyance religieuse chrétienne primitive. Pour d’autres, il s’agit d’un livre blanc et certains l’on carrément supprimé.

L’influence des Obédiences sur la mise en œuvre des rites et leurs éventuelles modifications est ici primordiale.

La mise à l’écart du texte, qui dans sa globalité reste fondamentalement chrétien, peut s’expliquer pour nos Frères agnostiques. Cependant, le prologue de l’évangile selon Jean aurait pu être épargné, compte tenu de sa vocation métaphysique. Quoi qu'il en soit tout rite se disant écossais dit s’appuyer pendant ses travaux, sur les lumières de la Bible, source universelle de spiritualité et d’humanisme.

 

Le prologue du 4e Évangile celui de Saint-Jean dépasse la question d’une croyance quelconque pour nous offrir une histoire du commencement de l’Univers dans une version ésotérique. Cette question est véritablement existentielle au plan humain et dépasse toutes les crispations religieuses ; elle est aussi une recherche de vérité au plan métaphysique. Dans un sens, c’est une notion ontologique qui se marie parfaitement avec le Grand Architecte De L’Univers. Le Prologue nous renvoie naturellement au texte de la Genèse de l’Ancien Testament qui complètera utilement le travail de tout cherchant dans une lecture métaphysique et dynamisante du « commencement ».

Faut-il souligner que la bonne méthode interprétative se base sur les premiers temps de la création. Nous devrons être des archéologues de « l’archè » et nous devons reconnaître des archétypes.

« Au commencement » est le premier mot de la Genèse et de l’Évangile selon Saint-Jean : Archè en grec veut dire commencement et commandement. Donc cette double signification dirige toute l’interprétation du texte dans sa globalité. Le temps premier est aussi celui qui commande le reste et se propage comme une onde dans le temps ordinaire jusqu'à nous. C’est exactement le même effet que le Big bang dont nos astronomes perçoivent aujourd’hui encore le bruit de fond dans l’univers. On nous dit que l’univers est en expansion et que l’espace qui nous sépare des galaxies les plus lointaines s’agrandit à une vitesse telle que la lumière de leurs étoiles ne peut nous parvenir. Cette lumière nous semble inaccessible et perdue. Cette lumière cherche à nous rejoindre sans succès, nous ne contemplons que l’obscurité.

Le gouffre des immensités obscures peut-il être comblé par la lecture d’un texte sacré ? Si la réponse est positive, il faudra donc que le mot « commencement » revête un ensemble signifiant propre à remplir cette béance. C’est le propre de l’archétype du commencement qui commande la foi.

Donc le premier mot est celui qui « commande » les autres et qui « commence » le temps par l’apparition consécutive de la lumière. De cette lumière première (Fiat lux), nous percevons cette lumière fossile. Elle fut et elle est encore !

Le thème de la Lumière contenu dans la Bible est la clef opérative qui permet le travail sur la matière.

 

On peut, sur cette question métaphysique de la lumière et à un niveau plus spéculatif, décloisonner les lignes de partage et les territoires religieux en passant par-dessus les frontières des églises.

Nous avons une conjonction en Franc-maçonnerie entre les cycles du soleil et le travail en loge. De nombreux indices en attestent lors de nos tenues. Le Cycle journalier se perpétue tout au long de l’année rythmant au gré des saisons et de la hauteur du soleil, le travail de nos lointains cousins opératifs. Il semble donc évident que la ligne de partage entre le soleil montant sur l’horizon et le soleil descendant soit particulièrement mise à l’honneur depuis l’antiquité.

C’était sous l’égide de Janus, Dieu romain aux deux visages, gardien des portes du soleil que se fêtait le passage d’un demi-cycle à un autre. Les chrétiens calquèrent cette tradition avec Saint Jean Baptiste pour la Saint Jean d’Eté le 24 Juin. C’est l’annonciateur du Christ, celui qui établit en précurseur la fraternité des baptisés, qui fit le passage entre l’ancienne et la nouvelle Loi par un message d’espérance.

Saint Jean l’Evangéliste le 27 décembre, annonce le rallongement du jour, la présence de l’Esprit divin en toutes choses que nous retrouvons dans le prologue.

C’est ainsi que nous nous nommons loges de Saint-Jean au nom de cette tradition des cycles de notre univers visible et de notre marche vers la lumière.

Ce qui rattache le franc maçon au texte même du prologue c’est la question universelle du commencement, mais aussi le concept de lumière illuminatrice et la notion de parole agissante.

Nous tenterons en regard des différentes traductions d’approcher la signification métaphysique de différents termes et leurs interactions :

 

Le Logos, le Verbe et la Parole. La Lumière. 

 

 Leurs points communs : ils sont tous produits de la puissance divine, et sont acteurs de la manifestation, c'est-à-dire de l’apparition de notre univers et de nous même, « la vie était la lumière des hommes » verset 4.

Si le but de toute initiation est de marcher vers la lumière illuminatrice et divine, celle-ci semble assimilée, suivant les traductions, à la parole et donc au Logos en Grec. Le Logos réuni en lui les deux natures, la nature divine par son origine et la nature humaine par sa matérialisation.

De notre point de vue le Logos est à la fois pensée et création, verbe et parole.

La Lumière intervient dans la manifestation. Auparavant elle était dans un mélange chaotique non ordonné. On assimile la Lumière à Dieu, car elle permet de voir la manifestation

Le Verbe est la Lumière de Dieu et la parole est donc lumière et vie. C’est ce qui résulte de la plupart des traductions.

Il se trouve qu’en franc-maçonnerie, tout cherchant se met en marche en direction de l’Orient vers la Lumière Originelle. Pour le franc-maçon la lumière est assimilée à la Connaissance ce qui nous revoie directement à une vérité sans filtre ni distance ou à la lumière du verbe.

La description du prologue suggère que la Lumière préexiste. Elle est antérieure à toute autre création-manifestation. Cette constatation nous permet d’assimiler la lumière au Principe immuable par nature et sans dualité qui par définition n’a ni début ni fin contrairement à la manifestation

Cette Lumière définie comme éclairant le chaos des possibles, souche toute existence et reste le but de toute recherche initiatique. Pour y parvenir, nous utilisons un fil conducteur que nous tenterons de remonter comme un fil tendu entre nous et notre point du « commencement ».

C’est ainsi que nous recherchons aussi la fameuse parole perdue ! Cette parole qui chez les Égyptiens avait une fonction fondamentale : elle ouvrait les portes, elle est agissante. 

La parole est un médiateur accessible à l’homme, pas la lumière qui reste du domaine surhumain.

Il est probable que la parole et la lumière soient les deux faces d’une même pièce, entraînant chez l’initié, la vue au-delà des apparences visuelles et l’audition au-delà de l’épellation des mots.

La lumière illuminatrice de l’Être ne se voit pas avec les yeux  pas plus que la parole ne s’entend d’une oreille profane.

 

Quels sont les rapports entre la Parole et le Verbe ? Suivant les traductions du grec au latin ou à l’hébreu, la parole est créatrice on l’appelle alors le Logos et le Verbe en serait le synonyme. Donc de notre point de vue, le Logos recoupe deux notions ayant une seule et même origine. Dans un cas la traduction latine admet le féminin (la parole) dans l’autre le grec n’admet que le masculin (le verbe). Il nous semble que le Verbe et la Parole appartiennent à deux niveaux d’éveils différents. D’un niveau Divin pour le premier et d’un niveau Humain pour le second. C’est ici, d’après nous que se situent les différences dans les traductions qui penchent soit du coté humain soit du coté divin inaccessible au premier ; nous retrouvons le même phénomène en franc-maçonnerie. La parole perdue du franc-maçon souligne notre éloignement avec la tradition primordiale suite à la chute. Notre travail consiste donc à tenter de la retrouver en rassemblant ce qui est épars. La quête spirituelle du maçon est donc directement liée à cette fameuse parole originelle qui pour cette classe initiatique n’est autre que le Grand Architecte de l’Univers. Le maçon dans sa recherche arrive à épeler à l’aide d’un frère un substitut à la parole ou au nom de Dieu. Le nom lui-même est imprononçable, car il appartient à la proximité divine avec laquelle nous nous sommes éloignés depuis la « chute ». (Voir l’épisode du jardin d’Eden et de la faute originelle d’Adam et au plan cosmogonique la chute de Satan).


Il nous semble que le Logos est le verbe de Dieu et situe l’omnipotence dans toutes ses œuvres. On le retrouve en toutes créations, et se situe en son sein ou son centre. Cette constatation directement déduite du Prologue explique la recherche des centres dans la connaissance de soi par VITRIOL pour l’apprenti, du sommet de la pierre cubique à pointe pour le compagnon, du ciel et son centre, Vénus puis l’étoile du Nord pour le Maître , de l’homme et du microcosme (l’étoile flamboyante), du macrocosme (l’hexagramme), etc.

En franc-maçonnerie cette recherche de la centralité universelle par l’analogie nous donne l’établissement du fameux Axis Mundi qui relie tous les centres par le jeu des correspondances (ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, selon Hermès Trismégiste, ce qui nous donne la conjonction de l’immanence par la parcelle divine au centre de chaque homme et de la transcendance par cette réconciliation avec le Père, centre des centres), donc le Logos trouve sa source dans un centre suprème.

 

La faculté de l’initié est de révéler la lecture du centre de chaque chose comme de lui-même au niveau microcosmique et macrocosmique. La présence de ce centre en toute manifestation révèle l’immanence du divin au centre de toute création.

Soyons plus précis : le compagnon fait une recherche du centre même (interne et caché) de la pierre cubique à pointe par son extériorisation dans la pointe de la pyramide. Il en est de même pour le maître qui par le relèvement de son maître intérieur révèle au plus profond de lui-même cette immanence divine, qui n’est rien d’autre que cette parcelle de divinité qui sommeille en nous.

Sur un plan général, toute réalisation provient du Verbe(Logos) divin, toute réalisation possède en son centre une trace de cette intention initiale. Pour ainsi dire ce que Dieu devait réaliser dans la création était déjà dans le Verbe. Le Verbe est donc l’expression des possibles dans toutes les variantes du visible et de l’invisible.


Il semblerait qu’il existe malgré tout, une hiérarchie dans la mise en œuvre de la puissance divine. Ce serait, d’après nous, le Verbe qui représente l’intention divine et la Parole sa mise en œuvre effective. Le Verbe n’est pas l’ombre de la parole. Autrement dit il n’y aurait pas de manifestation de l’intention divine sans la médiation de la parole au plan humain. La parole est une voie d’expression compréhensible de l’homme, elle est une modalité d’expression typique de l’homme qui ne fait que traduire le principe supérieur à celui-ci. Le Verbe reste l’apanage de Dieu.

Il existe donc un lien naturel et hiérarchique entre Verbe et parole. C’est ce que nous suggérons.

Ce serait une des raisons qui poussent les maîtres maçons à retrouver le secret d’Hiram qui n’est autre que la Parole perdue. Cette parole qui est bien plus qu’un mot, met en relation l’initié avec le GADLU. La manifestation/création est bien l’œuvre de la Parole conçue comme l’affirmation extérieure d’une volonté divine, la parole devient un langage divin, audible pour ceux qui savent le comprendre, c'est-à-dire les initiés. 
Le Verbe est donc une parole divine en action au plan ontologique.

La Parole serait alors sa traduction efficace du Verbe au plan humain.

 

Les 18 versets du Prologue sont donc dans un rapport métaphysique et dynamique avec la Genèse. Cette dernière nous fait une description détaillée du principe de différenciation qui ne peut se produire sans la volonté divine. Cette volonté précède la Genèse et établi la Loi (les 10 commandements).

L’intention préalable ou pensée à l’intérieur du Divin, le Verbe, précède tout développement dans le temps, la parole reste liée à l’existence et donc à la naissance des temps. Ainsi le Verbe est du domaine de l’essence, atemporel, la parole du domaine de l’existence avec un temps.

La parole devient donc un mode de manifestation de la pensée divine appelée aussi verbe divin, dont la première parole exprimée par la volonté divine fut que la lumière brille (fiat lux de la Genèse I-3), dispersant les ténèbres et le chaos (Tohu bohu).

C’est ce que les francs-maçons veulent signifier par l’expression « ordo ab chaos ». Mais la lumière si elle préexiste à l’apparition de l’homme ne préexistait pas à tout ; dans la Genèse on voit qu’elle est établie par Dieu après que dieu créa le ciel et la terre :

Au commencement Dieu créa la ciel et la terre. La terre était déserte et vide et la ténèbre à la surface de l’abîme ; le souffle de Dieu planait sur la surface des eaux, Dieu dit : « Que la lumière soit ! et la lumière fut… » Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre. (Extrait de la Bible TOB Genèse 1,1à 4).

Ceci nous replace la lumière sous la gouverne du divin et comme élément constitutif de la différenciation/création, puisse que la lumière est séparée des ténèbres et va ordonner le Chaos. Le prologue nous dit cependant que la Vie est la lumière des hommes ce qui sous-entend que l’homme ne peut être vivant sans lumière. L’homme dépend de la lumière pour être, et c’est par la lumière qu’il est à l’image de Dieu. La dichotomie lumière-ténèbre est relatée dans toute sa puissance dans le symbolisme du pavé mosaïque. Si la lumière lutte pour perdurer, elle ne pourrait se passer de la ténèbre ce qui suppose une ambivalence dans la lutte et le maintient d’un statut-quo comme dans le pavé qui doit être regardé, faut il le rappeler dans sa globalité, et non pas dans une alternative de choix entre le noir et le blanc. (Ce point d’opposition apparent a confiné les manichéens dans l’impasse appelée gnosticisme. C’est une affaire de hauteur point de vue, comme il est question du plan, inférieur ou supérieur dans lequel on situe l’observateur).

 

La parole est donc associée au temps des cycles (propre aussi aux maçons opératifs et à leurs règles de vie et de travail sur la voie de la matière) de la Genèse par le phénomène de la différenciation binaire (Le ciel, la terre, le jour, la nuit, la mer, les montagnes, les espèces l’homme et la femme,  jusqu'à l’apocalypse, etc.). Le Verbe reste immuablement hors du temps profane soit dans le temps sacré qui, sur le plan humain se traduit avec point de départ marqué symboliquement du « 1 » chronologique et du « Un » source métaphysique et qui marque par l’infini ou l’indéfini son absence de limite (en découle l’expression « Un le Tout »). Le temps cyclique des hommes n’est qu’une traduction en parole minorée de l’intemporalité du Verbe sacré.

(…)

 

E.°.R.°.

 

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 22:38
Tableau-maitre.JPGL’Éveil du maître

Ou le réveil ou relèvement du Maître intérieur

 

Il ne suffit pas de constater la mort d’Hiram, et d’envisager sa fidélité aux engagements et aux principes qui ont animé sa vie pour justifier ce sacrifice.

Il ne suffit pas de tenter d’expliquer au plan social la nécessité de pourchasser les mauvais compagnons sous couvert d’une justice qui n’est que vengeance, pour fonder la transmission.

Dans ce cas, notre vision reste voilée.

Affirmer que l’on ne peut rentrer dans un système initiatique par effraction et qu’il faut être choisi en fonction des progrès qui sont les nôtres est un bon principe, mais ne peut justifier la mort d’Hiram.

Quelle est la nature profonde du message de cette légende aux multiples facettes ? Quelle transmission initiatique peut justifier ce sacrifice ?

Ce n’est pas la notion de fidélité aux principes traditionnels du métier, ni la vengeance qui va permettre de faire du maître un homme véritable. La dimension morale et sociétale a certainement son importance, car elle est censée garantir la qualité et la rigueur dans la transmission du message maçonnique, mais elle n’est pas le message lui-même. Il ne faut pas confondre la fin et les moyens. Un système initiatique comme la franc-maçonnerie ne peut pas se contenter d’un prêchi-prêcha humaniste et moraliste pour fonder l’entrée du franc-maçon dans les grands mystères.

 

La légende d’Hiram est l’histoire de l’assassinat sacrificiel du chef de la voie initiatique artisanale, reposant sur le travail de la matière.

Si le relèvement du maître ne se traduit pas comme nous le savons par la transmigration de l’âme d’Hiram dans le corps du nouveau compagnon, c’est que l’on doit rechercher une autre dimension dans le relèvement symbolique du corps du compagnon devenu maître. Cette dimension est donc de nature intérieure et non physique.

 

Dans l’idée de la transmission il y a deux facettes, celle du témoin matériel transmis de mains en mains appelé savoir-faire, ou le témoignage d’un savoir ou d’un secret transmis de la bouche de celui qui sait prononcer à oreille de celui qui est capable d’entendre.

Au-delà de cet aspect physique et verbal de la transmission, il y a un aspect spirituel. La transmission en relisant la légende du grade et en étudiant les rituels de maîtrise confirme quatre éléments : comment la mort permet une transmission ? Pourquoi procède-t-on à l’inversion des sens de la marche ? A quoi correspond le survol du corps ? Comment retrouver ce qui est perdu ?

Tout semble indiquer que la solution de l’énigme est globale, unifiée par une seule explication qui réponde à toutes ces observations.

On peut douter d’une solution concrète et matérielle. Il s’agit de trouver Hiram tel qu’il est, dans un état de putréfaction qui semble nous enseigner de manière ultime qu’il faut rechercher ce qui est impérissable et hors d’atteinte pour le temporel et le profane. Salomon consacrera ce message en le faisant enterré dans le Temple même, c’est donc la preuve que Hiram avait la clef de la relation au divin et nous savons que cette clef est plus qu’un nom imprononçable ou un mot, c’est traditionnellement l’esprit qui unit l’homme à Dieu.

Que reste-t-il d’Hiram dont la chair quitte les os, rien ou presque. Il ne sera bientôt plus que poussière des temps premiers et os, reliquaire d’une œuvre au blanc. Ce qui est célébré dans la recherche de son cadavre c’est sa relation au divin et l’accomplissement d’une voie initiatique totalement réalisée jusque dans sa mort. Donc le corps n’est qu’un support remarquable, transportant quelque chose que l’on peut célébrer : L’esprit

C’est donc au niveau spirituel que se situe le secret de la transmission.

Se pose alors la question fondamentale : Peut-on transmettre l’esprit ?

 

Non. L’esprit est une notion bien trop large, trop principielle pour être contenue dans un bagage audible et transmissible. Il ne s’agit donc pas d’une transmission d’une recette avec des ingrédients en juste proportion. Il s’agit plutôt de s’ouvrir à une influence de l’esprit.

En un mot, le compagnon devenu maître doit s’ouvrir pour recevoir l’esprit ou plus précisément l’influence spirituelle. L’influence étant reçue, il peut exalter la parcelle d’esprit qui dort en lui.

 

L’homme ne peut prétendre contenir l’Esprit incommensurable par nature. Tout juste peut- il recevoir une influence de l’esprit.

Il s’agit donc, dans la légende d’Hiram, de la transmission de l’influence spirituelle.

Lorsque l’influence est reçue par l’initié, elle se focalise en son centre à partir duquel elle rayonne. Le centre particulier et relatif de l’homme sur la voie initiatique correspond à ce fameux centre universel qui contient toutes les modalités de l’existence.

Au point de vue métaphysique, il y a superposition et interpénétration des différents mondes et univers. Le centre ontologique qui est le fameux point de départ de l’univers manifesté correspond au centre macrocosmique qui lui-même correspond au centre microcosmique, en correspondance avec le centre de l’homme. La découverte de son propre centre est l’une des taches mystérieuses et gratifiantes de l’initié sur la voie. La connaissance de soi, et le passage progressif du moi au soi fut l’une des taches prioritaires des deux premiers grades. Il faut désormais découvrir ce fameux centre relatif à soi qui va permettre de se mettre en relation avec la totalité du monde manifesté. Cette démarche provoque non pas un oubli de soi, mais replace l’être de chair et de sang que nous sommes dans le grand ensemble qui nous porte. L’interconnexion des centres ou leurs correspondances sont un enjeu véritable qui feront du maître, un initié accompli dans sa quête. Le véhicule, le vecteur ascensionnel qui fera le lien entre les différents centres sera celui de l’esprit.

Ce centre est le réceptacle de la fameuse lumière illuminatrice de la franc-maçonnerie, le centre ouvert à la lumière spirituelle, c’est tout l’être qui s’illumine.

Au plan pratique voir la lumière revient à recevoir au cœur de soi, synonyme de centre, l’influence de l’esprit universel appelé aussi Principe. En dernier ressort, c’est le corps qui transporte tout cela dans l’espace et dans le temps jusqu'à la mort physique. À propos du corps d’Hiram, l’objectif n’est il pas de le ramener au centre de la loge qui est aussi le temple de Salomon. N’y a-t-il pas à ce moment concordance des centres micro et macrocosmiques dans la maison de Dieu ?

 

L’objet premier de l’exaltation au grade de maître est principalement d’en faire un homme éveillé, en capacité de voir la lumière, mais surtout de la recevoir. On souhaite réveiller en lui la parcelle de l’esprit qui y réside, que certains appellent la parcelle divine. Cette opération est l’objet même du rituel d’exaltation à la maîtrise, qui opère un retournement du moi restreint vers le soi global. Il y a changement de repère qui est la conséquence même de rituel.

 

Le sommeil de l’esprit se comprend par l’absorption des facultés et des énergies de l’homme à faire face à ses obligations contingentes, à sa survie, à ses pulsions, à ses besoins, à sa part animale, à son angoisse existentielle. La réalité du vivant ne correspond pas toujours à ce que nous percevons, notre regard est préoccupé et pollué par la nécessaire survie et le paraître social.

Submergé par les besoins de son corps et par l’image qu’il veut projeter dans la société, l’homme plonge dans une matérialité qui l’enchaîne. Sa pseudo-libération apparaît comme l’amélioration de ses conditions et conforts d’existence. C’est la version matérielle et philosophiquement éclairée d’une pratique maçonnique qui peu s’exercer ainsi, mais qui donne du progrès de l’homme et de sa perfection une perspective morte, car récurrente dans son matérialisme. Le progrès dans la condition de l’homme n’est pas que social et matériel, il peut être aussi spirituel par un niveau de conscience et d’éveil élevé. Cette spiritualisation de l’initié s’envisage comme une prise de conscience progressive ou subite, insérée dans la vie réelle et non point imaginaire ; c’est ce qu’on appelle la réalisation spirituelle. L’esprit interpénètre la réalité en la relativisant dans une échelle graduelle des mondes.

 

Seul un processus initiatique peut aboutir au réveil de l’esprit au milieu des décombres métalliques et osseux. Le futur maître est rituellement en retournement de situation.

On comprend mieux le sacrifice d’Hiram pour qui la mort n’est pas un problème, car ritualisée[1] par l’usage sacrificiel des outils.

Sa mort ne fait pas disparaître l’esprit qui illumine son centre. Cet esprit retourne d’où il est venu, soit le centre universel. L’intéressé le sait, ce qui explique son détachement de l’aspect formel de la vie bien qu’il soit l’architecte de l’initiation matérielle. Il est arrivé au sommet de l’art royal et par son éveil total, connait le secret qui fait qu’une partie de lui-même survivra à sa mort.

Ce secret intransmissible par nature, car dépendant de son propre éveil est d’abord une vision d’une totalité à laquelle il est assimilé quelque soit son état corporel. Qu’il soit vivant ou mort, représenté par un corps rempli d’énergie animé par son âme, ou en état de putréfaction, il y a longtemps qu’Hiram a pris conscience de son appartenance, et donc de sa destination. Aucun des outils dévoyés de leurs bons usages ne peut atteindre l’esprit. L’esprit est donc hors de portée de la matérialité et des outils opératifs qui opèrent le sacrifice[2].

 

L’esprit est impérissable et n’est pas susceptible de possession ou d’appropriation. C’est pour cela que les mots de maître n’ont pas été transmis aux mauvais compagnons, ils n’étaient pas prêts pour l’éveil et Hiram n’avais rien à leur donner qu’ils puissent percevoir ou recevoir. En fait, la prononciation du mot leur était impossible, car ils n’étaient pas aptes à l’entendre, leurs états de conscience étaient insuffisamment avancés ; ils sont restés au stade du moi différencié sans atteindre le soi universaliste.

Le meurtre non plus n’était pas le fait d’une rencontre malheureuse. Leur présence à cet apparent guet-apens permet le passage d’Hiram par la porte étroite, celle qui donne accès à l’esprit principe.

Ce qui est transmis, c’est la découverte en soi du réveil possible d’un récepteur de l’esprit. Encore faut-il être prêt. L’activation de cette lumière dans le corps de l’homme n’est pas le fait d’une transmission matérielle, mais d’une ouverture de soi.

Il ne s’agit pas d’obéir à un mot d’ordre (précédemment perdu), car il n’y a pas de dogme à suivre en franc-maçonnerie.

L’effort vient de soi et consiste à une mise en relation entre l’être et le tout. Ceci se traduit par une conscience totale de soi.

Ce tout fait problème pour un Occidental qui a pour habitude de penser à lui pour lui et par lui. Cette pensée concentrée est orientée par la dynamique des forces qui animent le corps ou la pensée productive. Il conçoit difficilement son appartenance à un grand ensemble dans lequel il n’est rien et tout à la fois. Cette image est insoluble dans une pensée cartésienne ou humaniste, elle prend sa valeur dans le vaste ensemble principiel et métaphysique qui outrepasse nos raisonnements. Ce lien entre le tout est le rien revient à disséquer l’homme dans sa constitution traditionnelle.

 

Le corps, l’âme et l’esprit ainsi égrènent la tripartition traditionnelle de l’homme.

Le corps est vivant, ce n’est pas un amas de chair sans forme.  C’est une structure à la fois matérielle et vivante. C’est avant tout une masse de substance qui plutôt que d’être une masse informe provenant du monde minéral auquel il retournera par le jeu de la décomposition, s’est structurée sous l’influence d’énergie dont la fonction première est de lutter pour que ce corps ne redevienne poussière. C’est cet ensemble de forces énergétiques qui confère au corps son organisation et sa vie.

Cette énergie anime les cellules et rend un corps vivant, dressé sur terre en lutte permanente contre la pesanteur. C’est cette même énergie du vivant qui dresse et fait croître les végétaux en direction du soleil.

Ce qui différencie la plante de l’animal et de l’homme c’est le niveau de conscience. Cette conscience recoupe les sentiments, les désirs et les instincts. C’est aussi ce qu’on appelle traditionnellement l’âme. C’est le souffle intérieur qui fait l’homme animé. Cette âme–souffle reste attachée à l’individu, et suggère en la reflétant une dimension supérieure. Elle prépare le chemin qui va du moi vers le soi. C’est la conscience de l’âme qui ouvre le chemin du questionnement.

L’âme va préparer l’attente de l’esprit dont elle n’est qu’un reflet relatif. Le corps de l’homme se déplace et exprime ses sentiments en fonction de ses expériences et de ses instincts. Son niveau de conscience est confronté au milieu extérieur souvent hostile avec lequel il doit composer, mais il est aussi confronté à lui-même. Face à lui-même, il peut dessiner ses propres contours.

Au-delà de ces contours, domine l’esprit qui bien que concevable par l’homme ne se limite pas à lui en temps que moi différencié. L’esprit n’est pas la production du cerveau de l’homme, ni de sa condition. Si le cerveau n’est que le récepteur de l’influence spirituelle, c’est l’esprit qui élève l’homme au-dessus de sa condition animale et de la nécessité. L'esprit autorise les aspirations et la volonté créatrice. Il donne la dimension individuelle à l’homme en le différenciant de son voisin, tout le reliant à une dimension véritablement supérieure à sa condition, probablement de nature divine.

Éveiller le maître rituellement c’est réveiller cette aptitude à se relier à l’esprit. C’est donc réveiller la parcelle divine qui est en lui et qui permet cette vision.

La légende d’Hiram peut s’interpréter et s’expliquer de multiples façons à plusieurs niveaux, mais il nous semble qu’elle met en avant une continuité de la vie après la mort.

 

Nous sommes bien ici dans la résolution de la problématique de l’angoisse existentielle dont la seule véritable obsession est la mort. Cette obsession masque le vrai sens de la légende d’Hiram qui en vérité organise la prise de conscience de l’impérissabilité de l’esprit. Ce dernier tel une lumière venue d’un centre ontologique, vient inonder notre être. C’est ainsi que le retournement et le relèvement produit ses fruits : le corps devient lumière et vision totale, car relié aux dimensions supérieures.

L’initiation maçonnique donne des outils subtils pour faire face à cet ultime passage. L’esprit est impérissable, il nous vient d’en haut et nous habite jusqu'à notre mort ou il rejoint son point de départ qui n’est autre que ce fameux centre des centres. Quelque part son atemporalité nous donne une perspective d’immortalité pour d’une part profonde de nous qui est aussi la plus précieuse.

La rituellie maçonnique marque cette ouverture du corps pour recevoir l’esprit lorsque le VM à l’aide de son épée flamboyante ouvre la fontanelle du crâne du nouveau maître. Cette ouverture permet d’activer les récepteurs sommeillant à une lumière venue d’en haut. Tout ceci est symbolique, mais pas inopérant. L’épée flamboyante n’est autre que l’expression du rayon de lumière provenant de ce centre. La fontanelle un chakra bien connu, et le retournement succède à l’entrée rituelique en marche arrière. L’établissement du tableau de loge au non de ce principe du retournement voudrait que la tête d’Hiram soit à l’Ouest et les pieds à l’Est. Bref tout doit être rituellement fait pour que la signification haute du rituel soit cohérente pour faire entrer la lumière et révéler l’esprit.

 

L’esprit comme Dieu d’ailleurs, n’existe dans la perception de l’homme que si ce dernier l’accepte. C’est ici que se situe la limite de la transmission : la volonté de recevoir et de concevoir.

C’est pour cette raison que dans les rituels maçonniques on demande à chaque fois si le candidat à un passage de grade veut connaître et recevoir les mystères du grade suivant.

Cette volonté réceptive dans la démarche est une condition préalable pour concevoir la dimension spirituelle, seule dimension qui rende l’homme libre à lui-même et à ses conditionnements sans l’assujettir à un dogme.

E.°.R.°.

 

 



[1] Instrumentalisée de manière contre-initiatique par le mauvais usage des outils ?

[2] Seule la planche à tracer serait apte à démontrer la toute-puissance du rayonnement de l’esprit par son principe. C’est la géométrie sacrée déjà connue du compagnon qui permet d’établir la puissance ontologique de l’esprit par le point initial et son rayonnement (rayon) puis le cercle tracé (manifestation). La duplication du point original par lui-même donnera un deuxième cercle. À partir de ces deux figures reliées on établira naturellement toutes les figures qui seront l’expression du nombre d’Or et de Pi, soit les deux nombres considérés comme sacrés, car d’origine non humaine.

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16 novembre 2012 5 16 /11 /novembre /2012 22:24

Voir au-delà.

Problème de la représentation symbolique et ses limites.

 

 

 

L’accès à la connaissance passe par la pensée associée à la représentation d’une part et  l’intuition d’autre part.

Il y aurait donc une pensée représentative et une pensée intuitive.

Il existe deux types de représentation : le système graphique figuratif ou abstrait, et le système conceptuel. Les deux se complètent, mais le système graphique est anthropométrique, susceptible de dégrader l’imagerie mentale en lui donnant un visage simplificateur et réducteur à l’échelle de l’homme.

L’interdiction de la représentation d’Allah trouve son fondement dans cet effet réducteur. Cette interdiction pour nous autres occidentaux nous parait incongrue voir attentatoire à notre liberté d’expression. A un certain niveau, l’imagerie du système graphique est dénaturante. Nous avons tous en mémoire l’image exotérique et anthropomorphique d’un « dieu le père » sous les traits d’un grand sage, barbe et cheveux blancs trônant dans les nuages. Cette représentation limite la nature même du divin. L’image dégradée est donc un outil exotérique pour parler au plus grand nombre, à ceux qui n’ont pas les clefs de la représentation numineuse.

Mais nous savons depuis René Guénon qu’il ne peut y avoir contradiction entre l’exotérisme et l’ésotérisme, mais simplement une différence de profondeur de champ.

En franc-maçonnerie, il n’y a pas de représentation physique de Dieu, de même que son nom est imprononçable dans certaines religions.

Hiram lui-même n’est pas officiellement représenté sur un quelconque diagramme ou tableau de loge. Si représentation il y a, elle est le fait d’illustrateurs et d’éditeurs non maçons. La force du système maçonnique est d’avoir substitué à l’image anthropomorphique, les outils par lesquels le GADLU exerce son pouvoir, l’équerre et le compas. De plus le terme de Grand Architecte de l’Univers se substitue à celui de Dieu dans un niveau qui ne correspond pas pour autant au démiurge d’un sous-monde. On imagine un grand artisan de l’Univers qui par le compas et la règle, manifeste un univers à partir d’un point central insécable et ontologique.

En regard du GADLU nous avons une délégation de 3 personnages qui construisent la maison de Dieu. C’est en réalité une représentation du divin par délégation. Hiram Abi n’est pas seul, il y a Salomon détenteur des plans du roi David et Hiram de Tyr pour la fourniture de la matière première. La représentation anthropographique reposerait sur un système trinitaire. La franc-maçonnerie résolue alors de se baser sur l’axe géométrique de la représentation trinitaire soit un triangle de perfection. Cette perfection trinitaire repose sur les trois fonctions traditionnelles : sacerdotale par Salomon, royale par Hiram de Tyr et artisanale par Hiram Abif.

Le temple de Salomon qu’ils sont censé construire est une représentation en réduction du monde manifesté où rien ne manque. Microcosme et macrocosme sont mis en scène, ainsi que la loi des cycles.

Nous pouvons donc affirmer que la franc-maçonnerie à trouvé une manière architecturale de représenter la manifestation du divin. Cependant le divin dans son essence ne peut être représenté.

La non représentation du divin va se retrouver chez ses délégataires. Le tableau de loge du troisième degré représente un cercueil voilé, ou plus exactement une fosse au fond de laquelle se trouve le cercueil voilé. Ce voile marque la distance entre le concept et l’impossibilité de représentation graphique du visage de celui qui interprète le « rédempteur » pour la classe des ouvriers. On laisse imaginer, en le cachant, ce qui ne peut être dessiné soit la présence de l’esprit  libéré de l’emprise du corps.

Le dévoilement en franc-maçonnerie se substitue à la révélation de la religion. Il faut produire un effort conceptuel personnel et non pas s’assoir sur une vérité révélée uniforme et monolithique : il n’y a pas un visage ni un corps à dévoiler autre que le sien propre sous son aspect atemporel détaché de la vie. Il s’agit donc d’esprit plus que de corps. Il y a aliénation de la forme.

 

Comment représenter le concept de l’esprit dans une relation à Dieu ?

Dieu ne peut être suggéré qu’au niveau de sa relation avec l’homme et la manifestation.

 

Chaque maçon taille sa propre pierre dans un but à la fois de construction individuelle et collective. La vérité est donc en soi, elle peut être « réveillée » par la rencontre de l’autre, ou dans un cheminement initiatique. La légende d’Hiram vers 1730-1740 subit certains additifs théâtraux qui sont venus polluer la pureté originelle du concept du sacrifice utile. Ainsi on illustrait la relation au sacré, en le rendant plus trivial et plus concret. La représentation se faisait par une mise en scène, une épotie, qui en principe ne devrait pas dépasser la percussion des outils sur le corps de Hiram. Cette triple percussion mortelle, dévoyant le bon usage des outils, contribuait suffisamment à la transmission légendaire et au devoir de mémoire.

Le relèvement physique n’était pas indispensable et troubla le sens profond de ce rite. A l’origine il s’agissait simplement du relèvement du maître intérieur, et non pas d’un relèvement « physique ». Par « adaptation », les cinq points parfaits du compagnon devinrent les cinq points parfaits de la maitrise et du relèvement « physique ».  Hiram peut se traduire comme « celui qui se relève vivant », ou du moins celui qui relève de l’ombre, sa part profonde et intérieure. Le maître devient celui qui est né deux fois, par le corps et  par l’esprit.

Pour cet effet, il est aussi inutile d’introduire la vengeance « physique » dans certains rites. On a ainsi éludé l’image sacrée du lien sacrificiel à Dieu pour y substituer l’homme vengeur et sentencieux dans son microcosme. On n’a pas vu l’essence de l’acte sacrificiel qui relie au Tout, on a préféré un prêchi prêcha moralisateur et social. Par la vengeance et la soi-disant justice des hommes, certains rites sont passés à coté du vrai sens du sacrifice utile de Hiram. C’est bien là toute la difficulté de la représentation et de compréhension du lien avec le divin.

 

La franc-maçonnerie dans sa tradition représentative est restée fidèle à l’initiation de métier qui repose sur des objets avant de reposer sur des maximes ou des mots d’ordre.

Les deux premiers degrés sont du domaine des petits mystères et du monde des formes. C’est à ce titre que l’on s’appuie sur un système concret pour tenter de circonscrire la manifestation dans ce qu’elle à de plus élémentaire, en faisant toutefois un pont avec l’au-delà par le truchement du langage symbolique universel. Ainsi on passe d’un état grossier de forme (la pierre brute) à un état subtil de forme (la pierre cubique à pointe). Ces deux extrémités de la représentation formelle traduisent la réalisation descendante du maçon et sont reliés au Principe supérieur (étoile)  par un fil guide (fil à plomb). 

La planche à tracer du maître nous démontre l’intérêt de se poser la question de la représentation qui veut dire « rendre présent ». Il s’agit avec cette planche à tracer de rendre présent le Principe au milieu de la représentation formelle. Cette présence est rendue soit physiquement par le trait en projection sur la planche (mode opératif) à l’aide de la règle et du compas, soit mentalement par projection à l’intérieur de soi (mode spéculatif). Quoi qu'il en soit c’est toujours l’esprit qui guide le tracé.

La forme représentée doit suggérer l’informel comme dans une sorte de progression ontologique qui, par le Principe et sa perception doit donner la vision d’un Tout. C’est le secret de l’initiation dans ses degrés successifs. L’intuition permet l’accès à la connaissance en sautant par dessus les barrières de la subjectivité et de l’objectivité. L’intuition peut s’appuyer sur la représentation pour « ressentir » une vision de mondes successifs et hiérarchisés qui forment un tout, mais elle peut aussi s’en passer. Ces images, lorsqu’elles existent sont hautement élaborées et ont des répercutions dans un imaginaire particulier qui théâtralise les archétypes, les mythes et les symboles.

Cette théâtralisation de l’imaginaire se retrouve dans différents supports tels les tarots, les signes zodiacaux, les runes, les hiéroglyphes, les symboles alchimiques, les constellations et leurs positionnements, les mots et les chiffres, les signatures des anges etc. sans oublier les outils opératifs !

Ce sont des signes qui s’interprètent dans le grand imaginaire. Ce grand imaginaire agit sur le raisonnement et le ressenti de celui qui les observent.

Ainsi la légende d’Hiram appelle une dématérialisation de la relation au divin que l’on conçoit dans notre imagination sous un aspect idéal, sans forme bien définie.

 

La méthode maçonnique repose sur la tradition des mythes et l’interprétation des symboles. Nous connaissons leur efficacité dans la représentation mentale de l’individu et sur la relation existant entre le signifiant et le signifié, notamment dans les deux premiers degrés.

Le signifiant devient le prononcé du mot ou de la phrase qui évoque ou qui décrit ici le motif graphique. Le signifié étant la représentation mentale du concept, c’est à dire sa projection intime. Cette représentation est à la base un symbolisme personnel à l’individu, à l’auditeur ou au spectateur dans une tenue maçonnique. Chaque franc-maçon connait par « le cœur » la verbalisation unifiée de l’outil. La nature même des individus fait que le ressenti de chacun est différent, mais la signification doit rester constante, car universelle et archétypale. La franc-maçonnerie ne crée pas l’uniformité de représentation mentale, mais offre une base commune archétypale à l’interprétation symbolique. La nature de la projection intime est fonction de sensibilité de chacun. Les symboles interagissent entre eux produisant une infinité de variantes interprétatives intimes au-delà des individus même.

Ce que nous décrivons ici, c’est la diversité des imageries intimes produites par une même représentation graphique. Cela ne veut pas dire qu’il y a autant de significations à un symbole représenté graphiquement, que d’individus aptes à l’interpréter. Un symbole appelle une explication, mais peut se projeter intimement de multiples façons. Le signifié peut varier en tant qu’image intime, pas la signification qui est, par sa nature archétypale, universelle.

 

Dans l’effort de représentation que fait le franc-maçon, il doit prendre en compte ce qu’on lui présente et accepter l’idée d’une puissance d’évocation bien supérieure aux lieux communs qui caractérisent les objets, meubles, bijoux, tableau de loge,  rythme des phrases et répétitions qu’on lui propose.

On voit bien que l’intention de développer les facultés cognitives et conceptuelles dans les rituels maçonniques contribue à définir cette fameuse lumière initiatique du premier jour de réception, mais aussi à mettre en relief cette lumière illuminatrice de l’esprit en relation directe non pas avec le savoir, mais avec la connaissance.

Le terme représentation convoque d’autres termes pour tenter d’en définir la puissance évocatrice : mot, signifiant, signifié, symboles, concept, objet, rituel, rythme et toujours la lumière.

L’idée de base est de rendre effective la présence lumineuse et vibratoire de l’objet ou du concept invoqué. Il y a généralement une mise en scène, une théâtralité de l’explication et de la présentation de l’objet. C’est le cas notamment dans la présentation des trois grandes lumières. Dans la présentation des grandes lumières, il y a une différence notoire entre les rituels qui en font une présentation réellement visuelle au futur apprenti et ceux qui lui laissent prêter serment sur les trois grandes lumières les yeux encore bandés. Dans le dernier cas, plus achevé, inutile de voir pour ressentir et se représenter quelque chose au plan mental que l’on n’a jamais vu concrètement. C’est ici une manière de développer en soi la vision.

Mais s’il est utile de voir pour manier l’outil, il est indispensable de ressentir pour conceptualiser. La lumière n’existe que s’il existe un homme pour la regarder et la conceptualiser. De même, Dieu n’existe que si on le conçoit et on le cherche. Toutefois, il faut une volonté de cherchant pour mettre en marche cette progression sur la voie. C’est le sens de l’engagement maçonnique par sa nature volontaire et qui reste lié quoiqu’il arrive à la lumière de l’esprit qui permet de voir au delà.

C’est ici l’illustration parfaite de l’excellence de l’approche maçonnique de la représentation (sans parler de l’intuition où elle développe des performances analogues).

On peut considérer que la vision d’une chose se dépasse par l’action volontaire d’autres sens que la vue : ici le toucher de la main posée sur la bible, le compas et l’équerre. L’oblitération des sens d’une épreuve initiatique, développe d’autres sens endormis qui font appel au sens primitif de la représentation mentale, celui-là même qui il y a plusieurs milliers d’années à fait naître le sixième sens, celui du sacré et du divin.

La représentation rend présents la chose ou le concept. C'est-à-dire que la chose et le concept agissent parfois ensemble dans l’esprit du penseur volontaire. Alors, le milieu collectif d’une loge maçonnique tout entière volontairement consacrée à la représentation symbolique dans les trois premiers degrés, convoque la présence effective par exemple d’Hiram ou de la matière, ou de l’esprit. L’aboutissement réussi d’une telle convocation représentative de groupe, génère l’égrégore. L’égrégore n’est rien d’autre qu’une mise en harmonie rythmique des représentations imagées dans le cadre collectif d’une communauté de pensée initiatique et des influences spirituelles.

L’imagerie intime est perçue par tous, d’une manière différente peut être, mais avec la même signification. C’est un moment de partage qui dépasse l’aspect corporel pour atteindre l’âme, soit un niveau supérieur de conscience. Les occasions sont rares dans la vie profane de saisir, ne serait-ce qu’un instant, les vibrations de l’âme (ici représentées par les trois secousses). C’est ce que produit la franc-maçonnerie de plus fort, n’en déplaise aux plus rationalistes.

 

Ainsi, la représentation symbolique demande au franc maçon un cheminement intellectuel et sensitif, un engagement verbalisé par serment, une pensée « orientée », car elle chemine vers la lumière venant de l’Orient. Cette lumière symbolique peut être qualifiée de principielle et axiale, elle illumine d’autres paysages. La découverte du symbolisme implique d’aller chercher ses reférences non pas dans le savoir livresque, mais dans l’intuition et la connaissance.

Nous avons vu l’intelligence du cœur agir au surplus de l’activité discursive et cérébrale, et nous avons appris que la pensée raisonnante s’associe fort bien à l’intuition, à l’inspiration et au ressenti pour constituer la voie vers la connaissance.

La représentation unifie, dans un même temps et dans une même image de haute construction, la pensée réflexive et l’intuition.

 

Nous avons compris que la représentation ne rendait pas la présence de l’objet indispensable. Son évocation ou son dessin suffit, son manque physique dynamise les sens. C’est encore l’oblitération qui excite la pensée à un niveau non matérialiste. Ceci explique que certains rites maçonniques, en fonction de leur niveau de représentation recherché, n’avaient pas besoin de la présence effective de l’objet. Son absence physique et corrélativement son évocation par son nom suffisait pour concentrer le plus haut niveau de pensée chez le franc-maçon sans qu’il soit perturbé ou dissipé dans son effort par la manipulation maladroite d’un outil ou d’un instrument opératif. Ainsi le REP, à la différence du REAA, dispense le compagnon dans ses cinq voyages du transport d’outils qui figurent déjà sur le tableau de loge.

L’absence du signifiant au plan physique et c’est un paradoxe qui ne peut nous étonner, renforce le signifié dans sa puissance. C’est ici le même principe que l’oblitération des sens tels que la vue qui au moment de l’initiation développe d’autres facultés oubliées qui sont sensibles et/ou intuitives, ou encore le silence de l’apprenti qui l’oblige à l’effort de la pensée réceptive et à la représentation imagée dans l’intime. Cette aptitude sera particulièrement sollicitée au grade de maître, notamment au plan spirituel.

La représentation et c’est peut être le point le plus important favorise le phénomène substitutif.

Il en est ainsi de la problématique des mots sacrés et du fait d’épeler par lettres successives ou par syllabes, problème que nous avons déjà abordé sous une autre forme. La lettre absente ou attendue est reconnue préalablement par la force de son absence. La puissance de l’absence est totale. Quant à la lettre tracée, son caractère même est un élément appartenant à la sacralité, soit le plus haut niveau de représentation.

La parole perdue et sa recherche puis sa substitution reposent sur l’absence par la perte. La perte joue le même rôle que le sacrifice d’Hiram. Perte et sacrifice sont synonymes et orientent la pensée vers une plus grande lisibilité de la relation à Dieu pour certain ou une fidélité au devoir pour d’autres. On peut dire que Hiram comme le Christ, par le sacrifice de leurs corps devient objet-outil de la relation de fidélité de l’homme avec Dieu. Suivre l’exemple d’Hiram ou du Christ, c’est suivre la voie ascendante. Le sacrifice devient utile, puis idéal à mesure que la représentation de celui-ci nous sépare de notre animalité. L’animal ne sait pas prononcer les mots il ne peut connaître la parole.

La parole substituée, ou les lettres épelées sont censées représenter « l’absent », avec il est vrai une perte irréparable dans son authenticité directe, mais toutefois compensée par l’intuition conjuguée à la pensée. Le mot n’est plus servi par le corps, il faut aller le chercher très loin et très haut. C’est le même procédé qui faisait l’authenticité archaïque du REP dans les cinq voyages du compagnon face à d’autres rites postérieurs  plus syncrétiques et redondants.

Plus la représentation est épurée des syncrétismes matériels, plus elle se met en rapport avec l’essence, et l’idéal. Si elle se charge en redondance, elle devient sous représentative d’une idée métaphysique, elle se cantonne au réel et s’identifie strictement à l’objet.

Entre idéalisme et réalisme, notre pensée voyage.

En taillant la pierre, on devient la pierre elle-même. La pensée s’identifie à l’objet lui-même et essaie d’en faire œuvre de perfection. Cet aspect opératif est enseigné lors de l’initiation lorsque le premier travail de l’apprenti consiste à connaître la pierre par trois coups de maillet sur le ciseau. À ce stade nous sommes dans une représentation « réaliste » par l’objet. C'est-à-dire que l’objet est reçu comme tel par le tailleur. Il n’est pas faux de dire que la franc-maçonnerie spéculative, pour ses deux premiers grades, s’appuie indiscutablement sur la base réaliste des opératifs maniant les outils et façonnant la matière. Pour éviter tout écart, la définition du bon usage de l’outil nous remet dans le droit chemin.

À cette phase réelle succède la phase idéale. Cette pierre taillée est mentalement représentée comme œuvre sur soi même. Cette pierre virtuelle devient pierre d’angle, clef de voûte, temple idéal. Le compas devient le ciel et l’esprit. Il nous détache de notre animalité.

Les rites maçonniques ont admis ce décollage de la réalité avec la perfection « idéale » de la pierre cubique à pointe, et la quasi-disparition des outils dans les grades supérieurs. La perfection dans le réel (la matière) aboutie à un idéal (concept paysagé). L’objet limitateur, réaliste et contingent de notre pensée fait place à l’esprit qui domine la matière. Donc ce n’est plus l’objet qui prévaut et qui façonne la pensée, mais l’objet parfait qui devient produit d’une pensée idéale.

C’est l’individu, le maître en l’occurrence, qui par son esprit façonne la représentation par la planche à tracer et donc l’usage de l’outil, qui à son tour va façonner la réalité. Il y a donc bien un aller-retour entre réalisme des deux premiers degrés et idéalisme du troisième. C’est d’ailleurs un des sens portés par l’indissociable superposition-entrelacement du compas et de l’équerre.

La représentation est en franc-maçonnerie spéculative, portée par le couple réalisme-idéal. Se pose alors le problème de la justesse de la représentation graphique du symbole, mais aussi de son détournement et de son inversion voir son imitation. C’est le danger de la surreprésentation graphique qui prétend par-ci par-là rajouter telle ou telle forme ou détail pour soi-disant compléter un symbole. C’est une chose que nous avons vue particulièrement au début du XXème siècle avec différents mouvements qui redessinaient les symboles comme on charge une mule. Seul le profane s’émerveille devant ces graphismes, l’initié s’en éloigne. Il peut y avoir ressemblance par imitation, mais le hiéroglyphe est alors inerte en représentation symbolique.

Ces symboles surchargés sont alors idolâtres. Ils ne sont représentants que d’eux-mêmes et n’évoquent plus l’essence métaphysique de la grande tradition.

C’est donc par la représentation que notre pensée peut s’exercer. Pour que notre pensée soit dans une vérité totale encore faut-il que notre représentation ne soit pas faussée. D’où l’intérêt de travailler dans le milieu collectif et initiatique d’une loge qui permet d’éviter les errements, les syncrétismes, les innovations et les oublis. 

 

Pour conclure, en dehors de l’intuition, la pensée représentative sur le mode de la dictature partagée de l’objet puis du sujet, permet l’accès à la connaissance graduelle. Par ce système graphique, le symbolisme et les mythes vont trouver et illustrer leurs significations hautes. Mais le système représentatif graphique trouve ses limites. Il faut le dépasser, dans un premier temps en se « réalisant » c'est-à-dire en devenant la matière même et en s’identifiant à la pierre, puis en la dépassant, en survolant toutes les représentations graphiques et symboliques dans notre marche vers la lumière. C’est un des nombreux sens des pas du Maître qui survole la représentation graphique du tableau de loge. Le survol devient alors représentatif comme tous les gestes rituels en matière initiatique. Le geste rituel à l’avantage de confondre le signifiant et le signifié rend l’idée « personnifiée », (et non pas corporifiée sans quoi le relèvement du maître serait une métempsychose par migration de l’âme Hiram dans le corps du nouveau maître) le geste rituel grandi le soi.

 

Ainsi le corps du maçon se fait représentation symbolique  liant  l’idée et sa traduction corporelle. Le corps prend le relais du dessin ou du tracé. Les trois stades de la gestuelle maçonnique arrivent au terme d’une descente en soi calculée et progressive qui, au premier degré, sectionne la tête du reste du corps pris dans un marécage d’ombres, puis au second découvre le cœur, le troisième sépare la partie haute noble de la partie basse vile et animale, par le nombril et libère ainsi l’esprit de la matière.

La gestuelle horizontale assoit l’idée de la chrysalide qui renaît à la lumière dans une forme plus achevée en sortant progressivement de sa vieille peau. Désormais les futurs gestes des degrés supérieurs devront indiquer la verticalité de la lumière.

 

La représentation symbolique est toujours plus qu’une image. Elle évoque plus que le langage, surtout lorsqu’elle coïncide ou entre en résonance avec les archétypes de la pensée. Ainsi la représentation symbolique trouve sa deuxième définition : mise en lumière d’un concept déjà connu de notre subconscient pour certains ou de notre supraconscience pour d’autres.

C’est l’aspect inné de l’idée conceptuelle archaïque qui à fait éclore le sacré dans la conscience humaine y il a 10 000 ans. Le devoir de mémoire est venu renforcer et légitimer le mythe.

C’est à ce moment précis qu’il est indispensable que les schémas interprétatifs associés à la représentation soient relayés par le canal de l’intuition. L’objectif est d’aboutir à cette sensation d’un tout immémorial.

Au stade ultime de la projection symbolique dans le grand imaginaire, peut-on encore s’engager dans une description ?

Je crois que c’est impossible. Les lettres sont perdues ainsi que la parole… Le sommet de la représentation symbolique est l’absence d’image. Soit une idée pure et totale au même titre que l’absence de mot pour l’imprononçable nom du divin ou au niveau maçonnique, le mythe de la parole perdue. Tout ceci conduit à la métamorphose du regard dont l’aspect ultime consiste à voir l’invisible. Concevoir l’invisible c’est faire lien entre ésotérismes et sacré ontologique et cosmogonique. Cette image ne sera mentalement parfaite qu’autant qu’elle sera non représentable.

 

J’espère par ce qui précède avoir éclairé ce niveau ultime de la représentation qui se caractérise par l’absence ou le silence. C’est une grande constante en matière initiatique. La présence au monde comme au Tout ne peut être décrite ni tracée. Ne sont décrits et tracés que les outils et instruments qui servent à bâtir graduellement notre temple intérieur. Le temple intérieur ne peut être représenté, pas plus que ce que l’on contemple au sommet de l’échelle.

La représentation par l’absence est le « support » de la partie supérieure de l’expérience maçonnique qu’on appelle aussi le secret des francs-maçons.

 

 

Sur le problème de la représentation et de la nomination et du silence, nous avons choisi l’hymne de Saint Grégoire de Nazianze.

 

Le lecteur fera l’abstraction du ton de la prière pour en ressortir uniquement l’inconnaissable description.

0 Toi l'au-delà de tout
n'est-ce pas là tout ce qu'on peut chanter de Toi ?
Quelle hymne Te dira, quel langage
Aucun mot ne t'exprime.

À quoi l'esprit s'attachera-t-il
Tu dépasses toute intelligence.
Seul, Tu es indicible,
car tout ce qui se dit est sorti de Toi.
Seul, Tu es inconnaissable,
car tout ce qui se pense est sorti de Toi.

(…)

Tout être
qui pense ton univers fait monter un hymne de silence.
Tout ce qui demeure, demeure par Toi;
par Toi subsiste l'universel mouvement.

De tous les êtres Tu es la fin;
Tu es tout être, et Tu n'en es aucun.
Tu n'es pas un seul être, Tu n'es pas leur ensemble;
Tu as tous les noms, et comment Te nommerai-je,
Toi le seul qu'on ne peut nommer ?
(…)
0 Toi, l'au-delà de tout
n'est-ce pas tout ce qu’on peut dire de Toi

 

 

 E.°.R.°.

 

Chap.°. La Lumière de Saint André

 

 

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 22:08
imagesCAG2EDQ0.jpgBases de l’engagement maçonnique à l’attention des apprentis. 

 

Tout homme en vient tôt ou tard à se poser la question du sens de son existence.

Le propre du franc-maçon est de tenter d’y répondre avec un certain état d’esprit.

Face aux mystères de la vie, au sens donné à la mort, à la représentation philosophique et scientifique du monde, à l’écoute des mythes fondateurs et de la pensée orientale et occidentale, à la lecture des textes sacrés, c’est tout un univers de représentation mentale qui s’offre à nous. On en vient naturellement à vouloir éclaircir ses propres idées sur les interrogations fondamentales quelle soulève. Naturellement, ces questions fondamentales trouvent un écho dans la politique et le social et pose plus généralement le problème de la place de l’homme dans l’Univers.

Il s’agit là des grandes questions existentielles et ontologiques. L’engagement maçonnique est par nature initiatique et offre non pas une réponse unique à ces grandes questions, mais une méthode pour les approcher.

Sans aborder ici la méthode maçonnique que nous verrons plus loin, nous avons voulu dessiner les soubassements et les ressors de l’engagement maçonnique. Cet engagement repose sur la capacité que nous avons de voir au-delà des apparences. Un effort de synthèse  rend utilisable cette vision dans la construction de soi et du monde.

Nous abordons les thèmes suivants : Le mariage de la tradition et de la modernité, le nombrilisme de l’homme et le culte de l’avoir au détriment de l’être, la trace des mythes dans notre inconscient, les symboles et le sens du caché, l’analogie maçonnique. Le divin et la connaissance, la perte des repères traditionnels et le retour à la sagesse, les conquêtes de la démocratie, l’exemple des bâtisseurs, la vérité et l’idéal maçonnique ….Bref, l’ensemble de ces thématiques sont autant de fondements pour motiver un engagement sur la voie initiatique qui semble la seule à donner la vision globale. Si l’Homme est plus que l’homme, gardons-nous des théories qui pensent l’homme par l’homme et pour l’homme.

 

(…)

Tout historien, ethnologue ou scientifique a suivi un canevas structuré, basé sur la raison et la déduction logique pour tenter de répondre au sens de l’existence. Quelles que soient les avancées de ces disciplines universitaires, il convient à un moment ou à un autre de leur donnant une signification qui dépasse le simple constat scientifique. La science tout en libérant le raisonnement et en découvrant sans cesse de nouvelles frontières est incapable de répondre avec clarté aux aspirations d’un chercheur devenu « cherchant ».

Il est possible d’envisager désormais le progrès scientifique comme un facteur d’aggravation de la barbarie des hommes. Tout un paradoxe donc, qui déboussole l’honnête homme sûr de sa science !

 La montée en puissance de la science à pour corollaire historique l’effondrement des religions. Alors même que la modernité se croyait au sommet d’une montagne, l’homme s’aperçoit qu’il est au bord d’un gouffre existentiel et écologique.

Nous faisons le constat que la raison asservie à la seule rationalité et au positivisme nous installe dans un décor « métallique ».

 

En réalité, de nouveaux repères du positivisme apparaissent comme de nouveaux horizons ou de nouvelles promesses, mais ils sont changeants au fur et à mesure de l’évolution de la connaissance scientifique. En un certain sens, le progrès scientifique organise de lui-même une certaine instabilité. Les sables mouvants de la pensée moderne empêchent de bâtir la moindre cathédrale. Ainsi nos repères traditionnels, comme les mythes et les religions sont oubliés, car leurs interprétations nous paraissent moins séduisantes que la tentation des nouveaux horizons. Pourtant ils constituaient l’expression des archétypes de la pensée qui ont mis plusieurs millénaires à s’imposer comme des vérités à notre intuition. On peut dire que ces archétypes restent bien présents en nous, sédimentés dans les couches basses de notre intellect.

 

L’homme voulut être au centre du tout, oubliant sa faiblesse adamique et ne raisonnant qu’autour de son nouveau nombril.

Nous sommes partis à la conquête d’un nouvel eldorado, les poches vidées des pierres de fondation, l’esprit neuf, mais pauvre. Nous sommes devenus des dieux immatures qui ont jeté leurs livres sacrés dans les autodafés de la raison. Mais l’homme n’échappe pas à ce qui le constitue profondément : le sacré.

Les archétypes de notre pensée nous ont rattrapés. Le souvenir de l’acquis de nos ancêtres, sous une forme floue et à peine lisible, s’impose à nous comme un fleuve souterrain qui sourd dans les tréfonds de notre être. Il nous faut retrouver les clefs de lectures symboliques qui redonneront du sens aux hiéroglyphes, un peu comme le sourcier avec sa baguette retrouve le chemin de l’eau. Les Francs-Maçons, possèdent une des clefs qui nous ouvre les symboles. Cette clef de lecture repose sur l’analogie fondée sur la raison et l’intuition du sacré. Pour relier ces deux colonnes ou ces deux rives de l’intelligence, il faut une voûte ou un pont. Le pont et la voûte ne tiennent que par la clef de voûte. L’analogie est la clef de voûte de la synthèse maçonnique. La clef de voûte est posée de haut en bas, elle est cette fameuse pierre venue du ciel pour unir. Cette clef  ouvre la porte du ciel.

Voilà le constat.

 

Dieu au sens générique n’est pas mort, pas plus que son double maçonnique le Grand Architecte de l’Univers, ou grand horloger des cycles. Sa présence tutélaire s’impose dans un processus d’individuation soumis à la loi des cycles.

Notre liberté de pensée et ses modalités d’expression sont les plus grandes conquêtes de la démocratie. C’est par ce biais, alors même que le sentiment d’appartenance à une religion diminue dans le monde occidental, que nous avons œuvré avec d’autres à cette recherche en dehors de tous dogmes. L’Occident contrairement à une idée fort répandue, n’a pas laissé errer ses "cherchant" uniquement dans la satisfaction matérielle de ses besoins. L’accouchement révolutionnaire du Siècle des lumières, construit une image de l’homme universel, dans une aspiration d’unité microcosmique, avec de belles avancées œcuméniques telles que les Constitutions d’Anderson. Ces Constitutions seront redoublées d’un idéal républicain retraduit dans un signal laïc modéré. La révolution privilégie la fonction raisonnante et rationnelle à l’intuition du cœur comprise au sens de la tradition.

L’individu libéré prend le dessus. La course à l’avoir lui fait perdre la profondeur de l’être et sa mise en perspective macrocosmique. Le mouvement romantique sera une tentative pour renouer avec l’inexplicable et le déraisonnable. À cette nouvelle religion de l’avoir, s’associait le doute irréductible de la fin des temps et de la mort. Cette échéance ultime permit dès la renaissance de préserver une dimension métaphysique et initiatique dissimulée dans quelques chapelles de la connaissance. Lesdites chapelles telles des ruisseaux se jetteront dans le fleuve de la franc-maçonnerie.

 

La perfection dans l’accumulation matérielle et comptable se substitua à la perfection dans la vérité de l’être. C’est le règne de la quantité qui prévalait. Nulle place pour le rêve. Il s’agissait de donner la priorité à l’économie scientifique comme facteur de progrès social. L’individu s’inscrivant dans ce progrès devait trouver une réalisation individuelle. Cette réalisation matérielle et sociale devait rejaillir sur la sphère collective de la société.

Ainsi, c’est l’ensemble sociétal qui devait bénéficier de l’enrichissement individuel. Du moins, l’Occident voulait y croire comme à une nouvelle religion.

Cette belle chimère fut un échec, car la richesse intérieure ne s’achète pas. Seule la spiritualité répond à l’angoisse du dernier passage.

 

Perdant ses repères traditionnels, en se débarrassant de l’emprise du pouvoir spirituel, l’Occident développe l’autonomie de la pensée. Cette nouvelle liberté entraîna un cortège contestable de sectes à caractère mercantile, mais aussi un système cartésien dont le moins qu’on puisse dire est qu’il inversa les polarités de la réalisation individuelle. La réalisation passait par l’individu en dehors du religieux.

Le paysage devient alors incohérent, les grands repères fondateurs se perdent et l’homme erre dans un long couloir ponctué de nombreuses portes. Toutes indiquent une sortie sur la vérité et aucune ne tient ses promesses. Il lui reste le sentiment d’appartenance à une ethnie, à un groupe comme seul repère en dehors de l’argent.

Le retour à la spiritualité ne pouvait se faire que dans la cellule primitive de la transmission de la connaissance : la tribu, sous sa forme modernisée. Cette cellule de base de l’imaginaire transmis restera un refuge pour s’abreuver aux mamelles du chamanisme et du pressentiment. Finalement l’homme n’a de soif que pour la superposition de la réalité au monde imaginé. L’imaginaire qui ne fait appel qu’à la potentialité humaine ne fait rêver personne. L’ouverture sur le divin ou à minima sur la spiritualité semble incontournable. Elle devient un moteur bien plus puissant que la satisfaction temporaire des besoins. C’est la différence entre le désir et le besoin.

 

Le vrai sage en rupture avec l’avoir, n’avait plus voie au chapitre. Les travers de l’individu enrichi se mariaient au goût de la puissance et du pouvoir. Cela nous conduisait tout naturellement aux vices de l’excès d’une minorité conquérante et prédatrice, face à un prolétariat réduit à son animalité première : la survie !  Les castes sociales et traditionnelles furent supplantées par les classes sociales. Désormais, une classe sociale supérieure, née du dieu argent, dominait le reste de la société. L’ancien système traditionnel fondé sur la complémentarité des castes devient obsolète. Son essence philosophique n’était plus apte à répondre aux attentes matérialistes associées au sentiment de liberté.

L’individu s’affirme avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen établie en 1789.

Le libéralisme s’associa à l’individualisme dans l’espérance de jours meilleurs. C’est donc le besoin d’avoir qui justifiait l’émergence de l’être et non pas l’être qui préexistait à toutes autres considérations. L’illusion d’une réussite possible annihilait toutes espérances pour l’être dans sa réalisation profonde. L’homme devait se résoudre à avancer sur un chemin qui n’était pas celui de sa vraisemblance.

La modernité de l’avoir et de l’amélioration de la condition de l’homme, par la réalisation économique, n’a pas su marier les fruits de la raison scientifique à l’intuition de la tradition métaphysique. L’homme moderne s’enticha d’une idole, d’un veau d’or qui ni de près ni de loin correspondait à l’ancienne tradition. C’est ainsi qu’il s’enchaîna lui-même à sa propre cupidité fondée sur l’apparence.

 

Quid de l’antique salut de son âme, ou de sa réalisation spirituelle ?

Cette vieille notion non économique s’était transformée insidieusement en abnégation pour le dieu Argent et réussite sociale. Pouvoir et avoir étaient partis liés.

En Occident, la trame de la chrétienté est la seule qui soit durablement enracinée reprenant le vieux fond encore efficace des mythes et lieux sacrés de l’ancienne tradition. C’est elle qui a forgé la morale et les lois. C’est aussi la religion qui, par ses fondements traditionnels, à donné des valeurs, parfois contraignantes, mais fondées sur l’amour du prochain et donc sur la fraternité.

Ces valeurs morales sont la colonne vertébrale de toutes les sociétés modernes. L’ancien enseignement n’était pas celui de l’argent dont la sonorité métallique était à fuir, bien au contraire. C’était celui de la réalisation de l’être détaché des valeurs matérielles et des pouvoirs. La pauvreté et le détachement étaient un gage de sagesse.

À défaut de pauvreté, le détachement matériel fait du franc-maçon, l’égal ami du riche et du pauvre, pourvu qu’ils soient vertueux. Ainsi le franc-maçon tente conformément à son esprit de synthèse de joindre les deux attitudes distinctes et de les marier. Mais à s’oublier soi-même ne risque-t-on pas d’être asservi à plus puissant que soi ?

C’était le point faible de la tradition. Elle maintenait statu quo social pour le plus grand profit d’une noblesse. Ce point faible, les confréries de métier l’avaient bien remarqué et les tailleurs de pierre furent les premiers à conquérir leur liberté de circulation et d’organisation en maintenant leur héritage traditionnel. Cette organisation au moyen-âge se fit sur deux axes :

-    les confréries ancêtres des syndicats défendaient l’individu,

- les corporations et les loges de chantier gardaient et transmettaient le secret professionnel et du tour de main.

Les 100 cathédrales et basiliques construites démontrent le mariage parfait de l’émancipation de l’homme et la culture de la Tradition.

 

La Tradition se marie avec la modernité, la raison avec l’intelligence du cœur.

D’un couple d’opposés on peut faire naître un troisième terme, supérieur en quantité et en qualité, à la simple addition des deux premiers.

Ce travail de synthèse est la base de la mentalité du franc-maçon. Les opératifs nous ont monté l’exemple à suivre.

Le maçon en taillant sa pierre doit découvrir sa propre intériorité tout en cherchant à avoir une conscience haute dans la compréhension des forces et des signes de la nature auxquelles il est assujetti. Il en résulte la nécessité de marier la force et la sagesse de manière harmonieuse. C’est le jeu des complémentarités, le mariage se fait par le truchement de la méthode analogique qui va chercher les significations au-delà des apparences. La ressemblance et l’apparentement est traité sous un angle anagogique.

Rassembler ce qui est épars est une base de raisonnement du franc-maçon. La diversité des raisonnements et des sensibilités trouve leur synthèse dans l’athanor maçonnique.  

 Ainsi, la place du maçon dans ses devoirs envers la société, sa famille et lui-même, ne l’entraîne pas dans une hérésie sociétale. Bien au contraire, l’idée défendue se résume ainsi : « Il faut changer son regard sur le monde avant de vouloir changer le monde ». Sans être révolutionnaire, il se veut réformateur des iniquités sans rien abandonner de la tradition qui le relie à une totalité. C’est en vertu de cette totalité qu’il sera apte à fonder des raisonnements de circonstance qui valorisent l’Homme dans l’Univers.

Ce travail de synthèse, car c’est un effort tant physique que psychique, doit d’abord changer le regard du maçon et par rayonnement changer la société. Pour changer son regard, il faut faire un pas vers la connaissance qui se distingue du savoir.

 

L’originalité de la franc-maçonnerie est de mettre en place une méthode pédagogique qui repose sur l’interprétation des symboles. Cette capacité à interpréter développe le ressenti de l’être. C’est le premier pas vers la connaissance de soi. Les symboles sont des représentations imagées qui trouvent leurs origines par correspondances analogiques. Ces correspondances font apparaître dans notre esprit un objet, une fonction, une situation, un caractère, invisible à l’esprit rationnel. Sous le voile des symboles, c’est le sens caché qui apparaît, sorti de l’ombre de la rationalité apparente.

Pour résumer, le symbolisme est une expression de l’âme. Il est aussi l’expression d’une réalité totale et racinaire. La profondeur des racines du symbole est sans limites. Elle envahit les soubassements de la réalité apparente. Ce sont ces racines qui sont à l’origine des fruits. Les fruits sont l’être né au monde. Pour comprendre le fruit, il faut imaginer les racines.

Les francs-maçons fondent leur pédagogie sur le symbolisme constructif en référence aux outils traditionnels des tailleurs de pierre, mais aussi sur l’image biblique de la construction et destruction du Temple de Salomon. Cette base ainsi définie est augmentée des apports de l’antique Égypte et de la philosophie grecque pythagoricienne et socratique. Ces bases traditionnelles sont corroborées par toutes les autres traditions quelques en soient les origines.

L’accès au sens caché est aussi l’accès aux mystères de la franc-maçonnerie. C’est aussi le fondement de l’initiation maçonnique. Le franc-maçon est un initié sur la voie de la Tradition, sur le chemin secret intime et personnel de la connaissance de soi. Cette recherche de « l’en dedans » de l’être qui brise l’écorce des apparences est la définition même de l’ésotérisme. Aller au cœur de soi c’est aller au cœur du monde. Le noyau du fruit est comme les racines de l’arbre.

 

C’est le chemin qui importe et non le but à atteindre, car ce dernier est inaccessible par son éloignement. Il doit rester un but plutôt qu’une fin. En réalité, le maçon reste un cherchant permanent, tant et si bien que l’on peut affirmer que l’état de cherchant devient un but, et la connaissance de soi et du monde une fin.

C’est par la métamorphose de son regard qu’il accède à des vérités supérieures. Pour signifier le changement de son regard, il y a un point de départ, un commencement qui est fondateur dans son parcours maçonnique : ce sont les épreuves initiatiques qui aboutissent à la vision de la lumière. Le sens profond des épreuves est de mettre l’homme dans ses sens redécouverts au contact des quatre éléments, en harmonie avec la nature, ce qui présuppose l’harmonie des trois entités constituant l’homme, le corps, l’esprit et l’âme, ou plus simplement le corps, l’esprit et le cœur.

La force harmonisante vient d’en haut comme la lumière et implique un vrai travail sur soi. Cette lumière ésotérique naît de la conjonction du regard extérieur et intérieur.

La force harmonisante ainsi développée va permettre à chacun de faire le lien entre la terre et le ciel, avec l’homme pour trait d’union. Cette médiation axiale de l’homme réunifie la matière et l’esprit en lui, il devient fils de la terre et du ciel, c'est-à-dire « fils de la lumière ». Ce mariage de la matière et de l’esprit est représenté en franc-maçonnerie par la superposition et l’entrelacement de l’équerre et du compas.

C’est enfin le passage du moi au soi, source de sagesse et d’apaisement qui nous resitue dans le vaste ensemble macrocosmique.

C’est ici que se produit la métamorphose du regard. C’est dans cette mise en harmonie que peut commencer le dévoilement des mystères et du sacré.

Le travail sur soi est favorisé par les rituels joués en loges dans un espace clôt et couvert. Les rituels sont des réceptacles de la sagesse maçonnique. Ils agissent par les effets répétitifs redoublés par leurs significations ésotériques. Ils organisent une mise en réceptivité du franc-maçon qui lui permet de s’abstraire de l’espace et du temps profane. C’est une sacralisation de l’espace de la loge où le franc maçon tente de mettre en relation et en harmonie ce qui le constitue et ce qui l’entoure. Le microcosme de l’homme rejoint alors de macrocosme de l’univers  recrée en loge. Il communique alors avec son être profond dans un ordonnancement cosmogonique recréé durant la tenue.

Le mythe est un facteur essentiel à l’initiation maçonnique. Il raconte une histoire cosmogonique qui semble avoir toujours existé par delà les civilisations et les cultures. Comme tel il est une composante structurelle de la pensée humaine. Jung fait  du mythe un archétype de la pensée. Ce retour aux origines légendaires est une base de recherche et de la réflexion maçonnique. Le mythe transcende les différences culturelles et religieuses en une source commune et primitive. C’est la base même de la tradition primordiale à laquelle chacun dans sa différence peut se raccorder. C’est aussi le fondement même d’une vérité universelle et archétypale qui dépasse la simple raison et qui s’adresse au ressenti profond de chacun.

 

Cette vérité se veut universelle par sa nature même. Elle touche à l’être relié au cosmos suivant en cela l’enseignement des religions et de la tradition. En ce sens, la vérité devient vision et représentation dans la sphère de « l’imaginal » chère à Henri Corbin. On dépasse l’humanisme dans ses effets réducteurs, pour aller vers un dimensionnement qui outrepasse les questions de croyances et qui ne met pas l’homme uniquement au centre des préoccupations d’un quelconque progrès. Au contraire, le concept de vérité associé à la lumière replace l’homme dans un vaste ensemble cohérent et sacré. Disons que l’amélioration de la condition humaine est une préoccupation de base pour le franc-maçon, mais pas une fin en soi et son action porte au-delà d’un simple humanisme bienveillant. Il s’agit principalement de se construire soi-même avant d’intervenir sur son environnement.

Nous sommes ce que nous faisons, c’est pour cette raison qu’il est important « d’être » avant de faire. De même que le rayonnement du franc-maçon dans la société suppose qu’il se forme lui-même avant de prétendre changer les autres, il y a un commencement à tout et une méthode à respecter. Cette méthode nous la connaissons, elle repose sur une volonté inscrite dans la matière. Mais rien ne s’élabore sans plan, sans Loi et sans règle. Plan divin pour certains et engagement social pour d’autres.

L’acte sur soi et le monde repose sur un schéma appelé idéal maçonnique. Pour l’architecte, toute idée s’appuie sur un plan préalable à sa réalisation ; pour faire le plan, il nous faut une règle pour la mesure et un compas pour manifester la volonté. Il s’agit d’établir les plans puis les fondations avant de bâtir les premiers murs. Dans tous les cas, le travail repose sur la lecture des textes de sagesse, expressions du sacré qui éveillent l’esprit. La pratique de la méditation, l’écriture sous forme de planches et l’examen de conscience donnera la « mesure » de soi.

Au final l’initié doit appliquer ce qu’il a appris. C’est son engagement de faire le lien entre le haut et le bas, entre la matière et l’esprit et de rassembler ce qui semble épars.

La méthode maçonnique repose sur cet esprit de synthèse qui unit les premiers antagonismes en tendant vers une Unité ontologique que nous rêvons d’embrasser. C’est donc un engagement spirituel qui trouve un écho au plan social. Ainsi l’esprit commande l’action suivant un principe d’harmonie.

(…)

Eric R.°.

 

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 21:55
6 marelle dernier gaucheTout voyage est une aventure de l’esprit.

La connaissance par les voyages

 

 

Tout voyage se fait sur deux versants l’un extérieur, le savoir par l’appréhension matérielle, l’autre intérieur, la connaissance par l’assimilation de l’essence. La tradition maçonnique semble nous indiquer qu’il est possible de se connaître soi-même par le voyage. Mais l’homme se ment à lui-même, il ne consent que très rarement à expérimenter l’acronyme VITRIOL. Perdu dans une impasse narcissique, il recourt parfois à la médecine de l’âme par la psychanalyse, ce dont peut se passer l’initié. L’initié participe activement à la sculpture de soi. Tel un bloc de marbre qui le représente, le franc-maçon va faire surgir la forme cachée. La sculpture de soi se fait par le voyage hardi et volontaire. Il faut vouloir se connaître.

 

« Tout le monde visible extérieur est la figure du monde intérieur[1] » d’après Jacob Bohème, qui implique qu’en voyageant physiquement on découvre la topographie d’une l’intériorité. C’est le sens profond des voyages initiatiques. Se mettre en route c’est d’abord emprunter le voie, le chemin sur lequel s’effectuent les rencontres. Toutes extérieures qu’elles paraissent, dans ces rencontres c’est soi même que l’on envisage.

 

Montaigne nous dit que l’homme se forme en voyageant et nous pensons que le franc maçon redécouvre sa forme c'est-à-dire ce qu’il est, en voyageant.

Si l'on admet que le voyage induit le savoir puis la connaissance alors tous les éléments rencontrés dans les voyages maçonniques sont support de la connaissance.

 

Il faut donc analyser le phénomène de la connaissance par le voyage. Nous pouvons décomposer les effets de la découverte des éléments en trois phases. Chaque élément rencontré (terre, eau, air, feu) crée une identification par le sujet de l’objet, puis enfin une identification du sujet dans l’objet pour aboutir à une assimilation de l’objet par le sujet. C’est ce que nous enseigne la tradition opérative du travail sur la matière que nous mettons en œuvre dans nos loges. L’initiation artisanale a toujours reposé sur les voyages et l’expérience.

Cette expérience devient alors connaissance par le jeu fusionnel que nous avons décrit et la révélation à soi qui en découle.

Ainsi la rencontre de l’objet par le voyageur met en jeu un échange subtil entre matière et esprit qui vise à l’unité par identification puis par assimilation.

 

Comment définir la connaissance ? Par une vérité intégrale que l’on va chercher en voyageant vers notre centre. Nous retiendrons que par le voyage nous apprenons à être dans le monde pour sa face externe et à connaître le monde pour sa face interne. « Connaître » et « être » sont alors les deux aspects d’un seul et même état qualifié d’initiatique. C’est un des aspects du « connais toi toi-même » de Socrate.

, le voyage du maçon n’est pas sans direction. Il est « orienté » à l’Est vers la lumière. Cet Orient de lumière est dans la tradition des pèlerins, la Jérusalem, véritable centre du monde pour les croyants. Tout pèlerinage se fait vers un centre spirituel. Ce fameux centre métaphysique est dans la glose maçonnique une porte étroite. Il n’y a plus qu’un pas à faire pour franchir la frontière tout intérieure qui nous sépare de la Jérusalem terrestre à la Jérusalem céleste. C’est le sens même de l’expression maçonnique : « Bâtir son temple intérieur »

 

Découvrir le monde, le vrai sens du voyage.

 

Au 1er degré, il récapitule par les sensations les éléments constitutifs de sa présence au monde. Il réapprend par le travail assidu et répétitif à ne pas errer sans but ni titre. Au premier on lui donne un titre : apprenti, et un but : tailler la pierre brute en suivant les conseils des anciens, et le pas rectiligne.

Au 2nd degré il se réapproprie le monde et les formes qui y résident et qui contribuent à donner un horizon au plan sur lequel il évolue. Il découvre en plus de l’altérité et le partage du pain, que les formes ont une ombre et que les mots ont un sens caché.

Il y aurait donc une lumière qui permet de voir. Mais se pose alors la question de la direction du regard et de son intensité.

Doit-il être tourné vers l’intérieur au risque d’une introspection vers un moi aussi insaisissable que variable, ou doit-on porter notre regard vers cet infini aussi total qu’indéfinissable ?

Face à ces deux abîmes n’y aurait-il pas quelques identités rassurantes qui nous permettent de faire ce va et viens entre notre être aussi minuscule qu’humain et le gigantesque tableau d’une métaphysique hors du temps.

Face à cette bifurcation, commence le véritable voyage qui est celui du Gnôthi seauton des grecs : « Connais-toi toi-même », suivi de « et tu connaîtras les Dieux et le monde ».

Cette sentence confirme l’individu comme identifie à soi en son for intérieur, mais aussi aux dieux et au monde soit la totalité.

La grande question de la connaissance de soi ne peut donc se résoudre à un point de vue nombriliste et égotique. Ni même sur un plan purement administratif, car il suffirait de brandir notre carte d’identité pour nous définir.

 

Les frontières de la sagesse

 

Les rituels maçonniques offrent des solutions symboliques opérantes pour y voir clair.

Tout d’abord, nous citerons le bandeau et le voile qui nous obligent à prendre conscience de l’effort de nos sens à accomplir pour percevoir puis recevoir la lumière.

La lumière pour être reçue suppose que les fondations du maçon soient d’équerre ; c’est à ce moment que le maçon doit se voir dans un miroir. Il ne s’agit pas de percevoir une exacte vérité sur soi, car il n’y en a pas. Le miroir ne reflète qu’une image inversée de notre apparence qui n’est pas celle que nous projetons aux autres, ce qui implique que nous sommes incapables à priori de nous reconnaître et nous décrire autrement qui par l’idée rêvée que nous avons de nous même.

 

Ce « nous-mêmes » est donc un inconnu et dans le voyage intérieur que tout maçon doit entreprendre, il doit se garder d’atteindre ces profondeurs d’où l’on ne revient pas. Il est utile de s’interroger sur le sens et la profondeur du voyage intérieur.

 

L’introspection a ses limites et n’explique aucune totalité. Son seul but est d’essayer d’approfondir un moi tumultueux face a un « je » égotique et menteur et un soi en devenir. Le mûrissement de la graine en terre est une germination qui se nourrit de ses propres réserves avant de s’élancer vers le soleil. Plonger dans l’obscurité organique et onirique de notre intériorité n’est qu’un passage où il ne faut pas arrêter sa course.

Dans notre périple, la plongée dans l’obscurité suppose une remontée à la lumière c’est le grand cycle solaire attaché au phénomène microcosmique qui caractérise les petits mystères et les deux premiers degrés de la franc-maçonnerie.

Pour ne pas échouer dans notre descente suivie d’une remontée on s’attache aux outils et instruments du maçon opératif.

 

Ces outils nous enseignent que pour bâtir il faut établir un temple avec de bonnes fondations dans un sous-sol sain . Il faut donc creuser et aller à la rencontre de quelques forces infernales avec lesquelles on évitera de se mesurer en surestimant ses forces. Une fois le sol dur atteint, on peut placer les fondations. Il est inutile de creuser un puits sans fonds. Vaincre le Minotaure pour accéder à la lumière de notre centre implique ruse et méthode plutôt que force et impulsivité.

Toute recette maçonnique repose sur trois ingrédients qui tamisent nos pensées et nos actes :

- La sagesse en prenant de la distance,

- L’harmonie qui nous fait choisir ce qui est beau 

 -La force pour achever l’œuvre d’une vie.

Apprenti ou compagnon nous ne sommes pas de taille à batailler en enfer, notre ambition n’est pas de rester enterré sous les fondations du temple. Un jour viendra ou nous tenterons peut-être cette exploration avec les moyens d’action adéquats, mais il n’est pas l’heure.

 

Le retour pour construire

 

« Le chemin pour monter est le chemin pour descendre », disait Dosithée le troglodyte gnostique. Par définition tout voyage est une voie, et il existe plusieurs voies d’action qui ne reposent pas toutes par un voyage en forme de périple physique.

 

Ce voyage intérieur serait une sorte d’exil des profondeurs vers la pierre cachée VITRIOL pour les FM qui devient un mot pour le passage pour le retour. On revient riche de l’expérience et parfois de la révélation soit les deux ingrédients de la connaissance.

 

Notre vocation dans la voie initiatique de l’art royal est d’élever des temples à la vertu et plus encore notre temple intérieur. Ce temple bâti dans notre intériorité va investir la part incertaine et changeante d’un moi indomptable pour ouvrir le chemin à la lumière venue d’en haut. Le temple de Salomon accueille la divinité, c’est sa véritable fonction, être la maison de Dieu, donc le temple intérieur fait briller cette lumière dite intérieure qui est en relation avec la lumière d’en haut. Il faut prendre conscience du lien ontologique qui relie l’intérieur de soi et l’extérieur à soi.

Comme l’échelle de Jacob, il y a un sens ascendant et descendant dans la connaissance de soi. Le soi sans finalité haute nous renvoie inéluctablement à une animalité.

Ainsi la descente en notre intériorité ne poursuit pas le but psychanalytique d’une analyse qui tourne sur elle-même sans fin, ni d’ailleurs une quelconque finalité philosophique dont on connaît l’incapacité à répondre aux questions.

Il s’agit pour nous de faire une place à la lumière dans l’intérieur de notre être pour mieux l’éclairer, ou pour certains de réactiver la parcelle divine qui est en chacun de nous.

 

Pour toucher les limites inférieures du Gnôthi seauton, et démontrer qu’il peut être une maladie de l’être enfermé sous les fondations du temple. Je vais tenter d’en faire une revue objective en tachant à chaque fois qu’il est possible de donner la voie maçonnique comme une alternative fondée sur le sens transcendant de l’initiation. En définitive, le voyage en soi consiste à trouver la roche dure et stable pour établir les fondations de notre temple intérieur, en aucun cas il s’agit de creuser un puits sans fonds ni fondement.

C’est cet incapacité à définir le but du voyage qui a égaré nombre de candidats à la connaissance initiatique et leur à fait quitter nos colonnes.

 

 

 

 

Le miroir de Delphes.

 

Le Gnôthi sauton est né il y a 2500 ans à Delphes et nous fait naître détaché d’une soumission à la croyance obéissante en un soleil tout puissant. Soudain on pouvait se tourner vers l’individu et le considérer pour lui-même. L’individu[2] avait une personnalité, une puissance, des pensées et des questions qui portaient sur « lui-même[3] » et non plus uniquement sur les cycles solaires et célestes. Cette libération de l’individu fut mal comprise et l’a conduit à bien des errements.

Soudain l’homme réalise qu’il peut investir sa propre caverne intérieure, celle de ses pensées de ses finalités et du sens de son existence. Ce questionnement se détachait pour un temps du grand tout dans lequel il s’assimilait jusqu’alors. Si jusqu'à présent il n’était qu’un objet vivant et bientôt mort dans le paysage de l’univers, il prenait conscience de sa conscience et de sa pensée comme force motrice d’un monde qu’il pouvait façonner à son image. Cette image était aussi celle qu’il se faisait de lui-même et devenu bâtisseur il devait naturellement bâtir le monde comme un démiurge. Comme démiurge il s’attribua les attributs du créateur et s’éloigna plus encore du centre qu’il voulait découvrir. Cette erreur fonda les doctrines gnostiques et la théorie de la chute et du corps prison de l’esprit.

Le mythe de la tour de Babel nous a bien appris la leçon qu’on ne pouvait pas se mesurer à Dieu[4]

L’homme retourna alors, dépité, au bord de lui-même, à cette frontière première entre le dehors et le dedans, entre le ventre maternel et les grands espaces. Dans ce repli, piteusement il tenta à nouveau de conquérir cette fois-ci une intériorité bien tranquille, qu’il croyait bien à lui, hors d’attente d’une intervention divine.

Il descendit dans cette grotte, mais il faisait noir et n’avait pas encore appris la lumière. Cette méconnaissance lui fit rencontrer un autre lui-même qu’il ne put reconnaître comme tel, et incapable de discernement pris par la peur ancestrale de « l’autre », il le tua[5].

Ce meurtre eut pour effet qu’il s’installa en lui-même comme dans un pays conquis. Comme naguère dans les grandes étendues apparemment vierges de toutes habitations, il chassa le gibier puis il mit en coupes réglées ces grands espaces qu’il mesura comme un géomètre. Il chassait et cultivait dans la pénombre, les terres n’étaient pas riches, mais apparemment sans dieu ni maître. Enfoncé dans la pénombre et engourdi par le froid, il se rappela qu’il y avait aussi un monde de lumière, tout là-haut. Il eut envie de réchauffer sa peau à la tiédeur du soleil, il eut envie d’entendre le printemps chanter dans ses oreilles.

Il y avait une forte pente pour sortir de la caverne, il n’arrivait pas à la franchir. Il fallait être deux pour y arriver. Il était seul et enfermé en lui-même. Libre loin du regard de dieu, seul et perdu dans sa propre pénombre telle était sa situation.

Il se rappela le moment ou il avait tué son autre moi qui finalement était aussi son hôte. Cet hôte était donc son frère.

Esseulé par son orgueil meurtrier, emprisonné en lui-même il ne retrouva le chemin de la lumière que lorsqu’il fut réveillé par son psychanalyste qui lui réclamait ses honoraires…

 

Cette fable pour expliquer qu’à l’intérieur de nous même il est possible que nous ne soyons pas chez nous. Quand nous nous y aventurons, il faut ménager cet autre nous même qui y réside et s’arranger avec lui pour en sortir indemne.

Il n’y a pas de vrai miroir pour nous aider pas plus que d’Oracle fiable pour nous prédire. Tout miroir inverse notre image de droite pour gauche[6], et l’Oracle a un langage inaccessible à l’apprenti et au compagnon.

Se ménager pour exister n’implique pas un renoncement à se connaître[7]. L’ignorance de notre intériorité interdit toute progression initiatique. Il faut simplement pour entrer en soi user de la bonne méthode et ne pas se prendre pour un apprenti sorcier. C’est ici qu’intervient de manière fort efficace la méthode maçonnique qui enseigne le bon usage des outils et que nous avons déjà longuement développée[8].

 

L’introspection n’est pas une fin en soi. C’est juste un passage considéré comme un exercice difficile où il est tentant de se mentir, une étape du voyage en somme.

Le voyage intérieur ne doit pas être sans retour, c’est donc un périple autour de son propre centre, une boucle descendante puis montante.

 

Peut-on être soi-même le seul sujet d’étude ? Quels moyens symboliques nous fournit la franc-maçonnerie ?

 

Faut-il rappeler que depuis la nuit des temps nous chassons en tribus et cultivons en collectivité. L’individu est donc une notion récente.

L’observateur et l’observé ne sont a priori qu’une seule et même personne ; il n’y a aucune distance entre eux et l’intérieur est sans lumière.

De l’autre nous ne percevons que notre propre écho déformé.

Cette déformation nous oblige à mentir pour donner plus de corps à cette image flouée. Tel Narcisse nous ne résistons pas à notre image quitte à la travestir pour nous autoséduire.

 

Avec quel instrument faut-il voyager ?

 

Il faut donc pour intervenir dans notre caverne intérieure et s’appuyant sur une aide qui nous permettre de descendre et de remonter à la surface et même plus haut encore vers le zénith.

La corde à nœuds pourrait nous y aider.

En effet elle exprime une solidarité fraternelle entre les maçons et la frontière entre le terrestre et le céleste, traduit les cycles et l’étendue de la manifestation. Ne peut-elle nous aider à remonter graduellement vers la lumière lorsque nous aurons trouvé la base de nos fondations ?

En ce sens la corde à 13 nœuds qui servait aux mesures de l’espace, devient une échelle qui sert à monter et à descendre. La corde à nœuds permet la mise en œuvre des plans tracés à la règle et au compas. Le compas s’appuie toujours sur un centre, ici intérieur qui est le but même de notre voyage.

Le compas traduit la gradualité de la corde à nœuds par son ouverture d’angle progressive signifiant le niveau de conscience et d’éveil et le changement de plan par la superposition et l’entrelacement successif du compas et de l’équerre. La superposition indique un dessus et un dessous et évidemment un plan intermédiaire sur lequel s’échoue l’écume du quotidien et des apparences. En loge ce plan intermédiaire est représenté par le pavé mosaïque.

Lorsque nous descendons en nous, la corde à nœuds forme une boucle descendante et nous partons découvrir l’esprit sous la matière comme le compas sous l’équerre.

C’est ici le secret symbolique du périple autour du centre intime.

Nous avons l’instrument pour notre descente, il nous faut maintenant trouver de l’aide pour garantir notre retour et la méthode.

 

Qui peut donc nous aider dans ce voyage intérieur ?

 

Les candidats sont nombreux, la pythie de Delphes fut la première à s’intéresser à nous, mais son langage ésotérique était incompréhensible et inaccessible, comme est pittoresque celui de nos diseuses de bonne aventure, divinatoire celui de nos marabouts,  consensuel celui des gourous new-âges et autres sectaires.

Cette aide doit être sincère et profonde par sa nature particulière et fraternelle et désintéressée. Nous allons rencontrer cet autre nous même qui n’est autre que notre frère jumeau. En plus d’une méthode et de bons outils, il nous faut une échelle avec des barreaux qui organise la descente et la remontée graduelle. Il nous faut aussi une lumière pour voir et reconnaître cet autre nous- même dans les replis obscurs de la terre.

Les frères, les grades ou degrés et la lumière et les outils sont l’apanage de cette société initiatique appelé franc-maçonnerie.

Cet autre nous-mêmes est le frère oublié qui a les mêmes rands grades et qualité que les autres Frères de la loge.

 

La franc-maçonnerie nous fournit les éléments de base pour explorer notre intériorité sans tomber dans une aventure narcissique ou psychanalytique. Nous ne sommes plus seuls face à nous même nous avons le recul de la collectivité des anciens, les outils symboliques et l’épée flamboyante. Nous pouvons entreprendre cette aventure en confiance. Nous allons tenter de sortir de nous même pour nous contempler. L’analogie est le meilleur système pour nous contempler.

Rappelons que nous sommes appelés à tailler une pierre qui est brute et rugueuse, puis une fois taillée nous devons plonger au cœur de cette pierre pour en découvrir le centre absolu, où peut être réside l’esprit.

Nous retrouvons les trois phases :

-  Appréhender la pierre en la travaillant,

-  S’identifier à la pierre en la formant,

- Devenir la pierre qui devient l’image de notre intériorité par l’esprit.

L’esprit au cœur de la pierre fait lien avec le cœur du vivant.

Le travail que nous fournissons sur la matière nous identifie aussi sûrement que les marques des maçons opératifs sur la pierre finie. Voilà en vérité le seul miroir fiable qui n’inverse pas notre image. C’est le miroir de notre tradition artisanale, fondement de l’art royal et voie d’accès à tous les centres.

C’est un exercice qui peut se dupliquer à différents niveaux, ce qui est la base de toute métaphysique. Chaque niveau à un centre ou un cœur jusqu’au grand tout.

 

La franc-maçonnerie héritière des opératifs appelle à la réalisation « opérante » c'est-à-dire que l’acte et la pensée doivent concorder. C’est ici la grande force de l’initiation dans la voie artisanale, elle se veut opérante à l’intérieur comme à l’extérieur.

 

Trouver ce fameux lien entre l’intérieur et l’extérieur est un exercice difficile, mais gratifiant. Il permettra par les mêmes moyens de mettre en relation le microcosme et le macrocosme et plus simplement de faire le chemin qui sépare l’individu de son centre et du centre des centres[9].

 

Le chemin en question est long, il n’est rien d’autre que le rayon contenu entre les deux branches du compas et qui part d’un centre ontologique rayonnant ou flamboyant vers un endroit d’une circonférence où notre monde se tient. On le voit, la géométrie nous assigne une place sur la circonférence, à la frontière entre le dedans et le dehors.

 

Cette frontière est une porte qui donne d’un côté sur notre monde manifesté et de l’autre sur la lumière ordonnatrice[10].

 

À ce stade de compréhension, il faut retenir que la fameuse connaissance initiatique se résout par notre capacité à prendre conscience (par l’ouverture de notre compas) de l’identité entre le point originel et le point de la circonférence que nous sommes, par le parcours et l’étendue du rayon. Le rayon géométrique et flamboyant symbolise la connaissance.

 

Nous sommes le parcours que nous réalisons.

 

Nos actes nous définissent comme une signature sociale, nous sommes donc ce que nous faisons, du moins sous l’angle des apparences. C’est ici une première base pour définir la topographie de notre intériorité. Nos réalisations sont la partie émergée de l’iceberg. Certains pensent que l’acte n’est parfois qu’apparence et que nous devons nous en méfier des faussaires. Il y aurait donc tromperie.

Nous voulons apparaître sous un jour idéal à la société qui nous juge et nous qualifie. Nous maquillons donc notre « Etreté » derrière des conventions et des faux semblants. Nous nous cachons alors derrière un masque social. Ce masque[11] ou ce voile devient initiatique lorsque nous l’enlevons. Il signifie notre incapacité à voir.

 

La réalité de ce que nous sommes est donc différente de l’apparence, tout en étant relative à l’observant lui-même qui est renvoyé à son propre mensonge. Pour voir l’autre aussi bien que nous même, il faut avoir en commun l’expérience initiatique. On comprend alors l’intérêt à suivre un parcours maçonnique dans une collectivité d’initié, qui par l’expérience acquise va marginaliser le risque d’erreur d’orientation dans notre voyage.

Si l’objection du mensonge à soi doit être prise en compte, il ne faut pas désespérer de l’effectivité de l’acte lui-même. Même s’il se réalise sous couvert d’un faux semblant social, il est possible que notre intériorité se convertisse après confession à l’œuvre réalisée, à condition qu’il s’agisse véritablement d’une Œuvre, à savoir un travail de perfection de l’âme.

 

Le tailleur de pierre finit par être la pierre elle-même, et c’est sur ce principe mimétique que nous devrions tendre, vers la concordance entre notre intériorité et nos réalisations ouvrières. « L’Œuvrier » ne rends pas la pierre plus rugueuse, il la taille, la polie et la lisse. Muni du maillet et du ciseau, il cherche la perfection du geste dans la communion de l’esprit et de la matière[12].

 

Quand est-il de cette part sombre qui réside dans notre boite à os ?

 

Toute cette part inavouable à la société constitue plus encore le fondement de notre intériorité, nos réalisations sont des contributions au lien social et à la reconnaissance d’autrui.

Dans notre voyage intérieur, il faudra tenter de s’attarder sur la dichotomie des vices et des vertus, car nous sommes venus en franc-maçonnerie pour faire des tombeaux aux vices et des temples à la vertu. C’est le concept de perfection morale et d’éthique qui prend le dessus.

L’option maçonnique opérative repose sur l’écho intérieur de la réalisation extérieure. Le maçon tailleur de pierre devenait lui-même une des pierres de la cathédrale, et la cathédrale entrait en lui. De même, le maçon spéculatif sculpte son intériorité au fur et à mesure de ses réalisations, c’est un va et viens permanent. Les réalisations qui sont les siennes sont parfois spéculatives et expriment son intériorité sous la forme de planches. La vérité de ce travail se retrouve dans le comportement social du maçon qui en fonction de son état d’avancement dans la sculpture du soi, va rayonner et influencer son entourage.

Notre voyage aboutit ainsi à la mise en relation entre l’être et l’agir.

 

 

De l’acte à la parole.

 

La réalisation matérielle ne permet pas toujours d’expurger de tous les vices, les continents de notre intériorité. Il faut pour cela entrer en dialogue avec cette autre, celui de l’intérieur. C’est donc la parole qui prend le relais du travail sur la matière brute.

La franc-maçonnerie fait une grande place à la parole au niveau de la transmission. Cette transmission se fait discrètement et symboliquement de bouche à oreille, un peu comme une confession. Les mots choisis[13] sont alors aussi opérants que la taille de la pierre elle-même.

 

Les mots sont des remèdes aux maux. Ils apaisent l’âme et soignent les conflits intérieurs comme extérieurs. Les mots ne sont pas uniquement la médecine de l’âme, ils entraînent celui qui les prononce comme celui qui les entend dans une réalisation conceptuelle. L’idée précède la réalisation et la transformation de soi. L’idée et l’image portée par les mots deviennent l’expression d’une volonté. Cette volonté est une action par définition ou un début de réalisation, qu’elle se situe dans notre intériorité ou au grand jour social.

La parole soigne et transmet, elle est une condition suspensive à la vie humaine qui s’impose face à l’animal qui est en nous.

 

La franc-maçonnerie propose de puiser dans les livres dits sacrés toute la sagesse nécessaire à l’exploration de soi. Elle nous dit que l’apprenti est dans l’imitation du maître avec lequel il va forger son tour de main.

Entre les grands textes et l’exemple des anciens, l’apprenti sécurise son « connais-toi toi-même », il n’est pas livré à l’errance solitaire.

Nous apprenons par l’imitation silencieuse et par l’exemple puis par le discours après avoir épelé, mais la parole devra être validée par la réalisation qu’elle soit extérieure et matérielle (le miroir) ou intérieure et intime. Faire ce lien implique un voyage de l’esprit, en dessous et au-dessus du plan courant, puis de bâtir notre Œuvre. C’est ce qu’on appelle la réalisation de soi.

 

Finalement le maçon ne sera que ce qu’il fera de lui dans ses voyages et sa rencontre avec lui-même. L’exercice de la planche et du morceau d’architecture implique les trois conditions préalables à la parole opérante : La méditation sur les livres de Sagesse, la mesure de soi dans un honnête examen de conscience, et l’écriture en tant que réalisation opérative structurée et pensée.

 

C’est ainsi que le franc-maçon rend sa réflexion opérante, par sa parole qui devient agissante et par des actes qui lui ressemblent.

E.°.R.°.

 

 



[1] De la signature des choses en 1622.

[2] À un certain point de vue on peut estimer que la notion de démiurge est liée aux prémisses de l’individualité et de sa puissance agissante dans un périmètre donné.

[3] Ce « lui-même » associé à la puissance naissante de l’individu à pu introduire la linéarité du temps et la sortie des cycles en passant de la matérialité corporelle à l’immatérialité spirituelle, seule façon d’échapper à la mort.

[4] Nous explorons cette notion dans RDM1 : « Le pavé mosaïque face à la tour de Babel »

[5] Le meurtre du frère ce double est un principe récurant dans la mythologie et dans les religions. Abel et Caïn, Remus et Romulus, sont des exemples « frappants » à différents niveaux.

[6] L’inversion de l’image profane explique aussi bien la présence que l’absence du miroir dans les rites initiatiques maçonniques. Pour son inversion horizontale de l’image de soi, il n’est pas prescrit au REP. Suivant les rites l’inversion horizontale prévaut, jusqu’aux colonnes ce qui peut créer une confusion certaine.

[7]Au REP lors de l’introduction de l’impétrant, il lui est demandé :

Le Vénérable — Nous ne pouvons pas vous admettre témérairement parmi nous sans avoir pris des renseignements sur votre moralité et les principes qui ont jusqu’ici guidés votre existence. Quelles garanties nous donnez vous de votre discrétion et de la droiture de vos intentions ? Et surtout qui vous a renseigné sur ce lieu ?

Le Profane - (doit se réclamer d’un membre de la Loge qui sera son parrain)

Tous les Frères - Nous ne le connaissons pas !!!

Le Vénérable - Monsieur, votre démarche nous parait bien hasardeuse ! Et surtout bien suspecte. Nous avons lieu de croire que vous n’êtes venu ici que pour surprendre nos secrets et d’en faire ensuite un objet de dérision. Pour suppléer au défaut de garanties que vous n’êtes pas en état de nous donner, nous pouvons nous assurer de vos principes et sonder les replis de votre coeur par des épreuves physiques et morales violentes auxquelles nous allons vous soumettre. C’est pourquoi, Monsieur, persistez-vous toujours, et vous sentez vous la force de résister à ces épreuves que l’on vous prépare. ???

Sonder les replis du cœur et de soi consiste au-delà de l’épreuve des éléments à préparer l’impétrant pour une plongée en soi. Quant au parrain nous ne le connaissons plus sous sons apparence profane car il a entamé son chemin initiatique qui le transforme intérieurement peu à peu.

 

[8] Pour compléter, voir RDM 2 « La méthode maçonnique ou l’entrée en la matière » P 52 et « L’ennéade des outils » P 64.

[9] Pour aller plus loin sur le centre des centres, voir RDM 3 « Développement cosmogonique du centre » P 135.

[10] La lumière ordonne le chaos précédant le temps des cycles « Ordo ab chaos ».

[11] Bien plus que le jeu des masques de la tragédie grecque, le masque à certains rites, offre une puissance symbolique peu égalée. Voir « Le Hoodwink » RDM 1 P81

[12] Ici, comme dans la totalité de ce travail, il y a un rapport d’équivalence entre l’esprit et l’essence et entre le corps et la matière. S’agissant de l’individu qui se cherche nous avons choisi la tripartition du cops de l’âme et de l’esprit, car nous pensons que l’âme à quelque lien avec l’essence. L’esprit est une sous partie de l’essence.

[13] Voir « Les mots semences » RDM 1 P 78 et « Perfection et reconquête du langage initiatique » RDM 3 P 57 à 70.

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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 10:40

L’Arbre Cosmique (extrait de l’ouvrage Axis Mundi -Ed. du Maçon)

Dans l’étude générale de l’Axis Mundi, des rapprochements sont tentés par l’auteur, dans le but de démontrer l’universalisme du symbolisme axial avec pour modèle de base la roue à sis rayons, autre image de l’hexagramme. Il est question ici d’un passage sur le symbolisme de l’arbre.

 

 

 

P

our appréhender toutes les conséquences de la roue à six rayons[1], il faut aborder le symbolisme de l’arbre cosmique qui en est dérivé. Cet arbre cosmique est constitué de trois racines dans la partie basse correspondant aux trois rayons inférieurs de la roue. Les trois branches correspondant aux trois rayons de la partie supérieure de la roue, reliant racines et branches. Un trait équivalent à la longueur d’un rayon se substitue en guise de tronc au point central de la roue à six rayons.

A

insi l’hexagramme est composé de six branches et d’un point central, tout comme la roue de six rayons. Le point central ici est constitué par un tronc de l’arbre que l’on peut assimiler à la présence de l’homme reliant le monde manifesté au monde non manifesté, dès lors qu’il se tient géographiquement sur un point tellurique fort, ou qu’il possède la connaissance initiatique ultime.

 

L

’homme dans cette situation devient trait d’union ou plus précisément pontifex[2] entre ces deux mondes. Ce lien entre le domaine terrestre et Dieu se retrouve dans la mythologie germanique dans le Bilfrost[3], gigantesque pont en forme d’arc-en-ciel reliant le Midgard, demeure des hommes et le Asgard domaine des dieux germains. Cette notion de pontife recoupe l’idée d’universalité des pouvoirs spirituels et séculaires entre les mains d’un même sage « Le grand pontife ». Elle suggère aussi l’existence géographique d’un principal centre axial sur terre et de ses dérivés décentralisés.

L’arbre cosmique confirme la relation réciproque : « ce qui est en bas et comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas »[4]. Il s’agit là du principe d’analogie qui fonde la démarche symbolique, permettant l’extrapolation entre le symbole « signifiant » dans un monde perceptible et donc parfaitement représentable, et sa projection « signifiée » dans un plan supérieur de la pensée, difficilement exprimable, mais respectant les principes d’harmonie entre l’univers livré aux sens et les mondes extrasensoriels. La ligne de partage ou plan de réflexion est occupée par l’homme médiateur (tronc[5]), le monde souterrain synonyme de matière est occupé par les racines qui se nourrissent de la matéria prima, grâce à l’intervention du ciel au travers les branches. C’est aussi l’homme placé entre son passé et son avenir, riche de fruits spirituels en devenir pour les plus féconds et sans feuilles ni fruits pour les autres. Les branches, situées dans le domaine aérien au contact avec le ciel relèvent de l’esprit, de l’essence, du divin, du non visible.

 

L’identité entre le tronc et l’homme, trait d’union entre le ciel et la terre, a fait l’objet des fondements ontologiques de la Chine impériale. L’empereur de Chine a toujours été considéré depuis l’origine comme le médiateur. Tous les cinq ans, le fils du ciel rendait visite à l’empire du Milieu jusqu’en ses confins en suivant la route du soleil. Il se déplaçait dans un char carré représentant la terre surmontée d’un dais circulaire représentant le ciel, rendant visite aux cinq pics sacrés représentants les quatre points cardinaux et le centre ou culmine symboliquement la montagne Kouen Louen « nombril du monde[6] ». Plus tard ce rituel se perpétua par une déambulation dans le temple du calendrier (Ming Tang) dont la base était carrée et le toit circulaire, inaugurant rituellement les saisons et les mois à partir d’un centre activateur. L’irradiation partant du centre jusqu’aux confins de l’espace manifesté crée l’harmonie et la grande paix.

 

L’homme initié est censé par son savoir, faire le lien entre ces deux univers, macro et microcosme.  Le tronc se superpose à l’axe nord-sud, censé faire le lien entre le I majuscule de la figure, représentant l’Unique vertical et le X des quatre rayons représentant la terre cardinale en sa surface, la matière, la multitude.

Le symbolisme polaire ainsi décrit n’est pas sans rappeler le symbolisme maçonnique du fil à plomb. L’arbre par sa verticalité symbolise l’axe du monde, ses racines plongent dans l’univers souterrain et obscur, son tronc organise autour de lui la surface de la Terre et par ses branches il rejoint le ciel. La prépondérance du ciel sur la mécanique ainsi décrite explique que la kabbale dans la symbolique de l’arbre séphirotique situe les racines de l’arbre dans le ciel et les fruits qu’il produit sur la terre, c’est le principe de l’arbre inversé, attestant la causalité réciproque de la terre et du ciel. Cet arbre inversé se retrouve dans les Upanishads de la tradition hindoue « Le monde est comme un figuier perpétuel dont la racine est élevée en l’air et dont les branches plongent dans la terre ». Les racines qui sont dans le ciel représentent le principe, l’ampleur de la manifestation étant représentée par les ramures et les feuilles. L’arbre inversé est l’exemple caractéristique du principe d’analogie réciproque, fondant le rapport d’identité entre les différents mondes et ceci au moyen du tronc médiateur. L’arbre à palabre africain ou l’arbre (un chêne) au pied duquel Saint Louis rendait la justice sont des arbres sacrés représentant l’arbre cosmique qui relie la terre au ciel. C’est aussi l’arbre de la conscience totale de Bouddha. On rappellera que l’arbre, symbole vertical est présent dans la Bible par analogie avec l’homme debout sur la terre. L’arbre de Vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal[7], planté au centre du jardin d’Eden au moment de la création, confèrent l’éternité à ceux qui se nourrissent de leurs fruits.

L’arbre est fait de bois, tout comme la croix du christ et la croix de Saint André présente dans le Chrisme. C’est le bois de la vie par la sève et du sacrifice par le sang. Produit du ciel et de la terre par la photosynthèse (action descendante) et par la sève nourrissante au plan corporel et cognitif (action ascendante), la sève nourriture devenant « connaissance ».

 

L’homme dans sa sagesse à su exploiter au mieux cette notion axiale. Les populations primitives asiatiques, nord-américaines et arctiques construisaient leurs habitations autour d’un poteau central assimilé à l’arbre du monde[8] qui relie la terre au ciel et au pied duquel avaient lieu les sacrifices. (En l’absence de mât, c’est une colonne d’air qui rempli cette fonction, la fumée du foyer indiquant la fonction axiale et ascendante, on parlera alors de cheminée cosmo tellurique.)

 

Le ciel ou voie lactée, représenté par la tente dans laquelle est pratiquée une ouverture centrale facilite la communication ascendante et descendante[9]. En loge nous retrouvons la même configuration : la Voie lactée, la terre pavée (pavé mosaïque), et l’axe de communion et de communication en direction de l’hôtel du vénérable sis à l’Orient entre le soleil et la lune. La mythologie nordique vénérait Yggdrasill, l’arbre cosmique qui reliait les différents mondes de la mythologie germanique.

 

Situé au centre du monde, faisant le lien entre le monde chtonien et ouranien, ce frêne géant avait trois puissantes racines qui plongeaient sous le Midgard[10], le pays des hommes, jusqu’aux enfers où régnait la déesse Hel. Le feuillage montait jusqu’au royaume des cieux.

 

L’arbre médiateur organisait la cosmogonie scandinave tout en protégeant les neuf mondes. L’arbre était toujours vert, car il puisait sa force dans la source Urd du dieu Mimir garantissant la sagesse éternelle et c’est en ce sens qu’il est synonyme d’arbre de vie.

 

 

Il est intéressant de rappeler que Odin et ses frères créèrent les premiers humains en donnant la vie à deux troncs d’arbre, le frêne pour l’homme et l’orme pour la femme. Le symbolisme axial de l’arbre fait donc bien le lien entre l’homme créé, par nature microcosmique et l’univers macrocosmique. Le caractère cosmogonique de l’Yggdrasill est clairement énoncé dans le texte de l’Edda :

 

 « Je sais que se dresse du nom d’Yggdrasill,

 

Un frêne baigné de blancs tourbillons ;

 

Delà viens la rosée qui dans le val s’égoutte ;

 

Toujours vert il se dresse au dessus du puits d’Urde[11].

 

De là, fort savantes, sont venues des femmes,

 

Trois de cette salle sous l’arbre placée,

 

Qui firent les lois fixèrent le sort

 

Et la vie des hommes, la voie des mortels. »

 

 L’arbre du monde est commun à la plupart des traditions, il est chêne pour les Celtes, tilleul chez les Germains, figuier dans la tradition hindoue.

 

 

(Représentation de l’Yggdrasill, arbre cosmique.)

 

 

A titre accessoire on remarquera que si l’arbre a des vertus axiales sur terre, en mer c’est le mât du navire qui remplit cet office. Il suffit de relire l’Odyssée d’Ulysse. Le périple initiatique d’Ulysse durant les dix années qui suivirent la guerre de Troie. Au cours de ce voyage, ses compagnons durent l’attacher au mât du bateau, symbole axial relié au divin, pour l’empêcher de succomber au chant des sirènes, symbolisant l’attrait de la matérialité. Le sens ésotérique de ce passage implique que l’initié dans ses voyages en redécouvrant préalablement les états inférieurs de son être doit lutter pour privilégier au final le sens premier de sa quête à savoir la conquête des états supérieurs. Notons au surplus que dans la confrontation avec le Cyclope, Ulysse et ses compagnons utilisent un pieu rougi au feu pour aveugler le cyclope durant son sommeil. On ne peu s’empêcher d'établir une correspondance entre le mât et le pieu, l’épisode des sirènes étant la vengeance de Poséidon pour l’infirmité du cyclope.

 

 

 

Ulysse attaché au pied du mât pour échapper au chant des sirènes.

 

 

L’arbre séphirotique s’identifie à l’arbre de vie reliant ciel et terre, en passant par les trois monts des émanations, des créations et des formations pour aboutir au monde des formes au-dessous duquel se situe le monde souterrain des enfers et de l’arbre de mort.

 

 

L’arbre séphirotique s’exprime en loge de la manière suivante : la colonne[12] du septentrion est celle de la rigueur (sagesse, grâce, victoire.) Elle correspond à l’idée de chute biblique d’Adam, celle du midi consacre la miséricorde (Intelligence, force et gloire) et correspond à la réconciliation de l’homme, en recherche de lumière, avec son créateur et enfin celle du milieu est celle de l’équilibre axial ouvrant la voie céleste. Cette colonne part de l’entrée du royaume « Malkuth » assimilée à la porte du temple et au couvreur, jusqu’a  la couronne « kether[13] » représentée à l’orient, suivant les rites, par l’hexagramme, le pentagramme, le triangle, surplombant la personne du vénérable. La voie du milieu dite voie céleste et celle qui est axiale et polaire, la colonne de la rigueur et celle de la miséricorde n’agissant contrairement a leurs apparence que dans le plan horizontal territoire de reconquête du moi appelé aussi microcosme.

         Notons enfin que l’arbre de vie et ses innombrables feuilles qui symbolise la création et les êtres est situé d’après la Genèse au centre du paradis d’où partent les quatre fleuves l’ensemble représente les 6 points cardinaux. En relisant l’Apocalypse de Saint-Jean, on retrouve le pendant polaire de l’arbre de vie dans le livre sacré scellé de sept sceaux surmontés de l’agneau et duquel partent aussi quatre fleuves. Ce livre sacré c’est aussi le « Liber mundi » des Roses- Croix, Liber Vitae de Saint Jean.

Ici chaque feuille du livre et chaque caractère (sacré) de celui-ci sont censés aussi représenter l’espace crée sans nombre, la manifestation et son espace, sous l’égide des sept sceaux. On rappellera que le chiffre sept symbolise la croix tridimensionnelle, mais aussi l’hexagramme et son centre. Dans les deux cas, le centre de la figure représentant l’unité génératrice du tout.

         A l’évidence l’hexagramme dans sa plénitude symbolique décrit et suggère en quatre dimensions l’inclusion du microcosme dans le macrocosme.              

 

Er.:Rom. :

 



[1]              Symbole solaire, la roue peut être aussi à 4 rayons représentant les 4 points cardinaux, à 8 rayons symbolise la régénération et implique le mouvement circulaire autour d’un moyeu immobile..

[2]              L’homme constructeur de ponts. Lire René Guenon « Le roi du monde ».

[3]              Cet unique point de passage était gardé par le dieu de la lumière Heimdall.

[4]              Expression tirée de la table d’Émeraude attribuée à Hermès Trismégiste dans la tradition hermétique.

[5]              Le tronc est un élément constitutif de l’homme, du sacrum à la fontanelle passe un axe fluidique, particulièrement sollicité dans la pratique du yoga.

[6]              L’ésotérisme chrétien approche le nombril comme centre de l’Homme, dans l’image de Saint Andrée en croix. Le nombril le relie à la terre nourricière par le cordon ombilical. Il est donc en croix X représentant les quatre points cardinaux. L’axe passe de la terre au ciel par son centre de gravité. L’ensemble constitue une croix tridimensionnelle.

[7]              Genèse 2,9. Ces deux arbres constituent les deux latéraux de l’arbre séphirotique, dont le tronc principal se situe à équidistance.

[8]              Mircea Eliade « Traité d’histoire des religions ».

[9]              Le rite vaudou haïtien reprend ce symbolisme : la demeure de l’éternel est représentée par une tente dressée autour d’un mât, le « poteau mitan »

[10]             « La demeure du milieu ».

[11]             Ce puits est le pendant de l’arbre dans les états inférieurs, au-delà des racines qui s’y abreuvent. Ce puits est favorable aux oracles comme l’omphalos et la pythie en Grèce.

[12]             Notons que la colonne, l’axe, le mât, l’arbre sont parfaitement synonymes dans le symbolisme axial.

[13]             Malkuth et Kether sont à rapprocher des extrémités du tronc humain, sacrum et fontanelle.

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 19:16

Principes d’action maçonnique

 

Pourquoi être franc-maçon en loge symbolique[1] ?

 

Chaque franc-maçon veut donner un sens à sa vie maçonnique.

 

Le sens est à entendre à tous points de vue, qu’il soit intellectuel, concret et pratique, qu’il corresponde à une manière d’être, de penser, de s’exprimer et le cas échéant d’agir en citoyen maçon.

 

Le sens dépend de l’identité rituelique dans laquelle il évolue, c’est donc une affaire de sensibilité et de choix. Les chemins sont différents, mais les outils et les moyens mis en œuvre sont identiques.

La franc-maçonnerie s’attache à transmettre et préserver des valeurs qui sont moteur de progrès spirituel et moral de l’humanité. Nous savons que ce vœu emprunte différentes voies pour se réaliser. Leurs différences, qui sont de véritables richesses, n’ont pas à être jugées, car elles sont l’expression souveraine de chacun de nous.

La branche la plus métaphysique, la plus spirituelle ou la plus religieuse, offre à la branche la plus humaniste, la plus sociale et matérialiste, la possibilité de se réaliser, et inversement. Chacune va puiser, discrètement sans doute, les éléments qui lui manquent pour achever ses travaux.

Le chantier est long et on a besoin de tous les ouvriers maçons qui veulent contribuer au Chef-d’œuvre.

Quelle est la pensée première qui justifie l’entrée en franc-maçonnerie ?

 

Le désir de comprendre, de percer un mystère et de participer à quelque chose de grand et noble comme une cathédrale pour l’humanité, qui repose sur une connaissance de soi et un agir individuel qui soit à finalité sociétale ou spirituelle.

En un mot il s’agit de lever le voile sur ce qu’on appelle les mystères de la Franc-maçonnerie.

 

La Question

 

C’est d’abord une réponse à une partie des questions existentielles qui reposent sur le « pourquoi suis-je sur terre » et le « comment l’homme est arrivé sur terre ». La présence de l’homme « animal pensant » sur terre pose de grandes questions.

S’agissant de l’origine de l’homme sur terre, la franc-maçonnerie moderne ne donne aucune réponse. Elle tâche de ne pas s’exposer, ni de se confronter à la religion. L’homme est un animal pensant qui en fonction de son bagage, de sa tribu et de sa religion, a pu trouver une réponse satisfaisante à cette angoisse. Globalement la réponse se situe dans les trois ordres. Elle est religieuse, raisonnante et sociale, raisonnante et scientifique.

Qu’importe finalement la réponse au comment, chacun est libre d’y répondre en fonction de ses convictions. Ceci explique les différences rituéliques et obédientielles en nos rangs, ce qui quelque part est aussi une grande richesse. Pourtant elle reprend, dans ses rangs, souvent à l’insu des obédiences, une ancienne tradition qui parle à son cœur, celle de l’Hermétisme et de la Gnose.

La science cachée n’a rien à voir avec l’obscurantisme justement dénoncé, elle conserve son attrait, y compris chez les plus sociaux d’entre nous.

Ce sont de grands schémas polymorphiques et péri-religieux qui supportent bien l’adaptation au pragmatisme du temps présent, sous le regard attentif de la Tradition.

 

La réponse

 

Dans la recherche de la pensée originelle qui définit la Tradition, on doit s’interroger sur les différences qui caractérisent l’homme face à l’animal. Cette question doit logiquement élever plus encore le coté spirituel du cherchant.

La première recherche et la seule qui compte vraiment concerne les origines de l’homme. La réponse est souvent donnée comme divine ou surnaturelle. Elle peut être aussi le fruit d’une lente sélection naturelle mêlant hasard et nécessité. Quoi qu'il en soit vous ne rencontrerez aucun franc-maçon dénier à un autre frère ses convictions sur le « comment ». Cette question est habilement rangée sous le vocable du Grand Architecte De l’Univers, appellation suffisamment vague pour offrir la plasticité nécessaire à chaque sensibilité.

 

Pour le franc-maçon, le comment se limite aux conséquences dûment constatées plutôt qu’aux causes divines. C’est ainsi qu’on obtient une forme d’unanimité dans le constat seulement.

Symboliquement c’est une affaire de terre et de ciel, de matière et d’esprit. Il s’agit de faire ressortir l’esprit emprisonné dans une gangue de matière, belle allusion à l’homme prisonnier de son animalité. Voilà donc une réponse universelle qui du moins pour les occidentaux à l’avantage d’être adaptable.

C’est donc sur cette base qu’un constat est dressé : l’homme lutte en permanence contre son animalité. Ce fond d’animalité se caractérise par les mauvaises tendances qui sont notamment : la cupidité, les bas instincts, l’injustice, le fanatisme et l’ambition.

Le recul de l’humain face à l’animal suggère la perfectibilité de l’homme et le développement de ses qualités dont l’éthique est la meilleure expression.

 

 

La conscience pour soi

 

L’homme est traditionnellement considéré comme un médiateur entre la terre et le ciel.

Il ne s’agit pas pour le franc-maçon de déterminer l’origine de son arrivée sur terre, mais plutôt de savoir comment il peut y vivre en améliorant lui-même et ses semblables. Le franc-maçon reconnaît de fait une transcendance particulière dans son être et son agir.

Sortir du chaos qui l’entoure et pour lequel il porte une responsabilité certaine, tel est l’enjeu. Plus qu’un enjeu, il s’agit pour le maçon d’un projet.

Conscience, esprit, raison sont les soubassements de l’éthique. Son agir est immédiatement lié à son esprit qu’il doit travailler. Sa matière représentée par son animalité reste autonome dans son évolution. L’esprit se travaille comme la flamme d’une bougie lutte pour luire dans les ténèbres. C’est un travail permanent que de cultiver son champ et arracher la mauvaise herbe. C’est donc l’esprit qui peut donner du sens au fait d’être au monde.

Il faut donc mettre de l’ordre en soi avant de proposer quoique ce soit à la société.

L’esprit est en chacun d’entre nous, il est donc sous notre gouverne, sans qu’il soit nécessaire de s’en remettre à une puissance extérieure. Cette autonomie de la volonté n’explique pas comment l’esprit est venu à l’homme. Sur ce point chacun se réfère à ses convictions. C’est ici que repose la grande supériorité de la franc-maçonnerie :

Face au chaos avéré, qui n’est que la conséquence d’une perte d’esprit et de raison chez l’Homme, il s’agit de retravailler assidûment et constamment son esprit. Ainsi la tendance animale de l’homme sera reléguée au second plan.

C’est tout un programme qui demande une progressivité dans sa mise en œuvre qu’on appelle l’initiation graduelle. C’est ce qu’on appelle aussi la méthode maçonnique

 

La croyance en quelque chose de grand

 

Il existe trois grands courants qui mettent en œuvre un schéma directeur et une mise en œuvre adaptée à une sensibilité type :

- Le courant déiste repose sur un grand principe créateur indéterminé et inconnaissable. Il n’y a ni Dieu nommé, ni prières. L’homme se dépasse par la transcendance.

- Le courant laïque fortement impliqué dans la cité, situe sa réponse du comment dans l’unique raison humaine, chacun est libre de créer des liens dans le domaine de l’esprit pour son devenir après la mort. Ce qui compte c’est le progrès de l’humanité.

- Le courant théiste qui reconnaît la croyance en une intervention divine et qui recoupe le projet des trois grandes religions monothéistes. Le salut est recherché en faisant le bien, ceci constitue l’accomplissement personnel. C’est la base de la morale chrétienne et des anciens devoirs.

 

Je suis convaincu que la grande majorité des maçons se considèrent des trois courants, leur sagesse étant fondée sur l’esprit de synthèse.

Voilà la grandeur du franc-maçon du XXIe siècle, être soi dans un esprit de synthèse.

 

Résoudre le pourquoi par une croyance quelle qu’elle soit, ne remet pas en cause l’état des lieux et la culture de l’esprit face au chaos. Le schéma commun à tous les maçons reste intact. Il faut agir avec le discernement et la conscience d’un tout. C’est le devoir qui nous appelle ici bas, on ne peut pas rester les bras croisés. L’initiation est une sensibilisation de l’esprit face à la matière, de l’humain face à la bête et de la connaissance de soi.

Se connaître soi-même pour agir juste dans son idéal de grandeur, voilà la direction.

 

 

Le Schéma et les voies mises en œuvre

 

Pour les compagnons traceurs que nous sommes, le grand dessin c’est d’abord de conjuguer une ébauche personnelle et un plan collectif.

Le grand dessin conditionne la mise à disposition des moyens.

Quel est le schéma ?

Il s’agit du progrès spirituel et moral de l’humanité, en faisant remonter la responsabilité individuelle.

Pour faire progresser le niveau humain en chacun de nous, en gardant la main sur la société qu’il a créée et dont il est seul responsable, il faut prendre en compte l’autre comme composante de base de la société et non soi-même. C’est le principe de l’altruisme et de la fraternité.

La condition préalable à cette mise en œuvre est que pour atteindre ce grand dessin, encore faut-il atteindre un degré d’évolution spirituelle suffisant.

La réalisation personnelle est donc un point de passage obligé.

 

Les deux niveaux d’élévation

 

Dans une première version, cette réalisation peut suffire et constituer en soi le projet, car le rayonnement du maçon sur la voie de la réalisation spirituelle est tel, dans une société donnée, qu’il envahit et infuse la société par toutes les zones de contact qui s’offrent à lui. Ainsi,la réalisation personnelle devient un accomplissement spirituel avec d’éventuels développements religieux et infuse toute la société.

L’inconvénient de cette approche est qu’elle risque de s’arrêter en chemin, dans une réalisation personnelle égocentrée, avec un rayonnement faible, confidentiel, mais de qualité.

La deuxième version du projet franchit le cap de la réalisation spirituelle de l’individu agissant par infusion pour atteindre l’action par perfusion. Il s’agit dans ce cas d’agir concrètement dans une action ouverte et tendue au plan sociétal.

Le travers de cet interventionnisme sociétal est d’oublier la dimension spirituelle de l’initiation et de ravaler les loges à des sociétés caritatives ou politiques.

Les obédiences et les rites sont les expressions de ces deux tendances : construire l’individu et, ou, construire la société par infusion ou par perfusion.

 

L’homme est donc au centre du progrès de l’humanité et de la fraternité universelle. L’homme est en danger face à l’animal qui est en lui. L’humanité régresse en certains points du globe et parfois même au pied de notre immeuble.

Les ténébreuses périodes de notre histoire peuvent ressurgir au gré d’un bulletin de vote !

 

Retrouver le chemin de l’esprit et donc de la spiritualité à base humaine ou divine est un moyen efficace pour faire progresser l’homme face à son animalité. Cette option ne remet pas en cause l’acquis de la spiritualité divine, mais disons qu’elle est pragmatique, à effet immédiat sans attendre un quelconque salut.

Transmettre des valeurs nées de l’esprit, ce qu’on appelle une morale, face à une déliquescence, doit être notre préoccupation. Cette morale est d’essence chrétienne, car fondée sur l’amour du prochain.

On le voit parfaitement dans les affaires, les mœurs, la bioéthique, il existe une déontologie, les lois ne se font pas sans foi ni éthique.

Pour y parvenir, il faut désirer l’élévation dans l’acte même. Ainsi l’initié par son élévation spirituelle se reconnaît à ses actes élevés.

L’être et l’agir se suivent et l’individuel se diffuse dans le collectif.

 

En réalité, il n’y a pas de véritable réalisation spirituelle égocentrée, elle finit toujours par rayonner et se diffuser, c’est le principe du flamboiement de l’étoile. On peut affirmer qu’il n’y pas de société harmonieuse sans désir d’harmonie chez l’homme. Hors l’harmonie conjuguée à la sagesse et à la force est l’expression même de l’esprit maçonnique.

 

C’est ainsi que les francs-maçons font évoluer sur plusieurs générations une société, sans avoir la prétention de se l’approprier ou de la diriger.

 

L’exemple

 

La transcendance appliquée au temporel (« ici et maintenant ») sans faire nécessairement l’abstraction d’un au-delà, implique un commencement et une finalité à l’action de chacun.

Le commencement est la traduction littéraire du terme « initiation », la finalité répond au « pourquoi être un homme sur Terre ». L’exemplarité est de mise pour soi et dans le regard des autres. La conquête individuelle de l’espace spirituel devient sociétale. C’est donc par l’exemplarité que nous pouvons faire progresser ce grand H que nous retrouvons dans certains hauts grades. Ce grand H naît de la part grandissante de spiritualité chez le maçon. C’est la progression de l’esprit sur la matière.

 

Ce passage sur terre se doit d’être utile et producteur de sens. Le franc-maçon ne se réfugie pas dans l’inaction aussi passive que coupable. Le devoir l’appelle. Ce devoir n’est pas religieux, mais il peut le compléter efficacement, d’autant qu’il doit ne jamais se relâcher au risque d’une chute dans les ténèbres. C’est ainsi que le progrès s’installe au plan spirituel et moral puis matériel et sociétal. C’est donc de la condition humaine dont il s’agit, en dépendance et en responsabilité de son environnement. La notion de progrès de l’état humain doit intégrer l’environnement de l’homme avant l’homme lui-même.

 

L’étincelle

 

La spiritualité maçonnique n’est pas à confondre avec la spiritualité religieuse, même si elle la complète avantageusement.

Elle se situe au service de l’homme dans un progrès réel et puise dans les moyens qu’il est apte à découvrir en lui, sans intervention divine. Dieu n’est donc pas appelé à la rescousse pour étalonner les problèmes, on ne peut se contenter de s’en remettre à lui, nous devons prendre nos responsabilités. C’est ici que se situe la transcendance maçonnique. Trouver l’esprit qui est en nous n’est pas une mince affaire. C’est toutefois le but de l’adage socratique « connais-toi toi-même » qui permet d’ouvrir le chemin de l’esprit. Le déclenchement du processus est personnel et personne ne connaît vraiment la recette pour le généraliser. Seule la méthode maçonnique universelle garantie à l’individu la mise sur la voie, déjà empruntée par les anciens, à lui de faire le reste du parcours.

L’étincelle repose non pas sur la logique ou le raisonnement, mais sur le ressenti strictement individuel. Pour y parvenir, le maçon participe à la construction de son propre projet et apprend à se découvrir. Il apprend à construire ses questions après un long silence et à élaborer ses réponses de manière ordonnée. Il apprend l’art de vivre du maçon qui induit un comportement d’ouverture et d’écoute.

Apprenant chemin faisant qui il est, il apprend à penser par lui-même et éveille une conscience personnelle dans ses choix. C’est la prise de conscience, moment tant attendu, car point de départ du cheminement spirituel. Il est, il pense par lui-même et il choisit le chemin.

Il n’est plus un mouton. Sa pensée est libre, il est responsable, il suit un chemin de lumière.

 

La connaissance

 

Comprendre soi et le monde c’est se mettre sur la voie de la connaissance et non pas du savoir.

On est dans le domaine de la suggestion plus que de l’enseignement. L’intuitif a une place prépondérante sans oublier la raison. Quelque part la démarche fondée sur l’imagerie symbolique et mythique permet à l’impétrant de rentrer dans un for intérieur qui lui était inconnu. C’est une progression par analogie qui donne une perspective à plusieurs sorties.

La multitude de portes ainsi crée, remet en cause la certitude du moment et offre une remise à plat du sujet à traiter que l’on croyait achevé. Le principal sujet de l’initiation est une rencontre avec soi même. C’est à chaque fois le changement de point de vue, d’angle d’attaque du sujet considéré qui donne du relief à d’autres développements. L’ouvrage n’est jamais achevé même sur des sujets cent fois rebattus. C’est l’échange en milieu collectif qui crée ce phénomène. Le doute et la rupture des certitudes permettent de réengager le sujet traité sous un jour nouveau et l’échange fournit de nouveaux éléments pour un nouveau point de vue.

 

La ritualisation

 

La technique pour aboutir à cet enrichissement repose sur une rigueur ritualisée.

La réunion des maçons ne se fait pas n’importe comment. On abandonne ses métaux sur les parvis pour entrer dans un ordonnancement maîtrisé, dans un temple image recréée d’un monde où les cycles de la nature sont présents. Suit ce qu’on appelle l’ouverture des travaux basés sur un rituel toujours identique, qui permet au maçon de lâcher prise avec le monde profane et d’entrer dans ce for intérieur qu’il partage avec d’autres, soit un espace-temps particulier et sacré.

Enfin il y la méthodologie de la prise de parole, avec le Vénérable pour trait d’union, rigoureuse, égale et limitée pour tous, où l’écoute domine l’expression. Debout à l’ordre c'est-à-dire avec la maîtrise de ses pulsions et passions, chacun s’exprime avec la certitude d’être entendu.

 

Vient la fin des travaux où chacun s'est enrichi du miroir offert par l’autre.

La progression par degré et par grade permet de refaire sans arrêt le même chemin de l’esprit en découvrant à chaque fois de nouvelles pépites.

 

C’est une progression par cercles concentriques qui au fur et à mesure du temps, s’élargissent sans fin. L’étendue de leur diamètre signifie l’état d’avancement dans l’étude du champ des possibles pour chacun. Cette donnée est personnelle, mais elle se ressent lors des prises de parole, où l’on voit très bien la progression graduelle se faire chez chaque maçon, en fonction de la qualité et la profondeur de ses réflexions. Sur ce point il n’y a pas de mise en concurrence d’un maçon envers un autre. Une émulation se crée naturellement en voyant les autres progresser dans leurs analyses et réflexions.

 

Cette méthode ritualisée permet de penser autrement et de rompre avec les lieux communs. L’horizon est plus large en maçonnerie qu’au café du commerce.

 

Le phénomène est possible si on a converti son regard, ce qui est le propre de la cérémonie d’initiation. Cette cérémonie particulière marque comme une borne sur notre parcours, un avant et un après. Tout ceci est symbolique et physique.

 

C’est le corps et ses cinq sens qui informent le cerveau qu’un événement hors du commun se produit, c’est la conscience qui se saisit de l’instant pour mieux le goûter et c’est enfin l’homme qui découvre d’autres horizons. Tout est fait pour éveiller notre esprit.

À l’issue de cette cérémonie où lui a été présentée la lumière, commence un long et difficile chemin vers cette lumière.

La vie du maçon est aussi à l’extérieur du temple et son comportement sera maçonnique, c'est-à-dire empreint de cette quête et de cette recherche d’écoute et de perfection de l’homme. Son comportement se veut exemplaire pour mieux infuser la société, sans prosélytisme aucun. Enfin pour mieux franchir les crispations et les positions définitives qui sclérosent et abêtissent les individus et la société, le maçon privilégiera la pensée ternaire à la pensée duale et manichéenne. L’homme est naturellement binaire, le maçon est ternaire. Ainsi fait, il ouvrira devant lui des portes inattendues qui feront le succès de sa démarche d’ouverture à l’autre. La conciliation des contraires est une attitude payante, car dynamique et elle offre toujours plus de perspectives qu’une simple alternative. L’opposition naît de la différence, mais la différence nous enrichit et nous renforce sans nier l’autre.

 

Les principes de l’art royal devront être appliqués. Cimenter et unir les pierres entre elles c’est le but premier du rite et du rituel. Respecter les règles de construction qui nous sont transmises depuis la nuit des temps et dont le rituel est le servant et la mémoire. C’est ce qu’on appelle les règles de l’art. L’exigence passe par le souci du travail bien fait et du bel ouvrage, pour mieux se construire soi même. Tailler puis polir sa pierre prend alors toute sa signification.

Avoir la conscience du tout c’est aussi placer sa pierre dans l’édifice. Celle-ci est aussi indispensable que les autres. L’œuvre individuelle consistant en la construction de soi, participe directement à l’œuvre collective. La construction de la cité peut se faire sans prosélytisme.

 

 

Construire l’exemplarité

 

Nous avons vu que le schéma directeur et les moyens à mettre en œuvre consistent en une solution globale pour répondre à l’attente générale du maçon, qui souhaite progresser dans le monde de l’esprit.

Cette voie spirituelle serait une vaine appellation, s’il n’était fait aucun écho à cette volonté.

L’écho se situe dans l’acte du quotidien d’un maçon de base.

On attend un retour de cet engagement personnel.

Le retour dépend de l’attitude remarquable et exemplaire du maçon. L’attitude se projette à deux niveaux, l’intérieur et l’extérieur.

À l’intérieur c’est l’éthique de chacun qui sert de baromètre à l’attitude exemplaire.

À l’extérieur c’est la morale qui régit les règles de vie sociale qui va reconnaître l’exemplarité de l’acte ou de l’attitude.

La pierre que nous taillons se décrit sous ces deux angles de vue qui font sa beauté. La pierre pour elle-même à sa beauté propre, mais son utilité se trouve dans l’œuvre d’ensemble. La relation entre le relatif et le général nous ramène à l’échange indispensable entre l’éthique et la morale.

Finalement nos comportements sont dictés par les lois qui sont la production de la morale, élaborée elle-même dans les limites d’un ressenti personnel appelé éthique.

La proposition ici énoncée peut aussi être inversée dans le sens du personnel au collectif.

 

Avant la loi, la morale et l’étique, il me semble que les notions collectives et individuelles soient parfaitement intégrées dans toute société initiatique. Être initié implique de se connaître soi-même, pour en réalité, être socialement admis par les autres. L’Ego rencontre l’Alter Ego. La vérité tant recherchée est en soi et doit être validée par le collectif. Ce double rapport à soi et aux autres est producteur du comportement bon ou mauvais.

Le bien et le mal et l’effort de synthèse sont les bases mêmes de l’enseignement maçonnique à travers les mythes. C’est le cheminement maçonnique qui garanti la transmission des éléments ontologiques, eschatologiques et du vivre ensemble.

Les mythes connus du franc-maçon sont donc des réceptacles immémoriaux de sagesse et de vertu. Dans un cadre cosmogonique, ils mettent en scène la vertu et donnent à choisir par acteurs interposés entre le bien et le mal. L’explication symbolique évite de tomber dans un manichéisme outrancier.

La méthode pour garantir la transmission s’appuie sur les rites. Les rites sont la mise en pratique de l’enseignement des mythes et valorisent la dimension symbolique. C’est à travers le symbole ritualisé que le mythe s’exprime dans une société initiatique. Ainsi on peut expliquer la production de l’inconscient collectif, soubassement de l’éthique et du sens.

 C’est cette particularité qui fait du franc-maçon un homme de la grande tradition et du grand avenir. Cette tradition est porteuse de sens pour déterminer l’action du maçon.

À la question : quel sens à donner à notre engagement dans la franc-maçonnerie, je répondrais qui faut suivre la tradition, et le cadre général de la rituélie.

Le comportement exemplaire du maçon dans la société implique la responsabilité de celui-ci dans ses choix. Constamment il tend vers l’universel en évitant la vérité d’un temps et d’une circonstance.

 

Cette recherche de l’universel le ramène à une notion religieuse au-delà de la mort et à une notion temporelle et sociale pour le temps qui lui reste à vivre. Sur ces deux cycles, il doit avoir cette conscience vertueuse, c'est-à-dire avoir l’habitude du bien !

Le « ici et maintenant » et « l’au-delà » doivent entrer en résonance.

 

La notion de choix est la base de l’engagement maçonnique. Être dans une vérité vertueuse et solidaire, plutôt que dans une forme d’opportunité prédatrice est un axe valable.

 

Le choix personnel, lié à sa propre éthique, liée le cas échéant à « l’au-delà » de la vie, doit rejoindre l’intérêt de la communauté fondé sur la morale et la loi confrontées à une réalité triviale.

 

D'après les travaux des loges sur les thèmes : « Utilité sociale du franc-maçon », et « Le franc-maçon et l'animal », ainsi que les travaux de Jean François Pluviaud :  « Discours de la méthode maçonnique » éditions Véga

 

Eri\Rom\



[1]              Il faut différencer les trois premiers degrés des grades supérieurs qui suivant les obédiences et les rites, ont des objectifs différents, par leurs fondations et leurs natures, que ceux que nous exposons ici.

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"La recherche symbolique reste la valeur de base de toute démarche humanisante".

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