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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 23:08

Les Cris d’Armes des chevaliers

(Aperçu sur la chevalerie spirituelle)

 

L’héraldiste associe par tradition au blason le cri d’armes et la devise du chevalier.

Ces trois éléments sont l’identité extérieure et intérieure de l’homme à cheval.

 

Le blason authentifie nos origines par l’association des couleurs et des meubles, ces blasons sont souvent "parlant".

La devise indique ce que nous sommes venus faire sur terre en fonction d’une projection céleste.

Le cri  indique la nature ultime de l’âme du chevalier. Âme qui se manifesta bruyamment lors de la naissance de l’enfant.

La voie initiatique chevaleresque est l’une des trois voies traditionnelles dûment décrites par René Guénon.

À ce titre, nombre de rapprochements sont à faire entre les voies maçonniques et chevaleresques. Les principes de tripartition de l’être sont identiques, mais s’appliquent dans des domaines superposés. C’est l’illustration parfaite des lois de correspondances.

 

La progression chevaleresque.

 

« Jusqu’à l’âge de 7 ans, le futur chevalier était laissé aux soins des femmes. Il était ensuite PAGE jusqu’à 14 ans, c’est-à-dire attaché à un châtelain, Chevalier qu’il avait fonction de servir. Sorti vers 14 ans, il était ÉCUYER, c’est-à-dire attaché à un chevalier qu’il secondait en paix comme en guerre soignant ses armes, ses chevaux, l’aidant à revêtir sa cuirasse, le secourant dans la bataille, le remontant avec l’un de ses grands chevaux s’il en était besoin, le soignant, gardant ses prisonniers, etc.

Il avait déjà de ce fait un entraînement poussé et l’emploi des armes. Lorsqu’il avait pu faire preuve de sa valeur soit à la guerre, soit en tournoi, il pouvait être armé chevalier vers 21 ans. Il était alors bachelier et avait droit de porter pennon (le pennon était un enseigne, sorte de fanion, qui se terminait en pointe). Il avait aussi d’ailleurs droit de girouette, et sur sa gentilhommière, ou château, en forme de pennon à pointe, tournait le floquet ou pennoncel.

Le plus souvent le chevalier bachelier n’était pas assez riche pour porter bannière et prenait parti sous un banneret auquel il amenait son pennon ... Mais quand il parvenait à réunir un domaine d‘au moins quatre batelles et avait un certain nombre de vassaux, il pouvait demander à porter bannière. (La bacelle équivalait à 10 mas ou ineh - mesure agraire correspondant aux labours d‘une charrue à deux boeufs).

Pour avoir la prérogative de porter bannière - qui était une marque de grande noblesse - le chevalier bachelier devait avoir servi et suivi à la guerre, avoir aussi assez de terres pour que des gentilshommes accompagnent sa bannière.

II lui fallait avoir au moins 50 hommes d’armes (25 pour combattre et 25 pour lui et la bannière garder ce qui représentait environ 150 cavaliers à cheval, sans compter les gens de pied archers, arbalétriers ou piquenaires.

Lorsqu’il réunissait les conditions voulues, le chevalier bachelier devait apporter à la première bataille où il se trouvait son pennon  et présenter sa « compagnie » au connétable ou aux maréchaux qui intervenaient auprès du prince, pour que lui soit accordé le droit de « porter bannière ». Alors, on coupait l’extrémité pointue du pennon qui prenait une forme carrée ou rectangulaire et devenait bannière, d’où l’expression ancienne : « faire de pennon bannière » pour marquer le passage d’une dignité à une autre dignité plus élevée. De même la girouette du banneret prenait la forme rectangulaire ou carrée. En principe à l’occasion d’une première bataille le chevalier bachelier pouvait demander à porter bannière, à la deuxième à devenir banneret,  à la troisième il pouvait aspirer à devenir haroiz qui était le plus haut degré de la noblesse seigneuriale ».

 

La tripartition

Le cri est l’expression de l’intériorité d’un corps relié à sa fondation. L’identité de l’être ressort par la bouche du chevalier comme un expire au moment ultime du combat. Le jeter de corps dans la mêlée de la bataille, au milieu d’une forêt de lances et d’épées, dissocie les trois éléments constitutifs de l’être en les identifiant. Le corps d’arme se meut au milieu de ce magma dissolutif du chaos originel, l’esprit sort par la bouche du combattant[1]pour rejoindre l’épée tenue à main droite, et l’âme désespérée de cette séparation crie son veuvage.

Le corps du chevalier sera enfant de l’âme veuve de l’esprit. Nous retrouvons ici les deux expressions maçonniques : fils de la Veuve pour l’âme et fils de la lumière pour l’esprit.

Le jeter du corps dans la bataille est relaté en Loge lors de l’initiation maçonnique ou l’impétrant se trouve le cœur transpercé dans les épreuves circumambulatoires, et lors du jaillissement de la lumière au milieu d’une forêt d’épées tendues vers son cœur. Les deux voies initiatiques, artisanales et chevaleresques ont en commun la tripartition de l’Être : corps, âme et esprit.

 

L’intériorité habitée

Le cri plus qu’un élément d’identification recoupe les fondements de la tradition, en rendant parfaitement visible la structure interne à tout être. C’est ici l’idéal chevaleresque qui identifie le veuvage de l’âme comme la fameuse dame, moteur principal de la quête chevaleresque. L’âme anime le corps de matière comme la Dame anime la quête du chevalier.

Ainsi « Ma Dame » est Notre Dame pour les chevaliers du Temple, la dame de la deuxième paire de gants pour le maçon sont la Veuve, ici assimilée à Marie dont Hiram est le fils.

Il faut lire en effet en langue sacrée Hiram de droite à gauche, ce qui nous donne Mari (H). Le « e » muet est remplacé par le H bien connu du REP par sa symbolique développée dans le grade de Chevalier de Saint-André. Ce H est, en plus d’une clef hermétique, le Hé du tétragramme divin exprimant le fameux « souffle » sur la surface des eaux explicitée dans la genèse. De ce souffle naîtra la différenciation par la volonté principielle.

Le souffle comprenait l’anima qui produisit l’animus, mais cet anima pour l’homme créé à l’image de Dieu, s’accompagnait d’une parcelle indivise de l’esprit au point de se confondre l’une à l’autre. En effet, l’esprit-principe ne pouvait être accueilli dans le corps sans présence de l’âme anima.

L’expérience initiatique du cri.

Tout le travail initiatique d’éveil consiste à faire prendre en compte par notre conscience des trois éléments constitutifs de l’être (corps, âme, esprit), en l’associant chacun aux trois axes de la loge. C’est au centre de cette croix tridimensionnelle que doit se réaliser l’Unité.

Ce cri fait donc le pendant de l’âme dans le domaine de l’entendement ésotérique. Il est miroir révélateur de l’âme et de son volontarisme à accueillir l’esprit. C’est une signature des tréfonds de l’être.

Comme il existe une signature céleste de l’esprit du chevalier dans les cieux, qui est celle de son nomen chevaleresque découlant de la devise, il existe une signature terrestre de l’âme. C’est le cri.

Ainsi l’homme devenu chevalier, identifie les trois parties de son être.

Son nom d’appartenance corporel au terrestre par la prise du nom de son fief ou de sa terre ou de sa famille, son « cri d’arme » qui est en vérité son « «cri d’âme », et son nomen d’ordre ou devise, traduction céleste de sa personnalité en regard de l’esprit-lumière.

L’inscription céleste de son nom se fait aussi par l’appartenance de ce dernier à un ordre chevaleresque. La fonction de l’ordre chevaleresque est de fixer l’ordonnancement triparti de l’Être et la dévolution successorale, c’est le rôle de l’armorial.

Au plan hermétique on peut faire les mêmes rapprochements entre l’âme et l’esprit : la Dame est la reine qui attend le Roi-Soleil, de leur mariage né l’homme fruit du ciel et de la terre, de l’eau et du feu. L’homme par son mercure fait l’alliance des opposés. Cet homme est l’androgyne, l’Adam original, celui d’avant la chute. Les ordres de chevalerie par leur culture de la Dame font tous cette tentative de réunification, aucun n’y fait exception (ordre de Saint André du Chardon, ordre de la toison d’or, ordre du Temple, etc.).

 

À bien des égards les textes anciens nous éclairent sur l’intérêt au combat de ces cris : La Chanson de Roland[2]est un témoignage très caractéristique des coutumes de la chevalerie. Nous y retrouvons les exemples du cri de combat, du cri de guerre, du cri féodal et déjà du cri royal ou cri national utilisé comme « cri à la rescousse »et « cri de ralliement ». Sans esprit inventif je reprendrai les études historiques existantes sur ce sujet, et notamment celle de H. DE BUTTET, en les réinterprétant sur un plan initiatique.

 

 

 

 

Le cri s’est distingué en sous-classifications :

 

- le cri primitif  - considéré comme le plus instinctif, c’est une vocifération proche de l’animalité qui lutte pour conserver son statut d’homme triparti. Le cri anime et amplifie l’instinct et l’agressivité au combat, c’est l’âme qui est en souffrance sous la torsion du corps et le siège des armes transperçantes.

On comprend qu’il doit impressionner l’adversaire par sa fureur. Son caractère enveloppant et hypnotique lui donne un aspect collectif qui peu être accompagné d’instrument de musique. L’effet enveloppant se traduisait dans un esprit de corps collectif. Sa contagion était telle qu’elle faisait oublier la peur de mourir. C’est à la puissance de ce premier cri engageant les corps que l’on pouvait déterminer la détermination à s’oublier et donc l’issue du combat, les Romains s’en servaient au contact final comme une explosion d’adrénaline[3]

 

- le cri de guerre – ou slughan, variante du cri primitif, il a ici un sens extérieur précis. Le corps expire un lien particulier qui exprime l’appel de l’âme à l’endroit de l’esprit. On exprime un nom, une idée, une invocation, une prière, un mot d’ordre doté d’un sens premier apparent et un second secret.

 

Le cri de guerre des Romains est : feri ! (frappe !). Ils frappaient en effet du plat de leur épée sur leur bouclier symbolisant la voûte crânienne et la voûte étoilée. Les Grecs criaient « allahla » ou (« allahli » d’où le terme de chasse hallali. Le vieux cri de guerre celtique « Torr he brenn » (casse la tête) remonte très loin, peut-être à l’âge des cavernes ! La frappe du bouclier fait sortir l’esprit de la boîte crânienne, le torr he brenn ouvre la boîte crânienne.

Ce positionnement en rapport à la sortie de l’esprit par le sommet du crâne formera le cimier du heaume qui outre ses couleurs parlantes signifie la sortie sans peur et sans reproche (l’âme pure et légère[4]) de l’esprit du corps. On en retrouve la trace dans les cris de guerre des Irlandais « a boo » (à la victoire) qui figurent au cimier des armoiries des Desmond et Mac Carthy. Le cri de guerre antique de l’Écosse le «  slughan »ou slogan se retrouve dans le cri de clan des Mac Donnel, Mac Alpine, Mac Gregor, et d’autres encore.

Le cri de guerre des Cosaques « Huraj ! » dont est issu le « hurrah ! » remonte aussi fort loin il signifie « au paradis » et l’acclamation écossaise Houzza houzza houzza ! des loges militaires écossaises de l’époque Stuartiste marque cette continuité.

Le cri de guerre, on le voit n’est plus le hurlement primitif de survie, mais est devenu un mot slogan. Il deviendra une incantation vivifiant le culte des ancêtres, intercesseurs au travers du ciel. Cette pratique fut conservée au rite écossais : les loges maçonniques au moins une fois l’an font l’appel les Frères passés à l’Orient éternel[5]. Dans les combats tribaux, les ancêtres se joignent à l’appel des vivants pour œuvrer à la victoire.

Souvent le cri invoque les secours du ciel, le nom d’un chef, celui d‘une ville, le souvenir d’une victoire. Nous relatons deux épisodes de l’Ancien Testament ou l’aide du ciel est clairement exprimée, le cri entre en vibration avec la musique :

La première ville que trouvèrent les Israélites, après le passage du Jourdain, fut celle de Jéricho. Josué, par l'ordre de Dieu, fit faire à son armée le tour de la ville, une fois par jour, pendant six jours de suite. Des prêtres, portant l'arche, précédaient les hommes de guerre. Au septième jour, on fit sept fois le tour de la ville ; au dernier tour, les prêtres sonnèrent de la trompette, et le peuple jeta de grands cris « Jéricho,… » : à l'instant les murailles tombèrent, et chacun entra par la brèche qu'il avait devant lui. Tous les habitants furent passés au fil de l'épée. Ce cri d’arme fut repris au moyen âge par de nombreuses lignées.

Les 300 Hébreux prirent chacun une trompette d'une main, et de l'autre un vase de terre renfermant un flambeau ; ainsi armés, ils descendirent la nuit dans le camp des Madianites. Au signal donné, ils brisent les vases et sonnent de la trompette en criant : « Le glaive du Seigneur et de Gédéon ! » Les ennemis se croient surpris par une puissante armée, ils s'enfuient de toutes parts, et se tuent les uns les autres sans se reconnaître. Cent vingt mille Madianites périrent. Le cri d’arme « Gédéon,… » fut aussi repris à maintes reprises.

 

Depuis Constantin, les chrétiens invoquent Dieu, la Vierge, les Saints : ce sont des cris d‘invocation[6] pour le salut du combattant on ouvrait ainsi le passage de l’esprit vers le ciel.

 

- Adiuta ! criait un officier. - Deus ! répondait toute la troupe.

Ce fût, l’invocation personnelle de Clovis à Tolbiac . L’abbé Merlette, pense que ce fut le cri de guerre royal puis impérial qu’avaient gardé les Mérovingiens et les Carolingiens. Selon lui « Diex aïe » serait le cri authentique de Roland et de Charlemagne.

Au XIe siècle le cri des Anglais est « Croix de Dieu ! », celui des Normands « Dieu nous garde ! ».

Au XIIIe siècle les troupes de don Pedro d’Aragon contre les Mores d’Espagne, avant le combat s’agenouillent. Après une brève prière, ils frappent le sol de leur lance en criant : « Desperta ferro ! » (Fer réveille-toi !) et se précipitent sur l’ennemi en criant :

« A Gur ! » Dieu !). Pour les connaisseurs l’allusion à la lance rédemptrice de Longinus est évidente. En réveillant le fer et par la frappe, on réveille la voie du cœur ou réside l’âme qui héberge l’esprit, et en frappant le sol on réveille les âmes errantes des ancêtres morts au combat. Ce fer va percer le centre de l’adversaire lui libérant l’esprit et envoyant son âme en terre. Donc la voie du centre est l’ultime lieu pour de séjour des âmes (centre de la terre) et pour l’envol de l’esprit (centre ontologique).

Au XVe siècle les Moscovites crient « Dieu et le Grand  Prince ! » Formule encore féodale inférant une hiérarchie entre le divin et l’opératif royale comme on le retrouve dans les anciennes formules des loges militaires stuartistes du XVIIeme siècle : « Dieu Grand Architecte de l’Univers ».

Les deux cris, cri primitif et cri de guerre, furent employés simultanément, le premier pour la torsion de l’âme et le second pour l’ouverture du chemin pour l’esprit.

La mort au combat était libératrice dès lors que l’on respectait son engagement et sa parole, ce qui est conforme à l’idéal chevaleresque. Cette mort par l’engagement des trois dimensions de l’être est de même nature que la mort sacrificielle du saint sur la croix par crucifixion. En chevalerie initiatique le grand principe du vouloir mourir et de pouvoir renaître. Après la mort il y a renaissance. La vie du chevalier et une vie éveillée[7] et tout entière tendue vers le but de son engagement et de sa parole. C’est ce qui le distingue du commun des mortels et justifie son statut.

 

(…)

 

- les cris d’armes du chevalier - du Xe aux XVe siècles - qui est très caractéristique des usages de cette époque. La chevalerie se structure dans la tradition de la veillée d’armes, du serment et de l’adoubement. Le cri se modifie en fonction du lien hiérarchique et du ralliement au combat. Chacun donne à l’expression une relation à Dieu aux saints, au nom des ancêtres intercesseurs qui sont parfois confondus avec celui des terres de leur chef. Cette relation devient identitaire et qualifiante.

 

Le chevalier banneret et son cri.

 

Le cri  devient une expression féodale réservée au chevalier banneret, ce chevalier aîné de famille est un chef militaire ayant droit de porter bannière. Il y avait doncjusqu’au XVIIème siècle, autant de cris d‘armes que de bannières. Le cri peut être inscrit sur la bannière. C’est le héraut d’armes qui l’annonçait. On retrouvait la bannière et le cri sur le blason. L’aîné portait blason plein et sans brisures.

Le blason est la prolongation hermétique de l’intériorité de l’être, il décrit la part impérissable de l’être et la définition de la personnalité combattante.

Le cri expression de l’âme fait ouvrir le chemin vers le ciel pour l’envol de l’esprit et vers le centre de la mêlée en effrayant les adversaires.

La devise définit le nom céleste du chevalier.

Par le cri, la devise et le blason, c’est l’âme, l’esprit et le corps du chevalier qui se dessine dans les cieux.

Il est prêt au déjà l’inscription céleste du transport de l’esprit. Alors le foudroiement joue aussi bien sur l’adversaire que sur le chevalier mettant celui-ci dans un état particulier.

Il y a donc dans le cri d’arme un aspect ascendant qui est une voie pour le retour de l’esprit et un aspect descendant consistant au foudroiement de l’adversaire par le percement de l’armure. La foudre associée à l’épée, ou à la lance qui transperce s’associe à l’intime expiré dans un souffle pour envoyer l’adversaire dans l’autre monde. En cas d’échec au combat, la voie de l’ascension de l’esprit lui est ouverte.

 

Le roi de France - le premier des seigneurs - avait son cri : Montjoie, qui deviendra Montjoie Saint-Denis, et prendra le caractère de cri national unique.

D’où les expressions françaises du vieux langage : "aller au cri" pour exprimer le rassemblement identitaire des vassaux sous ses ordres pour aller à la guerre.

Notons que tous les gentilshommes n’avaient pas le droit de cri. Ils devaient se rendre au cri du banneret.

Les seigneurs français portant bannière avaient leur cri, qui était inscrit sur leur bannière. Le cri était un moyen de commandement: il servait à donner le signal du combat, à rallier les hommes d’armes dans la mêlée confuse du champ de bataille à cette époque de combat individuel. Le cri d’armes d’un banneret était le cri du corps d’armée qu’il commandait, et de toutes les bannières ou pennons qu’il pouvait avoir sous ses ordres.

Les bannerets choisissaient généralement l’un d’entre eux, celui qui leur semblait le plus qualifié pour une bataille. Le cri de guerre était alors celui du commandant en chef choisi.

 

 

Quelle était la forme des cris d’armes ?

Le cri de l'occident s’est formé en  orient sur le centre religieux des origines : celui bien connu, de Godfroy de Bouillon à la première croisade : « Dieu le veult ! Dieu le veult ! ».

 

Souvent les familles criaient simplement leurs noms de leurs ancêtres. C’est le cas d’Acigny, d’Aspremont, les Duras, les Joinville, les Gamache, les Kergorlan, les Rubempré et bien d’autres crient le nom de l’ancêtre qui personnifie l’âme en terre et l’esprit intercesseur.

Souvent y est jointe une invocation :

- « à Dieu »

- Les invocations à Notre Dame sont nombreuses :

« Bourbon Notre Dame ! » est le cri de Navarre, Notre Dame au Seigneur de Coucy ! est celui bien connu des Sires de Coucy.

De même on crie : « Cergy Notre Dame, N. D. Sancerre ! N. D.Guesclin ! (c’est le cri du connétable Bertrand de Guesclin) Bourbon Notre Dame ! N. D. Belle Val ! Notre Dame Ribeinont crie le seigneur de Bousiers ...

-Les invocations aux saints intercesseurs sont courantes : « Montigny Saint Christophe ! » (C’est le cri des Heuchins d’ostrevant). Saint Aubert ! (c’est le cri des Graincourt en Artois). Saint Pol ! (celui des d’Hautecloque). Les Pindray crient : Meltes Saint André ! ; les Saint Yrieix : « Saint Yrieix à moi ! » ; les Vienne en Bourgogne : « Saint-Georges au puissant Duc ! ».

-Parfois est évoqué le souvenir des croisades et de la lumière du Levant : les Blondel, les Crouy, les Chanel crient : « Jérusalem ! » - les Chauvigny crient « Chevaliers pleuvent Jérusalem»

-La fidélité au roi n’est pas de reste:

(pro rege ! pro rege !).

-Les cris des noms de villes ou de forteresse :

En Picardie, et en Artois, les kmewal, les Ollehain, le Vidame de Picquigny, les Ranchicourt crient « Boulogne » ; il est vrai qu’ils en portent les armes.

Les comtes de Kimberley, en Grande- Bretagne ont conservé jusqu’à nos jours pour cri d’armes «  Azincourt » en souvenir d’une victoire contre la France.

 

Le cri était parfois le reflet des meubles d’un blason de donc de la personnalité du chevalier, ce qui explique le cri des comtes de Flandres « Flandres au Lyon ! »– Les Waudripont portent deux lions adossés dos à dos ; leur cri est :

«  Cul à cul Waudripont ! ». Les Wandelancourt crient «  Mon aigle ».

Un épisode peut être l’origine de la formule d’un cri : en 1495, à la bataille de Formone Charles VIII appelle à son secours un seigneur de la maison de Montoison dont le cri et la devise deviendront « à la rescousse Montoison ! » ; le cri des Morialine « la rescousse Morialine » a une origine semblable.

Enfin, nous retrouvons les cris primitifs et cris de combat sans doute les plus anciens dans les cris d’armes.

- des Chasteler : Pring ! Pring ! (tue ! tue !)

- des comtes de Bar : au feu ! au feu !

- des Altvillars : Halaac ! halaac ! (à la bache !)

- des Carbonnel d’Hierville : Huc ! huc ! Carbonnel !  

- des Coligny : « haut la lance Pillot ! »

- des Contamine : à moi !

- des Coucy : N. D. au Seigneur de Coucy !

- des d’Eternac : main droite !

- des Grant de Vaux : « Tenons ferme ! »

- des Keranguat : « Défends-toi ! »

- des Tournon : «  au plus dur ! »

 

 

La bannière réglait le mouvement des troupes pendant le combat.

En cas de déroute le ralliement se faisait autour de cette bannière.

Les cris d’armes étaient poussés au moment de donner l’assaut, ou pour rallier la troupe ; il l’était aussi pour soutenir le banneret en danger, ou pour le délivrer s’il était pris : c’était « le cri à la rescousse ».

 

L’usage du cri d’armes, cri féodal, fut aboli. Les ordonnances de 1534 et de 1557 ont même imposé le silence lorsque le combat collectif démarre. On ordonna la jetée dans la mêlée qui n’en était plus une. Charles VII et ses compagnies d’ordonnances, base de l’armée royale contribuèrent à ce changement.

Alors on n’observe jamais au plus grand silence que dans les armées lorsqu’on est sur le point d’en venir aux mains, car on est attentif aux ordres des officiers, on entend le bruit des tambours, des trompettes, des timbales, mêlé à celui des armes à feu quand le combat commence.

 

Les cris d’armes particuliers ont aussi été abolis à la création des compagnies d’ordonnance. Cela a dispensé les bannerets d’amener leurs vassaux au service ordinaire, les bannières et la qualité de banneret même disparaissent de nos institutions. L’armée royale est créée, l’époque féodale est close, la Monarchie va centraliser tous les pouvoirs, et les derniers grands féodaux disparaîtront un jour sous le couperet de Richelieu. Le duc d’Epernon mourra en 1661 : alors commencera vraiment le règne du Grand Roi, Louis XIV.

Mais si la féodalité s’éteint, l’art héraldique survit et maintient la tradition. Les cris d’armes se retrouvent souvent avec des devises dans les blasons de quelques anciennes familles, inscrites au cimier de leurs armes dans la forme où ils étaient jadis écrits sur les bannières et où les lançaient les hérauts d’armes à l’occasion des tournois pour annoncer les chevaliers qui entraient en lice.

 

Le cri Royal : Montjoie Saint-Denis !

Nous ne pouvons manquer d’esquisser ici l’histoire du cri royal qui était à l’origine un cri seigneurial - celui du premier des seigneurs - avant de devenir cri unique, cri national. Le cri royal « Montjoie Saint-Denis » a fait l’objet de bien des Orderic Vital dit qu’en 1119 les Français ayant entendu le cri d’armes des Anglais qui venaient à eux crièrent Mont-Joye qui est le cri d‘armes de notre nation – «  sed ingressi, tersa vice clamarerunt ». Le même cri se retrouve à Antioche en 1191. D'après la Chronique des Flandres, en 1214, à la bataille de Bouvines, Philippe Auguste ayant eu son cheval tué sous lui, cria « Montjoie » à haute voix et fut aussitôt remonté sur un autre destrier.

L’origine de « Montjoie » a fait l’objet de nombreuses recherches, depuis des siècles et d’hypothèses passionnées. On a prétendu qu’il remontait à Clovis - l’étymologie même est incertaine ; on ne peut retenir l’explication qu’en donne l‘Auteur de la Chanson de Roland,.. le «  meum gaudium » a fait couler beaucoup d’encre.

Dans le vocabulaire médiéval le montjoie est un mont, ou un tas de pierres élevé à dessein, peut-être simplement le tertre sur lequel le prince est placé pour suivre la bataille, et plante sa bannière études - mais son origine n’est pas connue avec exactitude.

Il faut remarquer que l’invocation Saint-Denis à été ajoutée au cri d‘armes du roi à partir de l’époque où l‘oriflamme a été levée. L’oriflamme était la bannière militaire de l’abbaye de Saint-Denis. Ce monastère était en droit d’armer ses vassaux pour défendre ses terres.

Nous savons qu’en 1249, au siège de Damiette, c’est le cri de Montjoie Saint Denis qui retentit quand, à la suite de Saint-Louis, les chevaliers chrétiens sortent des vaisseaux pour se jeter dans UR combat très dur contre les Infidèles.

Le Montjoie-Saint-Denis sera encore crié à maintes reprises : à Furnes en 1292, à Azincourt en 1415, au siège de Montargis en 1426  à  Pontoise avec Charles VII en 1441 ... mais les historiens et chroniqueurs ne le mentionnent plus depuis ... et on ignore ce qu’elle est devenue.

 

Celui qui portait l'oriflamme avait le titre de «  porte-oriflamme » c'était la plus haute dignité de l'Armée, et une charge préférée à toute autre.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le cri d'armes «  Montjoie Saint-Denis »n'était pas attaché aux portes-oriflamme, mais au roi d'armes.

Le roi d'armes était alors un personnage de la maison du roi, dont la charge était importante. Depuis Louis le Gros, il était le porte-parole, l'ambassadeur du roi ou du commandant en chef.

Monté sur un cheval blanc afin de pouvoir être facilement reconnu, tenant à la main une masse d'armes ou un bâton à manche de velours violet semé de lis l'or et surmonté d'une couronne fermée (ancêtre du bâton de maréchal) placée à la tête des hérauts et poursuivants d'armes - il était désigné sous le nom de Montjoie.

Ainsi après la bataille d'Azincourt, nous rapporte Monstrelet,  Henri V d'Angleterre vainqueur de cette journée parcourut le champ de bataille où gisaient tant de chevaliers français, vaincus surtout par ses archers. Il fit venir le Montjoie, roi d'armes de France qui était prisonnier, pour lui demander le nom du château qu'il voyait près de lui. - Azincourt ! répondit celui-ci, et c'est de ce nom que fut baptisée la célèbre bataille qui sonna le glas de la chevalerie française.

L'époque féodale est révolue, la Monarchie s'affirme, le cri national au combat devient « France ! France ! » et « vive le roi »

Il deviendra plus tard avec Napoléon « Vive l'Empereur ! »

Beaucoup plus tôt avait été poussé un cri d'armes international, un cri Européen : le cri de l'occident : celui bien connu, de Godefroy de Bouillon à la première croisade : « Dieu le veult ! Dieu le veult ! ».

 

(…)

 

(Rescrit de synthèse sur base P de Buttet et E.°.R.°.)



[1]On voit dans cette image les Kérubims gardien de l’arbre de la connaissance,  armés d’une épée sortant de la bouche.

[2]« Après le désastre de Roncevaux, Charlemagne conduit les Français au combat pour venger la mort de Roland. Les deux troupes - françaises et sarrasines se rencontrent aux cris de Montjoie d‘un côté (du nom de Joyeuse, l’épée de Charlemagne) de Précieuse de l’autre (du nom de l’épée du roi païen) Ce sont des cris de combat féodaux et nationaux. Nous en parlerons plus loin. Mais après que Naimes ait tué Malprime, son adversaire, la bataille devient terrible. L’émir fait donner toutes ses réserves, ses troupes accourent de toute part :

les unes braient et hennissent, les autres aboient comme des chiens : les cris primitifs accompagnent l’attaque des troupes barbares devantlaquelle plie l’armée des chevaliers français ... »

 

[3] « Tite Live assure qu’aux cris des soldats de Scipion les oiseaux tombaient morts du ciel. »

[4]La pesée de l’âme des Égyptiens se retrouve comme une obsession dans le pardon de la confession. L’âme légère permet le retour vers Dieu, l’âme lourde fait le séjour aux enfers.

[5]Faut-il le rappeler la chaîne d’union et horizontale avec tous les FF présents sur les colonnes et à l’Orient, mais elle est aussi verticale avec les Frères de l’Orient Éternel. Ce point est indispensable à la transmission de l’influx spirituel.

[6]D’après Ferdinand Lot dans son étude sur la langue du commandement de l’armée romaine et le cri de guerre française au Moyen Age ...

Il aurait retrouvé dans les manuels militaires byzantins notamment dans le Strategicon de l’Empereur Maurice, les commandements latins du 6e siècle. Le cri de guerre impérial, de l’Empire chrétien nous apparaissent comme une invocation d’ouverture du passage et d’intersession.

[7]La veillée qui précède l’adoubement est littéralement un éveil initiatique ou il est appris la naissance céleste après la mort.

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26 août 2012 7 26 /08 /août /2012 23:19
macoumba28126630504765_art-1-.jpgLe franc-maçon et le chevalier

 

(Extraits)

 

Les loges maçonniques du XVIIIème siècle dans le secret de leurs travaux ont su marier la tradition opérative et la chevalerie.

La recherche de la lumière semble être à l’origine de l’association des dernières voies initiatiques encore praticables en occident. La franc-maçonnerie est le grand réceptacle traditionnel d’éléments très anciens et hautement symboliques. Elle fut composée dés son ouverture spéculative par de nombreux officiers et chevaliers de noblesse. Ces derniers voulaient redonner corps à une tradition alliant action et spiritualité. Il ne faut donc pas s’étonner qu’au Siècle des Lumières, la loge maçonnique devienne la crypte protégeant le trésor des anciennes initiations.

Trois courants ont présidé à la naissance de la
franc-maçonnerie " spéculative " : le courant opératif - celui du métier qui repose sur les connaissances géométriques qui sont la base de l’architecture - le courant religieux ésotérique - avec son contre-versant hermétique qui libère le langage du dogme, et le courant chevaleresque qui engage enfin le maçon spéculatif dans un combat.

Les deux premiers sont bien connus. Le troisième mérite un certain nombre d’éclaircissements pour comprendre son extraordinaire adaptation inspirant la plupart des rituels des différents rites.

Il existe une symbolique et d'une mythologie commune entre chevalerie et maçonnerie. L'idéal chevaleresque est une source profonde du système écossais, et de la coutume écossaise depuis Robert de Bruce et la légende de la pierre de Scone. Cet idéal fonde le pouvoir royal plus que le pape lui-même.

La chevalerie se réclame comme la franc-maçonnerie d’une tradition immémoriale.

Les traces sont anciennes et partent de la tradition primordiale. La caste guerrière est toujours présente dans toutes les civilisations. Elle remplit une fonction indispensable à l’édifice testamentaire et se réfère à l’idéal et à un imaginaire agissant se traduisant dans l’engagement du corps jusqu’au sacrifice. C’est par le sacrifice qu’elle établit un lien supérieur avec le créateur ou le centre ontologique. Dans l’Ancien Testament, Dieu interdit à David de construire le Temple, car il appartient à cette caste guerrière et à trop de sang sur les mains. Les deux Saint-Jean dont se réclame la franc-maçonnerie sont les descendants du roi David au même titre que le Christ. À ce titre les maçons peuvent aussi se réclamer de la caste chevaleresque.

L’esprit chevaleresque connut son plein développement au moyen-âge puis s’ennoblira au point de perdre la couleur du sang et l’idée d’un centre totalisant. Sa présence au plan initiatique sera entretenue dans des cercles fermés tels la" Massénie du Saint-Graal " ou les "Fidèles d'Amour " chers à Dante. La démarche gibeline de restauration du pouvoir impérial face au Pape sera un support puissant qui fit choisir Jérusalem plutôt que Rome dans tous les rituels maçonniques, y compris les rituels catholiques ou Stuardistes. C’est l’esprit du Temple dans sa construction, sa destruction et sa libération qui motivera les deux initiations. La première bâtit le temple la seconde le libère.

La chevalerie en franc-maçonnerie nous vient de la légendaire Écosse, du moins celle que sur le continent, le génie français put imaginer.

La Légende de Saint André évangélisant l’Écosse, l’ordre chevaleresque de Saint André du Chardon ainsi que les tombes
templaro-maçonniques d'Écosse appuyées par la symbolique profonde de la très curieuse chapelle de Rosslyn, bâtie par les Sinclair, rejoignent la légende des templiers réfugiés en Écosse et mystérieux acteurs de la victoire de Bannockburn. De cet ensemble mythique se dégage le sentiment qu’une vérité universelle fut importée en Irlande et en Écosse et que les loges opératives et les chevaliers « acceptés »en furent dépositaires.

Les ordres chevaleresques structurèrent la chevalerie occidentale : celui du Temple, bien sûr, mais aussi celui de Saint-Lazare, des Hospitaliers de Saint Jean, des Chevaliers du Saint-Sépulcre ou des Chevaliers teutoniques. Ils vont ordonner la quête autour de cause et d’actes spécifiques.

Le sens symbolique donne mission à l'Ordre Écossais de créer un authentique Empire spirituel en faisant de ses adeptes de nouveaux Chevaliers de l'Esprit.

Ainsi le chevalier-maçon du XXIème Siècle, ne se considère plus comme gardiens in situe du Temple et de la Terre Sainte. Les défaites subies et  la chasse dont ils furent victimes orientent les chevaliers à promouvoir leur temple intérieur, dans l’idée fraternelle de rependre la lumière autour d’eux. Cette notion fut apprise en Orient.

     

Le mariage de la truelle et de l’épée.

 

C’est ainsi que nous aurions pu intituler notre recherche. Le mariage de la truelle et de l’épée fut basé à la fois sur une nécessité et sur un consentement mutuel.

La nécessité découle de la source vétérotestamentaire qui indique que pour rebâtir le Temple détruit il faut marier la truelle et l’épée. D’autres facteurs historiques ont créé un rapprochement entre une corporation initiatique et les ordres de chevalerie dès le moyen-âge.

La présence de la chevalerie dans le système maçonnique pose un certain nombre de questions qui sont loin d’être résolues. Cependant, il est possible d’émettre un certain nombre d’hypothèses qui à défaut d’être démenties par la recherche historique ou prouvée par des documents authentiques, alimentent et densifient la mythologie maçonnique qui ne s’en lasse pas.

Notre article fait suite à celui paru dans la RDM2 page 134, et tente d’apporter quelques précisions. On retrouvera certains développements plus adaptés aux grades de chevalerie de la franc-maçonnerie du Rite Ecossais dans sa version primitive en consultant le Maître parfait Ecossais et le Chevalier de saint André aux Editions du Maçon.

 

La légende, tout autant que l’histoire, fonde l’imaginaire du maçon et du chevalier ouvrant ainsi de véritables et valables perspectives initiatiques pour lesquelles, il faut en convenir, une sèche rationalité ne ferait pas l’affaire. L’initiation maçonnique comme l’initiation chevaleresque nous propulsent au seuil du monde de la connaissance, qui n’est pas inconnu des Francs-Maçons. En effet, la pratique de nos ainés constitue un véritable patrimoine initiatique que nous transmettons d’initié en initié. Ce trésor se niche non pas dans les soubassements de notre conscience, mais bien au contraire dans ce que j’appellerais une supra conscience. Cette supra conscience se situe au fond de notre boîte crânienne et ne demande qu’a être réveillée par l’intuition du cœur.

Assis sur le seuil de la perception d’une totalité, nous sommes pris de vertige face aux profondeurs de l’Être et à l’infini de l’univers. Franchir ce seuil consiste à harmoniser l’être et le tout, autrement dit, faire en sorte que l’homme pentagramme devienne hexagramme. Embrasser en tant qu’homme une totalité qui nous dépasse, tel est le but et l’apport de la chevalerie.

Pour atteindre cet objectif, il faut se réapproprier les états inférieurs de l’être puis progresser au plan initiatique jusqu'à n’être non plus un corps réagissant, ni même un homme « bien pensant » et bien construit, mais un homme « esprit ». Seul l’esprit est capable d’embrasser le Tout.

À ce stade, c’est l’imaginaire qui sert de support de projection mentale pour réaliser ce dessin initiatique. L’imaginaire se nourrit de vécu et d’espoir ; il active le corps pour atteindre un état de délivrance ou de libération de l’esprit. Nous voyons poindre l’idée du sacrifice utile[1] qui deviendrait un passage, que nous trouvons dans la légende d’Hiram comme dans la chevalerie terrestre et céleste.

Nous verrons à quel point l’imaginaire, devenu réalité efficace dans un espace cérébral appelé « imaginal », peut intervenir dans les modalités d’expression d’une pensée devenue foi conceptuelle ou idéal. Se posera le problème du contact entre Dieu et l’homme. Pour le chevalier, le contact se fait « entre Ciel et Terre », dans un monde médian.

Ainsi le penser et l’agir du franc-maçon ou du chevalier, passe par une conception consciente et modélisée par l’initiation. L'initiation est une expérience vécue par le jeu du rituel. Qu’elle soit de métier ou d’armes, l’initiation induit des comportements d’une grande cohérence logique, qui sont fondés sur les intuitions plus que des raisonnements. L’intuition et favorisée par l’acquis ancestral de schémas que les mythes nous relatent. Les mythes sont agissants comme les symboles. Nous les avons en nous dans la plénitude de leurs significations, héritage du souvenir d’un lointain passé que d'aucuns qualifient d’âge d’or de l’humanité.

C’est ainsi que nous pouvons affirmer que la franc-maçonnerie symbolique traditionnelle et spirituelle, dans ses développements modernes, a su préserver un symbolisme de tradition, né d’une intuition fondée sur des images projetées en soi.

Cette relation entre les projections personnelles et la culture traditionnelle des symboles fait apparaitre une universalité symbolique transculturelle et transfrontalière. Ce constat nous pousse à considérer le symbolisme traditionnel comme une modalité d’expression première qui échappe à la babélisation des langues.

Toutes les traditions de par le monde font une place de choix au bâtisseur et au combattant. Nous en pressentons la complémentarité, il nous faudra la démontrer.

 

Les traces de la Chevalerie Ecossaise en Franc-maçonnerie.

 

Un bref aperçu historique peut-il nous conforter sur l’existence d’un lien entre franc-maçon et chevalerie ?

Pour y répondre, il faut constater une évidence : un chevalier est par nature un homme d’armes, un militaire qui porte l’épée. Mais il est vrai que les ordres de chevalerie ont adoubé des nobles qui n’ont pas eu de fonction militaire. C’est le décorum chevaleresque qui prit le pas sur la tradition de l’adoubement entre hommes d’armes, ceci résulte d’une dénaturation par la noblesse du sens premier de la chevalerie. Rien ne dit cependant que cet adoubement nobiliaire n’excluait les notions d’idéal et de sacrifice. Nous dirons simplement que cette évolution fit sortir des douves l’adoubement pour l’installer dans les dorures de la cour.

Notre deuxième constat porte sur l’installation d’un nombre important d’officiers et bas officiers Écossais et Irlandais sur le continent en 1688 dans le sillage des Stuarts en exil. Ils pratiquaient le Rite Ecossais en loges militaires et l’esprit chevaleresque était présent sur les colonnes. Un certain nombre de ces officiers étaient membres d’ordre chevaleresque, ou avaient déjà la qualité de maître Écossais. 

Le XVIIe siècle voit l’arrivée dans l’Ordre artisanal, héritier des corporations de métiers appelé Craft en Angleterre, de l’Ordre chevaleresque, ou du moins d’hommes titrés dans la hiérarchie militaire. Parmi ces non opératifs, on peut citer deux cas reconnus. Sir Robert Moray officier au service des Stuarts fut reçu en 1641 dans une loge décentralisée d’Edinburgh.  Elias Ashmole capitaine de l’Armée de Charles 1er Stuart est fait franc-maçon le 16 octobre 1646 à Warrington. Tous les deux sont officiers portant l’épée, et ont démontré des qualités chevaleresques. On notera qu’ils furent reçus dans des loges dotées de surveillant et n’ont pas de maître de loge, ce qui correspond à l’organisation des loges écossaises de l’époque, mais dans la rituelie des Anciens devoirs. Évidemment, ce fait sera éludé dans les constitutions d’Anderson de 1717.  Le pasteur Anderson défend le point de vue «  whig » ainsi que Désaguliers qui est appointé par Georges 1er.   Rien n’est divulgué dans les constitutions sur les sources opératives écossaises à cause de leurs implications Stuartistes.

 On cite le registre de la Loge Coustos Villeroy[2] qui en fait état d’une pratique chevaleresque en 1737. Le registre critique une pratique imposée par la loge du Grand Maître jacobite et catholique Lord Darwentwater. Il s’agissait lors des réceptions de tenir l’épée à la main, comme il est fait en chevalerie.

En Écosse la lettre[3] de la grande Maîtresse des franches maçonnes à Harding l’imprimeur, nous dit : la Loge du Temple de Salomon devenue «  la loge de Saint Jean de Jérusalem(…) la plus ancienne et la plus pure (…) et la fameuse vieille loge écossaise de Kilwinning » ont eu des rapports avec les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ou chevaliers de Malte de l’Ordre des hospitaliers. On notera que la plupart des loges se nommaient loge de Saint-Jean et qu’au nom de ce lien historique et mythique, vers 1745 elles se transformèrent en loge de Saint-Jean de Jérusalem dont celle du Grand Maître le conte de Clermont.  

On associe le caractère immémorial de la loge Kilwinning, aux liens particuliers entretenus avec certains ordres de chevalerie durant les croisades. C’est donc dès l’origine de Kilwinning qu’un lien est évoqué avec l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem plutôt que l’ordre du Temple. Le manuscrit Stuartiste n° 3077 de la bibliothèque Calvet à Avignon en atteste en 1780 : « Pourquoi nos assemblées sont dédiées à Saint-Jean ? – C’est pour apprendre aux maçons combien ils doivent être unis puisqu’ils s’assemblent sous les auspices de celui qui ne prêcha jamais que la paix, la concorde, et l’amour de ses frères ; d’ailleurs les maçons s’étant unis aux chevaliers de Saint Jean ils en adoptèrent le patron. »

La référence à l’Ordre du Temple apparaît en Allemagne vers 1733 d’après Le Forestier. Il fit une carrière intéressante, mais écourtée en France par l’œuvre de Willermoz et le Convent de Wilhelmsbad en 1782 et par l’intention de la SOT de rétablir l’ordre du Temple ce qui ne pouvait convenir aux lois des pays.

Le lien chevaleresque préexistait, la question du lien avec la chevalerie du Temple se pose, car Jean Baptiste Willermoz lui-même reconnaissait que dans sa propre Loge dès 1752[4] on y faisait référence dans la transmission du 4em grade pour présider la loge. « J’apprenais mystérieusement à ceux auxquels je conférais le 4em grade de la Loge, qu’ils devenaient successeurs des Chevaliers (Templiers) et de leurs connaissances, je l’ai ainsi répété pendant dix ans comme je l’avais appris de mon prédécesseur, qui l’avait appris lui-même par une ancienne tradition, dont il ne connaissait pas l’origine. »[5]

Cette transmission était sans rapport direct avec les prétentions de la SOT créée en 1755 par baron du Hund (eques ab Ense) qui prévalait en Allemagne.

La question du lien entre la franc-maçonnerie et la chevalerie du Temple avec les deux grades consacrés à cet effet à savoir l’Écuyer Novice et le Chevalier du Temple fut sévèrement critiqué par Robert Ambelain par un article paru en 1974[6] : « Si on discute encore sur les origines des emprunts à la tradition chevaleresque dans la confection des échelles de grades maçonniques, sur la part de Ramsay, sur les initiatives allemandes, sur la valeur de la tradition de Kilwinning, personne ne conteste que la référence à l’institution de la chevalerie est entrée telle quelle dans la tradition maçonnique, sinon comme un corps étranger au moins avec le destin d’un greffon. »

On notera que cette assertion est à replacer dans la filiation directe avec la chevalerie du temple, mais ne remet pas en cause le lien initiatique du bâtisseur et du chevalier. Robert Ambelain semble privilégier le lien par les trois composantes qui sont l’apport de Ramsay, la tradition kilwinnienne, et une certaine interprétation allemande. Le greffon ne fut pas le fait du hasard et trouve sa justification moins dans le désir de chevalerie que dans une connexité historique et légendaire propre à l’Écosse. C’est ce que tenterons de démontrer.

Peut-on faire remonter à une date plus antérieure le mariage de la truelle à l’épée ?

En Écosse la légende historique attachée au grade de saint André du Chardon fait une référence expresse à l’aide apportée par des templiers en exil de France incorporés aux loges de maçons opératifs et qui firent la victoire de Robert Bruce à la bataille de Bannockburn en 1314. Ici commence l’histoire ou la légende fondatrice des grades de chevalerie écossaise du Chardon d’Écosse qui nourrit le Maître Ecossais-Chevalier de Saint-André au Rite Ecossais Primitif. L’Ancienne Alliance entre L’Écosse et la France fut aussi vecteur de transmission de légende et traditions qui par mimétisme et du fait de l’exil de 1688 se transfèrent de l’Écosse à la France.

 Nous pensons au surplus qu’un rapprochement est à faire entre le destin des Stuarts dans la perte et la tentative de reconquête du trône d’Angleterre par Jacques II et la légende d’Hiram. Au demeurant le mythe Hiramique du relèvement puis de la parole perdue s’inspire à notre sens, de la perte de la pierre de Scone par les dynasties Écossaise au profit des Anglais. Depuis 847, elle fut en effet la pierre du sacre des rois Ecossais, sur laquelle ils se tenaient debout pour recevoir l’onction. Nous savons que l'oint est le Roi qui reçoit la tradition des vertus nécessaires au maintient de l'alliance de sa communauté avec le divin. Il reçoit sur le trone l'esprit (la couronne) qui recoupe les notions spirituelles débouchant sur l'éthique et sur la dimention métaphysique . Le fait de monter sur le trône donnait au Roi une "élévation" d'un point de vue spirituel, soit une vision illuminée par l'universel, vision indispensable pour la pratique de la justice et de la charité.

La pierre taillée ou gravée est l’œuvre du maçon antique. Symboliquement c’est le maçon qui fait les fondations du pouvoir royal. Importée des lointaines contrées de l’Orient en Irlande, elle fut transportée en Écosse. Selon la tradition, le royaume appartiendrait aux Écossais tant que la pierre resterait dans leur pays. Confisquée en 1296, la pierre fut prise par Édouard Ier comme butin de guerre et emportée à l'abbaye de Westminster où elle fut placée sous la King Edward's Chair.

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Figure 1 La pierre de Scone est insérée en assise du trône du sacre, donc l’épée du Roi se fonde sur la truelle du maçon.

Les rois Anglais s’en servirent pour leur sacre[7], dans la position assise comme en signe de domination du symbole. La pierre du destin perdue il fallut en trouver une de substitution et donc il y a assimilations entre la parole perdue et la pierre du sacre perdue[8]. Retrouver la pierre de Scone c’est retrouver la plénitude des pouvoirs des souverains écossais, et la voix au chapitre[9]. Cette pierre du sacre est par sa nature symbolique pierre venue du ciel ou en rapport avec le divin. Elle est une clef de voûte et une porte sur le céleste. C’est un deuxième point qui vient alimenter l’origine écossaise du mythe d’Hiram[10] où finalement le chevalier combattant pour la reconquête est acteur de l’histoire.

L’ensemble des points légendaires sortis des brumes des Highlands vont faire conjuguer la Quête chevaleresque et l’art de bâtir des maçons. Chacun dans son ordre va raconter la même histoire et tendre vers la même lumière par des chemins différents.

En filigrane la question qui se pose sera le lien entre la pierre du sacre et la chevalerie de la reconquête.

Nous pensons que l’Écosse et ses légendes sont une source sérieuse et parfois négligée qui permet d’expliquer une des formes primitives de la franc-maçonnerie chevaleresque, soit une maçonnerie de la reconquête. Nous en tiendrons compte dans cette étude sur la franc-maçonnerie et la chevalerie.

 

 

La nature et la cause du lien.

 

Sommes-nous certains que ce qui lie la franc-maçonnerie à la chevalerie ne soit rien d’autre qu’un gout immodéré des maçons du XVIIIe siècle pour les titres et le port de l’épée ?

Nous voyons trop de commentaires dévalorisants sur ce point, et nous souhaitons en savoir plus. Je ne pense pas que des générations de francs-maçons soient tombées sous les coups de leur égo, au point d’embrasser des titres ronflants, creux, et sans portée aristocratique réelle. Déjà Maitre, l’âge aidant, ils développent une sagesse qui les éloigne d’un titre qu’ils ne peuvent pas faire valoir. Le goût pour les titres et les honneurs n’ont pas fondé la relation initiatique entre le franc-maçon et le chevalier.

L’attraction pour la chevalerie semble liée par l’essence de la chevalerie authentique dont le Temple et les Hospitaliers ne sont que des surgeons aux ordres et dans un idéal particulier impliquant le service de l’Église et du Nouveau Testament. Ainsi, nous plaçons la relation entre la franc-maçonnerie et la chevalerie à un niveau supérieur à toutes les branches contingentes de l’ordre chevaleresque.

Nous pensons que l’association des deux branches initiatique s’est faite parle haut, c'est-à-dire par l’essence même de l’art de bâtir et de combattre.

 

Dans  le cadre d’une première réponse à ce mariage du maçon et du chevalier, nous avons une réponse que nous avions déjà étudiée au premier degré dans l’étude sur la symbolique des outils : L’idée dirige la force et la force réalise l’idée. Cette expression signifiait dans un étonnant aller-retour, la complémentarité indispensable et équilibrée entre la matière et l’esprit, et plus précisément entre le ciseau et le maillet. Désormais nous élevons, comme il se doit, notre réflexion à un niveau supérieur : l’idée est l’idéal du chevalier, la force est la technicité réalisatrice et opérative du maçon et enfin l’épée axiale qui est l’expression de la volonté divine.

 

 

 

Une deuxième question se pose, pourquoi le chevalier intervient en franc-maçonnerie après l'émergence de celle-ci ?

On pourrait être tenté de faire une hiérarchie entre le détenteur de l’idée inscrite dans le ciel et son exécuteur terrestre. Cette réponse biaisera l’intérêt des deux voies traditionnelles qui sont complètes et autonomes par leur nature propre. Il ne peut donc y avoir de subordination. On peut simplement répondre à cet ordonnancement qu’un chevalier dûment adoubé peut s’intégrer au rite initiatique de la franc-maçonnerie et c’est ce que firent les templiers réfugiés en Écosse en 1314. Ceci fait partie intégrante de l’histoire réelle et mythique du REP notamment. De même le RER indique que trois chevaliers du temple fuient en Écosse dans des cavernes prés d’Heredom. Ils rejoignent  les chevaliers de Saint André du Chardon d’Écosse. En 1340 ils fondèrent l’ordre maçonnique, ordre préparatoire à l’admission dans l’ordre équestre. Le RER explique ainsi la complémentarité de l’ordre maçonnique et de l’ordre équestre, le premier servant de vivier au second. Ceci ne suppose pas une hiérarchie qui minore l’ordre maçonnique.

L’erreur d’une interprétation simpliste serait d’installer la dépendance d’une tradition au profit exclusif de l’autre. Elle suppose une hiérarchie ce qui en matière de voie initiatique ne peut être admis. Chacune des deux voies se suffit à elle-même. Il faut trouver une autre explication.

 

 Il est un fait incontestable qu’il a toujours existé une perméabilité entre les voies initiatiques. Elles sont composées d’éléments comparables dans leur progression et finissent comme nous le savons par se réunir au sommet. Pourtant dans cette suite logique mettant le travail de la matière par la sueur avant le sacrifice par le sang, nous avons dans le jeu d’échec un début de réponse. Le cheval ou cavalier se déplace sur l’échiquier d’une manière particulière. Il commence sa course comme les pas d’un apprenti, puis emprunte ceux du compagnon et pour finir comme un maître. Donc le cavalier connait déjà les pas et la progression du maçon. Le cycle chevaleresque se caractérise par la maîtrise de l’animalité du cheval à l’égal du maçon qui maîtrise sa propre animalité. Le chevalier se situe plus haut en intermédiation sur son cheval avec le ciel, alors que le maçon a les pieds sur terre et sous terre en creusant les fondations. Dernier point, si le cavalier démarre sur une case noire il finit sur une case blanche et le cavalier est la seule pièce qui peut sauter les obstacles.

Nous en déduisons qu’aucune subordination entre les deux voies n’est acceptable. Cependant la classification subterrestre et terrestre de l’une a pour complément la classification terrestre et céleste de l’autre. On établit une superposition. Le chevalier doit récapituler l’initiation maçonnique dans sa progression spirituelle. Il n’y a donc pas de subordination, mais une superposition correspondante à la nature des trois voies initiatique.

 

 

 

Le lien est-il matériel ou spirituel ?

Ce qui est transmis au plan initiatique, ne peut concerner une cause réduite au plan matériel, quelque soit d’ailleurs, la noblesse de l’objet social. Il est bien entendu qu’en matière initiatique ni la cause territoriale ni la cause religieuse ne peuvent dominer la cause spirituelle. Il faut admettre qu’aucune reconstruction du temple de Salomon ne peut perdurer au plan matériel. Seule la reconstruction au plan spirituel est possible. En conséquence, le mélange des causes matérielles et spirituelles porte à confusion.

Il faut voir dans le message initiatique de ces chevaliers un trésor qui n’est ni sonnant ni trébuchant. Il en est de même en alchimie, on ne peut confondre l’aspect spirituel, et la pratique du souffleur qui chercherait la richesse matérielle.

Le lien existait bien au plan de l’enseignement alchimique, spirituel et céleste, avec une chevalerie éclairée. Le maître maçon et le chevalier se purifiaient à la même fontaine située au pied du mont Scion ou était construit le Temple. À cette fontaine appelée SHIloha, ils  pratiquaient la purification rituelle[11], notamment des mains et des yeux, avant de se mirer dans l’eau, puis se rendaient au Temple…

Rappelons que l’armement de chevalier est effectif au REP et au RER et qu’il n’implique pas une appartenance à l’Ordre du Temple[12] trop contingent en regard de sa nature. L’arment produit donc des effets liés à l’éveil de l’esprit, et la notion d’imaginaire commun.

Nous pouvons donc affirmer que le seul élément humain et matériel ne peut suffire à établir un lien. Le liant s’exprime dans la quintessence de ses propres valeurs dans les deux ordres. Ils aboutissent tous les deux au sacrifice, d’Hiram d’un coté et de Saint-André[13] de l’autre. On voit bien que le premier appartient à l’univers de l’Ancien Testament, et que le second est sur le chemin du Nouveau sans renier l’Ancien. Les deux suppliciés partagent une renaissance pour ne pas dire une ressuscitation en esprit.

Ce qui est transmis lors de l’initiation ou de l’adoubement ce sont des éléments hautement symboliques. La transmission d’une cause matérielle ne peut s’inscrire dans le plan divin. La matérialité est par définition une dégénérescence de l’esprit au sens métaphysique. La cause reste dans tous les cas spirituelle, elle permet la réalisation de l’homme sur le plan matériel. Bien tailler sa pierre ou défendre une cause juste ne peut se faire qu’en fonction d’une Loi venue d’en haut. Ladite Loi organise un retour au divin, libérant l’esprit contenu dans la matière.

Voici donc la nature d’un lien spirituel qui est commun aux deux ordres. L’épée céleste vient en aide à la truelle terrestre pour la construction du Temple de Jérusalem.

Cette association dans le même corps situe ce dernier en tant que médiateur entre terre et ciel. Une épée (assimilée au pouvoir sanctifiant de la  Parole dans Apo 1,16;Jos 6,21) viendra désormais défendre le temple contre la perte du sens du divin. L’homme dans sa faible nature cède régulièrement à son animalité symbolisée par retour de l’adoration des idoles.

Le lien entre la franc-maçonnerie et la chevalerie se situe dans une cause commune aux deux traditions qui est cette exigence de connaissance spirituelle et sacrée, faisant participer l’homme au grand dessin de la création.

 

Le souvenir et le sacré et son utilisation.

 

Cet aspect chevaleresque en franc-maçonnerie trouvera sa confirmation dans les écrits de Ramsay.

Le chevalier Ramsay, chevalier de l’ordre de Saint-Lazare[14] dans ses deux célèbres discours dont celui de 1738 associa la chevalerie à la franc-maçonnerie. Sur les origines de la franc-maçonnerie, il évoque les Ordres de Chevalerie et cite « nos ancêtres les croisés » dont le langage secret « rappelle le souvenir, ou de quelque partie de notre Science, ou de quelque vertu morale, ou de quelque mystère de la Foi. »

Il y aurait donc un « mystère » à découvrir, certainement de nature initiatique, soit un enseignement ou un éveil qui lierait la Franc- maçonnerie et la Chevalerie dans une même finalité. Cette finalité se distingue du lien spirituel que nous avons vu précédemment. Elle se fonde sur un souvenir commun d’un épisode guerrier remontant aux destructions successives du Temple à Jérusalem, à la reconquête des lieux Saints par les croisades, puis à la destruction de l’Ordre du Temple en 1314. Ainsi se perpétue le cycle de la construction destruction à travers les âges. C’est le grand souvenir et le grand rendez-vous aux pieds de la muraille entre Occident et Orient. L’affrontement est fondateur et se reproduit inéluctablement en divers mondes et époques. C’est au moment des croisades que nous sommes rentrés dans la période d’une redécouverte spirituelle et intellectuelle de l’Orient. Cette redécouverte peut se décrire comme un élargissement de l’esprit[15]. L’élargissement donne accès au sacré au-delà du dogme religieux. C’est particulièrement vrai dans l’échange intellectuel et technique apporté par l’occupation musulmane sur la péninsule ibérique.

L’affrontement fusionnel Orient-Occident, ensemença les deux civilisations pour les ressemblances et les racines qu’elles avaient en partage. Si le fait fonde l’histoire, le souvenir teinté d’idéaux alimente le mythe qui se charge d’expliquer l’origine. La quête du Graal ou de la Lumière est un dérivatif de ce souvenir commun.

Cette finalité originelle apparaît clairement dans la construction et la défense du Temple de Salomon, l’épée dans la main droite et la truelle dans la gauche.

Que faut-il bâtir, que faut-il défendre ?

Un centre point ce contact entre la création et Dieu, qui porte en lui, dans son architecture même le plan divin qui n’est rien d’autre que l’expression d’une loi universelle.

De tout cela l’homme n’est qu’un témoin devenu acteur par son initiation à ce secret, un médiateur entre la Terre et le Ciel. Il n’est plus un démiurge, car il a bien compris les limites de l’exercice, il veut retrouver et défendre la maison des origines, qui n’est autre que le retour au centre primordial.

C’est ce que nous appellerons le secret du chevalier écossais de Ramsay. Recouverte d’un voile d’une bienséance diplomatique, une vérité se laisse entrevoir dans ses deux discours.

Nous devons d’abord rechercher ce qui est véritablement initiatique dans la chevalerie, en recherchant les éléments rituéliques et symboliques qui autorisent un véritable "commencement".

(…) suite à paraître.

E.°.R.°.

 

[1]En ce sens la légende d’Hiram apporte quelque chose de distinct d’un simple retour dans le cabinet de réflexion en mettant en situation la mort utile d’Hiram. Cette mort s’analyse comme un sacrifice pour démontrer le relèvement possible de l’esprit dans le corps, appelé maître intérieur.

[2]Cette loge travaillait avec un rituel ancien d’origine irlando- écossaise, notons que le rituel de cette loge reprend les mêmes coups portés au crane d’Hiram qu’au REP..

[3]Jean Lhomme dans Chevalerie et Franc-Maçonnerie in Dictionnaire thématique de la franc-maçonnerie ed du Rocher.

[4]Déclaration faite lors de la Xème séance du Convent de Willemstad le 29 juillet 1782.

[5]Cité par JF Var, Cahiers verts, n°7 1985.

[6]Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie de Daniel Ligou éditions Navarre.

[7]La position assise sans marche pied fait du roi Anglais l’inférieur du roi Écossais qui était oint debout sur cette pierre. Cette position debout fait de lui l’axe de communication avec le très haut et donc médiatise par son corps le terrestre et le céleste. Cette position est mise aussi pour la figuration de la colonne que les maçons connaissent dans leur temple. À l’époque les anciens rituels opératifs ne font référence qu’aux colonnes antédiluviennes sur lesquelles étaient gravées la connaissance sous deux aspects, le premier géométrique, le second hermétique. C’est cette somme de connaissance que le souverain couronné debout sur la pierre de Scone était supposé incarner. C’est une définition imagée et efficace de l’art royal associé à l’art sacerdotal. Le dévoiement anglais dans la position assise abaissa cette signification au pouvoir matériel sur les choses, soit l’art royal dans son niveau inférieur. Le souverain écossais incarne la colonne de la connaissance antédiluvienne gravée à l’époque de Hénoch découverte par les chevaliers en Orient et ramenée en Irlande puis en Écosse. Il est celui qui connait les secrets de la transformation de la matière et de l’extraction de l’esprit.

[8]Conjugués à a perte du trône d’écosse, la perte de la parole, la perte de la pierre du sacre, semblent liés dans une étonnante coïncidence, donnant un sens particulier à la légende d’Hiram. Il est possible que cette légende soit une mise en perspective biblique du drame écossais et Stuartiste. La suite chevaleresque de la légende d’Hiram en atteste.

[9]La voix au chapitre est la capacité d’interpréter, voir notre article dans RDM 3 p 57 : Perfection du langage initiatique…ou le retour d’Hermès Trismégiste et de Pythagore.

[10]On remarquera qu’au REP les trois coups des trois mauvais compagnons sont portés au sommet du crâne. La fontanelle est l’équivalent symbolique de la clef du dôme.

[11]Un très ancien rite maçonnique a conservé cette pratique.

[12]Au REP il subsiste un lien avec l’Ordre des chevaliers de Saint André du Chardon.

[13]Nous choisissons Saint André en référence au rite stuartiste.

[14]Rappelons que Lazare ressuscite trois jours, après sa mise au tombeau. Sa chaire pourrissait dans ses bandelettes, mais son esprit était « vivant ». Hiram reprend vie en transmettant la lame de lumière à celui qui la découvre.

[15]L’élargissement doit se définir comme une libération de quelque chose de prisonnier jusqu’alors.

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 14:58

trois lumieres         La chevalerie et la Franc-maçonnerie       

 

L’évolution française de la Franc-maçonnerie fut l’occasion de lier deux voies initiatiques : la voie matérielle représentée par l’art royal et la voie guerrière représentée par la chevalerie. Il ne s’agit pas pour nous de confirmer l’historicité des allégations reliant la franc-maçonnerie aux tailleurs de pierre, aux templiers ou à la chevalerie. Cependant, nous constatons dans certains rite dont le REP une forte presence de la chevalerie tant sur le plan historique que dans la structure même des grades dépassant celui de Maître. Ainsi on constate que le grade de Parfait maçon de 1744 est un grade de maçon dit "écossais" d'inspiration ramsayenne introduisant Cyrus et Zorobabel dans la legendaire maçonico-chevalresque. Ceci constitue a notre sens un apport au rite du Mot de maçon (calviniste en 1637 puis universaliste-oeucumémique en 1723), transformant ce dernier dans l'optique stuartiste catholique et romaine. La part légendaire et mythique fait partie intégrante de l’effet initiatique recherché dans la société des francs-maçons. Il est certain que la légende nait souvent du concours volontaire et déterminé de l'orateur exprimant un point de vue "orienté" et établissant une pseudo verité historique. Nous tenterons de démontrer que ces deux discours (1736-1737) ne sont pas sans liens avec la cause stuartiste tant sur un plan politique qu'initiatique, et que la chevalerie des exilés stuartiste des 1688 a su s'impliquer dans un maçonnerie regimentaire.

 

Dans les deux cas, celui du maçon et celui du combattant, nous assistons à la transformation de l’individu soit par le travail de la matière et l’identification de « l’œuvrier » à son objet, soit par l’art de la guerre et l’esprit de sacrifice dans un désintéressement total. Par analogie, l’une ou l’autre voie initiatique, fait éclore la dimension spirituelle et divine de l’être. Ainsi, travailler la matière consiste à en libérer ou délivrer cette parcelle divine qui y réside ; en parallèle, la solitude du chevalier dans une quête d’un Grall aussi hypothétique qu’intérieure soutient l’image de l’amour d’un Dieu, moins anthropomorphique que johannique, qui transcende la destinée de son propre corps. Cette double démarche ne pouvait que remporter un vif succès, tant il est vrai que l’aspiration au sublime dépasse les aspects religieux et schismatiques. Ce goût du sacrifice et de la mission à accomplir complète admirablement la base maçonnique des trois degrés.

Le premier a apporter la richesse chevaleresque et Templiere en complément de l’art royal, fut le Chevalier André-Michel Ramsay. Ce dernier fut qualifié de« Universae religionis vindex et martyr » soit « Défenseur et martyr de la religion universelle ». Nous pouvons affirmer que dans ses deux discours de 1736 et 1737, le chevalier Ramsay tente d'établir un universalisme qui s'applique à l'homme dans sa plus large généralité mais aussi au plan politique, au point qu'on qualifiat son point de vue de cosmopolitisme.

Quel sont donc les apports à la fois du discours mais aussi de la chevalerie, à cette voie initiatique traditionnnelle appellée franc-maçonnerie?

C’est de spiritualité dont il s’agit, car toute cette hiérarchie codifiée et traditionnelle n’était là que pour servir la tradition et donc protéger la Terre Sainte. À ce titre, elle noue de contacts avec l’Orient au cours des nombreuses croisades et favorisa l’enrichissement des gens de mestier, dans l’art de bâtir notamment. La truelle et l’épée vont se retrouver dans les mêmes lieux, pour les mêmes causes, dans une communion de sacrifice, ce qui cimentera leur destinée.

Témoin et acteur du génie français, cinquante ans après l’implantation des premières loges en France, cet homme aux multiples facettes, a su poser la pierre d’angle du système français qui, loin de renier son grand frère anglais, va apporter une source mythique nouvelle à la franc-maçonnerie continentale. Il est, avec Charles Radclyffe, l’un des fervents propagateurs de la franc-maçonnerie à la française. Tirant les leçons de la constitution (sous la protection royale de Georges 1er) de la Grande Loge de Londres, on peut imaginer qu’il souhaite ne pas soumettre l’ordre à la férule du pouvoir royal.

Le promoteur de L'Écossisme est de nos jours considéré comme une grande figure de la franc-maçonnerie spéculative. L’Homère de la franc-maçonnerie est initié à la "Horn Lodge" de Londres en mars 1730, où fut aussi initié Montesquieu, le Chevalier de Ramsay fut l'orateur bien connu de la Loge "Le Louis d'Argent", à l'Or. de Paris.

Sa vie ne fut pas qu’un tissu de réussites. On notera qu’il fut traité de plagiaire par Voltaire[1], pour avoir repris dans ses différents écrits des fractions d’auteurs antérieurs sans les citer. Le voyage de Cyrus en fut l’exemple. Montesquieu lui aussi franc maçon dira de lui « C’était un homme fade ».[2] 

Son système à l’instar de celui d’Anderson et Désaguliers repose sur un œcuménisme maçonnique visant à réunir ce qui, d’une certaine façon, est devenu épars, en dominant les oppositions latentes des différentes religions. Les temps difficiles ont provoqué guerres et dissensions entre les hommes des mêmes peuples : « Au delà des peuples et des frontières nous réunirons des hommes épris de symbolisme et de traditions antiques immémoriales, antédiluviennes et noachites, mus par l’idée que la connaissance combat les antagonismes engendrés de l’ignorance et que l’origine des savoirs et des croyances naît d’une seule source, la religion universelle. »

Les similitudes avec Anderson sont telles qu’on parlera de l’Anderson français qui minorant la filiation des bâtisseurs maçon, prétend à une filiation plus noble, vers la chevalerie des croisades, sans pour autant que le terme templier soit prononcé. Depuis John Locke la tolérance est de mise, les guerres de religion et les tentatives de coups d’État qui perdurent durant plusieurs décennies font avancer l’idée à la suite de la Royale Society, que l’art de vivre ensemble repose sur la tolérance et l’universalisme.

 André-Michel de Ramsay est né à Ayr, en Écosse, en 1686. Il est d'origine noble. Son père était calviniste ; sa mère anglicane.  Studieux, renfermé, écartelé par des parents de confessions différentes qui manifestement ne partageaient pas la même vérité religieuse. Ce fut là sa première épreuve reposant sur un antagonisme familial dont le traumatisme conduit le jeune Ramsay à élaborer de manière plus ou moins consciente une technique de ré-appropriation, en épousant lui-même vingt ans plus tard, une troisième voie catholique. Terminant brillamment ses études en théologie à Glasgow et à Édimbourg, nous le retrouvons bientôt aux Pays-Bas, havre de liberté religieuse. Hanté par les problèmes spirituels qui avaient marqué ses jeunes années, il fréquente le milieu  " rosicrucien " qui tenait Jacob Böhme[3] en haute estime. Le cordonnier Jacob fut l’inspirateur[4] d’un dimensionnement ésotérique qui n’était déjà plus enseigné dans les différentes confessions. Maîtrisant parfaitement le français, il devient en 1709 le familier de Fénelon, l’archevêque, dont il subit l’influence et se convertit au catholicisme[5].

L’inquiétude de son âme l’incite à une tolérance partisane. Il devient franc-maçon et écrit de nombreuses lettres à Salignac avec l’intitulé, « Mon Très Cher Frère... ».  Ramsay devient précepteur des grands. Il est aussi écrivain et agent diplomatique des Stuarts chassés de Grande-Bretagne. En 1723, le Régent le crée Chevalier de l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, soit le plus ancien ordre hospitalier, fondé à l’origine en 1120 pour porter assistance aux pèlerins en route pour les lieux Saints. Cette appartenance ne sera pas sans conséquences sur la théorie Templiere et chevaleresque des origines maçonniques. En 1724, il réside à Rome pendant dix mois auprès de Jacques III, en qualité de précepteur de son fils Charles-Edouard. Dans la même année, Ramsay est à Paris, coresponsable du Club de l'Entresol. C’est l’époque des clubs dans l’imitation des clubs anglais, qui réunissent des bourgeois, des nobles et intellectuels, dont Montesquieu, pour examiner les grands problèmes de société. La police du Régent considère cette société comme contraire aux intérêts du pouvoir et le Club de l'Entresol est fermé. En 1727, Ramsay publie son Voyage de Cyrus, qui fit l’objet d’un grand tirage. Il est déjà franc maçon, ayant était reçu d’après P.Chevalier[6] dans la Loge Saint Thomas n°1 de Lord Derwenwater.

 Le voyage de Cyrus, est une imitation dans le goût de Télémaque écrit par son mentor Fénelon. Au cours de ses voyages, le jeune Cyrus[7] est instruit par des Sages de l'Antiquité et plusieurs chapitres contiennent de claires allusions maçonniques. Pour être succincts, nous remarquons la présence de Pythagore, l’éloge du silence via Harpocrate. L’initiation maçonnique est illustrée par la captivité et la libération d’Aménophis[8]. Il s’agit d’après nous d’une transposition du rituel de Maître, car on y voit défiler la scénographie Hiramique dans la plupart de ses détails. Dans un courrier adressé au Marquis de Caumont[9] en Avignon le 25 novembre 1729, il écrit : « j’ai développé plusieurs dogmes de l’antiquité et plusieurs points de la théologie et de la mythologie des anciens qui ont un rapport avec nos sacrés mystères » plus loin « je confirme de plus en plus que toutes les traditions anciennes…sont des rayons et des écoulements de la religion primitive de Noé »[10]...

La date de 1727 semble correspondre à l’arrivée du troisième[11] grade de la Franc-maçonnerie spéculative. Ramsay se trouve à nouveau à un carrefour historique. En 1728, nous retrouvons le Stuartiste catholique Michel de Ramsay en Angleterre, où il obtient quelques soutiens, ce qui reste étrange dans le contexte politique. En effet, il est admis dans deux compagnies scientifiques de la plus haute renommée : The Gentlemen's Society[12] et la Royal Society. Cette dernière ayant été fondée au précédent siècle par Elias Ashmole et quelques autres rose-croix. Pendant ce séjour à Londres, Ramsay fut aussi l'ami d'Anderson, fondateur de la Mother Lodge de 1717. Certains ont pu affirmer que le chevalier avait joué un double jeu, voir même qu’il avait trahi la cause Stuartiste. Ensuite, il retourne sur le continent et joue un rôle prépondérant dans les loges françaises Stuardistes qui avaient précédé le phénomène Orangiste Anglais. Il devient, par sa double culture maçonnique anglaise et écossaise stuartiste, le promoteur de l’adaptation française, inaugurant l’écossisme qui fera florès. Il est potentiellement le trait d’union pacificateur des deux maçonneries. Même si les loges anglaises et écossaises se fréquentent, elles furent dans la période précédente, des lieux de conspiration. Il ne faut pas perdre de vue que les Stuarts ne désespèrent pas de reconquérir le pouvoir détenu par les Hanovriens, jusqu’aux environs de 1750.
Est-ce pour mener à bien la mission secrète dont il est chargé par les Stuarts que Ramsay, en 1730, accepte de devenir précepteur dans l'illustre famille de Bouillon ? Le duc régnant comptait parmi ses ancêtres Godefroy de Bouillon et Turenne, famille dont il rédigera les mémoires. Ladite famille avait fait partie de la fronde et se retrouvait mise à l’index par le pouvoir absolu du roi. Les grandes familles du Royaume avaient supporté impatiemment le joug pesant de Versailles. La régence et donc l’affaiblissement relatif du pouvoir royal favorisent la renaissance de l’esprit de la Fronde. La famille de Bouillon qui régnait sur une principauté indépendante dans les Ardennes, était un acteur important du mouvement, fier de son sang, allié des Stuarts, avec lesquels le duc partageait une tradition ésotérique très ancienne. Sa généalogie rivalisait avec celle des Bourbons. Le duc régnant était grand-maître de l'Orient de Bouillon, maçonnerie à tendances spiritualistes et même magiques, qui groupait des personnalités de premier rang et fédérait un grand nombre de loges militaires. Ainsi, l'armée du roi de France portait en son sein une maçonnerie non française par ses origines. Les loges militaires reprenaient les usages des loges régimentaires Écossaises et Irlandaises. Ramsay, précepteur du prince de Turenne, fonde une loge à Château-Thierry, fief de son maître. Certains considèrent qu’il fut à l’origine de la création du rite de Bouillon ou du rite de Ramsay
[13]. Cette affirmation est reprise aujourd’hui par un certain nombre de Loges qui s’en réclament. En 1735, âgé de quarante-six ans, il épouse Marie de Nairne, vingt-quatre ans, fille d'un noble Écossais de haut lignage, le baron David de Nairne, héraut d'armes de l'Ordre du Chardon, ordre chevaleresque des Stuarts. (Ceci accrédite la connexion Templière dans l’établissement et la pratique d’un éventuel rituel de Ramsay). Cet ordre avait été créé en 1314 par le roi d'Écosse Robert Bruce, après sa victoire de Bannockburn, afin de récompenser les Templiers qui, réfugiés dans ses États après l'inique procès, avaient largement contribué à la défaite des Anglais.

Dès 1735 commence de circuler, sous le manteau, ce fameux Discours de Ramsay qui est, en quelque sorte, la charte de la Maçonnerie moderne. Les idées ici développées sont innovantes voir gênantes pour l’institution ... D'abord, Ramsay signale l'universalisme de l'Ordre. Le franc-maçon y apparaît pour la première fois comme un citoyen du monde. Avec une certaine audace en cette première moitié du XVIIIe siècle, il blâme l'esprit de conquête et le patriotisme guerrier. L’origine chevaleresque et croisée de l’ordre est mise en avant, réfutant la thèse opérative de son ami Anderson. Par extension on parlera d’origine Templière. Il s’appuie sur l’encyclopédie des savoirs et connaissances donnant à la démarche maçonnique son esprit et sa fonction universelle. 
Ainsi Ramsay, tout en sollicitant la protection des princes
[14], lance un appel à tous les francs-maçons par delà les frontières. Il s’agit de ménager le pouvoir en place, sans lui être inféodé.

Cet élan est emprunté à Fénelon son mentor religieux, dont il est utile de rappeler deux citations : « Je préfère ma famille à moi-même, ma patrie à ma famille, et le genre humain à ma patrie ». Dans Télémaque on relève : « Tout le genre humain n’est qu’une famille dispersée sur la face de toute la terre. Tous les peuples sont frères et doivent s’aimer comme tels. »

Nous pensons que le chevalier Ramsay n’avait ni l’envergure ni le talent pour fonder un système de sa propre volonté. C’est d’autres frères, en quête d’une filiation autre que l’Anglaise issue du système des « moderns », qui s’emparèrent d’un discours qui ne fut probablement pas lu par son auteur, le cardinal Fleury , ministre du Roi, l’en ayant dissuadé.

 Michel de Ramsay meurt à Saint-Germain-en-Laye, le 7 mai 1743. L'acte de décès est signé du Comte de Derwenwater venu enterrer son Grand Orateur et du comte d'Engletown, tous deux " frères " d’une des premières loges spéculatives de France.

La première version du discours avait vocation à être lue devant les Loges Jacobites parisiennes réunies le 26 décembre 1736 dans la Loges Saint Thomas 1er, la veille de l’élection de Charles Radclyff, Lord Derwenwater son ami,  au poste de Grand Maître des loges Jacobites.

Cette version cristallise les fondamentaux de l’écossisme ramsayen dont nous produisons ici quelques extraits :

 

 «Le goût suprême de l'Ordre et de la symétrie et de la projection ne peut être inspiré que par le grand Géomètre architecte de l'Univers dont les idées éternelles sont les modelles du vray Beau»[15]

«Noé doit être regardé comme l'auteur et l'inventeur de l'architecture navale aussi bien que le grand maître de notre ordre»[16].

Tout comme Anderson, il s’appuie sur le mythe fondateur connu des francs-maçons, mais aussi sur les principes de la géométrie appliqués à son raisonnement pour nous convaincre de la pertinence des principes universels qui dépassaient le particularisme des différentes confessions. Il prend le contre-pied d'Anderson pour qui la Franc-maçonnerie se développe en Angleterre jusqu’aux constitutions de 1723, Ramsay la fait passer de Grande-Bretagne en France qui va devenir le centre de l'Ordre. 

«... Noé, Abraham, les patriarches, Moyse, Salomon, Cyrus avaient été les premiers grands Maîtres. Voilà, Messieurs, nos anciennes traditions ; voici maintenant notre véritable histoire. Du temps des guerres saintes dans la Palestine, plusieurs princes, seigneurs et artistes entrèrent en société, firent vœu de rétablir les temples des chrétiens dans la terre sainte »,

« Rappelèrent tous les signes anciens et les paroles mystérieuses de Salomon, pour se distinguer des Infidèles et se reconnaître mutuellement... dès lors nos loges portèrent le nom de loges de Saint-Jean »… .

« Cette union se fit en imitation des Israëlites lorsqu'ils rebâtirent le second temple ; pendant que les uns maniaient la truelle et le compas, les autres les défendaient avec l'épée et le bouclier» …

«Depuis ce temps, la Grande-Bretagne devint le siège de la Science arcane, la Conservatrice de nos dogmes et la dépositaire de tous nos secrets. Des Iles Britanniques «L'antique science» commence à passer dans la France, la nation la plus spirituelle de l'Europe va devenir le centre de l'Ordre et répandra sur nos statuts, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un ordre dont la base est la Sagesse, la Force et la Beauté du génie. »…

 Nous donnons dans l’article suivant la deuxième version. Celle-ci devait être soumise au Cardinal de Fleury qui la désapprouve et ne fut publié qu’après sa mort. Nous sommes toujours dans la période de régence. C’est le Cardinal de Fleury qui dirige le royaume compte tenu de l’âge de Louis XV. Celui-ci est hostile à l’ouverture d’un front anti- Hanovrien cristallisé dans la franc-maçonnerie Stuartiste. L’ambiance générale est assez hostile à la franc-maçonnerie, des descentes de police sont organisées dans les loges, de nombreux nobles en font partie et déjà la Hollande et la Suède prennent des mesures d’interdiction. Suite à une enquête de quatre mois, le Cardinal de Fleury interdit la Franc-maçonnerie le 2 août 1737. Le Vatican emboîte le pas avec la publication de la bulle papale « in eminenti apostolatus specula » le 24 avril 1738, qui interdit à tous les francs-maçons d’appartenir à une loge, sous peine d’excommunication. Cette hostilité du Pape fut contre productrice. La bulle affaiblit les loges Stuartistes catholiques au profit des loges orangistes favorable au pouvoir en place à Londres. Le soutien recherché auprès des autorités par Ramsay fut un échec. Le Cardinal  de Fleury avait fait savoir son désaccord. Cependant, les deux discours vont rester la plate-forme intellectuelle de l’ensemble d’une Franc-maçonnerie en France et à l’étranger, qui ne se retrouve pas dans le dictat de Londres.

Note de synthèse N°1- préalable à l'etude de la chevalerie maçonnique-( E.°. R.°. RL ecossais de saint jean) 

 

[1]              D’après Voltaire dans son Dictionnaire Philosophique.

[2]              In Albert Lantoine « La franc-maçonnerie chez elle » ed Noury paris 1927.

[3]              Jacob Boehme est considéré comme un auteur pré maçonnique.

[4]              Le 25 février 1709 le jeune Ramsay se qualifie lui-même de Philadelphien.

[5]              Notons que quelques années auparavant il avait adhéré au socinianisme secte protestante antitrinitaire qui contestait la divinité du Christ.

[6]              « La franc-maçonnerie écossaise en France »

[7]              Cyrus est une figure tutélaire des débuts de l’écossisme, et notamment des grades supérieurs du Rite Ecossais Primitif.

[8]              Ces points sont justement relevés par Albert Chérel « André Michel Ramsay » Paris 1926.

[9]              Le dit Marquis étant titulaire d’une charge de Maître de loge, d’essence Stuartiste en Avignon.

[10]             P. Chevalier « La première profanation du Temple Maçonnique », ed Vrin, p133 cité par Pierre Prevost

[11]             Rappelons à toutes fins utiles que les premières loges continentales ne travaillaient qu’aux deux grades connus d’apprenti et de compagnon, le Maître de loge assumant la charge de président. Dans les constitutions de 1738 Anderson valide le grade de maître préexistant et la légende d’Hiram.

[12]             D’après Gould il s’agit d’une « association patronnée par beaucoup d’archéologues et de francs-maçons fameux » cité par Pierre Prévost point de vue initiatique n° 79. 1990.

[13]             Les recherches en cours sur ce rite laissent à penser qu’il n’est pas sans rapport avec le Rite Ecossais Primitif. Le dictionnaire Ligou en définit succinctement les caractéristiques : il aurait fonctionné dès 1728 et d’après Thory et Ragon, il comprenait les grades d’apprenti, de compagnon, de maître, de maître écossais, novice et enfin de chevalier du temple ou templier.

[14]             Il demande la correction par le cardinal de Fleury ministre de la police quant à la deuxième version de 1737.

[15]         Pour Anderson : «Adam, notre premier ancêtre, créé à l'image de Dieu, le Grand Architecte de l'Univers, dut avoir les sciences libérales, particulièrement la Géométrie, inscrites dans son coeur, car depuis la chute même nous trouvons ces principes inscrits dans le cœur de ses descendants» Ramsay dans son rappel pour « le goût des arts libéraux » reprend délibérément le lien avec les Anciens devoirs catholiques qui précédaient le Mason Word 

[16]         Pour Anderson «Noé et ses trois fils, Japhet, Sem et Cham, tous maçons authentiques, amenèrent avec eux, après le Déluge, les traditions et les arts antédiluviens, et les communiquèrent largement à leur descendance de plus en plus nombreuse»

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 22:36

Le discours de Ramsay - Universalité chevaleresque

        Si le premier discours offrait une place prééminente à l’histoire du peuple juif lié à la première maçonnerie, jusqu'à la deuxième destruction du temple en 70. Le public concerné par ce premier discours était à l’évidence composé de maçons Jacobites. Le second prend l’universalisme encyclopédique comme pierre d’angle du monument. Les deux sensibilités semblent être respectées, les Jacobites d’un coté et les orangistes de l’autre, par la mise en œuvre de tous les savoirs, au-delà des divisions.

Le deuxième discours devait être lu devant une assemblée de franc maçon en mars 1737. On peut en détacher deux parties.

La première partie campe l’esprit de l’ordre et ses buts. On commence par définir les qualités requises, puis on développe l’amour de l’humanité, la saine morale, le secret et le goût des sciences et des arts libéraux.

Dans la deuxième partie, il est question des origines et de l’histoire. On reprend la légende, l’influence des croisés dans leur quête, le retour de la terre sainte en Europe, la dégénérescence et la réforme.

Enfin, en guise de conclusion, on évoque la régénération et l’avenir de l’ordre. À n'en pas douter l’écossisme naît de ces deux discours s’appuyant sur la grandeur de la France.

La doctrine de l’influence templière est confirmée au point de donner l’impression que la doctrine devient mythe et le mythe devient l’histoire. Robert Ambelain à qui je dois une grande partie de mon parcours maçonnique disait, s’agissant des faits historiques et des mythes, qu’ils contribuaient tous deux à l’édification ésotérique de l’individu dans un vaste ensemble qui le dépasse, que la légende est en marche et que rien ni personne ne peut l’arrêter.

Nous commentons ce deuxième discours par des insertions entre parenthèses.

 

LES QUALITÉS REQUISES POUR DEVENIR FRANC-MAÇON

 

« La noble ardeur que vous montrez, Messieurs, pour entrer dans le très noble et très illustre Ordre des francs-maçons, est une preuve certaine que vous possédez déjà toutes les qualités nécessaires pour en devenir les membres, c'est-à-dire : L’humanité, la morale pure, le secret inviolable et le goût des beaux arts. (Ramsay semble ici fixer ici la base intellectuelle et morale de l’admissibilité en loge d’un candidat, on méditera la notion de morale pure.)

 

L’ AMOUR DE L'HUMANITÉ

 

Lycurgue, Solon, Numa et tous les législateurs politiques n'ont pu rendre leur établissement durable, quelques sages qu'étaient leurs Lois, elles n'ont pu s'étendre dans tous les pays et dans tous les siècles. Comme elles n'avaient en vues que les victoires et les conquêtes, la violence militaire et l'élévation d'un Peuple au-dessus d'un autre, elles n'ont pu devenir universelles, ni convenir au goût, au génie et aux intérêts de toutes les Nations.   La philanthropie n'était pas leur base. L'Amour de la Patrie, mal entendu et poussé à l'excès détruisait souvent, dans ces républiques guerrières, l'amour et l'Humanité en général. (L’amour de son prochain est ici la pierre angulaire, d’essence chrétienne, sur laquelle se fonde l’ordre et c’est le non-respect de ce principe qui a fait défaillir les nations)

Les Hommes ne sont distincts essentiellement par la différence des langues qu'ils parlent, des habits qu'ils portent, des pays qu'ils occupent, ni des dignités dont ils sont revêtus.

Le Monde entier n'est qu'une République dont chaque Nation est une famille et chaque particulier un enfant. C'est pour faire revivre et répandre ces essentielles maximes, prises dans la nature de l'Homme que notre Société fut d'abord établie. (C’est ici la marque de Fénelon.)

Nous voulons réunir tous les Hommes d'un esprit éclairé de mœurs douces et d'une humeur agréable, non seulement par l'amour des Beaux-Arts, mais encore plus par les grands principes de vertu, de science et de religion, où l'intérêt de la Confraternité devient celui du genre humain tout entier, où toutes les Nations peuvent puiser des connaissances solides et où les sujets de tous les Royaumes peuvent apprendre à se chérir mutuellement, sans renoncer à leur Patrie. (Unis dans la diversité des langages et des nations, c’est reconnaître les bienfaits de la construction d’une tour de Babel construite sous l’égide de l’universalité. Pour la commodité Ramsay se garde bien de rappeler que les premières loges implantées sur le territoire de France étaient Jacobites et brillaient plus pour leur aptitude à la conspiration en vue du retour des Stuarts au trône, plutôt qu’à cet œcuménisme novateur. Rappelons qu’il a pu participer aux différents complots en tant que Stuartiste convaincu[1]. Cette période semble révolue et à l’instar de la Grande Loge de Londres, le discours se veut universel.)

 

NOS ANCETRES LES CROISES

 

Nos ancêtres, les Croisés, rassemblés de toutes les parties de la Chrétienté dans la Terre Sainte voulurent réunir ainsi dans une seule Confraternité les particuliers de toutes les Nations. (Les précurseurs de la Franc-maçonnerie ne seraient pas seulement des tailleurs de pierre, des architectes ou artisans, mais des chevaliers, fils cadets avec titres et  sans terres, des guerriers suivant le prêche de Saint Bernard ! Or il existe une initiation guerrière, comme l’initiation artisanale ou sacerdotale. L'Ordre serait, par ses origines conquérantes et libératrices, souché dans la noblesse d’épée et la chevalerie française. Ramsay donne des origines une explication opposée à celle des Constitutions d'Anderson qui sont, pourtant, la charte de la Maçonnerie anglaise. Or, Ramsay ne fut jamais désavoué par les dirigeants de la Mother Loge qui ne méconnaissaient pas l’antériorité historique de leurs devanciers Stuartistes sur le continent.)

Quelle obligation n'a-t-on pas à ces Hommes Supérieurs qui, sans intérêt grossier, sans même écouter l'envie naturelle de dominer, ont imaginé un établissement dont l'unique but est la réunion des esprits et des cœurs pour les rendre meilleurs et former dans la suite des temps, une Nation toute spirituelle, où sans déroger aux divers devoirs que la différence des Etats exige, on créera un Peuple nouveau, qui, étant composé de plusieurs Nations, les cimentera toutes en quelque sorte par le lien de la Vertu et de la Science.

(L’idée d’un universalisme structuré sur une base fédérale et réunissant les nations autour de l’idée de progrès, c’est mettre l’Homme au centre de cette nouvelle société, et non plus le Roi. Pour la forme on remarquera une réelle tendance dans ce discours à une croyance dans le progrès par la science qui annonce une forme précoce de positivisme. Certains y trouverons l’expression d’Utopia, d’autres les prémisses de l’illuminisme.)

 

LA SAINE MORALE

 

La saine morale est la seconde disposition requise dans notre Société.

Les Ordres religieux furent établis, pour rendre les hommes Chrétiens parfaits; les Ordres militaires, pour inspirer l'amour de la vraie gloire, et l'Ordre des Francs-Maçons pour former des Hommes et des Hommes aimables, de bons citoyens, de bons sujets, inviolables dans leurs promesses, fidèles adorateurs du Dieu de l'Amitié, plus amateurs de la Vertu que des récompenses.

        Polliciti servare fidem, sanctumque vereri,

        Numen amicitiae, mores, non numera amare.[2]

Ce n'est pas cependant que nous nous bornions aux vertus purement civiles.

Nous avons parmi nous trois espèces de Confrères : des Novices ou des Apprentis, des Compagnons ou des Profès, des Maîtres ou des Parfaits. (C’est ici la conception graduelle classique, de la progression initiatique qui est sous-tendue). On explique aux premiers les vertus morales, aux seconds les vertus héroïques, et aux derniers les vertus Chrétiennes, de sorte que notre Institut réforme toute la philosophie des sentiments et toute la Théologie du Cœur. C'est pourquoi un de nos vénérables Confrères dit dans une Ode pleine d'enthousiasme:

 

        Free-Maçons, Illustre Grand Maître

        Recevez nos premiers transports

        Dans mon cœur l'Ordre les fait naître

        Heureux ! Si de nobles efforts

        Me font mériter votre estime

        Et m'élèvent au vrai sublime

        À la première vérité

        À l'essence pure et divine

        de l'âme céleste origine

        Source de vie et de clarté.

(On devine les grands thèmes maçonniques toujours travaillés dans les loges symboliques et traditionnelles. Le plus important est cette intelligence du cœur qui prévaut lorsqu’il est question de transport ésotérique. On relève aussi le thème du mérite et du travail glorifiant l’homme dans son progrès sur lui-même pour l’élever, jusqu'à entrevoir la Lumière.)

Comme une philosophie sévère, triste et misanthrope dégoûte les hommes de la vertu, nos ancêtres les Croisés voulurent la rendre agréable, d'une joie pure et d'une gaieté raisonnable. (Les soldats de Dieu consacrent le maintien et le respect des valeurs chrétiennes qui sont le socle de la franche maçonnerie de tradition. La bonne chère en partage lors des agapes ritualisées, pour éviter tout excès, contribue à la confortation du groupe.)

Nos sentiments ne sont pas ce que le monde profane et l'ignorant vulgaire s'imaginent. Tous les vices du cœur et de l'esprit en sont bannis et on a proscrit l'irréligion et le libertinage, l'incrédulité et la débauche.

(Des rapports de police de l’époque indiquent que nombre de loges se réunissent pour travailler moins d’une heure et s’en suivent des agapes bien arrosées, qui dérivent rapidement en lieu de débauche. Ramsay entend rompre avec cette tendance. Il faut se souvenir qu’il dû fermer le club de l’entresol qui déplaisait tant au Régent pour des motifs politiques.)

C'est dans cet esprit qu'un de nos Poètes dit:

Nous suivons aujourd'hui des sentiers peu battus,
Nous cherchons à bâtir, et tous nos édifices
Sont ou des cachots pour les vices,
Ou des temples pour les vertus.

(Bâtir des cachots pour les vices et élever des temples à la vertu sont les deux objectifs de l’apprenti entrant en Franc-maçonnerie.)

 

Nos repas ressemblent à ces vertueux soupers d'Horace, où l'on pouvait s'entretenir de tout ce qui pouvait éclairer l'esprit, perfectionner le cœur et inspirer le goût du vrai, du bon et du beau.

        0 noctes coenoeque Deum

        Sermo oritur, non de regnis domisbusve aliens

        Sed quod magis ad nos

        Pertinet et nescire matum est agitamus utrume

        Divitits homines an sint virtuti beati;

        Quitue ad amicitas usus rectumve trehat nos

        Et quoe sit natura boni, summumque quid ejus[3].

Ici l'amour de tous les désirs se fortifie. Nous bannissons de nos Loges toute dispute, qui pourrait altérer la tranquillité de l'esprit, la douceur des mœurs, les sentiments de l'amitié, et cette harmonie parfaite qui ne se trouve que dans le retranchement de tous les excès indécents, et de toutes les passions discordantes. 

(Seul le respect mutuel procure dans ces premières assemblées cette harmonie. Nous savons aujourd’hui que les premières loges s’agrégeaient autour du sentiment de reconquête du pouvoir dans les loges Stuartistes. Les Loges Orangistes prenaient naturellement le contre-pied. Ramsay tente habilement d’imposer cette harmonie œcuménique, en la francisant autour de l’esprit chevaleresque qui sied si bien au peuple français.)

Ainsi, les obligations que l'ordre vous impose sont de protéger vos Confrères par votre autorité, de les éclairer par vos lumières, de les édifier par vos vertus, de les secourir dans leurs besoins, de sacrifier tout ressentiment personnel et de rechercher tout ce qui peut contribuer à la paix, à la concorde et à l'union de la Société.

 

LE GOUT DU SECRET

 

Nous avons des secrets, ce sont des signes figuratifs et des paroles sacrées, qui composent un langage tantôt muet, tantôt très éloquent pour le communiquer à la plus grande distance et pour reconnaître nos Confrères de quelque langue qu'ils soient.

(Il est fait mention ici des signes et mots de reconnaissance qui permettent aux maçons de se reconnaître, c’est du mot de maçon dont il s’agit dans toutes ses ramifications.)

C'étaient des mots de guerre que les Croisés se donnaient les uns aux autres pour se garantir des surprises des Sarrasins qui se glissaient souvent déguisés parmi eux pour les égorger. (Ramsay exclut l’origine opérative de l’ordre, c’est le maniement de l’épée et de la truelle qui prévaut sur le maillet et le ciseau. Les loges opératives n’étaient que des supports d’une tradition d’origine templière. Ce point de vue éminemment critiquable fait apparaître la mission réelle de Ramsay qui est la promesse qu’il fit, de raviver la flamme Templiere et l’ordre du chardon. Le mot de maçon devient le mot du templier.)

Ces signes et ces paroles rappellent le souvenir ou de quelque partie de notre science, ou de quelque vertu morale ou de quelque mystère de la foi. Il est arrivé chez nous ce qui n'est guère arrivé dans aucune autre Société. Nos Loges ont été établies et sont répandues dans toutes les Nations policées et cependant parmi une si nombreuse multitude d'hommes, jamais aucun Confrère n'a trahi nos secrets. Les esprits les plus légers, les plus indiscrets, les moins instruits à se taire, apprennent à se taire, apprennent cette grande Science en entrant dans notre Société, tant l'idée de l'union fraternelle a d'empire sur les esprits.

Ce secret inviolable contribue puissamment à lier les sujets de toutes les Nations, et à rendre la communication des bienfaits facile et mutuelle entre eux.   Nous en avons plusieurs exemples dans les annales de notre Ordre.   Nos Confrères qui voyageaient en divers pays de l’Europe, s’étant trouvés dans le besoin, se sont fait connaître à nos Loges, et aussitôt ils ont été comblés de tous les secours nécessaires. Dans le même temps que des guerres les plus sanglantes d'illustres prisonniers ont trouvé des Frères où ils ne croyaient trouver que des ennemis. (La fraternité transcende les frontières, faisant fi de la souveraineté nationale. Le secours entre soldats de camps opposés, quand tout est perdu, en témoigne ; le signe de détresse enseigné au 3ème degré également. Cette fraternité transfrontalière est de nature à remettre en cause le pouvoir absolu du Roi ou du Régent et ce goût du secret trouvant ses origines dans l’initiation n’est pas pour satisfaire le contrôle par le pouvoir.)

Si quelqu'un manquait aux promesses solennelles qui nous lient, vous savez, Messieurs, que les peines que nous lui imposons sont les remords de sa conscience, la honte de sa perfidie et l'exclusion de notre Société, selon ces belles paroles d'Horace:

        Est et fideli tuta silentia

        Merces, vestabo qui cereris sacrum

        Vulgaris arcanum sub lisdem

        Sit trabibus, fragilemque mecum

        Salvat phaselum...[4]

Oui, Messieurs, les fameuses fêtes de Cérès à Eleusis, d'Isis en Egypte, de Minerve à Athènes, d'Uranie chez les Phéniciens et de Diane en Scytie avaient quelques rapports avec les nôtres. On y célébrait des mystères où se trouvaient plusieurs vestiges de l'ancienne Religion de Noé et des Patriaches.

(La version des origines de la franc-maçonnerie nichée dans Noé et dans les plus anciennes sociétés initiatiques à mystères, appelle naturellement le Noachisme comme valeur religieuse universelle vétérotestamentaire, valeur en discussion dans l’entourage d’Anderson et Desaguliers. Ramsay concrétise ainsi l’œcuménisme du Noachisme, bien avant la publication des Constitutions de 1738. On peut affirmer que l’esprit noachite français s’affirme nettement avant, ou du moins, concomitamment à celui d’Anderson.)

Elles finissaient par des repas et des libations et on n'y connaissait ni l'intempérance ni les excès où les Païens tombèrent peu à peu. La source de ces infamies fut l'admission des personnes de l'un et l'autre sexe aux Assemblées nocturnes contre la primitive institution. C'est pour prévenir de tels abus que les femmes sont exclues de notre Ordre.

(La masculinité traditionnelle de l’Ordre est ici posée dans des termes plus prosaïques qu’initiatiques !)

Ce n’est pas que nous soyons assez injustes pour regarder le sexe comme incapable du secret, mais sa présence pourrait altérer insensiblement la pureté de nos maximes et de nos mœurs.

Si le sexe est banni, qu'il n'en ait point d'alarmes
Ce n'est point un outrage à sa fidélité;
Mais on craint que l'amour entrant avec ses charmes,
Ne produise l'oubli de la fraternité.
Noms de frère et d'ami seraient de faibles armes
Pour garantir les cœurs de la rivalité.

(C’est ici un pavé dans la marre des tenants d’une mixité initiatique.)

LE GOUT DES SCIENCES ET DES ARTS LIBÉRAUX

La quatrième qualité requise dans notre Ordre est le goût des sciences utiles et des Arts Libéraux.

(Le retour à la base initiatique des Anciens Devoirs est ici posé. Les arts libéraux et la géométrie s’associent à la conception de la caverne socratique et de la vision de la Lumière. L’ascension graduelle des arts libéraux permettait de voir le visage de Dieu.)

Ainsi l'Ordre exige de chacun de vous de contribuer par sa protection, par sa libéralité ou par son travail, à un vaste Ouvrage auquel nulle Académie, et nulle Université ne peuvent suffire, parce que toutes ces Sociétés particulières étant composées d'un très petit nombre d'hommes leur travail ne peut embrasser un objet aussi étendu.

Tous les Grands Maîtres en Allemagne, en Angleterre, en Italie et par toute l’Europe, exhortent tous les Savants et tous les Artistes de la Confraternité de s'unir pour fournir les matériaux d'un Dictionnaire Universel des Arts Libéraux et des Sciences utiles, la Théologie et la Politique seules exceptées.

(Le lien avec les anciens devoirs est encore établi, mais cette fois-ci dans le sens descendant et pédagogique. On ne gravit plus l’échelle des sept arts, mais on les répertorie dans le but de transmettre.)  

 On a déjà commencé l'ouvrage à Londres, mais par la réunion de nos Confrères, on pourra le porter à sa perfection dans peu d'années.

(Le travail, l’œuvre à accomplir dans l’harmonie, à l’imitation de la Grande Loge de Londres, tel est le canevas des loges françaises.)  

On y explique non seulement le mot technique et son étymologie, mais on donnera encore l'histoire de la science et de l’Art ses grands principes et la manière d'y travailler.

Par là, on réunira les lumières de toutes les Nations dans un seul ouvrage qui sera comme un magasin général, et une Bibliothèque universelle de tout ce qu'il y a de beau, de grand, de lumineux, de solide et d'utile dans toutes les sciences naturelles tous les arts nobles. Cet ouvrage augmentera chaque siècle, selon l'augmentation des lumières ; c’est ainsi qu’on répandra partout une noble l'émulation et le goût des Belles-Lettres des beaux Arts dans toutes l’Europe.

(Réunir ce qui est épars. La doctrine encyclopédique produit ici ses effets. L’influence anglo-saxonne et cette tendance à récupérer en un ouvrage tous les savoirs et documents historiques, pour mieux les faire fructifier, sont typiques des intellectuels de son temps. La Royal Society, émanation de l’invisible collège et des sociétés d’antiquaires à l’anglaise, a infusé par ses membres la doctrine de la première Grande Loge spéculative. )

 

 - ORIGINE ET HISTOIRE DE L'ORDRE

 (Pour le chevalier Ramsay, le terme de franc-maçon ne doit donc pas être pris dans un sens littéral, grossier et matériel. Ils étaient d'habiles architectes qui voulaient consacrer leurs talents et leurs biens à la construction des temples extérieurs. Attachés aux principes religieux et guerriers, ils voulurent éclairer, édifier et protéger les temples vivants du Très-Haut; c'est ce que veut démontrer Ramsay en développant l'histoire ou plutôt le renouvellement de l'ordre. La question des origines non opératives est encore abordée. Ici l’architecte n’est pas un ancien tailleur de pierre. Le renouvellement dont il est question suppose la présence de maçons acceptés dans les loges opératives. Pour conserver une forme de cohérence au récit, on imagine bien volontiers que les premiers acceptés étaient des templiers réfugiés dans l’ordre opératif qu’ils avaient contribué à développer.)

Chaque famille, chaque République, et chaque Empire dont l'origine est perdue dans une antiquité obscure, a sa fable et a sa vérité, sa légende et son histoire, sa fiction et sa réalité.(Ramsay admet par principe le mythe comme source traditionnelle    et     communautaire.)
Quelques-uns font remonter notre institution jusqu'au temps de Salomon, de Moïse, des Patriarches, de Noë même. Quelques autres prétendent que notre fondateur fut Enoch, le petit-fils du Protoplaste, qui bâtit la première ville et l'appela de son nom. Je passe rapidement sur cette origine fabuleuse, pour venir à notre véritable histoire. Voici donc ce que j'ai pu recueillir dans les très anciennes Annales de l'Histoire de la Grande-Bretagne, dans les actes du Parlement d'Angleterre, qui parlent souvent de nos privilèges, et dans la tradition vivante de la Nation Britannique, qui a été le centre et le siège de notre Confraternité depuis le onzième siècle.

INSTITUTION DE L'ORDRE PAR LES CROISÉS

Du temps des guerres saintes dans la Palestine, plusieurs Princes, Seigneurs et Citoyens entrèrent en Société, firent voeu de rétablir les temples des Chrétiens dans la Terre Sainte, et s'engagèrent par serment à employer leurs talents et leurs biens pour ramener l'Architecture à primitive institution. Ils convinrent de plusieurs signes anciens, de mots symboliques tirés du fond de la religion, pour se distinguer des Infidèles, et se reconnaître d'avec les Sarrasins. On ne communiquait ces signes et ces paroles qu'à ceux qui promettaient solennellement et souvent même aux pieds des Autels de ne jamais les révéler. Cette promesse n'était donc plus un serment exécrable, comme on le débite, mais un lien respectable pour unir les hommes de toutes les Nations dans une même confraternité. Quelques temps après, notre Ordre s'unit intimement avec les Chevaliers de S. Jean de Jérusalem. Dès lors et depuis nos Loges portèrent le nom de Loges de S. Jean dans tous les pays.

(C’est ici le point principal de la différence identitaire des loges dites Écossaises qui en France se réfèrent expressément aux deux Saints Jean et ouvrent leurs travaux avec la Bible ouverte à l'Évangile de Saint-Jean. Il est ici clairement annoncé que la Bible se lit dans son sens Esotérique, sens qui n’est accessible qu’aux initiés. Que dire du lien entre les Templiers et l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, Ordre hospitalier dont l’origine remonte à 1050. De leurs implantations ils rapportèrent une connaissance initiatique transmise par les Johannites, secte des disciples de Saint-Jean et les Cohanim continuateurs du culte du Temple de Salomon. Ils eurent selon toute vraisemblance, des contacts avec la secte des assassins et la tradition hellénique d’origine Byzantine. Ils furent chassés successivement de Jérusalem puis d’Acre, de Chypre, de Rhodes pour finir à Malte où ils prirent le nom d' Ordre des Chevaliers de Malte. Ici il n’est pas fait allusion directement aux templiers et à leur Ordre, sans doute dans un but diplomatique, le point de vue papal n’étant pas neutre.)

 Cette union se fit en imitation des Israélites, lorsqu'ils rebâtirent le second Temple, pendant qu'ils maniaient d'une main la truelle et le mortier, ils portaient de l'autre l'Epée et le Bouclier.

 (L’allusion à la double initiation qui va constituer la racine de l’écossisme en France est exprimée de manière péremptoire. Ramsay envisage l’initiation de métier constituée par la transformation de la matière comme une base qui se complète par l’initiation guerrière. On rejoint par le sommet, les deux versants d’une même montagne. Il ne reste plus que l’initiation sacerdotale qui sera mise en partition par la légende d’Hiram et sa parole perdue.)

Notre Ordre par conséquent, ne doit pas être regardé comme un renouvellement de bacchanales, et une source de folle dissipation de libertinage effréné, et d'intempérance scandaleuse, mais comme un ordre moral, institué par nos Ancêtres dans la Terre sainte pour rappeler le souvenir des vérités les plus sublimes, au milieu des innocents plaisirs de la Société.

 

DE LA TERRE SAINTE EN EUROPE

 

 Les Rois, les Princes et les Seigneurs, en revenant de la Palestine dans leurs pays, y établirent des Loges différentes. Du temps des dernières Croisades on voit déjà plusieurs Loges érigées en Allemagne, en Italie, en Espagne, en France et de là en Écosse, à cause de l'intime alliance qu'il y eut alors entre ces deux Nations.

 

(La loge est donc le produit croisé de la tradition orientale des bâtisseurs et de la chevalerie plongée dans la croisade. La maçonnerie opérative ne serait que l’émanation des croisades. Orient et occident par la croisade qui est une communion des sangs partagent une même tradition.

Plus bas, Ramsay rappelle l’Ancienne Alliance qui unie la France et l’Ecosse. On y voit le poids d’une culture Stuartiste avec la justification de ses racines.) 

Jacques Lord Steward d'Écosse fut Grand Maître d'une Loge établie à Kilwining dans l'Ouest d'Écosse en l'an 1286, peu de temps après la mort d'Alexandre III Roi d'Écosse, et un an avant que Jean Baliol montât sur le Trône. Ce Seigneur Écossais reçut Free-Maçons dans sa Loge les Comtes de Glocester et d'Ulster, Seigneurs Anglais et Irlandais.

Peu à peu nos Loges, nos fêtes et nos solennités furent négligées dans la plupart des pays où elles avoient été établies. De-là vient le silence des Historiens de presque tous les Royaumes sur notre Ordre, hors ceux de la Grande-Bretagne. Elles se conservèrent néanmoins dans toute leur splendeur parmi les Écossais, à qui nos Rois confièrent pendant plusieurs siècles la garde de leur sacrée personne.

 (La garde écossaise du Roi et l’Ancienne Alliance entre l'Écosse et la France sont ici mis en avant pour créer le fameux lien « Écossais » qui va permettre l’incroyable foisonnement de « l’écossisme » en France. C’est par l'Écosse que nous revient une tradition oubliée. Il est dit ici que l'Écosse fut un centre reconnu pour la Franc-maçonnerie.)

 

DES CROISADES A LA RÉFORME - DÉGÉNÉRESCENCE DE L'ORDRE

 

Après les déplorables traverses des Croisades, le dépérissement des Armées Chrétiennes et le triomphe de Bendocdar Soudan d'Egypte, pendant la huitième et dernière Croisade, le Fils d'Henry III Roi d'Angleterre, le grand prince Édouard voyant qu'il n'avait plus de sûreté pour ses confrères dans la Terre sainte, quand les troupes Chrétiennes s'en retiraient, les ramena tous, et cette Colonie de frères s'établit ainsi en Angleterre. Comme ce Prince était doué de toutes les qualités du coeur et de l'esprit qui forment les Héros, il aima les beaux Arts, se déclara protecteur de notre Ordre, lui accorda plusieurs privilèges et franchises, et dès lors les membres de cette Confraternité prirent le nom de francs-maçons. Depuis ce temps la Grande-Bretagne devint le siège de notre science, conservatrice de nos lois, et la dépositaire de nos secrets. Les fatales discordes de religion qui embrasèrent et déchirèrent l'Europe dans le seizième siècle, firent dégénérer notre ordre de la grandeur et de la noblesse de son origine (ce sont les rivalités religieuses instrumentées par la noblesse aux commandes de la grande politique qui à fait la faillite de la tradition maçonnique et la grande mémoire, provoquant la discorde entre les hommes). On changea, on déguisa, on supprima plusieurs de nos rites et usages, qui étaient contraires aux préjugés du temps.

RETOUR EN FRANCE, RÉGÉNÉRATION

C'est ainsi que plusieurs de nos confrères oublièrent l'esprit de nos lois, et n'en conservèrent que la lettre et l'écorce. Notre grand maître, dont les qualités respectables surpassent encore la naissance distinguée, veut que l'on rappelle tout à sa première institution, dans un Pays où la religion et l'État ne peuvent que favoriser nos Lois.

Des Isles Britanniques, l'antique science commence à repasser dans la France sous le règne du plus aimable des Rois, dont l'humanité fait l'âme de toutes les vertus, sous le ministère d'un Mentor qui a réalisé tout ce qu'on avait imaginé de plus fabuleux.

Dans ces temps heureux où l'amour de la Paix est devenu la vertu des Héros, la nation la plus spirituelle de l'Europe deviendra le centre de l'Ordre; elle répandra sur nos Ouvrages, nos Statuts et nos mœurs, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre, dont la base est la sagesse, la force et la beauté du génie.

(Le rappel des trois lumières d’ordre signe l’appartenance maçonnique de son auteur.)

C'est dans nos Loges à l'avenir, comme dans des Écoles publiques, que les François verront, sans voyager, les caractères de toutes les Nations, et c'est dans ces mêmes Loges que les Étrangers apprendront par expériences, que la France est la vraie Patrie de tous les Peuples:

 "PATRIA GENTIS HUMANAE"

(L’universalité d’un peuple se juge à l’aune de son rayonnement et la Franc-maçonnerie est un excellent support pour y parvenir. Voilà un dernier argument que l’auditeur politique, censé soutenir la démarche maçonnique en la protégeant, doit prendre en compte.)

    Note de synthèse N°2- Etudes sur la chevalerie maçonnique- E.°.R.°.- RL ecossais de saint Jean-

[1]              Notons pour la forme qu’il était parfaitement informé du complot ourdi par le George Monck, franc-maçon, en appui de Charles II dans le cadre des loges Jacobites, voir Renaissance Traditionnelle, N°197-108, 1996, p223.

[2]           Nous avons promis d'être fidèles, de vénérer la sainte divinité de l'amitié, d'aimer la vertu, non les récompenses

[3]           ] O nuits, ô repas divins !

                On ne s'y occupe pas des domaines ou des maisons d'autrui

                Mais de sujets qui nous touchent plus directement

                et qu'il est mauvais d'ignorer.

                Si les richesses ou la vertu donnent aux hommes le bonheur,

                quel est le mobile des amitiés, l'intérêt ou le bien moral,

                quelle est la nature du bien, et quel en est le degré suprême.

 

[4]           « Il est au silence fidèle une récompense assurée;

                mais à celui qui aura divulgué les rites de la mystérieuse Céres,

                j’interdirai qu'il vive sous mon toit,

                ou s'embarque avec moi sur un fragile esquif. »

 

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