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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 00:00

L’ennéade traditionnelle des outils, et la gradualité

 

La franc-maçonnerie avec ses trois grades établit une progressivité dans l’acquisition des connaissances. Après les 4 épreuves purificatrices de l’initiation, l’apprenti apprend le métier de la taille de la pierre et pour cela il apprend le bon usage des outils. Traditionnellement c’est l’échelle (ou les marches) qui sert d’archétype à la progressivité de l’enseignement. Cette échelle est celle de la Scala philosophorum, échelle à neuf degrés représentant les neuf outils et instrument de la réalisation et de perfection de soi. Cette échelle ascendante et descendante est décrite par Robert Ambelain dans « La symbolique maçonnique des outils » et nous en faisons ici une interprétation adaptée à notre étude.

Notons qu’il existe différentes hiérarchies dans l’ordonnancement des outils. Suivant les rites et il est courant d’étudier le symbolisme des outils deux par deux du fait de leurs interactions et de leurs complémentarités. Ainsi on étudiera volontiers les couples maillet et ciseau, le niveau et la perpendiculaire, et bien sûr l’équerre et le compas.

 

 

 

Les 9 instruments-outils du maçon de tradition suivant la tradition hermétique-alchimique des rituels Ecossais. Le maçon est préalablement accoutré comme il se doit, d’un tablier et de gants, quel que soit le grade. Il est donc en situation de travail tant physique, psychologique et symbolique. Ceci constitue un préalable sans lequel l’usage d’outils et instruments perd toute valeur initiatique. N’oublions pas que le temple maçonnique est une "imago mundi", une reproduction symbolique de l’univers dans sa totalité tant microcosmique que macrocosmique. Cette double représentation fait de l’échelle ascendante et descendante un axe de progression que nous pourrions appeler « axis Mundi ». Ainsi, la loi des correspondances vient à s’appliquer naturellement et le monde macrocosmique devient agissant sur le monde microcosmique, et inversement. Ce double flux irrigue la totalité du système initiatique. L’idée reste de progresser sur soi pour rejoindre la totalité et l’universalité. L’action sur soi n’est donc pas sans effet sur l’univers et inversement.

 

Les instruments de l’apprenti sont :       

                                       1° Maillet

                                       2° Ciseau

                                       3° Levier

 

Les instruments du compagnon :    

                                       4° Perpendiculaire

                                       5° Niveau

                                       6° Equerre

 

 

Les instruments du maître maçon :

                                       7° Compas

                                       8° Règle

                                       9° Truelle

 

Cette ennéade est encadrée en sont point de départ par l’initiation dont le processus initial se caractérise par la vêture de l’oeuvrant (le tablier et les gants), qui va transformer la pierre brute, jusqu'à la polir en pierre cubique à pointe et se termine par la légende palingénésique d’Hiram, consistant au relèvement du maître intérieur. Notons enfin que les lois de correspondances se retrouvent interprétées non seulement dans le sens vertical macro- microcosme, mais aussi dans le sens horizontal purement microcosmique où sont données des équivalences entre les éléments, les couleurs, les sens, les vertus, les arts libéraux, les nombres, les planètes. Ces équivalences sont censées réinsérer l’être dans un ensemble d’interactions globales.

 

 

L’apprenti réalise la connaissance et la prise de conscience du Soi. C’est une renaissance à soi. L’apprenti s’identifie avec la pierre brute en phase de transformation par le travail.

Les vices de la pierre brute sont ceux de la nature profonde de l’apprenti.

 

Il s’agit donc d’inventorier ses propres vices. Ce sont les aspérités, défauts de la pierre, le tout constituant le Soi, et d’amener un processus de travail vertueux pour dégrossir, polir et rendre une forme carrée, puis cubique.

Les instruments permettent d’accomplir ce type de travail, à la fois d’investigation de l’esprit et de réalisation technique.

L’apprenti maçon observe, réfléchit, prend conscience des émotions, des passions, et de tout ce qui anime sa propre personnalité, sa propre conscience. À ce stade ce sont les pulsions primaires, propres à l’état évolutif de l’enfance qui déterminent irrévocablement le futur de sa personnalité, le caractère et les modalités comportementales.

Nos défauts découlent d’une énergie vitale déviée qui ne permet pas au Soi de se développer comme individu et d’interagir harmonieusement dans la société.

 

Ce sont les ressorts de la passion, des émotions et des impulsions primaires qui doivent être gérées, freinées, contrôlées et selon les cas modifiés. C’est dans ce cadre général que nous aborderons l’ennéade des outils.

 

Avant d’aborder la neuvaine, il faut en définir le socle.

 

Le tablier représente la vêture initiatique de l’apprenti. Le tablier est associé à l’élément Terre, qui indique aussi l’abîme ou la profondeur du cabinet de réflexion, grotte de laquelle en remontant, il prend conscience de sa corporalité.

Le tablier est associé à l’élément terre dont l’impétrant s’extrait avec cette retenue et cette crainte face à la lumière. En découlent l’avarice pour le vice et la prudence pour vertu.

On voit par cette association que le symbole est complexe, mais correspondance dans ses tenants et ses aboutissants.

Dans l’échelle philosophique, tout se tient et tout est cohérent.

 

L’apprenti utilise trois outils qui sont des aides pour sa progression :

 

-Le maillet symbole de la volonté agissante, emblématique du pouvoir et de l’intelligence, s’associe à l’élément eau, au vice de la gourmandise, et ayant pour vertu cardinale la tempérance.

 

-Le ciseau symbolisant le discernement dans l’action et l’efficacité, est associé à l’élément air, au vice de la luxure et pour vertu cardinale la justice.

 

-Le levier[1] symbole de l’effort dans la réalisation et donc de puissance, est associé à l’élément feu, au vice de la paresse et à la vertu cardinale de la force.

 

L’apprenti, en gravissant les trois premiers degrés de cette échelle à neuf barreaux, effectue paradoxalement une plongée dans se profondeurs secrètes qui sont ni plus ni moins les états élémentaires et inférieurs de l’être. Son état est prénatal, sa naissance se fera dans le monde de la matière. C’est donc la force, l’inconscient et l’instinct qui constituent son socle identitaire

 

Le compagnon travaille à l’inverse, sur une pierre déjà dégrossie par l’apprenti, débarrassée de ses aspérités disgracieuses et pourtant non finie. Nous ne sommes plus dans les profondeurs du soi, mais sur une horizontalité contemporaine. Cette horizontalité permet la rencontre et l’enrichissement de tous les compagnons évoluant sur le même plan. Il pratique la géométrie et l’art du trait, il connaît l’usage du niveau et du fil à plomb pour construire des murs.

Son objectif est d’obtenir une pierre parfaitement taillée, au volume régulier du cube. Ainsi la taille du compagnon met en valeur non seulement la surface dans sa finition, mais aussi son volume dans un élan ascensionnel. De l’horizontalité le compagnon passe à la verticalité. Cet élan ascensionnel de la troisième dimension est représenté par la pointe de la pierre cubique qui n’est autre qu’une pyramide surplombant un cube. L’ensemble réunit en son sommet la totalité du cube et de la pyramide soit du quaternaire[2] et du ternaire. Nous ne sommes plus dans les états inférieurs de l’être, mais dans le monde de l’âme qui donne le souffle à la vie.  Le compagnon se situe concrètement dans l’édification d’un mur du temple dont il est qu’une partie indispensable.

Si les vices de l’apprenti sont vitaux, ceux du compagnon sont des maladies de l’âme. Il doit les combattre, s’il veut atteindre son accomplissement ascensionnel. Ce sont des maladies qui avilissent et rongent la psyché, en amenant le compagnon sur la pente de l’abrutissement et de la violence envers lui et envers les autres.

Viennent en aide au compagnon les instruments suivants :

 

-Le niveau qui symbolise la sérénité dans l’application, mais aussi l’égalité, a pour vice l’envie et pour vertu de la charité.

 

-La perpendiculaire ou fil à plomb symbolise la profondeur dans l’observation, mais aussi l’équilibre, et à pour vice la colère et pour vertu l’espérance

 

-L’équerre qui est la rectitude dans l’action et la justice, à pour vice orgueil et pour vertu la foi.

 

Le compagnon s’exerce dans les trois dimensions de la matière. Il recherche la beauté de la taille et fait entrer le subconscient et le sentiment dans son travail. Dans l’exécution de la tâche, il est né à lui-même.

 

Le Maître travaille traditionnellement sur la planche à tracer, espace à 2 dimensions, sur laquelle il dessine et projette.  Il possède l’art de la géométrie et de la représentation en trois dimensions. Sa représentation devient conceptuelle. Il sait faire les calculs mathématiques, et passer d’une dimension à l’autre. C’est en ce sens qu’il connaît les grands mystères. Son monde est l’esprit, sa vision est globale. Il a seulement 3 instruments opératifs la règle et le compas, avec lesquels il peut tracer chaque type de ligne droite ou courbe et tracer des figures polygonales. Il sait utiliser la truelle, l’instrument de l’harmonie, de la perfection et de l’unification qui donne sens à l’ensemble bâti. C’est l’expression de sa sérénité et de sa bonne volonté, avec lesquels il maintient la paix et la sérénité de sa loge en aplanissant les divergences.

 

Les vices du maître sont dans la sphère de l’esprit. Il n’y a plus de point commun avec le compagnon, si ce n’est le symbolisme constructif. Ce qu’enseigne la légende du 3° grade concerne la régénération de la vie, de toutes les facultés physiques ou psychiques de l’initié, et plus particulièrement le relèvement du maître intérieur qui sommeille en nous.

 

 

Pour l’aider dans sa tâche, le Maître utilise les instruments suivants :

 

-La règle symbolise la régularité dans l’application et la rectitude, a pour vice l’aveuglement et pour vertu l’intelligence.

 

-Le compas symbolise la précision dans l’application, mesure dans la recherche de la vérité, a pour vice la folie et pour vertu la sagesse.

 

-La truelle symbolise la perfection, a pour vice l’erreur et pour vertu la réintégration c'est-à-dire la prise de conscience supérieure d’une complète totalité.

 

Les vices du maître sont ceux qui amènent à l'aliènement collectif, à l’extinction de la lumière intérieure de l’esprit : contre-initiation, aveuglement et folie. Ce sont les forces obscures qui créent le Maître Noir  illustré par l' Holocauste et à la folie nazi d’Hitler, les génocides perpétrés par Staline et par Pol Pot, le génocide arménien de la part des Turcs en 1910, aux explosions atomiques et des centaines d’autres terribles exemples. En plus petit aspect, mais non moins dangereux, ces vices engendrent des personnes dédiées à la suprématie, à la destruction, à la violence verbale, mentale et physique envers les autres. L’initié saura les détecter et se tenir à l’écart.

Pour conclure, le maître évolue dans le domaine de la sagesse en mariant conscience et raison. Il est sorti du travail de la matière, pour intégrer le domaine de l’esprit.

(…)

 

Extrait de la Planche commune franco-italienne « Lumière Ecossaise » à l’O\ D’Ollioules et «Acacia » à l’O\d’Asti. 

Eric R\ et Walter Mu\

 

 

 

 

 

[1]              Nombreux sont les rites qui réservent le maniement du levier au compagnon, il s'agit en effet d'un instrument de levage dont l'usage peut être destructeur. Son usage ou son mésusage est révélateur de l'état d'esprit du maçon. Il ne peut être mis entre les mains d'un apprenti débutant sans surveillant. Le bon usage du levier à la suite de l'action du Maillet et du Ciseau sur la pierre, ouvre la passage au grade de compagnon. C'est un instrument de transition et de translation.

[2]              Le quaternaire n’est qu’un développement du binaire.

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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 10:49

CRANE.JPGLe crâne du franc-maçon

 

…ou ma rencontre avec Adam, premier opératif portant un tablier, forcé de gagner sa vie à la sueur de son front

 

Le crâne est présent dans le cabinet de réflexion[1], il assiste silencieux à la rédaction de notre testament philosophique. Il est témoin de notre entrée dans les petits mystères. Nous le retrouvons plus tard au tableau de loge du Maître en tant qu’acteur de notre exaltation aux grands mystères. Nous tenterons une approche qui lie le symbolisme du crâne dans l’ésotérisme chrétien à sa perception maçonnique.

 

Pourquoi lier les deux ? Simplement parce que l’ésotérisme chrétien a toujours dépassé la dimension religieuse pour toucher aux racines de la tradition première.

Nombre de manuscrits maçonniques font une référence expresse au crâne appelé « boîte d’os ».

 

Le symbole prend toute son épaisseur lorsque vers les années 1735 s’installe dans les rituels de loge, le grade de Maître. La greffe est liée à la légende d’Hiram et au mystère de la triple voie. Le mot nouveau, objet de la quête, est prononcé de manière aussi décomposée que le corps de l’intéressé.

A cette relation triangulaire dans la découverte de la parole perdue s’ajoute bien évidemment la résurrection des corps qui passe précisément par le médium des restes humains, laissant entendre que les os avaient des potentialités latérales occultes.

 

Le crâne est le symbole des symboles par excellence, cette raison devrait suffire à son étude.

Chacun peut constater que c'est la partie impérissable du corps. Un a priori se greffe alors sur le paradoxe de la mort et de la « survie » du crâne. Le terme survie est choisi précisément s’agissant d’un état qui dépasse le cycle de la vie et qui déborde sur le cycle de la mort. Le crâne en particulier et l’os en général sont des médiums physiques et mentaux de la vie et de la mort voire même de la résurrection. Il sert de support aux trois états correspondants aux trois royaumes : celui des vivants, celui des morts et le paradis.

Le crâne se trouve au sommet du squelette et plus précisément de l’axe formé par la colonne vertébrale. On considère qu’il est le siège de l'âme, tout comme la grotte, la caverne et le cairn sont des demeures de l'Esprit. Le crâne est donc avec le cœur un réceptacle de vie, mais il symbolise aussi la mort physique, étape par laquelle il faut passer pour renaître à un niveau spirituel supérieur.

L’image du crâne inonde l’infra conscience de chacun et il suppose l’idée de finitude de la vie et la naissance du destin. Plus qu’un symbole c’est un verdict auquel chacun tente de se soustraire. Fuite aussi inutile que futile, car ce rappel à la fin des corps de chair introduit la survie de l’esprit. La futilité de la fuite n’implique pas la futilité de la vie.

 

Entre le corps et l’esprit se situe l’âme, idée aussi incertaine et faible que l’esprit survivrait au corps.

Cette tripartition chrétienne pose le problème des résidus humains survivants au décès clinique. Ce problème est parfaitement illustré par la grande épopée des reliques qui marqua aussi bien le christianisme que le bouddhisme. On peut légitimement s’interroger sur les fondements d’une telle tradition.

 

Le rattachement à la tradition des reliques de chacune des doctrines poursuit à mon avis deux objectifs. Le devoir de mémoire et le principe résurrectionnel.

 

Le devoir de mémoire[2] bien connu de francs-maçons implique l’attachement à l’objet en général et aux restes humains en particulier. Saint-Thomas-d'Aquin dit « les objets n’ont de valeur que s’ils conduisent au Christ », « inquantum ducunt ad christum. ».

La résurrection des corps fut l’innovation d’un christianisme conquérant. Poursuivre le chemin en esprit diffère de l’idée de renaître au jour du jugement dernier. Être proche d’une relique d’un saint ou la posséder dans son église assura au culte chrétien notamment, une fréquentation et une abnégation des fidèles. Les reliques sont le fonds de commerce de l’église du Moyen-Âge et particulièrement de l’époque gothique. Nombre de constructions furent financées par le commerce des reliques ou leur mise en valeur en exposition payante auprès des fidèles. Le mercantilisme lié aux reliques développa l’attrait du résidu osseux auprès des croyants et fut l’assise matérielle de l’autorité spirituelle des évêques et du Pape face au pouvoir temporel des rois. Être roi de droit divin imposait que l’on consacrât ces derniers en présence du Pape et des reliques. L’abbaye de Saint-Denis est le témoignage irréfragable de la lignée des reliques.

En ce lieu sont enterrés 153 rois et reines de France dans la lignée mérovingienne, carolingienne, capétienne et des Bourbons. Ils venaient se faire remettre les attributs de leurs pouvoirs temporels par le légat du Pape, soit la couronne et la pourpre, en présence des ancêtres et de la Sainte Ampoule[3].

 RELIQUE.JPG

 

L’objet devient sacré et se chargeait naturellement de la force mentale et psychique de ses admirateurs. Qu’elle fût authentique ou pas, elle devient ce que les prières et incantations voulaient qu’elle fût. C’est ainsi que les objets ou les lieux se chargent des flux spirituels qui les caractérisent. Ces « chargements » portent sur l’objet d’orfèvrerie (le reliquaire), le reste humain (l’os fragmenté, cheveux, ongles) et le lieu (l’église ou la cathédrale). Ils se conjuguent pour devenir puissance agissante dans la vie du croyant.

Les trois phénomènes conjugués du résidu humain du saint, de la représentation précieuse du reliquaire et du tellurisme du lieu, amplifient le pouvoir de transport et de communication dans les mondes intermédiaires.

Il s’agit bien d’intermédiation entre l’homme et le divin. Au même titre que les anges sont messagers divins, les reliques en appellent au défunt, comme si la mort ne l’avait pas complètement atteint et qu’il pouvait encore intercéder pour nous. Le défunt par ses reliques se trouvait à cheval sur la frontière de la vie et de la mort.

La médiation était le but premier de la vénération des reliques. Face à cette valeur sacrée de la relique officielle, demeure le reste osseux de proximité immédiate qui par son caractère anonyme est fuie comme on fui la mort qu’il représente. Celui-ci n’est pas mis en valeur, il est caché dans les replis de la terre. Hormis certaines professions on se garde bien de fréquenter des ossements.

Le rappel à la mort des ossements justifie leurs présences dans le cabinet de réflexion. Tout ce qui est vivant sur terre finit par mourir sans complètement disparaître. Par le jeu de la putréfaction reste le squelette qui finit par blanchir. Sans crémation le corps laisse une trace bien identifiable. D’instinct on s’interroge sur notre propre fin dont on peut juger de l’esthétique.

C’est tout l’art des « memento mori » ou cabinet de vanité que de rappeler cette échéance. Le christianisme auto flagellant met en avant la tripartition du monde avec le paradis, l'enfer, et la terre. Derrière le thème de la chute se profile le salut de l'âme. Ce système amène la mort au premier plan des préoccupations.

Dans ce contexte, un but moralisateur chrétien s’impose à l’opposé aux thèmes grecs et romains. « Souviens-toi que tu mourras », la phrase était répétée par un esclave au général romain lors de la cérémonie du triomphe dans les rues de Rome.

Debout derrière le général victorieux, un serviteur devait lui rappeler que, malgré son succès d'aujourd'hui, le lendemain serait un autre jour. Le serviteur le faisait en répétant au général qu'il devait se souvenir qu'il était mortel, c'est-à-dire « Memento mori »[4]. Une destinée glorieuse n’efface pas la mort. Les Grecs face à la mort avaient imaginé le thème du « carpe diem ». D’après Horace, cette mort devait nous inciter à vivre pleinement : « Maintenant il faut boire, maintenant il faut frapper la terre d'un pied léger ».

S’il existait une vie éternelle après la mort, il fallait en profiter maintenant parce qu'il n'y aura dans ce monde futur ni boisson ni danse.

Vivre le temps présent dans l’oubli de l’au-delà ou vivre l’au-delà dans le temps présent ?

 C’est toute la question qui oppose la philosophie grecque au point de vue doctrinaire de l’église. La franc-maçonnerie comme les mythes d’Eleusis[5] autrefois, réussit l’exploit de lier les deux approches dans le grand cycle de la vie et de la mort, tout ce qui périt finit par renaître (symbole de la faux et du blé, mais aussi du sablier.)

L’homme ne se résout pas à sa fin, non pas par manque de sagesse, mais parce qu’il imagine qu’il subsiste quelque chose d’irréductible dans ses derniers restes. Il enterre ses défunts et prévoit ce qu’il faut pour sa nouvelle vie, une épée, des bijoux, des vivres une barque solaire, etc. Il va jusqu'à ériger des pyramides, un tertre, un cairn pour l’honorer et le protéger. Le corps décédé conserve, via sa part irréductible qui est le crâne, une potentialité d’existence dans un état autre, différent et invisible. Cette invisibilité aux vivants se traduit par l’enterrement ou la mise en caverne. Cette dissimulation est à la fois un retour à la matrice, mais surtout la version terrestre de la montagne céleste. Les monts sacrés sont des lieux de contacts et de médiations avec le céleste, la cavité souterraine[6] est le même symbole dans un ordre inférieur. Ainsi céleste, terrestre, et subterrestre sont pris dans un même axe-chemin : L’Axis Mundi.

C’est dans l’os, dernier témoignage de son passage sur terre que ce situe la part résiduelle de l’être. Ainsi l’os est d’une nature autre qu’un simple amas calcifié. La porosité moléculaire du tissu osseux et le pouvoir de représentation mentale qu’il déclenche suggèrent que le reste humain est habité par une forme indéfinissable de présence, entité dégénérée et errante de l’âme ou de l’esprit humain. Face à l’os et plus précisément face au crâne et ses orbites énigmatiques, une présence se dessine…

Quant il est dit « la chair quitte les os » dans la légende d’Hiram ou que le cadavre « pue » ou « commence à sentir », il me semble qu’allusion est faite à la présence d’entité liée à l’os. Ainsi il n’est pas complètement mort, il reste quelque chose de lui qui est d’une nature différente de la chair agissante. Des restes s’exhale quelque chose qui met en éveil nos cinq sens et plus particulièrement notre instinct. Il est possible aussi de faire le rapprochement avec le principe alchimique du solve et coagula, soit la dissolution des chairs pour une nouvelle recomposition de ses éléments[7]. Il y aurait ainsi une purification par la terre, du moins pour notre Hiram. C’est l’œuvre au noir,[8] la matière prend la couleur et l’apparence de la Mort. Les restes osseux sont le précipité de l’être. L’enterrement de l’impétrant dans les replis de la terre est l’accomplissement de son « Œuvre au Noir ». Là, hors du temps, il doit se « morfondre », c'est-à-dire se fondre et se dissoudre dans la mort.

Face au principe de la décomposition organique, il existe une autre tradition qui s’appuie non pas sur l’élément terre, mais sur l’élément feu. L’incinération du corps et la calcination étaient supposées purifier le corps et libérer l’âme qui repart vers sa source lumineuse. Le « Caput mortem » est bien signifiant et rayonnant dans le cabinet de réflexion. Il contenait le cerveau, donc la vie s’y cachait. Purifié, ce crâne rectifié-purifié par l’Oeuvre, mérite d’être calciné. Le crâne et la cendre représentent une seule et même matière, à deux stades de son élaboration. Le Livre de la Toison d’or nous annonce le processus : 

 

« Notre corps deviendra premièrement cendre puis sel et après par ses diverses opérations devient enfin le Mercure philosophale, c’est-à-dire, que le métal doit être calciné, réduit en sel et enfin travaillé en sorte qu’on en fasse le mercure philosophal. ».

 

 

 La légende d’Hiram suivant les rites, propose le transfert de l’esprit d’un corps à l’autre ou du moins l’évocation de la poursuite de l’œuvre inspirée par l’idée du relèvement du maître devenu Hiram. Ce qui est retrouvé dans le reste d’un cadavre c’est une parole qui à défaut d’être prononcée par le décédé peut être qu’épelé par trois frères. L’absence de prononciation en une seule fois n’implique pas la méconnaissance du mot. Simplement il ne peut être prononcé dans ce monde, il appartient à un autre état, supérieur c’est certain. Cette différence d’état de l’existence est validée en franc-maçonnerie par le fait d’épeler, par lettres ou par syllabes.

Donc l’état du corps et le langage pratiqué suggèrent la présence d’un autre état de l’existence.

Le témoignage de cet état réside dans l’os et plus précisément dans le crâne. La médiation entre deux mondes est donc plus que soulignée par le relèvement du maître, fut-il intérieur. De l’horizontalité qui est le domaine des petits mystères, on passe à la verticalité axiale. C’est aussi le passage de la porte basse à la porte étroite. Ce maître squelette est le témoignage d’un autre soi dans une dimension différente et sans chair. C’est l’apanage des grands mystères de mettre en avant la superposition des niveaux d’existence par les différences d’états, de signes ou de langages. C’est une chance que la franc-maçonnerie de tradition ait conservé la mémoire des portes d’accès grâce à l’interprétation symbolique.

 

Le crâne a ceci de particulier qu’il diffère des autres ossements par la forme et sa fonction.

 

C’est avant tout une boite. Une boite d’os pour les anciens francs-maçons dans laquelle était dissimulée une clef, la clef de la loge, autrement dit la clef du temple de Salomon, donnant l’accès au Saint et la vision du Saint des Saints. Ce lieu dissimulé au regard profane, conduit aux vérités supérieures.

 

Il convient donc de poursuivre notre recherche dans les manuscrits anciens des loges opératives d’Angleterre et d’Écosse à une époque où l’hégémonie de la Grande Loge de Londres puis d’Angleterre n’avait pas encore épuré les précieux fonds archaïques et primitifs de nos rites maçonniques.

La relation au Crâne et à l’os est faite constamment avec l’arrivée du mot de maçon à l’issue des statuts de Schaw[9] de 1599.

 

Il est intéressant de constater que déjà certaines loges accueillent des maçons acceptés en leur sein. Ces maçons acceptés sont fort utiles pour la survie des loges, mais ils sont pour la plupart plutôt cultivés et sensibilisés au rosicrucianisme[10] et à l’hermétisme alchimique. C’est d’ailleurs une grande mode dans les cours européennes que de s’intéresser à cet ésotérisme. Il ne sera pas étonnant de retrouver dans les manuscrits maçonniques de l’époque, des traces de leurs apports.

 

A la lecture des manuscrits, on constate que le crâne est associé au secret contenu dans une boîte dont il faut trouver la clef. Cette clef, finalement semble n’être ni d’or ni d’argent, symboles respectifs de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel, mais d’ivoire. L’ivoire ou la corne a toujours été considéré comme une matière semi-précieuse et hautement symbolique.

Cette matière n’est rien d’autre qu’une référence à une excroissance de l’os dont on connaît les pouvoirs depuis la nuit des temps.

L’ivoire est tiré des dents et des cornes ou défenses. Les cornes sont une excroissance de l'os frontal des cervidés, elles sont ramifiées et évoquent les branches des arbres et finalement la couronne d’un roi.

Cette couronne fait le lien entre le ciel et la terre, avec l’homme roi couronné[11] pour médiateur. La clef d’ivoire ouvre cette médiation axiale à partir du crâne.

 Support « latéral » d’une réalité qui dépasse l’apparence d’une vie profane, puissance rayonnante du résidu humain, condensé ou même précipité du corps de l’âme et l’esprit, support de résurrection future, le crâne représente les forces occultes qui soutendent l’action de l’homme sur son destin.

 

La clef seule ouvre la loge et la loge ou le temple est apparenté au crâne cavité-caverne et boite à secrets. Nous rejoignons ainsi la légende grecque de la boite de pandore, qui une fois ouverte fait échapper les esprits maléfiques qui rendront l’homme à sa jalousie et à son envie.

 

Nous citons 5 manuscrits anciens qui font apparaître une relation entre la boite d’os, la clef-langue et le cœur.

 

 

 

 

 

 

 

Le manuscrit des archives d'ÉDIMBOURG (1696)

Q. 13 : Où trouverai-je la clef de votre loge ?

R : A trois pieds et demi de la porte de la loge, sous un parpaing et une motte verte. Mais sous le repli de mon foie, là où gisent tous les secrets de mon coeur.

 Q. 14 : Qu'est la clé de votre loge ?

R : Une langue bien pendue.

 Q. 15 : Où se trouve la clef ?

R : Dans la boîte d'os.

Le Manuscrit CHETWODE CRAWLEY (1700)

 Q. 13 : Où trouverai-je la clef de votre loge ?

R : A trois pieds et demi de la (porte de la) (3) loge, sous le parpaing et une motte verte.

Q. 14 : Qu'entendez-vous par un parpaing et (une) motte verte ?

R :   J'entends non seulement sous un parpaing et (une) motte verte, mais sous le repli de mon foie là où gisent cachés tous les secrets de mon cœur.

Q. 15 : Qu'est la clef de votre loge ?

R :   Une langue bien pendue.

Q. 16 : Où se trouve la clef de votre loge ?

R :   Dans la boîte d'os.

 

Le manuscrit DUMPHRIES : 1710

Q : 10. Où repose la clef de votre loge ?

R : Dans une boîte d'os recouverte d'un poil hérissé.

Q : 11. Donnez les caractéristiques de votre boîte.

R : Ma tête est la boîte, mes dents sont les os, mes cheveux sont le poil, ma langue est la clef.

Le manuscrit DE TRINITY COLLEGE 1711

Q : Où gardez-vous la clef de la loge ?

R : Dans une boîte d'os, à un pied et demi de la porte de la loge.

Q : Quelle distance y a-t-il du câble à l'ancre ?

R : Autant que de la langue au coeur.

Le manuscrit WILKINSON 1727

Q : Où gardez-vous vos secrets en tant que Maçon ?

R : Dans une boîte d'os qui ne s'ouvre ni ne se ferme sans clef d'ivoire ; neuf pouces ou une boucle à ma bouche (la clef d'ivoire est pendue par un câble de neuf pouces ou une boucle. Ce câble ou boucle est la langue.)

 

Nous conclurons que si la langue est la clef, alors la prononciation du mot est la connaissance. Encore faut-il que la connaissance puisse investir la boite crânienne pour en ressortir en mot prononcé, mais d’après notre tradition, la clef du langage de la connaissance passe par le cœur[12].

Le Crâne est le lieu de conjonction et d’embouteillage des cinq sens. Nous constaterons que cette boite est certes reliée à l’extérieur, mais reste hermétique et sombre lorsque l’on se place à l’intérieur. Nous touchons alors à la limite étriquée d’une boite protectrice chargée d’interpréter le monde et d’accumuler du savoir dans le cadre de la survie. Le cœur heureusement se chargeant de la vie, élabore la connaissance qui donne une vision fulgurante d’un tout.

 

Toute la question ésotérique sera de démontrer que le cœur et le crâne vont pouvoir se rejoindre dans une unité de langage[13]. (...)

 

  (...)

Il nous faut maintenant détailler cette boite d’os et rechercher dans la qualification de ses parties constitutives, des analogies symboliques avec la tradition maçonnique.

 

  CRANE2.JPG

 

 

Topographie symbolique du crâne :

 

 

La boîte crânienne (ou neurocrâne) comprend deux parties constitutives d’un monde en soi. (Nous utilisons la documentation éd Wp Mars 2011, pour adosser nos commentaires symboliques.) :

 

La voûte crânienne (ou calvaria qui à la même racine que le calvaire sur lequel le Christ fut mis en croix et crucifié) formée de plaques osseuses telles des continents, soudées entre elles par des sutures interdigitées extrêmement solides. La voûte qu'elle fût étoilée comme dans une loge maçonnique ou le tombeau d’un pharaon représente le ciel face au plancher du crâne.

 A la naissance, les os de la calvaria sont séparés par les fontanelles, qui permettent la croissance de la boîte crânienne. Certains y voient une image de la porte étroite, comparée au chakra coronal, c'est-à-dire la fontanelle des bébés, par laquelle la conscience (purifiée après tout le trajet de la colonne vertébrale et l'éveil des divers nœuds d'énergie qu'elle supporte) s'échappe au moment de la mort physique.

 
 On notera que c’est sur cette fontanelle que nombre de cérémonies maçonniques imposent l’apposition de l’épée flamboyante en vue de la transmission.
La fontanelle est rouverte l’instant d’un éclair par l’épée rayon[14].

Elle devient clef de voûte et pierre du dôme, lieu du croisement de l’épée sur la tête. C’est aussi un chakra axial qui fait le lien entre la terre et le ciel. Il est intéressant de souligner que la voûte protectrice des regards profanes est présente dans certains grades supérieurs. Dans les légendes européennes et asiatiques, le crâne humain est un homologue de la voûte céleste. Il est une caverne en miniature qui, elle-même, est une représentation en miniature du Ciel.

Comme le cerveau, schématiquement la voûte comprend quatre parties ou pôles, nous sommes donc dans une quadripartition polaire qui nous relie à l’anthropomorphisme cosmogonique. C’est une image du monde que le crâne nous propose. Quatre zones significatives sont à retenir : la zone frontale, à l'avant (formée des os frontaux, ethmoïdes, sphénoïde et percé de cavités pneumatiques creuses : les sinus) ; le pariétal droit et gauche, latéralement (os pariétal et temporal) formant les tempes, zones les plus fragiles de cette boîte ; l'occipital à l'arrière (os occipital).

Le plancher (ou base du crâne), formé de trois fosses crâniennes, il est à noter que Hiram au REP se trouve dans la fosse-cavité, il reste donc deux autres fosses pour Hiram de Tyr et Salomon, correspondantes aux trois montagnes sacrées ou sont enterrés ces trois sages. Ainsi la voie ascendante est balisée tant pour les profanes par la montagne que pour les initiés par la fosse :

 

 

Vue endocrânienne du plancher d'un crâne humain avec les trois fosses.

o      La fosse crânienne antérieure,

o      La fosse crânienne moyenne,

o      La fosse crânienne postérieure.

Le plancher est donc limité par l'os occipital en arrière et la partie supraorbitaire de l'os frontal en avant. Il est percé de trous laissant passer les différents éléments innervant ou permettant la circulation sanguine à l’intérieur du crâne. On retrouve selon un axe antéro-postérieur ces nerfs qui sont les liens informatifs avec le milieu extérieur. Cela veut dire que le cerveau seul et non relié à l’extérieur est aussi aveugle que les protagonistes de la caverne socratique. Inversement l’ensemble des informations qui sont captées par les nerfs et les sens, est déformé par les filtres qu’ils sont obligatoirement devenus. Les sens se déversent dans une cavité à perception limitée, car aucune boite à os ne peut avoir une vision globale du tout.

Passent ainsi, le 1er nerf crânien, le canal optique, les nerfs oculomoteurs, le nerf maxillaire, le nerf mandibulaire, l'artère méningée moyenne, les nerfs faciaux, la veine jugulaire interne et par le trou occipital, en continuité avec la colonne vertébrale représentative de l’axis Mundi, pars lequel passe la moelle allongée et les deux artères vertébrales, etc. Le massif facial est formé de 14 os qui identifient socialement l’individu. Le visage est cette partie que l’on masque lorsque l’on ne veut pas être reconnu, c’est aussi cette partie qu’on maquille pour jouer un rôle dans certains théâtres d’ombre et de lumière… Janus nous a appris que l’on peut avoir deux visages.

Le masque, grec ou latin est, plus encore que le costume, un procédé de caractérisation du personnage. 
Il permet d'identifier, d'entrée de jeu, le héros antique et de nos jours le personnage joué par l’individu.

Ici le moi et l’en soi, l’individu et la personnalité se retrouvent à nu, débarrassés de leurs tissus, et pourtant par leurs intitulés ils expriment les sentiments et les besoins du vivant. Ils sont l’expression même du vivant. La plupart des os du visage sont pairs : Os lacrymaux (pleurer), zygomatiques (rire), nasaux (respirer), maxillaires (goûter se nourrir), et d'autres sont uniques : Vomer, Mandibule (parler)

Face à ce descriptif détaillé, nous constatons que le Crâne est un monde en soi, avec sa géographie propre et ses continents. Il en est de même du cerveau qu’il contenait.

Le crâne-caverne dans lequel se projettent les ombres portées par les nerfs de nos sens trompe notre jugement et nous incite à agir sous de fausses informations. Ce que doit faire le franc-maçon c’est de tenter d’agir dans le monde autrement, avec l’intelligence du cœur. Sauf à rouvrir définitivement cette fontanelle soudée par l’âge et la perte de l’innocence[15], il me semble utile de réserver au vase du cœur et à ses pulsations, la décision instinctive qui contribue à la conversion du regard. Le crâne symbolise le temps destructeur et la vanité de tout attachement humain aux choses périssables. Il peut être également l'attribut de la mélancolie ou connoter la repentance, la méditation et la préparation à la mort (Memento mori). Mais le crâne figure aussi aux pieds de Jésus mort sur sa croix. C'est en référence au péché initial qu'il aurait racheté par sa crucifixion suivant la tradition chrétienne. Ce péché est celui d'Adam.

La boucle est bouclée. CRANE-GOLGOTHA.JPG

 

C’est ici le point crucial de notre démonstration. La crucifixion du christ pour racheter le péché des hommes et en premier lieu celui d’Adam qui a fauté se déroule sur le Golgotha[16] qui se traduit littéralement par le mont du crâne. L’iconographie religieuse du Moyen-âge et de la Renaissance représente abondamment la scène de la crucifixion avec au pied de la croix le crâne d’Adam.

Cette triple conjonction du crâne porteur de la mémoire fautive d’Adam, du sacrifice du Christ pour le rachat et enfin du Golgotha grotte et montagne, trouve son lien naturel dans le sang qui s’écoule du flanc du christ dans la boite crânienne d’Adam. Ainsi, le sang de Jésus en croix, Nouvel Adam, a pu s’écouler sur le crâne du premier Adam. Cette boite d’os devient alors un calice. Nous savons que la coupe et le calice sont associés par leur forme de triangle descendant, au cœur. Alors est-il possible que le crâne se représente comme le triangle montant[17] ?

Le versement du sang dans ou sur le crâne d’Adam consacre cette superposition de l’un à l’autre, comme les deux triangles superposés et entrelacés du sceau de Salomon. Le centre des deux triangles cerveau et cœur, répond à l’axe du bois de la croix plantée au Golgotha à l’aplomb de la voûte protégeant le crâne. Les deux axes de la croix et de la lance ne feront qu’un. Le percement du flanc et donc symboliquement du cœur du Christ par la lance[18] du légionnaire Longinus[19] vaut pour symétrie symbolique le dernier coup[20] asséné su la fontanelle de Hiram par le troisième des mauvais compagnons. D’ailleurs la terre du tertre du Golgotha se fendit au moment de la crucifixion ramenant l’idée de la réouverture de la fontanelle du crâne d’Adam.

Les coups ainsi portés, frappent simultanément le centre commun aux deux triangles inversés, la tête et le cœur. Ainsi est résolu le rachat du péché originel qui a fait perdre à l’homme l’âge d’Or de l’humanité. Cette relation triangulaire de cause à effets inverse la représentation du crâne d’Adam. Il n’est plus l’expression d’un reste de culpabilité occulte, mais plutôt un signe palpitant d’espoir dans la recomposition[21] des événements, cette fois-ci dans un sens cyclique heureux, ce qui correspond à la signification profonde du sceau de Salomon qui contient un cœur battant au rythme des grands cycles.

Ainsi le crâne du cabinet de réflexion n’est autre que celui du premier homme qui côtoya Dieu au point d’en perdre la proximité. C’est aussi le nôtre. Il est à la fois porteur de la faute originelle, ce qui nous en éloigne instinctivement, mais il reçut le pardon par le sang versé, ce qui nous en rapproche. À notre niveau s’exprime, enfouie dans les profondeurs de notre infra conscience, le souvenir de ces deux instants du cycle. Comme les mouvements d’un cycle, d’instinct nous nous éloignons des restes osseux et du crâne particulièrement, puis fascinés par ce qu’il signifie, nous nous en rapprochons pour n’être que lui. La clef qui ouvre le passage est en lui, mais c’est le cœur qui œuvre…

Eri\Rom\



[1]           Selon Robert Ambelain pour le REP « Cette Chambre de réflexion sera tendue de Noir et éclairée par une seule lumière rendant une faible clarté. Il y aura quelques ossements et d’autres objets susceptibles d’inspirer de la frayeur au Candidat, un crâne et un poignard disposés sur une petite nappe noire feront l’affaire, placés devant la bougie allumée. »

 

[2]              Présent dans le Régius 1399 et le Cook 1410, il fut réaffirmé par les statuts de Schaw en 1598-99.

[3]              La sainte ampoule, tout comme les restes des rois précédents sont considérés comme grandes reliques. Conservée à Reims, elle contient une huile miraculeuse qui, selon la légende, aurait été apportée par une colombe descendue du ciel le jour du baptême de Clovis par l'évêque remis. Elle est donc liée aux restes de Clovis. L'onction, faite au cours de la cérémonie avec cette huile miraculeuse, donne un très grand prestige. Le roi est oint en sept endroits différents du corps : sur le haut de la tête, la poitrine, entre les deux épaules, l'épaule droite, l'épaule gauche, la jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s'être revêtu, sur les paumes des mains. Par cette onction, le roi est roi « par la grâce de Dieu » : Dieu l'a choisi. Ed Wp Mars 2011

 

[4]              Voir ref WP Juin 2011.

[5]              Dans la religion grecque antique, les mystères d’Éleusis (en grec : λευσίνια Μυστήρια) faisaient partie d'un culte à mystères, de nature ésotérique. L'aspect principal de ce culte se construisait autour de la culture du blé et le cycle vie entreposage sémio renaissance des cultures. La première partie du rituel des grands mystères débutait par une procession durant laquelle on transportait des reliques sacrées (les hiéro) jusqu’à Athènes pour les placer dans l’Éleusinion, un sanctuaire à la base de l’Acropole.

[6]              Chacun des trois mondes est doté d’un plancher et d’une voûte. Il est fait référence dans toutes les traditions à cette notion de voûte dont le crâne porte témoignage. La voûte dissimule au regard profane la vision du sacré qui ne peut être découverte que par l’initié. Seul l’initié peut voir et découvrir au-delà de son monde des vérités qui seront réalités dans un cycle prochain.

[7]              L’alchimie spirituelle fait état des trois œuvres successives : la naissance, la vie et la passion ou l’exaltation dans le feu et par la suite, la mort dans la couleur noire et ténébreuse ; enfin la résurrection et la vie dans la couleur rouge la plus parfaite.

[8]              Le terme œuvre au noir désigne en alchimie l’une des trois phases dont l'accomplissement est nécessaire pour achever le magnum opus. En effet, selon la tradition, l'alchimiste doit successivement mener à bien l'œuvre au noir, au blanc, et enfin au rouge afin de pouvoir accomplir la transmutation du plomb en or, d'obtenir la pierre philosophale ou de produire la panacée.

[9]              Les « Statuts Schaw »proposent à l’échelon de tout le royaume d’Écosse - au sein de ces loges d’un type nouveau, un mode interne d’organisation hiérarchique et fonctionnelle à trois niveaux (un Surveillant ou Maître de Loge, des Compagnons ou Maîtres, des Apprentis-Entrés). Ce mode d’organisation est différent de celui des Guildes, comportant notamment des formes particulières de progression - peut-être même déjà présentes dès l’admission, formes à caractères secrets, initiatiques, centrés sur la transmission du « mot de maçon » - ouvrant sur des enseignements plus ésotériques.

 

[10]            La Rose-Croix est un ordre hermétiste chrétien légendaire, dont les premières mentions remontent au début du XVIIe siècle en Allemagne. L'existence de l'ordre, et celle de son fondateur Christian Rosenkreutz sont sujettes à controverse.

 

[11]         D'après le Bahir, « la première Sephira est appelée Kether, la couronne, parce que une couronne se porte sur la tête. La couronne fait ainsi référence aux choses qui sont au-delà de ce que l'esprit a la capacité de comprendre. » ed Wp mars 2011.

 

[12]             Si le savoir ne peut s’agréger à la connaissance, le « savoir par cœur » est le plancher et la voûte la connaissance. Cette évidence initiatique bien connue de nos aînés est la base de la transmission traditionnelle qu’on appelle en franc-maçonnerie le devoir de mémoire. Ce qu’on reçoit, on le doit. Ce principe est illustré dans la chaîne d’union avec une main qui reçoit paume vers le haut et une main qui donne, paume vers le bas.

[13]             Rappelons que le langage du cœur est celui des « fidèles d’amour », et du fameux langage des oiseaux.

[14]             L’image de l’épée associée à la voûte crânienne se retrouve dans la cérémonie de la voûte d’acier, qui honore et alerte les maçons de la venue dans le temple d’un Frère dont le niveau de connaissance initiatique est remarquable, généralement attesté par un grade, une charge, une fonction correspondant. La voûte d’acier est jointive est poreuse, comme la fontanelle du frère entrant, à laquelle elle se superpose.

[15]             Au plan symbolique la fontanelle d’Adam s’est-elle refermée lorsqu’il fut chassé du jardin d’éden ?

[16]             « Arrivés au lieu dit Golgotha, c’est-à-dire lieu du Crâne… » (Mathieu 27,33)
 « Et ils amenèrent Jésus au lieu dit du Golgotha, ce qui signifie lieu du Crâne… » (Marc 22) ;
« Arrivés au lieu dit du Crâne… » (Luc 23, 33)
 « … pour aller au lieu dit du Crâne, en hébreu Golgotha » (Jean 18,17b).
 Le nom « Golgotha » est la transcription du mot araméen Goulgotha, « lieu du Crâne », en latin « Calvaria, », d’où le nom habituel « Calvaire »

[17]             Le Kether séphirotique semble le confirmer.

[18]             Symboliquement la lance est l’axis Mundi qui traverse le sceau de Salomon, c’est la voie montante qui rencontre le triangle descendu sur terre.

[19]            Selon la bible, alors que Jésus et les deux voleurs étaient crucifiés sur leurs croix, les chefs juifs demandèrent à Pilate de casser les jambes des condamnés pour accélérer leur décès. Les soldats romains cassèrent les jambes des deux voleurs, mais Jésus lui semblait mort. Voulant s'en assurer, un centurion Longinus transperça le flanc de Jésus avec sa lance, réalisant la prophétie de l'Ancien Testament. Il était écrit que le messie n'aurait pas d'os cassé, mais que son sang coulerait. Cet acte fut connu comme étant une preuve de plus que Jésus de Nazareth était réellement le messie annoncé par l'Ancien Testament, le fils de Dieu.

 

[20]             Habituellement, il s’agit d’un outil ou instrument qui appartint au domaine terrestre, les trois frappes s’assimilent au triangle. Pour l’exactitude symbolique, il s’adresse à la tête par la règle détournée de son sens supérieur, le marteau et non pas le maillet qu’ils ne peuvent tenir, le levier dans son usage destructeur.

[21]             Il est entendu que cette recomposition via la purification de la dissolution est à entendre au sens alchimique de la coagula pour la résurrection des corps.

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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 19:00

Développement cosmogonique du centre

  13.jpg

Nous avons développé dans un précédent article, l’idée que le centre est synonyme de point primordial, c'est-à-dire à l’origine du tout. Ce dernier est considéré, au plan métaphysique, comme sans parties, non manifesté et immuable. Ceci explique sa puissance sans limites.

Seule une volonté supérieure peut en déterminer une expression limitée.

Cette volonté se traduit au niveau de la représentation par un rayon, ou un nombre indéfini de rayons, qui peuvent varier, ainsi que les cercles qui en découlent. On peut en déduire que le rayon produit et mesure le monde ainsi manifesté. Il est traditionnellement conçu comme l’expression de la puissance céleste, ce qui explique sa présence dans les loges maçonniques par l'entremise de l’épée flamboyante. Cette « épée rayon » transmet la lumière primordiale sur les colonnes et la loge qui devient une image du microcosme et du macrocosme (Imago Mundi).

 

Cette volonté ainsi exprimée est sans influence sur le point d’origine qui contient toutes les expressions potentielles de manière invariable. Au plan maçonnique, ce point primordial ou principiel peut être analysé comme la porte étroite.

Au niveau de la représentation tant graphique que mentale, il faut souligner que par nature, la représentation en deux dimensions minore la puissance illimitée du centre.

Cette minoration est nécessaire pour les compagnons traceurs que nous sommes, car elle génère toutes les figures géométriques qui produisent un sens dans un monde manifesté. (Mandorles, rosaces, quadratures, représentations tri unitaires et axiales, etc.). Les figures ainsi produites devront être extrapolées au niveau supérieur pour en retrouver la signification ontologique.

 

Ce qui nous intéresse est donc l’intériorité de ce cercle que nous tenterons de qualifier en fonction de ce que nous pouvons mesurer, en l’occurrence son rayon. En effet, le périmètre-circonférence du cercle est la manifestation du point d’origine via le compas ou le cordeau pour nos glorieux ancêtres. Il se manifeste géométriquement sur notre feuille de papier (en deux dimensions), ce qui nous fait dire que chacun des points en nombre indéfinissable qui constituent cette circonférence a les mêmes qualités de puissance que le centre du cercle. A ce titre, par la duplication qu’ils représentent, ils peuvent recevoir l’application du compas en sa pointe. Reste à définir l’ouverture du compas souhaitable qui en loge varie en fonction du degré d’éclairement du grade considéré.

 

Le point dupliqué sur la circonférence ne peut être autre que la volonté initialement exprimée. Cette volonté initiale est concrètement appliquée par le compas sur notre feuille de papier et se traduit par le rayon.

C’est donc le rayon qui sera la longueur d’onde dans l’expression de la manifestation géométrique sur notre feuille. Le compas reprend sa course circulaire à partir d’un point choisi sur la circonférence, pour faire naître un cercle identique au premier.

Les deux cercles se croisent à deux points d’intersection qui sont à la fois, la production du point primordial et de son jumeau dupliqué. Il convient de réitérer l’opération jusqu'à ce que le cercle soit entièrement entouré de cercles du deuxième rang. On notera que la duplication des successibles implique une notion temporelle liée à l’espace, qui n’a pas lieu d’exister au sein du point primordial. 

Cette situation nous donne six points qui, reliés de proche en proche par une ligne droite de même longueur que le rayon, nous révèlent un hexagone.

Si on relie par une droite chacun des six points au centre originel on obtient un Chrisme, soit une croix tridimensionnelle indiquant les six directions de l’espace bien connues du franc-maçon.

Il est important de poursuivre nos constatations jusqu’au bout.

 

Chacune de ces directions est jointive en ligne droite avec son opposée. Les opposées de mêmes naissances se situent sur trois droites appelées diamètres dans notre représentation.

On en déduit que la totalité du centre s’exprime en trois axes subdivisés chacun en deux directions.

On en conclut que la manifestation se fonde sur le trois axes. Il faut donc rechercher la figure géométrique qui exprime le trois et le sens inverse.

Le trois est représenté par un triangle montant. Sa valeur inversée existe aussi, c’est le triangle descendant.

Si on hémisphérise le cercle en fonction d’une ligne de partage entre le haut et le bas, on obtient deux triangles entrecroisés, l’un montant, l’autre descendant. L’un est le miroir inversé de l’autre.

Les 6 angles et points de contacts avec le cercle sont une production de la puissance du centre.

La puissance se traduit par le rayon (la règle divine) et l’ouverture du compas (l’Esprit Saint).

 

On conclura aussi que la puissance est double et inverse dans son diamètre.

6 représente la totalité manifestée sur la feuille de papier (il correspond aux 6 jours de la création) et le 6 est deux fois trois.

Le trois est racine axiale de la manifestation, ce qui explique la présence du delta lumineux ou de l’hexagramme en loge.

 

Le trois-double est donc l’expression d’une manifestation originelle que l’on peut représenter soit par le chrisme pour sa triple expression axiale et volumétrique, soit par l’hexagramme pour sa double représentation plane. Les deux points de vue sont identiques par leurs significations correspondantes dans deux états différents.

Sur un plan individuel de la représentation de l’homme dans la figure, on remarquera que l’universalité cosmogonique de l’hexagramme s’associe à l’image de Saint André en Croix, les membres en X représentent les quatre directions sur le plan. L’Axis Mundi passe du sacrum jusqu’à la fontanelle dans une version à deux dimensions et par le nombril qui le relie à la terre  (ombilic axial) dans une version chrismique à trois dimensions.

 

Dans ce dernier cas, l’hexagramme peut être représentatif de toutes les dimensions, en représentant le point principiel au centre de la figure par une certaine lettre. Le point principiel étant sans parties ni limites ne peut être dessiné. C’est une universalité qui n’existe pas dans d’autres figures comme le pentagramme.

 

 

La production de la manifestation à partir d’un centre ontologique, remets l’individu dans un état de conscience intuitive qui le relie à un vaste ensemble au-delà de tous raisonnements relatifs.

 

1er étape : le point primordial exprime sa puissance dans toutes les

 

 dimensions de l’espace, ici représenté sur une dimension.

                                      P …………………………P1

 

2ème : Chacun des points de la circonférence possède la même puissance et donc le même rayon d’action. Deux points d’intersection apparaissent comme des appuis pour renouveler l’opération.

 

 deux-cercles-secants-mandorle.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3ème : l’opération se renouvelle 6 fois faisant apparaître une rosace, six rayons formant chrisme formé de trois droites axiales et un hexagone.

 

RAYON-AU-CERCLE-HEXA.JPG

 

 

6.jpg 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 4ème : l’effet miroir du chrisme établi la valeur 3 au double, ainsi trois directions de l’espace ont leur opposées. Le trois est donc la base, représentée par le triangle en deux dimensions qui doit lui aussi avoir son double. Il peut se concevoir en ligne de partage hémisphérique, selon l’effet miroir (le haut et le bas) ou cosmogonique par l’expression identique inversée et solidaire, à savoir le double triangle inversé, entrecroisé.

 

Eri\Rom\

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21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 09:56

Confusion of Tongues[1]Perfection et reconquête du langage initiatique

 

… ou le retour d’Hermès Trismégiste et de Pythagore.

 

Il ne s’agit pas ici de développer de savante notion sur l’art du langage.

 

 

 

Je tente simplement de faire apparaître un dimensionnement, en relation directe avec la tradition ésotérique occidentale. Toute doctrine traditionnelle dispose d’un double langage, l’un exotérique l’autre ésotérique. Le but est de transmettre sur deux registres.

Le langage ésotérique à son tour se subdivise en au moins deux langages. Le premier niveau reste symbolique, il est une pratique quotidienne du franc-maçon qui permet de lever le premier voile, et un dernier niveau par analogie, plus réservée encore, à caractère métaphysique, qui en toute hypothèse est plus large que l’interprétation intérieure d’une religion[1].

 

Entre ces deux extrêmes, des langages intermédiaires sont apparus, dissimulé derrière un aspect concret comme l’architecture, l’alchimie, la cabale, les séphiroth, et sous un angle différencié et populaire, les tarots, la numérologie, l’astrologie spirituelle, etc. Les aspects concrets ou différenciés ne sont que des développements inférieurs d’un sens qui touche aux états supérieurs de l’Être.

Pour atteindre ces états, on peut user de tous les langages ésotériques. Tous ont trait à la révélation intérieure pour les chrétiens, à l’illumination ou à l’intuition supra individuelle pour d’autres. Il s’agit toujours d’apercevoir une synthèse unitaire, une vision ontologique du tout.

 

Nous partons du postulat que le premier langage est sacré, car il est donné par Dieu pour le nommer, ainsi que tout ce qui est de nature sacrée (la manifestation née du Verbe). Il ne nommait rien de profane. Puis vient l’épisode de la tour de Babel qui cristallise la diversité et la confusion des langues[2]. De cette période, il ne reste plus que des langues sacrées, réminiscences de la parole divine perdue et des langues profanes qui caractérisent la contingence et la matérialité. De la période adamique nous avons le souvenir légendaire de la parole originelle et perdue, représentée en franc-maçonnerie par la légende d’Hiram.

 

Les sens qui sont donnés aux mots sont très largement dépassés par le sens hiéroglyphique ou idéographique. Il ne s’agit pas ici d’un cours d’Égyptologie encore que par certains aspects, les hiéroglyphes, furent des précurseurs dans l’association des images et des sons. Il s’agit plutôt d’une prise de conscience que chez l’initié, le langage de la connaissance est sans frontières étatiques ni limites civilisationnelles. C’est gravé dans la pierre ou la tablette d’argile que les « mots-images » étaient conservés. Le tailleur de pierre et le scribe avaient le même pouvoir : graver et transmettre l’image traditionnelle du mot qui devenait alors parole avec une représentation mentale[3].

Pratiquement tous les signes de base y compris les lettres et les chiffres sont des déclinaisons du point, de la droite et du cercle. (Les maçons opératifs témoignent de cette tradition géométrique en utilisant la règle et le compas).

Ces trois signes sont fondateurs du symbole figuré. On peut dire que les sens dérivés dépendent pour leurs origines de ces trois sens premiers. Ils ont, par cette origine, un lien direct avec le divin manifesté. C’est ainsi que le mot associé au signe a trouvé sa prononciation, s’est « chargé » de sens. En se reliant les uns aux autres, ils constituent un vocabulaire lié par des règles appelées grammaire.

 

Le langage est né de la valeur symbolique du signe.

  BOSCODON-SIGNES.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


(Hiéroglyphes pierre sphérique de Myrvalder, doc abbaye de Boscodon, cahier n° 4. Tout commence par un point, il est le départ de toute expression.)

 

 

Les anciens devoirs (Ms Cooke 1410 Lgn 255-306) font état que la Connaissance fût gravée sur deux colonnes l’une de marbre l’autre de brique. Le déluge pouvait survenir la connaissance serait sauvée[4]. C’est Hermès et Pythagore (Lgn 321-324) qui retrouvèrent chacun une colonne qu’ils purent déchiffrer. Ainsi depuis cette époque notre approche de la connaissance balance entre la Gnose et son mystère de la parole universelle et la géométrie et les secrets du grand architecte.

Nous sommes tous convaincus que la puissance évocatrice de l’image, du signe et du sens figuré, est directement liée aux archétypes antédiluviens de la pensée. Nous sommes pris entre deux sensibilités, gnostique et géométrique. En cela le langage initiatique du franc-maçon d’aujourd’hui est probablement le même que celui de ses ancêtres. Cette évidence nous interpelle au point de constituer la base même de la régularité maçonnique qui dépasse la forme pour atteindre le fond.

Sur la forme, le symbolum est une tesselle ou une tablette d’argile gravée, cassée en deux. Chacun des protagonistes se saisit de la demi-tablette et part pour un périple. Quelques années après ils se rencontrent à nouveau et se reconnaissent en réunifiant les deux parties, constituant un tout bien plus grand que la seule addition des fractions.

Sur le fond, c’est la perte de la  fraction sœur[5] qui crée l’errance ou l’exil[6]. Un frère est toujours à la recherche de son jumeau, cette fraction perdue par la chute. Caïn manque à Abel, Romulus manque à Remus. La franc-maçonnerie tente cette réunification dans une forme d’expression particulière, en épelant le mot sacré. C’est à deux que s’égrène le mot, lettre par lettre, comme un chapelet.

C’est dans l’altérité réparatrice que les deux Frères retrouvent une forme de langage, puis à trois ils trouveront les syllabes et une forme de mot substitué. Ce langage sacré n’est pas accessible à notre condition, on ne peut que l’effleurer en l’épelant à plusieurs. C’est le principe de l’invocation ou de la prière. Sa compréhension appartient à un état supérieur de l’être[7].

Pour finir nous pouvons affirmer que le mot et donc la parole sont symboles, pure production de la pensée en rapport constant au Verbe et à cette Parole qui était au commencement.

 

Je m’adresse aux seconds surveillants, pour leur indiquer que la vulgate sociale n’élève l’individu que dans ses devoirs envers autrui. Ceci est probablement une bonne chose. Mais le sens moral n’est en aucune façon une fin en soi, il n’est qu'une étape et la conséquence dérivée de la sagesse. Inutile d’être franc-maçon pour être bien conscient du sens et de la portée des lois bioéthiques et encore moins pour apprécier les avancées sociales d’une société en retour de fortune. Si la perfection de soi est le chemin naturel de l’initié ; il doit dépasser cette contingence tout en montrant l’exemple.

Cet effort appelle un travail quotidien pour y parvenir. Il ne faut pas céder à la facilité d’une expression vidée de son sens sacré.

 

Que faut-il faire ?

 

Il faut maîtriser le sens du langage de nos anciens, qui sous des travers abscons, dissimule une réelle profondeur de la connaissance traditionnelle.

Déchiffrer et comprendre, suppose un effort qui ouvre l’accès à la compréhension d’un langage supérieur. Cet authentique travail glorifie l’âme du cherchant, c’est ce qu’on appelle la gloire[8] au travail. Il faut redécouvrir Hermès et Pythagore.

Le rituel maçonnique régulièrement mené, par des officiers dévoués et compétents, ouvre à une communication avec ces éléments primordiaux. Ils offrent, au même titre que les mantras et le dhikr, par leur rythmique répétitive et la versification poétique qu’ils développent, un potentiel de réalisation spirituelle dans les états supérieurs. Il n’est donc pas incongru qu’un lien soit établi à partir du rituel maçonnique avec le langage intermédiaire à caractère mystique, même si ce ne doit pas être une priorité. C’est le langage des oiseaux pratiqués par les fidèles d’amour[9], appelé aussi langage angélique[10]. À toutes fins utiles il est bon de rappeler qu’on ne modifie pas les rituels maçonniques et notamment les prières et invocations qu’ils contiennent. Ces prières sont des échelles ascensionnelles pour l’âme du maçon, au-delà de toutes croyances.

Le rituel maçonnique doit remplir sa mission d’exaucement des âmes, et d’élévation de l’esprit. Il n’est pas seulement un ciment catégoriel et social.

 

Il est d’usage de reconnaître à la légendaire table d’émeraude, « tabula smaragdina » du VIe siècle, attribuée à Hermès Trismégiste, des vertus hiéroglyphiques et gnostiques incontestables.

 

Sous le voile d’un langage qualifié d’alchimique, Hermès le Grec et son homonyme romain Mercure, est assimilé à Thot l’Égyptien.

Le hiéroglyphe trouve à s’exprimer formellement en Égypte. Tôt est le dieu de l’écriture et du sens donné à celle-ci. La lecture n’est pas uniquement phonétique, elle est de nature sensuelle, car elle parle à un niveau supérieur de la conscience, un peu comme la poésie nous parle des profondeurs. L’écriture devient magie et d’ailleurs il ne serait pas étonnant que, pour déchiffrer les hiéroglyphes, il soit nécessaire d’être un peu magicien. Rappelons à ce sujet que le mage est celui qui interprète les signes et les images[11].

Il y a une forme de magie dans la lecture d’un texte, car celui qui lit interprète et joue le rôle que l’auteur a voulu donner au texte sacré. Du texte sacré on tire le langage sacré et non l’inverse. C’est donc notre travail que de donner du sens aux traces, aux signes, aux emblèmes et aux symboles.

La gloire au travail n’inaugure rien d’autre que notre capacité à lire les symboles.

 

La science de l’herméneutique consistant en l’interprétation des textes sacrés, ne peut donc être passé en profits et pertes par les 1ers et 2nd Surveillants. Elle met en perspective la quadrangulaire suivante :

 

-La part de nature agissante et sa correspondance surnaturelle, pénétrante pour l’initié.

 

-La dimension humaine et sa correspondance divine. Il   fallait bien être un Dieu pour se saisir d’une telle totalité.

C’est donc par suggestion que les mots et les textes agissent sur notre compréhension, il en est de même pour les allégories et les symboles. Le langage dans sa dimension sacrée inonde la totalité des arts. Le symbole n’est pas en reste, car il porte en lui la seule dimension véritablement universelle et intercivilisationnelle. Ce langage se retrouve dans tous les domaines de la poésie au romantisme, en passant par le surréalisme et l’idéalisme. Peu accessible il nécessite un redoublement d’effort et de concentration. Le langage par l’image ne révèle rien au premier abord. Il faut l’effort d’une scrutation et d’une évaluation volontaire pour en déchirer le voile. Ce dernier est fait pour appeler le juste effort à fournir et faire passer l’interprétation symbolique non par l’encéphale, mais par le cœur.

 

Le voile est l’apanage de la langue secrète et du sens caché. C’est la définition de l’ésotérisme.

Relire Jacob Bohème donne alors un dimensionnement et une saveur à ses écrits qui ne peuvent s’oublier. Lire la table d’émeraude en fonction de ses principes, inonde le cœur et comble l’esprit. À défaut de cet effort premier, rien n’est accessible en dehors du sens moral qui est l’expression d’une contingence sociale.

À partir de cette grille de lecture, il est possible de retrouver dans les textes sacrés, un tronc commun universel. L’universalité est associée à l’idéal maçonnique.

Nous retrouvons le sens premier dans l’universalité du langage des sages. Il se transfère de Dieu à Adam puis Moïse, de Zoroastre à Pythagore et Platon, depuis Hermès Trismégiste. Langage codé et sacré à la fois, dont la sapience se mérite. Il est universel et s’oppose à la confusion des langages de l’ère babylonienne.

Les alchimistes sont l’illustration de cet état hiéroglyphique. L’écriture secrète protège du regard profane le savoir primordial qui fut sauvegardé d’après les anciens devoirs par la gravure sur les colonnes antédiluviennes.

Il y eut un malentendu au XVIIe siècle entre les alchimistes qui rompirent la globalité de leur vision universelle pour la scinder en deux langages. D’un côté les praticiens analytiques qui versèrent dans l’alchimie des souffleurs opératifs, ancêtres des chimistes et de l’autre les théosophes de la synthèse, dans la lignée des roses croix et qui conservèrent le sens spirituel en l’intégrant dans le champ de l’initiatique maçonnique.

L’Or des uns n’était pas l’Or des autres. La tradition des bâtisseurs était largement préparée à cette fusion. La démarche spéculative favorise le questionnement au-delà de l’apparence et du credo. Elle s’appuie sur le symbolisme et les mythes.

Ainsi la boucle se referme. La grande tradition se conserve dans le cénacle des initiés. On comprend à quel point le langage maçonnique ne peut faire l’économie d’un dimensionnement profondément symbolique en relation avec des états supérieurs. Le franc-maçon est le dernier porteur de la flamme initiatique dans le monde occidental. Face à la perspective quadrangulaire[12] de l’esprit hermétique on complètera avantageusement ce dévoilement par l’étude de la Gnose c'est-à-dire, par la prise de conscience graduelle d’une connaissance à vision globale. C’est l’élaboration d’un système interdisciplinaire qui va connaître au travers des siècles des évolutions remarquables.

Loin d’être un épiphénomène face à la révélation ecclésiale, le gnostique forme un syncrétisme fondé sur le symbole dont nous avons encore une expression en loge avec le pavé mosaïque.

Le travail de synthèse du maçon s’oppose assurément à la vision manichéenne. Pour autant la voie de la sagesse est celle du juste milieu, de la conciliation et de l’embrassement du tout.

Le vieux fond animiste se marie à la quadrangulaire. Le divin habite l’âme qui est emprisonnée dans un corps de contraintes et de tentations. La matière est un lieu d’exil pour notre fraction divine. Les sens sont induits en erreur par des apparences trompeuses. Notre pire ennemi est nous même. C’est ce que nous enseigne l’épisode du miroir à certains rites, l’épreuve de nos sens lors des voyages et le silence rituel de l’apprenti. C’est l’épreuve des sens (terre, eau, air, feu, oblitération de la vue puis de la parole) qui doit nous apprendre à nous libérer de cette matière corporelle.

Le syncrétisme gnostique recoupe la philosophie grecque, l’apport égyptien et juif. Cette convergence mixte l’alchimie, la cabale et la magie astrale. Les cultes à mystères et la tradition orientale fusionnent.

L’incertitude d’une perfection lointaine entache le système gnostique d’une vaine espérance. La tentative de synthèse ne fut pas complète. Le monde aristotélicien et ptolémaïque organise notre vision occidentale en une partition micro et macrocosmique. Ainsi le monde sublunaire et changeant est soumis à la contingence de l’éphémère alors que le ciel éthérique protège la permanence d’un macrocosme. Nous sommes loin d’une vision unitaire. Le système va se développer sous la forme d’une pyramide à degré d’une plus grande cohésion. L’unité est tout en haut et se développe en se dégradant dans la création.

Cette chute poursuit une forme d’harmonie des sphères chère à Pythagore. Cette harmonie vient lisser la dichotomie du bien et du mal, du haut et du bas. On développe alors un monde des idées immuables face aux réalisations temporaires et terrestres. Il y a sept échelons à cette pyramide qui correspondent aux sept planètes connues du monde Ptoléméen. Le chiffre 7 est bien connu du maître.

À chacune correspond un métal. Nous allons du cercle extérieur saturnien représenté par le vil plomb, état grossier dont on se libère par une mort et une renaissance. C’est la putréfaction de la matière qui fait germer la graine dans le cabinet de réflexion, c’est la mort et la putréfaction du corps du maître qui libèrent et font renaître l’étincelle divine dans le corps du nouveau maître. Les cercles à traverser sont ceux notamment, de Jupiter associé au zinc, de mars et du fer, de mercure et du vif argent, de la lune et de l’argent et enfin du soleil et de l’or. La progression vers le centre est une démarche de perfection et c’est aussi ce que nous sommes venus chercher en franc-maçonnerie. Nous pensons que l’homme est perfectible.

Les lois de la correspondance donnent une identité structurelle entre le corps de l’homme et le monde dans lequel il s’insère, appelé microcosme. L’homme peut être un corps agissant. Il manipule le corps, l’âme et l’esprit. La région astrale contenait l’âme du monde, l’intellect et les idées dans leur permanence occupaient les régions supérieures et agissaient dans les régions inférieures où règnent la matière, la contingence et l’éphémère marquées par le sablier et le crâne dans le cabinet de réflexion. C’est alors qu’on émet l’hypothèse qu’il était possible d’agir ici-bas par l’intermédiaire d’une région médiane entre l’esprit et la matière. L’homme se rapproche du démiurge. Cette région médiane dans la tripartition chrétienne est occupée par l’âme.

Apparais autour de l’homme, un corps astral, invisible qui devient la zone de contact entre le haut et le bas. Les moyens d’action sont la magie les talismans. L’homme communique avec son corps astral ce qui fait de lui un médiateur entre le microcosme et le macrocosme. Paracelse confirmera la tripartition agissante : la dominance de l’astre intérieur sur l’imagination, la force solaire agissante sur le monde dit réel et enfin la force lunaire agissante sur l’apparence trompeuse. C’est aussi la prophétie et la prémonition qui se structurent sur cette tripartition et qui justifient la cabale.

Ainsi la vision de l’échelle de Jacob s’explique d’une manière gnostique et structurée.

L’influence des astres extérieurs est présente à l’Orient de toutes les loges maçonniques. On se contente souvent d’explications fonctionnelles du soleil de la lune et de l’étoile flamboyante et on oublie commodément que la franc-maçonnerie fut le réceptacle de la grande tradition gnostique, hermétique et alchimique. On a longtemps glosé, avec raison sur l’influence Rose-Croix...

Le Corpus Hermeticum traduit en 1463 par Marcille Ficin est le traité gnostico-néoplatonicien qui témoigne de la pensée et de la sagesse antique des premiers siècles du Christianisme. On le pensait rédigé par Hermès Trismégiste, « Hermès les trois fois grandes ». Son style ressemblant à celui du Nouveau Testament semblait témoigner de cette sagesse antique, héritage des chrétiens des premiers siècles. Une science antique, la Cabale, y était développée mise en évidence par pic de la Mirandole.

Cette dernière se voulait la science secrète des Hébreux. La période de la renaissance favorise un renouvellement de la structure scolastique qui reposait sur une hiérarchisation Ptoléméenne du monde.

La vision devient alors plus directe moins hiérarchisée, plus énergétique. Son accessibilité sera concrétisée par le protestantisme, qui outrepasse la hiérarchie ecclésiale pour relier directement le croyant à Dieu ; l’étincelle divine est alors en chacun de nous.

L’alchimie se développa sur ce fond et sur ces textes. Elle suit le mouvement gnostique dans le refuge des chrétiens orthodoxes d’Orient et d’Alexandrie pour nous revenir traduit par les Arabes en Espagne et en Provence. S’élabore alors un langage imagé fondé sur l’empirisme. Les maximes et les allégories sont les véhicules de cette connaissance. L’Art Royal est la conjonction des trois influences, en plus du travail de la matière et des formes qui est son fondement opératif. Entre terre et ciel, l’Art royal s’est développé alimenté par quatre fleuves, ce qui explique sa complexité et sa richesse.

La tradition chrétienne alexandrine est le fondement, la base de départ de cette architecture. Son développement pratique, sa formulation et son imagerie sont le résultat de son passage aux mains des savants philosophes arabes, et enfin la toile de fond philosophique repose sur la philosophie de la nature des Grecs.

Ce sont deux soleils qui éclairent notre chemin correspondant à l’or philosophique et l’or matériel. Par la bipolarité le monde avance. Le soleil et la lune, le mercure et le soufre, mal et femelle, bien et mal, l’amour et la haine, etc.

Tout ceci se retrouve dans le même creuset, la même coupe. C’est de la synthèse et l’union que naît le grand œuvre, la dissolution permet la fixation et le solde autorise le coagulum. C’est ce que revit lors de son initiation le futur apprenti dans les épreuves et voyages ou il rencontre séparément les 4 éléments d’Empédocle, sorte de proto-matière assimilé au Chaos initial.

En les recomposant, les manipulant, il les assimile et en redécouvre les sens. Au grade de compagnon, c’est le cinquième élément qui apparaît, la fameuse quintessence d’Aristote.

La mystique gnostico-hermétique est arrivée en franc-maçonnerie il y a trois siècles. Les apports, les dépôts sont si nombreux qu’ils constituent ce trésor initiatique sans équivalent dans le monde profane. C’est aussi cette profusion de nouveaux langages qui crée le malentendu. Difficile d’accès pour tous ceux qui s’empressent de franchir les grades et les degrés, ces derniers tentent de marginaliser cette lecture ésotérique et initiatique des textes, symboles et hiéroglyphes. Ils ont peu d’intérêt pour les discussions symboliques ou hermétiques. Ils sont voyageurs clandestins d’un monde qu’ils ne peuvent comprendre. Cette différence d'approche explique la distorsion et finalement le cloisonnement justifié entre les filières pauvres et celles mieux dotées en instructions.

Les hauts grades ont donc intérêt à diversifier la provenance de leurs membres. Ce qui compte notamment, c’est leur capacité à lire les images, signes et symboles. C’est la seule façon d’éviter l’appauvrissement par nivellement des ressources. C’est cette différence qui créera l’émulation nécessaire au maintien d’un haut niveau de transmission.

 

N’oublions pas que le langage initiatique est traditionnellement réservé à une élite et qu’il se transmet. L’exigence se satisfait de la différence, celle-ci entretenant l’émulation identitaire gardienne des traditions. Les carences dans la maîtrise du langage initiatique dégénère la transmission en une forme de nivellement qui ferme l’accès ésotérique des textes sacrés.

 

Eri\Rom\

 

 



[1]              L’ésotérisme chrétien est plus ample dans ses interprétations que la duplication réservée et secrète d’une croyance religieuse.

[2]              La première chute découlait de l’Adam chassé du jardin d’Éden, cette première génération disparait par le truchement du Déluge. La tour de Babel est la deuxième chute de l’homme face à ses prétentions de démiurge, cette génération est la nôtre.

[3]              En héraldiste autre science traditionnelle. Il en est de même pour le Hérault d’armes qui blasonnait les chevaliers entrants dans la lisse.

[4]              Seuls les initiés pourraient lire et interpréter les symboles cachés dans la gravure de la pierre, grâce à la tradition transmise par Noé et sa descendance.

[5]              La perte du Frère vaut pour la perte d’une partie de son intégrité adamique. C’est encore la chute d’Adam, le père premier qui se perpétue dans la fratrie.

[6]              L’exil est un thème de certains grades supérieurs. Il est mis en valeur relativement au signe et à la parole.

[7]              Il est troublant de constater que Pythagore et Hermès, deux grands initiés, ne pouvaient déchiffrer que leur colonne respective, autre aspect d’une gémellité, donnant deux aspects de la voie initiatique. C’est aussi au pied des deux colonnes que s’épèlent dans la franche maçonnerie française, les mots d’apprenti et de compagnon. 

[8]              La mise en « Gloire » est une notion symbolique qui repose sur un espace de médiation entre l’univers manifesté et le point originel dont il n’est qu’une duplication. Ainsi le Christ en Gloire est représenté au tympan de nombreuses églises construites de manière traditionnelle.

[9]              Rappelons que les lacs d’amour de la corde à nœuds sont un héritage de cette organisation, qui avait Dante parmi ses membres.

[10]             Les élus Cohen dans la mouvance de Martinez de Pasqually influencèrent la Franc-maçonnerie du XVIIIe siècle.

[11]             C’est d’ailleurs ce sens qui doit être rapporté aux rois mages de la tradition chrétienne.

[12]             Nature et surnaturel ; humain et divin.

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 18:05

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Les voyages initiatiques et rituéliques du Franc-maçon aboutissent tous à une vision, une image qui n’est autre que le tableau de loge.

Le tableau de loge est une image du monde et à un certain niveau de perception correspond au grade du maçon. Cette image est composée de symboles et au-delà recoupe un idéal. Donc le franc-maçon apprend un nouveau mot et un nouveau paysage à chacune de ses initiations graduelles. Les mots prononcés et les images-symboles ou images-paysages sont support de la transmission. Entre les mots sacrés, les mots de passe et les images, il y a une relation complémentaire qui comble l’absence et qui dépasse les expressions concrètes. La relation mot symbole / image en appelle à l’intelligence du cœur et provoque le ressenti. Lorsque le mot disparaît le paysage prend plus de signification et palie l’expression verbale par le ressenti de l’image. C’est l’évolution la plus achevée du langage que de dire sans prononcer. L’image s’en trouve renforcée et le symbole quelle contient devient une idée voir même un idéal.

Ce travail ne traite qu'un aspect  de la finalité du voyage initiatique. C'est son atout principal que de nous éclairer sur un aboutissement rarement abordé dans la littérature maçonnique. Il y a donc des petites loges mênent modestement leurs travaux de recherche !!!

Sans aller jusqu'à une quête de la parole perdue, nous resterons au diapason du 5 qui est nombre de l’homme.

(…)

« J’ai choisi pour thème : « Les paysages dans les voyages ».

Je suis parti du constat qu'au bout du voyage il y avait un paysage. J’ai pu même constater qu’a l’issue d’un périple de 5 voyages, revenu à mon point de départ entre les colonnes le paysage avait changé. J’ai donc souhaité éclaircir le mystère de l’influence du voyage sur nos sens d’une part et du rapport en miroir qui existe entre l’observant et l’objet de l’observation, autrement dit le paysage. Ainsi, je vous propose un voyage dans les paysages réfléchis au miroir de mes pensées et au fil de mes mots.

Pour accéder au grade de compagnon il m’a fallu effectuer 5 voyages au cours desquels j’ai médité sur ma qualité d’apprenti évoluant vers celle de compagnon. Alors même que je récapitulais mon état d’apprenti je découvrais un nouveau champs d’expérience, je decouvrais le monde et rencontrais les autres frères et leurs richesses. J’apprenais de nouveaux outils qui m'initiaent à l’horizontalité et la verticalité. Un nouvel apprentissage pour mieux comprendre et mieux appréhender le monde qui m’entoure.

Si mes 5 voyages étaient horizontaux, je me suis élevé de 5 marches ! J’ai dû gravir cinq marches qui m’ont permis d’accéder à une hauteur de vue et d’esprit correspondant à un nouveau « point de vue ».

Ainsi le même être voyait les choses différemment par le voyage qui élève l’esprit. Que voit cet être à l’issu d’un voyage si ce n’est un paysage ? Dans quelle mesure le paysage peut être lu différemment suivant le niveau d’élévation qui est le notre ?

Autrement dit au plan symbolique, la vision à hauteur de cinq marches n’est elle pas différente qu’a celle de trois marches ?

Les paysages sont ressentis différemment d’un être à l’autre.

Vingt personnes ayant à décrire un paysage précis, vous donnerons vingt images différentes et peut être opposées.

Plusieurs photographes obtiendraient des cliches tout à fait différents d’un même panorama. Le paysage est instantané photographique d’un voyage et donc d’une vision personnelle la vision est une affairede sens. S’agissant des cinq sens et de l’intelligence du cœur nous avons quelque chose à dire en tant que franc-maçon. Notre initiation nous à remis les sens en éveil en contact avec les quatres éléments constitutifs de notre corporalité. Nous pouvons direque la fonction principale des voyages est d’aiguiser nos sens et l’intelligence de notre perception.

Se pose alors la question suivante : Si le franc–maçon regarde le paysage, quelle est la partie de lui-même qui voit le paysage ? Le corps, l’âme ou l’esprit ? Ou se trouve le paysage que je regarde, dehors ou dedans, à l’intérieur de ma boite crânienne ?

Il ne s’agit pas tellement de la fidélité de l’objectif de l’appareil, mais plutôt de l’homme qui le manie. L’homme à une acuité visuelle qui varie tout au long d’un jour ou d’une vie. Notre capacité à voir dépend de notre expérience. Hors pour acquérir de l’expérience il faut voyager. Nous savons que les voyages aiguisent nos sens, notre sensibilité et surtout notre ressenti. Si la sensibilité est du domaine corporel, le ressenti est un retour d’expérience acquis dans un voyage des sens en relation avec l’esprit. Le ressenti fait le chemin de la spiritualité.

Notre voyage fait partie de nous-même et porte notre sceau, notre Signature sous forme d’un ressenti du paysage. Il y a donc un ressenti personnel dans la vision, la vision dépend moins de l’impression rétinienne que de l’ouverture d’esprit, comme de l’ouverture de la focale. L’impression rétinienne flatte nos nerfs optiques, l’ouverture d’esprit nous donne la profondeur de vue et le don de double vue. (intérieure et extérieure)

Le compagnon règle son pas et sa profondeur de champ sur le chiffre 5.

Mon voyage identitaire a démarré dans mon Berry natal, ma terre nourricière, celle qui donne le blé, le maïs et tant de céréales qui nous font vivreet nous font grandir et vivre bien entendu. Cette terre redistribue les éléments et donne la vie à cette graine et qui arrosée peu à peu et récoltée nous font partager le pain.  Tout comme la vigne et son raisin  nous fait partager le pot de l’amitié. Ce paysage de mon enfance est donc similaire au blé et l’eau retrouvés dans le cabinet de réflexion.

Rappelez-vous mes frères que lors de nos voyages initiatiques nous avons passés les épreuves de la terre, l’air, l’eau et le feu.

De mon Berry natal j’ai conservé un peu de brouillard et beau temps à l’intérieur de moi. Ils sont comme des impressions diffuses, des filtres d’amour, ou la lumière joue un rôle primordial.

 

Point de paysage sans lumière - Point de lumière sans rencontre.

Ici c’est bien plutôt la relation de deux paysages ou de deux voyages qui m’importe. Le paysage des formes et le paysage des symboles. Le premier est celui du peintre le second celui du franc-maçon.

Comment se compose un paysage ? Il y a trois plans, un premier un second et un troisième plan. Il en est de même de notre puissance interprétative. L’immédiateté du concret, précède le moyen terme accessible et la ligne d’horizon inatteignable. Le paysage se compose de vallées de lacs pour s’abreuver de montagnes à gravir jusqu’au ciel et d’un horizon. L’horizon appartient au plan en deux dimensions ce qui nous rappelle le niveau, la montagne nous évoque le fil à plomb et cette verticalité transcendante. Que n’ai-je rêver enfant d’escalader les montagne, de tutoyer le ciel et le soleil et de voir la terre d’en haut ! Cette quête vers l’absolu vertical succède à la marche vers l’horizon infini. Je constate que l’horizon et la montagne sont des « traits d’union » entre la terre et le ciel, le premier est horizontal, le second axial.

Si le paysage se projette en moi, alors j’ai en moi ces deux voies de communication entre la terre et le ciel. Le paysage auquel on accède par le voyage prône l’absolu et l’inatteignable. Par conséquent le voyage reste un effort permanent vers le bout d’un paysage, vers une image idéale d’une totalité.

Tout voyage permet de mieux se connaître. Le fait de partir implique le fait de revenir, de mieux se situer et ainsi conforter nos expériences de l’extérieur et de l’intérieur pour nous permettre d’évoluer. Il faut savoir s’éloigner pour pouvoir se rapprocher.

Me connaître serait de réaliser les contours du monde et du milieu dans lequel je vis; les relations d’ordrepratique, l’atmosphère, les éléments affectifs et symboliques. Ces contours de mon intériorité sont constitutifs d’un paysage. Jamais le voyageur ne doit oublier que dans les paysages qu’il rencontre, il est à la fois l’observateur et l’observé. En vérité en visitant l’extérieur c’est l’intérieur de soi que l’on explore.

 

Parce qu’on les associes à l’aventure, les voyages ont toujours inspirés la plume des écrivains et fascinés les hommes avides d’aller à la découverte pour mieux connaître cette terre si belle sur laquelle nous avons le privilège de séjourner.

Qui n’a pas rêvé un jour de visiter tel ou tel pays ? S’approcher de telle ou telle civilisation ayant laissé son empreinte au travers des siècles ?

Notre curiosité de la découvrir, le besoin de dépaysement, mais aussi la recherche du contact humain qui justifie le ou les voyages. Ne sont-ils pas source de découverte intellectuelle et dépassement de soi ?

J’ai en mémoire mes fréquents voyages sur une île, un véritable coin de paradis ou les couleurs de la mer et du ciel changent à chaque heures du jour. Outre la diversité des paysages, les odeurs qui effleurent, ne seraient pas si envoûtantes, sans la beauté de ceux qui l’habitent. L’esthétique et l’harmonie propre à mon grade trouvent un écho naturel dans ces paysages mémoriels. Ils se transforment en même temps que j’épuise mon corps à le faire marcher sur le chemin. Plus je vieillis plus l’écho s’harmonise au point de saisir mon cœur. Le paysage devient souvenir, la lumière devient irréelle.

     J’ai en mémoire une réflexion venue du fond de mon cœur : « la beauté de votre île, c’est vous les îliens, votre bonté, votre gentillesse me demande de revenir sans cesse ». Le voyage c’est la rencontre et la rencontre devient paysage ou image. La rencontre crée une impression qui sous un angle esthétique entre au plus profond de moi. Par un effet miroir je deviens l’autre et moi-même. Finalement c'est une chance pour le compagnon de découvrir le monde et les autres et de s'enrichir dans un travail interieur.

Un jour, mes facultés mémorielles vont s’amenuiser. Je poursuivrais encore ces paysages de mon enfance, ces souvenirs de jours heureux, mais je n’arriverais plus à tout embrasser, à tout réunir dans un même tableau. Comme une photo jaunie, les personnages disparaissent, il ne restera que des contours celui des formes et de pâles couleurs. Je serais alors à l’image de cette photo, l’écho épuré des formes et des couleurs. Cette épure des sens me fera peut être entrevoir le chemin caché, celui qui mène à la dernière porte.

En fait le milieu se trouve ainsi étroitement lié et associé à la personne et donc appelé à jouer un rôle primordial et essentiel dans la connaissance de soi. Ainsi, chaque homme ne peut-être approché que dans le paysage qui lui est propre, paysage qui fait partie intégrante de son être. Je suis le Paysage.

Le paysage organise la médiation entre la terre et le ciel, si je suis le paysage je suis donc à mon tour médiateur entre la terre et le ciel.

Le « MI-LIEU » de chaque vie personnelle se présente comme une appartenance, une zone « inter-médiare » entre l’homme et la nature, interférence de l’homme et des choses alentours.

S’il y a une histoire qui fait la vie d’un homme au fil du temps, il existe aussi une « geo-grahie » personnelle, une inscription de l’être dans la société humaine et plus généralement sur la surface de la terre faite de mers et de continents.

 Le milieu se trouve ainsi étroitement associe à la personne et donc appelé à jouer un rôle essentiel dans la connaissance ou plutôt dans la « re-création » initiatique du soi.

Un changement soudain de paysage matériel ou spirituel ne permet pas à la personne de s’adapter. Je serais tenté de dire que le décalage apparaît consécutivement à l’accélération du temps. La vitesse détruit le paysage. Le voyage du pèlerin se fait à pied en fonction de son rythme cardiaque, en égrenant le chapelet on se met en phase avec la vision profonde. Le cœur est au diapason de son ressenti, et donc du paysage.

Le rythme naturel de la marche harmonise l’homme et son milieu. La vitesse et l’accélération du temps rompent l’équilibre et la puissance de la forme.

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage (Joachim du Bellay 1522 /1560).

Cet ouvrage constitue un outil de transformation personnelle à l’aube de bouleversements dans la structure de notre planète et dans ses consciences. La beauté s’associe au voyage comme au paysage.

Elle permet de suivre les étapes d’un grand voyage. Les poètes eux ont vu la possibilité d’utiliser le voyage pour échapper quelques instants au réel, pour se mouvoir sans se déplacer en laissant à l’esprit et à l’imagination le soin de pérégriner dans le pays du rêve et de l’imagination. Le voyage peut donc être immobile, il constitue la somme de libération de l’esprit, face à la pesanteur du corps.

En fait il suffit de fermer les yeux………………… L’image-paysage devint un ressenti, quelque chose qui se situe au-delà des sens.

  Arrêtons-nous maintenant sur le voyage initiatique en prenant quelques exemples tirés de la mythologie, de l’histoire ou de la religion et qui, tous révèlent une importante signification symbolique.

 Bouddha puis jésus qui parcoururent leurs pays, Moise emmenant son peuple vers la terre promise.

La quête du graal par Perceval et Lancelot

Le pèlerinage de saint jacques de Compostelle

  Nous pouvons multiplier les exemples, mais une chose est sûre, il n’y a pas de héros sédentaire. les grands sages de l'humanité ont tous entrepris un grand voyage, ils ont tous franchis un fleuve pour atteindre une autre rive. Ils connaissent tous le "mot de passe". 

Plus près de nous, nous connaissons les périples des compagnons du tour de France et dans la franc-maçonnerie, les voyages des apprentis, des compagnons et des maîtres. 

Ce voyage initiatique est une expérience fondamentale pour l’homme. Il est même une nécessite ; l’outil de son émancipation et l’occasion de découvrir d’autres aspects de sa personnalité comme évoqué précédemment.

Mais ce voyage est également une épreuve car il suppose une confrontation avec soi-même et l’on sait que cet exercice est difficile.

Le vrai voyage est toujours intérieur, une plongée dans notre être profond sur lequel nous allons tous poser un regard neuf.

Je comprends mieux l’acronyme alchimiste et maçonnique V I T R I O L

Visite de l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre cachée    ou, descends dans les entrailles de la terre, en distillant tu trouveras la pierre de l’œuvre.

Cette pierre que le profane doit trouver n’est autre que la pierre philosophale des alchimistes et celle-ci se trouve au plus profond de chacun d’entre nous. Elle ne se dévoile qu’a ceux qui par un cheminement intérieur sincère, sont arrivés au parfait équilibre pour ne faire qu’un. Ce qui est recherché c’est l’harmonie très bien représentée par l’étoile à cinq branches.

L’étoile flamboyante, pentagramme à cinq branches nous rappellent que nous suivons la voie qu’elle nous trace sur le chemin de la connaissance et de la vraie lumière. Mais l’étoile comme la ligne d’horizon est inatteignable.  L’harmonie universelle serait une illusion ?

J’aimerais vous faire partager l’un de mes poètes préférés en l’occurrence Charles Baudelaire, j’ai choisi le plus naturellement l’invitation au voyage.

L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

 

L’invitation au voyage est un poème qui consacre l’idéal. Nous dépassons le symbole pour aller à l’idéal. Aspirer vers une beauté supérieurequi entrouvre la porte à la spiritualité et de l’unité fusionnelle. Il faut bien entendu rapporter l’Oeuvreà sa plus simple expression, la notion de liberté de pensée et d’agir. Ce poème nous donne au-delà son coté musical, une belle définition du voyage : le voyage intérieur au centre de nous même.

Le voyage est un outil de connaissance, de liberté, mais aussi et surtout une quête, celle de notre réalité, de notre vérité.

Les voyages du compagnon sont à la fois une récapitulation de ses états passés et la mise en harmonie de l’homme dans son environnement, l’homme harmonieux et l’homme microcosme.

Il maîtrise les deux dimensions du plan, sans oublier la vision verticale que lui dicte le fil à plomb. Trouvant son propre centre il rayonne comme l’étoile flamboyante dans toutes les directions.

Finalement le voyage et le paysage ont parties liées. Aucun des deux n’est véritablement achevé. Quelque chose d’ineffable nous échappe. C’est justement la promesse de l’infini dans un paysage qui nous appelle au voyage ; il faut se mettre sur le chemin, c’est l’idée fondatrice de l’initiation.

Qui suis-je dans ce paysage, suis-je un élément du Tout ou le Tout lui-même ? C’est ici que se pose la question de l’immanence et de la transcendance., passer de l'une à l'autre c'est franchir le fleuve. Un fois de plus l’observant est l’observé se retrouvent devant le miroir. Si je suis le paysage, alors le but de tout voyage est la connaissance de soi. Le compagnon à la fin des ces 5 périples pédagogiques découvre l’image du monde qui est le sien. Il se résume au tableau de loge au centre du Hékal. Tout y est décrit. Tous les symboles figurés  interagissent dans son coeur. C’est une imago Mundi composée de trois parties, un premier plan composé des 5 marches de la porte du temple et des deux colonnes, puis un second plan avec tous les outils de la construction du soi et les styles d’architecture et plus loin un troisième plan occupé par l’Orient, le soleil et la lune et la lumière inatteignable. L’Orient, la montagne et l’horizon sont les sources mythiques de la lumière.

 

Le tableau de loge du compagnon est mon paysage initiatique. »

(…)

Her.°. M.°. 

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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 00:04

Les sept arts libéraux

       ou        

l’exaltation de l’âme

 

Les arts libéraux, ont dans la franc-maçonnerie de tradition, une aura particulière qu’il nous semble utile d’expliquer.

 

Sans cesse le franc-maçon cherche à se relier à une tradition ancienne qui est bien souvent plus légendaire qu’historique. C’est bien qu’il en soit ainsi, nous faisons consciemment parler notre cœur, en nous retirant d’un débat aussi aride qu’intéressant qui est celui d’une vérité historique dûment fondée sur des textes.

 

Les textes ne disent que ce qu’ils veulent dire, en dehors des intentions orientées de leurs commentateurs, et la légende, plus forte que tous les raisonnements universitaires parlent à cet autre nous-mêmes, celui de la quête infinie d’un idéal divin.

Parfois, pour les besoins d’une démonstration ou d’une croyance, nombre d’entre nous n’ont pas hésité, aveuglés par les convictions qui nous animent, à orienter l’interprétation d’un texte, à supputer un rapprochement entre deux faits historiques, préférant ainsi créer un lien doctrinal, plutôt que d’émettre une simple hypothèse.

Si une preuve irréfragable ne peut être rapportée, c’est l’analogie qui nous permet de faire des liens troublants.

Ainsi les mythes et légendes sont des éléments probants de la connaissance initiatique.

Avertis par ces constatations, nous allons essayer d’analyser la pertinence des arts libéraux dans la vie d’un tailleur de pierre du Moyen Âge, en précisant que nous émettons une simple hypothèse.

 

La question préalable est de vérifier si les arts dits « libéraux » appartiennent bien au corpus initiatique des maçons opératifs ou s’ils doivent être rattachés à une autre filiation.

Cette démarche, suivant le résultat obtenu, nous permettra d’établir un pont avec la source potentielle de la franc-maçonnerie opérative, voire spéculative. Elle contribuera, nous l’espérons, à éclairer les tenants de la théorie de l’emprunt qui distingue la maçonnerie pratique et la maçonnerie spirituelle, comme on distingue l’alchimie pratique des souffleurs de l’alchimie spirituelle des « cherchant » et de vérifier le bien-fondé de la théorie de la transition qui nous relie au « livre des métiers » de 1268 d’Étienne Boileau et autres.

 

Est libéral un art pratiqué par un homme libre de son jugement, et ne concerne que les disciplines libres de toutes contingences. Notre définition fait rejoindre le point de vue antique qui s’affranchit de la matière et le point de vue moderne du libre arbitre détaché du cadre corporel, fut-il religieux. Ainsi les arts libéraux sont les servants de la description et de la compréhension de l’essence des choses.

 

Les arts libéraux sont cités dans de nombreux rituels maçonniques tels le Régius dés 1390. Qu’ils soient de type anglais ou écossais, qu’ils soient anciens ou modernes, qu’ils reposent expressément sur les Anciens Devoirs ou sur la structure du Masson Word. De nos jours on en retrouve des traces dans nos rituels.

Le solde positif des 7 arts libéraux est la Géométrie, compendium de l’art du trait, fondement pratique du grade de compagnon.

La géométrie semble occuper le domaine périmétrique de la pratique architecturale, c’est une fausse idée. Le cinquième des arts est la première porte d’accès sur la métaphysique, pour un bâtisseur du moyen-âge.

La géométrie exhale et libère le cœur de la matière.

 

Le lien fondateur qui justifie explicitement l’intégration des arts libéraux aux corpus de la maçonnerie est Vitruve l’architecte romain du 1er siècle av. J.-C. qui produit le premier traité d’architecture mentionnant les arts libéraux sous un angle utilitaire et technique.

 

Faut il préciser qu’il ne fut jamais philosophe ou musicien, mais rien ne dit non plus qu’il ne fut pas sensibilisé. Quoi qu'il en soit, la source est incontestablement antique, et connue de Platon. C’est sur cette source néoplatonicienne que la maçonnerie des Anciens Devoirs entend se souquer. Cette antériorité livresque plaide pour la constance immémoriale et invérifiable de la source première. C’est ainsi que naissent les légendes et les mythes.

 

C’est Marius Cappella qui en 400 fit la liste septénaire que l’on connaît. On les divise en « Trivium » qui sont les arts du langage pour comprendre les écritures et « Quadrivium » pour les arts du nombre, pour comprendre comment Dieu a organisé le monde « en mesure, nombre, poids ».

Il établit un cycle septénaire de sciences qui ne touchent pas aux choses mortelles comme la médecine et aux choses terrestres comme l’architecture.

Ces sciences sont supposées permettre de s’élever au niveau du divin, en libérant l’âme, ce qui exclue la matière.

Il s’agit donc de s’élever au plan spirituel.

Le cycle s’explique aussi, à notre avis, par la parenté et l’origine unique des dites matières, qui nous font côtoyer la parole perdue. La mère de toutes les sciences est pour les Grecs la philosophie. Dans un but doctrinaire et hégémonique, la théologie chrétienne se substitua à la philosophie grecque. La révélation unique se substitua aux multiples vérités.

On peut conclure que ces arts dits « libéraux » devinrent une propédeutique à l’étude théologique.

 

Les arts libéraux sont cités dans de nombreux textes et manuscrits anciens, appelés Anciens Devoirs ce qui semble témoigner de leur authenticité dans une continuité et une constance. Ils font partie du corpus que doit connaître le compagnon et dans ce corpus figure évidemment le cinquième art qui est le premier dans le métier, celui de la Géométrie. Il nous semble évident que la Géométrie crée le lien entre opératif et spéculatif, la science est à la fois de la matière et de l’esprit. Ainsi Dieu sera le grand Géomètre. La géométrie est le langage de l’architecte et l’architecture est servante du sacré. La géométrie est donc d’essence sacrée, ses secrets doivent nous révéler le schème, le plan divin.

La situation n’est pas si simple. Si un compagnon doit savoir faire un relevé et un tracé géométrique qui justifie sa future qualification de maître, doit-il pour autant étudier les autres arts libéraux ? Que viennent faire la rhétorique, la grammaire, ou la musique avec la statique et le tracé d’ogives ?

Voyons ce que l’histoire peut nous apprendre à ce sujet.

 

Les arts libéraux sont bien connus depuis l’antiquité et le moyen-âge en fit un passeport pour l’étude biblique. C’est donc les clercs de l’église et les moines qui se dotèrent d’outils, appelés Arts libéraux, pour mieux comprendre et étudier la Bible. Au surplus ces arts constituent le fondement de l’éducation cléricale et bourgeoise du moyen-âge. Il s’agissait donc de la grammaire, de la dialectique, de la rhétorique et de la logique, qui armèrent nos moines dans leurs études.

 Ces arts sont considérés comme supérieurs aux arts mécaniques dits « inférieurs » qui appartiennent à l’artisanat dont fait partie la taille de la pierre. Ils servirent à l’éducation morale plus qu’à l’exercice de style.

 

Il s’agissait d’ouvrir l’esprit des opératifs pour les aider à communiquer avec leurs prescripteurs. C’est là, dans un premier temps, affaire de nécessité.

 

Dans le même registre, il était bien affirmé dans les Anciens Devoirs, la nécessité de respecter le pouvoir du seigneur, soumission au pouvoir temporel de droit divin. La différence tenait au caractère progressif à sept degrés de cet enseignement, à une époque où l’on pouvait tout apprendre et devenir un « savant ».

 

Il existe un autre apport à la pratique des arts libéraux. Cet apport consiste non seulement à la production d’une élite au sein de la classe artisanale, mais aussi à faire la distinction entre ceux qui sont aptes à connaître et concevoir et ceux qui ne seront que de simples exécutants.

 

Ces esprits sélectionnés par la difficulté de mise en œuvre de ces arts étaient d’office les gardiens des secrets de la profession.

Ces secrets étaient relatifs aux rituels de fondation des ouvrages, aux mélanges des mortiers et ciments, aux techniques de découpe et de placement des pierres et clef de voûte, mais aussi, et surtout, ils étaient détenteurs des secrets de la géométrie de la construction et de l’élévation des colonnes, des ogives et des dômes sur bases carrées. Ces secrets n’étaient pas entre les mains du clergé.

C’est donc aux clercs que revient la maîtrise des arts libéraux, plus qu’aux maçons, sauf peut-être, à une petite élite qui se détache de la masse et qui dans une soif d’entreprendre et d’apprendre, se rapproche de l’institution cléricale. Ce rapprochement n’est pas douteux, car il est nécessaire à la bonne conduite des travaux.

Le chanoine est le premier architecte connu du moyen-âge. C’est lui qui dirige les travaux. L’église et le monastère sont les donneurs d’ordre principaux de cette époque. Il n’est donc pas anormal que le contact forcé des deux univers produise un résultat qui propose la perfection de soi, pour la perfection de l’œuvre divine.

 

C’est ce que nous appellerons la production du Chef-d’œuvre, dont la double perfection est au bénéfice de l’ouvrage cultuel.

Le Chef-d’œuvre est toujours dédié à un Saint à une Église ou à un Roi. Cette connexité plaide pour cette maçonnerie spirituelle. C’est une ascension de l’esprit qui s’appuie sur l’amélioration du tour de main en conscience et en perspective d’un but intellectualisé. Il est impossible de travailler sur le chantier d’une cathédrale sans en connaître le dimensionnement intellectuel et spirituel. Cette affirmation est d’autant plus pertinente si elle s’adresse au chef du chantier et à

ses adjoints. Tous ne pouvaient être des clercs formés dans un cursus classique.

Il est donc hautement probable qu’il ait existé une maçonnerie spirituelle composée à la fois d’opératifs éclairés et volontaires et de cléricaux rompus aux arts libéraux, socle ordinaire d’expression et de pensée commune.

Le maître était suffisamment aguerri aux arts libéraux, même de manière superficielle, pour entrer dans un dialogue fructueux avec le chanoine, ou l’évêque. Inversement, on a connu Des Moines bâtisseurs, cisterciens notamment, sans doute éduqués, bons praticiens dans le maniement du maillet et du ciseau.

Le maître maçon n’était pas la brute épaisse que l’on peut imaginer.

 

Le maître maçon s’oblige à l’étude des 7 arts libéraux comme préparation à l’étude de la Bible et donc à la sagesse chrétienne. Connaître la Bible c’est comprendre la dimension sacrée du bâti et l’élévation à donner à l’architecture. Les cathédrales gothiques aux flancs desquelles étaient installées les loges de tailleurs de pierre témoignent de cette élévation de l’âme. Pouvait-on s’affranchir de la pesanteur de la matière sans élever son âme par l’étude et le perfectionnement ?

 

Une cathédrale n’est pas uniquement affaire de technique. La théologie est omniprésente, l’harmonie des formes fait écho aux harmonies musicales et à la sonorité du lieu, la proportion des corps sous l’enseignement de la médecine se retrouve dans la statuaire et la divine proportion, la grammaire et la rhétorique ordonnancent l’explication et la lecture logique du livre de pierre. Aucune des sciences d’élévation de l’âme n’est superflue, toutes se conjuguent dans l’exhaussement du genre humain.

 

Dans ce cadre, l’architecture n’est que la figure servante et technique des 7 arts libéraux.

Par son élancement et ses ruptures d’ogives, sa transparence cristalline, la cathédrale libère enfin l’esprit enfermé dans la matière.

 

L’étude de la Bible n’était pas à cette époque uniquement exotérique, elle était aussi ésotérique. C’est ce dimensionnement dans l’interprétation des écrits sacrés qui est véritablement initiatique et que l’on retrouve illustré dans le bâti sacré.

Dieu est omniprésent dans le quotidien du maçon et dans le vécu de la confrérie à laquelle il appartient. Sa vie en est « réglée » à la manière Des Moines, si l'on en croit les anciens devoirs. Les rituels maçonniques ne font rien d’autre que d’assimiler les cycles de la nature que Dieu a laissé se manifester.

À l’évidence, le maçon construit la maison de Dieu. Il éventre la terre des enfers pour ses fondations puis il tutoie la puissance céleste du haut d’un clocher.

À l’issue de ces constatations nous pouvons émettre l’hypothèse que les arts libéraux, dans une application superficielle au métier, étaient d’origine ecclésiale. Le but d’interpréter les textes sous l’angle ésotérique, à permis aux générations de maçons qui se succédèrent sur les chantiers, de parler d’une même voie et d’amener progressivement l’architecture, sous couvert de la Géométrie, d’une science technique inhérente à la matière, à une science de l’élévation de l’âme et de l’esprit.

 (...)

Y a-t-il une actualité dans la pratique des arts libéraux ?

 

De nos jours les maçons spéculatifs trouvent-ils une quelconque élévation de l’esprit dans l’étude des arts libéraux ?

Loin d’être obsolètes, les arts libéraux mettent le franc-maçon sur la voie de la logique et de l’harmonie, tout en affirmant clairement sa pensée.

Le travail du maçon spéculatif se résume dans la taille de sa planche, œuvre de l’esprit. Le but est le même que celui des opératifs, construire un temple, temple de l’esprit et temple intérieur pour les spéculatifs. L’harmonie et la perception juste de l’univers sont les préalables nécessaires à la production de l’œuvre. C’est ainsi que l’on enseigne encore les ordres d’architecture, et que l’on tâche de travailler sur les cinq sens qui viennent alimenter notre boîte d’os.

Pour ceux d’entre nous qui voyaient dans cet enseignement, une vague trace d’un passé révolu, qu’ils en sont pour leurs frais. Ces disciplines sont actuelles et indispensables à la progression initiatique et ne peuvent être remplacées par aucune modernité ni virtualité numérique. Réactualisées dans leur sens initiatique, elles enracinent et fondent le socle de la progression pour l’étude des textes sacrés.

Le malentendu pour nos contemporains est de percevoir ces sciences libérales et leurs accessoires, sous l’angle de l’actualité des nouvelles sciences dont la contrepartie est la rentabilité du produit. C’est une des conséquences du productivisme de la pensée moderne que de vouloir transformer un art ou une science en technologie rentable. C’est l’éternel combat entre tradition et modernité dont les arts libéraux font les frais.

Ces arts sont du niveau du compagnon. Il doit les connaître pour passer au grade de maître et changer d’univers. Symboliquement il gravit un certain nombre de marches, il s’élève spirituellement tout comme il gravit les échelons représentés par les barreaux de la Scala Philosopha. Arrivé au sommet, il entrevoit la figure de Dieu pour les opératifs et il accède à la chambre du milieu pour les spéculatifs.

C’est une mort et une résurrection dans la plus pure tradition chrétienne. Tel Lazare, le premier ressuscité de la Bible, le maître se relève et son âme s’exalte, se détache de la matière.

C’était bien le but initial de l’enseignement des sept arts libéraux : exalter l’âme du corps.

 

La théorie de la transition tout comme la théorie de l’emprunt s’accommodent fort bien de l’usage des arts libéraux dans les rangs des opératifs. Il me semble que le poids de l’église étant si important, le pouvoir des clercs « scribes » dans les assemblées de métiers et des confréries, perfusera une pensée opérative rythmée par l’église. En retour, la technique opérative infusera dans l’esprit clérical.

 

Je pense que les premiers maçons acceptés, depuis fort longtemps, furent les moines bâtisseurs du moyen-âge roman. Les intellectuels rose-croix, et autres familiers de la royale société, typiquement spéculatifs arrivèrent bien plus tardivement, avec dans leurs bagages l’initiation rose croix. C’est ainsi que la rose du bâtisseur rencontra la rose sur la croix.

On peut dire que l’« acceptation » dans les confréries et les corporations a toujours existé et que l’« emprunt » par les « modernes » anglais est hautement probable.

 

Nous vivons sur la richesse de ces espaces-temps, et nous pouvons affirmer qu’il existât une initiation de métier fondée sur l’ésotérisme de l’interprétation des textes chrétiens, dont le but était la construction de la maison de Dieu, prise pour temple de Salomon dans son sens ontologique. Le maçon spéculatif continua l’édification de son temple intérieur en prenant exemple sur les Chefs d’œuvre dédiés des anciens. Cette continuité repose sur l’élévation des connaissances pour atteindre la perfection du Chef d’œuvre.

 

On ne peut affirmer de manière péremptoire qu’il n’y a pas eu transition. Au plan initiatique, il a suffi que trois maçons spéculatifs soient acceptés dans le temple opératif pour que ceux-ci revenant, ou créant une loge spéculative, transmette valablement la continuité de la chaîne initiatique. Il est donc clair que la maçonnerie spéculative est bien régulière dans son lignage. De plus il est certain que nombre de loges se créèrent, à l’imitation des loges opératives auxquelles elles empruntèrent leurs attributs, codes et outils. Il suffisait alors qu’il y ait parmi eux des acceptés ou des maçons de métier dûment initiés pour que la chaîne de la transmission se poursuive, augmentée, par d’autres influences.

 

Notre avis est que les deux théories, celles de l'emprunt et celle de la transition s’appliquent pour le bien de l’ordre maçonnique contemporain. Les arts libéraux témoignent par leur universalité que l’élévation de l’âme peut être la chose la mieux partagée dans les idées comme dans leurs « mises en Œuvre », que l’on soit de tradition opérative ou spéculative.

(...) 

 

Eri\Rom\

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 19:12

                                                 2°) La Lumière du Debhir

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Ternarité de la Lumière, et l’œil de l’esprit

 

Si le paradoxe du binaire est affirmé dans le Hékal dans le but de faire surgir le ternaire, il en est de même à l’Orient. L’équerre du maître de loge ne comprend que deux branches.

 

L’hypoténuse est absente en apparence bien que présente virtuellement. Elle relie les extrémités de l’équerre, tel est son rôle. Elle n’existe qu’au prix d’un effort mental, et qu’en fonction de la présence réelle des deux autres branches. Elle unifie des trajectoires et des longueurs différentes sans pour autant en être une synthèse. Elle « est » et sa visibilité est intérieure. Tel est le sens du ternaire au Debhir.

 

Être au-delà de l’apparence c’est le dessillement du regard dans le Hékal. Être sans apparence c’est la vision totale au Débhir.

Pour cet exercice c’est la lumière qui favorise ce discernement.

 

Trois fenêtres éclairent les travaux.

 

Une se situe à l’Orient, une au Midi et enfin la troisième à l’Occident. Cette vision est celle que l’on peut avoir à partir du Hékal. Cette disposition judicieuse nous rappelle le caractère cyclique de la course du soleil qui rythme le temps du travail, de la prière et de la famille. Au-delà de l’aspect cyclique et laborieux de l’éclairage des colonnes, on remarquera que les travaux se déroulent de midi à minuit. Ces deux limites sont les deux temps frontière de la symbolique du renversement du sablier. Ils sont traditionnellement marqués par la Saint-Jean d’Été et d’Hiver. Le cycle implique le renversement sur les deux plans fondamentaux de la symbolique métaphysique, le plan microcosmique et le plan macrocosmique.

Le renversement autorise le changement de plan et donc de point de vue, tout en restant sur le même axe fondamental, celui qui relie le haut et le bas.

Il convient d’en tirer une signification plus profonde qui implique une vision à partir du Debhir.

Il y a la lumière horizontale qui naît à l’Orient et qui fait naître l’ombre et l’univers des formes. La lumière verticale, plus forte au midi, qui absorbe l’ombre et indistinct les formes, et enfin cette lumière disparue du couchant, qui quitte l’univers des vivants, ce que les francs-maçons appellent l’Orient éternel.

Voir la lumière est le but de l’initiation au premier degré. Il faut la percevoir sous ces trois aspects, celui des formes, celui sans formes et enfin au-delà du visible.

Il est convenu dans tous les rites que la lumière vient de l’Orient ce qui explique l’orientation et l’organisation cosmogonique du Temple.

On dit dans la plupart des rites qu’il y a trois lumières.

 

Dans les rituels francisés, installés par les loges Jacobites dès 1688, les trois lumières sont le Maître de loge, le Soleil et la Lune installée au Debhir marquant une hiérarchisation entre le Saint et le Saint des Saints. C’est une véritable voie initiatique ascensionnelle qui est ainsi soulignée partant du Hékal vers le Debhir. La Bible est seulement accessible au Maître de Loge intercesseur, dont la lecture illumine les colonnes. Les apprentis, compagnons et maîtres ont appris qu’il fallait lire la Bible autrement, lorsqu’ils ont prêté serment les yeux bandés. L’oblitération de la vue développe « l’œil de l’esprit », c'est-à-dire cette nouvelle représentation mentale des sons et des images. L’activation d’autres facultés cérébrales oubliées dans la vie profane est de première importance pour saisir l’impact de cette lumière.

Dans les rituels anglais d’esprit orangiste au milieu du XVIIIe siècle, les trois grandes lumières sont l’Équerre, le Compas et la Bible ou du VLS, ouvrant la tolérance interprétative face à la vérité révélée d’un catholicisme rigoureux ; la Bible n’est plus sur l’autel du Vénérable, mais sur l’autel des serments dans le Hékal même et donc accessible aux ouvriers.

 

Nous n’aurions aucun mal à faire correspondre la triade continentale d’essence catholique opérative (très proche des anciens devoirs) et la triade anglaise plus abstraite. Les deux triades sont indissociables. On peut faire correspondre le Maître de loge mis pour le Christ et élément primordial, au livre fondateur sacré représenté par la Bible, le soleil par son côté actif à l’aune de la raison est l’équivalent du compas et la lune connue pour sa passivité intuitive est associée à l’équerre. S’agissant du Maître de loge, au-delà du voile des symboles, est la représentation du Christ flanqué du Soleil et de la Lune.

 

La remontée abstraite de la triade anglaise autorise un élargissement métaphysique de l’interprétation. Les rituels continentaux hérités des jacobites catholiques, infèrent les trois lumières traditionnellement représentées sur les tympans des cathédrales ou des églises, alors que les Anglais sous la poussée protestante et presbytérienne font abstraction du corps du Christ pour laisser place aux outils de la création, l’équerre et le compas et à l’interprétation directe de la Bible.

 

Dans les rituels contemporains, cette différence interprétative entre grandes lumières et lumières simples s’est estompée. L’enjeu politico-religieux a disparu face à un œcuménisme pacifié.

Pourquoi cette répartition ternaire dans l’affectation de la lumière ?

 

Il existerait différentes déclinaisons de la lumière en rapport direct avec l’objet à laquelle elle se rapporte. La dualité apparente du premier grade, la synthèse axiale du deuxième grade et enfin la vision du tout unitaire du troisième grade.

 

La lumière source et différenciation binaire :

 

La première perception de la lumière se déroule dans le rituel d’initiation et se perpétue à la réouverture des travaux de la loge. L’apprenti voit cette lumière initiatique pour la première fois et à chaque tenue. Il y a donc un commencement appelé « source » et des recommencements appelés « cycles ». La manifestation de la lumière se fait contre les ténèbres dans une série de successions permanentes. Le jour succède à la nuit de manière perpétuelle, tout objet éclairé à son ombre, c’est l’enseignement de l’allumage des feux en loge.

 

La lumière suivant les rituels, vient souvent des parvis et entre en loge. Le monde extérieur dit profane est imprégné de cette lumière illuminatrice, qui se présente comme un bruit de fond, mais seuls les initiés en perçoivent la source. Il faut quérir cette lumière originelle et la ramener dans l’enceinte sacrée pour rejouer l’introduction du prologue de Jean.

 

La lumière « source » provient de la description qui en est faite au prologue de l’Évangile selon saint Jean. Elle semble être la déclinaison dans la sphère humaine de la Parole divine à l’origine du tout.

La Lumière qui en découle est la Vie et s’impose face aux ténèbres. Ici la Lumière est le témoignage de la Parole divine qui est aussi le Verbe [1]:

 

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. 

Elle était au commencement avec Dieu.

 

Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.

 

En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

 

La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue.

 

Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean.

 

Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui.

 

Il n'était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.

 

Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. »

 

 

C’est la lumière qui permet de voir la concrétude de notre environnement et plus encore. C’est la lumière du maître de loge qui éclaire nos travaux.

Celle-ci a trait au jour et à la nuit en rapport avec le couple Soleil et Lune à l’Orient, mais aussi les cases noires et blanches du pavé mosaïque. On a vu précédemment que la différenciation n’était pas une création, mais un ordonnancement d’une source primaire universelle. Certains appellent cette source primaire une « materia prima », sans forme qui se trouva organisée et hiérarchisés sur la base du principe « Ordo ab chaos ». Donc la forme et la matière différenciées ont une source commune.

Pour simplifier, on peut assimiler cette organisation à une dualité apparente comme le jour et la nuit, comme le bien et le mal, comme les quatre éléments, les mers, les continents, les montagnes, la terre, bref tout ce qui nous semble différencié, mais qui en vérité provient d’une source unique. La lumière des hommes éclaire la différenciation et donne une apparente dualité. Le jour et la nuit se succèdent, c’est le point de vue cyclique qui explique ce monde.

 

C’est l’inventaire des éléments recomposés qui le caractérise, en quelque sorte, cette lumière est celle que doit percevoir l’apprenti, faite de dualité et de cycle.

Le vénérable maître préside aux travaux de la loge, au même titre que le soleil préside au jour et la lune à la nuit. Cette triade est indissociable. Il est l’ordonnateur de la loge et joue le rôle de démiurge, porteur de lumière lorsqu’il recrée le monde dans sa loge. L’imago Mundi est réordonnée au bout de son épée flamboyante. C’est ce rayon de lumière qui irrigue les colonnes. Ce travail de différentiation est à l’égal des six jours de la Genèse, et repose sur le cycle solaire renouvelé du soir et du matin dans l’évangile, là ou l’ombre et la plus longue, et de midi à minuit dans les rituels là ou l’ombre est totale ou absente. Il y a donc deux points de vue, l’un horizontal, l’autre vertical et axial.

La différenciatio

n est très bien décrite dans la Genèse de l’Évangile.

 

Les six jours de la différentiation sont :

 

 « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.

 La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.

 Dieu dit : que la lumière soit! Et la lumière fut.

 Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres.

 Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.

 Dieu dit : qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux.  

 Et Dieu fit l'étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l'étendue d'avec les eaux qui sont au-dessus de l'étendue. Et cela fut ainsi.  

 Dieu appela l'étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le second jour.  

 Dieu dit : que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. Et cela fut ainsi.  

 Dieu appela le sec terre, et il appela l'amas des eaux mers. Dieu vit que cela était bon.  

 Puis Dieu dit : que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi.

 La terre produisit de la verdure, de l'herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.  

 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le troisième jour.  

 Dieu dit : Qu'il y ait des luminaires dans l'étendue du ciel, pour séparer le jour d'avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ;  

 et qu'ils servent de luminaires dans l'étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi.  

 Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour et le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles.  

 Dieu les plaça dans l'étendue du ciel, pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d'avec les ténèbres. Dieu vit que cela était bon.  

 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le quatrième jour.  

 Dieu dit : que les eaux produisent en abondance des animaux vivants, et que des oiseaux volent sur la terre vers l'étendue du ciel.  

 Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent et que les eaux produisirent en abondance selon leur espèce ; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon.  

 Dieu les bénit, en disant : Soyez féconds, multipliez et remplissez les eaux des mers ; et que les oiseaux multiplient sur la terre.  

 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le cinquième jour.  

 Dieu dit : que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce. Et cela fut ainsi.  

 Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.  

 Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.  

 Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.  

 Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.  

 Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture.  

 Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut ainsi.  

 Dieu vit tout ce qu'il avait fait et voici, cela était très bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour. »

 

La lumière axiale :

 

De la différentiation par l’action de la lumière (Logos) et la mise en place des cycles dans la matière, nous pouvons enfin concevoir la bipolarité des apparences. La bipolarité nous ramène par synthèse au corps principal. Ainsi le Soleil et la Lune sont une seule et même entité, appelée système solaire, qui lui-même n’est, qu’un élément d’un plus vaste ensemble où il doit trouver son pendant polaire et ainsi de suite. L’homme microcosme est en rapport direct et ascendant avec l’homme macrocosme. Ce qui nous met sur la voie de cet axe sublime, c’est la disposition du Maître de Loge à l’Orient comme transmetteur de cette lumière axiale par son Épée flamboyante. L’épée est un axe, une reliance à plus haut. Il se tient entre le Soleil et la Lune indiquant par la même que l’axe microcosmique d’un système solaire ne peut suffire, il est une sous-représentation d’un tout bien plus ample.

 

Le couple Soleil-Lune n’est pas sans rapport avec le couple équerre-compas, c’est là que nous trouvons un rapport direct entre le système ancien, microcosmique des trois lumières de la loge et le système moderne macrocosmique aussi global qu’abstrait. Leur superposition nous fait remarquer un axe qui passe de l’angle de l’Équerre et qui monte jusqu'à l’œil du compas. Or le franc maçon se tient entre l’équerre et le compas à l’aplomb de cet axe.

Que signifie cet axe ? Que la lumière illuminatrice traverse tous les plans qui ne sont que des avatars d’une seule et même entité ; que l’apparence trouve sa limite de perception repoussée à l’infini dans un au-delà autrement plus conséquent et que la perception de cette totalité universelle est le but final du parcours initiatique. En effet une telle vision transforme l’individu, en métamorphosant sa perception du réel.

 

La Loge, en organisant le temple comme une réplique symbolique de l’univers, fait passer un fil à plomb à la verticale du centre du Hekal et du pavé mosaïque, démontrant que le système apparent est relié par un même axe à un système plus ample qui l’intègre et le dépasse et ainsi de suite. La lumière vient de l’Orient dans notre système de perception, mais symboliquement elle se transmet par l’épée flamboyante du vénérable qui est en relation avec cet axe universel que l’on voit représenté par la lettre G au centre du pentagramme et de l’hexagramme. Ceci indique que le microcosme et le macrocosme se superposent traversés par le même axe illuminateur. Se mettre à l’intersection du plan représentatif de notre monde et à l’aplomb de cet axe permet d’être au centre de soi et du monde.

Par son avancement, cette vision est réservée au compagnon qui tente de finir son parcours dans la matière. La verticalité symbolique est sa destinée, car il se tient entre la perpendiculaire et le niveau.

 

La lumière loi universelle, l’unité constitutionnelle

 

Le principe ternaire en loge semble donc lié à une lumière « illuminatrice ». La superposition de l’équerre et du compas se fait sur la Bible pour les anciens ou sur tout livre considéré comme sacré. C’est donc le sens de l’écriture sacrée qui irradie le symbolisme de la superposition de la matière et de l’esprit, de la terre et du ciel. Cette irradiation vient d’un ailleurs fondateur de différenciateur de toutes choses. Cette origine, cette ontologie sont expliquées par le sens ésotérique de l’écrit sacré. Cet écrit par sa nature explicative est la « règle universelle » sans laquelle rien ne peut être bâti.

 

Dans l’Art Royal il ne peut y avoir de construction sans plan élaboré sur la planche à tracer des maîtres. La planche à tracer a pour fonction de faire passer le plan de la deuxième dimension à la troisième, donnant l’aspect réel à la conception abstraite.

Il ne peut y avoir monde, quelle que soit sa dimension, sans loi de construction. Cette loi est commune à tous les mondes, elle est règle universelle et constitutionnelle.

 

Comment la loi de construction devient lumière ?

 

La loi-lumière se révèle à nos yeux et à notre entendement simplement parce que nous sommes en mesure de la concevoir. Si tel n’était pas le cas, nous serions probablement ramenés au niveau du règne animal, avec le degré de conscience correspondant. Cette aptitude à la transcendance est prise en compte au plan symbolique dans les loges maçonniques, mais elle n’est pas toujours expliquée.

Ces notions métaphysiques n’impliquent nullement une croyance, encore que cet état ne soit pas un handicap, bien au contraire.

 

À l’inverse peut-on être un franc maçon et ne pas envisager de loi universelle ?

 

 Cela nous semble difficile. L’équerre et le compas même superposés et entrelacés perdent leurs sens symboliques s’ils ne sont pas les instruments d’un architecte appliquant une règle. Tant et si bien que dans l’élan le plus désacralisateur que la franc-maçonnerie laïque ait pu connaître, la suppression de la Bible ou du VLS, s’est traduite par la mise en place de la règle support de l’équerre et du compas. On a ainsi confirmé l’existence d’une règle ordonnatrice universelle à toute construction et donc à chaque monde.

 

Cette transcendance axiale, aboutissement ternaire par excellence, nous permet de traverser des couches successives représentatives de mondes dont la différenciation s’opère sur des modalités différentes pour, au final, atteindre un centre ultime, le centre de tous les centres. En loge, cette explication ultime est perçue par le centre ontologique de la loge représenté par le G de l’étoile. Il est inatteignable au premier degré, il se perçoit au second degré et il est enfin croisé au troisième degré. Géographiquement, on peut le situer dans le Hékal de la loge à l’intersection entre l’axis Mundi du fil à plomb qui descend de l'étoile Polaire de la voie lactée et qui croise le plan manifesté de la loge, représenté par le pavé mosaïque.

 

Personne ne peut marcher sur ce pavé et donc croiser ce fameux axe fondateur. Il faut passer des petits mystères aux grands mystères pour en avoir la révélation. C’est en effet en survolant le pavé mosaïque que le jeune maître croise l’axe. Il quitte un état pour atteindre un autre état. Cet « envol » exprime la dissociation de l’esprit et du corps et l’accès à une forme d’impermanence en rapport direct avec cette source initiale.

 

 La représentation de ce centre est donnée par la croix tridimensionnelle dont le centre rayonnant est à l’origine du tout. C’est le point où tout prend naissance et où tout converge. Le centre devient le Principe.

Voir la lumière veut dire concevoir ce centre ontologique. C’est ici l’aboutissement du principe ternaire en loge.

 

Conclusion :

 

En fonction du grade et de notre progression sur le chemin de l’initiation, la lumière se révèle progressivement.

Il faut toujours se poser la question : d’où vient la lumière ?

Il faut toujours faire le rapprochement entre la lumière extérieure, la lumière intérieure et la lumière illuminatrice.

 

Le ternaire de la loge vient abonder l’explication ésotérique de la lumière. Cette dernière ne peut être saisie au premier coup d’œil. Cette imprégnation de l’esprit fait naître la conscience du tout unitaire dont la lumière n’est qu’une expression. Le ternaire a cet avantage de nous ramener à l’unité principielle. Le ternaire révèle à nos yeux l’unité fondatrice en nous sortant d’une dualité manichéenne que nous considérons comme l’impasse existentielle par nature.

 

 Le franc-maçon s’exerce à unir les contraires et à observer les complémentaires. Seule cette synthèse salvatrice du ternaire permet notre progression initiatique.  

 

E\R\




[1]              Nous donnons ici la traduction avec le mot Parole plutôt que Verbe pour faire référence au système maçonnique de la Parole perdue.

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 18:55

Lumiere_interieure1-1-.jpgDésirer la lumière

 

L’homme, éternel désirant, brûle de saisir ce qui ne peut être vu.

 

C’est ainsi depuis sa chute, son éloignement de sa source originelle.

 

Lorsque l’on enlève le bandeau, on est ébloui et rempli d’une totalité inexplicable qu’on tentera de connaître. La Lumière est la part éblouissante de l’unité originelle, elle est avec la parole perdue et l’Être, la déclinaison de cette dernière. Le Verbe est la Lumière de Dieu dans les évangiles.

 

La Lumière intervient dans la manifestation comme un moment unique qui éclaire le Chaos. Ainsi par le « fiat lux », l’univers cosmogonique s’éclaire.

Il faut désirer cette unité pour comprendre le principe ternaire au premier degré. Il faut vouloir remonter jusqu'à la source.

Connaître l’unité est une affaire complexe et plutôt insaisissable. Sa nature métaphysique rend la tâche ardue pour l’apprenti. Ce dernier constatera l’expression manifestée du tout par ses représentations opposées. Ces oppositions sont l’expression tangible, organisée et contingente du Chaos. Ces apparences faites d’antagonismes ne sont que l’expression différenciée de l’unité, c'est-à-dire la duplication concrète d’une abstraction pour nos faibles esprits. Du reste en relisant la Genèse on constate que le monde procède de six jours de différenciations en couples apparemment opposés, alors qu’ils sont unis par leurs origines communes !

Il est difficile, quand on démarre sur la voie initiatique, de percevoir cette subtilité ontologique. C’est la raison pour laquelle la franc-maçonnerie s’appuie sur le symbolisme constructif et graduel de l’Art Royal.

 

Le concret entre en résonance avec l’abstrait par le biais du symbole. Quoi qu’il en soit la lumière permet de voir. Elle autorise l’accès à la connaissance.

 

Nous rechercherons les traces du ternaire dans la loge maçonnique et dans la mise en œuvre des rituels.

Pour la facilité d’expression, nous scinderons en deux la recherche du ternaire. Nous commencerons par le Hékal qui est le Saint dans lequel les apprentis et compagnons peuvent se mouvoir, puis nous continuerons au Débhir qui est la source de toutes lumières éclairantes de la connaissance.

 

 

1°) Le Ternaire dans le Hékal

 

Nous partons du constat que la dualité règne dans le monde profane, c'est-à-dire sur les parvis, car c’est une lumière faite d’ombre qui les éclaire. La dualité génère à elle seule par l’incompréhension qu’elle suscite, les jalousies, les envies insatisfaites. Elle entretient les vices que le franc-maçon s’attache à combattre. Cependant l’impétrant désireux d’entrer en franc-maçonnerie est déjà sous l’emprise du trois qui semble être la règle maçonnique de base.

Il est enquêté par trois fois et on s’assure de son intention de quitter la dualité pour découvrir une autre voie, son testament philosophique répond aux trois questions fondamentales qui le situent en temps qu’homme microcosme, enfin, son admission donnera lieu à trois votes.

 

Les premiers pas ; du binaire au ternaire.

 

Les premiers pas de l’apprenti sont au nombre de trois et emmènent l’apprenti placé entre deux colonnes frontière, face au pavé mosaïque où règne l’apparence du binaire. Pour l’aspect binaire, nous observons que le Hékal est un carré long, soit un double carré.

Il y a bien une progression apparente qui nous porte du deux au trois. En soi, l’apprenti entre les colonnes figure une troisième colonne qui a pris de B et de J les caractères bibliques. Il est le troisième terme de la porte occidentale. Ledit pavé mosaïque est entouré des trois flambeaux ou colonnettes. Ce pavé, nous le savons, est l’image même de l’apparence trompeuse et c’est sur ce motif que l’apprenti tente de dessiller son regard.

C’est donc par deux paradoxes établissant le binaire comme règle apparente pour un observateur extérieur que se déroule l’entrée en loge. Ici l’observateur est acteur lui-même de la scène et doit se compter dans le tableau. Pour y parvenir, il peut compter sur ses cinq sens réactivés et purifiés par les quatre épreuves de l’initiation. La lumière de l’initiation lui indique qu’une image peut être interprétée à différents niveaux tout comme la lumière est autre chose qu’un phénomène ondulaire, vibratoire et physique. Le décollement du regard est un effort difficile qui suppose une sensibilisation, ou plus précisément une initiation. En se présentant dans la loge, l’apprenti devient lui-même le creuset du troisième terme, celui qui donne le sens à l’art des bâtisseurs. Il faut en effet construire le maçon en fonction de l’union des contraires. Grâce à lui toutes les pierres trouveront leur place dans l’édifice, y compris celle que l’on avait rejetée en raison de sa forme différente.

Faire disparaître la dualité, découvrir la ternarité qui en est la suite logique, et enfin relier cette dernière à l’unité fondatrice telle serait la finalité des trois stades de l’initiation au premier degré.

 

Les premiers indices

 

Avant d’entrer en loge, dans le cabinet de réflexion l’impétrant voit les premiers symboles qu’il interprétera plus tard. Le soufre, le mercure et le sel. C’est la première approche sensible du ternaire des éléments, face  au système binaire de la vie et de la mort représentée par le crâne et la faux d’un côté, par le blé ou le pain de l’autre. Après réflexion, le binaire lui apparaîtra moins comme une alternative (être vivant ou mort) qu’un cycle cohérent et indissociable, suggéré par le sablier que l’on retourne.

Le cycle passera par la dissolution et la recomposition alchimique des éléments. En effet, les éléments alchimiques sont les bases symboliques de la recomposition de la nouvelle pensée spirituelle de l’initié. C’est le solve et coagula, deux opérations qui s’additionnant l’une à l’autre vont purifier et métamorphoser l’initié.

Ainsi, dès le cabinet de réflexion, est instaurée l’idée que le binaire n’est qu’un élément de nature cyclique. Ce qui meurt en ce bas monde finit par renaître et que c’est le ternaire qui ouvre la voie à la recomposition. Dans les deux propositions, c’est l’unité qui est l’aboutissement.

 

La loge par son organisation et sa respiration s’organise autour du nombre trois.

Trois la compose, les trois maillets représentatifs de l’autorité égrènent l’écoulement du temps maçonnique et rythment les travaux en loge.

Les trois pas de l’apprenti le mettent en résonance, en symbiose avec les lois de la nature, qui s’invitent et s’harmonisent dans le temple.

La triple voie et la triple batterie, l’acclamation écossaise, la chaîne d’union rompue par trois secousses, viennent couronner l’implication sonore et physique du ternaire chez l’apprenti.

Le triangle présent à l’Orient qu’il soit isocèle, intégré dans le sceau-de-Salomon ou équilatéral, qu’il soit centré de la lettre G, d’un œil, ou du nom de l’ineffable, qu’il soit rayonnant ou pas, dans tous les cas, semble confirmer que le règne du ternaire s’impose et organise la loge.

 

 La loge est divinisée par le double ternaire de l’Orient, à savoir le triangle quelque soit sa forme et la triade Soleil, Maître de loge, Lune.

On peut les considérer comme les symboles du Verbe divin, qui, selon le prologue de Saint-Jean, est la vie qui est la lumière des hommes.

 

Tenir le cap

 

Les voyages de l’impétrant en loge le font cheminer du binaire vers le ternaire. Entre les deux colonnes binaires, il doit progresser alternativement de l’Occident à l’Orient et inversement, on lui présente le tableau de loge posé sur un pavé mosaïque archétype de la dualité apparente. Dans ces voyages il n’est pas livré à lui-même, on l’accompagne pour lui faire découvrir les mystères de l’initiation. Dans son cheminement il est « tenu ». Il découvre les trois épreuves et sa circumambulation solaire se fait autour des trois flambeaux Sagesse, Beauté et Force.

 

Tenir le cap seul n’est pas chose aisée, c’est pour cela que l’initiation se déroule toujours dans un milieu collectif. C’est ce qu’illustrent parfaitement les trois pas rectilignes, retenus et rigoureux de l’apprenti. Dans toutes les circonstances de son initiation, on navigue du binaire au ternaire comme si le premier barreau de l’échelle initiatique était de se détacher de l’apparence bipolaire des choses[1]. L’initié doit dépasser l’aspect simpliste des formes et des concepts pour ouvrir la troisième voie. C’est la traversée du pavé mosaïque qui indique que le chemin à suivre se fait sur le fil du rasoir. Comment poursuivre son chemin et ne pas tomber dans la simplification du noir ou du blanc, qui au final ne sont que les deux expressions d’une même réalité ? Il faut outrepasser les antagonismes apparents.

Voir autrement pour voir plus loin. La vision globale est l’enjeu du voyage du couchant vers le levant, l’Occident vers l’Orient.

 

Cette vision globale lui sera donnée à la fin des trois voyages.

 

Les moyens à sa disposition

 

L’initié sur le chemin n’est pas livré à lui-même, il est encadré dans son parcours puis instruit par son second surveillant.

Il dispose d’un outillage qui va l’aider à prendre conscience de lui-même.

Le maillet (volonté agissante) et le ciseau régulièrement aiguisé (discernement réactualisé dans l’action) accompagnés suivant les rites du levier (puissance mesurée) ou de la règle (loi universelle et travail journalier) vont lui confirmer que le principe s’exprime dans l’application. Si les deux mains prennent séparément le maillet et le ciseau pour opérer sur la matière, elles s’unissent pour la maîtrise mesurée du levier ou l’application juste de la règle. Ces deux outils ou instruments s’utilisent à deux mains, consacrant la volonté agissante et le discernement dans l’action comme synthèse du premier degré. Il y a alors passage du 2 au 3 dans l’unité agissante d’un corps. Au départ le maçon utilise deux outils complémentaires puis unifie ses capacités dans l’application d’un seul. Ce troisième outil ou instrument du grade consacre l’unité de l’action et de la réflexion.

 

Au grade de compagnon, il en est de même, il y a toujours trois outils ou instruments qui permettent l’exercice de synthèse, et l’expression concrète, mais cette fois-ci axiale, symboliquement dirigée vers l’unité originelle. L’ennéade des outils donne à chaque grade 3 outils et instruments spécifiques du grade considéré, soit 9 au total.

Pour être plus précis, le système ternaire renvoie l’alternative basique à un concept unificateur et synthétique, qui est la source de cette binaritée et qui trouve son expression dans un troisième terme, expression unitaire de la dualité. L’action et la réflexion se trouvent unies comme le corps et l’esprit, l’union faite par un troisième terme qu’il nous appartient de définir.

 

Ainsi le Un initial est en prise directe avec le trois synthétique. Le trois est la traduction concrète du Un métaphysique, dissimulé à nos sens.

 

En Franc-maçonnerie la truelle est l’outil-symbole le plus puissant (au REP) par ses capacités à lisser les joints et unifier. Il est connu au tableau de loge du compagnon. Entre les mains du maître de loge, il est le dernier des outils opératifs à l’usage des maîtres. La truelle permet de faire le joint entre l’analyse et la synthèse, et d’échapper au point de vue extrême. À certains rites, il est aussi présent sur l’autel du Vénérable. On regrettera l’abandon par d'autres, de ce symbole qui permet en tout état de cause de franchir la frontière de la dualité, d’unifier deux individualités en une seule entité. De résoudre les oppositions en loge.

 

La truelle lisse les joints, amoindrit la différence et la singularité dans un but d’harmonie commune. Le joint et le surfaçage donnent à l’ensemble construit une harmonie et une homogénéité alors même que chacune des pierres que compose l’ouvrage est aussi différente de sa voisine que les maçons eux-mêmes. On remarquera par ailleurs sa forme triangulaire et triunitaire, entre en résonance avec le symbole du soufre…

 

 

Le cadrage divin

 

L’apprenti fait son serment la main droite dégantée sur le prologue de l’Évangile selon saint Jean sur lequel est posé l’équerre et le compas. La loi universelle est présente en loge. Ici on touche à la ternarité qui fonde l’initiation de métier. Plus que les outils mis à disposition, c’est la loi sacrée qui irradie l’équerre et le compas. L’esprit et la matière n’ont pas à être distingués de manière binaire, dans la mesure où on est capable d’en interpréter la source ontologique. De la même façon, c’est la loi universelle qui préside à nos réflexions et à nos actions. C’est encore une forme de polarité qui s’offre à nous : Du binaire de l’équerre matière et du compas esprit, l’apprenti comprend qu’ils sont indissociables et forment une seule et même pièce qui trouve son souffle dans la loi sacrée. C’est ce que j’appelle le cadrage divin de l’initiation, ce qui n’entraîne pas nécessairement la croyance en une quelconque religion. Nous sommes ici à la source même de la ternarité. Le trois est l’expression concrète du divin et ne se conçoit qu’a l’aune de son texte sacré. Sans ce texte, le ternaire ne serait qu’une projection mathématique. Avec ce texte, il devient une projection ontologique.

 

L’unité ontologique et la ternarité ont un lien direct. À l’abstraction métaphysique, de l’unité originelle répond l’aspiration haute d’une synthèse.

C’est le cadrage divin qui permet le dépassement de toutes les oppositions binaires et de toutes les apparences.

Toute opposition apparente n’est l’expression bipolaire d’une même entité.

 

 

 

Tripartition unitaire ou l’âme de l’initié

 

La franc-maçonnerie spéculative reformule la tripartition du monde en Ciel-Homme-Terre.

Oeuvrant dans la matière, l’apprenti doit traduire au concret l’inspiration haute. Pour y parvenir, les anciennes sociétés initiatiques ont établi des bornes interprétatives et comportementales qui jalonnent le parcours initiatique. Ces bornes règles sont les trois colonnettes Sagesse, Beauté et Force. Elles viennent compléter les deux colonnes J et B, elles indiquent la méthode d’application de la règle divine dans le travail de la matière dont on sait qu’il est un travail sur soi. Ce travail se fait sous l’égide de la Sagesse qui est une inspiration venue d’en haut qui s’applique à nos travaux, de la beauté ou de l’harmonie qui met en adéquation la forme dans ses rapports divins, de la force pour soutenir et achever l’édifice idéal.

Les trois mondes se superposent.

De la terre vient la force, du ciel vient la sagesse, et la beauté, l’harmonie est l’empreinte du divin sur la terre. Le maçon est cet intermédiaire, il doit donner à sa pierre la forme parfaitement harmonieuse qui s’insère justement dans le temple en construction. Les trois termes ainsi choisis par nos anciens sont encore l’expression de la triunité. Le maçon reçoit la force et la sagesse et se doit de les conjuguer harmonieusement.

C’est bien la méthodologie philosophique du maçon qui est ici synthétisée en trois termes. La sagesse vient d’en haut, la force vient d’en bas et la beauté organise la rencontre du haut et du bas. Ainsi le ciel et la terre ne sont plus en opposition, ils se marient dans une polarité axiale. Le ciel et sa sagesse se marient à la force de la terre. Ils sont les deux pôles de l’harmonie.

Au plan concret c’est l’imagination, qui mêlée à la raison exprime l’intelligence du cœur.

Cette intelligence du cœur est l’expression de l’âme. Cette âme est le souffle de la vie dans le corps de matière et y fait entrer l’esprit. Nous retrouvons la tripartition chrétienne du corps de l’âme et de l’esprit. 

 

Confirmation autour du tableau de loge au REP

 

La cérémonie d’allumage des feux autour du pavé mosaïque est une création des loges jacobites qui remonte aux années 1760. Autrefois les trois chandeliers étaient déjà allumés avant d’entrer en loge. Ceci plus par nécessité pratique. Cette pratique évolua lorsqu’il fallut justifier la descente de la lumière du Debhir dans le Hékal par le truchement du chandelier du Maître de loge. Dans les loges continentales, ce dernier faisait partie des trois grandes lumières de la Loge avec le Soleil et la Lune. L’intercesseur allumait en silence les trois colonnes en un tour et en silence. Ainsi la lumière éclairait les colonnes. Le RER reprit et développa ce système de l’allumage des feux. Ce système fut imité par les autres rites

 

De tout ce qui précède nous devons rechercher les éléments qui attestent de cette élévation de l’âme de l’oeuvrant dans la matière, vers une transcendance de l’esprit. Pour l’apprenti, ce travail se fait en passant du deux au trois.

 

Il va donc s’agir de faire un rapprochement entre les deux colonnes frontières B-J et les trois flambeaux ou colonnettes. Nous pensons en effet qu’un lien existe. Au premier degré, il faut étudier aussi les rapports existants entre les trois flambeaux et les colonnettes dessinées sur le tableau de loge.

 

 

Le premier flambeau est dédié à la Sagesse illuminatrice du Hékal pour cette occasion. Situé à l’angle Sud Est, il représente le Vénérable qui pourra œuvrer dans le Hékal à partir du Debhir, lorsque les trois flambeaux seront allumés. À sa mission de sagesse, correspond sur le tableau de loge la représentation d’une colonnette architecturée de style ionique.

 

Puis vient l’allumage du flambeau Beauté (au REP) synonyme d’harmonie, à l’angle Sud Ouest auquel le second surveillant vient chercher la lumière en quittant sa colonne J. Ce dernier a en charge l’instruction des apprentis. Outre leur apprentissage, il doit veiller que leurs travaux s’harmonisent dans une œuvre collective. Le flambeau Beauté complète et « éclaire » le mot sacré qui est Jakin au REP, qui signifie « Il établira » ou du moins dans notre rituel « Ma force est en Dieu ». La force virile de l’apprenti doit s’harmoniser avec l’idée divine qui vient de l’Orient. C’est le sens de la traduction de Jakin par la beauté. C’est aussi le chemin de la force habile et en harmonie avec l’œuvre commune, avec l’imago Mundi de la loge et donc la « Création ».

Il est représenté sur le tableau de loge par une colonne de style corinthien considérée comme la plus belle. Nous sommes ici dans le règne de la puissance matérielle en harmonie avec la volonté divine.

 

Pour finir, à ce rite on procède à l’allumage du flambeau Force, qui implique la notion d’achèvement de l’ouvrage à l’angle Nord Est correspondant au plateau du Premier Surveillant. Si la beauté est le travail de la forme qui tend vers l’idéal, il faut beaucoup de force et de volonté pour achever l’ouvrage jusqu'à la dernière pierre. La dernière pierre sera la clef de voûte qui donne la cohérence et solidifie la totalité de l’ouvrage.

En elle résident conjointement les qualités Sagesse Beauté et Force. Sans elle tout s’écroule ou du moins le temple est inachevé. Cette volonté vient redoubler la signification du mot sacré « Boaz » qui au REP qui signifie « dans la force ». Comme pour le flambeau beauté, il y a ici un allumage des feux ordonné et équilibré. La redondance de la force donne l’idée d’une opiniâtreté dans l’affirmation du but. La traduction de Boaz dans notre rituel s’en trouve accentuée, nous retenons pour la signification de Boaz « Persévérance dans le bien » et le beau, devrait on rajouter. Le Premier surveillant doit exprimer une détermination.

 

Si nous conjuguons Sagesse, Beauté et Force avec J et B, on obtient le principe de perfection appliqué à la nature de l’homme, source de progrès.

 

 

Achever la construction du temple, sans oublier l’esthétique qui doit s’allier à la force dans l’action sur la matière. La pierre doit s’insérer harmonieusement dans un bel ensemble, mais l’ensemble doit s’achever. C’est la conscience d’un tout microcosmique pour les deux premiers degrés qui prévaut. La représentation sur le tableau de loge est une colonnette de style dorique conçue comme la colonne la plus solide.

 

C’est ainsi que s’établit un lien entre la lumière venue du Debhir dans le Hékal et son expression ternaire dans le microcosme des bâtisseurs du temple.

 

La ternarité de la lumière ainsi posée, à l’aune de la volonté divine exprimée par J et B, installe la perfection de soi comme vision du Chef-d’œuvre à bâtir.

(...)
 
E.:R.: ( à suivre 3ème partie: La lumière du Debhir.)

[1]              Dépasser l’apparence binaire n’exclue pas se s’en saisir comme on saisi les deux lisses d’une échelle pour gravir les échelons. On réalise ainsi l’union par synthèse. Voir à ce sujet le symbolisme de l’échelle et de la lettre H dans certains grades supérieurs.

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 18:37

SoleilDu Ternaire à l’Unité, métamorphose du regard de l’apprenti.

 

L’initié est par définition un cherchant sur le chemin de la lumière.

 

C’est un fils de la Lumière, et la lumière est le vecteur de la volonté divine et de la manifestation dans ce monde. Précisément, cette volonté de création d’un monde à l’image du divin découle de cette fameuse parole divine, de la Genèse, dont la lumière est l’expression. C’est ainsi que nous sommes passés par duplication du Un au deux. D’une unité totale et indifférenciée nous entrons dans un monde fait de différences et d’apparences qui au spectre du visible et du profane, nous semblent opposées.

 

En vérité cette séparation des éléments, par leur origine commune et unique, partage plus de complémentarités que d’oppositions. Donc d’après la Tradition commune à toutes les civilisations et religions, le monde ne fut pas créé à partir de rien, mais à partir d’une totalité indifférenciée.

Cet ordonnancement que nous connaissons sous le vocable « Ordo ab chaos » caractérise au plan symbolique, la naissance de notre univers.

Un cherchant est un homme qui s’interroge sur toutes les grandes questions existentielles sans perdre de vue son désir de vision globale et initiale, d’un monde fait de complexités et de contradictions.

 

C’est le questionnement ontologique.

 

Dans ce maquis des formes et des concepts, il tente de son mieux, de progresser sur ce fameux chemin vers la lumière. Le parcours est long et difficile, il doit être vigilant et persévérant.

La Lumière représente une vérité qu’il cherche, une lumière illuminatrice de sa conscience, sans ombre portée, une parole unificatrice et apaisante.

L’unicité est une notion difficile à expliquer.

Paradoxalement, sa manifestation se réalise dans la Dualité qu’il faut dépasser pour aller jusqu’au Ternaire.

Le ternaire nous fait revenir à l’Unité en traçant la voie ascensionnelle, celle qui mène à la lumière et qui permet à l’Initié d’en concevoir la force principielle, en nous ouvrant une Voie vers le Sacré.

Le passage du binaire au ternaire est à la fois une évolution logique et nécessaire. L’indispensable raisonnement qui nous permet de passer du 2 au 3 dépend essentiellement de notre capacité à comprendre le monde des apparences, celui qui nous entoure. Le passage du 2 au 3 suppose de s’affranchir d’une mentalité binaire réductrice. Il faut mettre de côté la tentation aristotélicienne d’exclure « ce qui n’est pas » en fonction des apparences et des dogmes. À la manière d’Héraclite, il faut tenter l’union. Il faut accepter et maîtriser la pensée synthétique qui œuvre pour le rapprochement des contraires.

 

Au « Ou » il faut préférer le « ET ». La case est noire ou blanche, mais le pavé est noir et blanc.

 

Plus qu’une synthèse des oppositions, qui donnerait pour réponse que la case est grise, c’est l’élaboration d’une troisième voie, au-delà des antagonismes que nous devons prôner. Il y a un paradoxe flagrant dans l’idée d’unir ce qui s’oppose par une donnée et une aspiration supérieure qui va transcender les différences. Le non-dualisme est source de toutes les ententes et de tous les progrès. Il est l’œuvre du sage qui travaille à l’unité du tout. Il est aussi un effort, une construction de tous les jours, car le dualisme offre plus de prise à l’intellect simplificateur des aboyeurs d’opinion.

Le Trois et le Un finissent par se regarder de part et d’autre du même miroir.

Nous rappellerons les instructions tirées des archives de notre loge qui permettent de mieux comprendre les propriétés symboliques des nombres :

 

-      Qu’avez-vous appris par l’étude du nombre UN ?

 

-         Que tout est UN, vu qu’il ne saurait rien exister en dehors du TOUT !

 

-         Comment formulez-vous les principes que vous révèle le nombre DEUX ?

 

-         L’intelligence humaine assigne artificiellement des bornes à ce qui est. Un est sans limites. L’unité est ainsi renfermée entre deux extrêmes, qui ne sont que de pures abstractions auxquelles les mots seuls prêtent une fausse apparence de réalité.

 

-         Que concluez-vous de là ?

 

-         Que l’Être, la Réalité, la Vérité ont pour symbole le nombre TROIS.

 

-         Pourquoi ?

 

-         Parce que l’Être, ou CE QUI EST nous apparaît comme un troisième et moyen terme, en qui les extrêmes opposés se concilient.

 

 

Trois, ou la clef de voûte cosmogonique et civilisatrice

 

Avant d’aborder le point de vue maçonnique du ternaire, il convient de rappeler les découvertes anthropologiques, religieuses et scientifiques du chiffre trois qui viennent étayer son symbolisme. Le chiffre trois exprime à la fois le principe créateur, la multitude, comme l'ordre du monde. C’est en ce sens que nous entendons la clef de voûte civilisatrice.

Cette polysémie descendante forme la colonne vertébrale des civilisations.

Certains voient dans le récit des patriarches la somme logique des trois grands monothéismes : judaïsme (par Isaac), islam (par Ismaël) et christianisme (par Esaü). L’unité de l’origine commune plaide pour une tradition primordiale. Au mariage de la nuit et de la lumière naît la pénombre tout comme l’enfant naît de la rencontre d’un homme et d’une femme.

Le mythe cosmologique fondateur et l'astronomie antique communient autour du chiffre trois. En effet, dans toutes les traditions religieuses, on retrouve dans l'ordre du monde les allégories de la lune, du soleil et de l'étoile. La Franc-maçonnerie des « modernes » s’en fait écho, en définissant les trois grandes lumières de la Franc-maçonnerie par le Soleil la Lune et le Vénérable Maître ; la maçonnerie des « anciens » les considère comme les trois petites lumières (lesser lights). La fonction éclairante de l’astre donne au Vénérable Maître, sur son trône, un rôle d’intermédiation entre le ciel et la terre. Babylone joue un rôle important dans les grades supérieurs de la franc-maçonnerie. Sa religion inspirera en partie les bases de l’Ancien Testament. Ainsi, Shamash (le soleil), Ishtar (l’étoile) et Sin (la lune) représentent les divinités « médiatrices » du genre humain.

Ces dernières assurent leur empire sur l’univers différencié comprenant : l'Apsu (les eaux saturées) qui soutient la terre, où règne la triade : Enki (eau), Anu (ciel), Enlil (vent). On comprendra alors l'importance des luminaires dans la Genèse : la lune (luminaire de la nuit), le soleil (luminaire du jour) et l’étoile (luminaire à 5 ou 6 branches, guidant l'homme dans la pénombre).

Les trois astres établissent le cycle du temps dans le genre humain, ordonne celui-ci selon les saisons. Cette tripartition céleste entre en rapport avec la triade maçonnique des modernes, ouvre la voie initiatique, en intégrant l’initié dans le vaste ensemble cosmogonique.

Mathématiquement, le chiffre trois est un « nombre premier » (ou entier naturel). Il n'accepte que deux diviseurs : 1 et lui-même. Si Un est l’unité fondatrice divine par sa nature, trois est son image générée par le monde différencié, lui-même représenté par le deux. 3=1+2

L'école pythagoricienne en a déduit le symbolisme de l'homme et du fait créateur (car il est la somme du 1 : le divin, et du 2 : la femme). Son influence dans la numérologie occidentale fait de lui la base essentielle du principe de fécondité, c’est le principe de génération (c’est une explication parmi d’autres de la lettre G). Les triades divines ordonneraient ainsi le cosmos à l'instar de Jupiter, Junon et Minerve dans la mythologie ou par la trinité dans le catholicisme romain, le Père le Fils et le Saint-Esprit. La tripartition des sociétés indo-européennes n’est plus à démontrer. Personne ne conteste sérieusement les fonctions d'oratores, bellatores et laboratores (clercs, guerriers et travailleurs ; en somme les trois « états » de l'Ancien Régime).

La structuration du monde selon un ordre hiérarchique défini se perpétue de nos jours par les trois voies initiatiques correspondantes : la voie sacerdotale, la voie martiale et la voie matérielle et artisanale appelée « Art Royal ». Pour les besoins de la cause nous rappellerons que la Franc-maçonnerie est née dans le berceau de l’ancien régime, éclairé par les lumières du siècle, celui d’avant la révolution et que rien ne semble contredire dans ses fondements, la tripartition de la société, sauf que chacun semble faussement libre de choisir sa voie s’il en a les moyens et les aptitudes. En vérité, les qualités pour être d’une voie ou l’autre sont hors d’atteinte par la simple volonté, il faut en plus avoir la vocation. Autrefois la vocation était induite par l’exemplarité, avec un déterminisme héréditaire, une tradition familiale. De nos jours, le libre-choix découlant du libre arbitre se traduit par un non-choix, un attentisme critique et sentencieux. Les voies initiatiques à l’origine de la tripartition de la société semblent délaissées. Ceci constitue le point précis de rupture entre la société dite traditionnelle, où finalement il existait des filières de castes et la société moderne qui abolit les castes. Dans ce contexte, le lien se fait par la Franc-maçonnerie acteur incontestable tant dans la mémoire des traditions que dans la mise en valeur de l’Homme[1].

Le chiffre trois semble expliquer la totalité de la manifestation visible. Il s’étudie plus particulièrement en matière religieuse, artistique et géométrique, il est la pierre angulaire de la voie initiatique.

 

S’agissant du visible il faut se méfier des apparences qui risquent de nous mettre sur la mauvaise voie.

 

L’apparence trompeuse, changer le regard sur le binaire…

 

Voir autrement, c’est une quête que nous connaissons tous.

Elle commence par la description de l’objet d’analyse et d’étude qui est cette fameuse loge maçonnique héritée des anciens.

L’imago Mundi s’offre à notre regard dans une véritable polysémie des symboles.

L’apprenti, grâce au rituel joué dans la loge, apprend rapidement que l’apparence doit être dépassée, voire même combattue. L’apparence n’a rien de commun avec l’évidence ! L’évidence est un raisonnement basé sur l’expérience du sage, l’apparence est un faux semblant de réalité qui attire et trompe le regard pressé, discursif et « non intuitif[2] ».

L’apparence effleure l’écorce du fruit sans en pénétrer le noyau. Elle trompe le regard du profane en l’enfermant dans un raisonnement d’opposition et de contradiction. Elle produit aussi cette involution[3] manichéenne dont il faut se méfier et qui nous entraîne inexorablement aux tréfonds du subconscient et de l’inter-monde, sans espoir de refaire surface.

Combien d’erreurs commises au nom des apparences ?

Nous sommes alors sous l’emprise du monde binaire, simplificateur, rationnel dans son aspect premier, rassurant, car facile à caractériser. L’apparence classifie en fonction de l’identité du classifiant. Chacun voit midi à sa porte. Le qualifiant ne se détache pas de sa propre condition ou du moins de l’idée qu’il s’en fait. C’est la prééminence du moi qui domine la pensée. L’objectivité n’est pas de mise et la nuance non plus.

Si le dualisme est un point de passage naturel et obligatoire, il ne peut être le terme final de la réflexion globale.

C’est une réflexion primaire qui appelle une mission avec un objectif simple à atteindre. La case est noire ou blanche il n’y a pas d’alternative. C’est la réflexion de la survie, de l’appartenance dans les conditions extrêmes. C’est aussi le langage de la guerre et des conquêtes territoriales.

C’est la gloire du monde occidental d’avoir poussé vers les sommets les plus doctrinaires, les plus matérialistes cet aspect binaire. Il fut source de progrès d’un certain monde matérialiste voué à la quantité et au nombre. C’est la gloire du monde oriental d’avoir su conserver une pensée globale enveloppante plutôt qu’excluante. C’est ainsi que face au pavé mosaïque ils ont choisi l’idéogramme du Tao ou le Yin et le Yang s’entrelacent et échangent leurs substances pour mieux embrasser les contraires.

 

L’initié par la perception symbolique d’une lumière « illuminatrice » et sans ombre va s’attacher à voir plus loin que le regard manichéen du profane, ou l’affirmation moraliste  et dogmatique.

Si l’apparence n’est qu’une interprétation, résultante d’une expérience sensorielle, transportée par nos cinq sens à l’intérieur de notre boite crânienne, comment dépasser l’apparence sans la nier ? Comment nous relier à ce tout qui dépasse les seules limites de la « boîte d’os » ?

 

Tout simplement en cherchant la clef qui est sûrement en nous. Cette clef, que les anciens situaient sur la langue, dans la cavité buccale, ouvre la porte du secret maçonnique qui devait être « gardé et caché ». Il faut dépasser nos limites dans l'interprétation sensorielle, qui reposent sur l’expérience du concret et du besoin, pour entrer dans l’univers de l’abstraction métaphysique d’une totalité oublieuse de la contingence.

Aussi curieux que cela puisse paraître, connaître ses limites permet d’être libre.

Comment conjuguer la rationalité d’un simple constat tout en tendant vers une intuition libératrice ?

Comment utiliser nos cinq sens de manière ouverte et non réductrice à nos seuls besoins ?

C’est à ces questions que tente de répondre l’initiation en général.

Pour y parvenir, on utilise le symbole et la troisième voie, celle du paradoxe des contraires dépassés. La mort est une naissance en quelque sorte, c’est ce qui ressort du relèvement du Maître.

 

C’est la métamorphose du regard et le principe de perfection qui est le sujet principal de l’initiation au premier degré.

Voir « au-delà » est un exercice difficile et parfois périlleux que nous tentons de réussir dans le milieu collectif d’une loge. Ce travail individuel dans un cadre collectif assure la pérennité d’une transmission du secret initiatique qui se ressent plus qu’il ne se décrit. Ce chemin initiatique est un pèlerinage vers la vision globale, image unitaire du tout.

 

E.:R.:

( à suivre "Désirer la lumière") 



[1]              Nous renvoyons nos lecteurs à « La crise du monde moderne » de René Guénon.

[2]              L’intuition intellectuelle donne une vision totale et immédiate. Elle se caractérise par son évidence, et ne subit pas la contingence. Elle ouvre le chemin de la connaissance métaphysique. C’est une illumination de l’esprit.

[3]              Si l’évolution de l’individu lui permet de développer ses facultés d’appréhension du tout, l’involution réduit les possibilités d’expression dans les sphères supérieures.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 23:09

39.jpgDéisme et spiritualité maçonnique

 

(...)  L’idée d’une puissance, d’un principe supérieur, irrigue définitivement tous les systèmes de pensées depuis plus de 4000 ans. Tous les compartiments des idées sont enveloppés par l’idée de Dieu. Le monothéisme chrétien des premiers siècles a conquis l’Empire romain, justifié le pouvoir de droit divin, offert le paradis à ses croyants ; dicté la morale, les lois et les règlements et formé la conscience citoyenne des républicains. Les tables de la loi de l’Ancien Testament, gravées dans la pierre, sont désormais consacrées par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le dispositif législatif. 

 

Pour exprimer le refus de Dieu, il faut d’abord se situer par rapport à lui. L’athéisme devient alors un sous- produit du divin, un doute nécessaire à son embellissement. Si aucune morale n’échappe au divin, est-il encore possible d’échapper au dogmatisme religieux ?

 La franc-maçonnerie spéculative tente de répondre à cette question.

 

C’est l’idée d’un principe organisateur universel qui est mis en avant pour les loges et obédiences qui admettent le Grand Architecte de l’Univers. La notion même d’architecte n’est pas sans rapport avec la filiation légendaire de la maçonnerie spéculative et opérative. On a substitué l’architecte à Dieu, dans un esprit œcuménique et dans la suite des grandes découvertes scientifiques de Galilée, Kepler et Newton. L'Univers céleste n’était plus conforme au canon de l'Église. La géométrisation de Dieu relève du désir inconscient d’une religion véritablement universelle.

 

Du fait de la laïcisation de la société, certaines loges et Obédiences refusent de travailler à la gloire du Grand Architecte de l’Univers, tentant de confirmer l’athéisme comme base initiatique. Il y a confusion malencontreuse entre le refus de la religion et de son dogme et l’idée de Dieu. Il faut simplement avoir à l’esprit que les grades dits supérieurs confirment l’idée de Dieu ou du Christ et en toute hypothèse celle du Grand Architecte de l’Univers. Il n’est pas certain que le fait d’être à la pointe de ce qui se fait dans la société soit duplicable en matière initiatique.

 

L’ensemble des religions appartient à un fonds commun de spiritualité. L’homme s’est élevé dans sa condition et sa destinée, en s’appuyant sur une base traditionnelle, dont la religion est une expression. Ces religions ont fait nos sociétés, et la conscience de l’homme. À ce titre nous estimons qu’elles sont un bien commun de l’humanité. Les excès et les dévoiements ne remettent pas en cause leur apport spirituel. La lecture d’un texte dit « sacré » ne doit jamais se faire sur un plan exotérique (et donc partisan et contingent). Seule la lecture ésotérique est empreinte de sagesse. Cette lecture est transversale et dépasse le fait religieux. Le religieux exotérique n’est pas à l’ordre du jour dans les loges maçonniques. C’est pour n’avoir pas compris le sens ésotérique transversal et l’idée de Tradition (au sens du "tradere") commune à tous ces textes que certains d’entre nous ont pu développer des réactions ostraciques. Ces derniers ne comptent que sur eux pour tout réinventer, ils sont donc leur propre religion, sans tradition.

 

Avant d’aborder les rapports entre l’église et les francs-maçons, il convient de situer religion et spiritualité. On peut décrire trois cas.

Le premier, historiquement, dit que la spiritualité est de nature religieuse, comme ce fut le cas dans les Anciens devoirs, jusqu’au Mason word. La prégnance de la religion dominait l’autonomie de la pensée, du moins pour le plus grand nombre. À partir de 1723, le Grand Architecte de l’Univers se substitue à Dieu et alors la spiritualité maçonnique dépasse le contenu des religions pour mieux les englober. Il s'agit suivant l'art 1er des Devoirs rédigés semble-t-il par Desagulier, du respect d'une orthopraxis fondée sur la morale commune, considérée ici comme une religion naturelle fondée sur la pratique des vertus. Vient ensuite la IIIe République. La spiritualité se dissocie de la religion qui ne devient plus qu’un compartiment de celle-ci, une modalité d’expression parmi d’autres. Ces trois étapes caractérisent la pluralité de la Franc-maçonnerie d’aujourd’hui.

Pour les anciens opératifs catholiques, Dieu est le premier des maçons. Le Dieu Pancréator anthropomorphique est une représentation constante, souvent tracé dans une mandorle[1] au tympan des églises et en enluminures. Cette imagerie rallie toutes les variantes dans l’appellation du Grand Architecte De l’Univers (GADLU).

Aucune discrimination n’est tolérée en Franc-maçonnerie. Tous les courants religieux peuvent être représentés. Les statistiques sont formelles : 10% de nos citoyens pratiquent régulièrement une religion, 75% déclarent croire en Dieu ou en une puissance créatrice. 25% se déclarent agnostiques, athées ou ne savent pas. Les Loges maçonniques sont le reflet de cette société française. Ce n’est pas l’appartenance religieuse qui fait le Maçon. Chaque maçon est libre de donner au mot Dieu la définition qu’il veut.

Atteindre ce que Socrate et Platon appelaient "l'état de sagesse", ce que les chrétiens appellent "l'illumination", ce que les Japonais appellent "le Satori", ce que les hindous appellent "la Réalisation spirituelle", tel est le but premier et fondamental de toute Maçonnerie. Il ne faut pas confondre "religion" et "spiritualité", ni "cléricalisme" et "religion". Libres et tolérants, les francs-maçons se considèrent comme des frères et acceptent que chacun cultive ses propres convictions et suive son propre chemin spirituel.

Les francs-maçons sont, par essence, opposés à tout dogmatisme, quel qu'il soit. Il est à noter que certaines loges sont plus adaptées par la philosophie de leurs rituels, à recevoir en leur sein un croyant ou un non-croyant. C’est la responsabilité du parrain, c'est-à-dire de celui qui est chargé de vous guider dans votre entrée en Franc-maçonnerie, de trouver la loge et l’obédience la plus adaptée à votre cas.

Par principe, on rappelle qu’en loge il est interdit de parler de religion ou politique afin de conserver une sérénité dans la tenue des travaux.

Définir son propre cas, revient à tenter de se situer dans le paysage religieux. Avant toute chose, il faut distinguer religion et église. La religion reste une croyance générale et impersonnelle, alors que l’église intervient dans la mise en œuvre d’un dogme qu’elle a pu produire dans le temps. Autrement dit, on peut parfaitement se déclarer de telle religion, sans accepter le dogme d’une église qui s’en réclame. On distingue au-delà de cette dichotomie, le texte sacré et son interprétation.

 

On peut tenter de distinguer 7 catégories :

 

-Les chrétiens d’esprit et de corps qui furent les premiers rédacteurs des Anciens devoirs. Catholiques en faisant référence à la Sainte Trinité, puis anglicans et pour finir calvinistes. L’appartenance religieuse fondait la pratique rituelique.

- Les Déistes, qui sont à l’origine une hérésie de la foi chrétienne, car ils ne se réfèrent pas à une révélation. L’idée générale repose sur la création de l’univers par un Dieu bon et puissant. Ce Dieu est infiniment respectable, mais il ne s’est manifesté dans aucune écriture ni aucune révélation. Cette attitude propre à remettre en cause les canons de l’église explique que les chrétiens fondamentalistes se soient opposés à la notion de Grand Architecte de l’Univers. Elle est conçue comme le plus petit dénominateur commun entre les différentes religions et voulait donner un caractère universaliste à la Franc-maçonnerie organisée, en l’appuyant très largement sur l’Ancien Testament, commun à toutes les religions du livre.

- Les Théistes souvent « noachites » ou « noachides[2] » qui font de l’idée d’un Dieu unique, une omnipotence et une omniscience qui perfuse l’univers entier depuis sa création, sans représentation anthropomorphique. C’est une doctrine indépendante de toute religion établie, elle est donc personnelle, et repose sur l'expérience de l'Esprit. C'est l'option de la religion naturelle fondée sur les vertus.

- Les Relativistes qui loin de contester l’idée divine, la considère croyance utile, voire indispensable au bon équilibre sociétal et à la psychologie humaine. La foi devient utilitaire. La religion et son explication de l’univers ne sont qu’une hypothèse.

- Les Rationalistes qui considèrent que l’homme doit raisonner avant de croire, et qu’un dogme ne peut s’imposer de lui-même à l’homme libre. La foi religieuse interdit l’usage de la raison, la foi ne peut être qu’une hypothèse non raisonnée.

- Les Agnostiques qui doutent de l’existence d’un dieu sans le nier pour autant, de même qu’ils ignorent la profondeur métaphysique. Le domaine de l’intime, de l’origine des choses et de la destinée est inaccessible.

- L’athée qui constate que l’idée divine n’est prouvée par aucune science ni aucun raisonnement et met à l’écart le cortège des représentations mentales des croyants. L’athée assume librement sa pensée sans s’appuyer sur un dogme quelconque. On nie l’existence de Dieu et de la divinité.

Il existe sûrement bien d’autres catégories.

 

La rituelie maçonnique évolua avec les mentalités : si les anciens devoirs étaient expressément catholiques, intégrants la prière, les rituels maçonniques apparus après les statuts de Schaw de 1599,  ne laissait aucune place à la prière des Anciens devoirs catholiques. Ils étaient assortis d’un catéchisme mnémotechnique dupliquant celui de l’église.

 

Notons enfin que les constitutions dites d’Anderson en 1723 puis en 1738 se firent l’écho d’un discours rassembleur de bon aloi, propre à rétablir la paix civile, tout en s’inspirant particulièrement du Mason word calviniste de nature symbolique et herméneutique. 1723 : « Un maçon est obligé, selon son Ordre, d'obéir à la loi morale ; et s'il entend bien l'art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin profane.
Mais, quoique dans le vieux temps les maçons fussent obligés d'être de la religion de chaque pays où ils étaient, cependant on a jugé mainte­nant qu'il est plus convenable de les obliger seulement à être de la reli­gion dont tous les honnêtes gens conviennent, qui est de permettre à un chacun d'embrasser les opinions qu'il croit les plus saines et les plus raisonnables; ces opinions qui peuvent rendre un homme bon, équi­table, sincère et humain envers ses semblables, de quelque lieu et de quelque croyance qu'ils puissent être. De sorte que, par un principe si excellent, la maçonnerie devient le centre de l'union parmi les hommes, et l'unique moyen d'établir une étroite et solide amitié parmi des per­sonnes qui n'auraient jamais pu être sociables parmi elles, par rapport à la différence de leurs sentiments. »


 1723 n’est qu’une étape. On peut lire dans les Constitutions, l’obligation d’un simple déisme basé sur la religion naturelle, dans un esprit de tolérance. Le but d’unir les deux cultes était une vaine utopie. Il faut plutôt y rechercher un calcul politique des Orangistes qui désormais détenaient le pouvoir et avaient beau jeu de pratiquer l'œcuménisme de circonstance. En effet en 1738 l’allusion à un Noachisme[3] devient l’expression unitaire des religions du livre. On y dépasse le christianisme schismatique pour aller vers les origines vétéro-testamentaires, qui ouvrent l’expression d’une lecture personnelle de l’Ancien Testament, propre à satisfaire l’esprit protestant ou Huguenot. En effet on attribue abusivement à Anderson la complète rédaction des constitutions de 1738. Le marquis de La Tierce, son ami, avait deux ans auparavant tenté d’améliorer le texte de 1723 en y introduisant un esprit certes reformé et oecuménique, mais d’essence française. À cet effet il y introduit, avant publication de 1742, une version du discours de Ramsay qui établit un lien chevaleresque, tout en améliorant l’aspect historique particulièrement défaillant chez Anderson[4].

 

Le Noachisme :

Le point de vue « noachite » est une idée « Ramsayenne », reprise par De la Tierce et Anderson. C’est donc un rassemblement qui est proposé sur la base du plus petit dénominateur commun. Cette volonté de rassemblement va ouvrir la porte à la légende d’Hiram qui est une relecture de la figure de Jésus. En évitant de tomber dans une déité proclamée, Hiram porte le grade de Maître au sommet de l’Art royal, tout en organisant le passage de l’initiation sur la matière à l’initiation sacerdotale.

1738 :« Un maçon s'oblige à observer la loi morale comme un vrai noachide; et s'il comprend droitement le métier, jamais ne sera stupide athée ni libertin sans religion, ni n'agira jamais contre sa conscience. Au temps jadis, les maçons chrétiens devaient se conformer aux usages chrétiens de chaque pays où ils voyageaient ou travaillaient. Mais la maçonnerie existante en toutes les nations même de religions différentes, le seul devoir est aujourd'hui d'adhérer à cette religion où tous les hommes s'accordent (sauf pour chaque frère à garder son opinion particulière), c'est-à-dire d'être hommes bons et vrais, ou hommes d'honneur et de probité, n'importe les appellations, religions ou croyances qui les distinguent : car ils s'accordent tous sur les trois grands articles de Noé, et c'en est assez pour préserver le ciment de la loge. Ainsi la maçonnerie est le centre de leur union, et le moyen de concilier des personnes qui auraient dû, autre­ment, rester sans cesse éloignées les unes des autres. »

 

Le Noachisme en tant que tel par son universalité ne devait pas oublier la tradition dont était issue la Franc-maçonnerie. Elle ne pouvait ignorer ses racines chrétiennes et les prières qui ponctuaient les rites maçonniques opératifs[5]. De ces Anciens devoirs, il importait pour certains de réintroduire la prière à Dieu. C’est ainsi que la réaction des « Ancients » contre les « Moderns » replace l’invocation à Dieu dans les rituels spéculatifs. Le centre de résistance principal était la vieille loge d’York qui pratiquait l’ancien principe de la loge libre et la fidélité à l’église (anciennement la Sainte Église puis l’Église anglicane). Ils finirent par fusionner non sans que Laurence Dermott publie en 1753[6] une version des constitutions de la Grande Loge des anciens, reprenant celle de 1738 avec un esprit nettement plus traditionnel. Les "Ancients" reprochaient aux "Moderns" d'avoir escamoté la prière, les jours des Saints patrons, la déchristianisation des rituels, ne pas lire les anciennes obligations lors de la cérémonie d'initiation, avoir suprimé la cérémonie d'installation du vénérable de la Loge,  etc..

La fusion des « Anciens » et des « Modernes »en 1813[7], entretiendra durablement une confusion entre ce qui caractérise les rites anciens et modernes, entraînant un mélange « génétique » dans la pratique rituelique.

 

 

Au Rite Écossais Primitif, il est préférable d’accepter l’idée divine, quelle que soit la typologie représentative, avec ou sans pratique religieuse. Pour s’en faire une idée il suffit de lire l’invocation de fermeture : 

«- Très Saint et Très Glorieux Seigneur Dieu, Suprême Architecte du Ciel et de la Terre, Dispensateur de toutes les Grâces ici-bas, nous te supplions de bénir nos Travaux et d’illuminer nos esprits d’intelligence et de Sagesse, afin que nous puissions être à même de Te connaître et de Te servir droitement, toutes nos actions ne tendant qu’a Ta Gloire, et au retour de nos Âmes en Ta Lumière. Amen. »

On constate que les deux terminologies Dieu et Suprême Architecte de l’Univers sont confondues pour rejoindre le versant métaphysique de la Déité, avec une notion liée à l’âme qui correspond à la pratique tri-unitaire des Anciens devoirs. (Corps, âme, esprit.)

Le Rite Écossais Rectifié par son histoire inspirée par les ordres de chevalerie accepte plutôt les chrétiens, l’ésotérisme chrétien occupant une place majeure C’est en 1778 que ce rite adossé sur celui de la Stricte Observance Templière est rectifié[8] par JB Willermoz. L’invocation finale préalable à la fermeture des travaux illustre une différence avec l’esprit œcuménique des constitutions d’Anderson : 

« Souverain Maître de l'Univers qui n'avez cependant nul besoin, vous avez voulu posséder votre Temple parmi nous et en nous. Daignez donc, Seigneur, conserver cette Demeure à jamais et toujours dans la Paix et l’Harmonie. Vous qui avez choisi ce Temple pour que votre Saint Nom y soit invoqué, faites aussi qu'il demeure une maison de travail et d'obsécration pour Votre peuple, et que ces Pierres Vivantes que sont Vos ouvriers, Suprême Architecte du Monde, soient à jamais unies entre elles par le ciment de la Charité... Amen ! ... »[9].

Le Rite Écossais Ancien et Accepté, par sa nature syncrétique, accepte toutes les tendances, ce rite pouvant être qualifié de Théiste. Enfin le Rite Français dans ses versions récentes est plus généraliste encore et les libres penseurs peuvent y trouver une place. Il n’y a pas d’invocation au sens biblique du terme, mais l’affirmation d’un idéal dans la sphère humaine :

 « Bien au-dessus des soucis de la vie matérielle, s’ouvre pour le Franc-Maçon le vaste domaine de la pensée et de l’action. Avant de nous séparer, élevons-nous ensemble vers notre idéal. Qu’il inspire notre conduite dans le monde profane, qu’il guide notre vie, qu’il soit la Lumière sur notre vie, qu’il soit la Lumière sur notre chemin ! »[10]

Le serment qui engage le franc-maçon est donné sur la bible ouverte à l’Évangile de Saint Jean considéré comme un livre initiatique, surmonté de l’équerre et du compas, comme pour la plupart des rites écossais. Certains rites préconisent l’équerre, le compas et la règle[11], cette dernière remplaçant la Bible.

La Franc-maçonnerie reste universelle et n'impose aucune limite à la recherche de la Vérité. Elle est donc par nature adogmatique[12]. En Franc-maçonnerie, il n'existe aucune Vérité "venue d'en haut" (en dehors de la religion et de l’éventuelle révélation, qui reste du domaine privé), aucun gourou à vénérer, seul subsiste le travail individuel et collectif, autour d'un outil parmi tant d'autres : la méditation et la reliance à la tradition et aux êtres.

 

 

 

L’excommunication :

C’est ce relativisme religieux qui a toujours gêné les autorités religieuses. Les Constitution révisées d’Anderson approuvées par la Grande Loge de Londres le 25 janvier 1738 dans son article 1er déclare : « Un vrai Maçon est obligé par son titre, de se conformer à la loi morale comme un vrai noachide… » C'est-à-dire établir une relation au Divin, antérieure au Nouveau Testament objet de divergences d’interprétation, pour se transporter sur le terrain de l’Ancien Testament, laissant à chacun le droit de se définir plus précisément dans sa croyance. La réaction du Pape Clément XII est une condamnation de la Franc-maçonnerie dans la Bulle « In Eminenti… » datée de 1738 « Pour d’autres motifs justes et raisonnables de Nous connus… » Renouvelée par Benoît XIV en 1751 dans la bulle « Providas ». Les bulles qui excommunient les catholiques Franc-maçon sont sans effet en France, car elles doivent être enregistrées par le parlement. Cependant, à la restauration et suite au concordat de 1801 passé entre Bonaparte et Pie VII, elles deviennent applicables et sont reprises dans la bulle « Ecclesiam a Jesus Christo » qui vise plus généralement les sociétés occultes. On vit alors les membres du clergé et les fidèles quitter les Loges, remplacés par des frères insensibles à cette situation et probablement moins engagés dans la religion catholique. Suite à ce déséquilibre, on assista à une montée en puissance du sentiment Déiste dans l’esprit voltairien jusqu’à la révolution de 1848 et ce, dès le Second Empire. Cette situation évolua vers la laïcité républicaine qui permit au Grand Orient de France en 1877 d’éliminer la référence au Grand Architecte de l’Univers. Ainsi, on suit un axe qui part de l’Esprit des Lumières pour aboutir à un positivisme et un rationalisme extrême.

En 1884 le 2 avril, Léon XIII publie l’encyclique « Humanum Genus » ou les francs-maçons sont accusés de « ruiner la Sainte Église…, dépouiller les nations chrétiennes des bienfaits dont elles sont redevables au Sauveur Jésus Christ ». Il faut préciser que la Franc-maçonnerie oeuvra avec un réel succès dans l’élaboration de la loi de 1905 de séparation de l'Église et de L'État.

En 1915, le canon 2335 du droit canonique, stipule que les francs maçons catholiques encourent l’excommunication.

C’est en 1983 que cet article fut annulé et remplacé par le canon 1374 : « Qui s’inscrit à une association qui conspire contre l’Église sera puni d’une juste peine ». À ce point de l’histoire, on ne peut pas dire que la franc-maçonnerie conspire contre l'Église. Il existe même une franc- maçonnerie Christique. Toute perspective de rapprochement pour les francs maçons pratiquant une religion, disparaît lorsque le 26 novembre 1983 le futur Pape Benoît XVI, président la Congrégation pour la doctrine de la Foi, renouvela l’interdiction faite aux catholiques d’appartenir à la franc-maçonnerie.

L’Église Anglicane n’est pas en reste et accuse la franc-maçonnerie d’être hérétique, gnostique, de s’opposer à la trinité. Il y a incompatibilité des deux démarches. Les méthodistes lui reprochent le secret et en interdisent l’accès. Seule l’église baptiste des États-Unis semble accepter l’adhésion à la franc-maçonnerie. En France l’Église Orthodoxe n’a formulé aucune opposition. Enfin l’Islam, malgré le soufisme, s’oppose à la démarche maçonnique qualifiée de sioniste. Le Bouddhisme et l’hindouisme restent dans une indifférence bienveillante.

 

Le constat est clair, si la franc-maçonnerie et l’immense majorité des Frères, respectent et estiment les religions, les églises font preuve d’une méfiance voir d’une hostilité incompréhensible pour les francs maçons pratiquant assidûment une religion. Il convient d’examiner les cinq points qui motivent cette hostilité.

 

1) Le relativisme[13]

 

Le fait de considérer sur un pied d’égalité toutes les pratiques religieuses fait que la franc-maçonnerie est multiconfessionnelle. Cette attitude est proche de la vision laïque, ce qui pose un problème aux religions universalistes et conquérantes. Le fondement de ce relativisme trouve sa source à la fois dans le Noachisme historique, mais aussi à la distinction qui est faite entre la voie mystique et initiatique. Pour le maçon ces deux voies sont distinctes, pour le clergé, la révélation mystique est la seule voie.

Ce relativisme cède parfois à une hostilité ouverte. Le grand Orient en 1922 dans son convent déclare :

 « La séculaire puissance d’obscurantisme prétend à l’universalité de son hégémonie mondiale. Son Vatican, avec ses multiples services de sa curie romaine, telle une pieuvre colossale développe ses monstrueux tentacules sur le monde entier. L’ombre néfaste de ses maisons de prières et de servitude dissimule aux humains les perspectives des horizons de lumière et de vérité. Si nous voulons que cette ombre meurtrière de la pensée humaine, complice de tous les crimes qui laissent dans l’histoire une longue traînée de sang, ne puisse s’étendre et s’épanouir dans ce monde, si nous voulons préserver les générations d’un fatal enlisement intellectuel sous la sujétion des dogmes, des préjugés, et des superstitions ; détruisons ce symbole « apostolique » d’horreur et d’épouvante, ce foyer de malfaisance universelle et reprenons l’âpre combat au cri renouvelé de Voltaire : Ecrasons l’Infâme ! »

 

2) Le langage de la franc-maçonnerie traditionnelle    et symbolique

 

C’est un langage ésotérique. L’Église des premiers siècles était l’héritière des traditions passées et avait indiscutablement un discours initiatique en plus du discours mystique[14]. C’est un aspect que l’Église dans sa course à la sécularisation et sa conquête du pouvoir temporel a négligé. À force de s’appuyer sur le plus grand nombre, le discours de l’Église s’est vulgarisé. Le versant ésotérique réservé à l’élite (notamment aux évêques) fut abandonné au profit d’un exotérisme simplificateur et anthropomorphique. C’est ainsi que l’Église pouvait parler au plus grand nombre et peser sur les âmes et le pouvoir politique. L’Église restait détentrice des anciennes traditions sans en comprendre le sens profond.

Cet abandon remonte au Moyen-âge. L’ésotérisme chrétien de la grande tradition se trouvait en difficulté. L’enjeu résidait dans la maîtrise du pouvoir temporel, ou le nombre et la matérialité pèsent plus que l’élite et l’esprit. Il fit ressortir les sociétés initiatiques détectrices des traditions et de leurs interprétations. Celles qui sommeillaient bien souvent très près des évêques et cardinaux qui, autrefois, maîtrisaient ce langage. Les interprétations de l’ésotérisme chrétien, par les fidèles d’amour, les roses croix, les templiers, les gnostiques, les alchimistes n’étaient que partielles. Leurs interprétations ne reposaient pas sur une métaphysique de la totalité. Cette dislocation n’a pas permis à ces mouvements de survivre par eux-mêmes. Ils devaient se rallier à une voie véritablement initiatique comme la Franc-maçonnerie opérative. Seul ce réceptacle pouvait garantir la transmission.

On ne peut priver de voie initiatique, le cherchant de bonne foi. Cette aspiration correspond à un besoin irrépressible, qu’aucune loi ou aucun règlement ne peut juguler. Il ne restait plus à l'Église que la voie mystique assujettie au dogme, qui a produit un grand nombre de béatifications. La voie mystique est l’équivalent de la voie initiatique, la première s’exerçant dans le domaine extérieur (exotérisme) et la seconde dans le domaine intérieur (ésotérisme). Toutes les deux supposent un laborieux effort pour y parvenir, mais aussi une capacité à recevoir la grâce divine ou à la découvrir.

La voie sacerdotale n’étant plus que mystique, seule la voie artisanale restait à la disposition du peuple et la voie chevaleresque pour la noblesse. C’est dans ces deux voies que se dirigèrent les micro-sociétés initiatiques, pour les enrichir, tout en prospérant à l’abri de l’institution. Inattaquables, car forts utiles (travail de la matière ou art du combat), elles transportèrent leur trésor initiatique jusqu'à nous. L'église dépossédée de son hégémonie dans l’interprétation des textes sacrés et de l’explication du monde se retrouva contestée dans la voie initiatique sacerdotale par différents mouvements à caractères gnostiques. Cette affaire marqua profondément la Papauté qui en tira des règles aussi rigides que l’inquisition. La disgrâce de la franc-maçonnerie est en partie due à ce passif.

Ce qui ressemblait à la franc-maçonnerie, ainsi que les autres organisations initiatiques, trouva le champ libre.

La religion n’était pas contestée dans ses fondements, mais elle était complétée dans une deuxième interprétation sur un registre ésotérique soustrait à l’audition du plus grand nombre.

 

3) L’antériorité interprétative

 

La légitimité d’un mouvement d’idée trouve souvent ses fondements dans le caractère immémorial de sa pratique. À l’évidence bien des traditions sont antérieures à l’avènement du Christ. Soyons précis: être relier à l'origine (religare) et bénéficier d'une transmission traditionnelle (tradere) n'est pas exclusivement dédié aux religions. La voie initiatique est de ce point de vue et depuis toujours autonome par sa culture de la pratique des vertus et sa vision ontologique, ethique et metaphysique. La voie initiatique a su conserver sa démarche ésothérique, avec un point de vue universaliste depuis 1723 et 1737, alors que l'église préferait cultiver l'exotérisme dogmé. La franc-maçonnerie va être au XVIIème et XVIIIème Siècle un réceptacle protecteur pour différentes expressions initiatiques.

Les alchimistes prétendent que leur science est le reflet des saints mystères et que le Christ partage l’immanence de la pierre philosophale. Adam n’est-il pas un modelage fait de glaise, d’eau et du souffle divin, soit les éléments de bases qui après division et purification donneront la pierre philosophale…

Les gnostiques plaident aussi pour une renaissance ultime tout en se fondant sur des traditions antérieures à la chrétienté.

Les roses croix qui depuis 1646 désirent réaliser l’approche ésotérique des œuvres de Dieu dans la nature, dans le but de la dominer.

Les hermétistes s’intéressent à la nature du Christ : s’agit-il d’une résurrection, d’une renaissance, d’une exaltation ? Qu’en est-il de ce corps mystique ? Ils trouvent à s’appuyer sur une antériorité qui remonte bien avant Jésus Christ.

Comme l'Église des premiers siècles, ils fondent leurs traditions et leurs symbolismes sur des pratiques qui appartiennent au fonds commun des sociétés à mystères ou initiatiques.

À l’antériorité interprétative s’ajoute parfois la pratique théurgique. Celle-ci fut particulièrement mise en exergue par Martinez de Pasqually, lorsque fut instauré l’ordre des Élus Cohen. Son influence fut suffisamment forte pour irriguer en partie la franc-maçonnerie moderne, à tendance christique, telle que pratiquée par le Rite Écossais Rectifié. La franc-maçonnerie swedenborgienne s’imprègne fortement des enseignements de la bible, de la Genèse du principe créateur et de la réintégration.

Ainsi l’autonomie dans l’interprétation se traduit en autonomie de la volonté et fait sortir du giron papal, toute une série de mouvements initiatiques, mystiques et autres, qui sont de nature à porter préjudice à l’institution ecclésiale. 

Le Christ et sa résurrection, ainsi que tous les mystères de la révélation sont interprétés spécifiquement par tous les mouvements initiatiques hermétiques, qui font peu de cas du Dogme de l'Église.

 

 

4) Le dogme

 

L’emprise naturelle et respectable de la doctrine dans une religion va se heurter à la conquête du Soi par l’initié. On admet généralement que la religion catholique, pratiquée en sa forme ancienne et traditionnelle, offrait un cheminement initiatique. Ledit cheminement restait sous l’emprise des différents sacrements, qui marquaient les admissions aux mystères de la foi.

Le hiatus semble reposer sur le caractère initiatique de l'Église, de la franc-maçonnerie et la liberté d’évolution de cette dernière. Les deux institutions se retrouvent en concurrence sur le chemin de l’initiation, sacerdotale pour la première et artisanale pour la seconde.

La différence tenait à l’autonomie de l’interprétation. Le dogme tient fermement la main du chrétien, ne le laissant quitter le seul chemin possible, alors que la Franc-maçonnerie ne prétend nullement diriger le maçon sur son chemin, proposant un simple épaulement de la fraternité initiatique de la loge. L’initiation a toujours existé et l'Église s’est appuyée sur les traditions initiatiques antérieures pour entrer dans les âmes et les cœurs. La voie cardiaque est si efficace qu’il convient de fermer la porte derrière soi pour éviter toute concurrence. Or, c’est aussi par la voie cardiaque et son égrégore que la Franc-maçonnerie s’installe en nous. N’oublions pas que la Franc-maçonnerie interprète les textes sacrés et donc la Bible sur un plan ésotérique. Chassant sur les terres de l’ésotérisme chrétien, l’interprétation libre et personnelle du maçon, risque de s’opposer à la révélation et aux dogmes. Les initiés sur la voie savent qu’il est judicieux, au nom d’une certaine cohérence, de n’emprunter qu’une seule voie à la fois. En conséquence être fidèle dans une religion n’est pas incompatible sur le plan initiatique avec la Franc-maçonnerie, mais suppose l’adhésion à un dogme qui guide les pas du maçon. La peur de l’Église est que ce dernier, par ses propres découvertes et son exégèse ésotérique, ne se détourne du canon.

 

5) Hiram

 

La légende d’Hiram apparaît dans les loges vers 1730-1745. Elle semble réunir sur elle l’action des courants ésotériques voir occultistes des siècles passés. Rose-croix, alchimistes, détenteurs de la Gnose, élus Cohens trouvent une expression plus élaborée dans cette légende. La théâtralité du récit, introduit dans le rituel d’exaltation, le passage dans un autre état, voire dans un autre monde, pour «l’élu » qui a été choisi par ses pairs.

L'homme-matière devient Homme-esprit. Nous ne sommes plus dans le registre de la pierre taillée. C’est bien plus qu’une simple palingénésie qui mimerait au plan symbolique le sacrifice du Christ. Son assassinat et son relèvement rituel[15] n’étaient pas pour plaire au clergé, d’autant que cette mort rituelle est une délivrance[16] de toute contingence et donc de la matière, alors que la crucifixion du Christ annonce la résurrection des corps et le salut de l’âme.

La délivrance est réservée aux élus, le salut est pour tous.

L’interprétation du sacrifice du Christ et de sa résurrection se trouva concurrencée par l’approche initiatique de la légende D’Hiram. C’est toute la construction dogmatique qui était menacée par l’élan maçonnique. Désormais, s’en était trop, le futur Maître ne pouvait vivre une résurrection-délivrance dans des cérémonies secrètes, et il ne pouvait y avoir deux Christs, celui du salut et celui de la délivrance, celui de l’Église et celui des maçons.

L’interprétation maçonnique est potentiellement supérieure à celle de l'Église, car cette dernière ne se situe que « par » et « pour » l’homme, lui proposant le salut pour réalisation spirituelle, alors que la maçonnerie offre le changement d’état.

L'Église considère que la spiritualité est sa suite et conséquence, inspirée par la foi. Le point de vue de l'Église s’oppose à certains maçons pour qui la croyance en une religion n’est qu’un simple compartiment de la spiritualité.

La base historique du christianisme repose sur la Résurrection. C’est l’expression prophétique de la volonté divine dans un domaine purement contingent et historique. Ce « sous-domaine » d’intervention est de moindre dimension, qu’une sphère métaphysique, conceptualisée par l’initié-maçon dans son for intérieur. Ainsi, la métaphysique de l’initié parfait saisit l’ensemble de la permanence et du tout, alors que la prophétie et la résurrection ne sont que l’émanation d’une volonté divine dans une strate. Il y a bien différence de perspective, car la nature de la religion est décidément dénuée de son dimensionnement ésotérique.

C’est un dialogue de sourds.

L'Église ne reconnaissant pas l’ésotérisme comme autonome et supérieur dans sa portée, mets en avant la voie mystique. Elle n’accepte pas de reconnaître l’abandon fautif de l’interprétation de l’ésotérisme spécifiquement chrétien. De son côté, le maçon n’entend pas se soumettre au dogme, conservant ainsi l’intégrité d’une voie initiatique, artisanale, ancestrale et personnelle.

La voie initiatique peut être complétée par la foi. Si on admet que la foi religieuse complète et illustre dans un domaine limité, le concept métaphysique.

De notre point de vue il n’y a pas contradiction entre la voie initiatique et la voie mystique, elles sont agissantes sur deux domaines différents, mais pas contradictoires.

Toutes les voies ascensionnelles sont censées converger en un point commun et ultime. Ce sommet de la montagne pouvait être suggéré par la légende du relèvement d’Hiram et la résurrection du Christ. Les conséquences étaient trop importantes pour qu’il puisse y avoir la moindre reconnaissance de part et d’autre.  

(…)

© Comprendre la Franc-maçonnerie - Editions du Maçon 2011

 

Eric R\

Voir en complément à cet article: 

http://www.ecossaisdesaintjean.org/2014/12/tradition-et-religion-en-franc-maconnerie.html


[1]              La mandorle est l’intersection de deux cercles, le premier représentant la totalité et son point rayonnant, le second l’expression manifestée.

[2]              Appellation réservée aux descendants de Noé.

[3]              La religion proche de Noé interdisait de servir les idoles, de tuer, de tomber dans le blasphème, soit un programme court et consensuel.

[4]              De la Tierce attendra 1742 pour publier, soit trois ans après la mort de son ami. Certains ont pu croire à tort qu’il avait fait une traduction assez libre de la constitution de 1738, or c’est l’inverse qui s’est produit. Anderson a adapté le manuscrit du Marquis qui fut rémunéré pour son travail.

[5]              Les constitutions de Roberts de 1722, contemporaines de celles d’Anderson, infligent un désaveu à ce dernier en commençant par « Je dois vous exhorter à honorer Dieu dans la Sainte Église, à ne pas vous laisser aller à l’hérésie, au schisme et à l’erreur dans vos pensées ou dans l’enseignement d’hommes discrédités.

[6]              Le titre de ces constitutions est : « Ahiman Rezon » qui signifie en hébreux ahim=freres, manah=choisir, raizon=loi.

[7]              Date de création de la Grande Loge Unie d’Angleterre.

[8]              La rectification s’entend au sens chimique de purification.

[9]           Extrait de " l"Alchimie Spirituelle" de R. Ambelain

 

[10]             Rituel de 1985.

[11]             Le livre saint étant considéré comme une règle de construction ontologique, certains rites lui substituent la règle qui prise dans son sens symbolique « mesure » toute construction. Toute construction obéit à une « règle » qui l’ordonne et la rend harmonieuse.

[12]             Certains contradicteurs considèrent que la référence obligatoire au Grand Architecte De l’Univers par son déisme serait de nature dogmatique.

[13]             Nous renvoyons nos lecteurs à l’étude « Relativisme maçonnique et quête du Franc Maçon » publié dans la RDM n°1.

[14]             Certains auteurs considèrent qu’il n’y a pas de différence à établir entre la voie initiatique et mystique.

[15]             S’agissant du relèvement il faut admettre qu’il s’agit du relèvement du Maître intérieur. Il n’est pas obligatoire de le pratiquer physiquement, car on resterait alors dans le domaine exotérique et contingent limitant la portée de l’exaltation. Il faut en rester à une pratique primitive que l’on trouve dans le Rite Ecossais Primitif. Rappelons que les deux grades qui précèdent sont un travail sur le Soi plus que sur l’être humain.

[16]             Il s’agit alors d’une exaltation.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 22:58

1694.S-1-.jpgLa litanie[1] des 12 S

(…)

Le S est une lettre qui est d’abord un signe.

 

Il résume les 12 lacs d’amour de la corde à nœuds. Il ne fait pas le retour sur lui-même complet, car il ne se suffit pas à lui-même. Il est interdépendant des autres S de la litanie. Si on parle de litanie des 12 S (3 fois 4) c’est pour mieux souligner l’absence criante et lancinante du treizième nœud. Le treizième nœud clôture le douzième espace, et démarre le premier.

Le S est un nœud dénoué qui prend alors le sens d’un mot. Dans la corde à nœuds qui cercle les murailles du temple, le treizième nœud est rompu pour laisser le passage à l’Ouest. Le treizième nœud et le treizième S sont la porte d’accès. Pour franchir cette porte il faut prononcer un mot au grade de compagnon, et faire le signe[2].

 

images-7--copie-1.jpgIl y a une logique intégrative qui repose sur la correspondance entre la corde à nœuds, située sur le sommet des murailles et la chaîne d’union autour du pavé mosaïque. Franchir la porte d’Occident, à l’endroit de la rupture du treizième nœud puis se tenir entre les colonnes, revient à devenir le treizième nœud. La frontière franchie nous devenons un maillon de la chaîne d’union. La recherche de critères spécifiques de l’initiation maçonnique aboutie, avec un certain bonheur, à 12 mots commençants par S, qui, pour eux-mêmes ou pour les combinaisons qu’ils nous proposent, recouvrent un domaine de définition donnant aux deux premiers degrés un aperçu suffisant pour appréhender les petits mystères.

Pour nous les 12 S sont les 12 « stations[3] » du pèlerinage symbolique du compagnon.

 

On peut synthétiser ces critères autour des 12 S. Ces mots sont interagissant et recouvrent l’espace matériel du temple (sacré, spirituel, symbolique), l’attitude du maçon (secret, serment, silence), l’état du maçon (soi, solitude, solidarité) et le but à atteindre (sacrifice, servir, sagesse). Ici les mots prennent la plénitude de leur sens dans leurs combinaisons transversales. Ainsi on relève que le silence est en rapport avec le secret et le sacré, que le soi interagit avec le sacrifice et le silence, etc.… :

 

-      Sacré ou consacré, dois être le lieu où se déroulent les rituels. Ce lieu est appelé Temple, et la sacralité peut être comprise au-delà du sens religieux ou laïc.

 

-      Spirituelle doit être la recherche, c’est la quête de l’esprit, tel le compas dominant l’équerre.

 

-      Symbolique doit être le langage dans le but d’animer l’intelligence du cœur.

 

-      Secret est le ressenti. C’est le domaine de l’intime. Il qualifie le lieu et l’instruction ésotérique dont les effets sont personnels et incommunicables.

 

-      Serment doit être rituellement prononcé, il scelle l’engagement sur la voie initiatique et inaugure le silence et le secret.

 

-      Silencieux doit être l’apprenti pour éveiller son écoute de lui-même et de l’autre.

 

-      Soi doit être reconquis, face à l’égo, par la plongée dans les profondeurs de l’être, pour y faire une place à l’autre en se connaissant soi-même. Se rendre maître de soi, dans l’acceptation de l’autre.

 

-      Solitude du parcours, chacun son chemin, il n’y a pas de dogme pour cheminer.

 

-      Solidarité de la fraternité, compense la solitude. La franc-maçonnerie est un lieu de fraternité et d’épaulement dans la découverte du soi.

 

 

-      Sacrifice de soi reste le but final, pour mieux renaître.

 

-      Servir l’autre et s’oublier.

 

-      Sagesse dans le corps, l’âme et l’esprit, pour préparer l’ultime initiation.

 

 Le treizième S ne peut être divulgué ici. Il est commun à tous les rites maçonniques, qui n’abandonnent pas le compagnon au travail solitaire dans les entrailles de la Terre.

Il est typique du grade de compagnon[4]. 

Est-ce un hasard s’il vient achever le travail de la matière et la connaissance de soi par la rencontre de l’autre ? Est-ce un hasard si sa prononciation est si particulière au point d’être discriminante pour lui même ? Est-ce un hasard s’il permet le passage d’une frontière ?

Finalement, le treizième S boucle la corde à treize nœuds et finalise le S en lac d’amour, soit un retour sur soi, pour mieux poursuivre le chemin.

 

Le treizième nœud de la corde est donc le compagnon. Il fait la jonction. Sa présence transforme la corde à nœud en Ouroboros[5], symbole des cycles du recommencement et du retour sur soi, de l’indifférencié qui absorbe et digère la dualité et les couples d’opposés[6].

  Chaque S renvoie au suivant et inversement dans une suite perpétuelle, comme chaque noeuds de la corde est partie et totalité de celle-ci.

 

Pour conclure, il nous semble que cette litanie renforce et complète l’enseignement des arts libéraux, des maximes et ordres d’architecture. Elle donne l’interaction circulaire et panoramique nécessaire pour recouvrir le microcosme du compagnon. Elle ouvre une perspective ascendante en bouclant le parcours de l’espace plan du compagnon. Elle le renvoie à la découverte d’un centre omphalique, d’un axis mundi au cœur de la loge, où la verticalité ascensionnelle est une voie d’accès au macrocosme. 

(…)

24

En complément à cette interprétation maçonnique, la lettre S doit être rapprochée de la ligne sinusoïdale de partage de la figure universelle du Yin et du Yang.

 

En réalité le S aun mouvement enveloppant qui tourne autour de deux axes l'un blanc et l'autre noir. Cette observation nous fait revenir à une globalité cyclique dans laquelle se fondent et disparaissent les oppositions. L'opposition est un motif de contournement par le tracé tout en étant constitutif de la figure. Donc de l'opposition apparente naît la synthèse et son cycle de renouvellement. Il n'y aurait pas de cycle sans opposition "apparente" qui n'est au plan supérieur qu'une complémentarité.

On comprend comment se forme le noeud de la corde à noeud dont le S n'est qu'une expression synthétique.

 

Les symboles maçonnique dépassent le plan terrestre et la linéarité du pas de l'apprenti pour dans le ciel s'élever dans une signification circulaire et cyclique. Ainsi le pavé mosaïque trouve un écho dans la corde à noeuds. Le changement de plan qu'autorise le rapprochement des symboles, scelle l'union de la terre et du ciel pour celui qui sait lire. 

Eric R.:

 



[1]              Le propre d’une litanie est d’être une prière circulaire et répétitive, tels un chapelet, un rosaire.

[2]                          Le nœud, le S, le signe et le mot, recoupent les quatre dimensions du symbole.

[3]              Le terme « station » n’est pas celui du chemin de croix dans son sens religieux, il reprend néanmoins l’idée d’une halte intellectuelle sur le chemin pour méditer sur le sens profond du mot.

[4]              Le mot de passe est S……….. et toute la difficulté consiste dans sa prononciation. Si et est juste elle permet le franchissement du fleuve, qui est d’abord une frontière intérieure, pour rejoindre la fraternité.

[5]             Ouroboros est représenté sous la forme d’un serpent qui se mord la queue, indiquant que ce qui est revient à ce qu’il fût. Constatons que le mot serpent commence par un S et que c’est ce même serpent qui vient boucler la ceinture de notre tablier de maçon.

[6]              Telles les cases noires et blanches du pavé mosaïque qui doivent être lues par le filtre de la corde à nœuds.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 22:20

 trois lumieres3                                                                           La méthode maçonnique et l’entrée en la matière

 

 

        S’il n’existe pas d’enseignement de l’initiation, il existe bien une méthode de transfert des données traditionnelles. La méthode maçonnique empreinte de spiritualité est d’abord un chemin de sagesse.

La spiritualité est la vie de l’esprit humain. Elle a un rapport immédiat et absolu avec le divin et l’infini. La notion divine n’est pas nécessairement fondée sur une croyance en une vérité révélée, pas plus que la spiritualité appelle la philosophie. Pour autant la spiritualité n’est qu’une perception humanisée des concepts métaphysiques.

 

L’initiation (maçonnique) constitue la plate-forme, « une entrée en la matière » sur laquelle le franc-maçon va tailler sa pierre.

Plus que la taille, c’est être la pierre qui importe.

La méthode repose sur une progression par paliers, dans l’étude des textes et des symboles traditionnels. Ainsi une loge qui négligerait l’étude de la symbolique maçonnique au profit de questions sociales ou d’actualité, remettrait en cause la transmission des connaissances initiatiques fondamentales de l’Art Royal. Les symboles qui sont étudiés sont universels, ils accompagnent l’apprenti sur son propre chemin.

 

Travail et tablier

 

 Le travail est le moteur du cheminement initiatique. Il peut arriver que quelques frères oisifs se prélassent sur les colonnes, profitant du travail des autres et n’apportant à la loge que leur présence critique. Il convient de leur rappeler qu’ils portent un tablier, héritage des temps opératifs.

Mettre son tablier est un geste symbolique. Toutes les voies initiatiques ont leurs vêtures. L’aube et la tiare pour le sacerdoce, l’armure et l’uniforme pour la voie martiale[1], le tablier pour la voie artisanale. Le premier geste pour mettre son tablier consiste à ceinturer son corps. Avant de commencer le travail, il faut donc « faire le tour de soi », comme une mise en condition corporelle.   Le tablier de l’apprenti donne le signal du premier travail à effectuer : la taille de la pierre brute.

Il est en peau d’agneau excellent isolant, complètement blanc. Il a une bavette triangulaire qui reste tendue vers le haut et qui protège la région de l’épigastre, dans le symbolique travail de dégrossissement. La bavette levée de l’apprenti symbolise le savoir non encore pénétré dans la matière ou corps physique. La bavette abaissée du compagnon symbolise l’entrée de l’esprit dans la matière. Une telle symbolique nous la rencontrons aussi dans la superposition de l’équerre sur le compas durant les travaux au grade d’apprenti dans lequel la matière prédomine et au grade de compagnon ou la matière et l’esprit s’équilibre.

 

Liberté et collectivité

 

Le mot d’ordre est « un maçon libre dans une loge libre ». Le message délivré par les symboles s’adapte aux convictions philosophiques, religieuses et morales. Ce travail personnel repose sur une quête de soi pour certains, une dimension divine ou sociétale pour d’autres.  

C’est au contact des autres frères que s’enrichit son propre parcours. C’est ici le principe d’altérité qui produit ses effets. La Loge devient alors un lieu d’échanges réglementés et de sérénité ou s’exprime parfois des options différentes, chacun conservant son libre arbitre en ayant pris soin de bien comprendre le point de vue d’autrui. La différence dans la fraternité, construis la conscience de soi et du monde. Chacun trace son chemin de lumière en s’appuyant sur les autres. Les francs-maçons sont donc des individus interagissant qui élaborent leur pensée personnelle et non collective fondée sur l’analogie symbolique. La Loge devient l’athanor de l’accomplissement individuel. Elle reste aussi le lieu vivant de la tradition et de la transmission.

L’effort à fournir consiste à une descente en soi pour mieux se connaître et se perfectionner en rectifiant ses défauts et ses erreurs. C’est le « Gnôthi seauton »[2] d’origine grecque, qui consiste en une transformation intérieure de l’initié. La Franc-maçonnerie est une école de l’éveil se traduisant notamment en un élargissement de la conscience. Cet effort sur soi commence par la taille et le polissage de sa pierre. Il se poursuit, s’il en est capable, par une descente au plus profond de lui-même.

Enfin, l’initié répondra à l’appel de la transcendance. Ce principe est illustré par l’acronyme alchimique V.I.T.R.I.O.L[3]., Visita Interiora Terrae, Rectificandoque, Invenies Occultum Lapidem (Visite l’intérieur de la Terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée). La construction de son temple personnel est un objectif qui passe par l’usage des symboles qui s’expriment autrement que dans la vie profane.

 

Trois étapes

 

Il y a donc bien trois étapes à franchir :

La première étape commence par une reliance à soi. C’est le geste symbolique de ceindre son tablier qui nous fait relier les deux extrémités de soi. C’est aussi une prise de conscience de sa propre corporalité - matérialité, perfectible jusqu’aux limites de nos possibilités.

On cherche à éclairer les zones d’ombre de son psychisme. Ainsi l’apprenti cherche à se dépouiller de la gangue de matière dans laquelle il se fige. C’est un travail sur soi ou il recherche sa véritable identité. L’animal devient homme.

 

La deuxième étape consiste à rentrer en fraternité active avec les autres. C’est le principe bien connu des voyages du compagnon, qui en découvrant le monde découvre et partage le pain avec autrui. Dans cette reliance aux autres, le compagnon accomplit la réalisation du Moi. Il doit voir la présence de l’esprit prisonnier de la matière et trouver en lui le moyen de dénouer les blocages. Peut-il alors y avoir confrontation dans la fraternité? Naturellement, l’aboutissement de cette rencontre de l’autre dans un lieu clos et couvert doit se faire dans la conciliation des contraires, comme les cases noires et blanches du pavé mosaïque. C’est ce consensus qui donne naissance à l’égrégore. C’est un phénomène transcendant inexplicable qui couronne la rencontre et l’effort sur soi. Symboliquement aux agapes les Frères partagent le pain de la Sagesse. C’est le même pain qui nourrit la communauté. Enfin, la Loge est assimilée à un miroir: les Frères s’entraident dans l’élimination de leurs défauts.

 

Enfin la troisième étape s’attache tout particulièrement à la libération de l’être dans l’aspiration à plus haut.

C’est l’étape de la reliance à la totalité, à l’universalité. L’homme microcosme devient macrocosme. Le Maître accompli l’intégration du soi, premier pas vers la sagesse et l’harmonie. C’est le relèvement du maître de sagesse qui est en lui.

La méthode consiste donc à la mise en pratique d’un langage non discursif. Il n’est compréhensible qu’au prix d’une volonté agissante sur le corps et l’esprit, visant l’épanouissement personnel dans le cadre d’un groupement humain usant de rituels et parlant le même langage symbolique. Le groupe est indispensable, car il est un miroir pour soi-même. Il permet d’avoir un écho de soi plus révélateur que la simple conviction que l’on peut en avoir.

Progressivement le maçon acquiert pour lui-même une meilleure connaissance de soi, apportant par ses avancées un enrichissement de la loge. L’échange s’effectue donc dans les deux sens. L’apport mutuel par sa nature collective devient le 2ème trésor de la loge[4].

 

Les degrés et la conjugaison

 

Il existe plusieurs degrés de connaissance initiatique, traduits par des grades qui donnent lieu à de nouvelles initiations et donc de nouveaux commencements. Les trois grades de base de la franc-maçonnerie initiatique sont l’apprenti, le compagnon et le Maître.

Graduellement le franc maçon pratique le « solve » et « coagula » des alchimistes : il s’agit dans un premier temps, de dissoudre les imperfections de son être, fondées sur des mécanismes propres qu’il convient de réinterpréter pour enfin s’améliorer. À la suite il faut bâtir en soi la sagesse.

Oeuvrer sur le chantier de son temple intérieur, c’est participer à une immense chaîne de chercheurs d’absolu qui remonte à la nuit des temps. L’initié ritualise sa recherche, à l’aide d’outils qui sont des symboles dont la fonction finale est la quête de soi sur un plan mythique. Il s’appuie aussi sur l’ésotérisme consistant en l’approche découverte du « divin » par la lecture des textes sacrés dans leur sens intérieur.

En des termes plus concrets le franc-maçon tout en admettant la rationalité comme principe de base à tous les raisonnements, fait une place aussi grande à son intuition. Il joue sur la complémentarité des deux termes en les conjuguant. Il agit de la même façon en évitant les oppositions entre deux termes. En prenant de la hauteur, il tente la conciliation en recherchant la meilleure des deux propositions. Cette politique du juste milieu fait de lui un juste conciliateur en toute occasion. De la même façon qu’il a appris à bâtir son temple intérieur en alliant la matière à l’esprit, il réitère en conciliant le blanc et le noir, les ténèbres et la lumière suivant un axe médian. On dit que le franc-maçon se tient entre l’équerre (symbole de la matière) et le compas (symbole de l’esprit). Il se doit de réaliser l’harmonie entre les réalités matérielles et les spéculations de son esprit.

Enfin il nous semble utile de rappeler que l’Art Royal est une logique de l’interprétation, qui repose sur le bon usage symbolique des outils des frères opératifs[5]. C’est un aspect concret et architectonique où la volonté s’impose à la matière, et l’herméneutique des textes sacrés ouvre à la métaphysique et aux règles de l’harmonie.

 

R\L\ Ecossais de Saint-Jean

Eric R\

 

 

 



[1]              Sans parler de l’habit de lumière du torero, la corrida étant une forme dégénérée d’un cheminement initiatique de type minoen.

[2]              « Connais toi toi-même », inscription gravée au fronton du temple d’Apollon à Delphes et que Socrate avait choisi pour devise.

[3]                L’inscription V.I.T.R.I.O.L figure dans le cabinet de réflexion dans lequel est enfermé l’impétrant au cours de son initiation. La signification de l’acronyme lui est inconnue, mais il vit pendant quelques minutes cette interrogation salvatrice sur lui-même.

[4]              Le premier trésor d’une loge est la transmission de son influence spirituelle de générations en générations. La généalogie initiatique de la loge et des frères qui la compose est indiscutablement plus importante que l’appartenance à telle ou telle obédience. L’évocation des anciens passés à « l’Orient éternel » est d’une importance capitale en la matière.

[5]              Le bon usage des outils au plan opératif équivaut à la bonne interprétation symbolique. La polysémie des symboles n’implique ni l’anarchie ni le contresens.

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 17:27

9Le point, la règle et le Tout

 

« Le point est un cœur agissant. »

 

 

 

 

(ci-contre le point et sa manifestation dans un état donné )

 

 

Sa nature est indéfinissable. De ce que nous pouvons normalement appréhender, nous ne trouvons rien qui puisse se comparer à lui ; par analogie nous faisons habituellement un rapprochement avec le Un, l’unité. Tout comme l’unité fondatrice de la suite des nombres, le point n’existe à nos yeux que par ses développements et ses diverses manifestations qui dans un domaine géométrique nous donnent la droite puis le plan (par trois points) et enfin le volume (par trois axes). Toutes ces figures découlent de la duplication ordonnée du point.

 

La potentialité du point est totale, car par ses développements, il peut embrasser tout l’univers. Rien ne peut lui échapper. Il est à la fois le tout et le rien, l’alpha et l’oméga. Voilà donc que l’inexistence se confond avec la totalité. Le sujet est désarmant pour une rationalité constructiviste et c’est la raison pour laquelle il fut très tôt l’objet le plus convoité en métaphysique. Selon Euclide le point n’a pas de parties, c'est-à-dire qu’il n’entre en relation ni avec le temps, ni avec la matière. Sorti du temps et de l’espace, il échappe à l’usure, tout en symbolisant l’unité fondatrice du tout. Ce particularisme fait de lui le point fixe dans la mouvance, l’axis Mundi universel. Personne ne serait capable de le situer précisément. On sait seulement qu’on procède de lui et qu’on revient à lui. L’intuition nous amène à considérer sa présence en tout être et toutes choses. Son omniprésence et son invisibilité font de lui le plus habile magicien de la création.

  

On célèbre le point en loge en cultivant la part nécessaire de secret qui l’entoure. Comment parler de quelqu’un qu’on n’a jamais vu ?  C’est l’allusion qui fonde son royaume. On le trouve au sommet de la pierre cubique à pointe, dissimulé derrière la lettre G, puisqu’il est le coeur pivot central du flamboiement de l’étoile. On le retrouve au cœur de la loge, au cœur de la croix tridimensionnelle formée par la question rituelle : quelle est la dimension de la loge ? La loge s’étend de l’Orient à l’Occident, du Septentrion au Midi, du Zénith au Nadir.

Ce fameux centre est donc virtuel, un non-lieu en quelque sorte. On peut tenter de le situer aux deux premiers grades, au milieu du pavé mosaïque, qui n’est autre que le monde d’ici bas. Il est le point de passage de l’axis Mundi. Le centre des centres vaut pour le centre du zénith, et le centre de la Terre. Par analogie le centre est au cœur[1] de chacun de nous.

 

La loge fait l’éloge du point sans jamais en parler. Il semblerait qu’il soit le secret le mieux gardé de la démarche initiatique. Le cosmogramme de la loge est un hymne au point. Quel objet aussi insaisissable et universel que le point peut unifier les maçons : Par son expression droite, il est la sagesse de la source divine, il est la force dans la volonté expressive de la manifestation et l’harmonie dans la beauté de son développement.

 

On lui doit tout, la ligne, le plan et le volume. Il offre la diversité par son rayonnement et l’unité par l’origine.

Le point agissant est donc le centre.

 

Le cercle et la droite

 

Le point est donc un centre sur lequel l’architecte applique la pointe du compas, défini un angle d’ouverture pour tracer un cercle expression de la manifestation du point central.

Le cercle ainsi tracé est une des expressions de la manifestation créatrice du centre, parmi d’autres. Ce centre omnipuissant est d’ordre divin. Au sens propre et au sens figuré, c’est le rayonnement du point qui produit la manifestation. Le cercle est un point central doté d’un rayon d’action. Le rayon d’un cercle n’est autre qu’une droite qui est avec un début et une fin (relative). Elle se gradue nécessairement par l’expression concrète non pas de ses limites (il n’y en a pas), mais de son étendue.

 

La contingence introduit la limite de perception. La vision totale est dégradée. Cela signifie que le cercle appartient à un milieu volontairement limité dans son action. La limite de son action est le fruit de la volonté de l’Architecte dans un univers considéré. L’architecte applique une ouverture d’angle, et donc d’esprit, à cette manifestation.

La manifestation du point, fait de celui-ci un centre qui rayonne dans une perspective circulaire. L’action du compas est libre autour du centre, elle peut être tridimensionnelle donnant naissance à la sphère.

 

Donnez-moi un point et un compas et je vous duplique l’Univers. Je ne ferais que le dupliquer, ce ne sera pas une création, car je m’appuierais sur un centre déjà créé.

La sphère et le cercle sont l’expression du centre et la droite en est le rayon. De cette constatation, nous déduisons que la "droite-rayon" s’assimile à la règle maçonnique. Elle est règle de construction de la sphère, car donne la mesure humaine de l’ouverture divine du compas. Elle est droiture de l’expression d’un monde conçu à un niveau supérieur.

 

Les trois termes sont ainsi réunis :

-        Le point central, qui peut se voir attribuer la lettre G pour God, Gravitation, Géométrie, Génération.

-        Un cercle ou sphère qui exprime l’univers microcosmique ou macrocosmique par une multitude de points périphériques qui sont des univers à l’identique du centre.

-        Enfin le rayon qui anime l’intervalle.

 

La ternarité se décrit comme le « commencement » de la droite, « la fin » de sa perception et son « milieu ». C’est aussi le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ou d’une manière exotérique : l’esprit divin, le corps de matière et l’âme ou souffle divin qui l’anime.

Nous en venons à l’idée divine qui sous-tend le centre absolu et ses manifestations : « Dieu est une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part » et inversement « Dieu est une sphère dont la circonférence est partout et le centre nulle part ».

 

Pour le franc-maçon sur le chemin, nous utiliserons le concept de lumière absolue en lieu et place du centre primordial.

 

La lumière absolue et son émanation

 

Elle se définit pour elle-même comme le point central et extérieurement à elle pour son rayonnement. Deux notions en découlent. La première centripète qui a le pouvoir d’être le tout en un point central, la seconde centrifuge se traduisant par la peau de la sphère, son émanation, qui est à l’image du point lui-même.

 

Le centre siège de la lumière est un point qui rayonne, occupant ainsi une volumétrie éclairée au milieu des ténèbres.

L’Homme sur son radeau flotte au bout d’un rayon de lumière. Il est créé à l’image de Dieu. Il est donc le 2 qui procède du UN. C’est la règle qui mesure la distance entre l’Homme et son créateur. Lorsque l’homme initié désire rejoindre sa source, il s’engage sur un chemin de lumière.

 

Ce chemin de lumière est un gravissement. C’est l’échelle de Jacob, et les échelons de celle-ci sont des grades d’accomplissement et de perfection, unités symboliques de la Connaissance.

Enfin le secret maçonnique de la règle graduée nous est révélé : la règle à 24 pouces dissimule une échelle !

 

Le propre d’une échelle est d’être gravie. L’ascension qu’entreprend l’initié permet de reconquérir la distance qui sépare l’Homme de son créateur. Ce voyage vers la lumière est celui du maître qui va de l’Occident vers l’Orient. L’Occident est un lieu périphérique, l’Orient est la source lumineuse radiante. L’inversion du sens de la marche du Maître, indique que cette lumière « solaire » devient « stellaire ». C’est un retournement de « point de vue » des petits mystères aux grands mystères[2].

 

Ses pas lui font passer la mort d’Hiram, en volant vers la lumière. Débarrassé des outils, du tracé linéaire, de la matière et de son corps en décomposition, il quitte la contingence solaire. Son âme portée par la parole sacrée tend vers l’étoile.

Ayant vue le visage de Dieu, il devra redescendre l’échelle et témoigner, en transmettant les pas à l’apprenti. Ainsi le cycle recommence.

 

Comment gravir cette échelle symbolique et en redescendre ?

 

On a vu précédemment que l’hexagramme est la figure associée à la règle à 24 pouces. Pour résumer, l’usage terrestre et compagnonnique de la règle infère le 4 terrestre qui divise les heures du jour et de la nuit. Chacune des quatre périodes est composée de six fractions horaires d’origines célestes. En référence céleste, donc appliqué sur le cercle, on doit retrouver notre référentiel associé.  Pour diviser le cercle en 6 arcs, on divise la circonférence par le report du rayon. En six fois on fait le tour complet du cercle.

 

Cette manipulation permet de passer du domaine terrestre au domaine céleste et le compagnon doit être capable de le tracer pour accéder à la maîtrise.

Ainsi divisé, notre cercle produit l’hexagone qui révèle l’hexagramme.

Les deux triangles superposés indiquent un sens montant et un sens descendant recherché, soit l’expire du centre c'est-à-dire sa capacité à s’étendre et l’inspire, sa capacité à se résorber. On devine que c’est avec la figure du Sceau de Salomon et toutes ses implications, que le Maître pourra rejoindre son centre principiel et regagner sa périphérie. Pour ce faire il ne sera pas utile de passer par des grades dits supérieurs du moins au Rite Ecossais Primitif. S’agissant des autres rites, le simple triangle ou même le pentagramme microcosmique, représentés à l’Orient, ne peuvent suffire. Il faudra alors entamer un cycle supérieur afin de trouver une échelle montante et descendante...

 

Tout est dans la figure de la règle à 24 pouces et son report dans le Sceau de Salomon.

Le centre est notre totalité. Pour se réconcilier avec lui, quel que soit son nom, encore faut-il connaître le bon usage de l’outil. C’est ainsi que nous pourrons reconquérir l’espace qui nous en sépare.

(…)

 

Eric R\

 

 



[1]              Le cœur en temps que centre corporel n’est en aucun cas l’organe cardiaque. Il s’agit du for intérieur, soit notre centralité psychique. Cette centralité psychique dépend de notre reliance à notre matrice maternelle au droit du cordon ombilical. Par conséquent le centre corporel ontologique est le nombril, point de passage de l’axis Mundi dans la figure du pentagramme humanisé.

[2]              Nous expliquions les deux faces de la règle, graduée d’un côté et sans graduation de l’autre. Ces deux faces correspondent au point de vue contingent pour l’un et métaphysique pour l’autre.

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 17:16

 Cet extrait donne un aperçu succinct de la puissance symbolique d'un outil-instrument dont l'application au plan géométrique semble parfaite mais dont la haute provenance reste à rechercher. Au-delà de son utilité apparente se profile une finalité cachée...

 

La règle

 

« Outil » traditionnel de la franc-maçonnerie, la règle est l’instrument du compagnon ou du maître[1] suivant les rites. Elle sert à vérifier les alignements et à mesurer l’ouvrage, à le rendre homogène. Symbole de la rectitude, de la méthode, et de la loi, elle est aussi l’expression de la régularité[2] maçonnique dans la bonne application des principes initiatiques.

Au plan géométrique la règle est d’abord une droite reliant deux points. Elle est génératrice de la ligne droite qui se prolonge indéfiniment dans les deux sens.

Au plan étymologique la règle s’associe à l’idée de mener, de diriger, de guider.

 

Naissance de la règle

 

Le point originel génère, par l’action du Logos une trajectoire droite, qu’on appelle l’action droite ou l’intention droite. C’est la puissance du point que de créer un mouvement directionnel et ordonné par l’intermédiaire du Logos.

Cette action dynamique est, ni plus ni moins, l’expression du Logos qui organise et ordonne la manifestation. L’ « ordo » dont il est question se distingue du « Chaos », de l’informalité et de la non-manifestation, par le cadrage de l’intention droite. Ainsi, on peut affirmer que la droite est l’expression dédoublée de la source créative. La source créative dans la règle graduée est représentée par le Zéro. Paradoxalement le Zéro quantitatif et métrique qualifie l’unité primordiale qui est une totalité sans quantité.

Cependant si le point est sans parties, la droite a une longueur, mais pas de largeur. Elle se manifeste par son étendue. Sa manifestation n’est, dans son tracé, qu’une succession de points marqués sur une trajectoire définie. Pour nous, cette trajectoire s’achève dans un temps donné qui s’écoule du point A jusqu’au point B, dans une hécatombe de successibles, qui n’ont d’existence qu’à un moment déterminé. Finalement, la droite que compose la règle du maçon n’est que la duplication, la génération du point par son intention droite.

 

Le temps et l’espace

 

La particularité de la règle repose sur sa graduation qui introduit le temps et l’espace.

Dès lors, le temps dans son écoulement prend tout son sens. On parle de la règle à 24 pouces. Les 12 heures du Jour et de la nuit rythment efficacement la vie du maçon. Cette linéarité de la règle engendre l’hypothèse d’une fin à l’écoulement du temps, ce qui est contradictoire de l’expérience cyclique de la vie sur terre. Opposer la linéarité avec son début et sa fin, au cycle sans cesse renouvelé vaut par exemple, l’affirmation de la planéité de la terre au moyen âge.

Il ne faut jamais se fier aux apparences et l’initié convaincu de leurs tromperies, tente de relier la graduation à 24 pouces aux effets cycliques. Les 24 pouces sont, selon l’ancienne règle des opératifs, la division journalière en trois séquences et quatre parties, « l’une pour prier le Dieu tout puissant, l’autre à travailler et à nous reposer, la dernière à venir en aide à un ami, un frère dans le besoin sans préjudice pour nous et notre famille ». Un cycle complet fait 24 heures divisé en 4 périodes de six unités horaires. Le cercle se divise parfaitement en 6 arcs, en reportant au compas, le rayon du cercle sur sa circonférence. Les six droites réunies font un hexagone qui nous donne l’hexagramme, symbole du macrocosme[3]. Les 24 pouces de la règle sont une représentation symbolique de la totalité macrocosmique. Simplement, la règle à 24 pouces est l’application linéaire, humaine et contingente de la totalité.

Ainsi pourvu d’une règle de vie non plane et finie, mais cyclique et infinie, le maçon observe sa loge pour s’apercevoir que celle-ci n’est que le reflet des cycles sans fin de la vie et de la mort, du cycle du jour et de la nuit, de cycle de la graine de blé plantée en terre à sa germination, jusqu'à son retour dans l’obscurité de la matrice universelle. Hiram nous rappelle que la fin est un début.

 

La règle « dégradée » par le temps devient instrument de mesure ici-bas. L’unité de mesure devient une fraction d’existence matérielle. L’art de la mesure devient celui de l’artisan géomètre qui, des deux pointes de son compas, appliquées sur le tranchant de la règle, mesure la fraction d’éternité. La graduation fait entrer la métaphysique de la droite dans le domaine inférieur de la quantité et de la finitude. Là, le temps et son érosion jouent un rôle insidieux, introduisant l’usure financière et l’usure de la matière. L’homme citoyen d’Athènes n’est que le jouet temporaire de Chronos. Telle une poupée démembrée, il sera dispersé dans les flots du Nil.

L’intention droite, conforme au Logos devrait s’abstraire de la graduation. C’est chose faite, tel un miracle au passage du grade de Maître. Libéré de la perception temporaire et spatiale[4], le Maître par sa mort et sa renaissance, telle ISIS, se recompose débarrassé de sa fraction contingente.

Il est l’homme véritable, celui qui a affronté victorieusement l’écoulement du temps, la fin du genre, des nombres et la quantité. Il est celui qui est mort à cette thésaurisation, pour renaître dans le dénuement de l’unité et sous l’égide de la parole perdue, significative du Logos.

 

L’ordre

 

La règle chez le bâtisseur est avant tout synonyme d’ordre. Sa racine étymologique contribue à la solidité de l’édifice à bâtir. Il n’y a pas d’architecture sans plan, il n’y a pas de plan sans architecte et il n’y a pas de plan sans règle.

À cet instant, la règle devient les règles de construction du temple sans lesquelles l’esprit ne peut irradier la matière. C’est l’art du trait appris par le compagnon et mis en œuvre par le maître sur sa planche à tracer qui symbolise l’action de l’esprit ordonnateur sur la matière brute.

Naturellement celui qui tient la règle n’est autre que le Grand Architecte de l’Univers. Cette règle-règlement, deviens potentiellement source de toutes les intentions droites du point originel et fondateur, tant et si bien qu’elle se substitue à la Bible ou au volume de la Loi Sacrée à certains rites.

La règle, comprise dans son sens fondateur, peut suppléer aux règles ésotériques de l’évangile de Saint-Jean. Nous savons que cet Évangile est à interpréter dans un sens purement ésotérique. Par conséquent, la contingence et l’écoulement numéral du temps sont sans effet sur sa lecture. Il faut donc admettre que la règle se substituant à la Bible ne devrait avoir que deux graduations, celle du point et l’expression de son étendue. L’Alpha et l’Oméga. Dans ce cas l’Omega n’exprime pas la « limite » extrême de la droite, mais une potentialité, ou si on préfère un lieu. L’Oméga ainsi que la droite sont comme l’Alpha dont ils procèdent, ils sont l’Alpha. Alors le point qui est sans partie ne peut se définir dans ses limites.

La présence d’une règle graduée, en lieu et place de la Bible, entraîne l’initié dans une lecture fractionnée, exotérique, contingente et profane. Il n’est plus alors question d’unité et de totalité, mais plutôt de l’homme qui devient la mesure de toutes choses manifestées. On entre dans un domaine aussi limité qu’un homme se définissant par lui-même et pour lui-même et hors le tout[5] ! Ainsi lors des voyages du compagnon à certains rites, la règle graduée est d’abord portée sur l’épaule gauche, symbolisant la passivité, la soumission à la matière, puis dans la suite des voyages elle est portée à droite signifiant son sens actif et sa plénitude.

À gauche elle devrait être portée avec la graduation apparente, à droite sans graduation.  

Enfin l’ordre, l’intention droite, associée à la règle se marie naturellement avec le rite. Le rite est expression d’un ordre, car le rite est l’expression d’un ordonnancement, de l’univers manifesté.

Peut-on envisager l’indéfini de la totalité par la règle non graduée ? Si la réponse est positive, la règle serait droiture sans limites. Cette absence de limite concevable par l’esprit ferait de celle-ci un instrument du maître. Ce dernier quittant les petits mystères, le monde de la matière, intervient dans le monde de l’esprit. Sa perception du tout associerait le compas et la règle non graduée sur le registre métaphysique. C’est alors un monde sans limites (règle non graduée) sous l’égide de l’esprit (le compas).

L’angle d’ouverture du compas donne le choix du monde dans lequel il veut agir ; c’est ici l’une des explications de l’intitulé du Grand Architecte des Mondes qui se substitue au Grand Architecte de l’Univers. On constate une fois de plus qu’en franc-maçonnerie, outils et instruments interagissent entre eux. L’application du compas à la règle nous amène à nous interroger sur la droiture de la règle.

 

Droite et rectiligne

 

La règle graduée dans son extrapolation est-elle vraiment rectiligne ?

La règle à 24 pouces semble droite. Puisque graduée, la règle subit l’influence de son milieu[6] ; la contingence s’associe à la graduation temporelle.  En vérité, étant l’expression d’un cycle, il s’agit plus d’un cercle, ou du moins d’une spirale que d’une droite. C’est un paradoxe que de voir une droite se courber, et pourtant les avancées de la recherche accréditent ce que la métaphysique a établi depuis fort longtemps. Ce qui est droit n’est pas nécessairement rectiligne ! Décidément les apparences sont trompeuses !

L’intention droite subit le milieu dans lequel elle évolue, c’est une des explications qui justifient que les francs maçons se réunissent dans un lieu clos et couvert, c'est-à-dire hors de l’espace et du temps. C’est aussi cette influence du milieu qui pèse sur la vérité et son expression. La recherche de la vérité est relative à son environnement, l’initié doit donc s’abstraire de la contingence pour la connaître.

Pour y parvenir, nous proposons de revenir à l’origine de la règle et de la droite.

C’est avant tout la potentialité du point originel qu’il faut prendre en compte. La droite étant la manifestation particulière de ce point, il est donc possible de renvoyer la droite au point d’origine et à son indéfinition. En effet la droite n’existe que par le point, sans point d’origine la droite n’existe pas. Ainsi la droite et donc la règle du bâtisseur dépendent de l’expression de leur origine. Ni la droite ni la règle n’ont d’autonomie propre, elles sont en religion, au sens étymologique, car reliées à une notion d’ordre supérieur. (…)

Er.°. Rom.°. RDM n°2  R.°.L.°. Ecossais de Saint Jean. www.ecossaisdesaintjean.org

[1]             Pour Robert Ambelain c’est un instrument du maître, il est le neuvième dans l’ennéade des outils.

[2]              La régularité s’applique à l’initiation, à la loge et au rite.

[3]             Cette clef interprétative est particulièrement vraie au Rite Ecossais Primitif, qui fait figurer à l’Orient, entre le Soleil et la Lune, l’Hexagramme composé de deux triangles superposés et entrelacés, en lieu et place d’un simple triangle. C’est l’idée d’une totalité métaphysique (lumière absolue) qui rayonne ainsi dans la loge, via l’épée flamboyante du Maître de la loge, et non pas seulement d’une lumière illuminatrice (spirituelle) à l’échelle de l’homme.

[4]              C’est une des significations du passage de l’équerre au compas, par le survol par trois fois du cercueil d’Hiram. Les pas du maître signifient un changement d’état.

[5]             La figure du corps de l’homme inscrit dans le pentagramme microcosmique illustre ce propos. C’est la dimension du compagnon et de son étoile flamboyante ; le maître connaît l’hexagramme macrocosmique. On notera que l’hexagramme pentalphique réunit la figure mineure à la majeure, par leur centre commun qui est le fameux point primordial siège de l’axis Mundi qui traverse les différents mondes superposés.

[6]              On retrouve le principe de gravitation qui courbe l’univers et le plan, la règle appliquée au sol terrestre est potentiellement courbe.

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 19:24

L’auteur tente un rapprochement entre le Pavé Mosaïque en tant qu’imago Mundi

et la tour de Babel.

Ce lien est caractérisé par l’orgueil de l’architecte qui pense détenir à l’image de Dieu, le pouvoir de créer et d’organiser la manifestation.

 

 

(…)

        Le pavé mosaïque met en œuvre la construction d’un motif bipolaire. Construit par l’homme, ce motif synthétise une opposition associée à une prétention « cosmocréatrice » de l’artisan. La tesselle de carreaux bicolores par son assemblage suivant ordonné et abscisse organise le chaos.

 

        L’artisan devient alors démiurge. Il tente d’imiter celui de qui il tient ses pouvoirs et c’est ici que se situe le point de séparation entre l’homme à genoux devant son créateur et celui qui par bravade ou tentation, s’en va mesurer son orgueilleuse puissance à celle du grand architecte de l’Univers. Construire un pavé mosaïque en tant que fondement de la manifestation, revient à se laisser tenter par Babel. On relate, dans les origines mythiques du métier, l’évènement de la construction de la tour de Babel, comme étant un élément fondateur de la profession des bâtisseurs. Le Régius cristallise la légende : « Écoutez maintenant ce que j'ai lu : bien après l'effroi résultant du Grand Déluge, on bâtit la tour de Babylone, solide ouvrage de pierre et de chaux comme on n'en avait jamais vu. Elle était si longue et si large que l'ombre à midi, avait sept miles.

 

        C'est Nabuchodonosor qui la fit construire pour protéger les hommes, s'il survenait un nouveau déluge. Leur orgueil et leur vantardise furent la cause de la fin de l'entreprise. Leurs langues furent divisées et ils ne se comprenaient plus. » 

 

        Plus tard encore, l’origine Babélienne du métier fut glorifiée et expurgée de sa connotation négative : On remarque qu’avant la légende d’Hiram prévalait entre autres la légende de Noé, le père des constructeurs, que l’Ancien Devoirs, le Graham, consacre en ultime conclusion. Toute la Franc-Maçonnerie d’aujourd’hui est issue de la légendaire Hiramique ou celle plus ancienne et opérative des Quatres Couronnés, celle d’Arnaud de Montauban, puis celles intermédiaires de Maître Jacques et le Père Soubise. On constate que l’ensemble légendaire opératif et symbolique repose sur le crime aussi nécessaire qu’utile. Il devient mythe fondateur et peut s’assimiler à la geste chrétienne de la passion du christ et en toute hypothèse, suggère le principe d’exemple et de résurrection. C’est en ce sens que la Franc-Maçonnerie élabore l’éloge du crime. Le crime par sa nature morale et du fait des tables de la loi données à Moïse ne peut être que teinté de noir.

 

        Les conséquences de ce crime, nous dirons plutôt l’effet miroir, sanctifie le passage à l’Orient Eternel dans un continuum de successibles Maîtres maçons qui reçoivent et revivent la légende d’Hiram. C’est un point intéressant et curieux qui nous ramène aux anciennes pratiques des transferts de type « Dibouk » telles que décrites dans la littérature juive. Ajoutons pour être complet que le crime utile vaut aussi pour soi-même. En plus du transfert successoral évoqué plus haut, il convient pour faire place au nouvel Hiram qui est en nous, de tuer le vieil homme.

 

        Celui qui nous « habite » n’est plus le même depuis notre initiation. Faire table rase d’une animalité envahissante et dispendieuse d’une énergie trop précieuse. Se dissiper sans but et sans fin n’est plus à l’ordre du jour.

 

        Il existe donc une dichotomie agissante qui oscille entre le respect du créateur ou de l’architecte et son meurtre rituelique. S’en suit une tension indispensable, qui permet au ciment qui lie chaque pierre de l’édifice de prendre. Ainsi, pouvons nous affirmer que le pavé mosaïque qui est le lieu du dépôt de la dépouille d’Hiram, trouve sa fonction première dans une apparente opposition, pour faire sienne, plus encore que de mesure, l’unité entre tous les membres qui la compose. L’unité retrouvée se fait grâce au joint invisible et sacré qui les unit, aussi bien dans le deuil, que dans la recherche de la parole perdue. Ce joint interstitiel visible du seul initié est le but réel du la représentation mosaïque du pavé.

 

        Sans doute parce que notre interprétation n’est que réfractée par notre sens manichéen et primaire. De cette filtration résulte une méprise : Le Dieu « Cosmocréateur » ayant créé l’homme à son image n’installe pas la sanction pour la prétention et la tentation de l’imiter par la construction de cet édifice.

 

        Au contraire, la fameuse confusion des langues ne fait que donner naissance à la diversité des langages, en autant de peuplades et pays. L’incompréhension qui en résulte provoque l’abandon du projet de Nemrod. Peut-être qu'il n’est en fait qu’ajourné, en attendant une sagesse et une capacité à mieux s’assimiler à l’autre. Les fondations reposent sur l’altérité. Cette sagesse repose, bien évidemment sur la capacité de chacun à accepter l’autre dans sa différence, vieille vertu chrétienne, redécouverte au Siècle des lumières et qui aboutit tout naturellement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.  Cet état d’esprit se traduit par une capacité à être frères unis dans une chaîne d’union autour du pavé mosaïque, témoin et miroir de fraternité.

 

De même ce principe jointif du meurtre utile, nous renvoie à un épisode bien connu de l’Ancien Testament, inhérent à l’érection de la tour de Babel.

        Pourquoi la génération de la construction de cette tour censée tutoyer Dieu en son ciel, n’a-t-elle jamais été punie ni anéantie comme le fut la génération du Déluge ? Flavius Josèphe relate : « Nemrod peu à peu transforme l'état des choses en une tyrannie. Il estimait que le seul moyen de détacher les hommes de la crainte de Dieu, c'était qu'ils s'en remissent toujours à sa propre puissance. Il promet de les défendre contre une seconde punition de Dieu qui veut inonder la terre : il construira une tour assez haute pour que les eaux ne puissent s'élever jusqu'à elle et il vengera même la mort de leurs pères. Le peuple était tout disposé à suivre les avis de Nemrod, considérant l'obéissance à Dieu comme une servitude ; ils se mirent à édifier la tour [...] ; elle s'éleva plus vite qu'on eût supposé ».

 

        Au plan symbolique l’épisode de la tour de Babel est une synthèse allégorique de l’épisode de la chute. Le rapprochement entre la tour de Babel et le pavé mosaïque est illustré de façon fort probante par le sol de la cathédrale d’Otrante ou l’on voit un pavé mosaïque non loin d’une tour, elle aussi bicolore, ne laissant aucun doute sur le rapprochement que nous venons d’effectuer.

        L’analogie nous semble évidente. La brique est une glaise pétrie et formée puis cuite, l’homme est dans la plupart des traditions, fait à partir de la glaise… Ainsi c’est l’assemblage des briques de glaise, passées par le feu, qui représentent l’expérience du mal et la multitude. Enfin unies par leurs joints, de manière hélicoïdale s’érige l’édifice. L’alliance du feu, du joint et de la brique3, le tout par la main de l’homme fait de celui-ci, indirectement, le sujet du feu et de Satan. Dans le pavé mosaïque nous retrouvons les mêmes ingrédients sans pour autant passer par le feu. C’est ici la lumière4 et la ténèbre qui oeuvrent en amont comme résultat de la différenciation des origines et le feu est absent. Cette disposition du pavé mosaïque de s’abstraire de la matérialité, lui donne cette supériorité symbolique qui en fait un élément fondateur des mythèmes maçonniques. C’est aussi l’antitype de la tour de Babel. 

 

        C’est dans le pavé mosaïque, sans passer par le feu et donc l’éternelle damnation du diable, que le créateur entend « ré-unir » les peuples dispersés et les langues qui ont perdu le Verbe. Cette union se fera sans recours à une construction verticale de matière et de feu, mais plutôt dans l’ascension ternaire que suggère un dualisme apparent. L’effort à produire est personnel. Il nécessite une transformation de soi, et repose sur notre capacité à modifier notre regard. Il ne repose pas sur un temps de cuisson ni sur un savoir-faire, ni d’ailleurs sur le strict orgueil de Nemrod.

 

        Ce dernier est l’ancêtre des francs maçons et considéré comme tel par les Anciens Devoirs, tels le Régius ou le Cooke de 1390 et 1420, où il lui est donné le titre de « Premier et Très Excellent Grand Maître ». C’est à lui que l’on attribue la rédaction des premières charges et devoirs de la profession. L’historien Mackey confirme que l’histoire fondatrice et légendaire de la profession à prévalue jusqu’au XVIIIe siècle, pour être remplacée par la légende D’Hiram, où Salomon se substituera à Nemrod…

(…)

ER

\

 

1 C’est la porte de dieu. Babel est représentée par une tour spiralée circulaire ou à base carré. Celle-ci s’écroule sous les coups du ciel. On y symbolise l’orgueil des hommes face au divin. La confusion des langages et la dispersion des peuples et l’explication la plus commune pour exprimer la faillite de cette tentative.

2 Les anciens devoirs font référence à Nemrod comme architecte et bâtisseur de la tour de Babel.

 

3 Rappelons que les deux colonnes antédiluviennes étaient de marbre blanc pour l’une et de brique rouge et cuite pour l’autre. Preuve que le symbolisme constructif propre aux anciens devoirs outrepasse la simple narration, et rejoint l’apparent dualisme du pavé mosaïque.

 

4 La lumière est ici sans feu, au même titre que l’étoile flamboyante ou de l’épée du même nom.

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 18:21
  1. (...)

Lumière en loge et son émanation chez l’initié :

 

Cette parcelle de lumière qui est en nous est-elle facile à découvrir ?

  •         Est-elle à même d’éclairer notre béance ténébreuse ? La question n’est pas sans intérêt, car la tâche pour le profane semble immense. Ce qui nous aide c’est encore l’exemple de ceux qui nous précèdent.

 

        Il ne peut y avoir de Lumière divine s’il n’y a pas d’homme pour la concevoir comme image de Dieu ou du Grand Architecte de l’Univers, ce qui implique que l’idée de lumière initiatique dépend de cette parcelle divine qui est en nous. Comment un concept métaphysique tel que la lumière divine d’une part et l’émanation de notre être d'autre part peut-il être compris par un apprenti ? La Loge dans son organisation et dans ces décors est tout entière organisée pour faire naître cette lueur ensommeillée.

 

        La géographie de la Loge met en exergue l’Orient ou Debhir, séparé du Hékal par trois marches symboliques. L’Orient est source de Lumière symbolisé par le soleil levant. Tous les rituels font référence à cette lumière si particulière venant de l’Est, que les anciens ont appelé porte des Dieux. C’est par la volonté des Dieux que la lumière matinale dissipe les ténèbres et fait germer la graine.

 

        L’O\en loge est le siège de l’astre solaire et son complément féminin et réflexif, la lune. Ces deux astres sont là pour illustrer au concret, un concept qui les dépasse et qui ne peut se résumer à la théorie des deux cycles. On y représente le soleil symbolisant l’intellect et la lune réflexive symbolisant la raison. La communion de l’intellect et de la raison est agissante dans le monde sensible, celui de la manifestation.

 

        Entre les deux « astres » se situe la lumière totale. Elle est représentée suivant les rites et les grades par un triangle, une étoile flamboyante ou un hexagramme. Notons que cette représentation n’est apparue que vers les années 1720-1730. C’est donc bien cette représentation symbolique qui exprime la Lumière totale divine et émanente. Pour illustrer ce principe on remarque qu’il y a confusion entre regardant et regardé. La rétine est le récepteur et la lumière bien souvent assimilée au soleil. Ils symbolisent par réduction la perfection divine et sa Lumière.

 

        Ils sont acteurs de cette relation tant et si bien que cet œil devient émetteur lui-même, c’est du moins ce qu’il ressort de l’étude du triangle centré d’un œil au REAA qui, sous une forme amoindrie reprend l’Hexagramme centré de la lettre G au REP, où du triangle trinitaire du RER. .Notons enfin que dans certaines loges ou l’athéisme règne en maître, la lumière résume l’avènement de la conscience, ce qui ne peut satisfaire une quête spirituelle.

 

        Chacun des rites l’exprime en fonction de sa sensibilité. Pour le REP l’explication est donnée par le menu aux Comp\ avant leur passage à la maîtrise. L’O\, toujours, est le lieu où se tient l’autel du Vénérable. Sa fonction nous l’avons déjà décrite, mais nous appuierons notre démonstration sur la fonction du « Passeur ». Le Vénérable Maître est un Passeur entre les vivants et les morts, car seul habilité pour transmettre à l’Orient éternel l’hommage ou la prière au moment de la chaîne d’union. Passeur de lumière aussi, car le chandelier au REP est allumé sur les parvis par le V\M\ en présence du Maître des Cérémonies, alors même que tous les frères ont pris place dans le temple. C’est un acte sacré que de rallumer l’étoile sommitale et les deux adjacentes.

 

        Rappelons que le temple de Salomon était orienté en sens inverse du temple maçonnique. On y rentrait par l’Orient. Dans un temple maçonnique, on y rentre par l’Occident de même que dans une église ou une cathédrale. L’explication est simple, Dieu à une demeure sur terre c’est le temple de Salomon. Par tradition, les Dieux entrent par l’Est qui est leur porte. Or le temple maçonnique où la cathédrale célèbre la Lumière et tâche d’aller la quérir là où elle se trouve. L’homme n’emprunte pas la même porte que les Dieux, il passe par le Couchant et s’adresse au divin vers le Levant.

 

        Pour ramener ces observations à un plan architectural, nous pouvons dire que le temple maçonnique tel que nous le connaissons est l’extérieur du temple de Salomon. Preuve en est donnée par la présence des colonnes qui, autrefois, étaient à l’extérieur du Temple de Salomon et qui sont ici à l’intérieur. Autre preuve, le Lithostros où parvis était un pavage situé à l’extérieur du temple et qui se retrouve à l’intérieur et au centre d’un Hékal appelé « pavé mosaïque ». Enfin le Zénith du temple est la Voie lactée, pour une hauteur indéfinie, comme en plein air.

 

        On peut en conclure que l’allumage du chandelier sur les parvis du temple maçonnique au REP se fait symboliquement à l’intérieur du Temple de Salomon ; Temple aussi mythique qu’intemporel. Cette Lumière venant de l’ancien Temple va rentrer dans le nouveau Temple celui des Maçons, créant symboliquement l’unité temporelle absolue impliquant que le temps n’est plus une succession d’instant ; reliant passé présent et futur en une seule totalité. Au plan historique, nous remarquons que l’allumage du chandelier du M\ de Cér\ sur les parvis est assimilé à l’allumage de la menora, chandelier à sept branches, dont la flamme est allumée en permanence et représente la présence divine au milieu du peuple d’Israël.

 

        Rappelons que cette Lumière est aussi celle d’Allah assimilé à la lumière totale (macrocosme), celle des cieux et de la terre, alors que les croyants sont la Lumière de l’Humanité (microcosme). Dans la Bible le Christ est la Lumière de l’Humanité (microcosme), soit pour certains le Grand Architecte de l’Univers, qui est le diminutif du Sublime Seigneur Dieu, lui-même représentant le Tout (macrocosme). Cette déclinaison est très nette l’invocation de la chaîne d’union au REP.

 

        C’est ici une remarque que l’apprenti ne perçoit pas dans sa totalité, mais il doit en garder l’image en mémoire et, le moment venu, celle-ci déclenchera en lui la perception d’un des plus précieux trésors de l’initié : la lumière du passé, venant du Temple de Salomon bâti comme la maison de Dieu, par la volonté des rois David, c’est la Lumière originelle. Elle est associée à la création cosmogonique ici référée dans la construction du Temple de Salomon.

 

        Il y donc assimilation volontaire de la Lumière initiale et de la création du monde, d’ailleurs le secrétaire date ses planches en relatant le début des temps :

« En ce x-ième jour du y-ème mois de la vraie Lumière 6010 » ; qui correspond d’après la bible à la création du monde.

 

        Cette Lumière est parfaitement décrite dans le prologue de l’évangile selon Saint-Jean de 1-1 à 1-14 :

 

« Au commencement était le Verbe

 

Et le Verbe était auprès de Dieu

 

Et le Verbe était Dieu.

 

Il était au commencement auprès de Dieu.

Tout fut par lui,

 

Et sans lui rien ne fut.

 

Ce qui fut en lui était la vie,

 

Et la vie était la Lumière des hommes,

 

Et la lumière luit dans les ténèbres »

 

        C’est sur cette page que l’équerre est posée sur le compas, l’ensemble étant posé sur l’autel des serments ou l’autel du vénérable. Il revient donc au V\M\ d’ouvrir la Bible d’y apposer le compas et l’équerre irradiant la totalité de la loge de cette lumière fondatrice. Notons qu’à cet instant il est muni de son épée flamboyante, tenue à main gauche celle du cœur, image symbolique et agissante du rayon de lumière qui pourfend la ténèbre. Il le fait juste après avoir par lui-même ou par le maître de cérémonie, suivant les rites, fait allumer les lumières d’ordre Sagesse, Beauté, Force. Tout part du V\M\ vers les colonnes et tout y revient comme un écho. Ici les trois étoiles du Débhir font échos au trois étoiles du Hékal. La dichotomie des trois étoiles du Débhir et des trois étoiles délimitant le pavé mosaïque rappelle que c’est la lumière inaccessible et Divine de l’O\ qui anime la loge et l’ordonne. C’est seulement à ce moment-là que la lumière interne au maçon fait écho à la lumière divine. Cette parcelle divine qui est en nous, microcosme par excellence, est symbolisée et délimitée par les lumières d’ordre qui entourent le pavé mosaïque au centre du Hékal.

 

        Le Hékal est donc le siège de la manifestation, symbolisée par le pavé mosaïque et par l’émanance de l’initié ; le Débhir via le V\ M\, reste la source de la lumière qui fait naître l’apprenti à l’éveil initiatique.

 

        La Lumière initiatique ne peut se décrire, elle se vit et se rencontre par le processus initiatique. L’initiation fait éclore cette lumière aux yeux du candidat. La vision qui en découle est strictement subjective tout en étant de nature transcendantale.

 

        Elle réveille cette parcelle divine qui est en nous. Ainsi on peut dire que la conversion du regard, qui est le but avoué de toute initiation, dépend de la sensibilité de chacun et qu’aucune généralisation et aucun dogme ne peuvent s’emparer de la Lumière en tant que concept de vérité. Il s’agit bien d’un secret, incommunicable par sa nature intime, mais transmissible par le truchement du rituel initiatique.

 

        C’est donc sur la transmission que je conclurais en rappelant combien il ne sert à rien de trouver la Lumière en soi sans se préoccuper d’en transmettre la modalité initiatique. Nous n’avons pas à nous réfugier dans le splendide isolement de l’anachorète, dans sa montagne qui incarne la sagesse et sans doute la lumière, mais qui a fait le choix de l’extinction de celle-ci avec son dernier souffle.

 

        Prenons exemple sur l’homme sorti de la caverne socratique qui a vu la Lumière et s’en retourne au péril de sa vie, chercher ses anciens compagnons incrédules.

 

 

 

 

 

ER

 

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 18:07

Le hoodwink

 

        Ce sont les loges spéculatives vers 1730 qui ont introduit la Lumière Maçonnique en tant que concept, par le truchement du bandeau. Autrefois les loges opératives faisaient allusion à la maîtrise des arts libéraux qui parfaitement pratiqués, permettaient de voir le « Soleil ». Dans ce concept Platonicien en usage au Moyen Âge, il s’agissait de gravir les échelons de chacun des 7 arts libéraux pour arriver au sommet d’une l’échelle apparentée à celle de Jacob. À ce stade de progression verticale, il était permis d’entrevoir cette lumière divine.

 

        Les loges du XVIIIe siècle ont introduit le bandeau (hoodwink), placé sur les yeux de l’impétrant symbolisant la cécité profane. La chute du bandeau expose le candidat à une vision (exposure) qu’il est nécessaire de définir et qui peut varier suivant les rites, mais qui au REP consiste en un rapport qui peut unir l’homme à Dieu, ceci pouvant être compris dans un sens métaphysique.

 

        C’est donc à une conversion du regard que nous invite le rituel du bandeau dans l’initiation maçonnique. La lecture du rituel du REP nous indique que le candidat à l’initiation se situe entre les colonnes au moment où on lui enlève le bandeau. À l’Ouest, soit la porte des hommes dans la Tradition, il se tient et il aspire à cette lumière dite « illuminatrice » qui vient de l’Est. Au moment où le voile tombe, c’est sa cécité profane qui disparaît.

 

        Il est entouré de francs-maçons qui brandissent leurs épées dans sa direction illustrant la scène du parjure d’une part et indiquant aussi que le chemin vers la Lumière est hérissé d’autant d’obstacles que d’épées. L’effet visuel se veut complet : la lumière jaillit au milieu d’un cercle de lames acérées.


La vision herméneutique et oecuménique

 

        Être initié c’est avoir reçu la Lumière. Il apparaît que la notion d’intégration de la dimension lumineuse est d’une envergure autre que la simple vision.

La Lumière dont il s’agit n’a rien à voir avec le Siècle des lumières qui est le XVIIIe siècle, brillamment illustré par l’action et la réflexion sociétale des Francs Maçons. Cette référence est en usage dans les Rites Français et au Grand Orient. Ce siècle fut le triomphe de la pensée discursive et raisonnante plaçant l’Homme au centre de lui-même. Cette situation n’apporte pas la dimension symbolique et initiatique globale, indispensable pour comprendre la Lumière-concept. Pour résumer, il faut se rapprocher de la signification mythique de Lumière-concept pour tenter de la comprendre.

 

        Notons qu’au Rite Emulation, la lumière coïncide avec la présentation à genou des trois grandes lumières qui sont la bible le compas et l’équerre soit dans le rituel : « Les Saintes Écritures doivent diriger notre foi, l’Équerre régler nos actions et le Compas nous tracer les justes limites que nous devons observer, envers nos semblables et particulièrement envers nos Frères en maçonnerie. »

        Nous sommes ici dans la notion de Révélation oecuménique bien que protestante par son origine, ce qui diffère de la Lumière -concept du REP.

 

        Au RER, rite qui découle en grande partie du REP c’est l’aspect christique qui est mis en avant : le Christ dit dans l’évangile de Saint-Jean : « Je suis la Lumière du monde ».

        Nous sommes bien ancrés dans l’ésotérisme chrétien et son herméneutique, de manière stricte, à l’exclusion d’approche plus globalisante reposant sur une Tradition primordiale qui fonde la métaphysique.

        Le dévoilement a lieu en deux temps. Conduit à l’Occident après les trois voyages et la vaine tentative de monter les trois marches de l’O\, le second surveillant retire le bandeau et dans une pénombre relative lui montre les mots « Justice » puis « Clémence », le premier mot impliquant l’oubli des ses passions et intérêts, le second la faculté de pardon, puis on lui remet le bandeau, le candidat retombant dans l’obscurité médite ainsi sur la difficulté de se maintenir dans la Lumière. On lui présente à nouveau la lumière par la flamme impressionnante, mais bien éphémère de la pipe à lycopodes, associée à la sentence « Sic transit gloria mundi » qui veut dire : ainsi passe la gloire du monde. Le V\M\ de conclure : « Le fils de la Lumière s’était égaré dans les ténèbres, il a été rappelé, il a été ramené, ses yeux ont été ouverts et les ténèbres se sont dissipées ». De ces vertus chrétiennes, il découle logiquement que la Lumière est celle qui précède toutes les autres, c’est celle de la genèse, celle du commencement. « Berechit bara élohim », « au commencement Dieu créa le ciel et la terre » puis Dieu dit « Que la Lumière soit et la Lumière fut ». Au RER, la Lumière est celle des origines par la volonté de Dieu. En principe la pratique du rite suivant les loges, semble accréditer l’idée que la Lumière est révélée.

 

        Au REAA c’est la progression intellectuelle du maçon qui le met sur le chemin de la Lumière, sur ce chemin se trouvent les trois grandes lumières. On lui présente d’abord les glaives tendus vers lui, puis dans un second temps le bandeau est enlevé alors qu’il est intégré dans le cadre de la chaîne d’union où il est définitivement reconnu comme F.\

        Après la scène du miroir, on lui présente les trois Grandes Lumières sur l’autel des serments, « Le V\L\S\est symbole de la tradition, l’équerre emblème de rectitude, nous inspire la droiture dans nos pensées et nos actions ; elle est le symbole de la Loi morale, le Compas, instrument de mesure et de comparaison, nous permet d’apprécier la portée et les conséquences de nos actes, qui devront être toujours fraternels envers tous nos semblables et, en particulier, envers nos FF\« franc-maçons».

 

        On rappellera que le V\L\S\ n’est pas nécessairement le Bible au REAA.  Nous conclurons que cette progression intellectuelle mise en exergue devant l’autel des serments autorise un syncrétisme pacificateur et humaniste.


La vision du Tout

 

        En quoi consiste la réception de la Lumière au Rite Ecossais Primitif ?

 

Peut on recevoir la Lumière à la manière des hommes réfugiés dans la caverne et qui soudain en sortent et viennent au monde lumineux ?

 

        Ce concept Socratique veut-il démontrer que l’homme est ainsi apte à s’arracher à sa propre condition et à progresser et transmettre, tant sur tous les aspects sociétaux, que sur le plan de la recherche personnelle ?

 

        La lumière est un facteur de progrès et d’avancement dans un processus évolutif quel qu’il fût, il n’y a pas d’obstruction à ce que son interprétation spirituelle ne soit pas facteur de perfectionnement par la découverte du Tout.

        Cette remarque appelle une distinction entre l’externe et l’interne, entre le visible est l’invisible entre le divin et l’émanent. La Lumière serait donc à la fois visible et invisible. Cette lumière occupe le terrain divin et le terrain personnel. Logiquement on abouti à la proposition suivant laquelle la lumière divine celle du G\A\D\L\U\ éclaire le Tout et chacun d’entre nous. Nous sommes porteurs d’une parcelle de lumière divine qui vit en nous.

Être initié, c’est être capable de mettre en relation ces deux notions qui finiront au terme de notre vie par n’en faire qu’une. Il faut tenter la jonction entre le visible et l’invisible, entre l’individuel et l’absolu en mettant de coté cet ego dictateur, qui agit comme les oeillères d’un âne. L’initié s’inscrit dans la perspective d’un grand Tout, auquel il participe pour finir par s’y fondre. Sans l’intégration de cette donnée, il est impossible de tenter de bâtir son temple intérieur.

 

        C’est aussi un des secrets de la Franc-Maçonnerie initiatique que d’apprendre à mourir. Le mythe ancestral de la lumière, qui est commun aux trois religions du Livre, est donc celui du principe créateur qui va vers la différenciation pour finalement revenir à l’unité. Soleil extérieur et soleil intérieur finissent par s’unir. Le premier travail du maçon est donc de sortir de sa caverne, de ses ténèbres intérieures, aussi profondes qu’insondables, et de naître à la lumière. Or pour naître à la Lumière, il faut mourir à son ancienne condition. C’est ce travail sur soi qui va démarrer et pour tenter de s’engager sur ce sentier lumineux, il faut être entouré et assisté par un cadre rituelique régulier qui depuis l’origine des temps et dans toutes les civilisations, est l’oeuvre des sociétés initiatiques.

 

(...) suite partie 3


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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 10:16

Blackbouler. Refuser un(e) candidat(e) lors d'un vote par ballot (ou ballote) avec des boules blanches et noires. Déposer une boule noire dans le compartiment blanc de la boîte à ballot signifie le refus.

L’image d’une duplication du monde profane dans nos loges n’est pas loin. La question qui se pose et de savoir si une loge peut échapper à cette étrange déliquescence « politique » qui s’invite dans l’initiatique ?

 

        Au plan historique on rappellera l’opposition des Maîtres de loge parisiens lorsque le 24 mai 1773 est acceptée par le Grand Orient de France la disposition suivante : « Le Grand Orient de France ne reconnaîtra désormais pour Vénérable de loge que le Maître élevé à cette dignité par le choix libre des membres de la Loge ».

        À l’issue de cet épisode est née la Grande Loge Nationale.

 

        Fondamentalement, la démocratie est une avancée propre à notre histoire. Il ne s’agit pas de la remettre en cause, pourtant le gouvernement des hommes trouve ses limites dans le plus petit dénominateur commun qui les unit et finit par polluer l’espace initiatique. La juste voie consiste non pas à camper au milieu des égotismes et des ambitions mal embouchées, mais au contraire à changer l’ordre des choses en changeant la formulation. Les mots ont leur magie : lorsqu’un frère souhaite postuler à la chaire de Salomon en ayant préalablement rempli les conditions, il n’est pas « candidat » à l’élection de ses frères, mais il se met à disposition de la Loge pour assumer cette charge.

        La différence sémantique à son importance, car on élimine la clanification, le jugement et le dénigrement et on restaure par le haut l’idée de « Charge » dont chacun sait qu’elle repose, sur une notion qui dépasse l’individu immergé dans ses petites coteries. La Charge consiste à une médiation, assumée par le V\M\, entre le Debhir et le Hékal, entre le Saint des Saint et le Saint.

        Quels que soient les garde-fous que l’on peut introduire dans les statuts, règlements et autres, l’homme dit « maçon » n’en fera que ce qu’il est lui-même…

        Face au scrutin, il se sent investi d’un pouvoir, celui de décider s’il est « pour ou contre ». Il lui faut donc se situer sur un échiquier. C’est une grande conquête de l’homme que de pouvoir donner un avis, de trancher, de décider, encore faut-il avoir quelques qualifications pour le faire correctement. On soulignera que le silence de l’apprenti et son exclusion de la plupart des votes, caractérisent la tradition maçonnique, qui prend délibérément ses distances avec la démocratie à toutes les sauces. Sur les parvis tous les maçons sont égaux, mais une fois les travaux ouverts, la hiérarchie initiatique reprend ses droits. D’un bout à l’autre de sa vie maçonnique, l’initié est tenu de faire des choix

        Face à un impétrant passant sous le bandeau, qu’elle appréciation profonde peut-il porter ? N’est-il pas renvoyé aussitôt à ses propres limites dans la compréhension de l’autre, à ses propres fantasmes idéologiques et religieux ? Quel état d’esprit préside à son vote ? Est-il tributaire de son éducation ?

        Dans le cas de l’élection d’un Vénérable, pourquoi devrait-il s’abaisser à se transformer en membre d’un clan porteur d’un homme ou d’un projet ? N’est-ce pas antinomique de la pensée initiatique que de juger et de soupeser le poids maçonnique des candidats à l’aune d’une amitié relationnelle et de promesses profanes.

        Il nous semble évident que la culture électoraliste d’une loge dépend de l’exemple fourni par les Grandes loges dont elle dépend administrativement… L’actualité démontre que cet exemple est peu flatteur et abouti parfois à la scission d’une partie de la Grande Loge. Toute loge dite régulière se soumet à une règle.  Cette règle peut varier d’une loge à l’autre comme elle peut varier d’une obédience à l’autre. Quoi qu'il en soit, se soumettre à la règle c’est honorer la Tradition qui est un héritage immémorial.

        Suivant que l’on situe la « Tradition » comme l’héritage des temps ancestraux, ou qu’on la situe en droite ligne du Siècle des lumières, voir dans la continuité des acquis de la IIIe République, le problème de l’expression démocratique en loge sera traitée différemment.

        Quel que soit le modèle traditionnel qui régit nos loges, il arrive que l’application de l’exercice démocratique dans une enceinte initiatique pose problème.

        Il est certain que les modalités de vote en loge sont de nature à créer une déliquescence profane dans un univers supposé initiatique. Tout résultat peut être biaisé dans l’esprit, même s’il est parfait dans la forme.

        Les trois thèmes principaux sur lesquels s’exerce la votation sont :

 

- l’admission en loge après le passage sous le bandeau,

 

- la nomination du collège des officiers et l’élection du V\M\,

 

- ou plus ordinairement lors d’une simple décision en loge.

 

        La plupart des loges font un scrutin secret pour les sujets portant sur un homme. L’intention est louable et exemplaire s’il ne s’agissait pas d’une loge maçonnique, car s’agissant d’un microcosme ou chaque frère connaît son voisin, le scrutin secret loin d’apaiser le verdict, risque de renforcer une forme de lâcheté ou de faux semblant du votant. Ce dernier est sollicité sur les parvis par une coterie d’usage. 0n sollicite sa bienveillance et son appartenance à tel ou tel clan est examinée de près.

        À ce stade, chacun est susceptible de se transformer en juge de son propre frère. Disons-le clairement, sur le plan de l’égrégore et dans la sphère initiatique l’effet peut être dévastateur.

        Pour éviter que la science secrète des votes ne domine les esprits, s’agissant de l’admission en loge il y a trois scrutins :

        Le premier consiste en la prise en compte de la demande du profane d’intégrer l’ordre, le vote à main levée serait salvateur dans la mesure ou celui qui s’oppose doit s’expliquer et que l’on à l’habitude de faire confiance au parrainage, du moins au Rite Ecossais Primitif. Dans la plupart des obédiences, ce vote se fait à l’aide des boules noires et blanches et à la majorité simple. (L’unanimité étant requise à main levée à certains rites)

        La seconde consiste, après le passage sous le bandeau du profane en un vote sur sa future initiation, à main levée ou à l’aide des boules suivant les rites. Le candidat est recalé s’il y a un quart de boules noires, alors que l’unanimité devrait être la règle, preuve que ce système confine à l’irresponsabilité et la cristallise la notion d’opposition sans motivation.

        Enfin, pour son intégration dans la tenue de réception, il est procédé à un vote à main levée dans certains rites, ce qui n’est qu’une formalité.

        Sur des sujets subalternes où les frères doivent prendre position, il est nécessaire que l’Orateur donne, avec l’accord préalable du V\M\, un sens constructif au vote par l’énoncé directif de ses conclusions, évitant à la votation de n’être le reflet que de l’incompréhension des intérêts supérieurs de la loge. Son rôle est insuffisamment valorisé par le Vénérable, car dans une optique de scrutin, l’unanimité devrait être recherchée en créant une adhésion plutôt qu’une interrogation dans l’esprit des votants. C’est à ce niveau d’engagement que l’Orateur, en appui du Vénérable, va contribuer à défaire l’effet néfaste du jugement aléatoire du votant, au profit d’un mouvement plus enveloppant et charismatique, venant de l’Orient et susceptible de participer à l’égrégore de la loge.

        Il faut toujours rechercher l’accord partagé plutôt que l’avis personnel.

C’est le partage du pain qui fait l’agape et non pas la satisfaction de son propre appétit.

        Dans certains rites, la conscience supérieure de la charge devrait suffire pour que chacun, au moment du vote, ne se transforme pas en « bouliste du dimanche électoral ». Le vote noir ou blanc n’est pas fait pour choisir un candidat à une élection, mais pour renforcer la fonction ou la charge. Dans les faits il y a vote, certes, mais dans l’esprit on renforce le pouvoir médiateur de la charge. Il s’agit plus encore, d’un état d’esprit, d’un dimensionnement de la conscience qui, une fois explicité, doit responsabiliser les votants en leur évitant de tomber dans des combinaisons florentines et burlesques.

        L’élection du Vénérable est une nécessité dans la plupart des rites. À la majorité absolue en deux tours, puis, si nécessaire au troisième tour à la majorité relative. Il est élu face à son ou ses concurrents.  Ce point de vue est dommageable pour l’esprit de la charge à assumer au point de transformer et de dégrader la charge en fonction. La démocratie dans son système majoritaire est parfois destructrice de la cohérence de l’ensemble du groupe (c'est un paradoxe) ; cohérence indispensable dans le cheminement initiatique.

        Le point de convergence entre l’initiatique et la démocratie consiste en une pratique rigoureuse de l’unanimité. L’acclamation qui est mode d’expression plus ancien que la votation, porte en elle l’expression de la cohérence, obligeant la mise en œuvre des principes et des comportements, liés à la sagesse de la réflexion. Ici s’exprime la force et l’harmonie de la loge et le maçon n’est qu’un maillon de cette chaîne d’union.

        Le votant doit donc s’interroger sur l’importance de son point de vue face à la nécessaire cohérence de la loge. Dois-je m’opposer pour exprimer ma différence au risque d’amoindrir l’égrégore ? Mon opposition est elle à la hauteur de mon engagement maçonnique ? Quelle position prendrait un Sage dans cette situation ?

        Ce constat remet en cause « le parti pris » qui s’oppose ou qui tente de s’imposer dans une violence feutrée qui n’a rien à faire en loge.

        S’agissant des officiers, le scrutin peut être uninominal à la majorité absolue au premier tour et à la majorité relative au second. On peut aussi l’organiser sur la base d’un scrutin de liste à la majorité absolue. On objectera que le Vénérable élu peut ainsi se retrouver adjoint un officier par exemple un Orateur, en la personne de son opposant. Cet exemple vécu laisser imaginer l’égrégore des tenues.

        Dans d’autres rites, nous l'avons vu, les votes se font à mains levées, ce qui oblige chacun à prendre ses responsabilités, face à ses frères. La transparence du vote à main levée contribue à la pérennité et à la cohérence de la loge sans nier le libre arbitre. Le gouvernement des hommes en loge ne devrait pas s’accommoder de la médiocrité liée à l’absence d’unanimité. C’est le Vénérable, en premier, qui est victime du système majoritaire. De porteur et transmetteur de lumière suivant les principes initiatiques, il est ravalé au rang de pivot fonctionnel, déshabillé de toute influence spirituelle, fagoté en rouage quasi administratif de la loge. Quelque part c’est le Hékal qui dicte au Débhir ce qui est un contresens initiatique grave.

        La méconnaissance de la nature initiatique de la charge de Maître de Loge et le besoin d’exercice partagé d’un pouvoir exotérique, fondé sur la partition politique des francs-maçons est peut-être une faute grave, entachant la marche initiatique des loges.

        Désormais proches de la contrainte et de la loi du nombre, ces loges ne peuvent oeuvrer que dans la sphère où elles excellent, à savoir la marche de la cité puisqu’elles ne font qu’en reproduire un système en miniature. Leurs contributions sont immenses mais reposent sur une contradiction essentielle. Les sujets d’actualité à caractère sociaux seront dans leurs cordes, mais leur goût pour la spéculation initiatique s’effondre naturellement par la dégradation fonctionnelle. Cette dégradation s’appuie sur le plus petit dénominateur commun appelé aussi majorité absolue et relative, si indispensable à notre démocratie. À ces conditions, l’initiatique peut-il être relatif ? ou absolu avec une opposition latente ?

        L’initiatique relève de la totalité par sa nature, telle serait la réponse d'un certaine tradition qui fait le distingo entre "charge" et simple "fonction".

        Bref, dans les systèmes électoraux qui sont greffés dans les sphères initiatiques il y a bien souvent des pratiques profanes. Notons que ces comportements déplacés de notre point de vue, sont adossés et justifiés par le système électoral à la boule qu’il faut accepter car conforme aux Grandes Constitutions.

        Enfin dans certains rites « historiques » voir « archaïques », ce problème ne pouvait se poser. La raison tient à l’histoire même de ces rites qui ont su conserver leur sens initiatique primitif et intact. Rappelons qu’au début de la Franc-Maçonnerie en France, il n’était pas question d’élection au poste de Vénérable car ce dernier était nommé Ad Vitam . On rejoint ainsi la notion de charge et non de fonction. Certaines loges anciennes s’étaient réunies pour s’opposer au principe électif prôné par le G\O\ de l’époque, formant ainsi à leur tour une Grande loge. De plus la nomination du Vénérable dépendait de l’acquisition préalable de certains grades supérieurs, assortis d’un grade fonctionnel et d’une cérémonie dite secrète, cette pratique étant liée aux principes de base de l’écossisme.

        Le Rite Ecossais Primitif en est l’un des derniers exemples. Ce Rite est à 7 degrés, dont un grade fonctionnel. En effet le V\M\ n’est pas élu au sens politique du terme. Il est nommé puis élu.

Il doit être nommé Maître de loge appelé aussi Maître de Saint-Jean qui est un grade fonctionnel et doit donc être au minimum Maître Ecossais - Chevalier de Saint André (equi. 18e).

Cette disposition à bien des égards, sélectionne naturellement quelques studieux volontaires qui désirent supporter ladite "charge" de Maître de Loge.

        On est donc, en tant que Maître de Saint-Jean, Vénérable en puissance. Il ne reste plus qu’à créer sa charge, en créant un triangle par essaimage, puis une loge, qui une fois juste et parfaite donnera un exercice plein et entier à ce sacerdoce qu’on doit assumer « ad vitam ». De nos jours, descendu de charge à l’issue des trois ans, il reste en puissance Vénérable avec le titre de « Passé Vénérable ».

        Il s’agit ici des mêmes modalités d’exercice que la Franc-Maçonnerie connaissait avant la réforme Andersonienne. Donc, point de vote départageant d’éventuels candidats, le V\M\ en place veillant à préparer et former son successeur. Pas de fièvre électorale et obligation pour le V\M\ en chaire d’être à la hauteur de sa charge ; à défaut la loge se délitera et disparaîtra.

        Outre le choix qui est fait d’un successeur, ce dernier doit à nouveau faire la preuve de ses qualités tant profanes que maçonniques. C’est à ce niveau que s’établit le deuxième filtre confirmatif des conditions objectives de la recevabilité à la fonction. La recevabilité est identique à celle du maçon de base, il doit être « libre et de bonnes mœurs », c'est-à-dire non « soumis » à condamnation infamante, sur son casier judiciaire ou concerné par une action judiciaire en cours.

        Il doit se rendre disponible pour l’exercice de transmission initiatique, c'est-à-dire non « soumis » dans une démarche politique ou économique de premier plan qui ferait de la maçonnerie une tribune d’opportunité.

        C’est ici l’ancien système qui est décrit et qui pour des raisons évidentes liées à l’épisode Andersonien, à la révolution de 1789 et aux acquis du Siècle des lumières, fut amendé pour faire la place à la loi du nombre. Comment renoncer à un tel héritage de sagesse initiatique et pourquoi renoncer aux progrés humain généré par la démocratie? Le maçon est pris dans une contradiction.

        Pour éviter les phénomènes claniques qui peuvent se réveiller à d’autres moments que l’élection et qui sont toujours motivés par une fausse modestie, doublée d’un orgueil incommensurable (dictature de l'ego), une règle simple consiste à limiter à 24 de nombre de FF\ inscrits sur les registres de la L\

        Magique est ce chiffre (il correspond aux 24 graduations de la règle du tableau de loge), car il permet à chacun de travailler à préparer ses planches, en évitant une oisiveté dilettante propre à faire redescendre le niveau d’éclairement. De la même façon, il est démontré qu’au-delà de 24, les FF\ ne se reconnaissent plus, au point de plonger dans l’anonymat d’une masse aveugle et impersonnelle.     N’oublions pas que la règle, au sens symbolique, n’a de valeur que pour les 24 unités qui la composent. Nous pouvons affirmer qu’au plan symbolique au-delà de 24 FF\ il n’y a plus de règles communes qui soit reconnues comme telles, il y a par contre autant d’interprétation que de frères excédants ce chiffre. Est-il besoin de souligner que la Loge est un « être » organique et matriciel, une entité humaine initiatique et collective qui a vocation à dépasser le pré carré du frère, qui n’est rien d’autre qu’un élément du tout.

        Pour finir, j’aborde les problèmes liés à la Grande Maîtrise d’un Rite Ecossais qui se dit Primitif et entend conserver son âme sans céder à l’exercice profane de la modernité saisonnière. Traditionnellement l’élection est l’exception, elle correspond à une nécessité pour les seuls cas ou le Grand Maître en place ne peut nommer son successeur.

        Normalement dans les plus anciens rites, il s’agit moins d’exercice démocratique que de transmission de l’influence spirituelle. Celui qui la détient doit la transmettre, comme on transmet la flamme olympique.

        La transmission se fait au moyen de la parole ritualisée (le rituel), assortie de la qualification du transmetteur, attestée par le grade ou la patente. En l’espèce, s’agissant de la transmission de l’influence spirituelle, je ne vois pour l’élection qu'un rôle confirmatif.

        Ainsi le Grand Maître et le V\M\ reçoivent l’influence spirituelle de celui qui les précède, et ceci dans une généalogie sans fin, une chaîne ininterrompue d’initiés. C’est ainsi que la transmission doit se faire et on comprend que la votation dans ce cas ne peut être que supplétive. Pour admettre le suffrage en tant qu’élément structurant et basique d’un groupe initiatique, il devrait s’exprimer que de manière confirmative sous forme d’acclamation, au même titre que l’acclamation écossaise.

        À défaut de transmission de l’influence spirituelle, il ne reste plus à la Grande Maîtrise qu’un rôle purement administratif. C'est ici que la pratique distingue la Grande Maitrise du rite porteur de l'initiatique pur, et la Grande Maitrise des loges, porteuse de l'administratif pur. L’administration des hommes et des loges justifie fort bien l’élection.

        Les Constitutions de Payne et suivantes, sont reconnues par le REP comme mode d’organisation général, mais ne peuvent prendre le dessus sur la transmission spirituelle.

            Celui qui descend de charge veillera donc à convaincre par son action que son choix d’un successeur pour le futur répond tout à la fois au principe de la transmission spirituelle, tout en s’accordant une unanimité approbatrice de son assemblée. En d’autres termes, l’initiatique doit dominer le suffrage et non pas l’inverse. A chaque fois que ce rapport hiérarchique est inversé, le lignage est rompu au profit de l’aléa démocratique assorti d’une instabilité.

Cette histoire se répète trop souvent pour que chacun d’entre nous oublie son esprit de suffragette, en se souvenant des principes rappelés plus haut, concernant la bonne dévolution successorale et les conditions d’admissibilités.

        Le caractère obligatoire du vote existe lors de la création de loge : après la pose du pavé mosaïque et l’allumage des lumières d’ordre, le V\M\ est nommé par le G\M\ (transmission initiatique) et approuvé par la main levée des autres frères composant cette nouvelle loge. Ainsi on peut dire que la transmission se fait toujours de celui qui sait prononcer la parole vers celui qui sait écouter et que rien de ce qui se passe en loge ne peut être de nature profane. On notera enfin qu’en matière initiatique, l’élection est associée à l’ « exemplarité » et à « la charge ».

        L’initiatique n’a rien de commun avec « la candidature » et « la fonction » qui appartiennent au niveau inférieur et profane. Le V\M\ utilisera donc la consultation démocratique comme un moyen de gouvernance. Il est de sa responsabilité de rechercher l’adhésion et de suspendre la division par le respect qu’il provoque chez tous. En aucun cas il ne doit s’engager dans la dévalorisation de sa charge. À défaut d’exceller dans cette lourde tâche ou de représenter une autorité morale du fait de son passé, de ses actes et de son comportement, il doit s’interroger sur la finalité de sa mission.

        Enfin, s’agissant de l’élection du V\M\, il nous semble que l’ensemble des remarques qui précèdent sont sous-tendues par la considération suivante : À quel titre un maçon ne disposant pas du pouvoir sacerdotal, est il habilité à juger et apprécier un frère qui prétend exercer une fonction et une charge, dont ni le votant ni le voté, ne connaissent les arcanes ???

 

        C’est une vraie question qui devrait être mise au programme dans l’intérêt des LL\

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 01:30

La Franc-Maçonnerie spéculative affirme,  dans ses principes fondamentaux, de ne pas imposer un quelconque dogme ou   doxa régissant les modalités de mise en  œuvre de la libre pensée des Franc- Maçons

 

        Cette liberté de choix s’exprime  jusqu’au serment du néophyte qui  suivant les rites, peut s’exprimer sur la bible ou sur l’un des livres sacrés universellement reconnus. Il s’agit alors des livres de sagesse immémoriaux, ou encore sur la règle qui se substitue à ces derniers et qui préside à l’organisation universelle du cosmos et de l’homme. La règle résume ainsi de manière syncrétique et laïque, l’ensemble des livres sacrés et ne donne pas l’avantage à une quelconque religion.

        Ce relativisme est lourdement condamné par l’église qui voit ainsi son orthodoxie battue en brèche. On comprend aisément que l’absence de parti pris et de vérité religieuse, générale et impersonnelle, erga omnès, gène la croyance dans ses fondations, bâtie sur le terreau d’une vérité révélée. Ne souffrant ni discussion, ni interprétation, elle érige le croyant comme exécuteur testamentaire d’un ancien et nouveau sens dans le droit fil d’une doxa cléricale qui ne lui appartient plus.

        Face à cette croyance, d’autres chercheurs de vérité ont cru bon d’imposer dans la Franc-Maçonnerie même, une vérité absolue elle aussi, mais bâtie sur le « comment ». Cette recherche dite « scientifique » fut porteuse d’espoir au point qu’à l’ère industrielle elle supplanta l’ancienne croyance stable dogmatique et immuable. Cette nouvelle vérité scientifique était faite de mouvement d’évolution de remise en question. Aussitôt émise une vérité scientifique se trouvait combattue par une nouvelle.

        On a pu considérer alors que l’homme était le détenteur de la seule vérité sur l’explication du tout et qu’un jour il résoudrait l’équation finale, celle des origines de l’univers et probablement de sa fin. Ainsi au bout d’un parcours fait d’étapes, de révolutions scientifiques, nous serions capables de répondre à ces trois questions : « Qui somme nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? ».

        Cette vérité de rechange s’est avérée vide de sens profond. Son irrésolution à nous donner une image stable nous trouble et nous renvoie à nos anciennes croyances dont la plasticité s’est accrue à l’aune du progrès scientifique. Loin de s’opposer, ces deux recherches de vérités authentiques vont finir par se rejoindre dans une embrassade de pensées synthétiques et transversales. La transversalité reste en effet la seule aptitude nécessaire au sage qui ne renonce pas.

        L’absence de renoncement en occident est la caractéristique principale du cherchant qui, malgré le doute et les embûches d’un chemin initiatique, persévère parfois même dans la souffrance. C’est ici que le franc-maçon nanti de la même culture que ses contemporains tente de se frayer un espace pour entrevoir cette vérité universelle qui est le but de tout homme pensant.

        La voie ainsi ouverte ne conteste pas les voies scientifiques, religieuses ou philosophiques. Elle se propose d’en faire un socle de sagesse au-delà des partis pris, pour mieux fonder une réflexion, débarrassée des querelles de clochers et d’églises. Cette vision est en soi oecuménique, car elle accepte toutes les expressions qui tendent vers l’amélioration et le perfectionnent de soi et de la société, mais elle est aussi relative considérant qu’un point de vue de grande sagesse rejoint le même sommet de la montagne que le point de vue d’une autre sagesse. Simplement les deux points de vue auront emprunté deux chemins différents pour un même sommet.

        C’est bien ce cheminement qui est dérangeant si l’on considère que les religions sont en concurrence pour sauver nos âmes. Soyons clairs, le point de vue théologique de l’Église catholique s’oppose formellement au relativisme des « sagesses ».

La seule vérité qui compte est celle qui est révélée.

        Une progression historiquement fondée sur le prosélytisme s’oppose à l’option maçonnique symbolique et traditionnelle ; d’autant que la première fonde sa lecture sur une interprétation exotérique et la seconde héritière des sociétés initiatiques antiques s’attache à une lecture ésotérique des textes sacrés. L’abandon par le clergé de l’option ésotérique crée à cet instant un antagonisme profond entre croyance en révélation d’un côté et foi dans une lecture symbolique universelle de l’autre. À l’heure où les soldats de Dieu combattaient l’infidèle en terre Sainte, se nouaient des contacts profonds entre les élites des deux bords. La doxa martialisée se retrouvait débordée par les rapprochements analogiques et anagogiques entre les soufis et l’élite expéditionnaire, ce qui nous donna l’émergence des « fidèles d’amour ».

        La doxa romaine ne peut survivre sans s’imposer par la violence, l’histoire le démontre sans peine. Les vérités s’affrontent hors le champ des idées. C’est sur un champ de bataille qu’elles finissent toujours par s’imposer. Seule la force impose l’idée. C’est du moins ce qui nous guette lorsque resurgissent de vieux atavismes identitaires au premier plan de l’actualité. Même le Sage prend parti, comme une recréation face à la difficulté du chemin qu’il a naguère entreprit.

        Au sens donné à la vie, chacune des trois voies nous enrichit. La voie religieuse comme fondatrice des soubassements moraux et sociétaux et comme archétype d’une pensée universelle et globalisante. Elle répond historiquement aux questions qui fondent l’existentialisme et donc à l’angoisse de l’homme face à sa finitude.

        La vérité scientifique donne une confiance à l’homme qui ne repose plus sur une tradition, mais sur ses propres facultés qu’il développera jusqu'à retomber, une fois l’enthousiasme de la découverte passée, dans la même angoisse que l’homme de Cro-Magnon, car la réponse à « comment » ne fait pas avancer le « pourquoi », et n’apaise pas notre incertitude face à l’au-delà.

        Enfin la voie philosophique intervient comme si l’homme avait la capacité de maîtriser le langage des dieux, sans maîtriser l’angoisse de la mort. Pour échapper à cette ultime question on inventa l’agnosticisme impasse dogmatique qui n’eu d’autre choix, que de se situer contre la tradition religieuse qui la précède.

(…)

        Face aux questions existentielles, la méthode proposée par la Franc-Maçonnerie est probablement la plus efficace pour que chacun élabore ses réponses. On n’aboutit pas à une vérité absolue, mais en autant de vérité que d’individus. C’est ici le premier aspect du relativisme. Ces derniers ont en commun une initiation qui les arment et les éclairent tout au long d’un chemin initiatique, qui n’a d’autre fonction que de lever le voile qui obstrue la lumière. Cette lumière éclairante est tout à la fois pour nous-mêmes et pour l’univers qui nous entoure. Cette double option implique que la connaissance du Tout, passe par la connaissance méthodique de soi, illustrée dès le cabinet de réflexion par l’acronyme V.I.T.R.I.O.L et par les premières lettres prononcées par le nouvel apprenti « je ne sais ni lire ni écrire, prononcez la première lettre et je vous dirai la seconde ». C’est ici la différence fondamentale qui rend originale et indispensable la voie maçonnique face à une doxa religieuse. Point de préjugés, ni de savoir acquis sur la voie initiatique traditionnelle et symbolique ; il s’agit plutôt de découvrir son propre parcours au fur et à mesure que l’apprenti découvre la seconde puis la quatrième lettre de son mot sacré. C’est aussi ce qui la distingue d’une vérité scientifique qui malgré son objectivité n’est que temporaire et fractionnée ; la vérité d’aujourd’hui est l’erreur de demain.

        Face à une option philosophique dont on connaît l’incapacité à discerner durablement le vrai du faux, on retiendra que le franc-maçon profite du doute pour progresser par analogie, alors que le philosophe ne fait que constater son impuissance à dépasser son statut d’animal pensant. La pesanteur de son intellect, associé au doute érigé en ligne d’horizon, en réaction à la vérité révélée des religions monothéistes, le fait sortir de l’entonnoir des certitudes religieuses pour l’éjecter dans un espace de pensées sans limites. La distinction du vrai et du faux, qui est le but de tous les chercheurs de vérité, devient aussi incertaine que l’existence de l’être lui-même. Cette irrésolution philosophique finit par rejoindre l’inéquation mathématique du tout.

        De la religion, des sciences et de la philosophie, le franc-maçon va tirer parti pour enrichir son parcours de vie. L’accès à la voie maçonnique met en relation tradition passée et la spéculation, dans un présent d’apprentissage et de perfectionnement. Le doute fait place à l’intuition qui s’affermit par la pratique de l’analogie dans l’interprétation des symboles.

(…)

        La puissance du sacré est toujours présente en tant qu’archétype de la pensée humaine. L’intemporalité, l’universalité et le sacré sont les fins mots du maçon. C’est ainsi que la personnalisation du chemin de chaque initié entre en résonance avec les rituels initiatiques qui agissent dans tous les registres de la pensée. Ils ensemencent ceux-ci d’une capacité d’élévation de l’esprit qui donne à la vérité une tonalité indéfinissable, car résultant plus du vécu que de l’intellect. L’élévation se personnalise au point que l’intuition, appelée aussi intelligence du cœur, permet seule de continuer le chemin initiatique. Mariée au rituel immuable, elle crée une typologie de pensée qui se distingue de la logique mathématique et de la croyance religieuse. Sans les exclure, elle y ordonne, sous l’égide de la raison et de l’intuition, l’action des symboles et l’efficience des mythes. Nous voyons bien se dessiner l’originalité de cette voie qui donne à la vérité une dimension inconnue par ailleurs. C’est ici le point de vue anagogique qui prévaut, c'est-à-dire la faculté que l’on a à interpréter en élevant sa pensée.

        Cet aspect axial (représenté par le fil à plomb) est fondamental dans la méthode initiatique au même titre que l’analogie qui la précède (elle-même représentée par le niveau). Ni la philosophie, ni la psychologie n’organisent cette voie ascensionnelle. L’une et l’autre sont trop subordonnées aux sciences humaines pour s’abstraire de la contingence horizontale, tout au plus, elles se cantonnent à l’expertise des niveaux inférieurs de l’être. C’est donc par-dessus les barrières des chapelles et spécialités des savoirs qu’une Connaissance s’élabore en chaque initié.

        La vision globale qui inscrit l’être dans un tout incommensurable fait aboutir la pensée discursive dans « le cul-de-sac » de l’indéfinissable. L’infini nous est accessible dans le sens ou nous en percevons l’idée, or la voie du Tout, en passant par la connaissance préalable de soi, nous entraîne sur un chemin infini, voire indéfini. Cette béance nous renvoie à une vision métaphysique qui, dans les temps contemporains, n’est plus de mise. C’est cette perte de perception que l’initiation maçonnique traditionnelle et symbolique tend à combler. Notons que ni l’église dans son exégèse exotérique, ni la science dans ses certitudes saisonnières n’utilisent ces principes de perception, car trop personnels et individuels pour être transcrit. La Franc-Maçonnerie n’est donc, ni une école du savoir, ni un conservatoire de croyance. La splendeur du vrai repose sur le soi relatif indéniable, mais dans une perspective métaphysique. C’est en dehors de la contingence que l’on trouve la vérité absolue. C’est donc cet « ailleurs » que nous concevons de toutes pièces qui guéri l’angoisse de l’instant ultime. C’est dans la beauté métaphysique que s’installe notre éternité.

(…)

        À une vérité correspond une lecture, encore faut-il savoir lire. « Je ne sais ni lire ni écrire », nous répond l’apprenti… Nous avons vu que l’apprenti ne sait qu’épeler, ce qui atteste que la réponse au « qui suis-je » se fait par tâtonnement. Ainsi il épelle son mot sacré toujours en échos avec celui qui est chargé de l’instruire.

        Cette instruction consiste à réveiller en lui les mécanismes immémoriaux d’une perception des choses, des symboles et du sens de la vie, qui ont été les grands oubliés de la modernité rationaliste. Sur son autel, cette dernière sacrifia la vision ésotérique, accessible aux seuls initiés. Elle ne fut pas la seule, précédée quelques siècles plus tôt par l’hégémonie religieuse exotérique.

Après avoir épelé, il dégrossit sa pierre, fournissant symboliquement un effort sur lui-même puis il la taille, et la polie. Cette progressivité correspond à une conversion des modalités de sa pensée abstraite sur lui-même, puis à une conversion des modalités de perception réelle sur lui-même et sur l’univers.

        Ainsi, en Franc-Maçonnerie, la vérité est à découvrir. Elle est propre à chacun de nous et participe au processus d’individuation qui passe par la conversion du regard. L’individu se confondra avec sa personnalité tout autant que l’épreuve initiatique se vivra en profondeur. Elle n’est en aucun cas révélée comme en religion. Ici on demande au maçon de découvrir une vérité perdue, appelée aussi parole perdue.

        La recherche de la parole perdue est donc le grand enjeu de l’initiation maçonnique. Il s’agit d’une quête dans la plus pure tradition du Graal, de la Jérusalem Céleste ou de la Béatrice chère à Dante. Cette quête sans fin, fixe le sens de la vie et de l’accomplissement de soi et fixe aussi la direction du cheminement. Dans tous les cas, le chemin est d’abord intérieur. Pour ceux qui sont partis dans une chasse au trésor, avec pelles et pioches, il semble qu’ils aient oublié la boussole. Ce texte doit être lu à tous les chercheurs d’or… La démarche métallique n’est pas de mise chez nous. Le seul or que nous cherchons est celui de l’alchimie spirituelle et non pas celui des « souffleurs ».

La quête en elle-même, et seulement elle, permet la transmutation. C’est le véritable trésor.

        La perte de la Vérité coïncide avec la perte du paradis et l’expulsion de l’homme du jardin d’Eden. La perte de cette vérité originelle, celle de l’âge d’or, fonde la destinée de l’homme et son incomplétude actuelle.

        Le retour à l’âge d’or est inatteignable, mais il est concevable.

        C’est par la force de la pensée que nous pouvons nous en rapprocher sans jamais y résider. Le chaos actuel est notre demeure et cette quête du paradis perdu où tout était ordonné lumineux et stable nous obsède.

        C’est cette tension entre l’étant et le devenir qui est facteur de progrès. Ce dernier nous échappe devenant souvent une régression.

        Le monde est un jardin qui n’est plus l’Eden, mais un jardin tout de même. Il faut être un jardinier précautionneux et à l’écoute du chant des sillons ensemencés.

        C’est la seule façon de découvrir cette vérité qui n’est que « l’essence de la terre ». La graine ne germe que dans une bonne terre et à l’aide de la lumière. La bonne terre est notre est bonne volonté, autre signifiant des bonnes mœurs qui caractérisent le maçon.

        La lumière initiatique, notre guide intérieur inspire notre liberté et enfin la connaissance de nous-mêmes. « Connais-toi toi-même » est le stade minimal pour s’approcher sur la pointe des pieds de la compréhension du tout qui nous fait mieux accepter l’instant ultime.(…)

 

 

 

 

\

Er\Rom\

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 01:23

(...)     Sûr de mes connaissances universitaires de ma capacité à raisonner, de mon expérience de chef d’entreprise, j’envisageais la Connaissance comme une accumulation de savoir organisée sous l’angle ésotérique. Je suis resté longtemps dubitatif face à la terminologie employée dans les rituels qui consiste à « Donner » et « Recevoir » la Lumière.

 

        Je pouvais comprendre le concept lui-même et en être l’écho comme la lune reflète la lumière du soleil, mais je n’arrivais pas à intégrer et faire jaillir cette lumière irradiante qui caractérise l’initié sur le chemin de sa vérité. Je n’étais certain que d’une chose, le rituel d’admission m’avait définitivement débarrassé d’une éventuelle volonté chancelante et d’une curiosité critique. J’étais convaincu de la nécessité de persévérer, j’avais le sentiment que quelque chose d’important et d’indéfinissable allait se produire. Dans les faits nous avons reçu la Lumière de manière plus ou moins consciente.

 

        C’est ici le point principal sur lequel achoppent toutes les fonctions rationnelles et raisonnantes, sans compter sur le fait que, venant du monde profane, il est naturel de baigner dans une ambiance de préjugés qui orientent nos raisonnements.

 

        Pour tenter de mettre un peu d’ordre dans des notions finalement abstraites, il faut tout d’abord préciser que la Lumière procède du Verbe, la Lumière en est l’expression. Le Verbe représente la volonté divine, et la Lumière à pour effet d’ordonner le Tohu Bahu de l’origine des temps. Le Verbe volonté divine, dégage la Lumière des ténèbres. La Lumière en temps que concept, est donc bien l’expression de la volonté divine qui abouti à la différenciation d’avec les ténèbres. La Lumière est liée à l’épisode de la Genèse et reste courroie de transmission entre le Verbe créateur et l’Homme en quête spirituelle appelé aussi « homme de désir ».

 

        On dit de la Franc-Maçonnerie qu’elle est un « art initiatique » qui remonte à la nuit des temps et qui consiste en une connaissance ultime de la matière et de son action opérante et harmonieuse. C’est ce qu’on appelle « L’Art Royal ». Cette « science » ou plutôt cet « Art » n’est pas assujetti au raisonnement des sciences, aux méthodes de la psychologie du subconscient, ou à l’approche artistique. L’Art Royal, comme toutes les filières initiatiques, est complètement autonome et distinct des autres axes du savoir.

 

        Sans être opposé aux autres, il se distingue par son approche globale et enveloppante, tant et si bien que sans renier les méthodologies en pratique par ailleurs, l’Art Royal a développé en droite ligne des Mystères d’Eleusis un langage qui traduit la plasticité des symboles, où les mots utilisés dépassent la signification première qui est la leur, pour s’orienter sur leurs puissances évocatrices.

        C’est une autre voie où le potentiel de l’esprit humain trouve à s’exercer et à s’accomplir au-delà de toutes les formes et apparences, sans les renier. Il s’agit bien ici de franchir une bonne fois pour toutes la barrière de cette fameuse écorce qui dissimule le noyau.

 

Lumière et Vérité

 

        Les symboles et les mythes sont l’alphabet de ce nouveau langage qui rompt la barrière du signifiant et du signifié. Ils sont le noyau de ce langage ésotérique réservé aux initiés qui ont passé l’épreuve des quatre éléments. Ceux-ci seulement sont nés au monde des symboles, et c’est en vertu de cette renaissance au sortir de la caverne qu’ils ressortent vainqueurs des limites d’une pensée raisonnante. Avoir franchi ce cap des quatre épreuves élémentaires, nous permet seulement d’avoir accès à cette lumière illuminatrice venant de l’Orient, en ayant fait préalablement le vide en nous, les épreuves subies étant purificatrices. Rappelons nous enfin que c’est « ni nu ni vêtu » et débarrassé de nos « métaux » que nous sommes rentrés en loge.

        Cependant aucune connaissance nouvelle ne s’est révélée par ce choc rétinien. Simplement, l’apprenti a découvert une porte qui s’est entrouverte, et assurément tôt ou tard, il voudra pousser complètement celle-ci. En réalité il s’agit de réveiller chez l’apprenti des potentialités en sommeil, qui par absence d’entendement n’ont jamais été mises en oeuvre. Ce qui se passe lors de cette nouvelle naissance, c’est une nouvelle manière de respirer : l’inspire se nourri d' effluves aux parfums inconnus, et l’expire nous éloigne de la contingence obscure. Notre cœur bat différemment suspendu au rythme d’un rituel immuable. Au dessus de cette porte imaginaire figure la maxime Socratique « Connais-toi toi-même » dont on trouve la puissance d’évocation dans le cabinet de réflexion et dans les voyages de probations. Surmonter ces épreuves au plan symbolique, c’est apprendre à réfléchir sur soi, à s’explorer, en éclairant des strates obscures et insoupçonnées de soi, sans pour autant verser dans l’impasse de la psychologie des profondeurs.

 

        La connaissance de soi devient l’axe fondamental, le chemin de toute initiation.  C’est une intériorisation glorieuse et lumineuse qui permet à l’homme de découvrir le monde au-delà du sens subi, mais comme acteur lumineux de celui-ci, propre à y trouver sa place. Le regard de l’initié outrepasse le monde phénoménal et ne s’y abandonne pas.

        Il convient pour démarrer cette recherche de se plier aux exigences du rituel qui oblige notamment au silence, au respect du serment et à une attitude physique contrainte. C’est ainsi que l’on commence à se dominer, à taire ses passions, à maîtriser son ego et ses boursouflures, à apprendre les symboles. Ceci implique que le maçon est par nature tolérant, car à l’écoute, il vit l’altérité comme un facteur de progrès et sait voir au-delà de toute contingence. De la même façon, il outrepasse le sens des mots en outrepassant la nature du silence qu’on lui impose. C’est la totalité de ce nouvel équilibre qui nous met sur le chemin de lumière. Devenir soi même implique donc de devenir l’autre et le monde. Au-delà de notre nature profonde, c’est cette conscience totale que la Lumière éclaire.

 

        C’est en outrepassant les mots que la Lumière se rapproche de la Vérité. Lumière et Vérité sont éclairantes toutes deux d’un chemin et d’un cheminement difficile vers un sommet incertain ; c’est alors que Lumière et Vérité s’unissent en un seul et même terme, celui que l’on rencontre une fois arrivé au sommet, l’ultime expression d’un tout lumineux : le Logos.


Le sens caché et les " mots semences" :

 

        Sur le plan de la rationalité pure, il est certain que la cérémonie d’initiation ne peut être comprise que comme une succession d’actes positifs marquant un cheminement vers une lumière parfaitement visible et éblouissante. En aucun cas le rituel pris dans une simple lecture ne révèle de secret si particulier. D’ailleurs la simple publication d’un rituel n’a jamais rien révélé de nos secrets. Ce secret n’apparaît que dans le cadre d’une lecture rituelique et entre initiés.

 

        Il mérite d’être protégé depuis des siècles par toutes les sociétés initiatiques qui l’ont transmis jusqu’a nous. C’est ce que nous faisons en mettant le temple à couvert.

       

        Ainsi il convient d’apprendre à lire le symbole et à entendre le récit du Mythe. L’intérêt du rite repose sur son effet répétitif et rythmé. Les mots les paroles, les coups de maillet les pas, les gestes sont sans cesse remâchés et digérés, nourrissant l’apprenti d’une force mentale, l’aidant à franchir cette frontière qui sépare l’exotérisme de l’ésotérisme. Il faut se méfier des mots et de leurs interprétations, le rituel leur donne un sens initiatique personnel et adogmatique.

 

        En effet, les mythes et les symboles se protègent de la profanation. Leur sens caché n’est accessible qu’a l’initié. Recevoir la lumière c’est être capable de les interpréter avec une intelligence venant du cœur. Les paroles prononcées dans un rituel sont des "mots- semence", prononcés par l’initié pour l’initié. Une fois prononcés ils deviennent paroles, or, la transmission initiatique se fait par la parole ritualisée, c’est alors qu’ils germent dans le cœur du maçon, au gré de sa lumière intérieure. C’est ici que commence ce qu’on appelle l’éveil maçonnique.

 

        Pour résumer, le mot semence devient parole initiatique par la lumière du rituel. Cette parole va reposer dans le cœur de l’apprenti silencieux et réceptif. Cette parole devenue graine germera plus tard lorsque la lumière intérieure de l’apprenti sera suffisante. La lumière intérieure de l’apprenti n’est autre que cette parcelle divine qui est endormie en nous, et que nous tentons de réveiller.

 

        Ce n’est qu’après les voyages, que l’apprenti a « Reçu » cette lumière. Il est désormais plongé dans le silence, car il ne peut prendre la parole. Ce silence n’est pas comparable au silence profane. Assis sur la colonne du Nord il médite sur sa parole perdue. Un calme profond s’installe en lui, contrastant avec le désarroi existentiel qui était le sien.

Il s’abstrait de son tumulte intérieur.

 

        Celui qui se tait reçoit les mots semence avec plus de réceptivité. C’est ici que la Lumière est associée à la parole rituelique. Elle y réside. Elle se situe au-delà de l’agitation des formes et du bruit. Le Silence est d’or et rejoint la Lumière dans une expression unitaire.

 

        La lumière au sens philosophique et métaphysique n’a rien de commun avec la lumière physique que chacun connaît bien, ni même avec le feu élément du processus initiatique. On peut donner une définition à la lumière physique : « énergie venant d’un corps agissant sur la rétine de manière à rendre les choses visibles ». Peut être pouvons nous, malgré tout, nous rallier à l’idée commune, que la lumière soit en général à l’opposé de l’obscurité, ou de la ténèbre, comme on peu le lire dans l’évangile selon Saint Jean. L’opposition ne parait pas justifiée, car il faut considérer les ténèbres bibliques comme un Univers d’indifférenciation, du non advenu, où l’existence et la manifestation ont pris leurs sources.

 

        C’est une fois de plus le verbe qui initie, sous l’angle de la Lumière l’ordonnancement de la « materia prima » et du visible.

        Cette acceptation du terme et de la fonction induit fort naturellement qu’en aucun cas nous ne nous situons dans une demi-mesure. Nous sommes bien dans l’univers des contrastes menés à leurs paroxysmes. La signification de cet état, au plan symbolique, est que si la lumière s’oppose et procède de la ténèbre, elle fait ici figure d’opposée complémentaire. Il s’agit tout autant d’une lutte et d’une association. Ici personne n’espère que les ténèbres continuent à régner, on a presque des frissons d’angoisse à cette idée. Le manichéisme, participant des sciences gnostiques, à fait florès en s’appuyant sur les notions de bien et de mal pour distinguer la lumière des ténèbres. Or ce n’est pas notre propos ici d’établir une telle distinction qui repose sur une apologie du mal sur terre. Pour autant on considérera la complémentarité agissante à l’égal des cases blanches et noires du pavé mosaïque.

 

        On remarquera que cette apparente opposition fait naître à nos yeux ce qu’on appelle la manifestation qui est le monde des formes. Pas de formes sans ombre et lumière. La Lumière demande beaucoup d’effort pour briller dans les ténèbres. C’est une lutte permanente, que reprend à son compte l’initié sur la voie. Il s’agit pour commencer de vaincre ses passions et creuser des tombeaux pour les vices.


(...) suite

ER

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 00:01

Éternelle question qui    préoccupe l’ensemble des  francs-maçons soucieux de rigueur historique et d’authenticité initiatique.

        Chacun doit faire la distinction entre ce qui est vérifiable au plan historique et ce qui découle de la légende des rites. Ces deux aspects ne sont pas opposés, mais complémentaires, car le mythe devient réalité agissante dans le for intérieur de l’initié sur le chemin.

 

(…)

        La légitimité s’analyse souvent en regard de son origine. Sont légitimes un Rite et son expression rituelique, s’il est démontré une dévolution successorale dans la chaîne de ses pratiquants qui remonte à des temps que l’on qualifie d’immémoriaux.

        À ce stade personne n’est en mesure de rapporter avec la certitude scientifique qui s’impose que son rite et le rituel qui l’accompagne soient pratiqués depuis toujours.

        L’explication repose sur l’oralité des rites anciens qui ne favorise pas l’appui de la preuve scientifique.


        L’hypothèse de la filiation directe avec les loges médiévales flatte notre sentiment d’enracinement multiséculaire et conforte l’obsession de régularité développée par les obédiences, qui s’identifient et se cristallisent dans l’opposition. On privilégie la différence, plutôt qu’une communauté de pensée. On retrouve des traces écrites de rituels opératifs une centaine environ notamment en Écosse. On les appelle les Anciens Devoirs. Ils constituent un système rituelique complet et qui aura cours dès avant 1390.

        D’essence Catholique puis au 16em siècle Anglican et entrera en concurrence pour des raisons religieuses avec le rituel du mot de maçon d’essence Calviniste dès 1637. On voit alors le rituel être très dépendant de la religion et du pouvoir, ce qui à cette époque est tout naturel, d’une part parce qu’il n’y a pas d’idéal terrestre sans religion et que la relation au pouvoir seigneurial s’inscrit dans une perspective féodale et de donneur d’ordre.

        Ces rituels mettent en gloire la Sainte Trinité pour finir par ne parler que de Dieu. Ils font allégeance au Roi qui leur octroie leurs chartes. Il s’agit là des deux éléments circonstanciels qui sont adaptables faces aux réalités de l’instant.

        Par delà les successions religieuses, on assistera à l’évolution permanente de ces rituels, ce qui nous laisse à penser qu’il n’existe pas un, mais différents modèles souchant la rituellie maçonnique.

        La recherche du plus ancien modèle connu ne garantit pas l’unicité de la souche. Seuls, les manuscrits tels le REGIUS de 1390 demeurent un signe d’organisation de la profession. Il s’agit de faire face aux problèmes de mains d’œuvre due aux épidémies de peste qui sévirent en Europe et qui feront perdre à l’Europe un quart de sa population. La guerre de Cent Ans (1337-1453) participe de cette pénurie. Le manuscrit le COOKE de 1410 nous donne une idée assez précise de la nature et de la structure des rites de l’époque. Pour certains rites spéculatifs on arrive à remonter au 17em et 18em siècle. Certains de nos illustres prédécesseurs n’hésitent pas à faire remonter les origines de l’ordre au temps des pyramides, à la construction du Temple de Jérusalem sous Salomon, acte fondateur s’il en est, voir à Adam où à la période antédiluvienne.

        Il faut retenir ces origines pour légendaires et mythiques, car elles participent en tant que telles à l’imagerie intemporelle liée à l’initiation.

        Sans rentrer dans une quelconque polémique sur les bien-fondés historiques qui sont ici contreproductifs, notons que le discours de Ramsay, nous relie entre autres à la chevalerie, et le Régius de 1390 s’appuie sur la tradition des bâtisseurs égyptiens et la transmission du savoir géométrique d’Euclide.

 

 

S’agissant des loges Ecossaises on retiendra que Jacques II d’ Écosse en 1441 nomma William Sinclair patron des loges opératives. Le 21 décembre 1583 Jacques IV d’Écosse nomma William Schaw aux fonctions de maître des travaux de la couronne et qu’il réorganisa les loges opératives en leur donnant des prescriptions qui ne seront pas sans effet sur l’élaboration des rituels et leur devoir de mémoire (en effet ces loges calvinistes ne voulaient plus pratiquer le rite des Anciens Devoirs jugé trop anglican. Le devoir de memoire l'élaboration d'un rite repossant sur le mot et la griffe, le Mason Word) . Ce point est historique dans le sens qu’il induit à terme un dépassement des loges comme unité d’origine d’un chantier, au profit d’organisations plus politiques, appelées corporation puis confréries.

        En Europe continentale on note des tentatives d’organisation des professions des tailleurs de pierre et maçons avec les statuts de Ratisbonne de 1459. D’esprit Chrétien faisant référence au Dieu le Père, du Fils et de Sainte-Marie, mère de Dieu, de ses bienheureux saints serviteurs les quatre Saints couronnés1. Ces statuts prétendent « rénover et clarifier les anciennes traditions » et s’être « constitués dans un esprit fraternel en un groupement » et s’être « engagés à observer fidèlement les règlements… pour nous-mêmes et pour nos successeurs ».

        On tente de fédérer moins les loges2 que les règles et usages du métier et son ordonnancement à trois niveaux : Organisation générale de la profession, règlement concernant les apprentis, règlement concernant les compagnons.

Ces tentatives seront suivies d’autres tels les Statuts de Strasbourg en 1563.

        Personne ne conteste la nature initiatique de la maçonnerie opérative continentale, basée sur les symboles et les rites de métier. La transmission traditionnelle du savoir-faire donnera pour la Franc-Maçonnerie spéculative le passage du savoir-faire au savoir-être3.

        C’est dans esprit que le compagnon opératif subit une sorte de baptême qui le fait quitter son ancien état, et lui fait découvrir un monde nouveau et une vision ésotérique, ce qui constitue l’essence même de l’initiation. Ce changement d’état est caractérisé par le changement de nom4  ayant une valeur initiatique. Pratiqué à l’âge adulte, à l’âge de raison, il n’est pas un simple rituel de passage5 , mais un véritable acte d’initiation qui met sur la voie l’individu désireux d’intégrer le métier et d’en franchir toutes les étapes relatives au métier, et à l’amélioration de soi. L’accomplissement professionnel va de pair avec le perfectionnement de soi ; mais on ne démontre pas la filiation directe entre les opératifs continentaux et la Franc-Maçonnerie spéculative.

        La filiation semble bien établie entre la Franc-Maçonnerie de transition anglo-écossaise du « mot de maçon » où sont initiés des non opératifs. On notera cependant que suivant les recheches de Patrick Negrier (hiram.be du 30/11/2014), Sir Robert Moray en 1641 en la loge d'Edinbourg et sir Elias Ashmole en 1646 furent recus sur la base d’un rituel de type ancien devoir le Sloane n°3848. Le père du pasteur Anderson pratiquait le rituel du mot de mason en la loge d'Aberdeen et le transmit à son fils qui lui-meme le transfera au Frères des quatre loges de londres qui devinrent la Grande Loge de Londres de 1717.

Il est donc probable qu’une transition s’est opérée de l’opératif vers le spéculatif par la médiation des maçons « acceptés ». Si la théorie de la transition semble acquise dans la vulgate maçonnique, depuis quelques années on assiste à une remise en cause de cette transition des maçons acceptés, au profit d’un phénomène de substitution dénommé théorie de l’emprunt, qui trouve justement ses fondements dans la dégradation opérative des rituels qui au final ne pouvaient être lu à des maçons opératifs, car peu de choses les concernaient directement.

        Progressivement on a laissé tomber les Saints représentatifs de la profession ainsi que les règles de comportement et de rémunération professionnelles. On peut expliquer cette situation par l’émergence des corporations qui se substituent aux loges sur ces questions, ou par l’apparition de maçons acceptés d’un genre nouveau, qui n’ont pas la connaissance du métier ni un intérêt particulier pour lui, mais qui empruntent leurs rituels expurgés, au point d’en conserver le sens initiatique et le lien historique.

        C’est pour ces maçons d’emprunt, l’occasion de découvrir une tradition et des usages ancestraux, au rang desquels se situe le secret, qui sont attractifs par leurs histoires et sécurisants par leurs pratiques secrètes. Voilà donc un modèle sociétal fort ancien, initiatique, prêt à l’emploi ! La théorie de l’emprunt s’oppose donc à celle de la transition et implique une maçonnerie spéculative qui remonterait au "Grand Loge N°1" de 1583. Ce rituel semble en effet faire peu de cas des impératifs opératifs.

        Demeure la question de la nature initiatique « réelle » ou « virtuelle » de ce transfert et du support rituelique qui l’accompagne. Ce qui a motivé le maçon spéculatif qu’il soit « de transition » ou « d’emprunt » ce sont les profondes racines et la force initiatique des « Anciens Devoirs ». Il suffisait de les amender à la lumière d’autres sources initiatiques, et de réordonnancer l’historique un peu trop incohérent quant à la chronologie. En d’autres termes, il s’agit de démontrer la continuité d’une chaîne initiatique souchée sur l’Art Royal et l’initiation de métier.

        Ce n’est donc pas sur la base des temps immémoriaux que la légitimité de la plupart des rites et de leur rituel sera rapportée. Au cours de cette étude, nous comprenons que les rituels des anciens opératifs subissent sans cesse des modifications des adaptations, voire des altérations. Il est d’usage de considérer que l’organisation la plus ancienne transmette sa tradition à la plus récente.

        Si on suppose que les compagnons opératifs se sont organisés en loge bien avant les spéculatifs, il peut arriver que la plus récente transmette son rituel à la plus ancienne. On remarquera par exemple que des trois organisations compagnonniques françaises6 , seule l’Union compagnonnique des compagnons du Tour de France des Devoirs unis fondé en 1889 pratique un rituel qui se rapproche fortement d’un rite spéculatif. Du Rite Ecossais Ancien et Accepté en l’occurrence, et on se posera la question légitime de savoir si ce rituel n’est pas venu entre les mains de ces compagnons opératifs par le biais de la Franc-Maçonnerie spéculative. Compte tenu de l’histoire et de l’origine du REAA, qui par sa richesse composite et syncrétique ne semble pas descendre directement d’un rite opératif.       

        Loin de se borner à la recherche des évolutions des rituels, il faut au moins en rechercher la valeur initiatique. C’est à ce titre que doit être établi le critère le plus probant, le plus irréfragable que constitue celui de la transmission de la tradition primordiale.

        La tradition primordiale constitue le tronc commun à toutes les sociétés initiatiques. Il s’agit de vérités exprimées sous formes symboliques et mythiques et transportées par ces sociétés initiatiques à travers les âges jusqu'à nous, jusqu’a en faire des archétypes de la pensée humaine. La Franc-Maçonnerie à cet égard a été le réceptacle, le dépositaire de la tradition rosicrucienne, des fidèles d’amour, des hermétistes et alchimistes, des bâtisseurs francs-maçons du moyen âge et de la chevalerie. Ces influences ont été déterminantes au 16em et 17em siècle.

 

Elle permet l’expression de toutes ses potentialités initiatiques qui sont différents chemins pour atteindre le même sommet.

        L’initiation maçonnique donne l’accès aux petits mystères avec les grades d’apprenti et de compagnon et aux grands mystères avec celui de maître.

        Elle réussit par ses rituels à transmettre les trois initiations reposant respectivement sur le faire, l’agir et le savoir. Soit la classe artisanale consistant dans le travail de la matière (Maçonnerie opérative) qui correspond plus généralement au besoin de bien être de la société, la classe chevaleresque, dans son rôle de protection et de sauvegarde qui se traduit aussi au plan pratique par l’attaque et la défense, la classe sacerdotale dans son rôle de direction tant spirituelle que séculière détenant le pouvoir et le savoir.

        La légitimité d’un rituel repose plus sur les conditions de son élaboration et de sa transmission ou de son réveil éventuel. Cette légitimité met toujours en œuvre une chaîne ininterrompue d’initiés provenant de voies différentes, mais tendant vers le même but qui a trouvé dans la Franc-Maçonnerie spéculative un moyen de s’exprimer et de transmettre plus qu’un savoir, une méthode pour accéder à la connaissance.

(…)

\

Er\Rom\

1 Cette question des quatre saints couronnés est traitée plus loin au titre des anciens devoirs.

 

2 Notons que les loges concernées par les statuts de Ratisbonne étaient celles de Ratisbonne, de Spire, de Strasbourg.

 

3 L’art royal consiste en la perfection de l’acte qui abouti à la perfection de l’être.

 

4  Le changement de nom est significatif du changement d’état, valable pour un Roi qui prend un nouveau nom, pour un Pape, pour un moine, pour un baptisé. C’est une des critiques et des motifs de condamnation du clergé envers le Compagnonnage, en plus du serment sur l’Évangile de ne rien révéler du rituel initiatique « ni à père, ni à mère, femme ni enfants, ni à confesseur ». Les premières condamnations datent du 18 juin 1326, au concile d’Avignon en 1326.

 

5 Le rituel de passage se fait essentiellement à la puberté et en groupe, la conscience de la plénitude de l’acte est donc moins forte, car dictée par un système social reposant sur le mimétisme et ne faisant pas cas de la notion d’adhésion consciente.

 

6 Les deux autres sont la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment fondé en 1952, et l’Association ouvrière des compagnons du Tour de France ou du Devoir.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 23:54

Deux extraits tirés de l’étude sur l’origine des rites maçonniques  donnent un aperçu de la pensée de l’auteur, qui met le rituel au centre  de la pensée maçonnique, catalyseur d’une réaction mentale qui dépasse le simple raisonnement.

 

 

       

 

(…)

Un texte codifié et cyclique qui parle à nos sens :

 

        Si la tenue vestimentaire impose le port de tablier de cuir et de gants en souvenir de la tradition opérative, le texte codifie nos attitudes et nos comportements en loge, notamment s’agissant des procédures de prise de parole et du silence de l’apprenti.

        Le rapport du silence initiatique à la valeur cachée de la parole met en exergue l’infinie différence entre le sens profane et le sens initiatique.

        C’est de la parole1  plus que de l’écrit que naît la signifiance. Le mot prononcé à plus de valeur que le mot écrit. Il prend vie et indique la direction à prendre. Le sens caché du mot est irrémédiablement lié aux symboles et à leurs significations. Le sens caché des mots est le langage de l’initié.

        Le rituel en lui-même est structuré de manière à répondre aux différentes circonstances auxquelles la loge devra faire face. Outre l’ouverture et la fermeture des travaux, il faut prévoir un rituel d’initiation du profane c'est-à-dire de son accueil pour son initiation en loge avec les épreuves, les voyages et le jeu des questions-réponses.

        Le rituel prévoit aussi les passages de grade d’apprenti à compagnon et a celui de maître, l’installation ou l’élection suivant les cas du vénérable et du collège d’officiers, le passage à l’Orient éternel, etc…Partout on entendra et assistera au déroulement d’une scénographie précise, chaque maçon à sa place et chaque mot ayant une signification et un effet. Il faut comprendre qu’a ce stade, le moindre détail à son importance, rien n’est neutre chaque terme, chaque posture, chaque signe a une conséquence et donc une finalité précise, dont on ne découvre la signifiance parfois qu’après plusieurs années. La théâtralisation et la répétition provoquent indiscutablement un effet plus ou moins grand en fonction de la rigueur des intervenants et de l’attention, la concentration des membres présents.

        Le rituel est en fait un formidable métronome, un régulateur qui met en route et en appétit le cherchant.

 

        La loge par son entremise est « à couvert », isolée des influences extérieures, comme un espace hors du temps où nous reprenons le gigantesque ouvrage de nos ancêtres et prédécesseurs sur la voie de la sagesse.

        De cette apparente rigueur découle une totale liberté d’interprétation de chaque maçon. En effet dans ses travaux de recherche, le maçon par l’imprégnation rythmique du rituel ordonnera de la même façon le compte rendu de ses travaux et s’inspirera utilement du sens symbolique d’un rituel.

        C’est ici du langage symbolique et de son ressenti intime qu’il s’agit. Un rituel n’est rien d’autre qu’une symphonie de symboles complètement vécus par les maçons présents. Le rituel fait appel à nos cinq sens. En tout premier lieu notre audition. Il faut le vivre pour  ressentir la rythmique si étudiée avec les coups de maillet, les questions-réponses, les prières ou invocations.

        Toute cette phraséologie se situe bien au-delà de l’interprétation personnelle de chacun, s’adressant à la part non rationnelle de l’individu, cette part qui ne dépend pas de notre intellect, mais relève du monde sensible.

        La vue est aussi invitée, ainsi que le corps lui-même.

        La succession des postures assis-debout-assis, le déplacement en marquant les angles, la chaîne d’union, le salut rituel et l’acclamation induisent naturellement la notion de reconnaissance et d’appartenance à un groupe qui peut se traduire par ce phénomène si particulier dans nos tenues qu’on appelle l’égrégore.

        Ne dit on pas que la tenue réussie est celle qui met en avant l’harmonie la musicalité et l’ouverture, à l’autre comme à soi-même. Nous ne sommes pas loin de cette « harmonie des sphères » que décrivait Pythagore.

        Les cinq sens sont en action, ils vont faire florès sur la base d’un substrat où l’initié entouré des autres initiés met en œuvre, en scène, en musique le rituel. On aboutit à ce qu’on appelle l’égrégore qui n’est autre que la quinte-essence du rituel.

        Le déroulement cyclique du rituel est calqué sur le principe du temps circulaire qui s’impose à nous et permet de rentrer dans l’espace sacré et d’en sortir. L’espace sacré est irrémédiablement lié au temps sacré qui ne peut être confondu avec le temps profane ou historique.

        Ce retour aux sources, cette capacité qu’ont les francs-maçons et autres initiés de s’extirper du temps profane leur offre une vision inégalée de la globalité et de l’unité.

        Ce sentiment, cette sensation, peut s’approcher pour le non-initié de la capacité que nous avons à expliciter le mythe de l’éternel retour suivant l’emprunt que nous faisons à Platon et aux stoïciens qui consiste en une répétions incessante de destruction et de recréation du cosmos, c’est une loi des alternatives cycliques immuables, les mêmes situations se reproduisent des cycles antérieurs aux cycles subséquents2 .

(…)

 

Penser soi et le monde : Microcosme et Macrocosme.

 

        Le rituel organise la pensée ontologique et eschatologique du maçon.

        Si le mythe reste une construction élaborée, voire amendée au travers des âges, il repose toujours sur une base historique véridique. C’est à Schelling dans « Essais sur les mythes » en 1793 que nous devons cette première constatation. Le mythe est de prime abord un récit symbolique, il est avant tout un assemblage subtil d’éléments qui parle à l’individu comme aucun texte ou récit ne peut le faire.

        Il se crée dans l’esprit de l’auditeur et du spectateur une alchimie si particulière que d’éminents spécialistes comme Lévis Strauss et Carl Ernest Jung ont voulu étudier, tant sous l’angle de l’anthropologie que de la psychologie. Il en découle que les mythes se décomposent en de multiples mythèmes, qui construisent le récit et que les images qui y sont décrites sont si anciennes, qu’elles sont communes à de nombreuses civilisations particulièrement distantes les unes des autres. Ces représentations mentales sont des archétypes qui ont une action dynamique sur notre comportement. Ils appartiennent pour certains spécialistes à notre inconscient collectif.

        Pour ceux qui ne considèrent pas la psychologie comme déterminante dans la science sacrée, le mythe est perçu comme la trace , la preuve, d’une tradition primordiale commune à toutes les civilisations et qui ne touche pas au soubassement de la conscience, mais bien au contraire réfère à une supra conscience. Cette supra conscience est présente chez l’homme et participe d’une pensée transcendante, laquelle fait le rapprochement entre microcosme et macrocosme. Elle devient à la fois explication ontologique de l’homme et eschatologique du monde. C’est ici un des sens de la pensée métaphysique de René Guénon grand défenseur de la Tradition. Il est constant que le mythe repose pour son élaboration sur les phénomènes cycliques qui marquent le renouvellement, la renaissance : la vie, la mort, le jour, la nuit, les saisons, les récoltes, etc. .

        Chaque phénomène se traduit en rapport direct à l’homme, c’est ce qu’on appelle la vision anthropomorphique. L’homme a toujours eu ce besoin de ramener à lui l’ensemble des phénomènes qu’il constatait, réalisant ainsi le lien, l’unité d’une vision globale de l’homme et de l’univers.

        Bien souvent, faut il le préciser, la dualité constatée et subie se mue en unité salvatrice3  et probablement transcendante. C’est ainsi que fonctionne le raisonnement analogique qui à pour fonction de mettre en avant des points communs entre différents objets et situations de tailles et de natures différentes.

        C’est aussi à ce moment qu’apparaît de manière simultanée pour ne pas dire magique (au sens de l’image suggérée) le phénomène symbolique.

        Le symbole, heureux événement de la pensée, n’est autre que l’abécédaire, le refrain du récit mythique. Le couple mythe et symbole ne pourraient se prévaloir d’une réelle portée transcendante et initiatique s’ils n’étaient mis en musique et dynamisés par l’action du rituel.

        Il y a donc parti lié entre le rite, le mythe et le symbole, chacun renvoyant à l’autre et dépendant de l’autre pour son efficience. Ainsi les légendes que l’on rencontre dans les rituels maçonniques, qui pourraient n’être que de simples récits, trouvent leurs portées démultipliées bien au-delà des termes utilisés. Ils induisent une résonance qui dépasse le point de vue moral, psychologique ou philosophique, pour atteindre les sommets de l’intuition appelée aussi l’intelligence du cœur.

        C’est cette conjonction bienheureuse du rite mettant en mouvement les mythes et les symboles que naît l’imagerie métaphysique, l’imago mundi. Cette vision totale ne peut être circonscrite par une explication de texte ou une exégèse, et je dirais qu’elle est si personnelle qu’elle ne peut être décrite, mais tout juste transmise dans la résonance qu’elle offre aux autres initiés.

        C’est cette résonance qui est l’objet de la transmission et non pas un code de la route. L’éveil de l’initié sur le chemin suffit à sa perception.

(…)

\

Er\Rom\

1  Le savoir ésotérique et donc initiatique, de Platon et avant lui des pythagoriciens, était transmis verbalement et excluait l’écrit.

2  Le Judaïsme innovera en brisant le temps cyclique où la fin n’est pas définitive, en lui donnant un début et une fin définitive cette fois. C’est un temps qui n’est plus cosmique, mais historique, ou l’intervention divine ne marque plus le début ou la fin du cycle, mais tout simplement la volonté divine. Le Christianisme reprendra ce thème d’un temps historique, devenu temps liturgique avec l’avènement du Christ incarnation du cosmos, en temps zéro et un calendrier fait de multiples saints qui recycle et écarte les anciens temps mythiques de l’origine des temps,

3 Phénomène illustré par l’expression maçonnique : « Rassembler ce qui est épars »

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