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31 décembre 2016 6 31 /12 /décembre /2016 17:35

L’acclamation écossaise : Sémiotique élargie de la geste acclamative commune :

Dans la suite de notre première partie, il convient d’entrevoir dans l’acclamation écossaise autre chose qu’un mot à traduire. Nous tenterons d'élargir notre champ exploratoire. Sans doute l’acclamation possède bien plus qu’un sens, ce serait une essence qui se dérobe à la relation du signifiant et du signifié, trop subjective et falsifiable et sujette à contresens. Dans cette seconde partie, nous éclairerons moins l’onomatopée que l’intention ontologique du groupe acclamant. Nous reprendrons certains des thèmes déjà abordés en première partie pour une approche complémentaire en vue d'alimenter le débat.

1/ L’acclamation est un cri de joie, d'approbation, d'enthousiasme collectif …

…pour saluer ou approuver publiquement une personne, une œuvre, une nouvelle, associée à une posture corporelle. Ici on acclame en regardant le centre de la loge ou le Vénérable Maître qui incarnent tous les deux l’œuvre à accomplir en relation avec l’origine, la lumière, etc. L’acclamation n’est pas en franc-maçonnerie qu’un pseudo-mot répété trois fois, c’est une communication langagière verbale et non verbale touchant à l’essence. C’est aussi une posture et des gestes qui expriment une tension collective et un expire collectif du souffle.

L’acclamation est donc un cri, un souffle touchant à l’essence. C’est célébration mise en scène par une posture, une gestuelle en regard d’un centre ontologique unificateur du clan.

Mais auparavant il faut étudier le schéma régulateur de la communication du maçon en loge. Le rituel maçonnique organise un écrin contextuel et co-textuel pour porter l’essence de l’acclamation.

a/ Le schéma régulateur co-texte et contexte

La ritualisation gestuelle va réguler le niveau de langage en faisant sortir les excès langagiers et les postures inadéquates. L’objectif serait d’obtenir un haut niveau d’expression et une régulation des comportements. L’acclamation dite écossaise va favoriser une mise en état particulière de l’émetteur et du récepteur qui est le franc-maçon en loge. Nous noterons que cette mise en état particulière se retrouve chez le franc-maçon dans sa vie profane comme un acquit. Cette « mise en l’état » débouche dans une attitude de « grande écoute ». Il s’agit d’une posture langagière d’écoute et de synthèse qui sera propice à l’art du compromis et à la structuration symbolique de la pensée. C’est une méthode de communication langagière qui permet d’extraire l’essence du langage par la médiation de la représentation symbolique associant le verbe, la posture et le geste. Pour arriver à créer une unité de représentation mentale dans le groupe, il faut évacuer une partie de l’affect qui pourrait faire échec à l’accès au centre-origine. Il faut purifier nos facultés cognitives.

La communication langagière verbale, pseudo verbale et non verbale[1] du franc maçon est la suivante :

  • l’affect va se retrouver régulé par le contexte symbolique de la loge (1) considérée comme non-lieu et non-temps profane et modèle d’harmonie et d’ordre.
  • Les représentations mentales individuelles et communes qui y sont associées (2) sont significatives d’une reliance à un « plus haut ». La sémiotisation spécifique « in situe »(3) va engendrer deux modes expressifs :
    • a/ l’élaboration d’un discours verbal de type symbolique (4) établissant un pont entre le sens et l’essence
    • b/ doublé et renforcé d’une posture et d’une gestuelle régulatrice de l’affect (5) telle que : la mise à l’ordre, le salut, les salutations, le protocole de prise de parole, utilisation de formules rituelles, invocations, prières... Ce sous ensemble constituant un co-texte solidaire de la gestuelle, etc..

La posture et la gestuelle du langage non verbal vont agir sur la modulation verbale et la cognition : par la mise à l’ordre[2] préalable à l’acclamation, la gorge sera tenue et cadrée. Ce langage parallèle induit une régulation affective et impacte la représentation mentale. On serait tenté de dire que la geste maçonnique et le rituel, conditionnent l’affect et le registre de l’imagerie mentale.

L’énoncé du discours, l’intervention verbale du franc-maçon ainsi contextualisées et régulées vont influencer le domaine dans lequel s’exerceront ses capacités cognitives en faisant remonter le discours dans le registre du symbole et de l’essence. La régulation du discours, son énonciation, est induite par le contexte de la loge et le co-texte du rituel, de la gestuelle et de la demande de prise de parole. Le redoublement co-textuel et contextuel du sens permettra de cheminer vers l’essence.

Enfin le locuteur aura pour allocutaire non pas les Frères et Sœurs sur les colonnes, mais le Vénérable Maître littéralement « installé » dans la chaire de Salomon, au Debhir en surélévation du Hékal. Le contexte de l’énoncé est alors « orienté » vers la lumière qui se veut éclairante, et suivra un cheminement ascensionnel, comme indiqué par le geste du salut[3] vers l’axe associé à l’acclamation écossaise.

Le schéma régulateur trouve dans le cri triple associé à la posture de l’acclamation son fondement et son alignement axial[4] dans les trois niveaux : l’individuel, le groupe humain et la loge image du temple. La loge image du temple, reste donc le cadre structurant du schéma, lui-même soumis à la naissance de la lumière et donc du langage.

b/ Le cri de l’origine – retour au Centre.

La loge en ses qualités de « maison accueillant la lumière » ou lieu d’émergence de la « conscience éclairée » ou « temple des origines » va réguler les capacités cognitives en les développant au-delà du sens commun et induire une représentation mentale associée à l’essence. Pour détruire cet aspect induit du cadre directeur il faudrait détruire la symbolique de la loge antichambre du temple, en la réduisant dans un aspect secondaire quasi profane, lieu de rencontre où sévirait un simple entre soi.

Le cri qui mobilise les profondeurs du corps exprimerait tout simplement notre reliance consciente au centre du dispositif de la loge et au lieu « mythique et symbolique » d’où vient la lumière. L’acclamation est collective, rythmée et orientée.

L’objet de l’acclamation serait donc la lumière qui entre et s’installe dans la loge et dans nos corps, l’acclamation est donc situationnelle. Elle situe le maçon sur la périphérie du centre ou l’identifie aux postes et charges occupées, en regard d’un centre. Le son du cri fait le chemin en sens inverse de la Lumière rayonnante. Il remonte de la périphérie ou des colonnes vers la source du Verbe qui est aussi la source de la Lumière. À cet endroit il se « concentre » pour nous revenir plus fort et plus puissant tel un écho.

Cet aller-retour centrifuge et centripète, cet expire et cet inspire, établiraient une respiration symbolique entre le centre et la périphérie. L’unité du tout qui en résulte, ne fait qu’exprimer l’origine de la manifestation, le principe créateur de toutes choses s’il en existe et dans une mesure plus restreinte l’origine de la parole. Il y aurait donc un cheminement symbolique et métaphysique identique entre la lumière qui s’impose au milieu des ténèbres pour éclairer la conscience et le verbe créateur.

La Lumière source à pour périphérie la conscience éclairée de l’homme, le Verbe source aurait à sa périphérie la parole humaine reliée par le souffle. L’acclamation exprime et met en scène cette reliance originaire.

Cette Acclamation par trois fois est un ternaire collectif qui se retrouve dans les trois grades et les apprentis, voués au silence, y participent pour signifier leur appartenance au groupe. L’appartenance serait aussi corroborée une sémiotique non verbale : par la posture la manière de se vêtir considérée comme des marqueurs d’appartenance[5] et comme des marqueurs de relation[6], la gestuelle, etc, le tout renforcé et tous les codes de la communication langagière spécifique à la franc-maçonnerie.

L’acclamation est donc une communication quasi langagière : de mon point de vue, c’est moins un mot signifiant qui est porté collectivement, mais plutôt un paralangage. Ce paralangage s’associerait à une posture physique et une gestuelle précise interactive dans le ternaire suivant: le franc-maçon, le groupe et la loge qui est le lieu de l’exercice. Ce ternaire, cette interaction triangulaire, encadrerait la tenue et traverserait les individus en situation qui se retrouvent ainsi reliés. Ce ternaire traversant et rayonnant se retrouve dans l’ouverture comme dans la fermeture, et se répète à l’envi dans un rituel qui se fonde à chaque instant sur la symbolique du nombre trois. Ce serait symboliquement la lumière ou l’élan vital qui pénètre les trois niveaux de l’être par leurs centres : le corps en son nombril, l’âme par la cavité cardiaque et l’esprit par la cavité crânienne. C’est aussi l’effet recherché du mantra ou du dihkr que d’atteindre une forme d’illumination intérieure par un état de vide suivit d’un remplissage lumineux.

 

Nous savons en franc-maçonnerie qu’avant de prononcer un mot il faut apprendre à l’épeler. C’est le stade de l’apprentissage des mots sacrés. Que se passe-t-il avant l’étape de l’épellation ?

N’y a-t-il pas quelque chose qui précède la parole humaine et qui soit fondateur de l’humanité ?

Le cri de naissance est d’abord un souffle.

c/ Le souffle originaire devient cri :

Avant l’étape de la lettre formée, nommée, prononcée et tracée, il y a le souffle qui sort de l’intérieur de soi pour former un son, un phonème. Je proposerai de partir de ce souffle venu de l’intérieur de soi qui est mis en partage au sein de la tribu rassemblée autour du foyer central. Il ne faut pas seulement partir du sens du mot qui a pu être déformé au cours des âges. Notons que sans ce souffle venu de l’intérieur il n’y aurait ni lettre prononcée[7], ni syllabe, ni mot.

Nous pouvons dire que c’est par ce souffle intérieur que nous animons le langage et ce serait par ce souffle premier, animateur, que nous serions en capacité de nommer les choses et les êtres.

Est-ce un hasard si ce souffle venu de l’intérieur nous permet symboliquement d’évoquer le divin. C’est un juste retour aux origines : le Nom du Divin, comme la Parole des origines, sont symboliquement liées au souffle premier sur la face des eaux (« Le souffle d'Elohîms planait sur les faces des eaux. »(Genèse 1.2 ~ Traduction André Chouraqui). On pense aussi au souffle insufflé dans l’homme premier fait de terre et d’eau[8]. En loge le souffle s’inscrit dans un aller-retour triangulaire entre soi, les autres et le centre originel protégé par le temple.

Fut-il humain ou divin, pris dans son sens fluidique ou dans son essence « ontologique » le souffle[9] est symboliquement l’âme qui donne vie.

Tentons, dans la mesure du possible, de remonter à la source du souffle qui donne la vie et le sens.

2 / Du sens à l’essence :

Vouloir révéler une essence à pseudo-mot « houzza » résulterait moins de l’étymologie que de tenter de constater la mise en commun d’un souffle dans un but ontologique. Cet objectif reste difficile à démontrer. Il nous suffit de constater la manière d’exécuter le rituel de l’acclamation et de le vivre de l’intérieur pour être sensibilisé son essence. L’essence se définirait par ce qui constitue l’acclamation le cri-souffle originaire. L’essence d’un mot ou d’une onomatopée s’oppose au tropisme des sens multiples voir opposés. L’essence n’est pas soumise à la contingence, elle s’affirme comme une évidence.

Dans « De l’interprétation », Aristote construit sur le couple onoma, rhéma, « nom, verbe » le constitutif du logos. Les traductions et les commentaires médiévaux, en latin, introduisent la dictio « le mot » comme terme générique regroupant nomen et verbum. Lavoisier accordait aux mots savants une capacité heuristique. Rien qu’à les entendre ou le lire, nous sommes invités à tirer d’eux leurs propriétés, d’où la célèbre formule « celui qui connaît le mot connaît la chose, car ils sont tous nés des origines du logos »[10] et donc du verbe. Nous y répondons ainsi : « Qui connaît l’acclamation pour l’avoir vécue connaît aussi son essence ».

a/ La force du Houzza

Les mots auraient une âme constituant le sens caché et une essence. La découverte du sens caché et de l’essence du mot est l’un des objets de la recherche maçonnique.

Pour comprendre la remontée « essentielle » du symbolisme initiatique, nous prendrons un exemple facile basé sur la kabbale hébraïque : Abram devient Abraham à la suite d’une rencontre avec le divin provocant la naissance d’une vocation. Le divin lui confie une mission. Le H devient la marque de cette rencontre et de son changement d’état. D’homme il devient Prophète il accède à un niveau supérieur de perception du réel, il connaît l’essence des choses et de la vie. Le « Hé » hébraïque est la lettre du souffle de vie[11]. « C’est le mode de communication entre les différents niveaux de l’âme, regroupant les cinq principes (Hé a une valeur de 5) : Nefesh, Roua’h, Neshamah, H’ayah, Yeh’idah.. »

Pour mieux comprendre le passage du sens à l’essence il faut revenir à l’épisode relaté dans la Génèse 14/18 : « Melchisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin: il était sacrificateur du Dieu Très-Haut. 19Il bénit Abram, et dit: Béni soit Abram par le Dieu Très-Haut, maître du ciel et de la terre!…et Abram lui donna la dîme de tout ». Il y a ici une gestuelle de transmission entre le Prêtre Roi ou Roi Sage[12] de Salem (qui est la ville de paix autrement dit le centre immobile et éternel)) et Abram, Melchisédech qui n’a ni père ni mère ( autrement dit, il est dans l'axe originel), qui est de tous les temps, est porteur d’une conscience spirituelle universelle la plus avancée. Cette geste se rapporte à l’essence et se traduit dans la transformation du nom du bénéficiaire.

Ce qu’illustre le pain et le vin dans cet épisode biblique, c’est la « transformation » du sens en essence. En apportant le pain et le vin à Abram, Melchisédech lui fait connaître non pas la nourriture substantielle, mais la nourriture essentielle. Le vin est à considérer ici comme l’essence de la vie, la part intérieure de l’être, l’esprit en soi. Cette approche « essentielle » sera reprise dans la Cène que reproduisent intentionnellement certains grades chevaleresques.

L’aboutissement de cette approche essentielle sera illustré par le rajout du Hé au nom d’Abram et Saraï : avant l’acceptation totale de leur vocation d’être le père et la mère d’une nouvelle nation et fondateurs du monothéisme, ils avaient un nom. Le premier s’appelait Abram et la seconde Saraï. Élohim leur donne un autre nom, à Abram il ajoute un après le Rech et à Saraï il supprime le Yod pour lui substituer un autre .[13]

Les deux personnages clés de la Bible, une fois leur « conversion » opérée, se voient pourvus d’un Hé qui marque la présence du souffle divin du Tétragramme dans leur nom.

S’agissant de la lumière-esprit en l’homme nous pourrions tenter le même raisonnement avec la lettre latine X pour ChristChrist »), celui-ci issu de la lettre grecque Χ, l’initiale du grec ancien Χριστός, Christós (« Christ »). La lettre signe devient le mot qui lui-même devient symbole et touche directement à son essence. On retrouvera ce X dans la croix de Saint-André. Avec ce X il est question de recevoir l’esprit en soi, d’en avoir la vocation ou la perception. Jésus devient Christ.

L’essence du souffle, de la lumière ou de l’esprit, est liée chez l'homme à la vocation qui se démontre par des actes positifs qui vont jusqu’au sacrifice. Pour définir l’essence d’un mot ou d’une expression à caractère spirituel, il faut donc tenir compte du texte, de la geste et du rituel qui ont pour fonction d’établir une reliance par des niveaux de langages supérieurs[14].

L’acclamation reprendrait une geste de transmission désignant le centre à partir de la périphérie et réactivant par la voix et le geste l’écho du centre créateur, c'est du moins une hypothèse à évaluer.

b / La remontée maçonnique, du sens à l’essence du souffle

Ainsi nous remontons l’arbre maçonnique qui va d’un pseudo mot au sens puis à l’essence. Nous avons vu que la loge est le lieu hors du temps et de l’espace profane, où se recrée à chaque tenue le monde. Plus précisément c’est le lieu où l’on célèbre l’arrivée de la lumière ordonnatrice au milieu des ténèbres. Ce serait donc le lieu de la conscience première de l’humanité, soit une vision en essence qui précède les sens multiples qui en découleront. L’essence précède le sens comme la lumière éclaire le monde. Pour l’homme, l’essence procède d’une vision illuminative[15] , qualifiée d’éblouissante ou de splendeur[16], « que le regard ne peut soutenir ». Celle-ci est sans description possible, le sens quant à lui découle d’une représentation mentale qui transpose en soi « le visible ». Le visible qui fait sens est décrypté en l’homme, qu'en est-il de l'essence? Le passage du sens à l’essence dépendrait du niveau de perception.

Le souffle tel que défini précédemment (le H du Hé dans houzza) se retrouverait avec plusieurs approches. Les plus communes font du souffle un élément naturel comme l’air circulant qui favorise les combinaisons des autres éléments: l’eau, la terre et le feu. Les quatre éléments et leurs associations multiples sont la base constitutive d’une combinatoire de langage symbolique « élémentaire » impliquant les 5 sens.

Le souffle possèderait une définition plus avancée dans la combinatoire « élémentaire », dans l’idée d’une puissance animatrice de la vie. Le souffle nous l’avons dit, serait suivant la tradition,  à l’origine du monde et de la vie. D’un point de vue traditionnel, il s’associe au Principe. Le sens commun du souffle serait la vie qui est l’animation des combinaisons élémentaires formelles, donc l’essence du souffle serait la dimension ontologique de la création et de la vie.

Le souffle joue un grand rôle dans les rituels chamaniques et dans tous les systèmes initiatiques. On reprend le sens et l’essence du souffle dans l’épreuve élémentaire de l’air. Les "éléments" dans le rituel d'initiation sont réappropriés et réordonnancés au niveau de leur sens originel qui est le cadre essentiel. On reprend aussi l'élément air dans une version plus évoluée celle de la transmission du souffle de celui qui donne à celui qui reçoit (dernier souffle de l’architecte, connaissance transmise au Maître par l’essence du souffle, parole perdue et retrouvée ou réinventée non à partir du sens ordinaire du mot, mais de son essence fondatrice, etc…).

Nous définirions l’essence comme quelque chose de caché qu’il s’agit de découvrir au-delà du sens banal. Cette essence serait le produit d'une distillation, d’une rectification, d’une purification des substances étrangères. La franc-maçonnerie dans sa communication langagière, non verbale, au-delà de la phase symbolique, installerait une sémiotique de l’essence. Rappelons qu’au plan symbolique et métaphysique, c'est l’essence qui fait lien entre le sens et le Principe Universel.

3 / Essence du souffle et la célébration du centre ontologique en partage.

Avant qu’elle ne se transforme en expression latine d’un « vivat » ou en frontispice républicain, l’acclamation fut à l’origine l’équivalent d’un cri de ralliement d’un clan, la marque identitaire de ceux qui ont un point de convergence en commun et qui s’expriment dans un accent commun et puissant, dans des couleurs et des tracés communs (tartan, tatouages, totems, couleurs, tableau de loge et décorum armoirié, étendard …). C'est une hypothèse qui mérite d'être étudiée.

Le clan s’entend naturellement dans l’esprit écossais et nous renvoie aux structures primitives des groupes d’hommes revendiquant une identité collective « formés » en cercles réunis autour d’un foyer commun. En loge chaque membre prête serment le bras droit tendu vers la Bible ouverte à l’évangile selon saint Jean. C’est l’Évangile de la lumière et du verbe premier, soit le souffle premier, la source. C’est à nouveau ce bras droit qui sera tendu lors de l’acclamation vers le centre de la loge indiquant la source première sur un plan donné, celui du Hékal. L’Évangile de la lumière selon saint Jean et le centre du Hékal se superposent en un centre commun.

a / L’identité collective est une appartenance qui s’exprime en sens et en essences.

Les Stuarts en exil devaient affirmer leur identité et leur revendication. Le sentiment d’appartenance ne se raffermit que pour ceux qui entretiennent la mémoire du centre et du retour. (Au plan symbolique et dans une certaine proportion, l’exil des Stuarts est à rapprocher de l’exil des Hébreux à Babylone. On retrouve ici un emprunt,un mimétisme historique assez courant dans la royauté soucieuse de légitimité pseudo-historique). L’acclamation serait une mémoire vivante, voire nostalgique du centre originel[17], une raison d’être qui pourrait devenir nostalgique.

Par mimétisme pseudo historique, l’acclamation écossaise est la mise en application du psaume 137 qui allie le geste (le bras droit) la parole (la langue) et surtout la mémoire (face à l’oubli) d’un centre spirituel : Jérusalem.

Ce désir de réintégrer le centre s’exprime en langages essentiels, mais aussi en images et intentions telle la reconquête du trône « royal » des 4 royaumes (Écosse, Angleterre, Irlande, et France[18]) par Jacques II Stuart et ses successeurs.

L’identité clanique « verbale » est le propre des Scots ou des Pictes et de toute tribu, car le sens donné au mot leur est commun et inconnu des étrangers qui en ignorent la prononciation et l’accent spécifique[19] . Le tuilage est alors de mise pour démontrer son appartenance, ledit tuilage se fait dans la prononciation spécifique au clan et par la main droite dans la bonne compréhension du psaume 137. Le bon geste et la bonne prononciation sont des codes d’appartenance.

b / Le langage en essence serait l’approche ultime du langage initiatique

L’expression des mots sacrés de grades, des mots de passe ont leur sens et leur essence.

La preuve que les mots sacrés de la franc-maçonnerie seraient « essence » et non pas uniquement sens, c’est qu’ils ont tous un rapport direct ou indirect avec les différents noms du divin ou le divin en général via la Bible. Aucun récit ou légende de grade traditionnelle n’y fait exception. La franc-maçonnerie exprimerait un cheminement par étape vers la lumière. C'est un chemin de spiritualité: chaque étape est une progression dans la verbalisation de la lumière en essence.

Dans l’échelle prométhéenne et hermétique, il s’agira d’une ascension vers la lumière. Notons que le mot se double d’un signe, d’un geste, d’une attitude qui « porte » vers l’essence.

Le domaine initiatique porte et transmet l’idée du souffle. Le mot aurait une essence qui est trop souvent oubliée. Le mot n’est-il pas en premier un souffle ?

Alors la chose représentée dans l’acclamation est tout simplement le clan auquel on appartient, et l’essence du mot se rapporte à l’histoire même de la reliance du clan à un centre mythique. Au REP cette reliance se fait par le mont Hérédom.

c / Le vécu « essentiel »

Le souffle devient mot signifiant avec un signifié classique intervenant par le langage non verbal (gestuelle, posture) et qui intègre physiquement le mot-souffle « en-soi » le rendant opérant.

Le maçon fait l’expérience de l’essence, il est alors le mot, il l’incarne et par ce simple fait va perdre son sens extérieur multiple.  Le mot « acclamé » deviendrait l’essence de l’homme, c’est-à-dire son sens intérieur et secret. Houzza(i) collectif est aussi l’essence de l’homme en relation avec le centre exprimant l’origine unique et commune.

Le couple « signifié-concept et signifiant-image acoustique » implique une intériorisation qui va construire la formation d’un égrégore sur un plan horizontal. L’acclamation a donc un effet par le sens sur le plan, c'est-à-dire dans l’expérience commune et le sentiment d’appartenance, mais le sens s’arrête à ce sentiment. Dans cette hypothèse, le relais est pris par l’essence une fois conçue en chaque maçon la notion d’axe et de centre. Le centre n’a pas un sens comme simple point géométrique, il est symboliquement essence de toute chose et tout être. C’est donc sur ce point central que le sens s’efface au profit de l’essence.

Dans l’acclamation, il y aurait littéralement une transposition du souffle, du geste et de la posture vers le centre qui est l’« essence » du cercle. C’est le trajet de la prononciation « extérieure » la plus haute à la représentation « intérieure » la plus puissante qui nous permet d’appréhender l’essence. C’est littéralement une incorporation de l’essence collective qui passe par l’audition du mot clanique. Or il se trouve que le centre est par nature invisible et sans dimension, il faut donc lui donner une apparence extérieure qui soit un point de ralliement ! C’est ici l’utilité de la geste acclamative collective. Pas de centre sans loge ni maçons.

Conclusion :

Toute la démarche initiatique tendrait vers le principe d’unité qui est à la fois la source et la fin de toutes choses.

L’acclamation tendrait vers ce même centre « essentiel ». Le franc-maçon se référera à l’étoile qu’il suivra comme le signe « apparent » de cette origine et fin. L’étoile restera inatteignable, mais autorise par son rayonnement le monde des formes géométriques : cercle, triangle, carré, utilisées pour la construction du temple en carré long. Ce carré long constitue l’archétype de la réalisation de l’homme dans son rapport au divin. La construction du temple concrétise une spiritualité descendante autour d’un centre lumineux.

De cette origine « vitale » célébrée par l’acclamation, ce serait toute la chaîne de la tradition primordiale et sa transmission qui trouverait sa raison d’être. Le rituel initiatique ne fait qu’illustrer par diverses étapes, cette concentration des sens verbaux et non verbaux en essence. Ainsi les sens dérivés de l’acclamation s’originent, selon cette hypothèse, dans l’innommable et l’indéfinissable en passant par l’étape de l’élan vital. Ce qui se dégage, c’est ce désir de reliance ontologique. L’acclamation ne serait alors que la remémoration d’un ordonnancement originel, l’aboutissement de « ordo ab chaos », un paradis perdu... la question reste posée.

Le pseudo mot ainsi prononcé dans le souffle du groupe en communion (égrégore) est « magie-image » en partage, car agissant sur la perception commune. (Image commune intériorisée et partagée passe parfois par une magie invocatoire ou évocatoire en groupe. Tout ceci n'est qu'affaire de représentation mentale "collective").

Cette approche mentalement « imagée » et physiquement « mimée » vaudrait plus particulièrement dans deux cas, celui de l’acclamation écossaise et celui de la parole perdue du « maître ». Il y a un parallèle à faire entre l’essence immortelle du mot qui est transmis dans le dernier souffle d’Hiram et la renaissance en esprit ou l’idée de résurrection en esprit. Ce chemin de l’esprit serait aussi celui de l’essence. L’essence du souffle vital, fût-il clanique, outrepasserait l’allégorie ou le symbole lié au mot.

Dans ces deux cas nous aurions l’élaboration d’une « tradition » du « souffle vécu », avec une transmission par une chaîne verticale de celui qui meurt (dernier souffle) à celui qui recompose le mot, le revivifie, voir le réinvente (nouveau souffle) tout en conservant malgré tout son essence non verbale (parole perdue et retrouvée suivant les rituels). À cette transmission par la griffe post mortem (chaînage vertical descendant dans le foyer central du clan) suit la transmission entre vifs dans une chaîne d’union circulaire et concentrique, de bouche à oreille (chaînage horizontal d’appartenance clanique) : c’est le plan ou sévit le sens. Le vivant clanique se retrouve dans le chaînage de l’immémorial. La verticalité « essentielle » de l’axe terre-ciel et l’horizontalité intelligible du plan s’unissent en un point central : c’est ici que se dessinerait la structure « essentielle » de la loge, la structure absolue.

D'un certain point de vue, l’acclamation dite « écossaise » révèle cette structure absolue en même temps qu’elle illustre le passage du sens à l’essence.

Er.°.Rom.°.

(Nous remercions pour leur fidélité, les 182 310 lecteurs du blog ecossaisdesaintjean.org de l'année 2016)

 

 

 

[1] Nous adaptons à la franc-maçonnerie et à la communication en loge, les travaux de J. Cosnier et A.Brossard : « communication non verbale, co-texte ou contexte ? » in « La communication non verbale » chez Delachaux et Niestlé-Paris 1984. Page 26.

[2] La mise à l’ordre implique que le franc-maçon soit silencieux, immobile et aligné en regard de l’axe terre ciel qu’il incarne en sa qualité de médiateur.

[3] Ce geste se fait après les trois répétitions d’un claquement de main équivalant à un triple bravo en rythme, suivi du bras droit tendu en direction du centre de la loge puis enfin le Houzza(é) répété haut et fort a l’unisson par trois fois.

[4] Il ne s’agirait pas d’une synchronicité au sens linguistique, mais bien d’une diachornicité qui plutôt que de rechercher la pseudo-étymologie du « houzza » préfère définir le sens à partir de l’essence dans le contexte et le co-texte de la loge. On procède à l’ envers, par une ascension qui décolle du centre de l’homme et de l’éthique pour s’installer dans la métaphysique. Cette ascension dans l’axe nous permet de contextualiser la descente de l’essence dans le sens et donc de comprendre la structuration de la loge, mais aussi le passage du Verbe créateur à la Parole. La structure de la loge est bâtie autour d’un centre commun qui se superpose au groupe et au centre de chaque maçon. La superposition des centres est alors diachronique, permettant la remontée d’une communication langagière et non verbale vers l’essence même du langage. L’essence s’incarne dans le maçon qui prononce et mime le triple « Houzza(é) » scandé dans les trois niveaux de la descente ou de la remontée en imitation de l’arrivée de la parole au milieu des hommes.

[5] Les marqueurs d’appartenances sont ici la tenue portée par les francs-maçons et leurs positionnements sur les colonnes.

[6] Les marqueurs de situation seaient ici les grades signifiés par les couleurs des tabliers et par les fonctions représentées par les postes occupés et les insignes portés

[7] C’est la raison pour laquelle le maçon ne sait ni lire ni écrire, il ne sait qu’épeler.

[8] " Rouah Elohim " ... le souffle de Dieu. La Bible de Jérusalem utilise le terme de " vent " pour traduire " rouah ".Mais il est plus courant de lire " l'Esprit de Dieu " (traductions Segond, Sefarim, T.O.B. ou version du Semeur). Le terme grec " pneuma " utilisé dans la traduction des Septante désigne à la fois le souffle et l'esprit. N'est-ce pas ce souffle de Dieu qui va susciter la vie ? ... ce " souffle de vie " que Dieu décide ensuite d'anéantir en Genèse 6.17 : « Je vais faire venir le déluge d’eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle (rouah) de vie sous le ciel. » (Traduction Segond)Puis Dieu se ravise : « Ils entrèrent dans l’arche auprès de Noé, deux à deux, de toute chair ayant souffle (rouah) de vie. » (Genèse 7.15) Sur le souffle dans l’homme : Genèse 2-7 « L'Eternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. » dans le sens démiurgique, le poète Hésiode dans sa théogonie nous révèle que la mission confiée à Prométhée était de donner un souffle de vie à chaque créature, celle de son frère de les armer (griffes, défenses, crocs…)

 

[9] Nous retrouvons la notion de souffle dans les grades capitulaires du REP

[10] http://www.accordphilo.com/article-les-sens-du-mot-l-essence-du-mot-100434996.html

[11] Les premiers pictogrammes représentant le , figuraient un homme en prière, les bras levés vers le ciel en signe d'adoration ou de joie. On peut donc supposer que le rôle profond du , soit d'exprimer un cri de joie rituel, poussé vers tout ce qui dépasse et terrifie les créatures. Ceci expliquerait que le en tant que cri spontané, n'ait pas d'étymologie précise (voir : http://www.alephbeth.net).

[12] Melki veut dire Roi, sedek Sage.

[13] Dans ce sens lire http://www.alephbeth.net qui est notre référence pour ce passage.

[14] Voir notre étude sur « l’extension du domaine du réel »

[15] La vision illuminative pourrait se rapporter à la conscience éclairée originelle, le sens est alors une dérivée contingente de l’essence. L’acclamation célèbrerait cette essence, prémices au langage et à la nomination des choses et des êtres.

[16] Voir dans ce sens les rituels suivant les rites, du Maître Parfait Écossais (Éditions du Maçon) et du Maître Secret, etc.

[17] Le célèbre psaume 137 n’évoque-t-il pas la nostalgie des exilés (qui sont des « excentrés ») pour leur patrie perdue et ainsi leur appartenance à un centre spirituel ? « Comment chanterions-nous l’hymne de l’Éternel en terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite me refuse son service, que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens toujours de toi, si je ne place Jérusalem au-dessus de toutes mes joies ! », répondent les captifs à leurs geôliers babyloniens qui leur demandent de jouer sur leurs harpes des chants d’Israël. La paralysie de la langue et du bras droit signifiant la perte de la raison d’être, de la parole et de l’agir, soit une perte de « l’Orient ».

[18] « Jacques le Second par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre, d'Écosse, de France et d'Irlande, défenseur de la Foi ». Tels sont ses titres, sachant que depuis Charles III les souverains Anglais revendiquent le trône de France. Celle-ci resta symbolique. Du reste on notera que cette revendication est plus mythique comme la légende des 4 royaumes irlandais dont le cinquième n’existait que par période. Ce cinquième royaume tiré de la légende était au centre des centres, le milieu rayonnant des quatre autres. Les souverains Écossais devaient se faire couronner sur la pierre de Scone dont la légende dit qu’elle venait d’Irlande.

[19] Voir sur la prononciation le mot schibboleth dans le Livre des Juges 12:4-6. Les Giléadites utilisent ce terme pour distinguer leurs ennemis Éphraïmites parmi les fuyards. Les Éphraïmites se trompant sur la façon de prononcer la lettre sin’, ils trahissaient leur non-appartenance au clan.

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17 décembre 2016 6 17 /12 /décembre /2016 17:47

L’acclamation écossaise : Le souffle clanique et l’essence en partage

Bien des auteurs maçonniques ont écrit sur la signification de l’acclamation écossaise et ses différentes variantes. Leur démarche était de rechercher un sens lié à l’origine étymologique du mot. Nous constatons que ce mot est décliné en différentes écritures et prononciations dont personne ne peut garantir la conformité originelle. L’acclamation dite écossaise a de nombreuses variantes tant dans l’écriture que la prononciation.. Initialement rien ne garantissait la stabilité de la prononciation au sein du même rite, d’autant que le rituel était une notion non stable et orale. Notons que le rituel écrit de 1751 de la mère loge écossaise de Marseille adopta la rédaction « Huzzé »[1] ce qui ne garantit pas la prononciation d'origine. Ainsi on retrouve dans un « Lexique ou dictionnaire portatif des mots François » de 1750 la définition suivante : « UZZA ou HUZZA, adv, cri des Anglois qui répond au Vive le Roi des François. C’est un témoignage d’affection et d’applaudissement » .

Nous verrons que la figure centrale et axiale du Roi à une certaine importance dans l’acclamation, que le mot lui-même est l’expression d’un souffle vital originel et que la gestuelle associée vient confirmer le caractère ontologique et structurant de cette expression.

PREMIERE PARTIE :

I / Aperçu général

La transmission orale serait historiquement antérieure à l’écriture. La transcription d’un mot ou d’un son ou d’une onomatopée reste aléatoire et sujette à erreurs multiples.

L’expression traditionnelle ancienne est à l’évidence une expression typique avec son accent spécifique, appartenant à la tradition orale d'un terroir donné. Nous sommes alors face à une triple distorsion :

  • celle de la transcription écrite d’un son initial,
  • celle de la lecture et la prononciation de cette transcription conforme à l’originale,
  • et enfin celle de la connaissance spécifique de l’accent primitif originel, celui de la tradition orale du terroir considéré.

Nous sommes ici confrontés au syndrome de la « parole perdue[2] », recomposée puis redécouverte éternellement… Il faut donc en revenir à l’intention que porte cette acclamation depuis toujours.

a/ L’impression phonétique « in illo tempore »

Cette expression doit être mise en rapport avec l’apparition du Verbe et la verbalisation chez l’homme. .

Notre recherche englobera à la fois l’expression et la geste associée, ce qui nous fera dépasser une simple recherche étymologique qui est trop limitée. De plus il convient de rappeler au spécialistes du langage que la franc-maçonnerie inclut dans sa démarche initiatique un accès aux « Mystères » et qu’à ce titre le réel de l’initié est toujours plus large et plus profond qu’une simple apparence. De notre point de vue, la franc-maçonnerie développe au-delà des sens multiples donnés aux mots et aux signes, l’accès à l’essence de ceux-ci par des techniques de représentation mentale. Plus que l’étymologie, c’est donc la mise en scène du mot qui orientera le sens du mot vers son essence originelle.

Le hou serait un « o » soufflé de l’intérieur de soi et le « zzé » ou « zza » serait une finale de l’onomatopée comme une virgule, une inflexion finale, une graine plantée. Il nous est dit dans notre transmission qu’il s’agirait un souffle imitant « le souffle vital » des origines. Évidemment l’analyse qui suit n’a pas la prétention d’être un travail de linguiste, il s’agit de relater ici une impression phonétique associée à une transmission.

Ce souffle serait à rapprocher de l’«AUM » bouddhiste : une onomatopée pourvue d’essence et dénuée de sens concret. Il s’agirait dans les deux cas (écossais et bouddhiste) d’un mantra répétitif qui met l’homme au centre du tout et/ou dans la proximité de l’origine des temps. Le Houzzé dans son expulsion de l’intérieur de soi fait rapport au souffle premier insufflé dans l’homme et commun à tous les membres du clan réunis autour d’un centre traditionnel. Sur un plan plus large, il est fait référence à l’acte de création soit la fameuse parole, le logos rayonnant et vital des origines. Le « Houzza(é) serait donc une onomatopée, une imitation de la naissance du langage chez l’homme mythiquement exprimé avec l’arrivée du souffle en l’homme. Nous verrons que cette idée se renforce par la gestuelle dynamique et concentrique.

L’acclamation relaterait ainsi le souffle qui est en tout homme.

 

b/ L’origine du Verbe

« in principio erat verbum ». Selon la tradition, et par la descente du Verbe en verbe, la verbalisation première de l’homme aurait un rapport direct avec le Principe et son dérivé spirituel, le divin.

On remarque l’association de la triple acclamation à l’ouverture et à la fermeture des travaux en loge pour mieux marquer l’arrivée de la lumière en loge et en l’homme. Ce qui est acclamé c’est aussi l’arrivée de la lumière en loge et au milieu des hommes. La lumière illuminatrice ayant une dimension essentielle, alors l’acclamation qui se rattache à cette lumière reflète aussi une dimension essentielle.

Il est acquis que le travail en loge se situe hors du temps et dans un lieu sacré, celui de l’origine des temps où la lumière surgit des ténèbres. Nous sommes dans l’avènement du Verbe et du Logos qui ordonne. L’acclamation ne ferait que marquer cette présence initiale du verbe comme la naissance au plan humain d’un langage premier dans la proximité du divin.

L’humanisation serait liée à la communication verbale et non verbale sur un registre autre que les sens contingents. Le geste et la parole échangée fut-elle rudimentaire, de type onomatopée, signifient ensemble la reconnaissance de l’homme par l’homme et donc par voie de conséquence son appartenance a une communauté de vie et d’expériences initiatiques qui le distingue de l’animal. L’homme identifié au groupe entre dans son humanité en même temps qu’il découvre la transcendance et que l’idée divine s’élabore autour du foyer central. La Parole commune, identitaire est donc née autour du foyer qui scelle la destinée tribale. Cette parole en partage ne se limite pas au sens immédiat et utile, elle porterait en elle cet étonnement face à l’immensité de la voûte étoilée, son attirance pour le feu. La parole porte les noms et les nombres, la survie du groupe, mais aussi la légende de l’origine.

Le verbe en partage se ritualise s’ordonne et se hiérarchise à la veillée depuis les temps anciens . Autour du foyer central primitif, n’y a pas de verbe sans lumière. Lumière et verbalisation semblent liées dans l'émergence la conscience humaine, donc la parole a toujours une dimension essentielle qui relève du double mystère de la création et de la vie.

L’acclamation par sa nature rituelique « orientée » ne peut se réduire à un sens[3] restreint, car elle porte l’essence de la reconnaissance de l’homme par lui-même, point de départ de l’humanisation. L’acclamation se situerait aux prémices du langage de l’homme, celui des origines de sa conscience naissante, l’essence commune d’un ancien pré-langage. Rituellement conservé et agissant comme un mantra, ce pré-langage de l’origine deviendra para langage d’appartenance au même titre que le tablier ou la gestuelle d’un langage non verbal et initiatique.

c/ « orientation » de l’acclamation.

L’acclamation semble converger vers un centre invisible et pourtant commun à toute l’assemblée présente. Ce centre n’est pas un homme couronné et de droit divin comme au temps des rois, ce n’est donc pas vers cet orient horizontal de la lumière naissante[4] que doit aller l’acclamation, mais vers l’orient essentiel et céleste qui est l’axe reliant la loge au ciel[5]. On l’appelle Orient vertical ou Zénith. Cette convergence se fait au milieu du Hékal qui est le lieu où descend de l’étoile Polaire, le fil à plomb, le milieu du carré long du pavé mosaïque et du tableau de loge. L’origine et la diversité du vocabulaire du maçon en loge est résumée dans les éléments de langage (objets-symboles, instruments et outils) du tableau de loge du grade considéré. Ce tableau mis en commun constitue, en regard de la naissance du verbe, une véritable combinatoire du langage symbolique « éclairé » par trois lumières d’ordre. Cette combinatoire des éléments symboliques ici présents, permettant l’analogie « en partage » puis l’anagogie collective aboutissant à l’essence, qui scelle l’appartenance au groupe. L’acclamation centrée sur le tableau de loge scellerait le langage en essence qui aurait un rapport direct avec cet orient vertical et axial qui nous relie à l’immensité du ciel. Sans le groupe ou la tribu et donc sans la loge "formée" ce langage en essence serait sans fondement.

Il y aurait donc un triple aspect dans l’acclamation 1/ l’origine de la verbalisation, avec l'idée d'essence et de conscience, 2/ communication langagière d’appartenance à une même origine, 3/ la facilitation cognitive liée au geste qui vient renforcer l’essence du « Houzza »en indiquant un point de convergence en partage.

 

 

II/ Approche étymologique, historique et herméneutique.

Il nous semble que l’acclamation rituelle porte en elle une dimension qui dépasse les tentatives de traduction. Le parallèle qui peut être tenté se réfère à la langue hébraïque qui pour chacune des lettres attribue un nombre, un nom, et une image, les trois sens réunis constituant l’essence de la lettre. On nous dit[6] que HUZZA aurait un rapport avec l’élan vital collectivement partagé, car toute acclamation est une manifestation collective du souffle vital.

a/ La puissance de la vie

L’acclamation serait alors l’expression communautaire assortie d’une puissance évocatoire faisant référence à l’élan vital que nous avons en partage[7]. Cette fois ci le double Z de la transcription serait une césure dans le mot avec un suffixe ZE et une racine O’Z à rapprocher de ‘’Oza’’ signifiant ‘’force’’ et ‘’puissance’’, que l’on retrouvera dans la phonétique du mot BOOZ ou BOAZ[8] de la fameuse colonne qui veut dire au REP « persévérance dans le bien » ou « dans la force » et qui vient en réponse à JAKIN « ma force est en Dieu » ou « il établira ». L’idée de force, de puissance, et de persévérance dans le beau et le bien s’associent au plan humain et clanique comme l’élan vital en partage. Cet élan vital proviendrait du souffle divin.

b/ Le Sauveur

Alors cette acclamation serait un cri de l’âme individuelle propre à chacun, mais c'est aussi une croyance commune en la parole annonciatrice du « sauveur », fut-il Roi ou Roi en devenir. Ce Roi de la définition de 1750[9], incarne la dévolution divine de « l’élan vital » qui persiste dans la communauté des hommes quelque soit la fin individuelle et corporelle à venir. C’est ainsi que, partant au combat avant de rentrer dans la mêlée, les clans écossais invoquaient et appelaient leurs glorieux ancêtres à se joindre à eux dans la bataille. L’élan vital par ce cri de l’âme en partage, se faisant avec ceux qui étaient présents physiquement et les morts toujours présents « en esprit »[10].

On le retrouve exprimé en amont comme un cri d’appartenance, de liesse commune en ce jour des rameaux[11], lorsque Jésus pénètre en Jérusalem. C’est le Hochée dédoublé en Hosanna[12] qui incarne l’élan vital victorieux du « sauveur » ou du « messie ». Le Tuileur Delaunay de 1813 transforme le Uzza en Hochéa qui veut dire « Sauveur ».

c/ Le Roi

Dans le même sens, cet élan vital est signe d’appartenance commune à une même source : nous avons l’interprétation bien connue d’Albert Lantoine souvent cité par Robert Ambelain pour qui l’acclamation HUZZA par trois fois signifiait pour les Anglais « Vive le Roi » confirmant nos recherches dans le lexique de 1750 cité en introduction. Notons que le Roi est le sommet hiérarchique territorial humain, impliquant l’appartenance de ses "sujets" à un territoire. Sa couronne et son pouvoir sont de droit divin. L’acclamation au roi est donc une façon d’identifier l’appartenance de chacun à un groupe légitime et légal dans l’ordonnancement divin, garantissant a chacun sa dévolution vitale et son origine première, son récit commun. L’identification et l’individu n’existaient que reliés a un territoire et a son souverain. L’autonomie individuelle n’était que relative au groupe, à la caste, etc. Le Roi incarne la légende qui fonde « la vitalité » du groupe, l’histoire commune, les couleurs et marques d’appartenance. C’est encore l’aspect vital que nous retrouvons dans la traduction qui est faite dans le Vivat, Vivat Semper Vivat de certains rites et le rite français notamment.

d / La pratique Stuartiste.

Au bout du compte la pratique Stuartiste déclinera cette "appartenance commune" « acclamative » signifiée par l’élan vital du clan, en une "cause commune" de type « exclamatoire », puis une espérance commune de type « incantatoire ». Pour les Stuarts en exil, la polysémie de l’acclamation à pour centre de gravité la restauration du pouvoir légitime du roi sur son trône. Or nous sommes d’accord pour constater que le trône du roi se trouve au centre du palais. Le centre temporel issu d’un centre essentiel règne et gouverne sur l’ensemble des sujets soumis à son rayon (puissance) et qui se reconnaissent dans sa couronne. Un roi en exil a besoin de conforter sa légitimité par l’acclamation, le clan a besoin plus que jamais, de se raffermir avant le combat. Les Stuarts en exil vont entretenir l’esprit de corps propres aux loges régimentaires par l’acclamation. Il est bien connu que l’esprit de corps d’un groupe rejaillit sur l’état d’âme et l’état d’esprit de chacun ; l’acclamation joue un rôle majeur dans la cohésion du groupe. L’acclamation écossaise serait donc une technique ancestrale d’identification au groupe, portant dans une expression un condensé culturel et d'appartenance à un centre symbolique.

Tous les rituels du REP auront durablement une triple lecture ontologique, politique et chevaleresque. La voie initiatique reste l’école de la "connaissance" de soi, des origines, de la mémoire dans un cadre collectif. La Loge organise une représentation du réel et du contingent sur un plan symbolique. C'est cette représentation collective qui fait sens pour atteindre l'essence en partage par le symbole, c'est du moins l'hypothèse que nous voulons évaluer à travers notre approche de l'acclamation.

Nous y reviendrons dans une seconde partie.

(...)

Er.°. Rom.°.

 

[1] Les sept grades de la mère loge écossaise de Marseille, 1751. Ed Abatos-2008, préf Michel Iafelice.

[2] La parole est perdue si elle perd son essence sacrée. Une parole qui perd son essence ne relate plus l’origine de celle-ci, elle n’est que déformation et perte de reliance. La parole devient profane, elle est désacralisée, mais non dénuée de sens.

[3] Il nous semble que le sens qu’on veut bien lui trouver et que nous faisons l’effort de relater ne fait qu’amoindrir sa dimension essentielle, fondatrice et ontologique.

[4] Le midi plein de la conscience éclairée, ce qui indique "le sens" de "l’orientation" sur le plan.

[5] Le minuit plein de l’illumination intérieure qui révèlerait « l’essence » en vertu de l’axe et de l’étoile.

[6] Ceci résulte de nos transmissions.

[7] Cet élan vital en partage, est de même nature que la parcelle de lumière originelle que nous avons en nous.

[8] On remarquera que le O et le OA se confondent à nouveau dans la prononciation suivant les rites et les transcriptions dans les différents rituels. Il y a donc lieu dans ne pas s’arrêter au sens littéral de la transcription, mais de tenter de remonter à la source et de se rappeler qu’aucun mot sacré ou d’appartenance au sein de l’échelle initiatique de la franc-maçonnerie ne s’éloigne d’une dénomination du divin.

[9] Voir notre introduction.

[10] Nous retrouvons cet appel aux présents « en esprit » par l’invocation du nom de ceux qui sont passés à l’O.°. éternel, lors de la chaîne d’union.

[11] Il commémore deux événements : d'une part, l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem où il fut acclamé par une foule agitant des palmes et déposant des manteaux sur son passage, narrée par les quatre Évangiles ; d'autre part, la Passion du Christ et sa mort sur la croix. La foule en l’acclamant le reconnaissait comme « messie ».

[12] On remarque à nouveau la confusion potentielle du O et du A.

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25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 23:03

« La Crise du Monde Moderne » de René GUENON, notes de lectures

(Il s’agit ici de notes prises au cours de la lecture de "La Crise du Monde Moderne" de René Guénon. Ces notes peuvent aider à comprendre le sens général de l’œuvre mais n’ont pas pour but de résumer le livre ni de l’interpréter. Il s'agit d'en éclairer le sens, laissant à chacun ses impressions et commentaires.

La numérotation de pages correspond à l’édition parue chez Folio-essais 1994)

NOTES SUR L'AUTEUR

Né à Blois en novembre 1886.

1904 : Il s'installe à Paris pour préparer les concours aux grandes école (math. Spé.).

En parallèle, il s'intéresse aux mouvements occultistes.

1912 : Il se marie.

Il est reçu la même année en maçonnerie à la GLF puis, en islam, initié au soufisme et prend le nom d'Abdel Wahid Yahia « le serviteur de l'Unique ».

1916 : Diplôme d'études supérieures de philosophie consacré à Leibnitz et au calcul infinitésimal.

Fréquente Jacques Maritain et les milieux thomistes*.

* Thomiste ou adepte du thomisme qui est la doctrine de St Thomas d'Aquin :

Contrairement à l'idéalisme, le thomisme part de l'existence et non de l'essence.

La perception extérieure n'est pas considérée comme une construction de la conscience, mais comme l'appréhension d'une réalité atteignant Dieu non par son idée, mais à titre de cause de cette réalité.

(Dictionnaire de la Philosophie de Foulquié et Saint Jean)

Voue sa vie à la quête de la Connaissance ou Somme Métaphysique Traditionnelle.

Nombreuses publications consacrées à la Science cachée.

1925 écrit dans la revue « Le Voile d'Isis » qui devient « Études traditionnelles ».

1928 décès de sa femme. Il quitte Paris pour s'installer en terre d'islam.

1930 vit au Caire puis épouse en 1934 la fille d'un cheikh.

1951 (07 janv.) il décède.

L'oeuvre de René GUENON

Il a écrit 26 ouvrages et 350 articles réunis en 10 volumes.

Toute son œuvre critique la modernité, vise la restauration de la … civilisation traditionnelle :

« Une civilisation qui repose sur des principes au vrai sens du mot, où l'ordre intellectuel domine tous les autres... »

Il n'a de cesse de proclamer le déclin de l'Occident… depuis la Renaissance, l'oubli de la ...

Tradition (du latin traditio, action de transmettre, orale ou écrite de génération en génération)

– noyau originaire de toutes les métaphysiques, mythologies, religions de toutes les civilisations -

A la fin du cycle où nous nous trouvons (Age le plus sombre de l'Age de Fer, selon l'hindouisme), l'avenir passera par le relèvement de la Tradition nourri de l'art spirituel du sacerdoce et de la scolastique** thomiste de l’Église Catholique – organisation authentiquement traditionnelle - , de l'art royal de la maçonnerie – dépositaire de l'héritage médiéval - , de la rencontre des spiritualités d'Orient et d'Occident.

** Scolastique : Enseignement philosophico-religieux au Moyen-Age qui, à partir de St Thomas d'Aquin (1227-1274), emprunte les principes de la philosophie d'Aristote. (Dict. Philo. Cf. Ecole)

René Guenon demeure le grand inspirateur en France et à l'étranger, des penseurs de la Tradition.

NOTES de lecture:

AVANT-PROPOS

(p 16) Le terme de CRISE :

Crise : outre le sens donné habituellement, est aussi synonyme de jugement, discrimination.

(le terme vient du grec krisis, décision)

R.G. (René Guénon) entend toujours restituer aux mots la plénitude de leur sens, leur valeur originelle au travers de l'étymologie.

(p 18) Certains contemporains sentent confusément la fin imminente de quelque chose dont ils ne peuvent définir exactement la nature et la portée…

Cette fin n'est sans doute pas la « fin du monde », au sens total…, mais elle est tout au moins la fin d'un monde.

(p 18) Il semble que nous approchions réellement de la fin d'une époque ou d'un cycle historique qui peut être en correspondance avec un cycle cosmique, suivant ce qu'enseignent toutes les doctrines traditionnelles.

(p 20) Bien des indices permettent de dire que nous nous trouvons dans un « âge sombre » dont il s'agit de préparer la sortie, puisque bien des indices permettent d'entrevoir la fin imminente de cet « âge sombre ».

CHAPITRE PREMIER

L'AGE SOMBRE

(p 21) La doctrine hindoue enseigne que la durée d'un cycle humain, ou Manvantara, se divise en quatre âges qui marquent autant de phases d'un obscurcissement graduel de la spiritualité primordiale.

Ce sont ces mêmes périodes que les traditions de l'antiquité occidentale désignaient comme les âges d'or, d'argent, d'airain et de fer. Nous somme actuellement dans le 4ème âge, le Kali-Yuga ou « âge sombre », et, nous y serions depuis plus de 6000 ans.

Les vérités qui étaient autrefois accessibles à tous les hommes, sont devenues de plus en plus cachées et difficiles à atteindre. Si le trésor de la sagesse « non-humaine », antérieur à tous les âges, ne peut jamais se perdre, il s'enveloppe de voiles de plus en plus impénétrables…

(p 25) A l'intérieur de chaque grande période, ou dans chaque âge, on peut distinguer différentes phases secondaires. Ces subdivisions reproduisent sur une échelle plus réduite, la marche générale du cycle dans lequel elles s'intègrent….

R.G. mentionne enfin les dernières époques particulièrement critiques qu'a traversées l'humanité, période dite « historique », la seule accessible à l'histoire ordinaire ou « profane ». La dernière de ces époques critiques constitue ce qu'on nomme les temps modernes.

(p 25 - 26) La période « historique » remonte exactement au VI ème siècle av. J.C., comme s'il y avait dans le temps, une barrière qu'il n'est pas possible de franchir pour les chercheurs ordinaires.

A partir de cette date, on possède une chronologie bien établie, mais, pour ce qui est antérieur, on a en général seulement de vagues approximations, les dates proposées pour les mêmes événements varient souvent de plusieurs siècles, même pour des pays comme l'Egypte, et, même la Chine qui possède des annales datées (par des observations astronomiques) pour des époques bien plus éloignées… qui, néanmoins, restent qualifiées de « légendaires » par les modernes.

A vrai dire, l'antiquité « classique » n'est que toute relative, voire beaucoup plus proche des temps modernes que de la véritable antiquité, puisque elle ne remonte même pas à la moitié du Kali-Yuga, dont la durée, suivant la doctrine hindoue, n'est que la 10ème partie de celle du Manvantara.

(p 26 - 27) On peut donc juger de l'étendue des connaissances historiques des modernes qui considèrent ces périodes comme « légendaires ». Les modernes n'en tiennent pas compte… Aveu d'ignorance ? Incompréhension et dédain de la tradition ? Nous verrons que l'esprit spécifiquement moderne n'est rien d'autre que l'esprit antitraditionnel.

(p 27 - 30) Au VI ème siècle av. J.C., se produisirent des changements considérables chez presque tous les peuples.

En Chine, la doctrine primitivement constituée en un ensemble unique, fut divisée en deux parties distinctes :

- Le Taoïsme réservé à une élite et comprenant la métaphysique pure et les sciences traditionnelles d'ordre spéculatif.

- Le Confucianisme, commun à tous sans distinction, et, ayant pour domaine les applications pratiques et principalement sociales.

Les Perses ont eu une réadaptation du Mazdéisme, car cette époque fut celle du dernier Zoroastre*

* Zoroastre : Désigne non pas une personne, mais une fonction à la fois prophétique et législatrice. Cette fonction a pu avoir un caractère collectif comme celle de Vyâsa en Inde, de même en Egypte, ce qui fut attribué à Thot ou Hermès représente l'oeuvre de toute la caste sacerdotale.

Dans l'Inde, on vit naître le Bouddhisme qui devait aboutir dans certaines de ses branches à une révolte contre l'esprit traditionnel. En Inde, aucun monument ne remonte au-delà de cette époque, car les constructions antérieures étaient en bois et ont disparu (c'est pour la même raison qu'on ne retrouve aucun vestige des cités gauloises…). Un tel changement dans le mode de construction correspond nécessairement à une modification profonde des conditions générales d'existence du peuple chez qui il s'est produit.

Chez les Juifs, ce fut l'époque de la captivité de Babylone et, 70 ans furent suffisants pour leur faire perdre jusqu'à leur écriture, puisqu'ils durent ensuite reconstituer les Livres sacrés avec d'autres caractères.

Pour Rome, ce fut le commencement de la période « historique », succédant à l'époque « légendaire » des rois…

Les peuples celtiques virent aussi d'importants changements….

Pour la Grèce, ce fut le départ de la civilisation dite « classique », seule reconnue comme « historique » par les modernes. Il y a quelques raisons de penser (découvertes archéologiques,…) que la civilisation hellénique qui a précédé fut beaucoup plus intéressante intellectuellement.

Mais il a eu (contrairement au passage de l'Europe du Moyen Age à l'Europe moderne) au moins une réadaptation partielle effectuée dans l'ordre traditionnel, principalement dans le domaine des « mystères ». Il faut y rattacher le Pythagorisme, qui fut une nouvelle forme d'Orphisme avec des liens avec le culte delphique de Apollon hyperboréen, ce qui permet d'envisager une filiation régulière avec l'une des plus anciennes traditions de l'humanité.

(p 31) On prétend que Pythagore employa le premier le mot « philosophie ».

Étymologiquement, il ne signifie rien d'autre que « amour de la sagesse », soit, tout d'abord, une disposition préalable requise pour parvenir à la sagesse, puis, par extension naturelle, la recherche qui, naissant de cette disposition, doit conduire à la sagesse.

Ce n'est donc qu'un stade préliminaire, donc inférieur à la sagesse (Cf. aussi dans la doctrine taoïste l'état de l' « homme doué » et celui de l' « homme transcendant »).

Une déviation s'est produite, et, on a pris le degré transitoire pour le but même, substituant la « philosophie » à la sagesse.

Ainsi prit naissance la philosophie « profane », prétendue sagesse, purement humaine, donc simplement d'ordre rationnel. Cette « philosophie... » a pris la place de la sagesse traditionnelle, supra-rationnelle et « non-humaine ».

Néanmoins, à travers toute l'antiquité, l'enseignement des philosophes avait souvent un côté « exotérique » et un côté « ésotérique » (nous verrons les définitions plus loin), ce dernier permettant un rattachement à un point de vue supérieur.

Pour que la philosphie « profane » soit définitivement constituée, il a fallu que l' « exotérisme » seul demeure, en allant jusqu'à la négation de l' « ésotérisme », ce qu'ont fait les modernes en donnant une importance excessive à la pensée rationnelle, pour arriver jusqu'au « rationalisme ».

(p 33) L'Occident a connu une autre époque critique qui a été un redressement…

On fait parfois un parallèle entre la décadence du monde actuel et la décadence antique où la philosophie « profane » (scepticisme, « moralismes » stoïcien et épicurisme,…), les superstitions, etc... remplacent l'esprit traditionnel.

La civilisation gréco-latine prenait fin, et après la période troublée des invasions barbares, un ordre normal fut restauré par le Christianisme, pour quelques siècles, au moyen-âge.

(p 33 - 34) Le vrai moyen-âge, pour nous, s'étend du règne de Charlemagne (742 à 814) au début du XIV ème siècle, date où commence une nouvelle décadence qui ira jusqu'à nous.

Ainsi, il faut faire remonter l'époque moderne près de deux siècles plus tôt qu'on ne le fait d'ordinaire. La Renaissance (XV ème et XVI ème siècle) et la Réforme n'ont été possibles que par la décadence préalable ; loin d'être un redressement, elles consommèrent la rupture définitive avec l'esprit traditionnel, l'une dans le domaine des sciences et des arts, l'autre dans le domaine religieux !

(p 36) Désormais, il n'y a plus que la philosophie et la science « profanes », négation de la véritable intellectualité et limitation de la connaissance à l'ordre le plus inférieur, c'est à dire :

- étude empirique et analytique de faits qui ne se rattachent à aucun principe,

- dispersion dans une multitude indéfinie de détails,

- accumulation d'hypothèses sans fondement qui se détruisent incessamment les unes les autres,

- vues fragmentaires qui ne conduisent à rien, sauf à des applications pratiques, seule supériorité effective de la civilisation moderne.

Cette supériorité, en se développant, a étouffé toute autre préoccupation et a donné à la civilisation moderne le caractère purement matériel qui en fait une monstruosité.

(p 36 – 37) R.G. note comme « extraordinaire » la vitesse à laquelle la civilisation du moyen âge tomba dans l'oubli, au point que les hommes du XVII ème siècle n'en avaient plus aucune notion !

R.G. s'interroge sur les facteurs de ce changement si radical et sur une « volonté directrice » de « nature... assez énigmatique ».

Pourquoi, à un moment donné, présenter comme nouvelles des choses qui étaient connues depuis longtemps ? Par exemple, la prétendue invention de l'imprimerie que les Chinois connaissaient antérieurement à l'ère chrétienne, ou encore la découverte « officielle » de l'Amérique, avec laquelle des communications suivies avaient existé durant tout le moyen âge.

La légende qui fit du moyen âge une époque de « ténèbres », d'ignorance et de barbarie ne s'est pas accréditée d'elle-même. La falsification de l'histoire à laquelle les modernes se sont livrés n'a pas été faite sans idée préconçue...

(p 37 - 38) Un mot fut mis en honneur à la Renaissance : « L'Humanisme ».

Il s'agissait de tout réduire à des proportions humaines, de faire abstraction de tout principe d'ordre supérieur…. Se détourner du ciel… pour conquérir la terre.

En voulant tout ramener à la mesure de l'homme, pris pour une fin en lui-même, on a fini par descendre peu à peu au niveau de ce qu'il y a en celui-ci de plus inférieur.

Les doctrines traditionnelles indiquent que nous serions entrés dans la phase finale du Kali-Yuga, dans cet état de dissolution dont il n'est possible de sortir que par un cataclysme* , car ce n'est plus un redressement qui semble nécessaire, mais une rénovation totale.

* Cataclysme : Du grec kataklusmos, inondation... on pense bien sûr au Déluge.

(p 39) Le désordre et la confusion règnent dans tous les domaines.

On peut constater partout cette déchéance profonde que l'Evangile appelle « l'abomination de la désolation ».

Mais, la fin de l'ancien monde sera aussi le commencement d'un monde nouveau…

(p 40) Cependant, ce qui est anormal et désordonné à un certain point de vue, ne serait que la conséquence d'une loi se rapportant à un point de vue supérieur ou plus étendu…

(p 41) L'ultime phase du cycle serait l' « exploitation » de tout ce qui a été négligé au cours des phases précédentes. On constate en effet que, finalement, la civilisation moderne ne vit que de ce dont les civilisations antérieures n'ont pas voulu.

(p 42) La civilisation moderne, comme toute chose, a forcément sa raison d'être… Si elle est vraiment celle qui termine un cycle, on peut dire qu'elle est ce qu'elle doit être, qu'elle vient en son temps et en son lieu, … Selon la parole évangélique : « Il faut qu'il y ait du scandale ; mais malheur à celui par qui le scandale arrive ! »

CHAPITRE II

L'OPPOSITION DE L'ORIENT ET DE L'OCCIDENT

(p 43 - 44) Les civilisations que R.G. appelle normales ou traditionnelles, ne présentent entr'elles que des divergences superficielles et extérieures.

La civilisation occidentale devenue antitraditionnelle est en revanche en opposition fondamentale avec celle de l'Orient.

(p 45) Quand on s'en tient aux grandes lignes, l'Orient est resté traditionnel essentiellement par la civilisation chinoise, le Moyen Orient par la civilisation hindoue, le Proche Orient par la civilisation islamique.

(p 46) Aujourd'hui R.G. entend parler d' « esprit moderne » quand nous parlons d' « esprit occidental ». L'autre esprit s'étant maintenu en orient reste appelé par R.G. l' « esprit oriental ».

(p 47 - 48) A des époques communément dites « préhistoriques », la tradition primordiale est venue des régions hyperboréennes qui a été suivie de plusieurs courants.

Un de ces courants alla incontestablement de l'Occident vers l'Orient et a laissé des vestiges qui sont encore discernables. Dans l'état actuel des choses, le véritable esprit traditionnel et tout ce qu'il implique, n'a plus de représentants authentiques qu'en Orient… Car malheureusement, le « traditionalisme » occidental n'est pas la même chose que l' « esprit traditionnel ».

(p 49) Voyons le courant traditionnel venu des régions occidentales.

Les récits anciens évoquent l'Atlantide et sa disparition dans un des derniers grands cataclysmes. Des restes de sa tradition auraient été très probablement transportés dans diverses régions et se seraient mélés à d'autres traditions, principalement à d'autres courants de la grande tradition hyperboréenne. Un des produits de cette fusion pourrait fort bien être les doctrines des Celtes.

(p 51 - 52) Les éléments celtiques subsistants ont été pour la plupart, au moyen âge, assimilés par le christianisme (par exemple la légende du « Saint Graal »…). C'est pourquoi, en Occident, les restes de l'esprit traditionnel survivent dans le Catholicisme….

Rappelons ici que l'idéal catholique, au sens premier du terme se réfère au tout, à l'universel (du grec kata, selon et olos le tout, l'entier).

Si le christianisme à notre époque n'est plus guère compris dans son sens profond, R.G. répond qu'il a du moins gardé, dans sa forme même, tout ce qui est nécessaire pour fournir la base à une restauration de l'esprit traditionnel.

(p 53) En Occident, afin de revenir vers la tradition, seule une élite (Élite = ce qu'il y a de meilleur, ici intellectuellement) pourrait faire un travail d'adaptation sur les traditions orientales qu'elle peut assurément assimiler. Si une élite occidentale arrive à se former, la vraie connaissance des doctrines orientale lui sera indispensable pour remplir sa fonction.

(p 55 - 56) Dans la société occidentale et dans la confusion qui la caractérise, le mot « tradition » est appliqué à toutes sortes de choses, comme de simples coutumes, parfois même récentes. On retrouve aussi cet abus pour le terme de « religion »… et il n'est même pas sûr que les « traditionalistes » occidentaux sachent, même imparfaitement, ce qu'est la tradition au vrai sens du mot.

En aucun cas, le nom de tradition ne peut être donné à tout ce qui est d'ordre purement humain, à l'exemple de la « philosophie traditionnelle »… Une philosophie n'a aucun droit à ce titre parce qu'elle se tient tout entière dans l'ordre rationnel, même si elle ne nie pas ce qui la dépasse. La philosophie n'est qu'une construction édifiée par des individus humains, sans révélation ou inspiration d'aucune sorte, en un mot, elle est essentiellement « profane ».

Si on veut restaurer la tradition perdue, la revivifier, le contact avec l'esprit traditionnel vivant est nécessaire… il n'existe plus qu'en Orient.

(p 58) La connaissance des principes est la connaissance par excellence, la connaissance métaphysique au vrai sens du mot… La métaphysique* est la connaissance des causes premières et des premiers principes. Elle est donc dégagée des contingences individuelles qui, au contraire interviennent dès qu'on en vient aux applications. Il s'agit bien de partir de ce qu'il y a de plus élevé, c'est à dire des principes, pour descendre graduellement aux divers ordres d'applications**, en observant rigoureusement la dépendance hiérarchique qui existe entre eux… Ceci ne peut être réalisé que par une élite intellectuelle.

* Métaphysique ( Cf. Dict. de la Langue Philosophique de Foulquié et Saint Jean)

- Vient du grec « ta meta ta phusika… » sous entendu biblia, livres, soit les livres venant après les livres de physique. C'est le titre donné, d'après la place qu'ils occupaient dans la collection des œuvres d'Aristote (collection due à Andronicos de Rhodes au 1er siècle av. J.C.), aux quatorze livres constituant l'ouvrage que nous appelons Métaphysique. Ce mot a remplacé le terme aristotélicien de « philosophie première ».

- Devenu préfixe, « meta » a pris le sens de « au-delà » ou « au-dessus »

- Marque l'opposition à empirique, expérimental, positif : qui dépasse le domaine de l'expérience (des phénomènes), qui se situe au-delà. L'intuition ou expérience métaphysique atteint, au-delà du phénomène, le noumène, la chose en soi.

** Note du rédacteur : Cf. Par exemple le Deuteronome de l'Ancien Testament ?

(p 60) L'opposition de l'Orient et de l'Occident réside aussi dans le fait que le véritable Orient ne songe ni à attaquer ni à dominer qui que ce soit. Le véritable Orient ne demande rien de plus que son indépendance et sa tranquillité. Quant à l'Occident, il a en réalité besoin d'être défendu, mais, uniquement contre lui-même.

CHAPITRE III

CONNAISSANCE* ET ACTION

* Connaissance (Diction. de la Philosophoe de Foulquié et Saint Jean)

Le fait de connaître, d'être d'une certaine manière autre chose que ce qu'on est ; c'est devenir autre chose que soi

(J. Maritain).

Connaître, c'est exister en même temps. Ainsi, tout ce qui naît, esprit ou corps, co-naît selon son mode.

(p 63) R.G. évoque l'opposition entre l'esprit oriental et l'esprit occidental.

Cette opposition apparaît comme celle de la contemplation* et de l'action.

* Contemplation (Diction. de la Langue Philosophique de Foulquié et Saint Jean)

Dérive du latin cum, avec, et de templum, le temple.

Dans le domaine de la spiritualité, méditation dans laquelle l'âme est unie à Dieu par une vue de l'intelligence et une adhésion de la volonté toutes simples, avec exclusion de toute pensée discursive ou de toute multiplicité de représentations ou d'affections.

(p 64 - 65) Si la contemplation ou l'action peuvent dominer l'une sur l'autre… ce n'est que dans une apparente opposition, car elles se complètent en constituant la double activité intérieure et extérieure de l'Homme (individuel ou collectif).

(p 66 - 67) La contemplation est une attitude plus développée chez les Orientaux…

R.G. part du fait que la puissance spirituelle n'est pas basée sur le nombre, dont la loi est celle de la matière ; il affirme qu'en Occident, une élite intellectuelle constituée et reconnue, même restreinte, suffirait pour que tout rentre dans l'ordre.

(p 68 – 69) Sans imposer des conceptions étrangères, l'Orient pourrait aider l'Occident à retrouver sa propre tradition.

Pour les doctrines orientales, comme pour les anciennes doctrines occidentales, la contemplation est supérieure à l'action, … Car le principe de l'action se trouve lui-même dans la contemplation, synonyme de connaissance.

(p 70 – 71) Contrairement à l'agitation et au changement qui caractérisent le monde moderne dans son « action », R.G. est pour un changement intelligible, seulement si on part du principe dont il procède… Ce principe étant lui-même immuable (Cf… Aristote et le « moteur immuable »).

Pour ne pas se perdre dans l'action ou le changement qui enferment l'homme et le diluent dans une agitation stérile, un principe supérieur est nécessaire, une connaissance principielle ou métaphysique, immuable, car elle est essentiellement identification avec son objet…

(p 71 – 72) L'homme s'enfonce dans la multiplicité et la division de la matière au lieu de s'élever vers une spiritualité, vers des principes universels, vers l'unité, … vers Dieu. Au point que le mouvement et le changement sont recherchés pour eux-mêmes, … sans but en vue !

Dans l'ordre scientifique, c'est la recherche pour la recherche, plus que pour des résultats … qui demeurent partiels et fragmentaires.

(p 73) Le monde qui est en pur devenir, semble en exacte correspondance avec l'état d'esprit des hommes dont la réalité est ce même devenir… d'où la négation de l'immuable dont font partie les principes universels.

(p 75) Ne rien admettre d'autre que le « devenir » est une conception « naturaliste » qui nie le domaine métaphysique, c'est à dire, au-delà de la nature.

(p 76 – 77) R.G. fait remarquer que l'accès à la métaphysique qu'il appelle « intuition intellectuelle » est supra-rationnel. L' « intuition intellectuelle » est différente de l'intuition des philosophes contemporains, d'ordre sensible, ou infra-rationnel.

L'antiquité et le moyen âge ne vivaient pas dans dans le rationalisme jusqu'à Descartes où apparaît l' « individualisme », négation de toute faculté d'ordre supra-individuel.

Nier l'intuition intellectuelle est l'obstacle à la tradition ou à la rencontre avec les authentiques représentants des civilisations orientales.

CHAPITRE IV

SCIENCE SACREE ET SCIENCE PROFANE

(p 79) Nous venons de dire que, dans les civilisations « traditionnelles », l'intuition intellectuelle est au principe de tout, c'est à dire, que la pure doctrine métaphysique constitue l'essentiel auquel tout se rattache… institutions sociales, sciences…

(p 80) Les sciences traditionnelles sont incompatibles avec les sciences modernes.

La science principielle fait l'objet d'adaptations au domaine contingent. La doctrine métaphysique qui en est le principe a seulement une expression modifiée (traduction).

(p 81) Une science n'est pas seulement définie par son objet, mais aussi par le point de vue sous lequel l'objet est envisagé. Cette définition permet de percevoir des différences considérables entre sciences traditionnelles et sciences modernes.

(p 82) Par exemple, le terme de « physique » signifie « science de la nature » (Cf. étymologie), ou science qui concerne les lois les plus générales du « devenir » (« nature » et « devenir » sont synonymes). Les modernes ont employé le mot « physique » pour désigner exclusivement une science particulière parmi les autres, qui, toutes sont également des sciences de la nature.

(p 83) L'analyse rationnelle a poussé à la « spécialisation » en créant des sciences, conception qui rend impossible une unification, un rattachement à un principe supérieur.

(p 84 - 85) Dans la conception traditionnelle, les sciences sont rattachées aux principes comme autant d'applications particulières. La conception moderne rend les sciences indépendantes en niant tout ce qui les dépasse (positivisme, agnosticisme). La séparation des sciences de tout principe supérieur entraîne une dispersion dans le détail, faussement considérée comme un approfondissement.

(p 86) Du fait du rattachement à aucun principe, la science moderne manque de profondeur et de solidité ; elle ne part d'aucune certitude absolue, mais seulement d’hypothèses probables ou d'approximations.

(p 87) Les sciences traditionnelles se présentent comme des conséquences indubitables des vérités connues intuitivement, donc infailliblement dans l'ordre métaphysique.

(p 88) Toute l'activité humaine moderne est absorbée par l' « expérimentalisme »*, ce qui est « illégitime » car sans attachement à un principe supérieur et des valeurs spéculatives.

Ce qui est illégitime, c'est que ces choses absorbent toute l'activité humaine, ainsi que nous le constatons.

*« expérimentalisme » : Pour R.G. c'est le développement abusif des sciences expérimentales, sciences du monde sensible et de la matière, sciences des applications pratiques immédiates, au point de négliger les connaissances d'ordre supérieur.

(p 89) Les sciences modernes représentent en fait des « résidus » de sciences anciennes aujourd'hui incomprises à l'exemple de...

- l'Astrologie et de l'Astronomie.

(p 90) Autrefois, et depuis les Grecs, ces deux mots désignaient une science unique. Aujourd'hui, on ne sait plus ce que pouvait être l'Astrologie ancienne, parce que le côté le plus matériel, soit l'Astronomie, s'est développé.

- l'Alchimie et la Chimie

(p 91) L'alchimie est essentiellement une science cosmologique applicable à l'ordre humain suivant l'analogie du macrocosme et du microcosme… dans l'idée d'une transposition dans le domaine spirituel… ses enseignements avaient une valeur symbolique et une signification supérieure… une des sciences traditionnelles les plus complète. La chimie n'est qu'une « déviation » au sens rigoureux du terme, de l'alchimie.

(p 92) La Psychologie, aujourd'hui, est l'étude des phénomènes mentaux comme tels, produit naturel de l'empirisme anglo-saxon et de l'esprit du XVIIIe siècle… un produit si négligeable dont les anciens n'auraient jamais pensé faire une science. Dans la tradition, tout ce qu'il peut y avoir de valable dans la « psychologie » a été transformé et assimilé dans des points de vue supérieurs.

Les mathématiques modernes n'ont que le côté « exotérique » de la mathématique pythagoricienne… L'idée ancienne des nombres, sa valeur proprement intellectuelle, a totalement disparu du monde moderne.

(p 93 - 96) Une science traditionnelle est un prolongement de la doctrine, essentiellement constituée par la métaphysique.

Il y a un double intérêt d'une science traditionnelle :

- Elle reflète la connaissance principielle dans un domaine contingent, comme une application de la doctrine.

- Elle conduit à une connaissance plus haute, vers la connaissance principielle.

Les sciences traditionnelles sont bien rattachées aux principes métaphysiques, elles sont incorporées à la « science sacrée ».

La « philosophie profane », par exemple dans l'antiquité grecque, aurait eu comme point de départ, soit la connaissance des principes, soit au contraire la connaissance du monde sensible. Cette question ne se pose pas pour la « science sacrée » qui ne peut partir que des principes universels, avec le rôle de l'intuition intellectuelle, indépendante de toute faculté d'ordre sensible ou rationnel.

(p 97) Le principe de connaissance des ordres supérieurs par analogie ou correspondance avec les ordres inférieurs… confère à toute science un sens anagogique* ou sacré.

* anagogique, du grec ana = vers le haut et de agogué = action de conduire.

(p 98) Les « arts traditionnels », comme les « sciences traditionnelles », sont également inconnus des occidentaux modernes. L'art des constructeurs du moyen-âge est un exemple remarquable de ces « arts traditionnels » dont la pratique exigeait la connaissance réelle des sciences correspondantes.

En fait, dans le domaine des sciences, il n'est pas de « domaine profane » qui s'opposerait au « domaine sacré », car le « domaine profane » n'est que le point de vue de l'ignorance…

Une des sciences les plus sacrées, la cosmogonie, trouve sa place dans tous les Livres inspirés, y compris la Bible hébraïque. La cosmogonie est devenue, pour les modernes, l'objet des hypothèses les plus purement « profanes »… ainsi, le domaine de la science est bien le même dans les deux cas, mais le point de vue est totalement différent.

(p 99) La « science profane** » est un savoir ignorant de toute fin supérieure à lui-même, …

… enfermée dans un domaine relatif et borné où elle se proclame indépendante, coupée de la connaissance suprême.

** profane, du latin profanum, qui est devant (pro) le « fanum » (lieu sacré, temple), et non à l'intérieur. Dans le cas de la « science profane », il s'agit d'une connaissance qui reste extérieure au « Temple » de la connaissance traditionnelle.

La science moderne procède d'une limitation de la connaissance, assimilant l'intelligence pure ou « intuition intellectuelle » à la raison.

(p 100) La racine de la déviation de la science humaine est l' « individualisme », c'est à dire la négation de tout principe supérieur à l'individualité… réduction de la civilisation dans tous domaines, aux seuls éléments purement humains.

CHAPITRE V

L'INDIVIDUALISME

(p 101) Définition : Ce que nous entendons par « individualisme », c'est…

- La négation de tout principe supérieur à l'individualité, et, par suite, ...

- La réduction de la civilisation dans tous les domaines aux seuls éléments purement humains.

(p 102) Seul le monde moderne a constitué une civilisation édifiée sans principe, sur quelque chose de purement négatif, où l'individualisme est à l'opposé de toute spiritualité ou intellectualité vraie.

(p 103) Les philosophes abordent une « pseudo-métaphysiques » qui est du domaine physique (la nature). Ils posent des problèmes bien plus que de les résoudre, besoin désordonné de recherche pour elle-même. Chez les artistes comme les philosophes, le désir d'originalité, de renommée obère le désir de vérité vraie.

Note du rédacteur : On ne peut s'empêcher de penser à des « philosophes » comme …

- Sartre (L' « existentialisme athée »), …

- Bernard Henri Lévy et ses interventions calamiteuses dans le domaine politique (Voir récemment en Lybie…) et à

- Tous les donneurs de leçons que nous subissons au travers des média.

(p 104) Dans une civilisation traditionnelle, un homme ne saurait être propriétaire d'une idée, car une idée ne peut être « nouvelle », elle n'est pas un produit de l'esprit humain, elle existe en dehors de nous. Nous avons seulement à la connaître.

R.G. prend l'exemple des « pragmatistes » modernes qui nomment « vérité » ce qui est l'utilité pratique.

(p 105) L'individualisme a réduit l'intelligence en mettant la raison au dessus de tout.

Même la raison dans son aspect spéculatif a été rabaissée au profit du côté pratique.

L'individualisme mène au « naturalisme », puisque tout ce qui est au-delà de la nature est considéré hors d'atteinte de l'individu (comme tel). Il n'y a plus que de la « pseudo-métaphysique » possible.

(p 106 - 107) Certains philosophes reconnaissent l'impossibilité de bâtir une métaphysique, d'où des dérives comme le « relativisme », l' « évolutionisme », l' « intuitionisme » bergsonien…

Quand existait une connaissance supérieure, la philosophie respectait ce qu'elle ignorait et ne pouvait le nier. Une fois disparue, la négation de fait de cette connaissance fut érigée en théorie d'où procède la philosophie moderne. Cependant, la philosophie reste intéressante car elle exprime les tendances du moment, plutôt qu'elle ne les crée. Elle dirige ces tendances dans une certaine mesure.

(p 108) Un mouvement tel que le cartésianisme est toujours une résultante plutôt qu'un point de départ. Il faut rechercher les racines de la rupture avec la tradition en remontant jusqu'au XIVème siècle, en passant par la Renaissance et la Réforme.

(p 109) Les sciences traditionnelles du moyen-âge étaient réservées à une élite, constituant un « ésotérisme* » au sens strict. La partie extérieure commune à tous était une tradition spécifiquement religieuse, le catholicisme.

* Esotérique , du grec esoterikos, qui est à l'intérieur, par opposition à exoterikos, qui est à l'extérieur… L'ésotérisme, par définition, se situe à l' « intérieur » d'un cercle d'initiés, ici, une élite.

(p 110 -113) La révolte contre la tradition s'est appelée le Protestantisme.

Rejetant toute autorité spirituelle légitime pour une interpréter la tradition religieuse, le Protestantisme substitua le « libre examen » ou interprétation libre… laissée aux ignorants. Cette interprétation fondée sur la raison humaine, a été la porte ouverte à toutes les divergences : « moralisme », « sectes », « religiosités », « expérience religieuse », appel au « subconscient », spiritisme,…

Le Protestantisme ne reconnaît d'autre autorité que celle des Livres sacrés, mais avec l'esprit de négation qui l'anime, il a grandement contribué à la destruction de cette autorité…

(p 114) … car l'autorité des Livres sacrés soumise au « libre examen », s'oppose à une conservation de la doctrine. Cette conservation suppose un enseignement traditionnel pour maintenir une interprétation orthodoxe, celle de l'enseignement du Catholicisme.

Dans le catholicisme seul, persiste ce qui subsiste d'esprit traditionnel. Mais il s'agit d'une conservation à l'état latent. Il faudra être capable de retrouver le sens de la tradition.

(p 115 -116) Dans l'Occident, hors du monde religieux, il existe beaucoup de signes et symboles issus d'anciennes doctrines traditionnelles. Un contact avec l'esprit traditionnel vivant est nécessaire pour les comprendre. En cela, l'Occident aura besoin de l'Orient pour restaurer la compréhension perdue.

(p 117 - 118) Aujourd'hui, la plupart des catholiques ont minimisé l'influence de la religion sur l'existence. S'ils comprenaient la religion, pourraient-ils lui faire une place aussi médiocre dans leurs préoccupations ? La doctrine est oubliée ou réduite à presque rien, ce qui se rapproche de la conception protestante.

En l'absence d'enseignement orthodoxe, le paradoxe consiste à discuter de la doctrine sur un terrain « profane ». Alors on s'égare, on parle de morale…

(p 119) L' individualisme introduit partout la discussion, et, en ne dépassant pas l'ordre rationnel, en ne faisant appel à aucun principe supérieur, en soutenant indéfiniment le « pour et le contre », ne parvient à aucune solution, car il est des choses qui par leur nature même, ne peuvent pas se discuter.

(p 120 - 121) L'attitude « apologétique* » (discuter « le pour et le contre », …), terme dérivé d' « apologie » ou plaidoyer d'un avocat, est extrêmement faible, car défensive (Cf. aussi le terme anglais apologize = excuser). L' « apologétique » est incontestablement un recul de l'esprit religieux. L' « apologétique » elle même dégénère en discussions toutes « profanes » où la religion est placée au même plan que les théories (pseudo)scientifiques.

* Apologétique (Petit Larousse) En théologie, ce qui a pour objet de montrer la crédibilité du dogme.

(p 121 - 122) Pour parler au nom d'une doctrine, il faut être qualifié et, il ne s'agit pas de « discuter » ou de « polémiquer », mais seulement de l'exposer à ceux qui peuvent la comprendre, faire apparaître l'erreur là où elle se trouve, en projetant la lumière de la vraie connaissance. Ainsi, il n'y a pas de lutte à engager où on compromet la doctrine, mais seulement le fait de porter un jugement infailliblement inspiré par les principes. Il s'agit d'être le « moteur immobile » qui dirige le mouvement sans y être entraîné…

… la connaissance éclaire l'action sans y participer…

… le spirituel guide le temporel sans s'y mêler.

Tel est l'ordre hiérarchique universel.

Tandis que dans le monde moderne, c'est l'inférieur qui juge le supérieur, l'ignorance qui impose des bornes à la sagesse, l'erreur qui prend le pas sur la vérité, l'humain qui se substitue au divin, la Terre qui l'emporte sur le Ciel.

CHAPITRE VI

LE CHAOS* SOCIAL

* Chaos : vient du même mot grec, gouffre, abîme, ténèbres et… chaos.

Abîme venant lui-même du grec abussos, sans fond (fr. abysse)

(p 123 – 124) Ainsi, dans le monde occidental, nous avons vu que personne ne se trouve plus à la place qui lui convient.

L'accession à des fonctions au sein de la société n'est plus soumise à des règles « légitimes »… car le seul facteur qui devrait compter, ce sont les différences de nature qui existent entre les hommes. La caus du désordre est la négation de ces différences, entraînant la négation de toute hiérarchie sociale (ce qui aurait causé la suppression des « castes »).

(p 125) Cette négation a été érigée en pseudo-principe sous le nom d'égalité.

Or l'égalité ne peut exister, comme si deux êtres distincts pouvaient être en même temps semblables sous tous rapports. Imposer une uniformité est une idée chimérique à l'exemple de l'enseignement identique distribué à tous . Dans cet enseignement, il s'agit plus d'apprendre que de comprendre… la mémoire est substituée à l'intelligence… On aboutit encore à la « dispersion ».

(p 126 - 127) Les « dogmes laïques » ont été formulés comme, « égalité », « progrès »,… Ils ont été formulés à partir du XVIIIème siècle. Ce sont de vraies « suggestions** » qui ont produit leur effet dans un milieu déjà préparé. Elles sont entretenues par ceux qui ont quelque intérêt à maintenir le désordre. Dans un temps où on veut tout soumettre à la discussion, ce sont les seules choses qu'on ne se permet jamais de discuter….

** Suggère (Dictionnaire de la Langue Philosophique de Foulquié et St Jean)

Du latin suggerere, porter ou amener sous, soit « sub », en dessous, c'est à dire avec une nuance de furtivité.

Présenter une idée… de façon que celui qui l'adopte ne se sente pas influencé.

A l'origine de tout cela, il faut une action consciente, une direction venant d'hommes qui savent parfaitement les idées qu'ils lancent. Il s 'agit de « pseud-idées » destinées à provoquer principalement des réactions sentimentales, moyen le plus efficace pour agir sur les masses.

Note du rédacteur : On pense ici à l'ouvrage de Wilhelm Reich « La psychologie de masse du fascisme ».

(p 128) Dans les procédés de suggestion, le phénomène du « verbalisme », où la sonorité des mots suffit à créer l'illusion de la pensée, est utilisé par les orateurs comme un procédé (de suggestion) comparable à ceux des hypnotiseurs…

Note du rédacteur :

Pour s'en « convaincre », il suffit d'écouter un enregistrement d'un discours en public de Hitler...

(p 130) Sur les dogmes laïques on a élaboré la démocratie…

L'argument le plus décisif contre la « démocratie » se résume ainsi :

Le supérieur ne peut émaner de l'inférieur… traduire par...

Le peuple ne peut conférer un pouvoir qu'il ne possède pas lui-même…

Le pouvoir ne peut être légitimé que par la sanction de quelque chose de supérieur à l'ordre social, c'est à dire, d'une autorité spirituelle.

A l'origine du désordre et de la confusion, se trouve le renversement de toute hiérarchie, le pouvoir temporel voulant se rendre indépendant de l'autorité spirituelle… à l'exemple de la royauté française depuis le XIVème siècle,... ce qui a mené à la Révolution.

La démocratie est définie comme le gouvernement du peuple par lui-même,… ce qui est impossible (Cf Aristote). Ainsi, par l'illusion du « suffrage universel », c'est l'opinion de la majorité qui est supposée faire la loi.

(p 132 - 133) Sachant que l'opinion peut toujours être modifiée, par exemple par la suggestion, créant jusqu'à des courants (d'opinion) allant dans un sens déterminé. Ainsi, les vrais artisans de ces courants ne sont pas toujours les dirigeants apparents.

Remarque du rédacteur :

On pense ici à la « Young Génération » dont sont issues certaines personnalités politiques et autres, personnalités « dociles », qui sont propulsées sur le devant de la scène, acquis à des intérêts purement « exotériques ».

Aussi, l'incompétence des politiques les plus en vue semble n'avoir qu'une importance relative… Les politiques incompétents apparaissent comme l'émanation de la majorité, toujours elle-même constituée par les incompétents.

(p 133) L'avis de la majorité est l'expression de l'incompétence qui vient du manque d'intelligence ou de l'ignorance de cette majorité. De plus, en psychologie collective, il faut savoir que la résultante des réactions mentales d'une foule n'est pas au niveau d'une moyenne, mais à celui des éléments les plus inférieurs.

(p 133 -134) Les philosophes de la théorie démocratique font valoir le « consentement universel » comme « critérium de la vérité »… consentement qui ne peut se réduire qu'à celui du plus grand nombre … et en milieu très limité dans l'espace et le temps.

Côté politique, ce sont les impulsions émotives qui sont un obstacle à la compréhension, ce dont les hommes politiques tirent parti.

(p 134 - 135) Les gouvernements tirent leur justification de la « loi du plus grand nombre », celle de la matière et de la force brutale, celle de la masse entraînée par son poids qui écrase tout sur son passage. Le monde moderne proclame ainsi la suprématie de la multiplicité, suprématie qui n'existe que dans le monde matériel. Dans le monde spirituel, dans l'ordre universel, c'est au contraire l'unité qui est au sommet hiérarchique, car elle est le principe dont sort toute multiplicité.

La multiplicité, identifiée à la matière, exerce cette force descendante et compressive qui limite de plus en plus étroitement l'être.

(p 136) En dehors de son principe, la multiplicité ne peut plus être ramenée à l'unité. Dans l'ordre social, la collectivité est conçue comme une somme arithmétique des individus… la loi du plus grand nombre est fondatrice de la « démocratie ».

(p 137) S'il existe des conflits sociaux, ce n'est point entre la collectivité et l'individu (puisque la collectivité est la somme des individus, donc ne peut être opposée à ceux-ci). Ces conflits, ne sont pas entre l'individualisme et quelque chose d'autre, mais entre des variété multiples d'individualismes… On revient vers la division et le chaos.

(p 137 - 138) L'idée démocratique s'oppose à l' « aristocratie » dans son sens étymologique, le pouvoir de l'élite,… sachant qu'une élite véritable ne peut être qu'intellectuelle. L'existence et le rôle de cette élite intellectuelle sont incompatibles avec la conception « égalitaire » de la démocratie. C'est pourquoi la démocratie s'instaure là où l'intellectualité n'existe plus.

(p 138 – 139) Dans la réalité, l'égalité étant impossible, la démocratie invente de fausses élites. Ce type d' « élite » est fondé sur la distinction sociale par la fortune, supériorité quantitative, seul critère conciliable avec la « démocratie », car celle-ci procède du même point de vue.

(p 139) Dans le domaine social, comme dans tous les autres, la restauration de l'intellectualité, et, forcément d'une élite, est nécessaire pour sortir le monde du chaos.

(p 140 - 141) L'élite véritable n'aurait pas à intervenir directement dans tel ou tel domaine relatif, social ou autre, ni à se mêler à l'action extérieure. L'élite dirigerait tout par une influence insaisissable au vulgaire, mais profonde car moins apparente.

Nous avons parlé de la puissance des suggestions qui ne supposent aucune intellectualité véritable. On peut soupçonner ce que serait la puissance d'une influence intensifiée par la concentration dans l'unité principielle. Cette influence s'identifierait à la force de la vérité.

CHAPITRE VII

UNE CIVILISATION MATERIELLE

(p 143) Les Orientaux ont pleinement raison lorsqu'ils reprochent à la civilisation occidentale moderne de n'être qu'une civilisation toute matérielle.

(p 144 - 145) - Définition du « matérialisme » -

- Ce mot ne date que du XVIIIème siècle. Il fut inventé par le philosophe Berkeley pour désigner toute théorie qui admet l'existence réelle de la matière.

- Un peu plus tard, ce mot prend un sens plus restreint, celui qu'il a gardé depuis lors :

Il caractérise une conception suivant laquelle il n'existe rien d'autre que la matière et ce qui en procède. Cet état d'esprit consiste à donner plus ou moins consciemment la prépondérance aux choses de l'ordre matériel et aux préoccupations qui s'y rapportent, que ces préoccupations gardent encore une certaine apparence spéculative ou qu'elles soient purement pratiques.

(p 145) Toute la science « profane » de ces derniers siècles est enfermée dans le monde sensible, et, les méthodes « scientifiques » ne sont applicables qu'à ce seul domaine. Ces méthodes nient toute science qui ne se rapporte pas à des choses matérielles.

(p 146 - 147) Le plus redoutable dans ce déni, est l'indifférence, car, pour contester ou nier quelque chose, il faut encore y penser… C'est le résultat d'une science exclusivement matérielle, présentée comme seule science possible.

Certains se font quelque idée d'un autre monde et se le représentent sur le modèle terrestre, avec ses conditions d'existence, y compris l'espace et le temps. Ainsi, l'intervention de la seule imagination montre l'incapacité de l'Occident à s'élever au-dessus du sensible. Certains philosophes, tel Kant, vont jusqu'à déclarer « inconcevable » ou « impensable » tout ce qui n'est pas susceptible de représentation. Ainsi, le « spiritualisme » ou « idéalisme », n'est souvent qu'un matérialisme transposé.

(p 148 - 149) Le spiritualisme n'est pas la spiritualité… la philosophie oscille entre matérialisme et spiritualisme sans pouvoir les dépasser… sans pouvoir se placer à un point de vue supérieur.

Les modernes ne conçoivent pas d'autre science que celle des choses qui se mesurent, ce qui est une propriété inhérente à la matière ; penser que cette propriété s'étend à tout ce qui existe, revient à matérialiser toute chose.

(p 149 – 150) « Réalité » est un terme aujourd'hui réservé à la seule réalité sensible.

Ainsi, tout ce qui ne tombe pas sous les sens est « irréel », c'est à dire illusoire ou même inexistant. A l'exemple de la réduction des prétendues convictions religieuses de bien des gens qui minimisent la religion, jusqu'au dernier dogme qui est le « verbalisme » (Cf. plus haut).

(p 151) Certains croient à la valeur spéculative de la science moderne, mais les préoccupations sont pratiques et la philosophie est le « pragmatisme », dernier degré d'abaissement… c'est aussi la philosophie du « bon sens » qui ne dépasse pas l'horizon terrestre.

Pour le « bon sens », il n'y a surtout pas de connaissance qui ne vienne autrement que des sens.

(p 152 - 153) Dans tout cela, il ne reste pas de place à l'intelligence, sinon celle qui consent à s'asservir, devenant « un outil à faire des outils » (Bergson), « pragmatisme » sous toutes ses formes avec une indifférence totale à l'égard de la vérité.

Les modernes ont borné les ambitions intellectuelles modernes et sont devenus de véritables « outils » (ou machines) eux mêmes. Bien différents des artisans d'autrefois, les spécialistes ne sont plus que les serviteurs des machines au service de la production matérielle. Industrie, commerce, finances, semblent seuls compter dans l'existence des peuples.

(p 154) Nos contemporains sont persuadés que les circonstances économiques sont à peu près les seuls facteurs des événements historiques ; ils s'imaginent même qu'il en a toujours été ainsi. On a même inventé le « matérialisme historique », théorie qui veut tout expliquer par là. Peut-on voir ici encore l'effet d'une de ces suggestions dont nous avons déjà parlé ?

Pour mener la masse sociale, il suffit de disposer de moyens purement matériels, le dernier degré d'abaissement…. tout en faisant croire à cette masse qu'elle agit spontanément et se gouverne elle-même. Le fait qu'elle puisse le croire indique un haut degré d'inintelligence !

(p 155) L'Occident vit dans l'illusion d'une entente avec les peuples sur le terrain des échanges commerciaux. C'est l'effet contraire qui se produit, et, si l'orient se résigne à entrer en concurrence économique avec l'Occident, c'est pour se protéger, s'armer.

(p 156 - 157) Les guerres n'ont jamais fait autant de ravages, et, outre les armes toujours plus destructrices, ce sont les « nations armées » qui s'affrontent. Circonstance aggravante, il n'y a plus l'arbitrage d'une autorité spirituelle qui, par sa nature, est au dessus de tout conflit politique.

(p 158 – 159) Considérant encore le développement matériel, un parallèle entre avantages et inconvénients serait probablement négatif. Sans considérer des inventions à but léthal, on constate que le progrès matériel est une cause de catastrophes dans l'ambiance terrestre. C'est peut-être par là que le monde moderne se détruira lui-même, s'il ne s'arrête pas dans cette voie.

R.G. pose la question des prétendus « bienfaits » d'un progrès tout matériel, pour le « bien-être » . Ce bien-être, même atteint, ne vaut pas la peine qu'on lui consacre tant d'efforts. Tous les hommes n'ont pas les mêmes goûts ou besoins, et, certains voudraient échapper à l'agitation moderne, mais ne le peuvent plus.

(p 160 - 161) Singulière époque que celle où tant d'hommes se laissent persuader qu'on fait le bonheur d'un peuple en l'asservissant, en lui enlevant ce qu'il a de plus précieux, c'est à dire sa propre civilisation, en l'obligeant à adopter des mœurs et des institutions qui sont faites pour une autre race, et en l'astreignant aux travaux les plus pénibles pour lui faire acquérir des choses qui lui sont de la plus parfaite inutilité !

il est inadmissible que celui qui ne s'agite pas et qui ne produit pas matériellement ne peut être qu'un « paresseux » ; sans même parler à cet égard des appréciations portées couramment sur les peuples orientaux, il n'y a qu'à voir comment sont jugés les ordres contemplatifs, et cela jusque dans des milieux soi-disant religieux. Dans un tel monde, il n'y a plus aucune place pour l'intelligence ni pour tout ce qui est purement intérieur, car ce sont là des choses qui ne se voient ni ne se touchent, qui ne se comptent ni ne se pèsent ; il n'y a de la place que pour l'action extérieur sous toutes ses formes, y compris les plus dépourvues de de toute signification.

Cependant, ceux qui mettent leur idéal dans le « bien-être » matériel, sont-ils plus heureux qu'autrefois ?

(162 - 163) Alors que la civilisation moderne crée plus de besoins qu'elle ne peut en satisfaire, et des luttes où les plus « forts » ont seuls le droit d'exister,… où les plus démunis se révoltent car ils sont confronté aux inégalités, contrairement aux théories égalitaires qu'on leur a « suggérées »…

Il est dit dans l'Evangile :

« Celui qui frappe avec l'épée périra par l'épée »…

... celui qui déchaîne les forces brutales de la matière périra écrasé par ces mêmes forces, dont il n'est plus maître… forces de la nature ou forces des masses humaines… ce sont toujours les lois de la matière qui entrent en jeu et qui brisent inexorablement celui qui a cru pouvoir les dominer sans s'élever lui-même au dessus de la matière.

Et l'Evangile dit encore :

« Toute maison divisée contre elle-même s'écroulera » …

... cette parole aussi s'applique exactement au monde moderne, avec sa civilisation matérielle, qui ne peut, par nature même, que susciter partout la lutte et la division.

(p 164 - 165) Sans changement radical, on peut prédire une fin tragique à ce monde…

Certains éléments constituent une atténuation du matérialisme. Ils ne sont pas philosophiques comme le « spiritualisme », etc. Dans le monde occidental, c'est dans l'ordre religieux qu'on trouve des restes de spiritualité véritable ; ces restes sont à l'état latent… Il faut néanmoins admirer la vitalité d'une tradition religieuse qui persite en dépit des siècles d'effort pour anéantir cette tradition. R.G . voit dans cette résistance l'implication d'une puissance non « humaine ». Il est vrai qu'aucune conciliation entre esprit religieux et esprit moderne n'est possible, ce dernier ne voulant que la destruction de ce qui reflète une réalité supérieure à l'humanité.

(p 166 - 167) On dit que l'Occident moderne est chrétien, mais c'est une erreur, l'esprit moderne est antichrétien car, plus généralement, il est antitradition. Mais une rupture, même radicale, avec le passé, n'est jamais complète. R.G. affirme que tout ce qu'il y a de valable dans le monde moderne est venu du Christianisme, ce dernier ayant apporté avec lui tout l'héritage des traditions antérieures.

Cependant, R.G. pose la question : Où sont, même dans le catholicisme, les hommes qui connaissent le sens profond de la doctrine qu'ils professent extérieurement ? On peut espérer que que l'Occident redeviendra chrétien… (avec l'aide de tels hommes ?). Ce jour là, le monde moderne aura vécu.

CHAPITRE VIII

L'ENVAHISSEMENT OCCIDENTAL

(p 169 - 170) R.G. ne cache pas la gravité du fait que le désordre semble gagner l'Orient. Jusqu'ici, les effets étaient limités au domaine politique et économique. Mais des Orientaux dévoyés par l'enseignement des universités européennes et américaines deviennent une cause d'agitation et de trouble dans leur propre pays. Ces modernistes s'agitent, se montrent et l'Occident s'imagine que ces individualités bruyantes sont les représentants de l'Orient, tandis que…

… l'esprit traditionnel se replie en quelque sorte sur lui-même, les centres où il se conserve intégralement deviennent de plus en plus fermés et difficilement accessibles ; cette généralisation du désordre corresponds bien à ce qui doit se produire dans la phase finale du Kali-Yuga.

(p 171) Des Orientaux « modernistes » ont institué en Orient des nationalismes divers, nécessairement opposés à l'esprit traditionnel… mais, pour combattre la domination occidentale… Ils répandent ainsi des conflits. Il se peut que ces « modernistes » utilisés transitoirement, soient ensuite éliminés comme les Occidentaux…

La civilisation moderne périra par les conflits sociaux entre les nations, ou encore par un cataclysme lié aux « progrès » de la science. Le monde occidental est en danger par ce qui sort de lui-même.

(p 172) L'Occident entraînera-t-il dans sa chute l'humanité toute entière ?

L'esprit traditionnel ne peut mourir, car, par essence, il est supérieur à la mort, et, ce sera alors véritablement « la fin d'un monde ».

Nous avons le signe précurseur du moment où, suivant la tradition hindoue, la doctrine sacrée doit être enfermée toute entière dans une conque, pour en sortir intacte à l'aube d'un monde nouveau.

(p 173 - 174) L'envahissement occidental, c'est l'envahissement du matérialisme sous toutes ses formes, et ce ne peut être que cela ; tous les déguisements plus ou moins hypocrites, tous les prétextes « moralistes » toutes les déclamations « humanitaires », toutes les habiletés d'une propagande …, ne peuvent rien contre cette vérité, qui ne saurait être contestée que par des naïfs ou par ceux qui ont un intérêt quelconque à cette œuvre vraiment « satanique »*, au sens le plus rigoureux du mot.

* Satan, en hébreu, c'est l' « adversaire », c'est-à-dire celui qui renverse toutes les choses

et les prend en quelque sorte à rebours ; c'est l'esprit de négation et de subversion, qui s'identifie à la tendance descendante ou « infériorisante », tendance « infernale » au sens étymologique (du latin infernus, d'en bas, d'une région inférieure), celle même que suivent les êtres dans ce processus de matérialisation suivant lequel s'effectue le développement de la civilisation moderne.

(p 174 - 175) Une défense de l'Occident a été publiée récemment par M. Henri Massis.

M. Massis fait partie de ceux qui voudraient réagir contre le désordre moderne, tout en étant dans la contradiction… R.G. demande s'il est bien habile de la part de M. Massis d'attaquer la tradition chez les autres quand on voudrait la restaurer dans son propre pays…

(p 176 - 177) M. Massis s'en prend à ce qu'il appelle des « propagandistes orientaux », expression qui renferme en elle-même une contradiction, puisque l'esprit de propagande est chose tout occidentale.

Il y aurait deux groupes, dont le premier est constitué de purs Occidentaux (Allemands, Russes), plus dangereux que de simples philosophes, en raison de leurs prétentions à un « ésotérisme » qu'ils ne possèdent pas, mais qu'ils simulent…

Dans le second groupe, nous trouvons quelques-uns de ces Orientaux occidentalisés… qui présentent aux Occidentaux leur Orient modernisé, accommodé aux théories qui leur ont été enseignées en Europe ou en Amérique… ces Orientaux occidentalisés, sont effectivement des agents, mais de la …« propagande… occidentale » qui s'attaque directement à l'intelligence. C'est pour l'Orient qu'ils sont un danger.

(p 177 – 178) Pour ce qui est des vrais Orientaux, M. Massis n'en mentionne pas un seul,… l'impossibilité où il se trouvait de citer le nom d'un Oriental qui ne fût pas occidentalisé eût dû lui donner à réfléchir et lui faire comprendre que les « propagandistes orientaux » sont parfaitement inexistants…. Son esprit est troublé par la peur que fait naître en lui le pressentiment d'une ruine plus ou moins prochaine de la civilisation occidentale…

(p 179) Il ne sait pas exactement quels sont les adversaires qu'il devrait combattre, et, d'autre part, son « traditionalisme » le laisse ignorant de tout ce qui est l'essence même de la tradition, qu'il confond visiblement avec une sorte de « conservatisme » politico-religieux de l'ordre le plus extérieur.

M. Massis est troublé par la peur…. ces soi-disant « propagandistes orientaux » seraient animés d'une haine farouche à l'égard de l'Occident, et, c'est pour nuire à celui-ci qu'ils s'efforceraient de lui communiquer leurs propres doctrines, c'est-à-dire de lui faire don de ce qu'ils ont eux-mêmes de plus précieux, de ce qui constitue en quelque sorte la substance même de leur esprit ! Devant tout ce qu'il y a de contradictoire dans une telle hypothèse, on ne peut s'empêcher d'éprouver une véritable stupéfaction.

(p 180) On pourrait plutôt s'attendre à ce que les Orientaux interdisent l'accès à leur doctrine aux Occidentaux. La vérité est que,….

… les représentants authentiques des doctrines traditionnelles n'éprouvent de haine pour personne, et leur réserve n'a qu'une seule cause : c'est qu'ils jugent parfaitement inutile d'exposer certaines vérités à ceux qui sont incapables de les comprendre ; mais ils n'ont jamais refusé d'en faire part à ceux, quelle que soit leur origine, qui possèdent les « qualifications » requises ; est-ce leur faute si, parmi ces derniers, il y a fort peu d'occidentaux ?

(p 181 - 182) … quand la résistance à une invasion étrangère est le fait d'un peuple occidental, elle s'appelle « patriotisme » et est digne de tous les éloges ; quand elle est le fait d'un peuple oriental, elle s'appelle « fanatisme » ou « xénophobie » et ne mérite plus que la haine ou le mépris. D'ailleurs, n'est-ce pas au nom du « Droit », de la « Liberté », de la « Justice » et de la « Civilisation » que les Européens prétendent imposer partout leur domination, et interdire à tout homme de vivre et de penser autrement qu'eux-mêmes ne vivent et ne pensent ?

...sauf des exceptions d'autant plus honorables qu'elles sont plus rares, il n'y a plus guère en Occident que deux sortes de gens, assez peu intéressantes l'une et l'autre :

… les naïfs qui se laissent prendre à ces grands mots et qui croient à leur « mission civilisatrice », inconscients qu'ils sont de la barbarie matérialiste dans laquelle ils sont plongés, et,

… les habiles qui exploitent cet état d'esprit pour la satisfaction de leurs instincts de violence et de cupidité…

Les Orientaux ne menacent personne et ne songent guère à envahir l'Occident d'une façon ou d'une autre ; ils ont, pour le moment, bien assez à faire de se défendre contre l'oppression européenne, qui risque de les atteindre jusque dans leur esprit ; et il est pour le moins curieux de voir les agresseurs se poser en victimes.

(p 182) Comme les modernes, M. Massis est dans l'ignorance des principes et nie tout ce qui dépasse un certain horizon ; il est inapte à comprendre des civilisations différentes, et se trouve dans cette superstition du « classicisme » gréco-latin… Mais il représente de façon intéressante l'insatisfaction de l'état présent chez quelques-uns de nos contemporains.

(p 183 - 184) C'est maintenant le moment de tirer des conclusions, mais, ce qui doit être dit le sera à mesure que les circonstances l'exigeront… Pour ceux qui la recherchent, … il n'est en effet pas question de recevoir une connaissance avec plus d'enthousiasme que de véritable discernement !

CHAPITRE IX

QUELQUES CONCLUSIONS

(p 186 - 187) Nous avons voulu seulement fournir un point de départ approprié, un appui suffisant pour s'élever au dessus de la vaine multitude des opinions individuelles.

Mais, quelle est la portée pratique de cette étude ?…. Car nous ne sommes pas restés dans la doctrine métaphysique où toute application n'est que contingente et accidentelle. Les applications sont les conséquences des principes, le développement normal d'une doctrine qui, étant une et universelle, doit embrasser tous les ordres de réalité. Les applications sont pour certains un moyen préparatoire pour s'élever à une connaissance supérieure (« science sacrée »…). Considérées pour elles-mêmes, les applications devraient rester rattachées aux principes… pour éviter la dégénérescence qui a produit la « science profane ».

(p 187 - 188) Si tous les hommes apprenaient ce qu'est vraiment le monde moderne, celui-ci cesserait aussitôt d'exister, et, ce changement se produirait sans catastrophe…. Ne serait-ce pas une conséquence pratique incalculable ? ! cette compréhension n'est pas possible pour tous, mais une élite peu nombreuse et fortement constituée, suffit.

Si une élite se formait, elle pourrait préparer le passage d'un monde à un autre, dans des conditions plus favorables, et, réduire les troubles qui ne manqueraient pas de se produire.

(p 189) Contrairement à l'Orient, l'élite n'existe plus en Occident. Si elle ne se reconstitue pas, la civilisation périra.

(p 191 - 193) Par définition, une élite occidentale ne devrait être constituée que par une initiative occidentale, comme un réveil à sa propre tradition. C'est peu probable car il n'existe plus en Occident de point de conservation de l'esprit traditionnel. Ce travail de restauration peut plutôt se faire à l'aide d'une connaissance des doctrines orientales.

Comme support de cette restauration, il suffirait de restituer à la doctrine catholique son sens profond… L’Église Catholique semblant la seule organisation existante à caractère traditionnel, …

… Ce serait la réalisation du Catholicisme au vrai sens du mot, qui, étymologiquement, exprime l'idée d' « universalité »… L'existence d'une organisation qui porte un tel nom est l'indication d'une base possible pour une restauration de l'esprit traditionnel…. D'autant plus que, au moyen âge, elle a déjà servi de support à cet esprit dans le monde occidental. Il ne s'agirait donc, en somme, que d'une reconstitution de ce qui a existé avant la déviation moderne, avec les adaptations nécessaires aux conditions d'une autre époque…

(p 194) On pourrait envisager non pas un accord diplomatique, mais un accord sur les principes, à condition que les représentants de l'Occident redeviennent vraiment conscients de ces principes comme le sont toujours ceux de l'Orient.

(p 195 - 196) … il y a dès maintenant, dans le monde occidental, des indices certains d'un mouvement qui demeure encore imprécis, mais qui peut et doit même normalement aboutir à la reconstruction d'une élite intellectuelle, …

… l'église aurait tout intérêt, quant à son rôle futur, à devancer en quelque sorte un tel mouvement, plutôt que de le laisser s'accomplir sans elle… elle qui aurait les plus grands avantages à retirer d'une attitude… qui aurait… pour résultat de la débarasser de toute infiltration de l'esprit moderne…

(p 199) Nous ne sommes plus très loin de cette prédiction évangélique… :

« il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes, qui feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu'à séduire, s'il était possible, les Elus eux-mêmes ».

(p 200 - 201) Ceux qui arriveront à vaincre tous ces obstacles, …

… et à triompher de l'hostilité d'un milieu opposé à toute spiritualité, seront sans doute peu nombreux ; … mais, ce n'est pas le nombre qui importe, car nous sommes ici dans un domaine dont les lois sont tout autres que celles de la matière… rien ne saurait prévaloir finalement contre la puissance de la vérité ; leur devise doit être celle qu'avait adoptée autrefois certaines organisations initiatiques de l'Occident : Vincit omnia Veritas.

Notes de lecture d'un « Écossais de l'Hermione » (Juin 2016) Th.°. C.°.

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 10:01

Résumé :

La méthode maçonnique et une technique de plénitude du langage verbal et non verbal, basée sur les symboles qui donnent accès aux archétypes.

Ces archétypes sont les restes, les vestiges de la pensée universelle de nos anciens suivant la science traditionnelle. La science traditionnelle se rapporte à la vision totale.Cette vision est suggérée par notre intuition et constitue un métalangage. L'intuition est-elle même un rêve ou un songe qui veut s'exprimer.

Ce métalangage investi le monde ordinaire, l'infra monde et le monde supérieur. C'est la base d'une supraconscience.La supraconscience, c'est la fameuse lumière du franc-maçon. C'est une conscience individuelle et collective de la totalité et de l'unité. Elle est l'équivalent du terme "dieu" en dans le domaine exotérique.

C'est pour cette raison que le franc-maçon réapprend à voir et à parler dans un espace qui élargit sa perception du réel. Il n'est pas étonnant que l'initié donne au langage et à la perception du réel toute sa dimension. Le fondement même de l'initiation et de réactiver nos facultés oubliées.

Le franc-maçon bénéficie-t-il d’une vision de la réalité différente du commun des mortels ?

La question n’est pas nouvelle. À Édimbourg en 1638 le poète Adamson dans The Muse, fait référence à la vision particulière développée chez les francs-maçons et les rose-croix : « Car nous sommes des Frères de la Rose-Croix ; nous possédons le mot de Maçon et la double vue » Or ce qui réunit les francs-maçons et les roses croix en cette période c’est le désir de changer la société représentative du réel, en s’inspirant à la fois des sagesses anciennes et en proposant des sciences nouvelles.

La franc-maçonnerie va mettre en œuvre dans ses rituels des techniques symboliques de représentation du réel. Ces techniques reposent sur les symboles et les rituels, et surtout sur la loge elle-même qui devient un athanor de la représentation d’un réel apparent et caché. Les moyens sont donc divers pour rendre compte de l’étendue du réel, ce sont la polysémie étagée des symboles, la triangulation des symboles et le miroir des symboles. Ce qui est apparent et caché est perceptible par ce « don de double vue ».

Le franc-maçon restaure ce don de double vue et le mot de Maçon : le don de « double vue » est une vision profonde et élargie du réel, quant au « mot de Maçon » c’est un langage verbal et non verbal nécessaire à la représentation d’un réel global[1].

1/ La métamorphose du regard sur le réel

On dit que l’initiation aboutit à une métamorphose du regard sur le réel et à un développement des facultés cognitives.

Le passage d’Adamson ne peut se lire que sur la base d’une réalité réétudiée dans son sens profond et son essence. Le secret de l’initiation : « la première source du secret initiatique qui du fait de sa nature profonde, est toujours relatif au passage de l’inintelligible à l’intelligible, et donc relié à la notion de vision-perception ou, si on préfère, au don de double vision, celle du sensible et celle de l’intelligible[2]. ». L’intelligible profond fait apparaître l’image cachée ou enfouie, le mot secret ou sacré, comme le symbole, la hiérophanie, la théophanie, la hiérologie, etc. L’intelligible profond dépend directement des facultés interprétatives du réel, mobilisées par l’esprit humain[3].

Toute la littérature maçonnique nous parle d’une métamorphose du regard, d’un dessillement des yeux. Ce sont nos yeux qui perçoivent le réel et nous savons à la suite de Robert Ambelain « qu’il n’y a pas de plus grande initiation que la réalité ». Or l’initiation se déroule dans un réel séparé, celui de la loge afin de préserver toutes les dimensions du réel intégrant la valeur primitive d’un langage dit « sacré », car originel comme la parole perdue.

Le réel est lié à notre vision et à la représentation que chacun peut en avoir. La métamorphose du regard portera sur la portée de la vision et l’étendue de la représentation mentale.

La voie maçonnique est une voie initiatique basée sur le réel, celui de la pierre taillée par la main de l’homme, elle n’a d’autre ambition que de nous faire embrasser la réalité dans toute l’étendue du spectre lumineux et dans sa transparence. C’est donc des yeux symboliques qui scrutent la réalité avec une intelligence élargie qualifiée parfois d’intelligence du cœur ou de l’esprit. Le cœur étant le centre et l’origine de l’être de chair, c’est donc l’intelligence de l’origine, de la source première qui nous permet de mieux percevoir et de mieux entendre le monde.

Pour mieux percevoir le réel, il faut réactiver les facultés cognitives oubliées.

C’est ici que s’exercent les fonctions analogiques, anagogiques, herméneutiques et comparatistes qui donnent accès, par un certain cheminement graduel, à la fameuse représentation mentale universelle dont le fondement reste le symbole. Il y a donc une intention délibérée que de vouloir la vérité et la lumière au milieu du réel. Cette volonté de rend pas neutre le regard de l’initié. Nous pouvons dire que son regard est doté d’une intention que nous appellerons « intention initiatique[4] » qui replace le réel dans un vaste champ de perception.

2/ Relativité et Universalité du Réel

La réalité nous apparaît sous un angle plus subjectif qu’objectif. Cependant le regard de l’initié reste lié par une intention lumineuse[5] : l’objet ou le sujet sera mis sous un éclairage principiel.

C’est notre vision de la réalité qui est aujourd’hui polluée par une représentation superficielle, consumériste et fragmentée du réel ; il existe plusieurs façons de voir le réel. Le réel a un sens « commun » d’autant plus réduit que le l’interprétation doit être partagée et comprise par le plus grand nombre. C’est ainsi que le réel donne une réalité de surface qui peut devenir déprimante et perdre de sa saveur et de sa profondeur. Ce regard de surface sur le réel est lourd de conséquences. Il implique ce qu’on appelle le désenchantement du monde[6] qu’a très bien décrit Max Weber[7].

Face à la relativité profane du réel, les sciences traditionnelles vont donner une relation unifiée du réel en mettant au grand jour la partie ésotérique ou hermétique de celui-ci.

Par sa mutation, le regard de l’initié doit apporter un « éclairage » et une mise en perspective d’un réel universel et englobant.

3/ L’apparence et la manifestation, le sentiment d’impermanence

La réalité sous l’angle de l’apparence semble peu stable et changeante contrairement à la cause qui l’a généré. L’initié s’attache à la recherche de la cause première stable et originelle, à l’image de la lumière qui luit dans les ténèbres, donnant un relief particulier au monde des formes.

La tradition initiatique nous enseigne que le réel recouvre une dimension qui dépasse les seuls éléments discursifs et apparents que l’on nomme communément réalité. La réalité profane ou commune est impermanente et changeante dans ses aspects les plus apparents.

Il convient de dépasser l’instabilité de l’apparence pour se diriger vers le principe stable qui en amont la sous-tend. Le réel par le biais des apparences n’est alors qu’une gestion de l’éphémère de l’apparent et du hasard, des causes incertaines et du dirimant[8], autant de caractéristiques qui ne rendent pas compte de l’insertion de la vie dans un ensemble plus universel et cohérent[9].

L’initié doit repenser le réel à l’aune de sa capacité à voir au-delà des apparences et à concevoir dans une vision symboliste une universalité dans laquelle s’insère l’existence. L’existence[10] est aussi une conséquence de cette chaîne de causalité qui remonte suivant la Tradition à un fait fondateur et originel. En dépassant les apparences, le réel n’est pas enfermé dans une notion existentielle restreinte et impermanente, mais au contraire bénéficie de champs et de perspectives étendus et stables.

Pour accéder à ces champs et perspectives, il faut avoir dépassé un certain état d’intégration à soi du réel qu’on appelle "réalisation de soi", soit un état de conscience supérieur par l’intégration de la réalité et de l’universel en soi. C’est la connaissance de soi[11] qui permet la réalisation de soi, facteur d’unité, de stabilité et de continuité. Ainsi conçoit-on l’unité avec un réel « éternel » centré autour de la lumière : le monde et l’homme sont traversés par la même lumière originelle qui représente l’Unité ; la Stabilité[12] des lois organisant le cosmos ; la Continuité caractérisée par la mémoire des cycles sans cesse renouvelés et l’harmonie des sphères.

4/ Les 7 conditions à l’extension du domaine du réel en franc-maçonnerie

« La double vue » et le « mot de Maçon » supposent un développement des facultés cognitives.

a / Réalisation de soi : intégration d’un réel riche et essentiel en-soi

C’est la condition préalable à l’extension du domaine du réel.

Replacer en soi, l’existence, le réel et la réalité dans une perspective plus large permettent de réenchanter, de réharmoniser la vision du monde. Cet autre regard sur le réel passe obligatoirement par la connaissance de soi, des autres et du Monde.

La connaissance du réel est littéralement « une réalisation » en soi de la connaissance et par voie de conséquence, oblige l’initié à aborder et vivre le réel en y percevant des notions éthiques, mais aussi métaphysiques[13]. C’est par le biais de la connaissance de soi que le réel se rattache à une vision globalisante et métaphysique. Cette idée, loin de plaire aux rationalistes et individualistes modernes, est pourtant un puissant moteur « traditionnel » pour la recherche en matière scientifique et en sciences humaines[14]. En effet, le réel ne peut se limiter pour un esprit sérieux, au simple constat des apparences et de la nécessité, mais va plus loin en investissant le domaine du possible par l’analogie. La réalité est un potentiel à découvrir par un observateur averti et formé. L’initié se reconnaît à cette aptitude.

La « réalisation » de soi, qui est liée à une prise de conscience de la totalité ontologique du réel, est promue dans les mouvements initiatiques depuis la nuit des temps. L’objectif de la connaissance de soi est d’intégrer le réel dans une dimension plus grande que la simple démarche existentielle fondée sur une vision individuelle. La vision qui est ici promue est celle qui confond l’individu avec l’universel. Le réel de surface est donc qu’un aspect d’une réalité universelle que l’on appréhende partiellement par la seule apparence. À l’inverse nous dirons que le réel est plus large et plus profond que nous l’imaginions et cela suppose un développement des facultés cognitives et la récupération de notre mémoire archétypale[15].

L’initiation maçonnique par son orthopraxie nous oriente vers la lumière synonyme de conscience éclairée et vers le développement de nos facultés cognitives endormies. Chacun devra exprimer son étendue du réel en fonction de son avancement initiatique. L’avancement initiatique s’apprécie relativement à l’acquisition du langage lumineux qui l’accompagne, ce sont les mots de passe et les mots « sacrés » dont le sens profond est acquis, mais aussi tout l’univers du langage non verbal qui accompagne la représentation mentale du réel vers les frontières du sacré.

La réalisation de soi intégrera des notions liées à l’immanence et à la transcendance qui caractérisent le réel de l’homme. L’homme a en lui le souvenir des trois ères qu’il a traversé, l’ère chamanique et magique, l’ère transcendante et spirituelle et l’ère rationnelle et positiviste. L’initié réalise en conscience ces trois visions unifiées dans la langue des Sages. Le langage de l’initié est "magique" au sens ou il produit des images mentales agissantes, "spirituel" car il conjoint la terre et le ciel par l’esprit, et "rationnel" car il applique la rigueur de la raison à l’analyse d’un réel élargi.

Ce développement du vocabulaire et des moyens d’expression n’est qu’une restauration du potentiel cognitif oublié ou réservé. On peut ainsi corriger l’affirmation relativiste de Protagoras : « l’homme est la mesure de toute chose » où chacun dispose de sa vérité, sous la condition expresse d’avoir les moyens de voir et d’entendre le réel. Chacun peut avoir sa vision du réel, mais l’initié se donne les moyens de voir et d’entendre la structure universelle afin de se soustraire au relativisme et à la superficialité. L’aboutissement de cette réalisation est de même nature que l’aboutissement du langage : il se résume jusqu'à se rétracter dans un silence « essentiel » qui précède la parole originelle.

C’est ici que la richesse du réel de l’initié devient comme l’épure du schéma premier du Grand Architecte.

b/ Le « point de vue » de l’observateur et de l’initié :

La deuxième condition : prendre en compte tous les points de vue.

Le réel est accessible à tous de manière variable, en fonction de la situation de l’observateur et de sa profondeur d’analyse.

La loi du nombre appauvrit le réel dans une vision réductrice et sans autre profondeur que le « lieu commun ». La phase finale de la rhétorique profane du réel, abouti à une tautologie du réel : « le réel c’est le réel » il n’y a rien d’autre que le réel ! Il faut échapper aux topiques des rhétoriques matérialistes et aller chercher plus en amont la structure universelle du réel. Cette recherche emporte avec elle les dimensions éthiques, humanistes et métaphysiques.

L’initié prend ce chemin armé d’un regard sur la réalité, plus riche et plus profond. Il répondra à cette tautologie d’un réel réduit à son écorce[16] par l’affirmation : le réel est plus que son apparence ! Ce qui est apparent devient un reste signifiant, mais devient transparent aux yeux du franc-maçon. Ce qui est vrai pour l’image l’est aussi pour la parole. L’apprentissage de l’image profonde est liée à l’apprentissage du mot essentiel et du signe symbolique qui le représente.

En faisant cette réponse l’initié n’est ni victime d’hallucinations ni empreint d’un imaginaire romantique débordant, il conçoit simplement le réel comme l’aboutissement d’une chaîne de relation de cause à effet[17] dotée d’un sens générique dont il recherche la structure « universelle » et l’étendue véritable. L’initié considère que si le réel n’est que le réel comme l’arbre n’est qu’un arbre, il assortit sa considération d’un point de vue plus étendu : l’arbre à une partie supérieure qui semble toucher le ciel et l’autre partie reste invisible et sous terre et seul le tronc médiateur entre la terre et le ciel reste accessible à l’homme. Donc l’arbre, dont on ne peut toucher que l’écorce, se prolonge réellement en direction du ciel par sa couronne et sous terre par ses racines. De cet ensemble nous ne percevons, suivant le modèle de réalité apparente ou restreinte, qu’une fraction limitée. L’apparence se limite à ce qui nous est accessible au regard et à nos sens et plus nous sommes prés du tronc moins nous voyons le faîtage. Les racines resterons invisibles à tous les observateurs quelque soient leur distance au sujet ou à l’objet.

Le réel apparent est une affaire de point de vue et de situation de l’observateur en regard de l’objet. Face à l’apparence formant le réel restreint, l’initié « réalisera » le sujet observé « en lui », assimilant tous les points de vue extérieurs et intérieurs. Cette aptitude donne la vision de ce qui est vrai, analogiquement apparenté, probable et caché. La réalisation de l’image d’un réel projeté « en soi »[18] amorce une infinité de "possibles" qui posent le problème de l’interprétation de l’image[19] et l’apprentissage d’un langage adapté qui tend vers l’essence.

Face au signifiant matériel du signe, il faut aller chercher le signifié essentiel.[20] On peut admettre qu’une partie du réel n’est pas de prime-abord visible.

c/ La représentation mentale des réalités : du possible au réel.

La troisième condition porte sur l’apprentissage de la représentation de la réalité élargie.

Chacun peut avoir sa propre représentation du réel manifesté, mais une formation traditionnelle aux symboles, mythes et archétypes permet d’unifier la vision, de la rendre claire dans son expression intérieure.

Cette pédagogie permet en définitive de traverser les différents plans superposés des différents grades maçonniques. Ces plans sont représentés par les tableaux de loge qui seront incorporés comme éléments de langage dans le monde de l’apprenti, du compagnon et enfin du maître. Ces mondes sont des « possibles » graduels que l’initié va parcourir dans sa vie maçonnique. On est bien d’accord pour considérer que ces traversées sont à la fois réelles et symboliques. Réelles, car réellement vécues comme expériences initiatiques par l’initié et symboliques, car ouvrant le champ des possibles par le truchement des analogies.

Le changement de grade et de tableau de loge est un possible qui se réalise à l’intérieur du franc-maçon par la voie intérieure agissant comme un miroir de la réalité extérieure. Donc la voie initiatique permet la réalisation « en soi » de ce qui était possible et non apparent. Notre sortie du cabinet de réflexion, les trois premiers pas, la mort à soi et la renaissance à la lumière sont bien des instants doublement vécus « en soi », « incorporant » une réalité. Nous sommes bien dans ce cas en présence d’une réalité vécue de nature augmentée, car rendant apparent un possible par la voie extérieure et la voie intérieure.

C’est ici que le poète, l’esprit romantique et l’artiste se distinguent de l’initié. Le poète ressent et reçoit l’image visible et invisible par le filtre du sensible lié à certains « états d’âme » alors que l’initié reçoit l’image visible et invisible par le filtre du langage symbolique et un certain « état d’esprit » lié à une vision globale. C’est cette vision qui nécessite de remettre dans un même axe l’état corporel, l’état d’âme et l’état d’esprit. À l’alignement par l’âme du poète, répond l’alignement par l’esprit du sage.

Il y a donc une étape à franchir, celle de la représentation mentale de l’objet ou signe observé non plus au niveau de l’affect, mais au niveau de l’esprit. Le signifiant (représentation mentale de la forme) est vu en 3 temps : 1/ l’objet ou le signe concret pour son apparence, 2/ puis le schéma symbolique qu’il porte en lui. 3/ et enfin le sens supérieur qu’on veut lui donner en regard de l’Être ou du Principe. D’une représentation mentale objective, on passe à une représentation mentale qui dépasse le concept[21] pour atteindre l’essence[22].

Cette étape est le point de bifurcation entre ceux qui ne voient que le réel manifesté dans son apparence et ceux qui l’envisagent dans une totalité intégrant le domaine non manifesté. C’est le champ des possibles[23] qui s’ouvre devant nous grace à la reliance. Ce possible peut se réaliser et devenir apparent si on détient le langage et la vision pour le faire éclore, c’est l’objet de la pratique initiatique graduelle du franc-maçon. Ce système est aussi opérant en matière scientifique.

Un réel peut donc générer plusieurs réalités qui se définissent et s’associent à l’aune de la sensibilité de l’homme en regard de son environnement et de son apprentissage. Ces réalités élargies, « sensibles » générées par l’objet observé ou la situation sont des possibles.

Ces possibles ne sont pas tous manifestés, mais l’apparence manifestée résulte de l’extériorisation d’un possible. Une forme apparente est donc polysémique en fonction de l’état d’âme ou de l’état d’esprit et du vocabulaire analogique et symbolique de chacun. Nous comprenons que la vision d'un "réel élargi" dépend de la connaissance des clefs symboliques de la représentation mentale et du langage. C’est la connaissance intime de ces clefs issues des anciennes sagesses qui permettra d’intérioriser le réel et ainsi d’exceller dans la perception des problèmes éthiques et sociétaux, mais aussi métaphysiques. C’est l’apprentissage du symbole qui donne à la fois accès aux idéaux et utopies humaines, mais aussi aux valeurs principielles et ontologiques.

Le franc-maçon pour appréhender le réel dans tous ses possibles, ne peut donc faire l’économie de l’apprentissage des symboles, de la géométrie, de l’analogie, de la synthèse, de l’exégèse, de l’herméneutique et de l’anagogie, de l’alchimie spirituelle et autres sciences traditionnelles (et de leurs langages) qui élargissent le domaine du réel « apparent » et substantiel, en direction du « sensible » du subtil et de l’essence.

d/ Du réel invisible au Principe :

La quatrième condition suppose une remontée analogique et symbolique vers le principe. Le signifiant se dédouble en signifiant symbolique qui donne le signifié ontologique ou principiel.

L’apparence est ce qui apparaît « extérieurement », c’est donc qu’il existe une dimension intérieure[24] qui permet de ressentir (sensible) ce qui n’est pas substance (essence). Le réel porte en lui un exotérisme et un ésotérisme. L’apparence ne relate pas la totalité du réel. Nous pourrions dire que dans la voie initiatique, l’apparent se « dédouble » en non apparent par le biais de la traduction symbolique.

Donc la réalité a deux versants : le visible et l’invisible. Le réel ne serait que la partie visible du non manifesté. C’est au nom de l’invisible, mais néanmoins réel que l’initié démarre sa quête d’une vision profonde qui le conduira à la vision du non manifesté et du principiel.

Poursuivons nos investigations sur la profondeur du réel. L’arbre se situe entre ciel et terre comme un trait d’union entre ce qui est en haut et ce qui est en bas.

L’arbre se nourrit tout autant du ciel que de la terre. Partant de ce constat bien réel, notre vision se porte sur les potentialités lumineuses qui « tombées du ciel » animent la vie sur terre et en conséquence l’arbre nous conduit dans un symbolisme lumineux et axial puis ontologique, voir cosmologique. C’est toute la chaîne des causalités successives qui peut ainsi se remonter jusqu'à l’origine principielle[25] du réel. Le réel et sa réalité apparaissent alors comme une forme visible et donc « manifestée » subséquente parmi d’autres potentialités non manifestées, ou non visibles. Nous pourrions tenir le même raisonnement avec les outils-symboles présents en loge (Niveau, perpendiculaire, maillet-ciseau, équerre-compas, ou avec le dispositif général de la loge et ses meubles, etc. Ils disposent tous d’une clef axiale).

Rappelons que la lumière venue de l’Orient est principielle et à ce titre venu d’en haut. C’est cette lumière qui vient éclairer la réalité apparente et déjà symbolique de la loge. Cet éclairage est d’une autre dimension lorsque les colonnettes Sagesse Force et Beauté sont « allumées » : elles éclairent une autre réalité plus étendue.

C’est autour de ce versant du réel « invisible » et surplombant que les grands progrès de la science se font et que le symbolisme et l’analogie se développent. L’homme est capable de représentation mentale du réel et de mise en perspective de celui-ci dans des mondes non visibles, mais qui sont aussi réels que sensibles ou subtils. Le réel et son observateur restent ainsi reliés à une relation de causes et d’effets dont le sommet ou l’origine réside dans une lumière initiale ou dans une puissance surplombante qui se décline en autorité surplombante.

Le Grand Architecte de l’Univers (ou des Mondes suivant les rites) fait fonction d’autorité surplombante détenant les plans de la construction du Temple et donc l’image construite née du « Principe » créateur. En gravissant la chaîne des causalités et des grades par le biais de l’analogie, le franc-maçon remonte[26] progressivement vers le Principe.

Cette remontée vers le Principe est favorisée par la reliance[27] à plus haut qui anime la voie initiatique.

e/ Une vision intégrale et globale du réel

La cinquième condition est d’intégrer et d’incorporer l’invisible sensible ou subtil et l’intuition de l’être. Cette démarche d’absorption ne doit pas nous faire tomber dans l’illusion en niant l’importance de l’expérience vécue en loge et l’importance du phénomène et de la phénoménologie liée à la théâtralisation du rituel et à son heuristique[28]. La dimension « théurgique » du rituel favorise souvent ce développement de la vision.

De ce qui précède nous concluons que la vision de l’initié n’est pas seulement une vision globale, mais aussi une vision qui « intègre » et « incorpore » en lui l’invisible sensible et subtil « vécu » comme une expérience. L’initié est témoin de l’intégralité d’une vision. La conséquence de cette intégration-incorporation, est de rendre opérant le visible et le non visible en soi, c’est la phase ultime de la réalisation.

L’initié en loge, vit et relate dans sa vision, la terre, le ciel, l’apparent et le caché, le plan terrestre dans le plan céleste, la loi des cycles, etc. Outre la dimension manifestée, il incorpore en lui la dimension des possibles et s’oblige à en rechercher la cause.

C’est une dimension de la vision de « midi à minuit », qui n’est ni romantique ni productiviste : c’est une vision que l’on veut globale qui va du zénith au nadir, réaliste traditionnelle et globale. La vision du réel par le franc-maçon reste réaliste parce quelle se fonde sur la réalité intégrée, incorporée et sédimentée depuis la nuit des temps. Cette réalité, on veut la garder en mémoire et la transmettre en lui donnant une profondeur particulière. C’est cette cause « traditionnelle » incluse dans le Devoir de mémoire qu’entretient le franc-maçon[29].

Le réel élargi s’inscrit dans un réel toujours plus fort et plus vrai que la simple apparence, il ne peut être réduit à une simple écorce[30]. C’est le registre des possibles qui fait naître l’universel. C’est ainsi que les catéchismes des grades qui sont le témoignage d’une certaine mémoire ont deux aspects, l’un apparent et discursif, et l’autre réservé et intérieur qui demande à être découvert.

f/ La méthode maçonnique de réinitialisation du réel par le langage et l’image.

La sixième condition repose sur la mise en pratique des moyens permettant de découvrir cette réalité augmentée. Les moyens mis en œuvre sont relatifs à la notion de reliance à plus haut, en pratiquant la discipline de la réinitialisation du langage et de l’image.

L’initié ne joue qu’un rôle de lecteur interprète. Ce qu’il voit, en plus du commun extérieur, doit relever de la permanence qu’il réalise en lui. C’est par analogie et par le jeu des symboles et les lois de correspondances que la vision s’exerce à dépasser l’apparence souvent trompeuse et réductrice dans un seul niveau. Il faut donc passer les niveaux supérieurs. La proximité de la dimension mythique et divine est à intégrer dans notre vision comme éléments autonomes et significatifs de la conscience humaine. Ainsi l’initié incorpore une réalité globale, voire sacrée qui lui était autrefois étrangère. La transcendance liée au sacré permet d’échapper à la dialectique d’un réel limité.

Jamais la vision symbolique ni l’analogie ne s’éloignent du réel. Le point d’appui d’une image symbolique est la réalité « manifestée » de l’objet, du sujet ou de la situation. Néanmoins tous ses éléments objectifs vont s’affirmer dans une relation d’apparentement des signifiés et des signifiants, suivant les lois de l’analogie. L’analogie « axiale » va mettre en perspective l’objet le sujet ou la situation en fonction d’un modèle caché, mais considéré comme universel. C’est ainsi que les mythes, les légendes, les clefs symboliques et les archétypes vont structurer une causalité du réel, reliant ce réel contingent à une réalité originelle souvent de nature transcendante.

Les images archétypales sont à la disposition des cherchants dans une immense bibliothèque ancestrale commune à tous les hommes. C’est une mémoire universelle, soit le strict équivalent de la conscience universelle. C’est donc par le Devoir de mémoire et l’usage des moyens traditionnels de la reliance que le franc-maçon prône le centre de l’union. Elles sont des témoins d’une réalité qui perdure dans les relations entre le l’homme et la nature ou entre l’homme et ses semblables depuis toujours. Elles structurent le réel de façon permanente de même que les clefs symboliques et les mythes. Les images archétypales, les symboles et les mythes sont des éléments stables, continus et unifiants dans un monde contingent. Il faut donc rechercher la permanence dans l’impermanence d’un monde apparent, c’est le meilleur moyen d’entrer dans cette vision élargie du réel

Déjà le langage, et particulièrement celui des francs-maçons, nous fait pressentir cet accès possible par les divers sens qu’on accorde au mot, seulement un seul sens domine dans une situation donnée, mais les autres sens sont sous-jacents comme des rivières souterraines. L’image est symbole potentiel, dès lors qu’on l’intériorise par représentation mentale, ceci confirme la potentialité polysémique du réel. S’élabore alors un langage adapté à l’expression de cette « réalité augmentée » qui n’appartient pas à l’individu discursif prisonnier de la raison dialectique, un langage qui ne se satisfait pas du verbe commun parfois trop limité pour exprimer cette réalité ouverte. Ce sera un nouveau langage fait de silences, un langage non verbal et plus englobant qui viendra appuyer cette réalité profonde. Ce langage appartient à l’histoire de l’humanité et à la naissance de la conscience universelle.

Le travail d’apprentissage consistera à étirer le réel jusqu'à dépasser l’apparence et entrer de plain-pied dans le symbole. Le symbole est le passeport qui permet le franchissement de la contingence et de l’impermanence pour atteindre le permanent et le principiel.

La méthode[31] repose sur la communication et donc sur l’incorporation « à soi » de l’image symbolique, dans le but d’une réalisation « en soi » du symbole par projection mentale. Pour le mot verbalisé, ce sont les épellations qui réalisent « en soi » le sens caché (notamment par le silence interlettré). Pour le geste-signe qui est un langage non verbal, c’est le mime, l’imitation qui donne la profondeur de son vécu intime et incorpore le sens. C’est ainsi que la méthode maçonnique permet de « réaliser en soi », de représenter le sens et l’essence en notre for intérieur. Ainsi ce qui n’est pas apparent ou ce qui est absent est « incorporé » par représentation mentale.

L’initiation donne une vision progressive et universelle à partir d’éléments relevant d’un réel aux apparences limitées. L’initié, par la lumière qu’il est supposé recevoir lors de son initiation, ne peut se limiter à une vision étriquée. La vision personnelle de soi est un moyen pour faire apparaître une dimension supérieure. C’est alors qu’apparaît la notion d’Être qui loin d’être une notion purement individuelle se rapproche d’une dimension totalisante.

g/ Un métalangage :

La septième condition est de pratiquer et vivre le langage « séparé » en un lieu « séparé », le métalangage de l’unité. Ce langage initiatique qui découle de la vision initiatique, réuni les cherchants dans un lieu représentant la « connaissance »[32] à savoir la loge ou le temple maçonnique.

Si le réel est universel et non limité à l’apparence de sa manifestation et de ses phénomènes, il doit alors s’exprimer par un langage qui rend compte de son étendue et de son rattachement au Principe. Ce langage symbolique et souvent non verbal, est nullement engagé dans la voie religieuse, mais est, et restera « relié » à l’idée principielle. C’est la démarche intentionnelle de reliance de l’initié[33].

Ce rattachement ontologique emporte le langage dans le domaine du sacré qui ménage a l’intérieur de l’espace réel, mais « séparé » du profane, un « non-espace » dans un « non-temps » plus à même à rendre compte de la permanence du principe. Cet espace est le Temple ou la Loge. Le principe y brille et rayonne, mais est absent au plan concret il est présent dans un réel invisible : la dichotomie Présence-absence fonde la base du métalangage et la réalité élargie.

Dans le cadre particulier du sacré qui est « un sacré–réel [34]», le réel discursif et apparent devrait disparaître pour une mise en scène visible de ce qui est invisible. Précisons toutefois que l’invisible sera invoqué et mimé, par un langage verbal et non verbal de reliance. La scène sacrée est aussi réelle que la scène profane, elle est vécue et ressentie, mais en éliminant le temporel, elle installe l’intemporel associé à la lumière de l’initiation. Une reliance[35] se crée par cette mise en scène séparée du profane, et permet à chacun d’être participant l’espace d’un instant du Principe. La reliance permet la continuité de la relation de cause à effet, mais aussi la « réalisation » en soi du principe qui fait écho à la « réalisation » en soi du monde apparent et non apparent. Cette double réalisation devient axiale, c’est l’homme qui fait le trait d’union entre la terre et le ciel, prenant la place du tronc de l’arbre qui nous a servi d’illustration pour définir la vision de l’apparent et du non apparent dans le réel. Cette substitution de l’homme au tronc de l’arbre[36] illustre parfaitement la transparence de la méthode initiatique qui intègre les possibles dans le réel.

Cette réalisation en-soi d’un espace de reliance séparé du profane implique un nouveau langage, comme dans le cas de la légende d’Hiram.

En franc-maçonnerie la base du langage initiatique s’élabore sur le voile de fond du silence que l’on impose à l’apprenti, par l’abandon symbolique des métaux et la séparation du tumulte profane. Ce retour à l’origine, c’est la page vierge qui permet le réapprentissage élémentaire du langage loin des bruits parasites. Émergent alors les premières lettres qu’on ne peut qu’épeler à deux, en miroir. Mais avant d’entamer le processus acquisitif du langage verbal, on donne à l’apprenti la dimension du langage non verbal fait de signes (les lettres sont d’abord des signes) de gestes et de postures. Les signes, gestes et postures son adressés à la communauté de la loge comme langage non verbal fédérateur, car commun, partagé, signifiant et intemporel.

Ce langage non verbal dépasse ce simple apprentissage et permet d'accéder à la notion de réalité élargie. Il vient enrichir et conforter le langage symbolique qui permet l'analogie, en enclenchant un processus sensible « d’incorporation ». Le processus de métamorphose du regard suit le même parcours « d’incorporation ».

Le cas de la légende d’Hiram illustre par la parole perdue la découverte d’un langage plus élaboré fondé sur l’absence[37]. Le réel de la scène du meurtre d’Hiram exprime l’insuffisance du langage ordinaire pour un réel simple décrit par « mack-benah» pour accéder aux vérités supérieures de l’essence du mot (la chair quitte les os). Ces vérités supérieures sont exprimées par un métalangage de l’esprit qui marque la reliance au Principe. Donc la scène du crime et de la découverte du corps comme le mot prononcé ont deux versants, celui d’un réel basique et discursif, sans doute moralisateur, et un autre plus puissant et évidemment caché qui nous met sur la voie du langage principiel.



Le franc-maçon peut donc bénéficier d’une formation à la perception étendue de la réalité.

La vision de l’initié est d’abord une représentation mentale formulée suivant des clefs symboliques traditionnelles. Les niveaux de représentation mentale et de langage en franc-maçonnerie ne peuvent se détacher de la réalité, car l'initiation est une mise en pratique des lois du langage, des images et symboles fondés sur la vision du réel, sur l'altérité et la reliance à plus haut.

L'initiation étant un apprentissage de la vision élevée, devient par ce fait une "orthopraxie" des niveaux de langages et de représentation du réel dans des mondes graduels. Le but et la fonction de cette vision élevée et progressive sont de dépasser la simple description, pour relater une perception élargie et approfondie de la réalité intégrant l’observateur et l’universel.

La réalité vécue du franc-maçon est aussi une réalité de l’absence, une réalité augmentée du sensible non visible, du subtil, de l’essence, et du silence.

Nous pouvons affirmer que la voie initiatique, par la vision et le langage qu’elle procure, permet une extension du domaine du réel.

E.°. R.°. Conférence de Turin 12 mars 2016.

[1] Il est entendu que les francs-maçons utilisent ce langage commun, en mot ou signe de reconnaissance.

[2] Voir en ce sens RDM 5 « pourquoi rester en franc-maçonnerie ? Où il est question de la métamorphose du regard. Le monde sensible est le domaine des éléments corporels, soit le côté substantiel de la manifestation. Le « monde intelligible » est, pour Platon, le domaine des « idées » ou des « archétypes » qui sont effectivement les essences au sens propre de ce mot,

[3] Cette mobilisation de nos facultés n’est pas que culturelle, elle passe aussi par l’état de songe, par le lâcher-prise, par l’effacement de soi, afin de faire naître l’image, le sens ou la « présence » du tout autre en soi. L’échelle de Jacob est une bonne synthèse de ces facultés interprétatives de l’esprit humain qui donne au réel une dimension principielle étayée par la rétractation de la conscience discursive, et l’affirmation de la conscience essentielle.

[4] L’intention initiatique favorise la lecture d’un réel élargi qui dépasse la simple apparence. Cette intention consiste à faire entrer la lumière dans la matière donnant ainsi au réel sa transparence.

[5] Voir notre article sur l’intention et la reliance dans RDM 10 Le secret initiatique: de la divulgation à la révélation, notion de reliance .

[6] Pour l’initié il ne s’agit pas de restaurer la période obscurantiste du monde d’avant la modernité, mais il est certain que l’initié veut par sa recherche retrouver cet âge d’or de l’humanité, ce paradis perdu, ce monde de l’harmonie universelle. La recherche de cette harmonie d’essence divine est marquée par l’allumage des feux de la manifestation initiale au moyen des colonnettes Sagesse Force et Beauté synonyme d’harmonie.

[7] Ce réel de surface donne un existentialisme sans autre relief que le phénomène perçu du seul point de vue individuel.

[8] Impliquant la nullité de tout raisonnement globalisant.

[9] Toute manifestation ne serait que la résultante de relation de cause à effet que l’on peut étudier d’un point de vue scientifique et métaphysique. La manifestation du réel tel qu’il nous apparaît ne serait qu’une possibilité parmi d’autres non manifestées.

[10] Le terme exister suppose que l’objet ou l’être en question sort littéralement du giron qui l’a généré. L’être qui existe procède d’une puissance génératrice qui ne procéderait que d’elle-même.

[11] Il s’agit du « Gnôthi seauton » socratique que l’on trouvait grave au fronton du temple de Delphes annonçant un regard intérieur sur soi pour y découvrir au sein même de l’homme le siège de l’Esprit. Cette découverte de l’esprit en l’homme annonce les premiers pas de l’humanisme et la singularité du rapport de l’homme au divin.

[12] Notons que la RAPMM utilise le triptyque Unité Continuité Stabilité comme devise qui correspondent aux idées éternelles de Platon.

[13] On retrouve ici la grande division entre les Petits Mystères et les Grands Mystères.

[14] On utilise de plus en plus la vision transversale qui permet de relier les secteurs de la science autrefois cloisonnés. En reliant les fractions des savoirs épars en une vision globale, on voit au-delà du système sectorisé, on perçoit alors une dimension cachée plus originelle, plus essentielle.

[15] Au RAPMM, lors de l’initiation est donnée au futur initié le breuvage de l’oubli représentatif du réel profane et contingent, puis à la fin des épreuves le breuvage de la mémoire des origines. Il est donc évident que toute initiation a vocation à retrouver la mémoire des origines.

[16] René Guénon, L’écorce et le noyau ; Le Voile d’Isis, mars 1931, p.145 – 150. « On pourra remarquer que le rôle des formes extérieures est en rapport avec le double sens du mot « révélation », puisqu’elles manifestent et voilent en même temps la doctrine essentielle, la vérité une, comme la parole le fait d’ailleurs inévitablement pour la pensée qu’elle exprime ; et ce qui est vrai de la parole, à cet égard, l’est aussi de toute autre expression formelle ».

[17] Dans le Timée (28a) de Platon on peut lire : « Sans l'intervention d'une cause, rien ne peut être engendré » ce qui nous renvoi à la cause première celle de la manifestation du monde et de la vie accompagnés par la naissance de l’espace et du temps. L’expression maçonnique ordo ab chaos participe de la connaissance de cette notion.

[18] Sur la différence entre l’en soi et l’à soi lire notre article dans RDM 10

[19] Pour interpréter le réel et en voir les éléments cachés, les hermétistes utilisaient un jeu de miroir et la notion de « reflet ». Voir notre étude en RDM 10.

[20] Le signifié désigne la représentation mentale du concept associé au signe, tandis que le signifiant désigne la représentation mentale de la forme via l’image sonore du mot qui représente la chose et de l'aspect matériel du signe. Le signe et sa reconnaissance font partie de l’apprentissage dans la méthode maçonnique. Voir Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot,‎ 1972,

[21] Un concept est une idée abstraite, donc séparée de la réalité d'une chose, d'une situation, d'un phénomène. Ce n’est pas ce que l’initié recherche dans sa vision profonde du réel.

[22] Nous reprenons la corrélation guénonienne entre essence et substance « le végétal est pour ainsi dire la « mère » du fruit qui sort de lui et qu’il nourrit de sa substance, mais qui ne se développe et mûrit que sous l’influence vivifiante du soleil, lequel en est ainsi en quelque sorte le « père » ; et par suite, le fruit lui-même s’assimile symboliquement au soleil par « coessentialité », (Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, page 29, René Guénon, éd. Gallimard). Cette corrélation souligne un double étagement éthique et métaphysique de l’essence, c'est-à-dire une représentation de l’essence dans sa version éthique, celle des Petits Mystères bien connus des francs-maçons et relatifs à l’étoile à cinq branches du compagnon (ici le fruit dans l’ordre terrestre), mais aussi celle de l’étage métaphysique, celle des Grands Mystères relatifs à l’étoile à six branches des Maîtres (ici le soleil dans l’ordre céleste).

[23] Le champ du possible est toujours plus large que celui du réel apparent. Ce qui peut-être est par définition plus vaste que ce qui est déjà apparu ou manifesté. Les possibles non manifestés sont infinis et participent de l’ordonnancement du réel élargi, ou de la réalité augmentée.

[24] Cette dimension est intérieure à l’objet observé comme intérieur à soi.

[25] Comprendre le Principe comme l’origine de la chaîne des causalités, Voir René Guénon Le Règne de la quantité et le signe des temps (1945)

[26] L’analogie permet de passer d’un monde à l’autre. La chaîne des causalités implique parfois la superposition des mondes. Notons que la remontée fait sans doute suite à une chute.

[27] Nous avons développé le concept de reliance à plus haut comme une condition préalable du symbolisme axial et de la spiritualité construite des trois premiers degrés de la franc-maçonnerie. Cette reliance suppose une autorité surplombante incarnée par le GADLU, un religare doublé d’un tradere.

[28] L’heuristique consiste ici en une réinvention de la manière de regarder un monde qui dépasse l’apparence.

[29] Les statuts de Schaw de 1598 faisaient obligation aux loges Écossaises de maintenir le devoir de mémoire ancestral, qui permettait de passer du savoir-faire au savoir-être.

[30] L’écorce sur la périphérie fait obstacle à la vision du centre qui est le noyau. Il n’y aurait pas d’écorce s’il n’y avait à l’origine le noyau. Le même raisonnement peut être tenu pour le cercle et son point originaire. Voir en ce sens : René Guénon, L’écorce et le noyau : Le Voile d’Isis, mars 1931, p.145 – 150.

[31] Cette méthode ne concerne que les rites qui ont conservé la mise en pratique des symboles, des mots de passe et mots sacrés, ainsi que les légendes et les catéchismes de grade.

[32] « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre » a pour corollaire « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux »

[33] Un initié qui fait le vide en lui voit ce vide se remplir de lumière. L’intention lumineuse c’est avoir la vue pleinement consciente d’une totalité. Le vide se remplit de lumière.

[34] Voir notre étude en RDM 10

[35] Sur la « reliance » en matière initiatique, voir notre étude parue dans la Revue du Maçon n°10

[36] On parlera alors de l’arbre de vie maçonnique dont la loge maçonnique serait à son tour une illustration, rendant apparent un possible symbolique.

[37] Il s’agit du métalangage, voir notre étude parue dans la Revue du Maçon n° 10 « Parole perdue clefs de lectures et perspectives » et les notions de sacré-réel et de sacré-divin.

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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 00:01

Les références au sacré sont omniprésentes dans notre société moderne ce qui tend à prouver que les progrès de la science et la sécularisation de l’église n’ont pas fait renoncer au sacré sans doute parce que c’est dénominateur commun aux hommes en tous lieux et de tous temps et qu’il est capable tantôt de le sublimer tantôt de le pousser aux pires exactions….

Cette opposition dans les comportements humains en présence du sacré apparait tant dans l’étymologie du mot sacré que dans les façons de le définir par oppositions, notamment par l’utilisation du mot profane.

Il me serait difficile dans ce travail d’évoquer de façon exhaustive tout ce à quoi renvoie le « sacré », aussi me bornerai-je dans une première partie à exposer pourquoi le sacré peut se définir comme un invariant universel c'est-à-dire un archétype ; dans une seconde partie j’évoquerai la façon dont s’exprime le sacré et ses fonctions ; enfin j’aborderai la question du sacré en franc-maçonnerie et tenterai d’expliquer en quoi il est vecteur de progression personnelle par l’expression d’une sacralité adogmatique telle qu’elle est vécue dans la maçonnerie libérale pratiquée au REP.

  • En quoi le sacré est il un archétype ? Comment le définir ?

L’archétype est défini par Jung comme la tendance humaine à utiliser une même « forme de représentation donnée a priori » renfermant un thème universel structurant la psyché et commun à toutes les cultures mais figuré sous des formes symboliques diverses. Il est l’union d’un symbole et d’une émotion et véhicule donc une puissante charge émotionnelle, que Jung nomme «numen» (la puissance divine en latin) qui « met le sujet dans un état de saisissement » et que l’on retrouve notamment lorsqu’on est en présence du « tout autre » qui peut qualifier la manifestation du « sacré ».

Le mot « numineux » a été inventé par Rudolf OTTO dans son livre « le Sacré » et désigne ce qui vient d’ailleurs et qui donne à un individu un sentiment d’être dépendant à l’égard d’un « tout autre » ; c’est un mélange paradoxal de fascination et d’effroi qui saisit un individu face à l’irruption du sacré dans sa vie.

Il est néanmoins difficile de comprendre et de définir le sacré tant ses manifestations sont liées à des particularités culturelles et temporelles ou, dans ses formes primitives, à l’expression des forces inexpliquées de la nature. Il en est pour preuve l’innombrable quantité de lieux considérés comme sacrés dans le monde.

Cependant une caractéristique universelle du sacré se retrouve dès le début de l’humanité, il y a environ 100000 ans à travers les premières sépultures que l’on retrouve tant sur les sites occupés par Neandertal que sur ceux ensuite habités par Homo Sapiens mais sans qu’il soit possible aujourd’hui, en dépit de traces certaines de rites funéraires, d’évoquer un sentiment religieux tel qu’on peut le définir aujourd’hui.

Ces rites funéraires radicalement différents selon les cultures ou les époques montrent bien que le rapport de l’homme à la mort est aussi fort que son rapport à la vie. On peut l’interpréter comme un signe de la sacralisation de la vie bien au-delà de la mort comme en témoigne le culte des ancêtres. Par ailleurs, la profanation des lieux de sépultures est universellement condamnée comme si ces lieux de « non-vie » étaient considérés comme sacrés ce qui confirme le caractère sacré de la vie au-delà de la mort.

Pour Camille TAROT, spécialiste de la sociologie des religions, le concept de sacré est constitutif de la condition humaine à savoir « une catégorie universelle de toute conscience humaine au regard de sa condition de mortel » ce qui rejoint la définition même de l’archétype précédemment évoqué…

Cependant, dire que le sacré est un archétype n’en donne pas pour autant une définition précise.

Souvent confondu avec le religieux qui associe le sacré à la divinité il ne peut se réduire à cette seule dimension.

En effet une approche anthropologique permet de le définir comme ce qui permet à une société d’opérer une « séparation axiologique » entre les éléments qui composent et représentent son monde. Cette séparation concerne tant des objets que des espaces, des actes ou des valeurs dont l’origine traditionnelle peut être mythologique, religieuse voire idéologique c'est-à-dire non religieuse. Cette approche permet d’appréhender le sacré comme ce qui est mis en dehors des choses ordinaires et communes. Il représente ce qui est inaccessible, hors du monde mais aussi ce qui relie à un groupe et s’oppose au profane.

L’étymologie du mot sacré permet de mettre en évidence cette dualité :

Les origines hébraïques :

Ce que l’on traduit en français par les mots « sacré » et « saint » vient du mot hébreu « qadosh » qui est basé sur l’idée de séparation et de la mise à part du peuple d’Israël. L’ancien testament explicite ces notions de sainteté et de séparation : le lieu où se tient Moise lorsque Dieu se manifeste est «saint », et Dieu s’adresse à lui en disant : « Sépare la montagne et sanctifie-la »

Cette séparation, à l’origine de la sanctification, peut aussi s’appliquer aux hommes : Dieu dit au peuple élu : « Vous serez saints pour moi, car je suis saint, moi, le Seigneur votre Dieu, qui vous ai séparés des nations, afin que vous soyez à moi ». Enfin, toujours dans le livre du Lévitique, Dieu commande aux prêtres de « faire séparation entre les choses saintes et les choses profanes, entres les impures et les pures ». Ce partage entre le pur et l'impur a une dimension symbolique importante puisque les interdits édictés pour éviter tout contact entre le pur et l'impur peuvent se comprendre comme le moyen de préserver la création et la société d'un retour à l'indifférenciation du chaos primitif.

En grec le mot « hagios » désigne la perfection, la sainteté et la pureté mais aussi ce qui est défendu, ce avec quoi on ne doit pas avoir de contact.

Le mot "hiéros" est utilisé dans un premier sens comme admirable, puissant. Le second, est sacré, au sens de divin ou d'origine divine. Enfin le troisième sens est le rite, et désigne à la fois les entrailles des victimes offertes, les augures ou les présages.

Enfin ce qui est ordonné ou autorisé par les dieux est "hosios" qui correspond au "saint", le profane étant "athéos », irrévérent.

En latin :

Le sens de « sacer » en latin est la séparation. Ainsi selon Émile Benveniste dans le Vocabulaire des institutions indo-européennes, "C'est en latin que se manifeste le mieux la division entre le profane et le sacré; c'est aussi en latin que l'on découvre le caractère ambigu du "sacré": consacré aux dieux et chargé d'une souillure ineffaçable, auguste et maudit, digne de vénération et suscitant l'horreur ».

En effet, « sacer » a la double signification de « rendre sacré » et de « mettre à mort », alors que le mot « sanctum » définit ce qui est protégé de toute atteinte, défendu par une limite ou un obstacle et isolé de tout contact. Mais le mot « sanctus » peut prendre aussi un sens positif en désignant tout ce qui fait l’objet d’une faveur divine comme les morts, les héros, les poètes…

Le sacré, en latin, c'est ce qui appartient au domaine des dieux et il s'oppose à « profanus » qui désigne ce que l’on a retiré du temple, ce que l'on a rendu à l'usage humain mais aussi l’ignorant par rapport à l’expert ou le non-initié par rapport à l’initié…

Ce qui constitue l’archétype c’est son caractère universel. Loin de nos sociétés judéo chrétiennes se sont développées au même moment, dans toutes les cultures, les notions de sacré et de profane, la distinction entre le pur et l’impur que l’on retrouve par exemple en Polynésie dans le concept de tabou qui désigne « ce que les profanes ne peuvent toucher sans commettre un sacrilège »

  • Les expressions et les fonctions du sacré

Dans ce qui précède nous avons mis en lumière que la caractéristique du sacré était de séparer, de garder à part en état de pureté, de mettre en relation avec le « tout autre » ou avec le Divin.

Il me paraît intéressant de comprendre comment s’opère cette séparation, d’en comprendre les mécanismes, à savoir, définir comment s’exprime le sacré dans un premier temps afin de tenter, ensuite, d’en appréhender le but, c'est-à-dire les fonctions du sacré.

  1. L’expression du sacré :

Le sacré se manifeste dans des lieux :

Mircea Eliade comme Claude Levy Strauss ont démontré que le besoin naturel de sacré s’est manifesté d’abord par la sacralisation des lieux nonobstant toute idée religieuse dans l’acception contemporaine du terme. Ainsi à Stonehenge il y avait du sacré mais pas de religion. Le visiteur d’un lieu sacré antique se sent envahi par ce que Eliade qualifie de hiérophanie, littéralement la manifestation du sacré, et qui permet de penser que le sacré non seulement précède le religieux mais aussi lui survit…

Pour les religieux c'est Dieu qui a l'initiative de rendre sacrés les lieux pour permettre la rencontre de l'homme avec lui : la séparation nécessaire des choses sacrées n'est donc pas une finalité, mais le moyen de la rencontre entre Dieu et l'homme : la séparation devient alors consécration à Dieu.

Le sacré s’incarne dans des êtres :

L’homme se trouvant face aux forces inexplicables de la nature, à la complexité du monde et de ses origines, tétanisé par le mystère de la vie et de la mort, s’est réfugié dans les superstitions, a adoré le soleil, la lune, le feu puis s’est créé des dieux. En même temps certains se sont investis d’un pouvoir de « relieurs » entre ces dieux et leurs semblables et ont édicté des règles incompréhensibles au commun des mortels, les non-initiés. Mais sous prétexte de dominer le surnaturel et de détenir un pouvoir, ils asservissaient les autres par des religions devenues des institutions gestionnaires du sacré par le pouvoir exclusif du dogme.

Le synode d'Arras en 1025 est éloquent à cet égard puisqu‘il avait affirmé que la peinture devait permettre aux illettrés –les non initiés- de connaître ce qu'ils ne pouvaient apprendre par les livres. La fonction de l'art devait enseigner l'ordre aux travers des terreurs de l'enfer et du respect de l'autorité divine : Le pouvoir est donc particulièrement lié avec le sacré.

Ainsi pendant des siècles pour assoir son autorité le détenteur du pouvoir était censé descendre d’un Dieu à travers des filiations mythiques, sorte de réactualisation du culte des ancêtres des sociétés archaïques.

En France, au moyen âge, le souverain était réputé guérir des écrouelles par simple contact, donnant au pouvoir une essence divine et accréditant dans l’esprit du peuple, qu’ayant reçu l’onction, le roi devenait thaumaturge.

Cet exemple met en exergue le rapport ambivalent entre le religieux, le pouvoir et le politique, rapport à la fois conflictuel et incestueux que même l’établissement de la République n’a pas su totalement effacer. En effet les révolutionnaires, en essayant de substituer aux fêtes religieuses les fêtes républicaines, comme la fête de la nature ou la fête de l’Etre Suprême n’ont créé en réalité que des formes affadies du sacré…

Le sacré s’exprime dans des rites :

Le mot rite, du latin « ritus », se définit, selon le Larousse, comme « une action accomplie conformément à des règles et faisant partie du cérémonial ». Le mot grec qui lui correspond est « thesmos » qui se traduit par « j’établis ». Il est donc ce qui pose et ce qui instaure par la répétition un Ordre « ici et maintenant » mais en relation avec « ce qui a été » et « ce qui sera » ce qui le rend transcendant à l’espace et au temps et ouvre à l’immuable et à l’intemporel. Par lui l’homme entre en relation avec ce qui le dépasse c'est-à-dire avec le sacré.

Le rite permet donc de créer les conditions de contact et de va et vient entre le sacré et le profane contrairement aux interdits qui assurent la séparation habituelle entre ces deux mondes. Pour ce faire il se met œuvre dans un espace séparé, définit comme le « centre du monde », et dans une temporalité distincte du temps normal, par référence au Grand Temps Mythique (le « illo tempore » de Mircéa Eliade).

Le rite permet à l’individu de s’introduire dans la zone du sacré et d’entrer en communication avec le divin en reproduisant un geste divin primordial et fondateur. Il est une action codifiée par la tradition qui règle les rapports de l'homme avec la divinité.

Ainsi le rite du sacrifice, littéralement « faire du sacré », en prenant une victime animale ou une offrande végétale, pour l'offrir à une divinité est précédé de rites d'introduction dans la zone du sacré et il est suivi de rites de purification qui permettent à celui qui a offert le sacrifice de réintégrer la communauté humaine dont il a été le porte-parole.

Enfin la prière est un autre mode de communication entre l'homme et la divinité. De toutes les actions rituelles c’est la plus communément répandue car les intentions qui la motivent sont extrêmement variées.

Le sacré et les mythes :

Les religions se caractérisent par leur doctrine et leurs dogmes. Les mythes, sujets d’étude des anthropologues, précédent les doctrines ; ce sont des récits imagés et fondateurs, des croyances en un surnaturel exprimées la plupart du temps au travers de métaphores.

Si le mot « mythe » désigne aujourd’hui une illusion ou l’image idéalisée d’une personne ou d’un événement, son étymologie « muthos » rappelle qu’il désignait un énoncé considéré comme vrai.

L’empire chrétien romain puis l’église médiévale combattront le mythe considéré comme l’inverse du dogme, et assimilé aux croyances des barbares et des païens. C’est au XVIII° siècle que ce terme sera réhabilité comme « expression de l’âme des peuples primitifs », comme renfermant une expérience mystique de la Nature.

Pour Roger Caillois (Le Mythe et l’Homme), « le mythe serait une sorte de mémoire collective inconsciente, permettant d’expliquer et d’affronter les incidents et les drames de la vie (…) [il] serait donc le produit de l’inconscient humain ».

Qu’il soit cosmogonique, c’est à dire expliquant la création et la structure du monde ou bien de fondation, en justifiant un ordre des choses, le mythe donne un sens à l’ordre existant : il invite à se remémorer le passé tout en lui offrant une interprétation qui permet de donner un sens à son quotidien.

Le mythe est un langage pour expliquer le monde mais il transpose toujours le réel à un plan supérieur à celui de l'homme, au plan du monde et des origines. C'est par cette transposition « en ce temps-là », ou plutôt dans une transcendance qui échappe au temps et à la réalité des hommes qu’il participe à la mise relation avec le Sacré.

  1. Les fonctions du sacré :

Le sacré répond à la question fondamentale de la temporalité, de la vie et de la mort :

Pour le profane le temps s’écoule de la vie à la mort sans aucun retour possible en arrière. Le temps sacré n’obéit pas aux mêmes règles : par la force régénératrice du rituel il permet une réactualisation d’un événement passé qui s’inscrit dès lors dans une répétitivité ouvrant l’accès à l’éternité. C’est ce qui est à l’œuvre dans la liturgie catholique qui permet à chaque cérémonie de participer au dernier repas Christ. C’est ce qui opère aussi à l’occasion de chaque tenue maçonnique, lors de la cérémonie d’ouverture des travaux, qui réactualise le temps mythique de la genèse par le jaillissement de la lumière comme au premier matin du monde…

La découverte du temps sacré permet d’échapper au temps profane par la découverte de l’éternel recommencement qui nous relie à nos origines et abolit l’angoisse face à la mort.

Le va-et-vient entre profane et sacré à une fonction régénératrice :

Le phénomène du numineux, précédemment évoqué, montre que le sacré contient une énergie difficile à manier et que ses rapports avec le profane doivent être organisés par des rites qui définissent les conditions de va et vient d'un domaine à l'autre.


En ce sens on peut considérer que mélanger le profane et le sacré, « c'est contrevenir à l'ordre du monde, troubler l'ordonnancement du cosmos, retourner au chaos ». Pour y pouvoir les sociétés traditionnelles ont institué des interdits qui protègent cet ordre du monde. Cependant pour que cet équilibre subsiste il est nécessaire à certains moments de permettre la transgression de ces interdits, c’est la fonction de la fête, moment de défoulement collectif que l’on peut analyser comme un retour encadré au chaos primordial permettant un retour à un ordre du monde revigoré et régénéré.

Le sacré crée un centre :

Pour le profane l’espace est ressenti comme homogène et linéaire alors que celui qui est touché par le caractère sacré d’un lieu le perçoit comme qualitativement différent, imprégné de quelque chose d’extraordinaire et supérieur à lui. L’espace sacré apparait comme un point fixe autour duquel continue d’exister le flux du monde profane tel un point fixe au centre du chaos. Cela rejoint la vision du monde qui était celle des sociétés traditionnelles et qui opposait le cosmos, le territoire habité, au chaos, l’espace inconnu environnant. Se retrouver dans un espace sacré, permet de se sentir au centre du monde, dans « le nombril de la terre », dans l’axe du monde qui permet d’entrer en communion avec le divin.


Le Sacré est source de cohésion et de reliance :

Parce qu’il véhicule des mythes immémoriaux et des rites ancrés dans la mémoire collective, le sacré représente ce qui nous précède et ce qui nous succède, mais aussi ce qui nous rassemble et ce qui nous relie à un groupe et trouve sa cohérence dans la transmission et la tradition.

Pour Mircea Eliade le sacré est avant tout une expérience qui se traduit par un sentiment religieux au sens initial du terme, le « religare », à savoir ce qui relie les êtres et les choses et induit dans le comportement humain le respect absolu des altérités.

Ancré dans l’irrationnel et le traditionnel il revêt une force à la fois collective et subjective. « Subjective, elle est incontestable. Collective, elle est indéracinable. Le sacré acquiert alors le pouvoir d’interdire et celui d’obliger. C’est une forme d’autorité, mais une autorité qui nous échappe, car ses assises sont fondées en chacun de nous mais par d’autres que nous. »

Le sacré permet de dépasser le religieux :

En tant que manifestation du divin, le sacré est le plus souvent associé aux institutions religieuses puisque la fonction de toute religion est d'établir la relation entre l'homme – être limité et fini- et ce qui est investi de l'énergie divine –puissante et éternelle-, le sacré servant de médiateur entre le profane et le divin.

Pourtant dans une religion les rites régissent, d’une part l’organisation de la vie sociale et d'autre part, imposent les modes d'établissement d'une relation entre l'Homme et Dieu. Tout y est basé exclusivement sur la notion de Croyance alors que l’expérience du Sacré m’apparaît plutôt comme une manifestation du Divin à l’homme et sans lien obligatoire à une croyance religieuse. Dans ce sens il semble que le Sacré dépasse –sans le nier ou le minorer- le cadre du simple fait religieux.

  • Le sacré et la franc-maçonnerie

Le sacré, comme je l’ai évoqué, dépasse le simple fait religieux dans la mesure où il n’est pas forcément lié à la notion de croyance qui est LA condition pour intégrer un mouvement religieux quel qu’il soit. La Franc maçonnerie dans sa face dite libérale et adogmatique – en opposition avec sa face théiste- met en avant son esprit de tolérance et articule ses pratiques sur un sacré que l’on pourrait qualifier de non religieux voire laïque sans pour autant gommer toutes les influences spirituelles liées à l’environnement socioculturel dans lequel elle s’est développée.

La distinction entre le sacré et le profane est très présente dans la maçonnerie et ce dès le jour de l’initiation où l’impétrant passe du profane au sacré après avoir vécu une mort symbolique à la vie profane dans le cabinet de réflexion avant de renaitre comme initié et de découvrir la lumière.

De plus le temple est consacré à l’ouverture des travaux, séparé du monde profane et protégé par le Frère Terrible de toute irruption dans ce lieu dont la dimension sacrée se met en œuvre tant par le rituel que par les symboles qui ornent le temple. Cet espace sacré permet de relier ceux qui sont séparés et isolés du monde profane mais initiés à ces règles du sacré. En outre le temple maçonnique, à l’image de tous les édifices sacrés, est un lieu qui permet d’entrer en communication avec ce qui nous dépasse, le Principe, le GADLU et la porte que l’on franchit devient symbole de transition et de transformation.

Enfin, dans le Temple, comme dans tous lieux sacrés, nous sommes soumis à de nombreux interdits et obligations : port des décors, règles de déplacement, de prise de parole ou de silence. A notre totale liberté d'expression nous imposons un rigoureux respect de la forme.

La tenue maçonnique se vit dans un lieu sacralisé, le temple, et dans un temps volontairement détaché du temps profane puisque les travaux d’y déroulent symboliquement « de midi à minuit ». C’est dans ce temps sacré que se réactualise à chaque tenue le mythe de la création du monde, le « fiat lux » de la genèse que chaque F:. est appelé à revivre par l’illumination progressive du temple.

Pour accéder au sacré d’autres mythes sont mis en œuvre en Franc Maçonnerie :

  • celui de la reconstruction du Temple de l’Humanité par la construction de son temple intérieur permet de répondre à la quête du sens de l’existence ;
  • Le mythe de l’harmonie universelle issue de la complémentarité des contraires, la « coïncidencia oppositorum » qui exprime « la réalité paradoxale de la divinité, et devient de ce fait un modèle mythique à toute recherche d’unification de l’être » (Eliade) se trouve symbolisé dans le temple par le pavé mosaïque ;
  • celui enfin d’Hiram qui a préféré mourir et donc se sacrifier -littéralement faire du sacré- plutôt que de révéler le Secret dont le caractère est Sacré.

Notons à ce propos le lien étymologique qui existe entre le secret – du verbe latin « secernere » signifiant séparer, mettre à part, délier - et le sacré et qui trouve toute sa résonnance dans le cœur des maçons libéraux puisqu’il réunit deux concepts opposés, la déliance par rapport au monde profane et la reliance entre les initiés…

Ajoutons enfin que ce secret passe par le silence dans le rituel maçonnique, particulièrement au grade d’apprenti, car il permet une introspection, une découverte de soi, une reliance à soi permettant de construire son temple intérieur. Pour Eri:. Rom:., notre G:. M :, le silence « permet la mise en relief de l’invisible et de l’inapparent (…) et par son exercice « on entre dans la vision du tout ou dans la proximité du divin par l’esprit sans le saisir complètement », ce qui correspond à mon sens à l’essence même du sacré dans la loge maçonnique.

Il me semble que la voie maçonnique est un accès au sacré qui associe deux modes de transcendance : l’une passe par une forme d’horizontalité par la voie de la Tradition, qui vient du verbe latin « Tradere » qui signifie transmettre, l’autre par la verticalité du sentiment religieux au sens premier du terme, à savoir le « Religare » qui signifie « relier ».

La Tradition telle qu’elle est comprise en franc maçonnerie est sous-tendue par l’appartenance à un groupe car il est la condition de la transmission, comprise « comme une parole prononcée par celui qui a la connaissance, dans l’oreille de celui qui sait entendre » et qui « fonde l’amour et le partage dans le réel et valorise des préceptes sociétaux communs et ancestraux reconnus par tous ». Nous retrouvons dans cette définition la pensée de Durkeim pour qui le sacré est une "réalité transcendante que l’homme est capable d’expérimenter au moment où son individualité se dissout dans le chaleureux unisson du groupe auquel il va appartenir"

Par cette démarche traditionnelle, individuelle puisqu’elle suppose une démarche librement consentie et une volonté de travail sur soi mais aussi collective puisqu’elle ne trouve de sens que dans le partage du vécu et de l’expérience, nous nous relions ensemble à une mémoire commune qui nous ramène symboliquement à la notion de l’Origine et qui de fait transcende celui qui la reçoit et la partage.

La transcendance qui opère par le « religare » permet aussi d’accéder au Sacré d’une façon qui se rapproche de celle que peut avoir l’homo religiosus. En effet même si la Franc-maçonnerie libérale n’impose pas à ces membres une croyance en Dieu, elle lui substitue la notion de GADLU à laquelle chacun de ses membres donne sa définition intime et personnelle mais qui représente ou symbolise un principe surplombant à l’homme qu’il ne me déplait pas de nommer « le Divin » et que nous tentons d’approcher par nos rites et nos travaux.

Conclusion :

Je conclurai mes bien chers frères par une citation de Régis Debray que je trouve à la fois riche de sens et qui appelle à approfondir encore nos réflexions sur ce très vaste sujet qu’est le Sacré : "Ce n’est pas parce qu’on est athée qu’on n’a pas de valeurs sacrées. Ne confondons pas le sacré avec le religieux et le religieux avec le divin. Il y a beaucoup de religions sans dieux et sans Dieu. Par sacré, j’entends le trou fondateur, une absence fondamentale, une transcendance sans laquelle n’importe quel ensemble social s’effrite. Toute convergence suppose un point de fuite à l’horizon. Les sociétés par horreur du vide, le remplissent avec les religions traditionnelles. On marche vers l’Eden ou on vient d’un paradis perdu. Nous aurons toujours des comptes à rendre à quelque chose qui n’est pas là. C’est la rançon de notre incomplétude et c’est une chance : l’inquiétude est notre force motrice". Cette interrogation, cette "inquiétude" propre à l’homme ne peut être évacuée de notre réflexion, même si elle "relève de l’appréciation individuelle de chacun". Les rituels maçonniques renvoient à cette recherche vers laquelle, en effet, chacun trouvera sa réponse : " l’essentiel est la valeur initiatique de la méditation intérieure, du silence et du secret".

N.°.B.°. R.°.L.°. "La lumière Écossaise"

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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 23:51

Nous avons établi dans nos précédentes études que le langage initiatique était doté d’une intention de reliance et que le cadre du réel initiatique dépassait nettement le cadre historique et discursif. Nous allons donc nous intéresser à une approche du langage initiatique à partir de ses éléments cachés.

En franc-maçonnerie la base du langage initiatique s’élabore sur le voile de fond du silence que l’on impose à l’apprenti, par l’abandon symbolique des métaux et la séparation du tumulte profane. Ce retour à l’origine, c’est la page vierge qui permet le réapprentissage élémentaire du langage loin des bruits parasites. Émergent alors les premières lettres qu’on ne peut qu’épeler à deux, en miroir. Mais avant d’entamer le processus acquisitif du langage verbal, on donne à l’apprenti la dimension du langage non verbal fait de signes (les lettres sont d’abord des signes) de gestes et de postures. Les signes, gestes et postures son adressés à la communauté de la loge comme langage non verbal fédérateur, car commun, partagé et signifiant.

Ce langage non verbal que je tente de décrire dépasse ce simple apprentissage et permet d'accéder à la notion de réalité élargie. Il vient enrichir et conforter le langage symbolique qui permet l'analogie, en enclenchant un processus sensible « d’incorporation » et une mise en action de la métamorphose du regard.

Langage et réalité en millefeuille

Le langage verbal ne peut que diminuer, par le choix limité des mots, l’étendue fidèle de la réalité. Donc le langage verbal ne peut décrire que de manière partielle l’entendue de la réalité chère à l’initié. Le périple du langage est semé d'embûches, car le langage de l'initié ne se limite pas à l'apparence, mais étend sa signifiance dans des strates supérieures "invisibles, mais sensibles".

Le problème réside essentiellement dans les niveaux de langages qui sont liés à deux autres éléments qui les précèdent: le réel et la vision.

Le réel dépend de la vision et ce binôme a des frontières extensibles dans le plan considéré, mais aussi en superposition de sens. Donc la réalité, d’un point de vue humain, est une sorte de millefeuille. Chacune des strates de ce millefeuille graduel est traversée par une lumière axiale qui permet la conscience et la vision.

Tous les niveaux de langage en franc-maçonnerie ne peuvent se détacher de la réalité, car l'initiation est une mise en pratique des lois du langage fondé sur la vision du réel, l'altérité et la reliance à plus haut. L'initiation étant un apprentissage de la vision élevée, devient par ce fait une "orthopraxie" des niveaux de langage, dont la fonction est de produire et relater une vision élargie et approfondie de la réalité.

Les moyens d'expression sont les lettres épelées, les syllabes, les gestes, les rythmes et des mots attachés aux symboles constructifs. C'est une codification du langage non discursif, attaché à une spiritualité construite et donc qui se relie à partir de la réalité à un plus haut appelé "divin".

Les niveaux de langages sont encadrés par les grades et leurs tableaux de loges qui conservent vivants les éléments du langage traditionnel de l'apprenti, du compagnon, du maître, etc.

Donc le niveau de langage ou la strate du langage de l'apprenti est caractérisé par les meubles, outils et instrument de son tableau "magique" qui devient sa boîte à outils et registre symbolique associé à la gestuelle du signe et de la posture. L’apprenti n’a pratiquement aucun mot pour s’exprimer en dehors du mot sacré qui n’est qu’épellation et du mot de passe à certains rites. Il ne dispose que du signe d'ordre, de la marche et de la frappe par trois coups sur la pierre brute.

Ce tableau ainsi que les symboles de la loge synthétisent l'univers du grade considéré et la vision « éclairée » du monde qui en découle. En effet on ne peut décrire le réel qu'en fonction de vocabulaire, tournures de phrases et gestuelles associées, acquises par l'apprentissage. Donc le réel dans sa traduction verbale est très dépendant du vocabulaire et du sens acquis, mais nous savons que le réel est toujours plus étendu que les mots pour le décrire. Cela implique qu'il nous faut d'autres éléments de langage pour tenter de relater toute l'étendue du réel...

Ces autres éléments de langage dépendent de ce que l'on peut dessiner sur le tableau de loge qui devient alors une table de projection de l'homme et de l'univers. Les tableaux de loge se superposent de manière axiale (reliance) au milieu du Temple faisant apparaître les différents niveaux de langage situés entre terre et ciel.

La gradualité initiatique dispose qu’à chaque niveau correspond un réel toujours plus étendu d'un grade à l'autre. Donc la réalité est extensible et ses frontières ne se limitent pas au sens discursif et formel. La forme apparente étend son sens dans d'autres niveaux non apparents par analogie notamment.

On peut donc affirmer que l'initiation a pour but notamment de nous donner une méthode d'acquisition de la vision profonde et élargie, partant d'une réalité démontrée.

La technique de vision étant acquise, il faut en donner les éléments de langages qui vont échapper au mode discursif; le langage sera alors non verbal, et même "subtil" pour décrire un niveau de réalité littéralement invisible au profane. Tout objet symbolique déploie une rhétorique verbale et non verbale.

La vision de l'outil ou instrument sous l'angle symbolique et axial sera la première approche d'un langage subtil particulièrement bien illustré au grade de Maître (parole perdue associée à l’usage dévoyé de l’outil). Retenons que le réel est plus étendu que l'apparence et que le langage verbalisé ne peut suffire pour l'appréhender. De plus, seule la vision élargie du réel peut nous amener à rendre compte de l'extension du domaine du réel.

Le langage non verbal et le langage subtil autorisent une extension du domaine du réel, correspondant à la vision de l'initié et du sage.

Nous conclurons en disant que l'homme a mémorisé d'anciennes techniques de vision et de langage dans les temps anciens qu'il s'agit de réactiver. C'est notre héritage de la période magique et chamanique des temps premiers, mais aussi l'héritage de la période spirituelle qui suivit et de la période de raison dans laquelle nous sommes encore…L’initié doit commuter ces trois visions qui sont toutes valables et indispensables pour décrire l’étendue du réel au-delà d’une verbalisation humaine encore trop limitée.

" La trace, le signe et l’augure dans leurs relations au langage non verbal ".

Je cherche ce que pouvaient représenter les traces et signes de la nature et des premiers hommes comme prémices du langage. Cette recherche sur le langage doit se faire dans une perspective d'échange entre l'homme de la tribu et la Grande Nature, puis dans un second temps entre l’homme social et le divin surplombant.

Ce canal d'échange sensible et subtil, doté d'un vétérolangage, sera d'après moi repris dans l'ère spirituelle qui suit l'ère chamanique au profit d'une autorité surplombante unifiée et omnipotente. De vétérolangage il deviendra métalangage.

De la trace au langage et du langage au sacré.

A-t-on idée de l’origine du langage de sa diversité et de son étendue ?

Symboliquement, dans les traditions et la Bible, le monde est généré par un acte premier d’origine divine, par une intention première, par une vibration ontologique. Le Verbe serait cette pensée initiale, et la Parole serait la manifestation du Verbe sous différentes formes et étendues, verbales, non verbales et symboliques.

Aujourd’hui malgré l’éloignement et la dispersion, l’homme est encore sensible aux traces et aux échos de l’ontologie dans le langage profane.

J’imagine volontiers que cette origine se situe dans la relation désirée, imaginée et élaborée entre l’humain et le divin. C’est le principe de reliance.

D’après la Genèse, le langage fut donné à l’homme pour nommer et nombrer les êtres, les animaux et les choses. Ceux-ci n’existaient que dans la mesure où un mot qui les qualifiait fut prononcé. Cette autorisation de nommer venait de l’autorité surplombante divine. Ce langage fut encore sacré, car né du Verbe et connexe de la création et de la manifestation. Ce n’est qu’à partir du mythe de Babel qu’eut lieu la confusion des langues et des langages sur terre. Babel annonce la perte de la langue sacrée. L’homme s’éloignait par son orgueil d’un centre originel qui l’avait vu naître. Bien entendu ce mythe doit être étudié sous l’angle d’un désir de l’homme de retrouver son origine et son paradis perdu. Donc le langage sacré représenté par le nom de Dieu, mais aussi par le premier mot prononcé et transmis à l’homme, est d’abord un désir de reliance au-delà de toutes les réalités scientifiques. Ce désir de reliance est un moteur puissant dans tous les domaines philosophiques, scientifiques et religieux, il permet une progression dans la recherche et l’élaboration d’une vision toujours plus éclairée au-delà du dogme. C’est une dynamique englobante qui construit l’homme et son devenir sans rien perdre de son passé.

Lorsque l’on crée un franc-maçon, on essaie de lui faire retrouver le chemin du langage sacré avec le fameux mot sacré et le mot de passe qui est un mot de passage. L’initiation est littéralement une « tradition », une transmission des éléments de langages qui relient l’homme à sa dimension sacrée. Cette démarche valide le fait que le langage profane a perdu le sens du sacré, mais qu’il peut être retrouvé. Ces retrouvailles sont possibles en alignant le centre de soi avec le Centre des centres dûment représenté dans la structure de la loge. Donc la démarche fondamentale du franc-maçon, comme de l’initié, consiste à retrouver les sens du langage sacré qui faisait l’unité de l’homme en regard de la totalité créée.

L’indistinction du profane et du sacré à l’aube de l’humanité

Pour l’homme des temps premiers il y a une relation invisible et certaine entre la vie et la mort, le ciel et la terre, la lune et le soleil, la chasse, la naissance et la mort, les saisons, les éléments rassemblés et dispersés.

Tout est lié et indistinct dans un horizon de causalités réciproques mystérieuses. La grande combinatoire des éléments donnant la vie et la mort est vue comme une opération magique.

L’instinct garanti la survie, c’est l’aspect du ressenti qui domine associé à l’expérience. Le ressenti s’associe de manière indistincte au "croire" qui n'est pas encore une croyance, et qui est aussi une transmission culturelle relative à la mystérieuse causalité qui établit des correspondances entre les hommes et la Grande Nature. Enfin, l’expérience et l’expérimentation obligent l’homme à progresser sur le chemin d’une pensée qui lui donne le pouvoir d’établir des explications sur les correspondances et les liens de causalité. Le sentir, le croire et le penser étaient donc indistincts, de sorte que le magique, le spirituel et le rationnel se confondaient dans une seule et même vision.

Évidemment le langage est né sur cette confusion généralisée de sorte qu’il fut à la fois magique, spirituel et technique.

S’il y eut un jour une langue sacrée, c’est à l’aube de l’humanité qu’elle s’installa en l’homme pour signifier la source première de son émerveillement face aux puissances de la Grande Nature, ou peut-être fut-elle importée comme certain le prétendent, d’un ailleurs aussi mythique qu’extérieur à la sphère humaine et terrestre ?

Donc ce langage est l’expression des causalités mystérieuses intriquées dans la marche de la nature terrestre, ou plus extérieure à celle-ci comme provenant d’un ciel d’une hauteur faite de coudées sans nombre.

De ces deux points de vue naîtrons une démarche chamanique qui éveille et suscite les puissances naturelles, chtoniennes et isiaques puis en second lieu une démarche spirituelle, supérieurement détachée, céleste, solaire et hermétique.

Le sacré va apparaître et se distinguer du profane avec en lui son double aspect : la crainte des forces de la nature puis l'idée de la puissance dirimante que l’on peut solliciter en faveur de l’homme (autorité surplombante).

La notion d’au-delà est d’abord une affaire de ligne d’horizon, de perspective et de point d’observation du chasseur migrant. Elle ne deviendra que plus tard une notion intérieure à l’homme, faisant le passage de la vie à la mort vers une sorte de continuité.

C’est pour l’idée d’une continuité après la mort physique que le néandertalien enterra ses morts avec des provisions pour une éventuelle continuité, que les Égyptiens embaumeront les morts dans l’attente de la pesée du cœur. De la même façon, les Grecs et les Romains mettrons une pièce de monnaie dans la bouche du défunt pour payer à Charon le passage de l’Achéron et du Styx en vue de leur jugement sur l’autre rive et de l’accès aux Champs Élysée.

Ainsi une continuité après la mort s’organise et se structure avec son langage et ses rites. On voudra que ce langage et ses rites parlent aux puissances souterraines et célestes en vue d’une traversée hypothétique. La traversée supposant encore l’existence d’un monde de transition où se négocie et se juge le passage définitif entre le réel de l’homme et le réel d’un ciel.

L’Homo sapiens prendra conscience de soi en se regardant agir et travailler à une construction sociétale ou monumentale qui le dépasse et lui survivrait. L’art et le symbole seront alors la composante majeure d’un regard sur soi, de l’idée de l’homme-essence vu par l’homme-substance et de sa continuité. Ce regard sur soi que l’on retrouve figuré sur les parois de grottes et bien plus tard dans les mythes et légendes, va écarteler le langage entre des ressentis instinctifs, des croyances traditionnelles, et une pensée expérimentale et rationnelle.

L’homme se regardant agir devient son propre miroir faisant apparaître la notion d’immanence et transcendance. Cette notion de transcendance peut être analysée comme une échappatoire au sort trop bien connu de la mort et donc une perspective de continuité perpétuelle.

Un langage vient s’adosser à ce nouvel horizon, c’est le langage sacré qui se formalise en même temps que « le croire » se formalise par des pratiques et des invocations. Ce sacré se fonde sur le magique, l’image, l’acte rituel, la geste et les mots agissants (invocations-prières). Mais l’homme toujours à l’étroit dans sa condition est allé chercher hors de lui une perspective de survie et de conquête comme il le fit en migrant au-delà de la ligne d’horizon.

C’est donc en séparant la Grande Nature que le sacré deviendra spirituel et séparé de l’homme dans un ailleurs supérieur. Cet ailleurs placé plus haut, se détachait du besoin quotidien pour établir un pont symbolique pour l’ultime passage. Le mort devenait homme éternel suggérant une distinction entre la partie périssable de la partie impérissable de l’homme. Ce seront les premiers bétyles, futurs pylônes égyptiens et colonnes du Temple, qui feront le lien entre les forces terrestres et subterrestre et l’autorité céleste.

Ces pierres dressées manifestent l’intention de reliance de l’homme à plus haut en associant le tellurisme et le chamanisme à la dimension spirituelle solaire. Symboliquement la grotte des premiers hommes se trouve insérée dans la montagne sacrée qui touche le ciel.

La spiritualité et la transcendance offraient un détachement à la condition d’homme mortel. Ici la langue sacrée prendra un sens ontologique et plus seulement chamanique ou magique des anciennes voies d’action sur la Grande Nature.

La langue relative au sacré sera doublement pétrie de la pratique chamanique des invocations (orthopraxie) et de la vision transcendante associée au Verbe devenu Parole qui s’impose, car venue d’en haut (orthodoxie).

Retrouver la langue sacrée par l’image symbolique. L’univers médian.

Au regard de la tradition chère aux sociétés initiatiques, c’est la langue sacrée ou primordiale qui précède le langage commun dit profane. Le profane et son langage désirent recouvrer le sens du langage sacré supposé originellement plus large et plus profond.

Tout langage trouve sa source dans une idée, un schéma mettant en scène l’homme et son éventuel créateur. Le langage a pour fonction notamment de répondre aux deux angoisses de l’homme face à sa naissance et sa mort et face au mystère de la création.

Si le langage a une origine divine, car donné par le divin à l’homme, le temps écoulé a fait que l’homme moderne s’est éloigné de cette origine. C’est à travers les mots et leurs racines qu’il cherche à rejoindre une origine, un centre, un paradis perdu.

La langue sacrée précède le langage profane qui en conserve trace. Le langage via le symbole devient glyphe, idéogramme, figure et image. Il laisse donc une trace qui porte en elle un niveau de signifiance supérieur et ancien. Le mot sacré que l’on trouve dans les sociétés initiatiques serait le reflet plus ou moins déformé d’une langue située dans la proximité des origines et du divin.

L’image est le reflet du sens, elle s’associe au sens du mot et organise un transfert du mot en vision. Il y a donc un génial aller-retour entre le mot et l’image. Cet aller-retour est la base de la représentation mentale et symbolique, mais aussi des lois de correspondances. Nous percevons enfin l’intérêt du langage symbolique en franc-maçonnerie.

Nous retrouvons ce phénomène de reflet illustré dans le cas de l’arc en ciel qui entre en correspondance céleste avec une arche de Noé. Chacun forme le demi-cercle d’une même alliance entre la terre et le ciel. C’est le reflet entre le haut et le bas que nous cherchons à interpréter comme une correspondance entre la terre, la surface des eaux et le ciel. La recherche de l’hémisphère supérieur serait la base de la quête de la parole perdue du maître.

Cette parole perdue serait la parole originelle chère aux francs maçons. La parole audible ne serait que la partie inférieure du sens, l’initié doit en découvrir la partie céleste, subtile ou volatile (et donc non verbale !). Des eaux inférieures il nous faut remonter vers les eaux d’en haut.

Peut-on trouver la preuve d’un langage adapté à l’existence supposée d’un monde concomitant et/ou supérieur dans lequel se crée et se dénoue la relation de l’homme à la Grande Nature et accessoirement la relation de l’homme au Divin ?

Il ne s’agit pas de rechercher un monde parallèle imaginaire ou farfelu, mais plutôt le complément à ce mode des apparences qui puisse donner au réel la profondeur de champs à la pensée. La rationalité ne renierait pas un complément d’âme et d’esprit puisque l’humanisation de l’homme en dépend. L’humanisation passe par une norme supérieure, une autorité surplombante sans laquelle ni la conscience des « devoirs » de l’homme, ni la morale ni le vivre ensemble n’auraient de sens. Les devoirs dont il s’agit sont parfaitement énoncés sous forme de questions dans le testament philosophique du REP et du RAPMM.

On trouvera la preuve d'un langage qui entretient le lien avec les puissances supérieures dans le langage évocatoire et l’invocation de la période magique ou la prière de la période spirituelle. Le langage se spécialisera en même temps qu’une classe spécialisée (clergé) s’occupera de faire vivre le lien. C’est aussi le fameux monde angélique qui a pour support anecdotique le langage des oiseaux, le langage ailé, rythmé, rimé et volatil qui permet la communication avec les états supérieurs de l’Être.

Rechercher ce monde, via le langage, serait admettre la possibilité d’un dialogue direct ou indirect avec la Grande Nature ou avec le Divin. C’est admettre la nécessité d’un espace de médiation qui autorise l’expression et éventuellement le dialogue verbal et non verbal. Ledit espace peut se situer dans un ailleurs intermédiaire entre Terre et Ciel ou entre les hommes et les puissances naturelles…ou plus simplement en soi !

Cet ailleurs, l’homme a tenté de le construire en même temps qui construisait la spiritualité. Construire une spiritualité, c’est répondre à l’appel ancestral de la transcendance. C’est l’ère de la spiritualité construite qui anime la franc-maçonnerie des trois premiers degrés. C’est l’élaboration d’un espace consacré à ce dialogue et à ces invocations sur terre avec l’exemple bien connu du Temple. Cet espace est le lieu privilégié de la naissance de la conscience de l’homme dans son rapport à la fois à l’Unité et au Tout. C’est par l’arrivée de la lumière symbolique autorisant la « vision » qu’émerge la conscience du rapport de l’homme à une totalité. Le temple ou l’enceinte sacrée vont permettre de formaliser, de ritualiser un modus operandi de la conscience humaine par l’étoile pour les initiés ou du soleil pour les croyants. Notons que cette émergence repose sur une mise en pratique de techniques langagières typiquement initiatiques que les religions viendront capter et cristalliser au profit d’une doxa.

Ce monde connexe, parallèle ou intérieur, pourrait être un monde imaginaire au sens d’un monde de la production d’image-reflets et toutefois investi d’une consécration ancestrale et mythique. Il s’agirait alors d’une strate de l’esprit et de la pensée humaine qui dialogue par le rêve, le songe et les invocations avec les puissances invisibles, mais sensibles. Ce monde est donc potentiellement agissant dans le déterminisme de l’homme et sa perception « étendue » du réel.

Le mythe lui-même occupe cet espace, en interface. Ce monde médian et allégorique situé entre les Dieux et les humains. Il suffit d’affirmer que le divin est une phase dans l’affirmation de la conscience humaine et sa négation sera une autre phase de cette affirmation pour résoudre l’antagonisme des croyants et des non croyants. L’initié traverse cet antagonisme avec un détachement dans le sens ou sa vision et son langage est libre de tout dogme. L’initié met en pratique des facultés de représentations spirituelles et conceptuelles. Ces aptitudes donnent à la réalité une dimension qui dépasse les apparences.

L’initié exploite une potentialité de la conscience libre, mais ne s’arrête à aucun dogme ni sclérose mortifère. Le libre exercice de la conscience consistera à choisir à partir des schémas archétypaux qui alimentent cet espace médian de réflexion et de guidance du réel, ceux qui lui semblent les plus universels. Bien entendu, cet universalisme passe par la définition de la place de l’homme dans l’univers et doit résoudre le double mystère de la création et de la vie.

Le langage et le rapport à l’invisible dans un espace donné-Voies d’actions

Ce langage lorsqu’il est verbal est celui de l’incantation des forces de la nature, c’est aussi celui de la prière. Nous dirons que le monde (fut-il intérieur) qui est destinataire de cette verbalisation est un territoire opérant sur la réalité. Le langage en question est le résultat d’une communication supposée entre le divin, ses intermédiaires et l’homme. Ce langage peut aussi être non verbal, fait de gestes, d’encens, d’objets symboliques, d’images, de rythmes, etc.

Ce langage va donc être destiné à obtenir une action, un agrément dans ce monde intermédiaire (consacré ou imaginaire) en vue d’un effet dans le monde concret (celui des hommes, de leur détermination voir de leur autodétermination). Le langage utilisé, outre les invocations et prières, est fondé sur des actes et des dons, des sacrifices pour s’attirer les bonnes dispositions de la nature ou du divin. On attend de cet arrière monde des signes et des marques lisibles dans le réel apparent. C’est donc un arrière monde non apparent que l’on convoque dans une éventuelle invocation ou incantation, et un monde supérieur lorsqu’il s’agit d’une prière.

Donc l’homme aurait conçu il y a fort longtemps que le réel se prolongerait dans un espace non visible en apparence, mais réellement sensible. Nous l’appellerons « l’arrière monde », car non apparent, mais supposé dirimant sur le cours des choses et sur le destin des hommes.

L’arrière monde serait affecté aux opérations et voies d’actions qui intéressent la Grande Nature dans ses puissances invisibles alors que le monde supérieur serait l’apanage du divin créateur et ordonnateur du chaos. Une sous classification serait donc à faire entre un arrière monde dit inférieur et un monde supérieur. Le passage de l’un à l’autre serait une évolution d’une perception magique et chamanique avec une diversité de puissances (arrière monde), vers une vision unifiée spirituelle confiant au divin l’origine et la fin du monde et des hommes, avec l’idée d’une porte donnant sur les cieux (monde supérieur).

L’arrière monde est une instance qui sans être surplombante comme le sera l’idée divine, influence le cours de la puissante nature. Enfin pour arriver à utiliser ce que nous appellerons les voies d’action, on s’en remet à des intermédiaires compétents qui sont, par leurs dons ou leur sacerdoce, dévoués à l’invocation ou la prière. Ce sont les chamans et autres sorciers-magiciens dans le cas de l’inframonde et les prêtres ou pasteurs dans le monde spirituel. Les premiers s’adressent aux forces telluriques et aux planètes et étoiles qui influent sur la puissante nature, les seconds s’adressent au "Bon Dieu" et à ses saints et autres anges qui servent d’intermédiaires et de passeurs. Le schéma général est donc le même quant à la structuration sociale de l’intermédiation entre l’homme et les puissances.

Ces intermédiaires sont des intercesseurs qui plaident la cause auprès de l’autorité suprême ou l’esprit tutélaire. Cette démultiplication par médiation dans un monde intermédiaire, entre le divin et l’homme, est un héritage et un recyclage des dieux païens de la période animiste et polythéiste vers un système monothéiste.

Donc l’espace religieux « consacré » qui occupe l’axe spirituel, a digéré et recomposé à son profit les anciennes pratiques concernant la Grande Nature, jusqu'à superposer sa liturgie et son dogme sur les fêtes et les croyances dites païennes. Les sciences dites traditionnelles qui sont par exemple l’astrologie ou l’alchimie spirituelle voir même la cabale et les Tarots sont des vestiges de la période chamanique où l’on avait appris à lire le sens des signes des traces et des images dans un niveau symbolique qui avait un véritable rapport utile pour la survie de l’homme ou son maintient social. Cette lecture utile et divinatoire des signes et des traces nées d’un réseau de relations invisibles est un langage en soi. Cette lecture n’avait pas de caractère mystérieux pour celui qui savait les traduire en vertu de son expérience passée et de ses transmissions.

La trace est un signe, l’apprentissage d’un langage en soi

Le signe est une trace. La trace deviendra signe que l’on va nommer dans les trois espaces : rationnel et concret, imaginaire et magique, spirituel et transcendant.

Le réel revêt les habits de l’apparent et du caché.

Le langage relate l’apparent et le caché. Le langage commence par nommer la trace et le signe qu’il faut identifier et interpréter.

Nommer la trace ou le signe suppose un apprentissage du sens et une transmission. Donc le signe s’adossait à l’apprentissage hérité d’une caste impliquant la notion d’appartenance. Le langage avait une dimension plus étendue que l’émission d’un son signifiant. Le mot prononcé s’accompagnait d’un sens et d’implications qui faisait apparaître une dimension non visible, mais imaginable, c’est la dimension signifiée du mot.

Dès lors le mot lui-même entraînait une dimension invisible et sous-jacente. Il en sera ainsi notamment du signe qui, au-delà de toute verbalisation, induit outre le sens immédiat et concret, une dimension divinatoire ou prédictive et intuitive.

En matière initiatique, un signe peut relever d’un fait ou d’une apparence dont on n’avait pas perçu la profondeur ni le déroulement dans l’espace et le temps. Lire le signe ou la trace, c’est dire ce qui était, ce qui est et sera.

La lecture initiatique du signe outrepasse le temps et l’espace. En trouvant le sens originel du signe, on découvre ses implications dans d’autres plans, mais cette découverte est à la fois intérieure à soi et universelle. Intérieure, car seul l’homme peut lire les signes et les traces. Universelle, car les signes s’apparentent à des clefs ouvrant à notre compréhension des plans superposés.

La lecture analogique impliquant des correspondances entre différents plans permet de donner le sens complet du signe dans ses dimensions non apparentes, mais réelles. Le langage étant l’expression du signe et signe lui-même, il est normal qu’il porte en lui toutes les dimensions inhérentes aux plans successifs qui donnent un triple « signifié » au langage. Le langage sera verbal, symbolique et non verbal et son triple signifié sera dépendant des lois d’analogies :

1/ intentionnel dans son désir de reliance,

2/conceptuel dans son désir de représentation schématique du réel

3/symbolique dans sa production d’image-reflet du mot.

Ce qui est caché au profane, c’est la relation de cause à effet entre les trois signifiés et la réalité.

La lecture des signes de la nature ou du destin avait la vertu d’exprimer concrètement l’utilité et la réalité de ce fameux monde intermédiaire dans lequel le lecteur va chercher la causalité mystérieuse et les interprétations attachées au signe. L’apprentissage reposait sur la connaissance en partage de la bibliothèque des relations entre les traces, signes et images signifiantes, leurs interprétations et leurs conséquences.

D’où vient cette aptitude des hommes à lire et comprendre les signes les traces et les marques ?

De la chasse ancestrale au gibier nourricier où l’homme se retrouva à communiquer en groupe et à relever et interpréter les marques et traces des animaux dans le sol. Ces marques portaient l’espoir de survie et organisaient un dialogue entre la proie et son chasseur. La marque de référence devient « signe », signifiant concret et signifié en vertu d’une intention. Par exemple la marque d’un animal blessé se remarque par l’irrégularité de ses traces laissées dans la terre et la fraîcheur de la trace permet de prédire les chances de rejoindre cette proie. L’animal est relié comme l’homme à cet inframonde qui sous-tend la Grande Nature, on peut donc s’y référer pour obtenir le succès de l’entreprise. L’animal blessé est une aubaine pour un chasseur, c’est un animal que la Grande Nature veut délaisser et que l’homme peut prendre. Nous verrons plus loin que du point de vue du chasseur cette trace prometteuse dans la terre n'est pas due au simple hasard. À la chasse on risque sa vie, il est donc nécessaire d’invoquer les esprits afin que la chasse soit un succès. On peut dire que l’homme dans la période chamanique ne se distingue ni de sa proie ni de la nature à laquelle il appartient. Il n’est pas encore démiurge, il ne domine pas le milieu dans lequel il s’intègre en qualité de prédateur parmi d’autres. Il est lui-même une proie potentielle pour d’autres prédateurs. Nous sommes dans un monde de dominants et de dominés où l’homme est encore dans une situation instable. Intelligemment, l’homme de la période chamanique tente de mettre toutes les chances de son côté en établissant un dialogue pour s’attirer les bons augures et les bons signes. Le résultat dépendait de la pratique de rituels qui reconnaissent la toute-puissance de la nature et de ses signes et augures. On peut dire que l’insertion de l’homme dans la nature n’est pas encore Prométhéenne ; l’homme n’est pas encore le colon dominateur et inventif des temps modernes.

La nature s’exprime à l’homme de manière non verbale par des signes et des marques que l’homme doit interpréter. Il les interprète souvent comme la preuve de la puissance des la Grande Nature, c’est sur cette base que seront établi plus tard les mythes de création et de destruction du monde avec l’épisode du déluge qui annonce le changement de paradigme. L’ancien temps de la magie et du chamanisme fera place au temps de la croyance spirituelle d’une main divine qui guide la puissante nature et le destin des hommes (passage de l’eau au feu).

Du senti et ressenti nous passerons à la foi de sorte que l’homme élaborera une théorie selon laquelle il possède en lui une parcelle de divinité.

Le don mutuel comme source d’échange linguistique et symbolique

Un langage s'élabore entre l’homme et les puissances de la nature et le divin, fait de signes, d’offrandes d’espèces, d’encens, et d’invocations à connotations symboliques.

Ces dons et suppliques faits à l’attention d’une puissance souterraine ou d’une autorité surplombante, sont des langages de reliance entre deux mondes : le monde du chasseur nomade et le monde caché qui influence la Grande Nature. Ce langage invocatoire prépare le terrain de l’inframonde au prélèvement qui sera fait par l’homme dans la Grande Nature, inversement l’inframonde va favoriser ou rendre difficile l’entreprise.

C’est donc l’expérience du comportement animal et la bonne connaissance de la puissance agissante qui est transmise de père en fils. La transmission inclus le langage secret de l’invocation. La chasse comme l’enfantement, fondateurs du rituel de vie et de mort sont par définition initiatique.

Ces invocations offrandes et sacrifices ritualisés et codifiés sont utiles à la concentration de l’homme en regard de son objectif. La concentration en regard de l’objectif est une garantie de bonne fin dans l’entreprise. La concentration est toujours issue d'une rituellie provocant une mise en condition et une mise en relation avec la puissance naturelle. Ce travail de concentration permet la survie de l’homme et de l’esprit qui l’anime, c’est donc une méthode majeure du langage initiatique du chasseur qui prépare sa chasse comme du franc maçon qui ouvre ses travaux. On retrouve dans les groupes de combat des rituels de préparation et de concentration qui était associés à des veillées d’armes et des prières. Les loges militaires se réunissaient sous la tente ou des lieux de fortune la veille de la bataille.

Dans tous les cas la concentration passe par un échange ritualisé de type invocation ou prière. On en retrouve trace dans la plupart des rituels maçonniques anciens.

En loge comme dans le Temple c’est le principe de concentration qui prévaut. Tous les regards sont tournés vers la source de lumière à l’Orient comme au centre du Hékal. Les rites initiatiques favorisent l’acquisition d’une expérience de concentration et l’entretien mémoriel du répertoire des signes. Les rites s’effectuent en groupes cohérents renforçant l’esprit communautaire appelé « esprit de corps » et augmentent les chances de survie renforcée par le sentiment identitaire ou la notion d’appartenance clanique.

L’invocation d’une aide circonstancielle pourra augmenter les résultats de la poursuite par autoconviction et surmotivation. On invoquera tel ou tel esprit de la forêt afin qu’il favorise la poursuite et on récompensera cet esprit par un don ou une évocation en guise de remerciement et d’allégeance. La proie devait être aussi compensée ou honorée afin de ne pas créer de déséquilibre entre le monde des hommes et l’inframonde directeur de la nature.

Le lien entre ce monde et les puissances de la nature se fait par l’élaboration d’une lecture des signes. Connaître les signes, c’est connaître le fonctionnement des puissances naturelles.

À l’origine la lecture de ces signes n’est pas mystérieuse et relevait d’un apprentissage culturel. Le signe ou la trace n’est pas fortuit, sa signification est la conséquence de la communication ritualisée entre l’homme et l’inframonde : la trace de l’animal blessé a été mise sur le chemin du chasseur. Les deux chemins se sont croisés comme deux destinées. C’est un augure favorable à l’attention du chasseur qui en conservera la mémoire. La mémoire d'une réussite confortera l'adresse à la puissance. Le chasseur aborigène dessine sa proie sur une pierre comme un signe d’appropriation de son esprit. C'est un langage triparti entre le chasseur, la puissance naturelle et le gibier. Il existe donc un espace d'échange et d'influences sur lequel il faut s'appuyer.

Le signe, le dessin transitent dans ce lieu d’échange. La rencontre et le don de l’homme et de sa proie à lieu dans le monde des esprits auquel ils sont reliés. Cet inframonde pseudo-réel, lié à la Grande Nature est le lieu du croisement des destinées. L’échange suit des règles d’équilibre et de respect qui associent des incantations et un langage non verbal, une concentration extrême par visualisation de la proie. Ce qui est prélevé doit être compensé. C’est la raison pour laquelle les francs-maçons héritiers de cette tradition faisaient l’invocation à Dieu puis au GADLU pour obtenir son soutien dans leur entreprise de construction de l’Œuvre.

Ce monde plus ou moins visible suivant les sensibilités n’est pas encore, pour le chasseur de cette période reculée de l’humanité, la conscience éclairée du divin, mais reste un monde d’interconnexions qui ont un effet sensible et donc réel et agissant en notre for intérieur. Nous dirons que ce monde est probablement intérieur à chacun de nous, et relève aussi de données psychiques.

Nous avons vu le cas du chasseur nous pourrions en dire de même s’agissant du navigateur qui en fonction des signes avant-coureurs de la puissante nature oriente sa trajectoire, ou demande l’assistance ou l’intercession de forces occultes.

Nous pourrions de même relater l’appel aux ancêtres de la tribu ou du clan afin qu’ils viennent se battre au côté des vivants et vaincre. Ces anciens dont on porte sur soi les traces et reliques (gris-gris, amulettes, marquages tribaux ou tartan du clan en Écosse) sont autant de marques et de signes d’appartenances agissants et signifiants. Invoquer et évoquer les anciens, c’est faire du passé un présent agissant dans un monde intermédiaire, c’est demander l’intercession des ancêtres dans le monde des morts au profit du monde des vivants, c’est aussi rendre l’invisible présent et agissant par un lien de cause à effet subtil.

Les morts avec lesquels on restait relié permettaient l’intersession, ce qui explique le culte des ancêtres. C’est donc dans un monde invisible que se décidait en partie le sort de la bataille.

L’ère chamanique est donc marquée par la naissance d’un dialogue avec un invisible sensible et un réseau relationnel sous-jacent.

L’unification des forces et puissances, émergence de l’ère spirituelle et l’ère rationnelle,

Lire les signes c’est donc établir une relation et un dialogue avec les puissances de l’invisible où tout se noue et se dénoue, c’est renforcer les chances de survie dans une nature où l’homme n’était pas encore dominant, c’était enfin garantir les grands équilibres naturels afin qu’ils soient toujours favorables et pourvoient à la subsistance.

La dominance de l’homme sur les puissances naturelles se fera dans la deuxième ère, celle de l’ère spirituelle et religieuse qui succéda à l’ère magique et chamanique.

L’homme spirituel n’a pas perdu de vue l’inframonde ou l’arrière monde, mais découvre les principes d’unité divine supposant l’existence d’un monde supérieur qui développe sa présence dans tous les registres naturels et sociétaux en qualité d’autorité surplombante et légitimante. De plus la vérité se trouve désormais non plus dans la Grande Nature, mais dans un Temple et un Livre Sacré qui recueille la révélation et les Tables de la Loi.

Ce Livre donne à l’homme le rôle d’exploiter et dominer la nature et légitime par son clergé l’autorité temporelle et spirituelle. Il est donc désormais inutile de vouloir dialoguer avec les esprits ou la puissance de la nature, car celles-ci sont désormais réunies dans une seule entité divine dotée d’un clergé spécialisé dans le dialogue entre l’homme et Dieu. C’est alors une entreprise de récupération qui voit le jour : tous les canaux de communication, tous les lieux magiques, toutes les dates et fêtes de la nature seront récupérées par l’entreprise du dieu unique.

Subsiste la voie initiatique qui est née avec les anciens rites de passage et qui s'est alimenté de la lecture des signes de l’ère chamanique. La voie initiatique préexiste à la voie religieuse et entretient dans ses rites la célébration des cycles et ordonnancement de la nature. La voie initiatique recueille les traces anciennes des puissances naturelles qui sont les sagesses, les harmonies et les puissances, et les "réorientent" vers l'Unique en Sagesse, Beauté et Force. La voie initiatique concède ainsi au dieu unique l’idée majeure d'une lumière synonyme de conscience éclairée et de vérité : Dieu, ainsi que les consciences éclairées cumulées de tous les hommes, recoupent sous l’angle externe à soi comme interne, le principe d’unité.

Puis enfin vient l’ère de la raison.

L’homme rationnel succède enfin à l’homme spirituel et engage le dialogue non plus avec la Grande Nature ou avec l’entité divine, mais avec lui-même. Ici encore l’initié s’impose en s’adaptant et introduit la rationalité scientifique et sociologique dans ses travaux tout en reconnaissant la pluralité spirituelle du franc-maçon.

L’homme rationnel fait confiance à la raison et considère la rationalité comme un facteur de progrès. Tel saint Thomas, il ne se fie qu’a ce qu’il peut démontrer et voir.

Évidemment le tableau ainsi dressé peut paraître caricatural. Il l’est, car l’homme a toujours eu en lui les trois dimensions magique, spirituelle et rationnelle. Néanmoins, il est clair qu’une grande partie du langage verbal et non verbal repose sur la lecture instantanée des traces et des signes et que c’est l’ère chamanique et magique qui porta la première, les éléments de base d’un symbolisme traditionnel. Cette base est désormais référencée dans notre bibliothèque d’images archétypales.

Pour l’ère spirituelle, la prière n’est qu’une affirmation déifiée de l’ancienne évocation et invocation des temps anciens, et pour l’ère rationnelle,on substitue à cette invocation une équation mathématique. L'équation porte en elle un vieil héritage "magique". Elle ne serait alors que la mise en ordre rationnelle de l’intuition magique du monde et sa confrontation dans l’un des niveaux de la réalité.(le principe de Gravité découvert par Newton est né de la recherche d’une force divine universelle animatrice de la Grande Nature !)

La non-verbalisation d’un langage, remplacé par signes et marques qui font sens, pourrait trouver son origine dans la communication de l’homme avec cet arrière monde. C’est alors une vision que l’on tente de cerner par d’autre moyen que le discours et la description, car le langage, notamment non verbal, sera toujours plus vaste que la parole réductrice. Une lettre hébraïque ou une comète dans un ciel préhistorique auront une puissance évocatrice supérieure à toutes les encyclopédies réunies.

Il en va de même du songe, du rêve et de l’apparition. La hiérophanie fut conçue par les anciens comme une communication et une intrusion entre l’homme, le monde des apparences et le monde subtil. Le songe de Jacob est un excellent exemple d’une vision prélevée dans une espace intermédiaire qui n’a point besoin de discours pour être efficace dans le monde réel. La vision qui est une image en autant de « points de vue » que de barreaux à l’échelle. Cette vision est donc associée à un langage évolué graduel et subtil et axial dépassant le stade réducteur du discours.

L’intuition d’un langage global associé à la vision

Le songe de Jacob nous montre l’espace intermédiaire où se trame, se nouent et se dénouent les influences du magique agissant ou du divin surplombant.

C’est dans cet espace rêvé que naissent les images qui donneront l’étendue du langage verbal, non verbal et symbolique des correspondances. Cet espace est le lieu de naissance des mythes et des archétypes élaborés par la conjugaison des trois signifiants : l’intentionnel, le conceptuel et le symbolique

Le songe et sans doute le rêve sont des états de conscience en relation étroite avec la réalité. En même temps, le rêve tente de se détacher de la contingence par une mise en scène visionnaire dépassant les limites du concret apparent. Il est donc primordial de distinguer le réel de l’apparent.

Le rêve et le songe notamment, sont des portes d’entrées dans cette espace médian où tous les éléments liés à la production d’images (magie) et à la figuration du divin prennent « formes ».

Le langage est lié à la vision du monde qu’il est censé décrire. Les formes notamment, avec les intentions qui y sont associées (voir la notion d’intention décrite dans notre précédent article) et donc la reliance du langage, sont liées au lieu dans lequel s’exerce la vision. Ce lieu est souvent inscrit dans une verticalité unique et dans une horizontalité multiple. Le mythe et la légende bénéficient de ce schéma, ce qui permet l’application des lois d’analogie, mais c’est aussi le cas dans l’expression religieuse du messie. À partir ce lieu « multicouche », il est logique que le langage qui va interpréter la trace, le signe ou la vision puisse s’entendre ou se répandre dans les différents niveaux de conscience qui éclairent la réalité.

Le songe comme le rêve font partie des éléments influençant la réalité en lui donnant une causalité « magique » ou spirituelle », il est donc logique que le langage du réel soit partiellement non verbal, et compréhensible dans un domaine cognitif subtil. C’est donc ce langage subtil qui remplace la parole lorsqu’elle est perdue ou sans efficacité pour relater la profondeur d’une réalité qui touche à cette espace médian. Ce langage subtil est celui de l’initié. Si le réel est plus profond que la simple apparence alors le langage pour le décrire peut ne pas être verbal.

Ce nouveau niveau de langage est alors global et non limité à la verbalisation.

Vision, langage et vérité

Il peut y avoir une représentation universelle du monde appelée « vérité », mais aussi des modalités d’expression différentes de ladite « vérité ».

L’apparente disparition contemporaine de ce monde inférieur ou parallèle est la conséquence d’un refoulement due à la rationalité conquérante qui explique le monde par des lois scientifiques. Mais les flux et reflux de l’autre monde viennent à nous comme l’écume de la vague.

Notre intuition, pour ne pas dire notre instinct, nous informe de la réalité de langages non verbaux en sommeils. Il faut donc d’une manière très scientifique rechercher les raisons qui nous permettent de considérer ce monde intermédiaire comme valable et réel aux yeux des hommes. Cette recherche peut se faire comme dans les temps anciens par la mise en relief de traces et de signes.

L’homme ne fut pas toujours scientifique, il fut aussi observateur des liens de causalités secrets qui liaient les hommes, les événements et les choses. Pour articuler ces liens de causalité, il donna des vêtements et un visage aux puissances de la nature afin qu’elles soient reconnaissables aux yeux de tous et qu’elles puissent être nommées, invoquées, racontées et vénérées. Ce fut la période des idoles et des totems que l’homme, malgré son approche rationnelle, a conservés au fond de lui. L’ensemble des signes et représentations concernées est associé à des histoires qui racontent le monde des temps premiers.

Cette anthropomorphisation du lien de causalité entre le visible apparent et l’invisible agissant, entraîna l’émergence du divin multiple en autant de figures que de puissances naturelles « nommées ». Il y eu le dieu du vent, de la mer, la déesse terre et le dieu soleil, etc. La mythologie est la source inépuisable d’un dialogue ancien entre les puissances de la nature transformées en dieux et l’homme. Ceci constitue une preuve de l’existence d’un dialogue « mythifié » en l’homme, mêlant le réel et les mondes divins. Ces mondes divins comme autrefois l’arrière monde participèrent au réel et l’intègre par les signes et les marques pressenties comme influençant la destinée. Les signes de l’apprenti, du compagnon comme du maître préfigurent la destinée de ceux-ci en vertu du non-respect du serment. Le serment n'a d'autre but que de protéger le secret de l'entrée en relation avec le monde de l'intermédiation. La mécanique du langage doit en effet rester secrète pour éviter que des profanes ne s’en emparent à des fins de manipulation de foules. Les dictateurs s'appuient sur la manipulation subtile du langage aboutissant à la faillite de l’humanisation.

Ici apparaît la bibliothèque des archétypes présents en l’homme depuis la nuit des temps. Ces archétypes qui sont illustrés par la scénographie du mythe, transportent et replacent la structure fondamentale de la pensée dans un ailleurs divin. Ces mythes font partie d’une tradition ancienne qui continue à cheminer au milieu de la modernité. Il en est de même des puissances de la nature qui plus que jamais régleront le sort de l’humanité.

L’inframonde par sa médiation induisait le respect de l’équilibre naturel, l’homme n’était qu’une partie du tout.

Donc l’arrière monde comme les mondes d’en haut, restent présents dans le ressenti de l’homme et ne seront jamais éradiqués par une rationalité moderne. Nous dirons alors que la rationalité ne peut évoluer sans considérer les dimensions de l’inframonde comme faisant partie d’un réel subtil et naturellement ressenti par l’homme.

Les traces probantes ?

La preuve de l’étendue du langage se fera en suivant le reflet de l’image intemporelle et délocalisée que suggèrent le mot et la parole nés d’un langage « verbal ». En ce sens c’est le seul cas ou la parole verbale est "agissante" dans le même registre que le langage non verbal. Tous les langages verbaux et non verbaux donnent accès à la représentation mentale.

Cette représentation donne accès à la « vision » initiatique sur laquelle on applique les lois de correspondances. C'est ici un exercice de transposition, mais il serait possible que ce niveau de langage dit de la « représentation mentale » soit autonome. Dès lors chacun disposant de ses propres facultés de représentation, ont peut suggérer que la représentation soit transmise sans langage verbal. La transmission serait inaudible, mais sensible pour ceux qui auraient pratiqué l’exercice et qui connaîtraient la bibliothèque des grands schémas de représentation symbolique, ce que nous offre la franc-maçonnerie.

Le moyen de communication serait soi par le geste ou l’attitude et dans l’attitude on pourrait retenir la concentration extrême qui établirait une sensibilité particulière et donc un canal de communication. Sur ce dernier point, on peut s’interroger sur la nature réelle du phénomène d’égrégore qui appartiendrait à la réalité d’un groupe rituellement uni, concentré et sensibilisé. Mais il est bon de rappeler que le maçon en loge est appelé à une forme extrême de concentration avec ses FF et SS depuis l’abandon des métaux jusqu’a l’allumage des feux sagesse, force et beauté. Cet allumage du point de concentration est au centre de la loge. C'est un véritable centre de partage et de convergence, mais c'est aussi, par association symbolique, l'identification de centre intime de chacun des "présents ". Il y aurait donc établissement d’un chemin commun à tous qui serait l’activation d’un centre par concentration. La résonnance d’un centre individuel formé et concentré est-elle perceptible par un autre participant également formé et concentré ?

Il y a lieu de rechercher les traces extérieures de l’existence d’un inframonde dans les tribus primitives, en précisant que ce monde est enfoui en chacun de nous. On le qualifie d’imaginaire, car il produit des images ou des représentations symboliques, mais il est réel pour les aborigènes.

Ce que nous avons en nous est une aptitude à la vision de la nature dans ses forces et puissances qu’elle développe, et cette vision résiste à l’explication scientifique sans la combattre. Qui dit vision dit signes, marques, traces et images qui sous-tendent l’intuition et l’embryon du raisonnement. Le raisonnement serait historiquement issu de l’intuitif.

Dans les rites primitifs de certaines tribus, on retrouve des traces probantes de la vison et l’exemple des aborigènes d’Australie peut démontrer le dialogue existant entre la Grande Nature et l’homme via un inframonde : les hommes sont reliés pour un temps donné avec le reste de la Création. Cette reliance inclut les générations passées et futures. Chez les aborigènes, c’est une vision globale inclusive du non apparent. La sagesse impliquée par cette vision, s'acquiert tout au long de la vie en écoutant, en observant et en expérimentant d’une manière initiatique l’environnement de l’observateur comme un lieu « relié ».

Les aborigènes ont une profonde compréhension de la nature humaine intriquée à son environnement. Une réalité intangible appelée « vérité » de ces peuples est liée aux lieux sacrés. Pour les aborigènes d’Australie, tels montagnes ou massifs sont un témoignage du temps du rêve où le monde fut créé par des esprits ou des "Grands Êtres" Ceux-ci ont façonné le monde et tous ses composants.

Ces mythes et légendes rendent comptent d'une forme de vérité. Les lieux et territoires sacrés transmettent la sagesse et la connaissance accumulées par les ancêtres en des temps immémoriaux, ils sont à la fois signes et marques de la communication existante entre le réel et le l’arrière monde. Ces Êtres dictent aux hommes la conduite à tenir en matière d'organisation sociale ou politique. Nous pouvons dire que la vision globale implique une représentation entraînant le visible et l’invisible dans un même schéma et que cette représentation visible et non visible est un réel complet. Il en est de même du langage qui est à la fois verbal, symbolique, subtil et non verbal, et plus primitivement formé en pensée par concentration. Peut-on affirmer que deux êtres formés à un réel étendu et qui ritualisent la concentration, peuvent communiquer en pensée ?

Naturellement formés au rationalisme nous demandons la preuve de l’existence d’un mode de langage en pensée, or il se trouve que la preuve telle que nous l’envisageons ne repose que sur le constat de l’apparence. Rappelons que l’apparence est règle de la modernité. L’ancienne tradition ne s’arrête pas à l’apparence qui n’est qu’un artefact d’un réel trop limité. La preuve ne serait rapportée que par une immersion dans un réel élargi. C’est ce que nous enseigne le rituel du serment maçonnique: les yeux bandés, le futur apprenti jure sur le livre de la loi sacrée, l’équerre et le compas. Le rituel maçonnique met ainsi en route un langage (ici sacré) qui n’a point besoin d’apparence pour former ses certitudes, et par le silence il nous enseigne que le langage est d’une autre nature que verbale. Ces deux constats semblent nous orienter vers un autre langage, comme celui les aborigènes d’Australie. Ces derniers orientent leur langage dans un temps et un lieu englobant le non apparent. Le temps et le lieu symbolique de la loge deviennent « sacrés » et séparés du profane. Le langage sacré est donc un langage de reliance fondé sur la pensée et la représentation mentale d’une communication non verbale.

Les anciens chemins de l’inframonde seraient accessibles par les voies d’actions nées de la concentration que l’homme spirituel va récupérer. Cette concentration héritée de la période chamanique et magique sera reconvertie dans la relation à l’unité divine. Ces voies d'actions sont activées de diverses manières, comme l’infinie étendue du langage qui investit d’autres lieux et d’autres temps à partir d’une situation présente et concrète.

L’homme rationnel voudra y voir une étape dans l’évolution de la conscience et ne s’y arrêtera que pour la relater et non pour réintégrer cette pratique; il refusera la dimension du langage sacré trop irrationnel. Ce qui échappe à la raison fondée sur la preuve et l’apparence est relégué à la rubrique des croyances.

Ceci constitue une erreur, car la reliance n’est pas nécessairement religieuse, elle peut être exclusivement initiatique et le langage sacré n’est pas obligatoirement celui d’une religion, mais celui de la sagesse de l’initié qui s'appuie sur l'expérience d'un réel élargi.

(…) à suivre

À travers l’évolution du langage de reliance nous tenterons d’établir le chemin de la conscience éclairée qui est la base de toute démarche initiatique

ER

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30 octobre 2015 5 30 /10 /octobre /2015 19:11

Notion d’intention initiatique

(cet article est la suite de l'article "Histoire et vérité d’un rituel maçonnique."http://www.ecossaisdesaintjean.org/2015/09/histoire-et-verite-d-un-rituel-maconnique.html, et de "La parole perdue clefs de lectures et perspectives." http://www.ecossaisdesaintjean.org/2015/06/la-parole-perdue-clefs-de-lectures-et-perspectives."Le secret initiatique notion de reliance" http://www.ecossaisdesaintjean.org/2015/02/le-secret-initiatique-de-la-divulgation-a-la-revelation-notion de reliance-")

En tentant de faire un parallèle entre la vérité historique et la vérité initiatique, nous avons compris que la première ne pouvait prétendre complètement relater la seconde.

La vérité historique ne relate qu’une réalité restreinte et temporelle, la vérité initiatique donne à percevoir une réalité étendue reposant sur l’intention de reliance et de connaissance qui dépasse le fait. Pour ainsi dire l’intention transcende le fait sans le nier, lui donnant une épaisseur particulière qui servira de base au symbole.

L’initiatique reposant sur l’expérience « consciente » du vécu, il semblait logique que nous en recherchions les limites en prenant appui sur la réalité, en dépassant le système discursif et documenté d’un fait, pour atteindre la notion d’intention. La conscience du réel serait chez l'initié marquée par l'intention de reliance. On repousse les limites du domaine du réel en s’appuyant sur la notion d’intention et de reliance à plus haut. Cette intention s’exprime par un langage non verbal et utilise la technique symbolique et l’analogie. Finalement, le symbole est tiré de l’objet « réel » que l’on observe avec une intention interprétative qui repose sur la méthode analogique. Nous pouvons dire que la réalité augmentée de l'initié se fonde sur l’intention et a pour outils la méthode analogique.

Nous tenterons de poursuivre l’exploration du domaine du réel « élargi » par la notion d’intention.

Il n’y a pas d’action ni de transformation sans intention. C’est l’intention de reliance qui permet le passage de l’action à la réalisation « éclairée » pour l’initié. Pour l’œuvre de l’initié, le passage de la forme à la transformation et à la transmutation est encore rendu possible par l’intention.

Il y a donc à partir d’une attache indiscutable au réel, une volonté, une intention de se relier à un plus haut ou a un centre absolu et originel. Cette volonté se manifeste en loge part l’usage symbolique de l’épée droite qui symbolise le rayon qui nous relie au centre initial, et de l’épée flamboyante qui est celle des Kérubin qui nous ont tenus éloigné du paradis perdu depuis la chute. L’initié se tient donc entre le constat de la chute et de l’éloignement et son désir de retour et de réintégration au centre.

Cette tension est le moteur principal de l’initiation et de la réalisation. Nous appelons cette tension, « intention » en ce quelle marque la volonté d’un retour, d’une reliance à quelque chose de plus haut et de plus sublime. Ainsi la pensée, qui précède la volonté de se relier à plus haut (l’intention), induira l’action de l’initié. Géométriquement, l’action se fera sur un plan donné (la réalité), mais l’intention s’inscrira dans un axe. La pensée suivra alors le schéma symbolique de la loge maçonnique qui est représentée par cette incontournable croix tridimensionnelle. Philosophiquement, le réel d’un plan est donc interdépendant de son axe et de son centre que l’on doit rechercher. Ce fameux centre est encadré en loge par les qualificatifs suivant : force, sagesse et beauté entre lesquels se déploient les trois plans successifs de l’apprenti du compagnon et du maître.

Nous avons compris que l’initiation maçonnique œuvre à partir du réel et tente de lui donner un dimensionnement qui dépasse le simple aspect discursif et descriptif. Pour parvenir à donner à la réalité, à la fois cette transparence et cette épaisseur (ce qui constitue le don de double vue), le franc-maçon s’appuiera sur le transfert symbolique et sur la pensée analogique.

Nous pensons que le transfert symbolique de l’objet et l’analogie représentative qui en découle sont motivés par l’intention.

L’intention est ce qui, d’un point de vue humain, relie le réel de la matière et de la pierre à une unité et une totalité. C’est en quelque sorte la reliance à l’étoile. Il est bon de rappeler que cette étoile peut être à cinq branches lorsqu’elle est du domaine de l’éthique ou à six branches lorsqu’elle est du domaine de la métaphysique. Ainsi l’humaniste comme le métaphysicien trouvent une reliance qui motive l’intention et déplace les frontières de l’apparente réalité en lui donnant une profondeur et un sens.

Sans le transport représenté symboliquement par l’étoile, il n’existerait qu’une réalité plate et animale, il n’existerait ni chef d’œuvre « éclairé » ni Temple « de l’esprit ».


1/ Mécanisme de l’intention

L'homme veut toujours se relier à l'intention première, la graine, la source, l'origine, le yod, la lumière des temps premiers, etc. Tous les rites maçonniques placent leur naissance légendaire dans un ailleurs fondateur et archétypal.


Le Rite Ecossais Primitif, génialement éclairé par Robert Ambelain en 1985 nous servira d’exemple. Examinons la force de l’intention dans un rituel maçonnique. Il nous faudra considérer le fait associé à la vérité historique et l’intention associée à une réalité « étendue », « augmentée » voir « exaltée ».


Prenons un exemple sur lequel nous pouvons faire apparaitre le mécanisme de l’intention, de reliance à un centre ou a un plus haut : depuis 10 ans les historiens parlent enfin d'une possibilité d'implantation d’une franc-maçonnerie continentale en France bien avant la constitution de la Grande Loge de Londres en 1717. La réalité historique est donc évolutive, elle commence à admettre ce qu’elle niait naguère. Il semble probable que des loges régimentaires s’implantèrent en 1688 à Saint Germain en Laye. Ces loges régimentaires étaient composées d'officiers "acceptés" et de bas-officiers "de métier", sur un modèle écossais et irlandais de type Anciens Devoirs trinitaire.
Le fait : l'exil des Stuarts en 1688 est accompagné d’une noblesse d’esprit rose-croix et membre des ordres de chevalerie dont celle de saint André et de saint Lazare. Cette situation d’exil va se retrouver dans les rituels Stuartistes comme l’illustre ce grade de Maître Parfait au REP avec une mise en parallèle vétérotestamentaire de l’exil babylonien;
L'intention: reconquérir le trône du souverain de droit divin qui est le centre du pouvoir (reliance) face à l’usurpateur hanovrien, ou d’un point de vue vétérotestamentaire : reconstruire le temple de la reliance divine détruit (thème du grade le Maître Parfait Écossais).

Légitimité ritualisée : faire l’assimilation de l’histoire contemporaine en s’appuyant sur l’histoire vétéro-testamentaire. La légende la plus ancienne doit être en reliance avec le plus haut « divin » et doit coller par analogie à la situation historique et réelle des Stuarts. Ainsi l’intention de reliance emprunte les mêmes chemins entre une situation ancienne et reconnue et une situation contemporaine. La légende du grade légitime par analogie une revendication politique. Cette légitimité repose toujours sur l’intention de se relier au centre temporel ou spirituel car ici le roi est de droit divin qui même éloigné du trône reste relié a celui-ci. Rappelons à cet effet que le trône est le lieu du couronnement et donc de la descente du divin sur le tête du Roi.

Pour les Stuarts, leur « histoire contemporaine » liée à l’exil et à la perte de la pierre du couronnement (la pierre de Scone) s’en trouve transposée sur un plan mythique et vétéro-testamentaire.

L’exil suppose le retour, et la perte de la couronne suppose sa reconquête. C’est ici que se dessine une double intention convergente qui doit s’appuyer sur une légitimité historique de nature équivalente. On va donc apparenter la destruction de l’ordre établi (le Temple) et l’exil à Babylone à l'usurpation du trône et à l’exil Stuart de Saint-Germain-en-Laye. De même on va apparenter la mort d’Hiram à la disparition du lien initial et légitime avec le divin qui est en franc-maçonnerie caractérisée par la perte de la parole suite au meurtre du son porteur légitime.

Les Stuarts vont bénéficier d’une mise en parallèle des deux plans historiques : le plan contemporain se reflète dans l’Ancien Testament mythifié dans une version Salomonienne et Hiramique. Ici le référentiel reste légendaire, la vérité historique importe peu, elle n'est qu'illustration d'une intention de reliance. Cette intention de reliance va s'appuyer sur le système du "reflet" de l'image devenue symbole.

On fait une inversion volontaire du signifiant et du signifié en regard de l’objet historique, de sorte qu’on ne saurait dire quelle est l’image originelle et quel est le reflet.. C’est ici le jeu bien connu du miroir cher aux hermétistes. C’est l’art du mythe et du symbole d’induire la polysémie, et c’est cette polysémie qui nous conduit vers l’apprentissage d’un métalangage. C’est au final ce qui est recherché dans le rite en regard de sa prétendue historicité : établir des plans successifs de situations analogiques ouvrant le champ du réel à la notion de reliance à plus haut.

Si un rite n’a plus de fondement mythique et symbolique qui induit un langage subtil avec une perception élargie de la réalité, alors le rite dégringole, il ne devient que coutume ou folklore. Oublier le mythe ou l’histoire élargie à la légende, c’est rendre inactive l’image projetée en soi. L’image est visible, mais sans reflet en soi, et donc sans effet, si ce n’est folklorique.

Donc, le mythe et les images projetées qui l’accompagnent fondent le message de l’initiation qui est une intention de reliance. Cette intention initiatique est un recommencement se traduit par une remise à niveau de la perception du réel et l'acquisition d'une vision profonde de soi mais aussi l'intégration à soi d'une vision totale du monde (unité et totalité).

Illustrons cette intention polysémique dans la légendaire Écosse que lie le destin des Stuarts au trône et à son éloignement:

Le trône écossais repose sur la légendaire pierre de Scone. C'est littéralement une pierre cubique de fondement de la royauté écossaise ; la descente du ciel sur terre avec mise en gloire du souverain couronné et de droit divin , sacré « debout » sur cette pierre, est l’expression typique de l’intention dans l’acte sacral. La pierre représente le réel, augmenté de la station axiale du futur roi d’Écosse. C’est l’intention axiale, la reliance volontaire de l’homme qui donne la valeur symbolique et mythique à la pierre de Scone. Nous retrouvons l’intention dans le célèbre redressement de la pierre « Bethel » par Jacob. Donc la pierre de Scone devient trône pour le roi (pierre d'assise, de trône, et de "fondement"), comme Bethel peut être la pierre d’angle du Temple.

Dans sa représentation, le trône qui est la « pierre d’assise » du roi est toujours situé dans la mandorle du fronton des cathédrales, précisément dans l'axe et dans l'espace médiateur entre la Terre et le Ciel. Reconquérir le trône, c'est retrouver la parole perdue et donc le lien avec le ciel à partir d'un centre spirituel et temporel.

Le trône est donc la pierre de fondement et c'est aussi par l’intention de reliance qui nous anime, la clef de lecture de la voûte étoilée...(clef de voûte). Dans ce cas la pierre du sacre comme la pierre d’autel ou la pierre de fondation sont des "tables de lecture" du ciel qui permettent la reliance, la survenance de l'image et de la représentation mentale axiale, à partir de plan terrestre.


2/ L’interchangeabilité et l’appropriation- notion de transposition.


C’est l’art de la transposition qui permet l’appropriation du mythe ou de la légende. La transposition participe d’une réalité élargie.

Ainsi l’initié est capable de transformer la forme initiale, puis de passer de la transformation à la transmutation, mais encore de procéder à la transposition dans le temps et dans l’espace.

La transposition est permise par la nature même du mythe et de la légende. En effet le mythe est hors du temps et son espace est dans un ailleurs surplombant. Tous ces transferts que nous notons sont fondés par l’intention, consistant en la volonté de relier une situation réelle à un centre ontologique et s’appuient sur la méthode maçonnique de l’analogie symbolique.

Donc rétroactivement le mythe et la tradition verbale, vont devenir une réalité plausible « ritualisable », et surtout réutilisable dans des circonstances typiques. Bien que permettant l’analogie, les circonstances contemporaines seront de moindres importances que le modèle mythique archétypale qui fonde le rite . La fonction légitimante du mythe par analogie à une situation contemporaine contribue à démontrer que la réalité étend ses frontières au-delà du simple fait démontré. La circonstance est intriquée dans un schéma archétypal et axial qui domine notre pensée et notre action initiatique. C’est donc le mécanisme de l’intention qui augmente le champ du réel en lui donnant un sens.

L’initié va donc considérer que la réalité est porteuse de sens ne se limitant pas à un fait, et que le sens se détermine en fonction de l’intention.

Le rituel restitue la mémoire de l'origine dans sa double réalité : celle du fait (qui intéresse l’historien) et celle de l’intention (qui intéresse l’initié). La conjugaison de ses deux notions va générer la "vision". Le rituel donne ainsi la clef de la reliance à plus haut sur la base d’un artefact historique, mais il permet aussi l’établissement d’un modèle ou schéma typique de situations interchangeables dans le temps. En effet, l’intention de reliance permet de se projeter dans tous les temps et tous les plans. L’intention de reliance devient l’instrument de la transposition donnant la vision.

Ce schéma sera éprouvé par l’initié dans ses sens et dans un processus de cheminement vers une « lumière » qui lui appartient. L’appropriation de l’intention par l’initié rend effectif et interchangeable le message légendaire ou mythique. L’intention du rite devient l’intention de l’initié qui trouvera à appliquer ce modèle dans les « circonstances » de sa vie.

Donc le rite maçonnique ou initiatique doté de légende porte en arrière-plan, une négation du temps historique en faisant émerger le "non-temps", mais aussi le "non-lieu" qui est le centre absolu.

Exemples d’interchangeabilités possibles avec une reliance commune: Les Stuarts en exils sont « mimés » dans le grade de Maître Parfait Ecossais qui nous raconte le retour d’exil babylonien. Cet exil babylonien est archétypal et suggère deux destinations ontologiques : le retour au paradis perdu ou le retour en terre promise. Ces deux destinations ontologiques sont mises pour la reconquête du centre temporel par le roi déchu et la récupération de sa couronne. L’intention veut nous faire passer du désordre de l’exil et de la confusion à la restauration de l’ordre initial.

Autre exemple : l’assassinat d’Hiram dans le temple de la reliance serait qu’une remise en forme mythifiée de la décapitation du roi Charles 1er Stuart, roi d'Angleterre, devant son palais de Whitehall, près de Westminster, le 30 janvier 1649. Ce dernier s’opposa à son peuple et à son parlement, il ne voulut pas renoncer à l’ordre établi d’un pouvoir absolu, face à ceux qui n’avaient pas les qualités pour se substituer à sa reliance de droit divin. Au moment fatidique il prononça ce mot « remember » qui constitue pour certains, outre le devoir de mémoire cher au franc-maçon stuartiste, l’acte de résistance ultime dans la défense de la filiation de droit divin et que l’on retrouverait dans la légende d’Hiram où la mémoire du centre dépasse et survit à la circonstance de l’assassinat. Charles 1er comme Hiram, en héros tragiques et légendaires cultivent une mémoire et une filiation du verbe divin via la parole perdue. Ils vont défendre la légitimité traditionnelle d'une transmission et ne pas céder à l’usurpation "profane". L’intention dans la reliance est similaire et porte sur l’origine divine de la parole, des plans du temple et de la dévolution du pouvoir.

D’un autre côté, l’assassinat marque le renouvellement par une seconde transposition qui est littéralement une appropriation prométhéenne, caractéristique de la voie initiatique. Souvent la transposition dans le temps fait aussi place à une transposition dans l'espace en s’associant à la transgression. La transgression prométhéenne est une transposition qui marque un changement de cycle. Elle permet l’évolution tout en conservant la mémoire du centre, donc l’intention associée à la reliance reste intacte, mais se transpose dans un Nouveau Monde, ici celui de l'homme qui voulant s'émanciper du mythe par le sang du sacrifice, ne fait que l'intégrer plus fortement dans les soubassement de sa psyché. L’assassinat du porteur de la parole qui relie les élus au divin, est l’archétype de l’appropriation de la conscience d’une reliance à plus haut par la nouvelle génération (mot substitué = appropriation de la parole). Cette appropriation prométhéenne de la parole au profit des hommes se répercute tout au long de la chaîne de transmission, conservant l'intention de reliance comme fondement de l'initiation.

En transmettant, on s’approprie la reliance de son prédécesseur pour l’offrir à son propre successeur en gardant en ligne de mire ce qui symbolise l'intention, à savoir l’étoile.


On notera enfin que l’appropriation initiatique du mythe est d’abord l’appropriation d’un récit par "ingestion" (incorporation de la geste) et sa restitution en langage non verbal (table de projection du maître, parole subtile, métalangage).

Il ne peut donc y avoir d’initiation sans récit, légende ou mythe « appropriable » et transposable en vertu de l’intention.

3/ L’intention réhabilite l'espace sacré en l'homme

Le temps sacré est par définition un temps mythique. Le temps mythique est un « non-temps » profane, car le récit qu’il porte n’a pas de dimension humaine. Les hommes qui sont les héros de ces mythes sont des demi-dieux ou des hommes exemplaires placés dans l’axe de la reliance à plus haut.

Les Grecs, pour asseoir les mythes fondateurs de leur "histoire," et les faire redescendre dans leur réel, créèrent a posteriori et de toutes pièces, des faux tombeaux et faux mausolées dédiés à leurs héros qui n’y seront jamais enterrés. C'est une légitimation rétroactive et pseudo historique du mythe. On tente ainsi de concrétiser le mythe par des tumulus postérieurs dont l'effet est rétroactif.

Dans ce cas, la réalité historique importe peu, ce qui compte, c'est la valeur du symbole qui donne à la réalité une autre épaisseur et une élévation de la vision. De cette épaisseur de la réalité, née l’idée que le passé est "présent", et que ce passé est éternellement présent dans l'intention. On en revient au mythe de l’éternel retour. Le mythe est lui-même l'indice d'un éternel retour à l'origine et au centre. L'intention est donc une dynamique du retour à la source et au centre.

Dans la concrétude la plus complète, l’homme introduit une éternité centrée sur lui-même.
C'est ainsi que l'on fonde la mémoire collective, moins sur une « réalité historique » que sur une « réalité mythique et dynamique» qui s’appuie sur des rites servants un temps élastique et pseudo historique. Le devoir de mémoire du franc-maçon, depuis les statuts de Schaw et plus antérieurement les Anciens devoirs, témoigne dans la formulation légendaire de ce passé, un éternel présent marqué par la reliance. La véracité d’une date dans un espace mythique ou légendaire est secondaire face à l’autre vérité qui est celle de la reliance à la source. Cette volonté de reliance à une source est une bonne définition de l’intention.

On voit bien que pour l'initié, le réel est toujours relié, ce réel est sans doute plus étendu et plus ample que sa preuve scientifique ou historique! Les constitutions d'Anderson sont typiquement animées de ce désir de reliance. Ainsi entre 1723 et 1737, on constatera un effort de rationalisation historique surement due à l'influence "scientifique" du baron de la Tierce.


En fonction de ce qui précède, le franc-maçon cherche à développer sa vision comme « une extension du domaine du réel » par la mise en relation de l’acte avec le sens supérieur qu’on voudrait lui donner. À chaque fois que l’initié veut donner un sens à son acte, il se dirigera vers son étoile éthique et humaniste ou métaphysique. L’initié ne peut s'enfermer dans une rétractation du réel au seul objet formé, nommé, normé et documenté. L’intention permet le passage d’un réel formel à un réel profond qui se prolonge au-delà de la forme lorsque celle-ci vient à disparaître (mort d'Hiram) et que sa formulation audible n'est plus (perte de la parole). C’est alors que vient à s'exercer le véritable langage de l'initié (parole subtile ou substituée, mais toujours reliée par l’intention, langage non verbal). C'est ce que mettra en pratique le compagnon lorsqu’il accédera à la chambre du Milieu. C'est aussi une partie du sens de l'age du maître: sept ans et plus. Tout est dans le "et plus"
Le mythe et la légende répondent à notre vision du réel, dans un cadre bien plus élargi et relié. Le mythe nous parle d’un autre réel fondé sur l’intention de reliance. Le réel ne peut se borner à la seule apparence visible par un observateur. C’est donc à l’observateur confronté à la contingence, de donner un sens élevé à ses actes en devenant acteur intentionnel. Le franc-maçon est un acteur intentionnel qui situe l'acte en reliance avec l'idée d'un sacré intemporel attaché à l'homme, ce qui fait dire à certains que l'homme possède en lui une parcelle de lumière divine.

E.°.R.°.

(à suivre)

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30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 11:37

Histoire, vérité et réalité d’un rituel maçonnique.

L’esprit rationnel réclame la preuve documentée suivant les modalités de la recherche historique, seulement voilà que la dimension initiatique et les rites qui l’accompagnent échappent à l’histoire et à la preuve documentée. Ce n’est pas pour autant que l’initiation échappe à la réalité, bien au contraire puisse que l’initiation repose sur l’expérience. Nous allons tenter une mise en parallèle de la méthode historique qui relate des faits réels qui se sont déroulés dans le monde réel et de la méthode initiatique qui relate l’intention et la vision consciente à l’intérieur d’un ordonnancement de faits réels. Notre but sera de démontrer que la méthode initiatique par ses effets sur notre conscience augmente la profondeur de champ d’une réalité perceptible que l’histoire ne relate que superficiellement.

1/ La vérité d’un rite initiatique et son histoire documentée.

Peut-on répondre à cette question : est-il possible par le document historique de retrouver l’origine d’un rite ?

Il faut étudier le rite, et comprendre que la vérité initiatique se distingue de la vérité historique.

La vérité historique se fonde sur le fait avéré situé dans la flèche du temps, la vérité initiatique se fonde sur l’intention située hors du temps appelée « reliance » et « connaissance ». Nous pressentons que ces deux univers ne se nourrissent pas des mêmes informations, mais appartiennent a un même vécu sur une base réelle. L’histoire appartient au réel documenté qui se nourrit de la preuve, du fait dont on témoigne, l’initiatique appartient à un « réel augmenté » qui se nourrit du non-temps et du non-lieu pour être agissant et dont aucun document ne témoigne. Si l’initiatique maçonnique repose sur des rites nous devons vérifier si l’histoire démontre l’origine et détermine l’auteur d’un rite maçonnique.

Un rite maçonnique a-t-il un auteur ?

Un rite maçonnique n’a que des transmetteurs, car ici l’auteur appartient par nature à une collectivité humaine immémoriale. Ceci est le point de vue de l’initié, mais est-ce celui de l’historien ?

Ce que l’historien veut déterminer, c’est l’origine du rite, sa date et son lieu de naissance et ses sources documentées. Mais le propre des rites maçonniques est de renvoyer leur naissance dans l’espace immémorial du métier pour les francs-maçons et dans les confins des sources ancestrales de la conscience.

Cette conscience naîtra des grandes questions liées au mystère de la vie et de la mort, de la création et de la transcendance.

Les rites maçonniques n’ont ni auteur ni droit d’auteur, il n’y a que des transmetteurs qui aménagent le rite précédent en fonction d’une intention de reliance adaptée à leur siècle. Ainsi la franc-maçonnerie existait bien avant 1717, il suffit de regarder les loges régimentaires Stuartistes. Prenons l’exemple du Régiment Walsh qui des 1688 selon G. Bord, constitua en son sein une loge régimentaire. Sa filiation n’est autre que la pratique « villageoise » des différents Frères d’origines et de métiers différents qui la constituaient. Ils n’appliquaient pas un rituel précis si ce n’est celui né de leurs différentes origines. Ils en étaient les auteurs anonymes et sans prétention en regard du respect des grandes lignes de leurs anciennes pratiques. Ils ne faisaient qu’appliquer et adapter à leur milieu une pratique déjà ancienne (adaptation conventionnelle). Le milieu interfère donc sur la mise en pratique. Notons que l’influence rose croix et chevaleresque chez les officiers participant à ces loges, allait modifier sensiblement les rituels et favoriser l’élaboration de grades supérieurs. Les Stuarts feront beaucoup pour enrichir cette maçonnerie continentale et le discours de Ramsay viendra couronner cette influence, où la politique de reconquête s’associa à la dimension secrète et sacrée de l’initiatique.

Ici nous pouvons dire qu’il n’y a pas d’auteurs, mais une pratique « générique » impactée par des influences multiples coté Stuarts, sur une base calquée sur le schéma des opératifs. Ce schéma toujours constant est commun à tous les rites dits initiatiques de métier reposant sur la connaissance, mais aussi de l’Église ou des chamans reposant sur la croyance. Cette base repose sur 8 ou 9 phases identifiables. Le but est « d’incorporer » un processus de séparation du tumulte profane, « d’animer » un état d’âme de cherchant par une mise en tension (notion de quête), de « spiritualiser » et d’assimiler un métalangage, par des techniques collectives de concentration, de perception archétypale et de mémorisation. Il est entendu que le métalangage dans ce cas repose sur la vision, l’extrapolation symbolique et analogique au-delà de l’expression discursive et de l'image descriptive.

D’un certain point de vue l’initiation dans ses 8 ou 9 étapes successives, impacte le corps, l’âme et l’esprit (voir dans le même sens : Livre de l’Apprenti au REP Juin 2013 au chapitre réception, idem Livre du Compagnon). L’initiation par ses rites, établit le lieu séparé du profane (1), présumé sacré (le cabinet de réflexion et la loge-temple) par la mise en scène d’un « passage »(2) qui est à la fois une plongée en soi et l’entrée dans le non-temps et le non-lieu du temple de lumière qui permet le cheminement des épreuves (3) et leurs mises en pratique ou en perspective spirituelle (4) aboutissant à la pseudo mort sacrificielle (5) et à une véritable renaissance en esprit ou en conscience (6). Puis vient le temps du serment avec l’appel à témoin de l’autorité surplombante (7), l’illumination (8) et l’intégration dans la chaîne immémoriale des « initiés » (9). Nous comprenons que l’initiation va étendre le domaine du réel à une dimension symbolique et analogique « éclairante ».

Cette conscience « éclairée » s’appuie sur l’expérience (orthopraxie) de la perception spirituelle et individuelle de la « réalité », représentée par la matière et la forme (soi-même et le monde, mise en perspective de la réalité), dans le but d’édifier d’un chef d’œuvre individuel et collectif.

Ce chef d’œuvre éthique et/ou métaphysique, synonyme de perception élargie du réel, contient et conserve une reliance à plus haut (le Temple dans sa dimension intérieure et collective).

Cette base rituelique est commune à la fois aux religions fondées sur la croyance et la foi d’une part, et aux traditions initiatiques fondées sur la connaissance et la gnose d’autre part.

Dans une autre dimension historique, prenons le cas de Willermoz. Ce dernier en 1778 fit apparaître dans le rituel de la SOT une dimension théosophique et préchrétienne. Est-il l’auteur de ce rite ? À mon avis il enrichit la trame de la variante d’un rite initiatique Stuartiste existant. Il est donc l’auteur d’un enrichissement en puisant dans une théosophie dont il ne prétend pas être l’auteur, mais l’interprète « inspiré » ! L’auteur n’est relié qu’à lui-même, l’interprète est en reliance avec un plus haut fondateur via une chaîne humaine de transmetteurs qualifiés ou « inspirés ».

Donc nous ne pouvons pas parler d’auteur d’un rite pour la raison que la structure du rite traditionnel est souvent reprise dans ses grandes lignes et reste à peu près immuable. L’inspiration du transmetteur ne lui appartient pas en propre, mais reste attachée à une intention de reliance et de vision qui a toujours dominé l’initiation. Cette reliance du pseudo auteur est située dans un plus haut et/ou dans un plus ancien, qu’ils fussent spirituels ou pratiques. À chaque fois que nous voulons nommer l’auteur d’un rite ce dernier en esquive l’attribution suggérant l’ancienneté préexistante de son apport. Il s’agit toujours d’un apport, d’un enrichissement sur une base ancienne, et non pas d’une création ex nihilo. On pourrait, sur cette base, démontrer que le rite opératif de Salomon, né en 1971/74 n’appartient pas à ses auteurs qui au final ne sont que des transmetteurs « inspirés » chargés de synthétiser la dimension opérante des rites maçonniques et compagnonniques. Donc la paternité d’un rite se veut anonyme, et d’origine immémoriale même si l’apport « éclairant » d’un individu est manifeste. La notion d’auteur et d’interprète de la reliance est mal comprise et crée un hiatus entre l’historien et l’initié.

La pratique ancienne n’appartient à aucun auteur.

L’histoire ne permet pas de retrouver l’auteur d’un rite.

Un rite initiatique est inappropriable. Il appartient à tous ses pratiquants potentiels qui démontrent leur transmission et mise en œuvre conforme. Ces rites appartiennent au patrimoine commun de l’émergence de la conscience humaine. C’est à ce titre que nous devons les protéger dans leurs processus, les conserver et les faire vivre.

Pratiquer un rite maçonnique, relève d’une démarche ontologique basée sur une orthopraxie et une légende qui se transmettent dans une chaîne sans fin. Ceci constitue une difficulté pour l’historien qui se heurte à la légende incontrôlable dans sa diffusion verbale et à des rituels non écrits, précisément formés autour de la parole, du geste, et d’un langage non verbal bien plus subtil que nous l’imaginions. C’est une collectivité d’initié qui est dépositaire de la pratique, un éventuel auteur ne serait qu’un interprète parmi d’autres biens plus nombreux. Donc, un éventuel auteur que nous considérons plus comme un interprète ne serait qu’un artefact, un élément dans une chaîne de filiation qui le dépasse, et qui nous dépasse.

Des organismes ad hoc se sont créés spontanément afin de protéger l’essence et garantir la pratique de ces rites ainsi que la traçabilité de la filiation. Ils diminuent les effets de la dénaturation due au temps. Leur objet ne devrait pas consister en l’appropriation d’un bien immatériel témoignant de l’humanisation de l’homme, mais plus simplement d’en garantir le respect.

Toutefois ces rites maçonniques pratiqués aujourd’hui sont comparables dans leurs fondements, aux traces écrites et manuscrites le XVII et XVIIIème siècle, qui n’ont cessé d’être transformées. Ils ont dans leur ADN la trace des deux rites anciens de métier : ceux des Anciens Devoirs remontant à 1390 et 1410 (Regius et Cook), et ceux du rite écossais du Mot de Maçon remontant à 1637 ; qui eux-mêmes sont héritiers de rites plus anciens, voir antiques.

Les rites sont toujours fondés sur une base ancienne « reformée et réformée » dans leur présentation, mais rarement dans leur structure agissante (les 8 ou 9 phases abordées plus haut). Ce fut le cas des travaux d’Anderson et Désaguilier en 1717, 1723, 1737, etc, qui en conservent les bases. Les rites ne sont donc pas « inventés », ils sont tout au plus réaménagés suivant des modèles anciens et dans l’air du temps (politique, religieux, philosophique, etc.). Ces modèles anciens relèvent de schémas puissants et constants depuis la nuit des temps et fonctionnent sur la notion d’épreuves élémentaires, de passage aboutissant à l’émergence d’une conscience du non-espace et du non-temps.

Le poids de la pratique validant la structure agissante d’un rite initiatique sera toujours plus puissant que l’interprétation écrite, ou l’habillage cosmétique de quelques maçons « éclairés ». Ces derniers seront rattrapés par la puissance des filiations anciennes qui se réactualisent constamment au contact de l’esthétique contemporaine. Autrement dit les schémas directeurs sont plus forts que les aménagements rituéliques conventionnels. Le rituel ne sera jamais que le servant d’un schéma fondateur qui appartient au cheminement de la conscience éclairée de l’humanité.

2/ Quelle réalité et quelle vérité dans un rite initiatique ?

La pratique du REP porte en elle un constat qui s’appuie sur une phrase de Robert Ambelain et PL : « il n’y a pas d’autre initiation que dans la réalité », et sa variante : « il n’y a pas de plus grande initiation que la réalité ». Encore faut-il « voir » toute la dimension du réel.

Cette vision élargie du réel est le but de l’initiation et entraîne ce que j’appelle une « extension du domaine du réel ». Le REP, notamment dans sa mise en œuvre de la légende d’Hiram et dans le relèvement par les cinq points, va nous apprendre concrètement ce qu’est cette extension du domaine du réel jusqu'à une dimension sacrée. (Voir le Livre du Maître p 190 et suivantes. )

La vérité historique est mouvante et relative et ne permet pas de sortir du fait établi qui se substitue à un fait établi précédent : nous sommes dans une bataille opposant le document « historique » à la pratique verbale sans preuve. Le document n’est pas opérant au plan initiatique, car il ne relate qu’une vérité temporaire, reliée au temps qui passe. C’est un indice extérieur et temporaire. Tels fait ou document seront dépassés par un autre demain… Ce n’est pas le cas de la vérité initiatique qui est par nature hors du temps : le caractère "opérant" de la légende ou du mythe ritualisé est indiscutable dans tous les niveaux de l'être individuel et collectif, et ceci quelles que soient les variantes de la légende et de l’orthopraxie.

Dans la légende comme dans le mythe il faut un héros, ici l’homme comprit dans sa dimension totale. Cette dimension dépasse la limite corporelle et touche à une sorte immortalité ou d’intemporalité. Cette dimension rêvée est archétypale, c’est celle de l’Être, ou de l’homme premier, qui à l’évidence ne se situe pas sur la flèche du temps « documenté », mais remonte à l’origine « informelle ».

C'est à cette dimension totale et « initiale » de l'Être (où le rêve reste un fait avéré non pris en compte par l’historien, voir l’échelle de Jacob) que les rituels d'initiation s'adressent. Cette dimension n’étant pas temporelle, les historiens perdent alors leurs compétences et leurs repères.

Pouvons-nous dire que l’initiation suit un rituel immémorial qui outrepasse le document ou la preuve de sa pratique ?


Les historiens de la franc-maçonnerie font œuvre utile en nous documentant sur les preuves tangibles. Trop souvent l’analyse historique ne se préoccupe pas suffisamment de la transmission de l'influx spirituel. Il y aurait beaucoup à dire sur cette transmission. Sans doute que la vision historique du réel se restreint à l'objet documenté par une source testimoniale traçable, recoupée sur la flèche du temps. L'histoire ainsi écrite est parfois restrictive comme un fruit desséché alors que le mythe ou la légende du grade restent des fruits charnus. Ces fruits ont pourtant un point commun: la graine.

Par l’histoire documentée et le mythe ritualisé, nous devons retrouver la graine et la faire germer.


Le mythe devient réalité

Par définition l’histoire relate la réalité démontrée, mais quand est-il du mythe ritualisé ?

Si l’historien veut remonter le fil du temps en certifiant les étapes et les faits, le mythe appartient déjà à la nuit des temps. Le mythe et la légende sont la graine de l’initiation et le moteur d’un réel idéalisé.

L'histoire populaire et le mythe ensemencent le vivant et meublent l'imaginaire. Ils participent à la structure initiatique par la voie qu'ils tracent, l’interprétation cachée qu’ils recèlent et l'image mémorielle qu'ils font surgir en nous (origine mythique du métier, légende d'Hiram, légende de Noé, échelle de Jacob, tour de Babel, Arche de Noé etc.). Ce sont les graines originelles de l'initiation. Le mythe fait vivre les archétypes en leur donnant chair humaine.

Le mythe n’est jamais neutre. Il s’invite dans le réel et opère dans la schématisation comportementale et sociale, en offrant un cadre, un modèle et une hiérarchisation du monde entre la terre et le ciel.

Le mythe et la légende sont nés avant l'histoire moderne et engrangent 5000 années d'avance sur la science historique. Ils restent d'essence collective et archétypale et participent d’un langage subtil de reliance et d’humanisation.

Le mythe est né dans la nuit autour d'un feu central dans le cercle fermé de la tribu.

La parole tribale s'est transportée dans l'ascendance du feu central jusque dans la voûte étoilée. Du plan circulaire elle est passée dans l'axe. Passant dans l’axe et montant vers les étoiles, la parole est perdue sur le mode discursif, mais bien réelle dans un langage non verbal. Toute parole à son écho même lointain dans l’espace et le temps. La formulation du mythe marque le début de la reliance à plus haut. C’est à la fois la reliance des personnages mythiques et des dieux aux étoiles d’un côté et à la grande nature de l’autre, ces deux reliances vont se retrouver en l’homme. Enfin nanti d’une explication cosmogonique, l’homme va tenter la comparaison avec la totalité et l’unité originelle dont il serait issu. C’est la reliance de l’homme et de sa destinée à sa propre étoile aux proportions divines. Avant que l’homme ne trouve une proportion divine en lui, il est passé par le stade du mythe ritualisé où l’homme devient héros, architecte et acteur de l’univers (voir mythe de Prométhée).


C'est cette voûte et ces milliers d'étoiles qui alimentèrent la bibliothèque archétypale de nos cerveaux. Cette bibliothèque mémorielle est faite de toutes ces « intentions » individuelles et collectives que l'on qualifia plus tard d'immanences et transcendances, puis de croyances ou de connaissances. L’alphabet n’est qu’une prière comprise entre l’Alpha et l’Oméga qui n’attend que l’ordonnancement du Verbe.
Dans les deux cas (histoire et mythe) il s'agit toujours d'une création de l'homme basée sur le fait et sur l'intention: le fait humain est avéré dans la strate du réel historique et discursif, et l'intention humaine traverse la réalité et atteint les autres strates qui composent l'humain (états inférieurs et supérieurs). L’intention tend vers une reliance à plus haut; le mythe relate une reliance "orientée" dans la cadre du récit.

Le fait discursif s'inscrit dans le plan horizontal et l'intention se situe dans l'axe: c'est ainsi que le Temple est une bâtisse de matière (le fait) qui veut recevoir et contenir le ciel (l’intention). Lorsque l’on dit que le mythe devient réalité, c’est parce que l’intention anime le moteur du réel. L’intention permet l'analogie et la transformation symbolique, elle permet aussi le changement de "monde", ce qui est capital s’agissant de l’art de bâtir un Temple qui reste un objet réel qui étend son champ analogique dans des contrées inaccessibles à une vérité documentée...

(à suivre) E.°.R.°.

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26 août 2015 3 26 /08 /août /2015 23:11

2 / Les 22 lames du tarot Oswald Wirth.

Avant-propos

Cette planche concerne le taro d’Oswald Wirth. Dans une première partie, nous avons vu le tarot dans son ensemble. Je vais vous parler, aujourd'hui, des 22 lames du Tarot et leurs rapports avec la loge maçonnique, ou pour être plus précis, leurs rapports avec l’initiation maçonnique. Pour appréhender ces 22 lames il faut imaginer qu’elles racontent l’histoire de la progression initiatique. Chaque image représente un archétype tel qu’il pouvait être décrit au moyen âge. À l’instar du tableau de loge qui est une image du monde selon le grade qu’il représente, les lames du tarot représentent l’image de l’homme selon son avancée dans la voie initiatique. Nous pouvons comprendre les 22 lames du tarot comme un guide qui raconte les étapes de la vie et plus particulièrement les étapes de l’initiation. Dans la première partie nous avons abordé la classification en roue du Tarot par O.W. ce qui lui confère une notion de cycle. Nous avons démontré la présence des 4 éléments et des 4 points cardinaux dans 4 degrés hiérarchiques imagés (ou couleurs), représentés par ce que l’on appelle les hiéroglyphes du Tarot que sont les bâtons, les coupes, les épées, et les cercles ou deniers. Puis, cette roue du tarot divisée en deux et mise à plat a démontré une échelle montante et une échelle descendante des 22 lames, et de liens aériens entre les cartes. Nous avons vu les trois septénaires esprits, âme, corps qui sont la colonne vertébrale du Tarot. Et pour finir, nous avons mis en évidence les rapports avec l’arbre de vie des Séphirot de la cabale. Pour aborder cette dernière partie, il nous faut en vérité parler des 20 lames du Tarot, car Le fou (arcane sans nombre, à laquelle on attribue le 0) et le monde (arcane 21) sont à considérer en dehors de cette suite logique. Réduit à 20, la loi qui régit cet ensemble est le quartenaire et les 5 étapes de l’initiation comme l’explique J.Behaeghel dans son ouvrage: voyage au cœur du symbole (éd. Rocher). La quaternité (Q), la verticalisation (V), l’inversion (I), la transmutation (T) et les portes (P).Dernier élément dont je n’ai pas parlé dans la première partie, les couleurs (bleu, vert, rouge, jaune) des personnages et des décors des tarots, qui viennent compléter la symbolique numérale. On parle de croix des couleurs — J.Behaeghel voyage au cœur du symbole (éd. Rocher) – bleu ou noir au nord, vert à l’occident, rouge au midi et jaune à l’orient. Nous avons vu aussi que chaque lame repose sur un nombre, une image, un nom, une lettre hébraïque et des couleurs. L’ensemble compose une multitude d’éléments qui interagissent entre eux afin de révéler un symbole complet. Tout n’est pas descriptible, et une fois les symboles expliqués, libre à chacun d’interpréter et de ressentir chaque carte. J’ai choisi de présenter les tarots en partant du bateleur 1. Maintenant, entrons dans le détail des arcanes.

La Quaternité (Q) : 1 Bateleur / 2 Papesse / 3 Impératrice / 4 Empereur

1 – Le Bateleur

Nombre : 1 Élément : Air

Lettre hébraïque : aleph א – Le bœuf (unité)

Sephirot : KETHER (la couronne)

Classification : Préparation – actif – esprit de l’esprit – principe d’intelligence individuelle Son pendant : le fou 0 (sujet, point de départ)

Description et interprétation : La table sur laquelle reposent la coupe, l’épée et le denier est composée de trois pieds les trois piliers du monde objectif (soufre, sel, mercure) (O.W.) *(Lorsque j’utilise un passage du livre de référence le Tarot imagier du moyen âge, je le note (O.W.)), le jeune homme compose certainement le quatrième. Nous retrouvons cette analogie dans les trois colonnes autour du pavé mosaïque. Dans sa main il tient une baguette, ce qui permet de lui conférer l’appellation de mage. Il maîtrise ainsi les 4 éléments (denier, épée, coupe, bâton) qu’il a certainement affrontés dans des épreuves. Nous remarquons son chapeau en forme de 8 couché. C’est le signe bien connu de l’infini, mais aussi le parcours elliptique du soleil. Son costume est à dominante rouge ce qui le place immanquablement dans le domaine de l’action. Sa position permet de capter, avec la main gauche, l’énergie cosmique avec sa baguette (axe vertical) et de la transmettre avec la main droite au denier, accumulateur des énergies, sur lequel est dessinée une croix templière, représentant les 4 points cardinaux ou encore selon O.W. les quatre verbes — savoir, oser, vouloir, se taire – (O.W.). Son doigt désigne le centre de la croix que R. Guenon désigne dans symbolisme de la croix comme vide – non manifesté et que l’on droit interpréter par le centre de nous-mêmes. Les pieds en angle droit finissent de conférer au bateleur le titre d’apprenti. La quintessence du corps-habit est représentée par les 5 boutons qui ferment l’habit du bateleur. Cette description est à mettre en concordance avec le nombre 1, et Aleph : unité de toutes choses. Expert du quaternaire, le bateleur et le médiateur entre le fou – seul voyageur du tarot — et le monde — but du voyage.

2 – La Papesse

Nombre : 2

Élément : Eau

Lettre hébraïque : beth : ב – La maison (vie intérieure) Sephirot : C’HOCMAH (sagesse)

Classification : Préparation – intermédiaire – âme de l’esprit – l’esprit en présence du mystère – divers aspects de la vérité Son pendant : le monde 21 (perception de l’inconnu)

Description et interprétation : Premier personnage assis sur un trône, elle est en position d’écoute et de méditation de manière hiératique, tout comme on doit l’être en loge. Elle tient dans sa main droite le livre des secrets dont les clefs — l’une d’argent et l’autre d’or — se trouvent dans sa main gauche. Il s’agit du principe de l’ésotérisme, elle incarne le verbe muet du livre que l’on doit avaler pour le comprendre. La Papesse a contrario du Pape est symbole de la spiritualité lunaire et ésotérique. Elle porte un voile surmonté de deux rangées de pierres précieuses et d’un croissant montant. Il s’agit du voile d’Isis (qui veut dire « le trône »), rideau des apparences au-delà duquel il faut savoir discerner la réalité. Isis, déesse mère, qui plus tard sera représentée en Europe par les vierges noires. Les deux autres ornements font référence à la philosophie occulte et l’hermétisme. Sorti de l’unité (bateleur 1) la papesse (2) aborde le binaire représenté par les deux colonnes J et B qui se trouvent derrière le trône et qui sont de couleur Rouge et Bleu — Midi et Nord. Entre ces deux colonnes est tendu un rideau dont les contours sont en mouvement et que l’on doit soulever pour entrer en loge. C’est une allégorie de l’abandon des métaux, du passage du monde profane au monde sacré. La papesse vêtue principalement de rouge est dans l’action malgré son immobilité. Elle est dans l’action de l’esprit sur la matière, chemin que se doivent d’emprunter les initiés. Sur son ventre une croix de Saint-André additionné de croix secondaires renseigne sur le pouvoir de la papesse de révéler l’occulte. Sur la droite apparaît un pavé mosaïque dont le sens de la loi des contrastes est bien connu parmi nous. Son trône laisse apparaître un Sphinx qui pose les questions existentielles, d’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Enfin elle pose son pied droit sur un coussin, détail qui permet de dire que nous sommes bien en présence de Cassiopée souveraine noire – d’où l’allusion aux vierges noires. Elle réunit les trois mondes subterrestre, terrestre et céleste. Isis ne confie la clef des mystères qu’à ses fils – enfants de la veuve – dignes de connaître ses mystères (O.W.). La papesse incarnant la sagesse est le premier pilier de loge que nous rencontrons dans le Tarot.

3 – L’impératrice

Nombre : 3

Élément : Feu

Lettre hébraïque : gimel : ג – Le chameau (la synthèse de la dualité)

Sephirot : BINAH (L’intelligence ou La compréhension)

Classification : Préparation – passif – corps de l’esprit – le principe spirituel source de pensée et de vie – l’idée par rapport à l’entendement

Son pendant : le jugement 20 (assimilation de ce qui est hors de soi)

Description et interprétation : Vierge immaculée des chrétiens elle est mi- femme, mi- ange. Elle pose un pied sur un croissant tourné vers le bas, ce qui lui donne une position de domination sur le sublunaire. Elle est solaire, en référence au cadran (solaire) composé de douze étoiles (dont neuf visibles) qui auréolent sa tête et qui rappelle aussi le zodiaque. Elle se montre de face, en position hiératique, exprimant l’immuabilité des choses. En Reine du Ciel, elle est parée d’ailes argentées et porte dans sa main gauche un sceptre dominateur surmonté d’un monde et d’une croix. Dans sa main droite un blason de pourpre à une aigle d’argent, emblème de l’âme sublimée au sein de la spiritualité (O.W.). À sa gauche, une fleur de lys vient rappeler la pureté de son idéal. Elle est la révélation de la tri-unité. La couleur dominante bleue la relie au rôle de grande prêtresse. Le rouge du haut de sa tunique rappelle son activité intérieure d’où jaillit son intelligence. Le 3 est le nombre de l’apprenti, à ce stade il atteint un premier idéal depuis son passage dans le cabinet de réflexion et des profondeurs de la terre. Un premier pas vers l’élévation.

4 – L’empereur

Nombre : 4

Élément : Terre

Lettre hébraïque : dalet : ד – La porte (le monde matériel créé)

Sephirot : C’HESED (la miséricorde ou la compassion)

Classification : Préparation – actif – esprit de l’âme – la lumière créatrice – l’idée par rapport à l’entendement Son pendant : le soleil 19

Description et interprétation : L’empereur, est assis sur un trône cubique en or dont l’aigle noir représenté dessus est l’opposé du blason que porte l’impératrice. Incarné, l’oiseau noir est désormais prisonnier de sa matérialité. Représenté de profil, l’empereur tient son bras à l’équerre ce qui avec son corps forme un triangle. Il croise ses jambes (action) et porte à sa main le globe du monde qui représente plus exactement l’âme du monde (O.W.). Dans sa main droite, il porte un sceptre massif qui comporte à sa base un croissant lunaire — signe de domination de ce qui est instable (lunaire) — et se terminant en fleur de Lys, qui évoque un triangle descendant. L’empereur incarne ce qui est concret, le pouvoir terrestre, le prince de ce monde qui anime et gouverne les êtres qu’il a créés. C’est le père, le Grand Architecte de l’univers dont le trône n’est autre que la pierre cubique ou pierre philosophale, qui a comme avantage de ne pas pouvoir être renversée et d’être à la base de toute construction (O.W.). Son idéal de miséricorde fait de lui un gouverneur juste et bon. Il est associé à Hercule héros qui a obtenu après ses 12 travaux les pommes d’or du jardin des Hespérides, fruit du savoir initiatique. À ses pieds, la rose qui a commencé à naître chez le bateleur s’épanouit. L’empereur ferme la marche de la quaternité, et sa raison d’être est de s’inscrire dans le carré. Il doit harmoniser le visible afin qu’il puisse un jour devenir le reflet de l’invisible (J. Bahaeghel).

La verticalisation (V) : 5 Pape / 6 L’amoureux / 7 le chariot / 8 La justice

5 – Le Pape

Nombre : 5

Élément : Air

Lettre hébraïque : he : ה — le louange (les cinq sens, le souffle)

Sephirot : GEBURAH (Le bon jugement ou la rigueur)

Classification : Préparation — intermédiaire – âme de l’âme — quadruple source des convictions humaines — divers aspects de la vérité

Son pendant : La Lune 18 (illumination spirituelle)

Description et interprétation : il porte le nom et tous les attributs du souverain pontife. Rien n’échappe aux yeux bleus de ce personnage à la fois indulgent et rigoureux. Il s’adresse aux deux catégories de fidèles. Il y a celui qui regarde le pape les bras étendus laissant penser qu’il a compris les mystères sans pour autant accepter le dogme aveuglément, et il y a celui qui baisse la tête couvrant son visage en signe d’humilité devant son incompréhension spirituelle et acceptant le dogme. Une nouvelle fois (après la papesse) derrière le trône se trouve les deux colonnes J et B, mais cette fois-ci des colonnes de couleur verte signifiant une tradition bien vivante à l’image de celle de la nature. Devant cet auditoire contraire, le pape doit adapter son discours pour concilier ces opposés. Il est placé au centre d’un quaternaire matérialisé par les deux fidèles et les deux colonnes. Il suppose être le centre de la croix, le G du compagnon au centre de l’étoile flamboyante. Avec le chiffre 5, il représente l’homme médiateur entre Dieu et l’univers. Le pape est ganté de blanc, symbole que nous connaissons bien, indiquant que les mains ne se souillent jamais au contact des affaires temporelles (O.W.) des gants surmontés de croix bleues, couleur de l’âme. Sa tiare imposante à trois étages lui confère un pouvoir spirituel sur les trois plans, subterrestre, terrestre et céleste. Enfin il porte dans sa main gauche un sceptre surmonté d’une croix à triple traverse captant l’énergie du ciel qu’il restitue de sa main droite en bénissant les deux fidèles. Ce sceptre à 7 points, symbole de la perfection, rappelle l’arbre des séphirot. L’union du pape 5 et de la papesse 2 donne le 7. Il enclenche le processus de verticalisation du compagnon.

6 – L’amoureux

Nombre : 6

Élément : Eau

Lettre hébraïque : vav : ו — le crochet ou clou (ce qui lie les choses entre-elles)

Sephirot : TIPHERETH (La beauté)

Classification : Transition — passif – corps de l’âme —

Son pendant : Les étoiles 17 (détermination des actes)

Description et interprétation : voici l’apprenti subissant les épreuves d’augmentation de salaire. Après être passé par le pape 5, il entreprend ses voyages du compagnon encadré par deux femmes entre lesquelles il devra choisir : la papesse femme lunaire ou l’impératrice femme solaire. L’ange protecteur inscrit dans un rayon céleste s’apprête à décocher une flèche descendante, symbole du rayon de lumière fertilisant, matérialisant la verticalité. Ce mouvement dans cet arcane d’eau évoque la rencontre entre la lumière céleste et l’eau terrestre tout comme l’évoque le sceau de Salomon composé d’un triangle ascendant et d’un autre triangle descendant. Le six représente le chiffre de la création du monde et dont la valeur secrète (1+2+3+4+5+6=21) évoque le monde. Ce compagnon hésite entre deux chemins, incertitude qui est évoquée dans son costume alternant le rouge et vert (activité / vitalité). C’est, pour ce bateleur qui a déjà avancé sur le chemin, le moment de se déterminer et de choisir l’abnégation, l’amour inconditionnel au point de s’effacer. L’amoureux incarnant la beauté est le second pilier de loge que nous rencontrons dans le Tarot.

7 – Le chariot

Nombre : 7

Élément : Feu

Lettre hébraïque : zayin : ז — le glaive (le libre arbitre)

Sephirot : NETSAH (L’éternité – triomphe, victoire)

Classification : Application — actif – esprit du corps — quadruple source des convictions humaines – résultats de l’activité humaine

Son pendant : La maison Dieu 16 (l’intelligence aux prises avec la matière)

Description et interprétation : Le jeune homme conquérant qui se trouve sur un char est la synthèse du bateleur, de l’empereur et de l’amoureux. Assis dans un chariot-trône en mouvement (mais qui reste cubique), voilà l’amoureux maîtrisant son destin. Le chariot est orné d’un signe égyptien, un globe ailé qui a pour symbolique la sublimation de la matière et l’ascension de l’âme. Au-dessous se trouve un autre symbole antique qui représente la relation entre les principes masculin et féminin. Il faut comprendre que l’action du ciel sur la terre passe par l’union du haut et du bas. La vitalité de cette carte est accentuée par les rayons rouges des roues, seul lien avec la terre. Le chariot est surmonté d’un baldaquin de couleur azur étoilé. Cela doit indiquer que ce ciel est protecteur, mais que la montée est arrêtée par ce même abri. De manière discrète, le symbole du soleil est présent au centre des 6 étoiles du baldaquin. Nous voilà en présence de la représentation du septénaire. Le ciel en baldaquin est porté par 4 montants, les deux premiers jaunes les deux du fond verts. La position centrale du conducteur le place au centre de la croix, protégé par une solide cuirasse à dominante rouge où sont dessinés trois équerres et cinq clous d’or. Rouge pour l’activité, l’équerre qui signifie le besoin de rectitude pour celui qui désormais prend en main les rênes de sa vie et cinq clous qui rappellent les cinq boutons du bateleur et la nécessité de dominer les 4 éléments par la quintessence. La domination de ce qui croît et de ce qui décroît est symbolisée par les deux lunes à visage qu’il porte sur les épaules. Sa couronne faite de trois pentagrammes d’or lui confère un pouvoir élargi et s’oppose aux trois points inférieurs protecteurs de sa cuirasse, endroit qui évoque les bas instincts de l’être inférieur. Son commandement est personnifié par un sceptre terminé de plusieurs sphères engendrées les unes des autres, mettant en avant le principe de germination. Il faut y voir une analogie à l’utilisation du maillet en loge sous la voûte étoilée, comme peut le personnifier ce baldaquin étoilé. Si l’on ajoute le fait que le chariot dans lequel le personnage se trouve ressemble à l’hôtel du vénérable de loge, à la triple équerre qu’il porte sur le torse et qui lui accorde l’art de capter les énergies contraires, nous pouvons dire que nous sommes en présence du Vénérable Maître. Ajoutons les deux personnages qui semblent tirer le chariot qui sont en vérité la personnification des deux énergies de J et B. Ce triomphateur sous l’œil solaire d’Hélios réalise l’œuvre septénaire unissant le quartenaire inférieur et le ternaire supérieur.

8 – La justice

Nombre : 8

Élément : Terre

Lettre hébraïque : het : ח – La Barriere (séparation entre deux choses)

Sephirot : HOD (la réverbération, la gloire, la loi immuable des choses)

Classification : Application — intermédiaire – âme du corps — la lumière créatrice – applications de l’énergie

Son pendant : Le diable 15 (organisation et gouvernement des forces)

Description et interprétation : La verticalisation de l’être se termine par l’arcane de la justice. Le lien entre la justice terrestre et céleste est incarné par l’épée à double tranchant que pointe le personnage assis de face sur un trône. Cette justice nous introduit dans le temple entre les deux colonnes J et B que nous retrouvons encore une fois. Ce personnage rappelle de manière flagrante le frère terrible (ou couvreur) en loge. La balance est là pour équilibrer la matière et l’esprit, un peu à la manière de la plume du Maât égyptien venant peser les actes de la vie d’un défunt. Il faut voir dans cette carte le début du second septénaire, force incontournable du tarot, qui après l’esprit du 1er septénaire, nous fait entrer dans celui se rapportant à l’âme. Cette jeune femme qui tient la balance de la justice fait suite, dans les sujets féminins, à l’impératrice. Elle a conservé sa tunique azur et rouge, mais elle a perdu ses ailes et vieillissantes, le statut de Reine du Ciel. Elle est désormais dans le domaine de l’action terrestre. Son siège massif n’est pas en mouvement. Les deux colonnes J et B sont ornées de demi-cercles surmontés d’un mamelon qui laisse penser à un sein nourricier fécondateur. En haut des colonnes deux coquilles que l’on peut apparenter à deux grenades en coupe transversale laissant apparaitre les multiples grains fécondateurs de la loge. Double de l’empereur 4, la justice 8 est l’allié du souverain, car la force sans la justice n’est rien. Tout comme l’empereur la justice porte un collier tressé, un maillon vient souder ces deux arcanes. La coiffe rayonnante de la justice est ornée d’un signe solaire rappelant le rôle coordinateur de cet astre dont le huit est l’emblème. Le glaive que tient, sans forcer, la justice est à interpréter comme la fatalité qui frappera un jour ou l’autre celui qui enfreint les lois de la nature et qui ne respecte pas l’équilibre de la balance qui pèse nos actes. Cet aspect solaire peut le relier au frère orateur qui dans la loge est le garant du respect des lois. C’est pour finir la représentation de l’augmentation de salaire acquise par le bon ouvrier.

L’inversion (I) : 9 L’ermite / 10 La roue de la fortune / 11 La force / 12 Le pendu

9 – L’ermite

Nombre : 9

Élément : Air

Lettre hébraïque : tet : ט — Le bouclier (introspection)

Sephirot : JESOD (Le fondement, la base)

Classification : Application — passif – corps du corps — le principe spirituel source de pensée et de vie – applications de l’énergie

Son pendant : La tempérance 14 (relation de l’individu avec l’ambiance)

Description et interprétation : Première carte de la phase d’inversion, l’ermite est à l’image du maître de cérémonie en loge, il est le maître du temps et porteur de lumière. Il tient une lampe à moitié dissimulée dans les plis de son manteau. Il faut comprendre qu’il ne la montre qu’aux seuls initiés qui ont le don de double vision et qui peuvent percevoir cette lumière intérieure que chaque franc maçon a reçu le jour de son initiation. Ce vieil homme qui connaît le nombre 9 – nombre de l’arbre de vie — semble faire demi-tour et ressemble énormément au fou (plus jeune), seul autre personnage à porter le bâton du cherchant. Le symbole de ce vieux sage allant à la rencontre du Fou est celui de la transmission du flambeau. Armé d’un bambou à 7 nœuds, il sonde prudemment le sol et rencontre le serpent de l’égotisme qu’il ignore. Au contraire du pape qui s’adresse aux foules, ce vieux sage s’adresse aux initiés, à l’intériorité de toutes choses. Ce personnage ressemble à Diogène, qui ne possédait qu’une lanterne et un bâton à la recherche d’un homme, soit un vrai homme. L’Ermite incarne l’être en recherche intérieure détaché de toutes vanités. Maître secret, il travaille dans l’invisible pour conditionner le devenir en gestation (O.W.). Souvent comparé à Chronos, sa lanterne peut être comparée au sablier du temps.

10 – La roue de la fortune

Nombre : 10

Élément : Eau

Lettre hébraïque : yod : י — La main (la transmission, la croissance)

Sephirot : MALCUT (le Royaume qui ramène la multitude à l’unité)

Classification : Application — actif – esprit de l’esprit — l’esprit en présence du mystère – résultats de l’activité humaine

Son pendant : La mort 13 (inversion du destin)

Description et interprétation : Cette carte est composée d’une roue à double jante rouge (activité) jante bleue (vérité immortalité) activée par une manivelle centrale (dans d’autres Tarots, elle est maniée par un ange) et 8 rayons dont 7 visibles. Deux animaux fantasmagoriques sont entraînés dans son mouvement, inverse aux aiguilles d’une montre. Cela confirme que nous sommes dans une dynamique d’inversion. Le premier animal montant, un Hermanubis, représente les forces du bien. Il tient dans sa main un caducée de Mercure, emblème des énergies positives. Le second est un monstre Typhonien armé d’un trident. Il représente les forces destructrices que nous pouvons développer dans l’existence. Tous deux représentent les solstices des saisons, été, hivers, le temps qui passe. Nous sommes dans la représentation du mythe de l’éternel retour, le voyage vers le centre des centres qui est le but ultime de l’initiation. En arbitre se tient au sommet de la roue un sphinx ailé immobile qui, comme la justice, tient dans sa main un glaive pour trancher les actes excessifs. Sur son front se trouve le symbole du souffre. Il représente l’individualité de chaque être. Ce sphinx incarne également les quatre symboles des quatre évangiles – tête homme ange saint-Mathieu, griffes Lion, ailes d’aigle et corps du taureau. En numérologie, le 10 fait référence à la Tétraktys pythagoricienne recélant l’ensemble des connaissances, le temporel et l’intemporel, la totalité des nombres. Quelle folie de vouloir inverser le cours du temps ! C’est pourtant en s’insurgent contre le cours des choses que l’on parvient à atteindre le centre. L’ensemble flotte sur un océan agité qui représente les turpitudes de l’existence, porté par deux barques – l’une rouge activité, l’une verte sensibilité – d’où sortent deux serpents représentant la fécondité male — femelle, formant un 8 – qui fait penser au signe de l’infini qui, dans ce cas, a la sens de l’ouroboros (serpent qui se mange la queue) et des cycles de la vie. Ce pilier qui semble sortir des eaux venant du subterrestre, montant vers le ciel, porte l’axe du temps — à mettre en comparaison avec l’axis mundi que l’on connait en loge.

11 – La force

Nombre : 11

Élément : Feu

Lettre hébraïque : kaf : כ — la paume de la main (la force stabilisée)

Sephirot : MALCUT (le Royaume qui ramène la multitude à l’unité)

Classification : Application — intermédiaire – âme de l’esprit – principe d’intelligence individuelle

Son pendant : Le pendu 12 (objectif, résultat final)

Description et interprétation : On aurait pu appeler cette carte la Femme-Lion ou la force équilibrée. On y découvre une femme ouvrant sans difficulté la gueule d’un lion, les mains nues. Tout comme le bateleur elle porte un couvre-chef en forme de 8 couché, représentant l’infini, ce qui lui confère à elle aussi un don de magicienne opérant dans le domaine cardiaque. Carte d’inversion symbolique, cette femme qui paraît faible domine le Lion, symbole de la force, sans lui faire de mal ; les pouvoirs sont inversés. Sa force a été acquise par l’intelligence et l’amour, elle dompte le Lion par la force de l’amour qu’elle lui transmet par contagion et qui annihile son animalité. Le Lion quant à lui est un animal solaire ayant avalé l’astre, en lui ouvrant la gueule la force fait régurgiter au Lion un soleil transmuté. C’est l’initiatrice de l’homme, l’impératrice, et la justice réunie, ayant acquise, en plus de l’intelligence, la sagesse. Elle porte l’addition des couleurs d’habits des personnages féminins rencontrées jusque-là bleu, rouge, vert, (papesse, impératrice, justice) et possède en plus le jaune Divin. Adition du 5 — humain, et du 6 — divin, elle renvoie au pentagramme (5) dans le sceau de Salomon (6). La force est le second pilier de loge que nous rencontrons dans le Tarot. Pour terminer, cette lame achève la première partie du Tarot en 22 lames, elle ponctue l’initiation active dite masculine ou dorienne (O.W.).

12 – Le pendu

Nombre : 12

Élément : Terre

Lettre hébraïque : lamed : ל – L’aiguillon ou le bâton (le grand œuvre, enseigner) Sephirot : JESOD (Le fondement, la base)

Classification : mise en œuvre – passif – corps de l’esprit – principe d’intelligence individuelle

Son pendant : La force 11 (objectif, résultat final)

Description et interprétation : Cet arcane, l’une des plus intéressantes au niveau initiatique, représente le renoncement à soi pour le bien du grand œuvre. Le caractère d’inversion est, visuellement, pour cette dernière carte du quaternaire de l’inversion, très explicite. Un jeune homme est suspendu par un pied. Ses jambes forment une équerre, un 4, une croix. L’ensemble de la figure rappelle le signe alchimique de l’accomplissement du grand œuvre renversement de l’idéogramme du Souffre. Le gibet auquel il est pendu est porté par deux colonnes - J et B - qui cette fois-ci ressemblent à deux arbres morts à 6 noueux saignants (2 x 6 = 12), deux arbres de vie. Le tout ressemble à une porte. Toute la symbolique du 12 est totalisée dans cette lame (Jérusalem céleste aux 12 portes, les douze anges, les arbres de vie qui donnent leurs fruits douze fois de l’an… — J. Le pendu marche dans le ciel attaché à une poutre jaune, donc d’essence divine, et il a la tête en direction de la terre. Cela incarne à merveille la citation ce qui est en haut est comme ce qui est en bas… Il porte deux bourses – soleil or, lune argent, - qui sèment sur le sol – une nouvelle allégorie à l’abandon des métaux et au renoncement des bas instincts humains. Son apparente immobilité n’est pas passive, c’est tout le contraire. Cette carte incarne l’aboutissement de l’initiation dorique et la base (ou le début) de l’initiation passive ou mystique dite féminine ou ionienne (O.W.). Son habit arlequin ressemble à celui de l’amoureux, mais cette fois rouge et blanc pour l’activité et la pureté. Cet homme est bel et bien actif, mais pour découvrir les secrets de l’initiation il faut inverser son point de vue, aller au-delà des apparences, l’incarnation du grade de maître… Sur sa tunique deux croissants – l’un blanc l’autre rouge, sont dessinés côté jambes. Ces croissants rappellent ceux que porte le chariot triomphateur sur les épaules, ceux-ci se rapportant à l’humilité et à l’intuition. Ses deux boutons blancs et quatre boutons rouges évoquent la papesse et l’empereur et explique que le pendu maîtrise à la fois sa part mystique et son côté démiurge.

La transmutation (T) : 13 – la mort / 14 la tempérance / 15 Le diable / 16 La maison Dieu

13 –

Nombre : 13

Élément : Air

Lettre hébraïque : mem : מ – les eaux (ce qui est à la fois révélé et caché)

Sephirot : HOD (la réverbération, la gloire, la loi immuable des choses)

Classification : mise en œuvre – actif – esprit de l’âme – l’esprit en présence du mystère – résultats de l’activité humaine

Son pendant : La roue de la fortune 10 (inversion du destin)

Description et interprétation : L’arcane sans nom, ou la mort est la carte la plus fantasmagorique du tarot. Elle fait peur, mais pourtant son sens profond doit être interprété de manière positive. Le fait qu’elle ne soit pas nommée doit éveiller notre attention. Elle ne représente pas réellement la mort, mais l’être imparfait, débarrassé de ses défauts, qui doit renaître. Le véritable sens de l’initiation, car c’est au travers de la mort que l’on reçoit la vraie lumière (J. Bhaeghel). Ce squelette coupe sur un sol noir des têtes, des mains et des pieds avec une faux au manche rouge feu. C’est l’œuvre au noir des alchimistes, la transmutation des corps de chair en corps de lumière. Cette carte rappelle certainement à chacun d’entre nous le passage dans le cabinet de réflexion où notre corps profane s’est putréfié. Contrairement aux autres Tarots, dans le tarot maçonnique d’O.W. le squelette fauche à gauche, ce qui permet de superposer la lettre hébraïque mem : מ sur le squelette (Comme chaque lettre dans toutes les autres arcanes). Détail important le squelette n’est pas blanc, mais couleur chair, la tête royale – pouvoir éternel - et la tête féminine, semblent vivantes, les mains et les pieds sortent de terre encore en mouvement. Cet ensemble de symboles vient rappeler que la mort n’est pas une fin en soi, car elle n’est que transitoire et que la vie continue. Cette carte se rattache aussi à la légende d’Hiram… et à la mort initiatique conduisant à la maîtrise.

14 – La tempérance

Nombre : 14

Élément : Eau

Lettre hébraïque : nun : נ — le serpent ou le poisson (la fructification)

Sephirot : NETSAH (L’éternité – triomphe, victoire)

Classification : mise en œuvre – intermédiaire – âme de l’âme - le principe spirituel source de pensée et de vie – applications de l’énergie

Son pendant : L’ermite 9 (relation de l’individu avec l’ambiance)

Description et interprétation : La mort n’est pas une fin puisque le tarot continu. Seconde carte de la transmutation, la tempérance représente un être androgyne ailé, transférant un fluide d’un vase d’argent vers un vase d’or sans en perdre une goutte. C’est une belle allégorie de la phrase de Lavoisier : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. C’est aussi une représentation facile à interpréter de la transmutation de l’eau terrestre en eau céleste. C’est la réactivation de l’être par la purification de l’eau. Ses ailes rappellent l’impératrice, mais cet ange se rapporte à l’archange Raphaël qui a refusé de suivre Lucifer (Diable 15). Il porte sur le front un signe solaire qui peut se rapporter au troisième œil. On attribue à cet arcane toutes les symboliques liées à l’eau : baptême, régénération, ablutions, On retrouve la rose du bateleur et de l’empereur qui commence à décliner. Le 14 évoque les 14 stations du chemin de croix ou encore les 14 morceaux d’Osiris dont Isis est à la recherche. Cette arcane rassemble ce qui est épars, recompose l’arcane sans nom qui a abandonné sa chair.

15 – Le diable

Nombre : 15

Élément : Feu

Lettre hébraïque : samech : ס – l’appui (soutien, squelette)

Sephirot : TIPHERETH (La beauté)

Classification : mise en œuvre – passif – corps de l’âme — la lumière créatrice – applications de l’énergie

Son pendant : La justice 8 (organisation et gouvernement des forces)

Description et interprétation : Un diable, juché sur un cube tient une épée de lumière. À la fois homme et femme – le symbole de l’hermaphrodite cache son sexe – Si le diable est le diviseur matière esprit, il est aussi l’androgyne de la manifestation, reliant en lui l’humanité et l’angélité (il est ailé) dans un espace temporel (J. Bhaeghel). C’est le Baphomet des templiers, mi-bouc, mi-femme. Il incarne l’égoïsme qui nous pousse à tout ramener à soi pour survivre, à notre sexualité nécessaire pour nous reproduire, à l’impulsivité, attitudes innées et nécessaires, mais dont nous devons maîtriser l’équilibre pour être en harmonie. Une animalité indispensable pour vivre, mais qui, mal domestiquée, nous aliène. Cette aliénation est représentée par les deux diablotins – satyre et faunesse – enchaînés au piédestal du diable. Le principe de l’esclavage est représenté par le circuit de fluide positif qui est récolté par le satyre levant le bras vers le diable, transmis par le lien qui le relie à la faunesse, qui elle-même la retransmet en touchant le sabot du diable. Ce diable est composé des quatre éléments et possède sur son front un pentagramme blanc qui appelle à la volonté pure afin de surmonter les passions. Sa tête de bouc, rouge feu, et ses cornes jaunes qui puisent dans les forces divines, compose un second pentagramme, mais inversé. Par radiation et encadré par ses ailes noires, un troisième pentagramme compose un triple pentagramme qui renvoie cette carte vers une action bienfaisante, trois fois homme (3 x 5 = 15), pour peu que l’on parvienne à contenir ses passions. Il est écrit sur ses bras la formule alchimique - Solve – Coagula. Cette formule Solve - Coagula est le Ying et le Yang occidental, la formule du grand œuvre, la représentation du bien et du mal.

16 – La maison Dieu

Nombre : 16

Élément : Terre Lettre hébraïque : ayin : ע – l’œil (la révélation des secrets)

Sephirot : GEBURAH (Le jugement ou la rigueur)

Classification : mise en œuvre – actif – esprit du corps — quadruple source des convictions humaines – résultats de l’activité humaine

Son pendant : Le chariot 7 (l’intelligence aux prises avec la matière)

Description et interprétation : Dernière carte de la transmutation, elle est aussi le premier édifice que nous rencontrons dans le tarot. Cette tour de Babel représente la vanité ou la faute de l’homme et la chute originelle. Cette carte rappelle l’axis mundi, mais aussi l’athanor des alchimistes. Un éclair divin vient découronner la tour de l’orgueil. Cette explosion divine envoie deux personnages face contre terre. C’est certainement une allégorie pour signifier que la puissance ne réside pas dans le pouvoir (couronne), mais se trouve à l’intérieur de la terre. C’est la représentation imagée de la formule V.I.T.R.I.O.L. C’est le retour à la terre qui est décrit dans cette carte. Il s’agit d’un édifice à sensibilité humaine, car couleur chair. Le personnage couronné jeté à terre forme la lettre ayin : ע qui signifie la révélation des secrets. Cela vient enseigner que tout ne peut pas être matérialisé. Cette carte rappelle aussi l’œuvre des mauvais ouvriers et la légende d’Hiram…

Les portes (P) : 17 Les étoiles / 18 La Lune / 19 Le Soleil / 20 Le jugement

17 – Les étoiles

Nombre : 17

Élément : Air

Lettre hébraïque : pe : פ – la bouche (l’expression, la transmission par l’expérience)

Sephirot : C’HESED (la miséricorde ou la compassion)

Classification : Transition — intermédiaire – âme du corps —

Son pendant : L’amoureux 6 (détermination des actes)

Description et interprétation : Première porte du Tarot elle est la porte de lumière ou de l’air. Une femme nue dont la beauté est éternelle se présente sans aucun accessoire et verse dans les eaux primordiales sa matérialité. Tous les artifices sont devenus superflus, car elle incarne l’être de lumière. Dans le ciel se trouvent plusieurs étoiles dont la polaire qui fixe le ciel. C’est Vénus représentée par huit rayons or (divin) et un rayonnement vert (vie terrestre). Huit rayons comme huit étoiles. Vénus et deux étoiles bleues à 8 losanges forment un triangle qui peut être rapproché à la lune, au soleil, et à l’hexagramme à l’orient. Les autres étoiles jaunes sont attribuées à Mercure, Mars, Jupiter et Saturne. Enfin, la dernière étoile bleue, placée juste au-dessus de la tête de l’Ève originelle est notre bonne étoile personnelle. Nous avons tous une mission divine à accomplir, mais nous l’occultons et restons dans les ténèbres, car nous confondons mission et plaisir. L’accomplissement du grand œuvre n’est pas obligatoirement synonyme de distraction. Ces étoiles nous guident à travers nos rêves et nous rassurent quand nous cherchons une réponse. On retrouve les deux vases d’or et d’argent de la tempérance. Le liquide du vase d’or est brûlant, vivificateur de l’eau stagnante (O.W.) le liquide du vase d’argent arrose les terres arides pour la fertiliser. Cette action permet à la rose, butinée par un papillon, d’éclore. Cela permet également de faire pousser un acacia, emblème de l’immortalité, car son bois est imputrescible… Les étoiles représentent la lumière qui brille dans la nuit et qui guide les maîtres à la recherche de leur maître Hiram disparu…

18 - La lune

Nombre : 18

Élément : Eau

Lettre hébraïque : tsade : צ - hameçon ou harpon (prise de conscience pour accéder à un niveau supérieur)

Sephirot : BINAH (L’intelligence ou La compréhension)

Classification : étude — passif – corps du corps — quadruple source des convictions humaines — divers aspects de la vérité

Son pendant : Le pape 5

Description et interprétation : La porte de la lune ou des mystères ouvre sur l’invisible. Nous sommes en pleine dualité. Lune cyclique qui meurt et renaît, sous deux tours, et deux chiens. Elle est, après les étoiles, le second emblème de la nuit du tarot. C’est le symbole de la réflexion qui doit nous éclairer sur les fausses idées. La lune rayonne sur deux tours protégées par deux chiens – un blanc (pureté des idéaux) un noir (terre) – entre lesquelles se dessine un chemin qui mène au soleil. Les deux tours, remparts humains (brique chair - couronnes royales) différentes de la maison dieu, incarnent la limite, la frontière zodiacale du tropique, au-delà de laquelle il ne faut pas s’aventurer. Les chiens sont les défenseurs des régions interdites. Une mare accueille un homard (ou crabe) géant qui agit par soustraction, c’est-à-dire qu’il retire le néfaste plutôt que de révéler le positif. Cette lame nous alerte sur les dérives liées à l’imagination débordante que symbolise la lune, imagination représentée par les gouttes jaunes, vertes et rouges, ondes transmises par l’astre. Attention de ne pas s’enliser dans le marais où le homard dévore toutes les impuretés de l’âme. La lune est un astre symbolique omniprésent dans la loge maçonnique trônant au-dessus du F :. Secrétaire. Éclairés par la lune, les enfants de la veuve sont à la recherche des restes du maître, tout comme les Isis étaient à la recherche des restes d’Osiris…

19 – Le Soleil

Nombre : 19

Élément : Feu

Lettre hébraïque : qof : ק — nuque (la communauté, l’amour de la vie, le redressement de la tête vers les cieux)

Sephirot : C’HOCMAH (sagesse)

Classification : étude — actif – la lumière créatrice – l’idée par rapport à l’entendement

Son pendant : l’empereur 4 (illumination spirituelle)

Description et interprétation : La porte du feu spirituel. Le couple Lune Soleil est l’emblème des cycles. Ces deux cartes incarnent également la dualité décrite sous la forme des jumeaux que l’on retrouve sous différentes formes tout au long du tarot. La pleine lumière fait suite aux ténèbres et révèle la réalité des choses. Après toutes les épreuves rencontrées, tous les obstacles surmontés, voilà enfin la possibilité de retrouver l’Éden manifesté dans notre société humaine. L’apprenti a gravi les échelons, a taillé sa pierre pour l’insérer dans le mur dressé derrière les deux jumeaux, hommes-femmes, enfants du soleil, formant une chaîne d’union au centre d’une mandorle. Ce mur représente la frontière entre le visible et l’invisible. Les gouttelettes d’or que reçoivent les deux personnages incarnent l’or philosophique des initiés. Nous sommes en présence de l’Adam et de l’Ève qui ont réparé la faute originelle et s’apprêtent à revivre un nouvel âge d’or. L’enseignement qu’ils ont reçus a fait changer leur point de vu. Ils ne travaillent plus par punition, mais pour leur accomplissent, l’élévation volontaire. En loge, le soleil trône au-dessus du F :. Orateur qui illumine par son discours les travaux de la loge.

20 – Le Jugement

Nombre : 20

Élément : Terre Lettre hébraïque : resh : ר — tête (humilité, sommet de la vie)

Sephirot : KETHER (la couronne)

Classification : étude — intermédiaire – le principe spirituel source de pensée et de vie — – l’idée par rapport à l’entendement

Son pendant : L’impératrice 3 (assimilation de ce qui est hors de soi)

Description et interprétation : La porte de la Terre. Voici en fin de tarot la représentation du cabinet de réflexion sous terre d’où le profane va renaître après avoir été confronté aux 4 éléments. Un ange ailé de vert (vie spirituelle), ayant sur le front un emblème solaire, sonne une trompette d’or jetant sur 3 personnages en prière des ondes positives (tout comme la lune et le soleil). Un drapeau avec une croix d’or est accroché à l’instrument divin. Elle sépare en 4 carrés le drapeau qui représente une quadruple pierre philosophale. Cet ange est inscrit dans une nuée vaporeuse qui masque la réalité de l’ange pour laisser libre court à l’imagination et l’intelligence humaine qui est ainsi transcendée. Cet arcane renvoie aux sept trompettes de l’apocalypse qui réveillent les morts. Les deux personnages coupés en deux représentent la dualité père-mère qui, en permettant la résurrection de l’être un le fils, permettent la libération de l’esprit. Ce personnage qui ressuscite est le bateleur ayant persévéré dans son initiation pour obtenir le grade de maître. Pour posséder en esprit et vérité ce grade suprême, il faut être deux fois mort et trois fois né (O.W.). Ainsi l’initié s’approche de l’idéal d’un esprit au plus proche de la perfection divine.

Le Fou

Nombre : 0

Élément : aucun élément

Lettre hébraïque : shin : ש — dent (trois dents eau, air, feu – but de la vie, liberté)

Classification : étude — principe d’intelligence individuelle

Son pendant : Le bateleur 1 (sujet, point de départ)

Description et interprétation : Cette carte pose un dilemme. Ce personnage qui erre sans fin qui est-il ? Le fait qu’il ne porte pas de numéro est une première indication. Il se promène parmi tous les arcanes, il voyage dans le tarot à l’aide d’un bâton, mais au contraire de l’ermite qui s’en sert pour sonder le sol, il n’a aucune fonction pour lui. Le tarot d’O.W. ajoute comme indication la lettre hébraïque. Le shin : ש n’est pas la dernière lettre de l’alphabet, elle est placée en 21. Cet homme habillé de manière incohérente et bariolé, avance coûte que coûte, et même le lynx blanc qui lui mord la jambe ne l’empêchera de pérégriner. Au bout de son bâton bleu, un ballot contient toutes les imbécilités et les « a priori » que l’on peut dire et avoir. Cependant il y a un espoir pour lui, car la rose n’est pas fanée et sa ceinture d’or à 12 points laisse penser qu’il peut apprendre au contact de chaque lame du tarot vers lesquelles il va à la rencontre. Il est possible qu’il doive parcourir plusieurs fois le chemin pour atteindre son but.

21 – Le monde

Nombre : 21

Élément : les 4 éléments

Lettre hébraïque : tav : ת — signe, marque, lettre (l’aboutissement dans la totalité)

Classification : étude — passif – l’esprit en présence du mystère — divers aspects de la vérité

Son pendant : La papesse 2 (perception de l’inconnu)

Description et interprétation : c’est la carte de la synthèse par excellence, de la manifestation de la totalité : le monde. Nous retrouvons une jeune femme nue qui manie des baguettes magiques. Elle est inscrite de manière centrale dans une couronne de laurier célébrant la victoire. Autour de ce cercle ou mandorle, on retrouve le tétramorphe regroupant Saint-Mathieu, l’aigle, le taureau et le lion, les quatre vivants de la vision d’Ezéquiel. Cette carte est une roue de la Fortune puissance 10 qui représente la totalité de l’initiation, le monde parfait idéalisé, le quaternaire transcendé.

Conclusion

La richesse du Tarot est un livre muet qui ouvre à une compréhension des symboles de l’initiation. À chacun de se l’approprier pour en retirer un enseignement. Ce travail est loin d’être terminé, je me suis seulement attaché à expliquer de manière simple les principales lignes de ce livre de Sagesse. Ne serait-ce qu’en numérologie ou en ce qui concerne les rapports avec la légende d’Hiram il y aurait encore beaucoup à dire…

15 juin 2015 – Ecossais de Saint-Jean à l’Orient d’Hyères

Chr :. MAR :.

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29 juillet 2015 3 29 /07 /juillet /2015 19:13

 

Etude du tarot d’Oswald Wirth – Le Tarot d’un point de vue maçonnique

1/ Le tarot d’un point de vue global

Avant-propos

Dans cette étude, notre but est de présenter, dans une première partie, le Tarot de manière globale afin d’éveiller la curiosité de ceux qui ne connaissent pas ce sujet, puis dans un second volet de manière plus approfondie concernant les 22 arcanes majeures. La différence que peux apporter mon travail sur un sujet souvent abordé est ma vision, mon point de vue et plus particulièrement le point de vue d’un F :. M :. Qui utilise certains outils symboliques.

Le Tarot d’Oswald Wirth

J’ai pris (et c’était une évidence) pour référence le tarot proposé par Oswald Wirth. Il est parfois rapporté comme tarot maçonnique, mais il n’est en rien maçonnique si ce n’est que son auteur a été un F :. M :. auteur de nombreux ouvrages de référence. Le Tarot détient un grand nombre de symboles partagés par la F :. M :. spéculative, c’est le seul point de rattachement que l’on peut sérieusement lui donner. La richesse du Tarot d’Oswal Wirth tient au travail de précision qu’il a apporté sur certains symboles, sous l’influence notoire de Stanislas de Guaita.

Généralités et origines du Tarot

Le tarot d’Oswald Wirth se rapproche dans son architecture du tarot dit « de Marseille », ou tarot Grimaud du nom de l’éditeur qui l’a rendu populaire. Le tarot n’a pas été créé à Marseille, mais il se trouve qu’au début du 20e siècle, quand ce jeu de cartes s’est ouvert au plus grand nombre, la référence a été le tarot édité à Marseille qui est devenu par extension tarot de Marseille.

Il existe des centaines de tarots très différents, tous plus ou moins inspirés les uns des autres, comme le Tarot Jungien - Wang, le Tarot Bohémien - Papus, Le tarot Visconti-Sforza qui est le plus ancien connu (XVe siècle), le Tarot Charles VI (Nord Italie XVe siècle) etc. L’artiste S. Dali a présenté son propre tarot. Notre F :. Dam :. Cha :. a proposé une étude très complète dans un ouvrage ( Les XXII lames hermétiques du tarot divinatoire ) en se référant au tarot de Robert Falconnier, tarot aux lames d’inspiration Égyptienne.

De manière certaine, on retrouve le tarot dans les cours des princes italiens au XVe siècle et notamment dans celle des Visconti-Sforza. Puis il fait son apparition à la cour du roi de France. Mais cela n’était pour eux qu’un jeu de cartes, le tarot qui est encore pratiqué aujourd’hui. Cela fait partie de l’anecdote, car la richesse du tarot est ailleurs. De tout temps les plus grands chercheurs hermétiques s’y sont intéressés.

Eliphas Lévis écrit : « nous croyons que le tarot est l’ouvrage d’Hermès (Thot). C’est la clef de voûte de tout édifice des sciences occultes. Il existait avant Moïse et les prophètes et G. Postel le nomme la Génèse d’Héoch » (Dogme et rituel de la haute magie- Eliphas Lévis).

Bien plus qu’un livre sacré, le tarot représente le résumé de la somme des traditions primordiales. Le tarot n’est pas une invention mais bien une transmission ancestrale. Comme toujours dans un tel cas, il n’est pas possible de connaître la source de cette tradition. Qui l’a utilisé pour la première fois ? Quand ? Où ? À toutes ces questions, il nous est impossible de répondre. Nous pouvons cependant trouver des indices pour nous guider.

Premièrement, par la façon de nommer ce jeu : TAROT ou TARO. « L’Enchiridion du pape Léon III forme en Grec le mot TARO ; en latin Rota (roue), en hébreu Torah (livre sacré). On y retrouve les 4 hiéroglyphes du Tarot soit l’épée (J), le denier (O), le bâton (T), la coupe (A) = JOTA. Taro = Dieu, Rota = Vie ou Roue, Tora = Livre sacré. En Egyptien : Tar = voie ; Ro = Royale ; Taro = Voie Royale. » (Numérologie et kabbale – Eliphas Levis).

Prenons cela comme des indices sur l’origine du tarot. Il prend racine dans les traditions égyptiennes, grecques et Hébraïques. Le Tarot est-il d’origine égyptienne ? Il fait en partie référence au livre sacré de Thot, qui sera reprise par Hermès Trismégiste sous l’appellation Corpus Hermeticum. Le dieu Thoth, selon la croyance égyptienne, fut identifié à Hermès par les Grecs.

Autre indice, le terme arcane dont le Larousse donne la définition suivante : « arcane : n, m ; toute opération hermétique dont le secret ne doit être connu que des seuls initiés ».

Comme je l’ai dit précédemment, rien n’est moins sûr en ce qui concerne l’origine. Cependant, en considérant que les traditions successives ont repris les références précédentes, tel un gâteau de mille-feuille, si la dernière couche semble la plus aboutie, la première couche a délimité sa forme et permet au gâteau de tenir debout…

Comment transmettre au mieux un secret ? En le rendant illisible aux non-initiés. Je ne peux pas m’empêcher de comparer les cartes du tarot divinatoire avec le tableau de loge des temples maçonniques, tous les francs-maçons savent que le secret réside dans le fait que, même s’ils sont dévoilés aux profanes, les tableaux de loge ne peuvent pas être entièrement compris car il faut avoir vécu l’initiation, vivre le rituel, pour en expliquer le sens et l’essence. Il en est de même pour le tarot qui possède un savoir qui se transmet.

Le tarot est un jeu de 78 cartes réparties en deux parties. Les arcanes, cartes ou lames, mineurs au nombre de 56 et les arcanes majeurs au nombre de 22.

Les 56 arcanes mineurs sont divisés en 4 degrés hiérarchiques imagés (ou couleurs), représentés par ce que l’on appelle les hiéroglyphes du Tarot que sont les bâtons, les coupes, les épées, et les cercles ou deniers.

Batons, Image du Père

Batons, Image du Père

Coupes, Image de la Mère

Coupes, Image de la Mère

Epées, Image du Fils

Epées, Image du Fils

Deniers, Image de la tri-unité

Deniers, Image de la tri-unité

Ils sont de manière hiérarchique du plus petit au plus grand composé des nombres de 1 à 10 puis valet, cavalier, dame, roi. Les chiffrés et les honneurs.

On peut considérer que 10 fait référence à la Tétraktys pythagoricienne. Valet, cavalier, dame, roi font référence à la hiérarchie de la noblesse médiévale.

Les 4 degrés font référence aux quatre éléments, aux quatre points cardinaux, au père, à la mère, au fils et à la trinité.

 

Dans la culture collective

Dans l’imaginaire collectif, le tarot est associé à la divination et aux peuples nomades tziganes ou gitans. Pour quelle raison ? Selon mon point de vue, c’est tout simplement parce que la transmission orale, qui était l’apanage de toutes les sociétés au moyen âge, perdure encore de nos jours dans ces peuples, ce qui est tout à leur honneur. Pour connaître la signification du tarot, il faut avoir été initié dans des domaines où la tradition orale est primordiale. Le tarot est un livre ouvert sur les symboles d’une richesse immense qui peut être interprétée par un illettré ! En faisant référence à une symbolique imagée, il n’est point besoin de savoir lire pour comprendre le tarot.

Dans la culture occidentale, ce sont des cherchant du XIXe siècle qui ont permis la transmission de ce savoir, et notamment Oswald Wirth à travers son livre qui fait référence en la matière : « Le Tarot imagier du Moyen-âge ».

Le tarot fait aussi appel à l’intuition : tout ne peut pas s’acquérir dans les livres.

Le tarot dans son ensemble peut être abordé comme une somme symbolique.

 

Tarot et divination

Je n’aborderai pas ce domaine car il s’agit d’un sujet à part entière. Je peux dire tout de même que le tarot est utilisé comme oracle permettant de prévoir l’avenir. Par des tirages, généralement compris entre 4 et 7 arcanes, les combinaisons exposées interagissent entre elles et permettent de répondre à une question. Les cartes, selon l’endroit où elles sont placées, selon les cartes précédentes ou suivantes, possèdent des sens différents. Les combinaisons sont innombrables et l’art du tirage réside dans l’expérience du « voyant » et par son intuition.  Mais l’intérêt du Tarot réside selon moi dans son sens Divin plutôt que son pouvoir Devin.

 

Du tarot à la pierre cubique à pointe

Les 22 arcanes majeurs sont à associer à l’alphabet hébraïque. On considère que le terme tarot s’applique aussi quand on désigne ces seules 22 cartes. Dans le tarot d’Oswald Wirth l’alphabet est représenté sur les cartes, ce qui n’est pas le cas en général dans les autres jeux (même si l’alphabet est suggéré par leur nombre : 22). Cela veut certainement indiquer que son auteur a voulu mettre en avant cet aspect du tarot. En ce qui concerne ce chiffre de 22, on peut une fois encore, prendre en référence la Tétraktys Pythagoricienne associée au Carré de quatre ce qui nous donne une représentation en deux dimensions de la pierre cubique à pointe. Sois 12 plus 10 points soit 22 points comme ci-dessous :

Le Tarot et le point de vue maçonnique (1ère partie)

En passant au volume de cette figure, on retombe sur 78 points et la pierre cubique à pointe à mettre en parallèle aux 78 cartes du tarot complet.

.

Géométrie des arcanes

Les lettres hébraïques sont des hiéroglyphes géométriques. Cela nous donne une indication sur l’ordre dans lequel nous pouvons aborder la classification du tarot. Pour exemple, la lettre Aleph, unité numérale, est figurée dans le tarot par le bateleur. Sur la table, on y retrouve la coupe, les deniers, l’épée et porte dans sa main un bâton. C’est l’Alpha, le commencement de tout.

La forme du personnage reprend la forme de la lettre Aleph. א

Le Tarot et le point de vue maçonnique (1ère partie)

Les lettres hébraïques sont déterminées géométriquement par le pentacle nommé : le plan d’Éden ou plan du paradis terrestre. Pour toutes les cartes du tarot, on retrouve la même logique : la géométrie de la lettre se retrouve dans la géométrie de l’image de la carte. La signification de la lettre est en accord avec la signification de la lame du tarot.

La force et la magie du tarot viennent du croisement de ses références. Il fait appel à la numérologie, à la géométrie, à la kabbale, à l’astrologie, à la symbolique dans son ensemble. Il prend ses sources dans la mythologie égyptienne, grecque, romaine, Chrétienne, Moyenâgeuse. Les combinaisons sont innombrables, c’est bien là que réside toute la difficulté de la compréhension de ces 78 cartes et plus spécialement de ces 22 arcanes majeurs. Mais cela en fait aussi toute sa richesse. 

 

 

 

Les 22 arcanes majeurs

Les 22 arcanes majeurs ont donc un nombre, une lettre hébraïque, un nom et une image.

 

Le Tarot et le point de vue maçonnique (1ère partie)

Selon le principe évoqué précédemment on peut classer les 22 arcanes en suivant l’alphabet hébreu comme suit :

I - Le Bateleur : aleph : א

II - La Papesse : beth : ב

III - L’Impératrice : gimel : ג

IIII - L’Empereur : dalet : ד

V - Le Pape : he : ה

VI - L’Amoureux : vav : ו

VII : Le Chariot : zayin : ז

VIII : La Justice : het : ח

VIIII : L’Hermite : tet : ט

X : La Roue de la Fortune : yod : י

XI : La Force : kaf : כ

XII : Le Pendu : lamed : ל

XIII : L’arcanne sans nom : mem : מ

XIIII : La Tempérance : nun : נ

XV : Le Diable : samech : ס

XVI : La Maison Dieu : ayin : ע

XVII : L’Étoile : pe : פ

XVIII : La Lune : tsade : צ

XVIIII : Le Soleil : qof : ק

XX : Le Jugement : resh : ר

Le Fou : shin : ש

XXI : Le Monde : tav : ת

 

Vous noterez qu’un arcane ne possède pas de nombre (le fou) et se place dans l’alphabet entre l’arcane XX et l’arcane XXI (elle est la 21e lettre de l’alphabet). Il existe des divergences quant au placement de cette carte. Il faut savoir que la place des lames, qui semblent leur aller comme un gant aujourd’hui, ont pour un grand nombre évolué dans les différents Tarots connus jusqu’à ce jour. L’arcane XIII n’a ni nom, ni lettre hébraïque, on l’appelle donc : l’arcane sans nom. Parfois on lui donne le nom de « La Mort ». Mais par superstition, ou peut-être parce que l’on ne peut pas le nommer, il est dit : « arcane sans nom ». Quant à la lettre absente (mais suggérée) mem, מ elle signifie : ce qui est à la fois révélé et caché. On comprend pourquoi elle n’apparait pas.

 

Unions, analogies et contraires

Il y a d’autres indices révélateurs des secrets du tarot. Oswald Wirth dans « le tarot imagier du moyen-âge » propose de concevoir le tarot en roue, ce qui me paraît le concept le plus explicatif. Oswald Wirth symbolise le fou en 0 et le place entre le monde XXI et le bateleur I comme ci-dessous.

Le Tarot et le point de vue maçonnique (1ère partie)

Ce schéma permet de mettre l’accent sur les points cardinaux du tarot. On voit que le jeu se compose de deux arcs de cercle allant du 1 au 11 puis du 12 au 0. En les exposants à plat sur deux lignes ont peu voir des liens « aériens » unissant les arcanes, les analogies et les contraires qui s’en dégagent, des pendants entres les lames. 1 et 0, 2 et 21, etc.

 

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

0

21

20

19

18

17

16

15

14

13

12

 

 

 

Par exemple le 1 - le Bateleur - homme intelligent et adroit, un magicien - et le 0 le fou - homme insensé, marchant au hasard, sans savoir où il va forment un couple contraire. Mais si l’on va plus loin dans l’analyse du fou, il peut représenter à l’inverse de l’être insensé, le sage qui n’a plus aucune attache avec le monde de la matérialité et se moque bien de son apparence.

Ce contraste existe entre chaque arcane de manière plus ou moins marquée. Cela tente de prouver que ces deux moitiés du tarot s’opposent et se complètent (dans leur interprétation). Cela rappelle sans conteste la signification du symbole (rapproche les opposés). Pour donner une analogie dans la loge maçonnique, pensez à J. et B.

Les 22 arcanes forment 11 couples et 9 tétrades.

S’il existe un axe horizontal il existe un axe vertical tout aussi révélateur. Il se situe sur les arcanes 6 et 17 comme ci-dessous.

 

 

ACTIVITÉ

 

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

 

        Préparation                                                                   Application

        Théorie                         Transition                                  Pratique

        Étude                                                             Mise en œuvre

0

21

20

19

18

17

16

15

14

13

12

 

PASSIVITÉ

 

Alphabet, numérologie et kabbale

Il est primordial pour un franc maçon d’utiliser l’alphabet hébraïque. Au début du XIXe siècle, les instances maçonniques attiraient l’attention des frères sur la bonne connaissance de l’alphabet hébreu. En ce qui concerne la correspondance des 22 lettres hébraïques et le tarot, c’est Eliphas Lévis, grand maître Rose Croix, qui fit le premier ce rapport reproduit par Oswald Wirth. Ce dernier propose une approche ternaire des 21 lames en mettant de côté le fou qui n’a pas de nombre et qui joue un rôle particulier dans le jeu. Il rapproche les lames en 7 ternaires et 3 septénaires de manière suivante :

        

 

ACTIF

 

 

1

 

4

 

7

 

10

 

13

 

16

 

19

 

ESPRIT

 

INTER-MÉDIAIRE

 

 

2

 

5

 

8

 

11

 

14

 

17

 

20

 

ÂME

 

 

PASSIF

 

 

3

 

6

 

9

 

12

 

15

 

18

 

21

 

CORPS

 

 

 

ACTIF

 

 

1

 

4

 

7

 

10

 

13

 

16

 

19

 

ESPRIT

 

INTER-MÉDIAIRE

 

 

2

 

5

 

8

 

11

 

14

 

17

 

20

 

ÂME

 

 

PASSIF

 

 

3

 

6

 

9

 

12

 

15

 

18

 

21

 

CORPS

 

 

Dans cette démonstration, Oswald Wirth précise que « la construction du tarot est fondée sur l’antique science des nombres ». (O.W. - Le tarot des imagiers du moyen âge).

O.W. met également en concordance les 18 premiers arcanes distribués en deux triples ternaires comme suit :

 

 

 

10

 

13

 

16

 

11

 

14

 

17

 

12

 

15

 

18

 

 

1

 

4

 

7

 

2

 

5

 

8

 

3

 

6

 

9

 

En concordance avec les 10 séphirot

  1. KETHER
  2. C’HOCMAH
  3. BINAH
  4. C’HESED
  5. GEBURAH
  6. TIPHERETH
  7. NETSAH
  8. HOD
  9. JESOD
  10. MALCUT qui ramène la multitude à l’unité

 

 

Il n'est pas étonnant quand nous apprenons que sephirot signifie nombre en Hébreux, et « révèle les mystères de la création en expliquant comment la multiplicité découle de l’unité » (O.W. - Le tarot des imagiers du moyen âge).

 

Récapitulons

Les origines du Tarot sont mystérieuses, certains parlent de « fantasmes » maçonniques quant au rapport avec l’Égypte et le livre de Thot. Il faut rendre hommage à celui qui a ouvert la voie hermétique et ésotérique du Tarot : Elipha Levis. Il parle largement dans son ouvrage « Dogme et rituel de la haute magie » de l’importance du Tarot qu’il nomme comme « un livre, plus ancien peut-être que celui d’Henoc, qui n’a jamais été traduit et il est écrit encore tout entier en caractères primitifs et sur des pages détachées comme sur les tables des anciens » ou encore « la clef de toutes les allégories magiques » ; « le secret de l’antique initiation ». Il ne se prive pas de nommer le jeu de tarot de Bible. « Toutes les religions ont conservé le souvenir d’un livre primitif ».

Oswald Wirth nomme le tarot comme « livre par excellence, bible idéale du devin », un océan de savoir, de notions oubliées qui demandent, à celui qui le pratique, un effort de mentalisation et d’imagination devant les multitudes de combinaisons, de symboles, de références qu’offrent le Tarot.

 

J’espère avoir éveillé votre curiosité sur ce sujet et vous avoir apporté quelques indications pour mieux comprendre et aborder cette Bible ouverte sur les symboles de l’antique initiation. A suivre un travail sur les 22 arcanes majeurs et leurs rapports multiples avec les loges maçonniques.

A SUIVRE 2ème Partie prochaine parution.

15 juin 2015 – Ecossais de Saint-Jean à l’orient d’Hyères

 Chr :. MAR :.

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30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 17:38

( Le langage non verbal, le langage essentiel, définition hermétique du mot de substitution, notion de « sacré-réel » et de « sacré-divin », autorité surplombante, l’acte et le mot, l’inversion moderne, clef de lecture et accès à l’encodage du vivant.)

En quoi l’initiation et la méthode maçonnique permettent une meilleure lecture de la réalité ? Quel est l’apport de la légende d’Hiram et du mythe de la parole perdue ?

Le langage fait partie du grand schéma de l’évolution : plus un être est évolué plus il s’autonomise et développe des langages complexes. Derrière le langage on trouve le symbole et donc le signe. L’initié a pour devoir de transmettre la connaissance. La transmission peut être de nature matérielle, sensorielle ou essentielle, elle reste fondée sur l’éveil et la mémoire.

La structure du symbole est en soi organisatrice de la conscience, et se répercute à la fois dans la création matérielle et philosophique de l’homme et donne l’autonomie éclairée appelée conscience. Le langage est donc relatif suivant le milieu culturel, symbolique ou spirituel dans lequel on évolue, mais il peut être aussi non verbal. Chaque situation spécifique entraîne un langage spécifique et une communication adaptée au milieu. Donc nous pouvons dire que la pensée symbolique trouve sa réalisation dans l’œuvre sociale du maçon, dans l’élaboration de la règle (sociale géométrique ou mathématique) et son application. Le maçon est un être intelligent et sensible qui met en pratique sa vision symbolique, ce n’est pas un croyant, c’est une visionnaire. Le croyant est dans l’orthodoxie, le visionnaire est adepte d’une orthopraxie à partir d’un réel réordonné ou réexpliqué à partir des schèmes d’une représentation mentale qui servent des valeurs philosophiques universelles.

Le symbolisme traverse la totalité de la construction sociétale et scientifique. Il serait aberrant que les loges maçonniques oublient d’étudier à haut niveau le symbolisme maçonnique qui est celui de la structuration du temple et de l’homme par les outils et instruments ! Ce symbolisme permet à partir du réel d’accéder à une dimension sacrée en regard de la nature et de l’homme et non pas à partir du sacré d’accéder à un non-réel, un sacré « hors sol ». Donc toute la méthodologie maçonnique est fondée sur l’apprentissage du réel relié à la structure symbolique ; l’éclairement de l’un par l’autre constituant la base de la conscience éclairée.

Nous considérons que la démarche initiatique consiste justement à développer notre perception des choses et des êtres et donc la légende d’Hiram doit nous faire percevoir de nouvelles notions autour du langage verbal et non verbal, grâce à la perte de la forme associée à la perte de la parole. Nous allons donc tenter de rechercher quels sont les nouveaux niveaux de langages et comment ils se justifient en regard de la légende.

Pour démarrer notre recherche, nous établissons trois postulats de départ (parfaitement contestables par ailleurs)

Introduction au sens hermétique de « Mackbenah »

3 postulats

Nous prenons pour premier postulat que la matière peut être un lieu de confusion, mais que de cette matière au sens large va naître la Vie et un certain Ordre « architecturé » structuré, doté de schèmes, limité par la durabilité dans leurs formes soumises à dissolution, décomposition et recomposition cyclique.

Ainsi la forme se dissout et se recompose, mais le schéma structurel de la matière et du vivant demeure et s’enrichit et se régénère en permanence, c’est l’élan vital. Certains ont pu voir dans la disparition de la forme corporelle la preuve que le monde de la matière est le monde de la chute de l’homme et que le corps comme la matière sont une prison pour l’esprit. D’autres considèrent que la forme disparaît pour renaître régénérée.

Le deuxième postulat repose sur un constat : il n'y a pas de plus grande initiation que la réalité. En précisant que c’est l’autre, le frère, qui tel un miroir nous éveille à la réalité profonde.

L’initiation signifie « commencement, entrée dans un cycle de connaissance par transmission » et se fonde sur l’expérience du réel et sur l’élaboration d’une pensée consciente par la rencontre de l’autre soi et du monde. Elle se traduit en action de perfection sur soi et le monde (credo maçonnique).

L’initiation développe en nous les capacités à lire le réel dans des registres sensoriels par transferts symboliques engageant l’intuition et une vision toujours plus globalisante, seul moyen pour expliquer la transcendance. Le caractère non discursif ou non immédiatement logique de certaines apparitions ou théophanies reposeraient (peut être !) sur des aspects de la perception humaine non encore explorés. La transcription dans les livres saints ne serait qu’une version imagée et amoindrie par le vocabulaire de faits ressentis comme vécus, dont on a perdu le sens véritable de lecture.

Donc ce langage caché ou perdu reste accessible aux facultés humaines de représentations et de communications « perdues ». Il s’agit de les retrouver le plus naturellement possible sans passer par un quelconque transhumanisme, et sans s’inféoder à une quelconque croyance mystique qui annule toute tentative d’explication par soi et nous éloigne du réel. L’initiation n’empêche pas la démarche mystique comme situation intermédiaire, mais la dépasse par la vision totale du réel.

Le troisième postulat soumet à notre appréciation que la parole perdue commune à tous les rites au grade de Maître se retrouve substituée par un langage corporel et infra verbal.

À la forme dégradée du corps correspond une forme non verbale du langage.

C’est donc par la perception de la « forme » dégradée en retrouvant la dépouille d’Hiram, qu’un langage corporel « par défaut » donnera le mot de substitution : Mackbenah « la chair quitte les os » qui n’est que le constat sur un mode discursif de l’état corporel d’Hiram. Le corps dégradé reste symboliquement chargé de sens. Il faut donc dépasser le mode non discursif.

Dans un second temps c’est par perception de cette « essence » (ici l’odeur de putréfaction) que nous parlerons de langage infra verbal et subliminal qualifiant la nature de la transmission « fils de la putréfaction » qui se décline en « Fils du maître mort », ou « Il vit dans le fils ».

Dans un troisième temps on tente de qualifier la situation de manière plus essentielle : « c’est du compost hermétique universel que l’architecte dégage l’ultime ferment », nous y reviendrons.

Donc si la substance se délite (compost) et libère l’essence (ultime ferment), le troisième postulat implique que la forme en dissolution exhale le souffle ou l’essence. Ainsi le mot attaché à la formation sera perdu comme la forme, au profit d’une expression corporelle ou autre qui constate le phénomène par l’expression d’un langage non verbal. Ceci nous oblige à penser la réalité non verbale sous ses différentes formes d’expression. La situation nous engage dans un langage sans mot !

L’absence nous incite à découvrir le renouvellement de la parole et donc des formes.

Nous voulons préciser cette notion d’essence : Il resterait donc une « essence », une trace, attachée au mot considéré sacré et à l’individu décédé, mais non disparu, cette essence n’est jamais vraiment perdue. Il faut la percevoir dans un autre registre et tenter de la verbaliser.

Cette verbalisation aura lieu au moment de la redécouverte du cadavre par les 9 maîtres au REP (et non 15) jusqu'à son deuxième ensevelissement sous le Saint des Saints, où cette trace, cette essence se confondra dans une verticalité symbolique avec la pierre d’autel, l’arche d’Alliance et la notion de « Présence » qui y est attachée. Ainsi nous pourrions avancer l’hypothèse que le corps d’Hiram serait une prison et que la mort libère de cette prison une partie (ferment ultime) de lui-même perceptible et exprimable dans un niveau supérieur (Présence-Shekinah).

La parole perdue met en relief la nécessité d’une nouvelle perception et un nouveau langage relatif à la notion d’essence et de présence au-delà de la forme. Elle n’est pas à comprendre comme uniquement une perte dans la transmission, mais comme le commencement d’un apprentissage d’autres éléments de langages.

La signification hermétique du mot

Avant d’aborder la signification hermétique du mot, il convient de remarquer l’instabilité scripturale de l’expression attachée au grade de maître : “Maya Byn”, dans le Sloane de 1700 ;
“Matchpin”, dans le Trinity College de 1711 ;
“Maughbin”, dans A mason’Exami­nation de 1723 ;
“Magboe”, dans Les Institutions des Francs-Maçons révélées en 1725.
L’expression la plus connue est sans doute : « Marrow in this bone » (Moelle dans cet os) dans le manuscrit Graham de 1726. Ce pourrait être l’origine de Mac-Benac par une suite de déformations phonétiques ou de transcriptions » avec le mot anglais "bonne" qui signifie « os » traduction en mot sacré de substitution sur un mode discursif « la chair quitte les os ». La Grande Loge de Londres utilisera Makbenah à partir de la déformation Marrow bonne d’origine calviniste relatée dès 1696 dans le Ms l’Édimbourg. On trouve aussi l’expression Maobon. Etc.

Dans le catéchisme du Rituel du Marquis de Gages de 1763 (RF), à la question de sa signification, la réponse est :
« Mac-Benac signifie « la chair quitte les os… » Bref on constate que s’il fallait parler de parole perdue c’est qu’en vérité la parole rituelique d’origine semble avoir été réellement perdue ou déformée par transcription.

Pritchard dans la maçonnerie disséquée de 1730 fait apparaître la légende d’Hiram telle que nous la connaissons et la forme hébraïque substituée Mackbenah avec sa traduction « The builder is smitten ».

Le mot originaire dans le compagnonnage français, d’après Patrick Negrier (La tradition initiatique, ed Ivoire clair P 140), serait « makaboé » qui est le mot de guet des tailleurs de pierre qui veut dire en hébreu marteau, quant aux cinq points de la maîtrise pour le relèvement c’est le processus de la guilbrette du compagnonnage qui établi déjà cinq points associés à la danse des macchabées.

Le relèvement lui-même est un langage, voir une communication non verbale des corps, et rappelle le relèvement du cadavre de Noé décrit dans le Graham de 1726 ou les trois fils de Noé appliquent ces cinq points au corps de leur père pour retrouver son secret, et ne retrouveront qu’une expression substitutive. Notons que le relèvement n’est pas une ressuscitation, mais une nécessité pour donner au cadavre d’Hiram une sépulture dans le Saint des Saints du temple.

La substitution est l’aboutissement d’une recherche et d’un relèvement suite à la mort. La substitution semble qualifier des éléments de survie par delà la mort. On recherche un corps afin qu’il livre son secret. Donc le secret au cadavre qui reste investi.

C’est le sens du secret du mot que d’être recherché par un rencontre avec le cadavre qui reste investi d’une présence. Par l’effet du miroir hermétique, cette présence se traduit par une présence en soi, et un relèvement en soi. Le résultat de cette rencontre avec la mort est un réveil en soi de quelque chose d’endormi ; c’est une révélation à soi. Cette révélation à soi est due au langage non verbal ou préverbal du corps d’Hiram en interaction avec les maîtres.

La signification du mot Mackbenah est donnée (au REP) pour « la chair quitte les os », dans l’instruction au REP pour « Fils de la putréfaction », ou « Fils du maître mort » ce qui laisse augurer un transfert successoral de sens, de personne à personne, mais aussi un transfert alchimique confirmé dans l’instruction par cette phrase « que c’est du compost hermétique que l’architecte dégage l’ultime ferment Spirituel »en termes alchimiques cela se rapporte au fait de « naître de la putréfaction » qui désigne une part du Grand Œuvre.

Il faudra situer la hiérarchisation de la transmission entre le mort et le vif, ce qui implique que la transmission au niveau du Maître est directement liée à la transformation de la matière, et à son changement d’état.

Cette expression ne dit pas si l’architecte « mort » est une autorité surplombante et extérieure à soi ou si elle réside en nous ! Autrement dit on ne dit pas si le relèvement est un transfert d’âme ou d’esprit d’un corps à l’autre (relevé=relevant) ou s’il s’agit d’un relèvement purement interne à soi provoqué par l’expérience « initiatique » de la vision et du toucher notamment. D’après nous, la traduction « il vit dans le fils » ne relate pas la transmigration de l’âme d’Hiram, mais relate la présence d’un maître intérieur endormi qui vit en nous. C’est ici que se situe l’effet miroir.

Dans ce dernier cas il s’agirait du relèvement du maître intérieur né du substrat de l’infra conscience qui résidait en puissance en chacun de nous. Ce serait en réalité une image archétypale de soi qui résidait en nous de manière racinaire (le Shin et ses racines, voir la relation avec la griffe du maître) et qui par l’effet du choc initiatique vient à se déployer dans la totalité de notre for intérieur. Ce serait donc au sens propre une révélation à soi, une renaissance en soi.

Ce relèvement intérieur de l’Archè est d’autant plus souhaitable qu’il évite les problématiques hasardeuses de la transmigration des âmes et de l’animisme qui s’y rattache. Ce relèvement du maître intérieur étant commun à tous les maîtres contribue fortement à l’égrégore. L’initiation du maître devient alors aussi claire que transparente : Il s’agit d’une extraction du sens supérieur de la situation soit une signification en esprit et non pas un transfert de l’âme animatrice du corps. Nous sommes dans le langage initiatique et non pas dans une opération magique relevant de l’animisme.

C’est ainsi que l’explication classique doit être tempérée, car elle établit une inversion qui n’a pas lieu d’être :

Dans l’explication classique, on dit que le Maître fut « ressuscité » par l’accolade et les 5 points de la maîtrise et plus particulièrement par le « Mot de Maître » qui s’analyse en un souffle et un échange entre le relevant et le relevé. Par l’échange de souffle, le « Maître » est censé laisser place à son élève, ressusciter dans son disciple par la transmission du « souffle animateur». C’est alors que le franc-maçon deviendrait, le fils et le successeur d’Hiram par communication du souffle. Mais en réalité l’échange ne ressuscite rien de semblable à la scénographie du Christ, l’échange n’est que transmission non verbale qui crée le réveil du maître intérieur, le souffle d’Hiram devient un ferment pour l’initiation aux grands mystères.

La filiation est dans la transmission de la connaissance de soi et non pas dans la transmigration de l’âme pas plus qu’une ressuscitation-resurection.

Ceci éclaircit le débat sur la ressemblance entre le sacrifice d’Hiram et celui du Christ en écartant la palingénésie. La ressuscitation n’exclut pas la perception d’un nouvel état « non corporel » et plus particulièrement spirituel, mais la légende d’Hiram n’est pas une ressuscitation, c’est une prise de conscience initiatique par le développement de nouveaux sens.

C’est donc à partir cette « extraction » du ferment « spirituel » pour « mak-benah » (ou de la substantifique moelle pour « Marrow is bone ») et donc du sens « sacré » que détenait Hiram avec Hiram de Tyr et Salomon que nous allons tenter de faire ici un lien entre la question de l’autorité technique et spirituelle ( 1) et le niveau de langage, les deux étant )sans doute liés comme l’équerre et le compas et les clefs de lecture pour retrouver la parole (2), puis dans une troisième partie, nous étudierons la relation entre l’acte et le mot au plan symbolique (3) pour dans une dernière partie conclure que la parole perdue suggère un encodage du vivant par le jeu de miroir qui permet l’émergence d’un métalangage (4).

1re Partie :

La question de l’autorité surplombante et son importance dans la notion de parole perdue.

À partir de ces trois postulats et du sens hermétique du mot, nous tirons le constat que le divin dans la tradition maçonnique est lié à l’acte artisanal de la transformation de la matière.

Ce divin est l’autorité surplombante absolue qui adhère au réel, assimilable à la conscience la plus éclairée, et reste une création de l’homme.

Cette dimension du réel s’impose à soi (révélation à soi) comme un processus architecturé (GADLU), alchimique (mak-benah) et par le truchement de « l’autorité surplombante » qui transmet aux maîtres dans une filiation initiatique, le compendium nécessaire à l’organisation des hommes (mahobone).

Ce processus architecturé implique une hiérarchie qui donne la légitimité de l’acte transformateur en regard du plan. Cette hiérarchie de la connaissance va générer la notion de reliance avec le sommet.

La reliance mémorielle dégénèrera en images archétypales puis en mythes et en croyances.

C’est ainsi que le maître, par la transmission, à vocation à incarner l’architecte sans l’être réellement et doit comprendre à son tour la nécessité d’établir une autorité surplombante pour bâtir en matière et ordonner aux ouvriers à partir d’un plan.

Par la transmission hiérarchique et initiatique, le maître intègre la nécessité de l’autorité qui naturellement s’agrège au divin car la connaissance fut-elle initiatique est supposée dans l’histoire de l’homme trouver sa légitimité en s’associant avec un ordre de provenance supérieure (reliance qui deviendra croyance et dogme).

Dans tous les cas la transmission des secrets du métier qui permet de mettre au jour le passage de la reliance (orthopraxie) à la croyance (orthodoxie), sont en occident sous la protection des rois et des princes. Les secrets de la voie artisanale démontrent l’articulation majeure qui fait passer l’homme de la reliance à la croyance et sont donc depuis la mort de l’architecte passées sous les autorités surplombantes royales ou sacerdotales.

La légende d’Hiram ne fait que relater la société fondée sur la hiérarchie de la connaissance initiatique qui passera sous la hiérarchie de droit divin, contemporaine des Stuarts avec les trois ordres initiatiques : l’ordre artisanal, l’ordre sacerdotal et l’ordre chevaleresque ou royal. Mais les guerres de religions contemporaines de la naissance de la maçonnerie spéculative vont raviver le fond initiatique de la reliance afin de dépasser les croyances concurrentes. La parole perdue puis substituée atteste de cette tentative de changement de paradigme. Les grades suivants celui de maître diront si cette tentative fut couronnée de succès.

1/ La représentation œcuménique et sa triangulation maçonnique

Le divin est une nécessité des premières sociétés et fait partie de notre paysage mental et spirituel jusqu’à devenir réalité sociale.

Grossièrement, la période du divin suit la période magique et précède la période de la raison. Il se trouve que l’homme porte en lui les trois lectures du monde suivant les trois langages. Les trois sensibilités sont en l’homme et font de l’homme un humain. C’est ainsi que les francs-maçons dans un souci œcuménique, voulant dépasser les oppositions religieuses du XVIIème et XVIIIème Siècles ont substitué le terme Dieu par le terme générique du Grand Architecte de l’Univers, donnant à ce substitut un aspect plus accessible pour le maçon spéculatif et associant l’acte humain terrestre à une pensée céleste.

C’est ainsi que s’amorce la redescente ou la dégradation de l’autorité surplombante.

La gradation initiatique est liée à l’explication du « divin » (synonyme de conscience éclairée), c’est d’ailleurs l’objet secret de la représentation par l’échelle double : l’accès à la conscience éclairée située au sommet est suivi de la redescente par un autre versant jusqu’au retour sur terre. A une gradation du divin succède une dégradation, ce qui correspond strictement au caractère prométhéen de la voie initiatique.

La légende d’Hiram respecte à son tour un ternaire royal sacerdotal et artisanal composé du Roi Salomon, de Hiram de Tyr et de Hiram Abif Ce sont les trois délégataires du GADLU, lui-même délégataire du Divin, mais l’autorité surplombante déléguée à Hiram va se dégrader à son tour par une transmission filiale à tous les maitres.

La dégradation se fait donc en trois temps :

1/ Dieu essence devient GADLU « sens et matière » qui a fait un plan transmis à David, ledit plan est la maison qui accueille la dimension essentielle dans la matière et la vie,

2/ le GADLU devient trois personnes (triangulation maçonnique) qui exécutent le plan : Salomon dans la suite de David, Hiram de Tyr, Hiram Abi, chacun représentant les trois ordres face au chaos en organisant les trois sensibilités historiques de l’homme : le magique (les cèdres du Liban, les richesses de la grande nature), le spirituel (détenteur des plans, des tables de la loi et de l’Arche) et le rationnel (le fondeur et l’organisateur du chantier).

3/ Hiram qui sait lire le plan suivant les trois sensibilités, et métamorphoser la matière devient par transmission filiale tous les maîtres qui ont perçu l’essence.

Chaque membre du ternaire serait détenteur du mot sacré ou d’une fraction de celui-ci. Cela veut dire que chaque membre du triangle constitue la pointe d’une figure doté d’un centre commun. Ce centre, c’est le point de concordance des trois sensibilités magique, spirituelle et rationnelle. Ce centre est donc l’essence de l’homme et de la nature c’est-à-dire l’essence de la vie qui se traduit concrètement en force de vie ou élan vital.

C’est par Hiram en décomposition que la filiation essentielle et donc vitale se diffusera à tous les maîtres. La Lecture du plan sera possible par chaque maître à qui on a transmis les éléments de langage et les clefs de lecture.

Donc tout repose, dans cette voie initiatique, sur l’acquisition des éléments du langage des maîtres qui regroupent les trois consciences historiques de l’homme et aboutissent à une vision totale et vitale. Il serait aberrant de vouloir trouver dans la légende d’Hiram une transmission relative au principe de mort. Bien au contraire il se libère et se transmet au maître le principe de vie qui est l’essence même de la transformation de la matière et de l’évolution du vivant.

Cette architecturation « maçonnique » du divin, doublée de son anthropomorphisation royale nous fait dire que le divin est un « espace construit » et « réservé » de la conscience de l’homme, évoluant dans le sacré et qu’à ce titre le « maçon » en serait l’inventeur, l’auteur, le bâtisseur et le gardien (notamment dans les hauts grades). C’est ce qu’on appelle une spiritualité construite, nous ne sommes pas dans une spiritualité révélée ! La seule chose qui est initiatiquement révélée au maître, c’est la vision directement liée au niveau supérieur de langage ou à la conscience qu’on appelle aussi la lumière.

Le franc-maçon du XVIIIème siècle aurait reconnu le divin dans les facultés conceptuelles d’un architecte qui dessine ou exécute des plans, faisant une œuvre de l’esprit qui devient matérialisable et lisible par tout initié qui en connaît le langage. La transmission du GADLU à Hiram puis de Hiram aux Maîtres est ainsi établie en « lien filial » qui justifie l’expression suivant laquelle tous les maçons sont « frères » par l’initiation, par la perception commune du sens et de l’essence pour former la vision de ce qui il de grand en l’homme. C’est ainsi que, pour le franc-maçon adepte d’une orthopraxie, le divin qui ordonne le chaos est synonyme de conscience éclairée qui organise la pensée et les actes.

2/ Émergence d’une spiritualité construite fondant le « sacré-réel »

Donc le sacré est réellement accessible à la « construction » mentale du maçon puisse c’est lui qui construit le temple qui est la maison du divin !

Avec ce qui précède nous établissons la notion de « sacré-réel » qui est un sacré construit de la main de l’homme (le temple) et nous disons que la réalité intègre la spiritualité « construite » comme une faculté représentative et réalisatrice de l’homme. Cette spiritualité « construite » ferait corps avec la réalité. Cependant, elle n’est accessible dans sa construction, ses fondements et modalités d’expression que par un langage idoine dans un registre « caché » où perdu. C’est ici que se situe le problème.

Ce langage idoine est lié à la table à tracer des maîtres sur laquelle est figurée une authentique table de lecture en croix dédoublées (clef de lecture) dans laquelle prennent place des lettres ou des chiffres ou des syllabes formant ainsi une combinatoire du langage sacré. On comprend que la table à tracer des maîtres composée d’une double croix fut sans doute destinée à l’élaboration du plan et au langage sacré qui sont synonymes. L’alphabet maçonnique sera une variante ludique de cette clef de lecture composée d’une croix dédoublée formant les 9 cases d’une marelle combinatoire ou ennéade et d’une croix de Saint-André de 4 cases, qui tente au plan humain, de quadriller le cercle de la pensée, autrement dit d’expliquer par tout moyen rationnel la notion d’esprit. Notons que ces deux figures ont vocation à se superposer.

Ce jeu cryptographique sera justement reporté sur la pierre cubique à pointe qui constituera dans son déploiement le compendium mnémotechnique de la connaissance des clefs de lecture par le franc maçon de tradition. Le jeu, nous le savons pour les tarots notamment, le jeu de l’oie, les jeux d’échecs ou la marelle, le mât de cocagne, est une perception dégradée d’un langage supérieur lié à une organisation essentielle ou à un métalangage symbolique.

3/ Le registre perdu

Ce registre perdu est comme toutes les langues expression d’une intelligence et donc attaché à la mémoire, à la représentation mentale, à la cognition, aux des clefs structurantes, et probablement aussi, aux lois de correspondances (croix dédoublées de la table à tracer des maîtres), etc. Ce registre perdu serait initiatique, et à ce titre une combinatoire qui donne la vision globale et structure l’expression symbolique et subtile.

Il conviendra donc de rechercher les clefs qui font ce réel et les codes qui permettent de le lire ce « sacré-réel » dans un niveau de langage rehaussé. Nous verrons que ces clefs font toutes état d’un centre et ont pour point commun d’échapper « au temps réel » en se reliant directement à l’origine et à l’ontologie et donc à l’intemporalité. Ceci expliquant que si ces « clefs-modèles » échappent à la contingence, elles en constituent malgré tout la structure de base. (On notera que par transmission graduelle le REP donne à lire ces clefs, démontrant le caractère véritablement initiatique du rite, sans clefs il ne peut y avoir commencement de lecture, ni vision éclairée.)

4/ Du divin organisateur au grand architecte – l’autorité surplombante

Née de la geste créatrice, la parole nomme et classifie, mesure et organise les formes.

La parole étant liée à la création, peut-on s’inquiéter de la perte de celle-ci par l’autorité surplombante ou doit-on se réjouir que l’homme initié puisse reprendre possession de la geste créatrice. Toute création ne perdure et évolue qu’en relation avec un environnement organisé lisible par l’homme, le chaos serait en un certain point de vue une destruction d’un ordre pour le remplacer par un autre. Le franc-maçon déclare chaos toute destruction de vie et toute rupture avec la progression de l’homme sur le chemin de son humanisation. La parole perdue ne doit pas faire place à la parole de destruction de l’homme. Autrement dit, une autorité surplombante, lumineuse et organisatrice des progrès de l’humanité, ne doit pas être remplacée par une autorité de l’ombre.

L’autorité surplombante est le fruit de l’organisation des sociétés humaines qui joue un rôle dans la transmission et accapare le langage subtil né du langage non verbal et du langage symbolique. Ce langage doit rester l’expression d’une espérance.

L’autorité surplombante

Le rôle de l’autorité est d’organiser, arbitrer et préserver.

Le point commun des individus-tribaux est cette faculté d’élaborer ou de redécouvrir cette supra-conscience commune qui élabore le couple Dieu- autorité surplombante qui produira les lois comportementales et morales d’une société sédentaire. C’est par cette approche que l’on découvre les archétypes et les signifiants originels, et c’est par eux que l’on se donne encore des chefs et des autorités surplombantes. Sur la base de ce constat, il est donc possible de retrouver le cheminement qui mena l’homme à nommer dieu après l’acte humain le créant.

Le grand architecte appartiendrait encore au sacré réel du fait de sa proximité avec l’artisan. Le grand architecte on l’a vu n’est pas synonyme de dieu, mais de « conscience éclairée » dans les trois voies, artisanale, sacerdotale et royale. Au demeurant il utilise le compas et l’équerre comme un artisan, alors que le divin souffle sur la surface des eaux et utilise le logos.

Le choix délibéré de l’homme de se choisir un dieu ou un chef pour qu’il promulgue et légitime une norme (plans ou lois) qui s’impose à tous et ordonne ainsi le chaos humain est une démarche construite par l’homme. Cette démarche créatrice provoquera la mise en place d’une fonction sacrée.

La mémoire

L’organisation durable dépend de la mémoire.

Nous gardons tous la mémoire du « non-temps » et du « non-lieu » (le paradis perdu), et nous rêvons d’y faire retour, comme une nostalgie des origines qui hante l’humanité. Ce rêve est le même que l’acte de nommer Dieu, il est très ancien et il est perdu comme la parole, simplement parce ni la parole ni le paradis perdu, ni le Graal ne se trouve dans le domaine discursif et immédiat, ils demeurent enfouis dans la mémoire ancienne à laquelle on accède par le rêve et le symbole.

Relater toutes ces pertes (mémoire, parole, immortalité, etc.), c’est reconnaître l’amoindrissement de nos facultés cognitives et interprétatives en situation courante, mais c’est dans le cas de la parole perdue d’Hiram une réappropriation par l’homme des schèmes organisationnels (griffe du maître).

La perte est généralement due à l’éloignement du centre originel, on comprend alors que le chemin du rêve et du songe redonne une actualité au sens et au réel ancien. La difficulté consiste à ramener le sens dans l’ordre d’une volonté humaine oubliée qui faisait du divin un accessoire de l’organisation par l’homme de l’espace, du temps et des institutions. Finalement le divin va couvrir notre perte de mémoire et transformer cette reliance orthopaxique en croyance orthodoxe.

La parole perdue serait donc le moyen de recouvrir notre autonomie créatrice et organisationnelle qui demeure une orthopraxie fondée sur la lecture du monde et de soi.

La codification :

L’organisation implique une codification.

Le terme symboliquement utilisé par les francs-maçons pour ouvrir leurs travaux est le MIDI, soit un plus haut lumineux qui nous donne l’impression du temps suspendu. Toutes les civilisations ont des mythes communs qui attestent d’une unité primitive, suivant diverses modalités, mais qui ramènent toutes à celle du commencement. Plongées dans l’évolution et la différenciation, les générations successives semblent conserver un « germe » commun relatif au redressement du bipède face à la lumière, à son évolution de chasseur nomade vers celui d’éleveur puis dans les siècles à venir de jardinier sédentaire.

La lecture du monde et du vivant a évolué en même temps que le langage et l’interprétation de la lumière, mais certaines facultés se sont endormies alors que d’autres se développaient. La codification morale et légale s’installait en même temps que la codification du langage né des facultés cognitives, garantissant l’ordonnancement et l’échange.

Ces évolutions sont lisibles en franc-maçonnerie
dans le tableau de loge qui est une évocation narrative traduisant une représentation graphique et symbolique du penser et du faire ainsi que des limites d’expressions assignées au niveau d’entendement (grades). Le choix du vocabulaire se fait sur le mode de la transformation de la matière par l’intervention du discernement et de l’esprit. La construction symbolique par les outils instruments et matériaux, relate la grande aventure de l’intervention de l’homme sur le milieu naturel et trouve son orientation lumineuse dans la course du soleil et des étoiles. C’est la perception de la lumière que crée la compréhension du vivant.

Ce niveau d’entendement s’élève suivant le grade jusqu’à se rapprocher symboliquement du sommet de la montagne. Notons que le sommet de la montagne ou l’arbre ou l’échelle et la tour sont des marqueurs de la transcendance. C’est souvent au sommet de la montagne, marqueur de la transcendance, que se transmet le discernement, soit par révélation soit par épiphanie : le plan du temple (donnée par le divin à David), la vision d’Ezéchiel, les tables de la Loi (donné par le divin à Moise), le Livre Sacré (histoire de l’homme-dieu crucifié sur le Golgotha), Hiram enterré au sommet du mont Hébron puis dans le Saint des Saints, etc.

Ces visions et apparitions sommitales sont relatées dans les livres de sagesse comme structurant le langage symbolique. Il s’agit là de l’encodage des archétypes associés à l’ordonnancement du chaos par la lumière, c'est-à-dire la conscience éclairée, ils vont former le langage symbolique.

Cet héritage de la pensée symbolique et subtile élaboré dans les temps anciens, va rentrer dans le corpus de l’autorité surplombante qui, dans son processus de séparation du monde profane, met en forme ces figures majeures de la pensée universelle pour en faire croyances et structures du langage religieux.

L’oubli et la reconquête

Toute organisation s’appuie sur une sélection des données et images et l’élaboration d’un récit qui la légitime.

Cet ordonnancement éclairé du vivant est réalisé par une autorité surplombante dès l’origine. Mais cette autorité surplombante n’avait d’existence légale que par la volonté organisatrice des hommes. Ils devaient pour valider la toute-puissance de cette autorité divine ou royale, oublier qu’ils en furent les auteurs. Comment valider le couronnement d’un roi sans intervention divine ? Comment installer la filiation royale ? Comment décider d’une guerre juste sans validation divine ? Comment imposer une règle morale ou une loi réorganisatrice sans le lien légitimant du divin ?

En oubliant cette origine humaine de l’autorité surplombante, le divin prit son autonomie est s’imposa comme sacrum, dans une croyance qui assujetti et annexe tout les marqueurs symboliques et subtils du « sacré réel » telle que la pierre dressée ou de fondement, ou la sortie de l’esprit-essence du corps-substance lors de la mort.

Le nom du divin fut oublié en même temps que son origine humaine et le divin régna de lui-même dans les consciences en épousant et occupant marqueurs du « sacré réel » dans les transmissions et la tradition.

Retrouver la parole perdue veut dire retrouver l’origine du divin en l’homme qui est peut-être son propre paradis perdu, un âge d’or où l’homme était comme un dieu…en essence. On comprend que ce désir de reliance à plus haut dénote un manque de confiance en l’homme, en regard du chaos et des questions existentielles. On constate que l’autorité surplombante sans contre-pouvoir, a une tendance naturelle à oublier son origine humaine pour se rendre autonome et s’imposer aux hommes par l’action d’une caste et sa maîtrise du mystère et la subtilisation du langage symbolique et subtil.

Par cet oubli de l’origine humaine du sacré et de l’autorité on abouti au glissement du « sacré réel » vers le « sacré divin » autonome. C’est ainsi que le divin voilé et séparé ne devait et ne pouvait plus être nommé. Oublier son nom, c’était oublier son origine humaine… et l’origine humaine de la pierre dressée.

La légende d’Hiram permet donc a l’initié de reprendre possession de l’autorité et de l’idée surplombante. C’est la reconquête de l’étoile comme source d’inspiration par le maître du compas et de l’équerre

(Nous poursuivrons cette exploration de la parole perdue dans une prochaine publication)

E.°.R.°.

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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 12:30
Du miroir initiatique au miroir hermétique

Nous proposons une planche et la première partie d'un morceau d’architecture sur le miroir:

I / LE MIROIR et la rencontre (E.°.V.°.)

Pour écrire ce qui suit, j’ai fait l’expérience suivante : « rester devant un miroir pendant 5 minutes sans bouger».

Pendant les 5 minutes, je me suis observé, moi, « le reflet ». Ce reflet évolue dans un monde de silence. Il est ma symétrie parfaite, mais une symétrie inversée. Ce qui m’a amené à la réflexion suivante qu’est-ce que je vois ou qui je vois exactement ?

La première idée, c’est moi l’initié et le profane me tenant debout devant un axe vertical qui me bloque et me renvoyant ma propre image. Ce moi, cette image, j’ai essayé de lui parler, mais aucune réponse. Il reproduit à l’identique inversé mes gestes, mes mouvements.

La seconde idée, ce "moi" que je vois, pense-t-il ou réfléchit-il? Dès que nous ne sommes plus devant le miroir nous ne voyons plus notre reflet ou notre moi inversé. Mais lui ou est-il ? Évolue-t-il dans un autre monde ?

Le miroir nous renvoie-t-il une image pure de notre vision de nous-mêmes ?

Malheureusement, les 5 minutes sont écoulées et maintenant je vais vous parler de mes recherches sur le miroir.

La définition du miroir : Un miroir est un objet possédant une surface métallisée suffisamment polie pour qu'une image s'y forme par réflexion et conçue à cet effet.

L’histoire du miroir

Les premiers miroirs étaient très probablement des plans d'eau sombre et calme, ou de l'eau recueillie dans un récipient.

Pendant l’antiquité on utilisait des miroirs en métal poli, Au 13ème siècle on eut l’idée de fixer des feuilles d’étain derrière des plaques de verre avec une colle transparente et l’on obtint ainsi une réflexion des objets plus claire. L’étamage des glaces ne date que du 16ème siècle.

Fait purement géométrique, à laquelle nous ne prêtons pas attention : personne, en fait, n’a jamais vu son visage dans un miroir ! Cette image à laquelle nous nous fions est notre énantiomorphe (Déf : se dit de deux constituants semblables, mais ne pouvant pas se superposer.), différente de ce dont elle est le reflet comme la main droite de la main gauche.

La Symbolique du miroir

Comme l’histoire nous l’a appris, l’eau servait de miroir depuis la nuit des temps. Je pense que cet élément est le miroir primordial. L’eau est un symbole de pureté, de vie et de régénérescence. Peut-être qu’en plongeant dans l’eau, nous pouvons traverser notre reflet et changer de vision. Et s’il fallait revenir au plus profond de nous-mêmes. Nous pouvons faire le rapprochement avec le baptême religieux. A l’initiation qui a donné vie au maçon qui était à l’intérieur de nous. L’épreuve de l’eau mes BB.°. AA.°. FF.°. et SS .°. !

Nous plonger dans l’eau, lors de la première épreuve ou le premier voyage, les yeux bandés. Sur le moment nous ne nous en prenons pas conscience, mais nous traversons la matière ou notre reflet. Cet effet sur la dualité lors du voyage nous transporte et nous fait sortir de nous-mêmes et de notre ego.

Le miroir est un producteur d'images. Source de réflexion, une surface rigide sans laquelle les choses seraient absorbées dans l'oubli, il nous invite à réfléchir. Réfléchir sur quoi ? Nous-mêmes, le connais-toi toi-même, l’ego, etc. La vision du miroir est parfaite et sans limites, il voit tout et à chaque instant. Peut-on dire que le miroir est une seconde dimension ou le miroir du monde.

Le miroir est un outil qui peut renvoyer la lumière, elle ne le traverse pas et n’a pas son reflet dans le miroir. Faut-il penser ou croire que les choses visible ou invisible qui ne se reflètent pas dans un miroir sont forcément réelles ? Nous attaquons là un débat supérieur du « faut-il voir pour croire ? » Mais je ne développerais pas là-dessus ce soir.

Le miroir sur un plan vertical est le principe fondateur de ce qui est en haut et comme de ce qui est bas. Il ne nous montre aucune limite, on peut donc parler d’infini.

Ce soir vous l’aurez tous compris, je pense que le miroir ne triche pas il nous renvoie la vérité, à nous de l’accepter ou de la refuser.

Pour conclure, je citerai un poème sur le miroir.

"Miroir, cette surface plate et lisse

sur lequel, sans obstacle, mon regard glisse...

Simple objet physique ? Ou porte secrète métaphysique ?

cherchant dans l'infini des jeux de glaces, les premiers principes

Réfléchissant avec simplicité, la lumière dans son contraire

ou me faisant réfléchir à la vérité qui se cache derrière...

Selon l'angle de réflexion,

différente sera la direction

Ce reflet inversé de moi-même

comme un ennemi rempli de haine...

ne fait que confronter ma dualité...

De ces 2 images, où se dissimule l'unité ?

Il n'est guère flatteur, ni enchanteur

Trop fidèle, ce visage qu'il renvoie et que je cache au monde

Ce masque de comédien aux odeurs nauséabondes

Il dévoile mon paraître et me montre mes erreurs

tout en m'invitant au cheminement intérieur

Je suis mon ennemi...

et je le vois ici,

dans cet écho renvoyant à l'ego,

Vivant symbole de tous mes maux

Par l'Alchimie des reflets,

il me conduit aussi à l'invisible

en me donnant consciemment la clé

pour m'inviter à le traverser

Il devient nécessité irrépressible

Me montrant la voie

de la pierre cachée

Plonger au plus profond de soi

pour espérer la trouver...

Le double que je vois dans la psyché

symétriquement est opposé, mon inversé

Le blanc, le noir, comme un échiquier

Mosaïque de Positif et négatif...

Pour changer l'ennemi

Il faut transmuter..

Reconnaître l'ami...

Jeux de bataille pour L'Ego

Je est accusatif

Je est vindicatif

confronté à sa peur de disparaître...

tenter le tout, résister, c'est son dernier mot

Au final, il n'y a rien à vaincre, il n'y a que l'Être

Pour atteindre l’indivisible

Le miroir est le liant de mes dualités

Il capte mon âme invisible

concilier le tout pour atteindre l'unité

Suis-je virtuel ou réel ? Souffle le squelette

Lequel des 2 mondes et le mien

Quel reflet est lié à mon destin?

Passage de l'un à l'autre en va et vient

Pour me renvoyer une image juste et parfaite

Pour que je puisse l'apercevoir

Pour qu'elle se laisse entrevoir

Faut-il le briser?

ou le traverser?

S'il te plaît, dis-moi miroir..."

E.°.V.°. R.°.L.°. "Les Ecossais de la Saint Baume"

II / Le miroir hermétique (E.°.R.°.)

Il faut un cerveau pour interpréter l’image et se reconnaître, car, si le reflet de l’image est une « inversion », alors l’individu ne peut saisir la réalité de l’image. Il faut un travail de conversion de l’image-objet vers l’image-sujet.

Le sujet ne voit qu’un objet-image, sans vie propre, et qui doit être traité. C’est l’absence de traitement analytique et de qualification de l’image qui donne l’illusion de la présence d’un double de soi dans le reflet du miroir.

Le reflet-dédoublement peut être vu et ressenti à plusieurs niveaux qui supposent une prise de conscience graduelle. C’est sur cette illusion évocatrice d’un dédoublement polysémique que se fondent les rituels maçonniques de présentation du miroir en présence du parrain. Mais ceci n’est qu’un point de départ à une interprétation puissamment hermétique à laquelle nous vous invitons.

Outre le rétablissement du réel, nous verrons que le miroir permet aussi de donner à la réalité une profondeur de vérité par une sorte de dématérialisation de l’image, lui donnant une transparence dépassant le strict cadre de l’apparence. C’est donc par l’abandon de l’appropriation égotique et superficielle de sa propre image et des écorces de l’avoir qu’il sera possible d’entamer une remontée dans l’invisible.

Nous retiendrons que le miroir reflète une « projection » d’une réalité ou/et d’une intention signifiante nécessitant dans les deux cas interprétation du sens et du signe.

L’apprentissage de la vision du réel – le sens et le signe -

Le miroir pose la question de la vision. La vision pose le problème de l’association du réel (le sens) à l’intention signifiante (le signe).

On ne peut se voir comme on est réellement et c’est tout le travail de l’initiation que de traduire et rétablir l’image originelle du sujet primordial comme on recherche une vérité éternelle.

L’initiation est, notamment, une technique d’interprétation des apparences en vue de rétablir ce qui est, par interpolation ou par extrapolation. L’initiation part de la recherche du centre en soi (V.I.T.R.I.O.L,), puis du centre d’Union (Fraternité) pour aller quérir la lumière au sommet de l’axe (Chambre du Milieu). Il est entendu que la finalité de la démarche initiatique est de réussir à faire correspondre les trois centres en les superposant (lois de correspondances). Ce cheminement peut se faire dans la matière (voie artisanale), par la projection du corps à cheval dans une quête d'un idéal situé entre terre et ciel ou dans la mêlée (voie chevaleresque), ou par la parole interprétée, médiatrice et opérante (voie sacerdotale). Dans les trois voies, le miroir, fût-il intérieur, est indispensable à la progression, car il permet de voir Soi, le Monde et le Tout.

On résumera l’intérêt de cet instrument à ses effets démultipliant l’image-reflet en trois sous-couches de la représentation mentale liées par la triple puissance de l'allégorie, du symbole, et de la révélation mais aussi du geste, de la parole et de l'écrit ou du tracé :

  • La représentation mentale de l’image construite ou intuitive
  • La perception conceptuelle des principes éternels ou archétypes
  • Élaboration du réceptacle de la grâce ou de la révélation.

Son usage s’adresse aussi bien à l’initié dans la voie prométhéenne, qu’au scientifique cherchant positiviste, mais encore à celui qui, en position réceptive, développe une sensibilité mystique. Le miroir est l’instrumentum parfait du plan humain translucide, et permettrait ainsi d’explorer des domaines considérés, à tord ou à raison, comme non humain...mais possibles. Donc le miroir à partir du réel permet d’introduire ou de rétablir la notion de totalité.

Au-delà de l’apparence

L’apparence est parcellaire et trompeuse elle encombre notre vision et dissimule la totalité. Le réel ne doit pas se limiter à la fausse apparence et au faux semblant.

C’est notre implication égotique dans l’image reflétée qui fausse la perception : L’image de soi est insaisissable, seule demeure ce que voudrait voir Narcisse : une image toujours trompeuse et parfois flatteuse d’un moi soumis à interprétation subjective. Plus on se rapproche de son image-reflet plus on risque de sombrer dans l’apparence trompeuse.

Pour maquiller ses traits et son apparence dans le but de flatter notre ego il faut l’usage d’un miroir docile, à défaut de miroir on utilise le regard de l’autre à qui l’on donne une certaine image séductrice. On perçoit alors une image avantageuse qui flatte notre ego. L’ensemble des civilités sociales se plient à cette exigence d’un reflet flatteur du moi. C’est l’ego qui se mire dans le regard de l’autre ; le regard de l’autre sur soi-même est lui-même faussé par l’empreinte de son ego..

En l’absence d’observateur, l’image reflétée par le miroir est neutre et sans existence réelle ni persistance, c’est donc que le miroir ne crée pas, ne pense pas et ne vit pas, tant que la conscience de l’homme ne l’utilise pas comme instrument d’observation du moi, du soi et du tout.

Le miroir est un objet non doué de vision, mais producteur de reflet qui inverse la réalité sur un plan donné et qui doit être latéralisé pour rétablir l’état initial. C’est par latéralisation de l’image-objet que le miroir devient un puissant instrument d’exploration du réel et de ses possibles.

L’instrument d’exploration et de lecture du plan et des possibles

On utilise le miroir pour voir la voûte étoilée, ce qui fait du miroir un support de projection de mondes inaccessibles, mais possibles, c’est-à-dire que le possible est lié au réel par son éloignement ou sa dissimulation au regard.

Le miroir permet de scruter le ciel à partir de la terre, établissant la relation hermétique entre ce qui est en haut et ce qui est en bas. Le miroir rend donc le possible présent et influent au milieu de l’apparence.

Les bâtisseurs du Temple sont en charge d’évoquer le ciel sur terre et d’en représenter l’essence dans une maison de Dieu en suivant les plans donnés à David. Le modèle du Temple né du Templum est alors un miroir du Ciel et d’une totalité dans son origine céleste et divine. Le réel additionné d’un possible céleste ou Divin nous donne une totalité.

C’est ici que les plans du temple et le céleste (ou le divin) se confondent dans une même représentation. Donc le miroir rend possible le reflet d’une pensée divine réinterprétée par l’observateur. L’instrumentum du miroir permet de voir au-delà et plus loin. Nous comprenons intuitivement que le miroir permettrait de percevoir la pensée originelle, ce qui équivaut au rétablissement du fameux lien ontologique. (C’est aussi ce à quoi parviennent les astronomes qui à l’aide de miroirs électroniques s’approchent de l’instant zéro, celui du Big Bang, établissant un lien entre le réel et l’origine par une représentation mathématique du possible ! Sur un plan optique, le télescope Hubble peut, grâce à son miroir, remonter la vision d’un passé fondateur et le rendre visiblement présent.)

Ce qui fait fonction de miroir de projection pour un bâtisseur, c’est la loge dans laquelle on dresse le plan du temple à bâtir. L’exercice consistera à passer de la pensée divine, représentée par le plan du Temple, à la réalisation humaine dans un alignement de pierre qui part de la pierre de fondement jusqu'à la pierre du dôme. Donc la loge est un miroir de projection qui reflète une volonté divine filtrée par la fenêtre-vitrail et en toute hypothèse, l’image d’un Temple idéal en relation avec un plan supérieur.

La loge miroir et le temple inversé

La loge qui est adossée au temple à bâtir en soi est aussi une chambre des reflets d’une totalité humaine, terrestre et céleste.

La loge est un miroir des trois mondes ou si on préfère une chambre noire qui par trois ouvertures donne 1/le reflet inversé du temple de l’homme qui est le temple intérieur, 2/du temple terrestre sur le plan manifesté et 3/ par une troisième ouverture donne le reflet inversé du temple céleste dans la verticalité.

En quelque sorte le « miroir juste » nécessite trois rétablissements consécutifs à trois inversions, en soi dans le plan et dans l’axe.

C’est du changement de plan que née l’inversion. Nous en trouvons un exemple, bien connu et mal compris dans le positionnement des colonnes Jet B (mais aussi des colonnes antédiluviennes) que seul le sage sait lire et « rétablir ».

Rétablir l’ « orientation » c’est lire et comprendre le sens premier.

Aussi le duo Jakin- Boaz dans sa situation dedans-dehors faisant césure entre le Temple et la Loge reste une entrée commune aux deux plans de la loge et du temple.

Ces colonnes ambidextres (la fin d’un cycle solsticial se confond avec le début de l’autre) et bifrontales (Janus) offrent une réelle perspective de l’entrée du Temple en relation symétrique avec l’entrée dans la Loge. Pour aller de la Loge au Temple, il faut « rétablir » l’entrée. La notion d’entrée est donc commune à la Loge et au Temple et les deux plans organisent le passage de l’un a l’autre dans l’inversion du sens : sens humain: entrée par le couchant, sens divin: entrée par le levant.

Le fait de « rétablir » suppose symboliquement un retour à l’origine, une remontée vers une situation, celle qui précède la chute de l’homme ou la destruction du Temple, ce qui confirme que l'image du Temple en général a vocation de rétablir l’état originel qui se traduira au final par la vision d’une Jérusalem céleste.

Ainsi peut-on dire que la Loge est adossée au Temple qui est l’œuvre à accomplir en soi pour avoir la vision.

Rétablir le sens du réel

Rétablir l’image, la colonne dans son sens axial ou le temple détruit, semble la mission du sage, de l’initié qui connaît le sens réel de l’écriture sacrée. Donc notre propre image, comme la réalité, est insaisissable dans sa globalité, car l’apparence reste trompeuse. On ne peut voir dans le miroir ce que nous sommes réellement sans transposition de l’apparent au réel.

C’est ainsi qu’on peut affirmer qu’il n’y a pas de plus grande initiation que la perception juste de la réalité, car la réalité suppose un effort de vision au-delà des apparences.

Le sage a son miroir qui est aussi bien l’instrumentum matériel que symbolique. Ce miroir peut donc être « en soi » comme une chambre de projection, ou comme un temple véritable réceptacle intérieur d’une totalité visible, invisible et possible.

C’est donc le miroir des sages qui établit les correspondances dans différents plans et dans les trois axes et les six directions. Là où le profane voit une image qui le trompe, l’initié rétablit le sens interprétatif de l’image par transparence des plans, il a donc la vision.

La lecture juste, lecture totale des trois Temples - miroirs

La lecture juste de l’image venue d’ailleurs ou du sujet-image au-delà de l’objet-image suppose une métamorphose du regard. Cette métamorphose est une capacité à l’analogie et à la correspondance et, pour certains rites, une capacité à l’anagogie.

En effet le sujet devient objet-image qu’il faut réinterpréter, car le reflet n’est pas la réalité du plan concerné, mais l’image inversée dans un plan inférieur ou supérieur ou en vis à vis. Si toute la loge maçonnique est le reflet dans le domaine humain d’un temple à bâtir, alors ce temple est présent dans les trois niveaux ou plans superposés : intérieur et humain (temple intérieur), terrestre et socio-historique (Temple de Salomon et suivants), ou céleste telle la Jérusalem céleste de la révélation de Jean.

C’est donc avec l’instrument miroir que l’on « voit » ou que l’on a une vision du ciel et de soi-même, au-delà de la dimension spatiale et temporelle.

L’image du temple qui concentre une universalité, nous renvoie à un non-lieu et a un non-temps propre aux images éternelles. (Archétypes et mundus imaginalis)

Un rite est dit « hermétique » s’il autorise une technique de latéralisation du regard d’une part, et la navigation représentative sur les plans superposés d’autre part.

Superposition des mondes lumineux- notion d’ouverture ou de « brèche » -

La superposition des grades et des imago mundi représentés par les trois tableaux de loge des trois premiers grades est saisissante.

Nous pouvons alors dire que la loge est un miroir du monde symbolique attaché au niveau d’éclairement du maçon et de la loge. On ne voit en effet le monde qu’en fonction de notre niveau de conscience de l’être et du réel qui variera dans le cheminement initiatique des grades.

Or l’esprit humain cherche la lumière et sa source et il se trouve que la lumière pénètre dans la chambre noire de la loge par une ouverture, une brèche symbolique à l’Orient, puis la loge diffuse cette lumière par l’homme au sortir de la loge. Ceci constitue le plan de la manifestation, mais on peut tenir le même raisonnement à partir de l’ouverture située au zénith de la voûte étoilée en regard du plan de la loge (symbolisme lié à la clé du dôme ou clé de voûte en regard de l’arche et de la cavité). Enfin, s’agissant de l’individu lui-même on comprendra l’intérêt illuminateur de l’esprit de toutes les techniques visant à relier le corps et la boîte d’os a l’axe terrestre-céleste, reprenant en cela le symbolisme de l’arbre de vie dans son orientation vers « en sof ». Ici au niveau de l’homme se joue son état de médiateur entre la terre et le ciel, et c’est la circulation de l’esprit-lumière (notion de conscience éclairée) qui permet de régler la superposition des trois plans. Le réglage se fait donc à l’aide de miroirs qui vont chercher la lumière par les ouvertures de la chambre noire (notion de conscience orientée).

Latéralisation en loge et en-soi – « le point de conjonction » et l’étoile -

L’ouverture de la chambre noire fait passer la lumière et l’image.

Le point de passage est aussi le point d’inversion du dehors-dedans, une sorte de frontière constituée par un point de conjonction où la totalité de l’image se concentre avec la lumière avant de se répandre dans la chambre-loge.

C’est par ce point de conjonction que la droite devient gauche pour le plan et que le haut devient bas pour l’axe. On retrouvera ce point de conjonction au sommet de la montagne, comme dans les tréfonds de la caverne, ce point de conjonction est souvent représenté par un Triangle d’or (lame d’or) pour le plan de la manifestation, une étoile à cinq branches pour le plan humain et une étoile à six branches pour le plan supérieur qui s’applique au plan inférieur. Ainsi la concentration dans le point de conjonction du monde en vis-à-vis ou en plus haut prend l’allure et l’aspect rayonnant et diffusant d’une étoile.

C’est donc la latéralisation qui rétabli ce que le miroir a inversé d’un monde à l’autre, entre deux plans, du moi au soi.

Ainsi mon image dans le miroir doit être rétablie par mes fonctions cérébrales, c’est cet attachement à établir la lumière ( la conscience éclairée) et rétablir la vérité ( la vision juste et orientée) qui anime le franc-maçon.

L’hermétisme n’a donc rien de magique, il est une technique ancestrale de représentation mentale juste et lumineuse, attachée aux aptitudes fondatrices et exploratrices de l’esprit humain.

On trouve en loge de multiples preuves de ce phénomène de latéralisation suivant la nature du rite pratiqué (c’est la place des colonnes qui donne l’orientation hermétique du rite [voir notre étude sur la place des colonnes dans le Livre de l’Apprenti]) :

On notera une relation naturelle de symétrie en X avec les facultés de l’hémisphère cérébral droit et la main gauche [épée flamboyante et soleil feu, illumination-action éclairante], entre l’hémisphère gauche et la main droite [maillet et lune, eau, malléabilité-action transformatrice]. Cette double latéralisation aboutie toujours à un point d’intersection

On retrouve cette latéralisation croisée dans le croisement du chemin de la lumière et le la prise de parole des colonnes solsticiales J et B et les colonnes des apprentis et Compagnons (au REP). Ce croisement est dû à la position plus ou moins éclairée de l’apprenti et du compagnon en relation avec la colonne solsticiale de leur salaire. Cet aspect croisé est aussi présent dans le signe et contresigne qui équilibre le geste de la main droite par le geste de la main gauche, etc.

En réalité , la latéralisation et donc le croisement implique un point de conjonction réalisant l’union [et l'équilibre de la droite et de la gauche, du Roi et de la Reine, du Soleil et de la Lune], comme le corps calleux fait la jonction et unit l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche.

Il faut donc rechercher, dans le phénomène du miroir et de la symétrie inversée, où se situe le point de conjonction qui fait naître l’inversion. Il y a un point de conjonction entre les parvis et le Hékal puis un autre entre le Hékal et le Débhir, nous sommes ici dans l’axe de la lumière venue de l’Orient et nous pourrions établir un point de conjonction dans l’axe Nadir Zénith …mais aussi en nous.

Une brève analyse des points de conjonction nous renvoie étonnamment dans le tracé central d’un arbre de vie que l’on retrouve dans le schéma séphirotique.

La loge est comme une chambre photographique, elle inverse l’image des temples auxquels elle s’adosse, dans un plan donné ou dans un axe donné, et les tableaux de loge sont alors des lieux de projection qui donnent lieu à des interprétations symboliques et au rétablissement hermétique du réel.

La loge est donc symétriquement « adossée » à l’œuvre à accomplir et c’est l’œuvre qui fait la jonction avec les plans supérieurs et inférieurs, ceci explique l’inversion du couple Loge-Temple dans l’axe de la lumière venue de l’Orient et leurs entrées différenciées [par l’Ouest pour la Loge, par l’Est pour le Temple]. Quoi qu’il en soit l’œuvre apparaît donc comme une échelle réalisatrice pour atteindre et relier le triangle et les deux étoiles.

La réalisation de l’œuvre repose sur l'épaule du bâtisseur, mais la pensée et la volonté qui précédent la réalisation sont affectées à une autorité surplombante qui légitime et rend nécessaire la mise en œuvre. C’est donc Dieu qui pense et « trace » les Plans du Temple, c’est les rois couronnés et médiateurs, David et Salomon, qui en « expriment la volonté » et fournissent les moyens et c’est Hiram Abif qui « met en forme" l’Œuvre.

Le miroir de l’initié, miroir de l’unité

Le miroir est associé à la lumière et à la représentation du réel en différents niveaux d’interprétation.

Le bon usage du miroir passe par la maîtrise de l’analogie et la connaissance des lois de correspondance. Il y a donc une lecture qui naît d’un apprentissage hermétique du regard, car reposant sur une vérité au-delà de l’apparent. Celui qui dispose ce cet enseignement est plus que jamais dans la réalité, car il voit au-delà des apparences. Il voit et sépare le vrai du faux, il est « séparateur » au sein du réel en vue de l’unité, c’est le séparé qui travaille à former l’unité.

Le premier sujet sur lequel on doit apprendre à utiliser le miroir, c’est sa propre image pour en finir avec l’ego et l’apparence.

Le second exercice se fera en regard de l’autre et du plan de vie et enfin le troisième exercice s’appliquera à la projection du céleste au terrestre dans la recherche d’une autorité surplombante liée à la conscience la plus éclairée de l’humanité souvent confondue avec l’antériorité ontologique.

Le miroir ainsi intériorisé par l’initié, comme un instrument de lecture, permet les projections mentales et les représentations dans les trois mondes : terrestre, humain, céleste et plus sans doute. Il est entendu que l’initié devient par sa vision « dédoublée » un médiateur capable au terme de son élévation représentative, d’une vision et d’une lecture totale (à caractère spirituel et éthique comme il se doit). C’est pour cette raison que les prophètes furent rangés au rang des initiés, et que l’initiation fait correspondre la connaissance de soi avec une vision totalisante, où le vrai, le beau et le bien se côtoient dans une unité ontologiquement réintégrante.

En travaillant en Loge de Saint Jean, le maçon travaille dans une loge universelle qui est un lieu unique de réflexion (reflet) des mondes pour tous les cherchants. C’est un lieu de projection, d’interprétation et de superposition des tracés de lumières intérieures, temporelles et spirituelles.

L’initié lit et interprète l’image traversée de lumière.

C’est ainsi que, pour nos anciens, l’image et la lumière irisée et colorisée venant d’un autre plan, traverse le vitrail de la rosace. La rosace elle-même est une interprétation déclinée de l’étoile- miroir à cinq ou six branches reflétant le trait directeur de l’au-delà. Cette lumière ainsi filtrée se projette sur le labyrinthe de la cathédrale. Le labyrinthe est pour les anciens la « Lieue de Jérusalem » soit le chemin à parcourir pour atteindre le centre spirituel. Le pèlerin en cheminant vers le centre du plan découvre en même temps son propre centre et entre finalement dans la lumière transcendante de l’axe.

L’étoile-rosace étant le point de conjonction du monde d’en haut qui se déploie et rayonne dans le monde inférieur, joue le rôle de miroir qui projette une image sur le sol du temple. Cette image et cette lumière irisée viennent frapper en oblique, ou « latéralement », le centre spirituel représenté par la Jérusalem terrestre. Elle sert à son tour de miroir pour le cherchant. C’est ainsi que dans une même vision, le centre de soi se superpose au centre spirituel du monde représenté par la Jérusalem terrestre, qui elle-même est en correspondance lumineuse avec la Jérusalem céleste. C’est ici que le miroir de l’initié devient miroir de l’unité et nous renvoie systématiquement à la notion de centre, d’axe, de latéralisation et de point de conjonction ou d'étoile.

(à suivre)

E.°.R.°. "Les Ecossais de Janas"

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28 février 2015 6 28 /02 /février /2015 15:58

Y a-t-il un secret maçonnique initiatique ? Pourquoi le dit-on incommunicable ? Est-il professionnel, personnel ou royal ? Quelle est sa véritable origine ? Peut-on encore en lire la trace originelle ?

Avant de répondre à ces questions, il semble nécessaire de justifier le secret en tant que voile dissimulant des vérités. Le secret initiatique est incommunicable et donc reste inexprimable. Pour autant si nous ne pouvons pas l'exprimer nous pouvons décrire les mécanismes utilisés par la rituellie pour sa mise en œuvre.

L’initiation permet de lever le voile qui obère le regard, il n’est pas possible qu’une vérité soit dévoilée sans préparation préalable du candidat, ceci justifie le secret dont se pare l’initiation, car la profanation comme la vulgarisation font perdre le sens profond qui au-delà du sensible s’adresse aux limites de l’intelligible. A l’évidence il faut un état particulier de réceptivité.

L’état de réceptivité, préalable à la délivrance du secret.

L’état de réceptivité dépend d’une mise en condition du corps de l’âme et de l’esprit afin que chacun des initiés se débarrasse des nuages qui obscurcissent sa vision. Ces nuages sont les bruits et le tumulte profane du monde égotique de l’avoir et du Je.

Quel est le but final de cette mise en situation ? Offrir une vision dégagée des troubles auditifs, visuels et relationnels, des pensées régies par la contingence et la nécessité qui empêcheraient de répondre aux grandes questions inhérentes à l’être et aux fameuses causes premières. L’initiation est une connaissance de soi afin de voir la notion d’être en relation avec le début de la vie et sa fin. La dimension de ce questionnement est à la fois éthique et philosophique, mais aussi métaphysique. C’est donc au-delà du mythe que la méthode maçonnique va nous libérer de l’angoisse primitive qu'instille les mythes, pour conduire et nous confronter à la notion de cause première. La question posée n‘est pas d’où venons-nous relativement à notre parenté familiale, mais quelle est la véritable source de vie intelligente et pensante.

Potentiellement le secret initiatique des francs-maçons va répondre à la question de l’origine et de la source de vie et de pensée au même titre que la religion ou la philosophie. La voie initiatique était naguère une voie explicative du monde et de la place de l’homme, en fonction de sa vocation, de son origine et de sa fin. Donc le secret reste relatif à l'essence de l'homme en regard de son destin inscrit dans le vaste devenir de l’univers créé et incréé. Une fois définie la finalité du secret, on ne dit pas comment on le révèle. C’est le deuxième aspect du secret. Il tient tout à la fois aux modalités de sa révélation qu’à sa doctrine . Les modalités de sa révélation ne sont que la méthode maçonnique de dessillement des paupières par l’usage de miroirs symboliques herméneutiques et hermétiques qui nous font voir l’Écriture sainte et le Ciel sous un aspect essentiel.. Cette question est connue par tous les maçons pratiquant la rituellie dans le but de l’éclairement de la conscience personnelle jusqu'à la conscience universelle, et ne sera pas dévoilée ici. L’autre partie de cette révélation repose sur la doctrine, s’il en existe. La doctrine d’un rite est inscrite tout à la fois dans le rituel que l’on met en scène que dans les constitutions de la grande loge et de la loge. C’est là qu’apparaît l’état de la doctrine qui peut être déiste, théiste, christique, laïque, etc. Quoiqu’il en soit on ne se trompe pas beaucoup en affirmant que le secret maçonnique consiste à établir l’essence de l’Être et des choses et d’essayer de rétablir le lien entre l’homme et la source d’où il est né. Rétablir le lien suppose que celui-ci a disparu à notre vue profane et qu’il nous faut alors établir plus qu’un lien éthique entre les hommes, mais aussi un lien, une reliance à une donnée originelle.

Quelque soit le rite et les constitutions, le maçon reste libre de ses opinions et de sa recherche, mais la question du "qui sommes-nous et d’où venons-nous" reste une constante de la pensée éclairée.

Sans préparation méthodique typique de la franc-maçonnerie, sans dessillement des yeux, sans transport de l'influx spirituel dans une rituellie parfaite, le secret initiatique sera inaccessible.

Notion de transcendance et de source

Quel est donc ce secret caché derrière le tumulte et l’agitation ?

On peut découvrir la source cachée et le chemin dessinant le lien qui nous relie à l’ontologie par l’interrogation sur soi et le monde. Cette double interrogation semble conduire vers des vérités d’ordre supérieures qu’on recherchera par l’étude et la lecture des philosophes et autres théosophes, par l’étude des livres sacrés, par la pratique des voies d’actions et de réalisation spirituelles ou concrètes.

Lors de notre entrée en franc-maçonnerie, nous faisons serment de ne jamais divulguer le secret des francs-maçons. Ceci suppose que la franc-maçonnerie est titulaire d’un dépôt et d'un influx.

C’est un dépôt de nature transcendante, de nature traditionnelle qui touche à l’essence dans les limites de l’intelligible, nécessitant l’apprentissage des voies de l’éveil. Le secret serait alors "un état" de perception de nature transcendante et spirituelle ! C’est à cause de sa nature transcendante que nous avons des difficultés à le définir. Mais cette origine transcendante se décline en de multiples aspects secondaires qui ne sont que des dérivatifs d’une source première. Ces aspects seconds ne sont pas le secret, mais permettent de l’illustrer.

Nous n’entrerons pas dans les divers aspects du secret maçonnique pour nous concentrer sur la notion de reliance à plus haut qui marque la nature transcendante du secret. Ce point à notre connaissance n’a jamais été spécifiquement traité comme secret maçonnique initiatique. En effet on s’est toujours contenté d’affirmer son incommunicabilité et son caractère personnel pour ne pas tenter de le définir. Nous tenterons de lui donner une finalité et une origine sans pouvoir le décrire autrement que par ses contours extérieurs. Pour les autres considérations sur le secret, nous établissons une liste d’auteurs de qualité en pied d’article.

Une société discrète fondée sur le silence

Nous sommes une société discrète fondée sur le silence qui met en œuvre un système progressif de révélation à soi de vérités essentielles et de mystères dont la réalité se situe dans le strict vécu de l’initié, on y accède par la voie intérieure qui mène à la conscience éclairée.

Avec une telle définition nous admettons l’incommunicabilité « hors cadre » d’un éventuel secret, car fondé sur trois points liés a l’état de franc-maçon : Il s’agit d’un secret dont la nature profonde prend ses racines dans l’expérience individuelle qui souligne le passage du moi au soi, de surcroît dans le cadre collectif d’une loge maçonnique qui minore le « je » au profit d’une altérité charitable et dans l’exercice d’un rituel ancestral resituant l’homme dans l’archétype du mouvement cosmogonique. Ce passage se fait par le silence. Le silence est rituellement requis pour dessiller le regard de l’apprenti, ce même silence justifie un comportement extérieur discret. Dire au profane que le secret initiatique des francs-maçons passe par le silence c’est faire une réponse initiatique incompréhensible et pourtant véridique ! Le silence reste la base du processus initiatique, car il permet la mise en relief de l’invisible et de l’inapparent. C’est par cette mise en relief que se révèle le mystère des êtres et des choses. Le silence joue le même rôle que l’obscurité d’où née la Lumière. Le silence, par le recueillement et la concentration qu’il procure permet l’écoute de l’invisible. Nous sommes ici aux limites de l’intelligible, dans une recherche de l’ultime. Pour certains c’est à cette occasion et par l’exercice du silence que l’on entre dans la vision du tout ou dans la proximité du divin par l’esprit sans le saisir complètement.

Le secret était déjà présent dans les Anciens devoirs, et il fut préservé et accentué dans le rituel de Mot de maçon et confirmé par les constitutions d’Anderson de 1723 : « Vous serez circonspects dans vos paroles et votre maintien de façon que l’étranger le plus pénétrant ne puisse découvrir ou deviner ce qui ne convient pas de donner à entendre ; et quelquefois vous détournerez la conversation et userez de prudents ménagements pour l’honneur de la vénérable confrérie ». On constatera que se passage n’aborde le secret que dans son versant extérieur et sociétal, car rien ne peut s’expliquer en dehors du contexte interne à la loge.

Du secret opératif au secret opérant

Le secret avait pour finalité première de conserver les "savoir-faire" opératifs à l’ abri des regards et depuis le XVIIème Siècle le "savoir-être" liés à la perception herméneutique du symbolisme constructif de la Bible et à l’hermétisme rose croix qui infusaient les loges fréquentées par les "acceptés". Du tour de main secret nous passerons à la vision de l'hermète.

Ainsi, outre la méthode maçonnique qui offre une véritable initiation, les conditions de l’admission, les délibérations et les mots et signes de reconnaissance seront gardés secrets en vue de protéger la communauté des maçons et d’en préserver l’unité dans la diversité d’opinions et de religion en créant ainsi un sentiment d’appartenance et un esprit de corps. Ici le secret d’appartenance est un puissant liant social.

Le drame du meurtre d’Hiram par trois mauvais compagnons qui exigeaient de lui le mot du grade supérieur vient encore illustrer vers 1730 une certaine dimension du secret sans être le secret lui-même. Cette dimension repose sur la fidélité au principe personnel du secret et par conséquent de son incommunicabilité par effraction. Ainsi un mot de grade divulgué sans qualité pour le recevoir n’a pas en soi de réalité agissante. Autrement dit, le mot qui est volé reste silencieux ! Ici nous confirmons que le mot n’est pas le secret, mais il l’illustre et en permet l’accès seulement auprès de celui qui a la qualité pour lui donner sens et reliance.

N’oublions pas que plusieurs fois les loges et corporations furent condamnées par le Pape puis observées comme lieu de confusion ou conspiration par les pouvoirs politiques (voir l’action du Cardinal Fleury et l’activisme des loges jacobites au XVIIIème Siècle) ou mieux encore comme une secte religieuse naissante qui faisait de la lecture directe de la Bible son pain et son vin donnant au maçon un enseignement métaconfessionnel par sa dimension symbolico-philosophique et méta-ecclésial suite à l’interprétation johannique 4,24 « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité ».

C’est donc par l’appropriation directe de la Bible et sa mise en pratique par un Culte en Esprit et en vérité que le franc-maçon du Mot de maçon se détache de l’autorité ecclésiale. En Écosse, la Kirk presbytérienne craignait qu’on y procède à des actes de sorcellerie, ou à l’élaboration d’une secte (voir dans ce sens notamment en Écosse pour le rite du Mot de maçon : Patrick Négrier « les raisons du secret » La Tradition Initiatique-éd Ivoire- Clair 2001 p 87)..

Nous nous appuierons sur les manuscrits le Régius de 1390 et le Dumfries de 1721, les constitutions Roberts de 1722, pour établir le lien initiatique entre les maçons opératifs et spéculatifs dont le secret, le silence et le sacré sont des constantes traditionnelles propres à cette voie. Nous essaierons de démontrer que le secret du mestier né dans les Anciens devoirs du XIVème Siècle s’est préservé dans le nouveau rite du Mot de maçon dès 1637 et reste accessible au franc-maçon contemporain.

Le secret du savoir-faire s’est mué en savoir-être sous l’influence du mot de maçon et sous l’empreinte rose croix. Il devient un secret personnel né de la résonnance intérieure d’une lecture directe du livre saint et de son interprétation symbolique, le tout se traduisant en vision personnelle aussi symbolique et puissante que celle des meilleurs opératifs gothiques. Cette vision toute personnelle s’est toujours appuyée sur des archétypes qu’il est facile de retrouver dans la Bible.

Ainsi ledit secret, loin d’être communicable au profane extérieur au processus initiatique, devait être protégé des regards extérieurs trop prompts à condamner le lien direct et autonome avec le divin dans une voie initiatique consacrée au travail de la matière, voie délégataire de la puissance royale.

Le mot de passe devient une règle protectrice signifiant l’appartenance à une communauté initiatique. Celle-ci pratiquait la mort du Je et la renaissance à Soi par la pratique fraternelle des vertus et la conservation de la connaissance ancestrale qui liait l’image de la pierre de fondement et la pierre dressée (Bethel) à l’érection de la maison de Dieu. La construction du Temple de Salomon, perçu comme archétype de l’œuvre du divin, fait de la main de l’homme sur la base des "plans" remis au Roi David, se mua en Temple de l’Homme fait lui-même à l’image de Dieu. Cette corrélation anthropomorphique de l’œuvre divine confine le secret à une relation intime avec le centre de l’homme, le tout superposé à l’origine de la création et de la manifestation. Cette anthropomorphisation implique la ressemblance de la partie au tout conformément à l’ancienne tradition de l’entrée dans le cercle, du passage des petits mystères (pentagramme) aux grands mystères (hexagramme).

Le secret initiatique est donc essentiellement lié à un point de passage qui inaugure une vision plus éclairée qui va de la partie au tout. Ce passage se déclinera en de multiples secrets dits conventionnels (7 au total) qui vont naturellement du mot de passe, au geste signifiant l’état intérieur de progression, aux signes de reconnaissance, etc. Tous ces dérivatifs du secret initiatique sont hautement symboliques, mais ne sont pas le secret lui-même, ils n’en sont qu’un reflet (nous avons déjà évoqués ces secrets conventionnels dans « le Livre de l’Apprenti » paru aux éditions du Maçon auquel nous renvoyons nos lecteurs).

Il semble que le secret maçonnique, qui est initiatique et donc hermétique, ne soit descriptible que par son extériorisation rituelique. Cette extériorisation est certes accessible par divulgation, mais n’emporte pas sa révélation au sens de la théophanie. Autrement dit la divulgation est sans effet transformateur de l’être et du regard. Pour faire naître l’image en soi il faut vivre le drame dans certaines conditions relatives à la reliance. Il faut savoir distinguer et relier les éléments apparents du secret. Cette capacité à la reliance découle d'une approche de la connaissance et du désir d’élévation de l’esprit. La reliance à plus haut, établi un lien entre le sacré le silence et le secret et relève du principe d’unité bien connu en franc-maçonnerie.

On comprend combien le secret sous sa forme initiatique pouvait être lié à l’art de l’architecture et de la géométrie. Cet art axial est celui qui relie la terre au ciel et fut l’apanage des Rois. Or l’art dit « royal » porte en lui le secret dit « royal » qu’il délègue à l’architecte, c’est-ce-que nous verrons en conclusion.

Nous tenterons de démontrer que le secret maçonnique est lié au sacré et au silence (1), et que le secret peut être approché extérieurement par « divulgation » (2), et sanctionnée par le serment (3), mais ne peut être « révélé » en dehors du cadre de la loge(4).

Enfin nous tenterons de définir l’essence du secret lié à l’art Royal en évoquant le secret royal et « la reliance à plus haut »(5) typique des bâtisseurs du sacré (6).

1/ Le secret, le sacré, le silence, la source cachée, le mystère.

Si depuis Kant on admet une différence notable entre ce qui est sensible et ce qui est intelligible. En matière initiatique on constate que ces deux notions sont liées et se déploient sous couvert d’un secret personnel et immémorial qui se traduit généralement par la reconnaissance du franc-maçon comme une fraction fondue dans un tout traditionnel et incommensurable. C’est à ce stade que le secret personnel se révèle à nous comme archétypal. Dans la RDM 2 nous abordions à travers la litanie des 12 S, l’effet propice à l’intériorisation vers la découverte de son propre centre, des mots commençants par S dans notre maçonnerie continentale.

Ainsi le secret, le sacré (qui partagent la même racine) et le silence notamment, annoncent une convergence vers le centre de soi, soit la découverte de la pierre philosophale en soi. Découvrir son centre n’a d’intérêt que si on peut le relier à l’origine, à l’ontologie qui nous donne la notion de début et de finalité. Donc la découverte de son propre centre appelle intuitivement une reliance à plus haut. Cette démarche se fait sous couvert du silence qui est l’écrin de la parole originelle. Point de parole sacrée sans le silence en soi. La parole perdue serait de ce point de vue, la perte du silence des origines qui a vu naître le logos.

C’est ici la première source du secret initiatique qui du fait de sa nature est toujours relatif au passage de l’inintelligible à l’intelligible, et donc relié à la notion de vision ou, si on préfère, au don de double vision, celle du sensible et celle de l’intelligible (voir en ce sens RDM 5 « pourquoi rester en franc-maçonnerie ? Où il est question de la métamorphose du regard.). C’est ici que s’exercent les fonctions analogiques, anagogiques, herméneutiques et comparatistes qui donnent accès, par un certain cheminement graduel, à la fameuse représentation mentale universelle dont le fondement reste le symbole.

La graduation du cheminement initiatique des Anciens devoirs reposait déjà sur les arts libéraux formant échelle ascensionnelle à 7 grades. À cela s’ajoutaient l’orthodoxie et l’orthopraxie des vertus (cardinales et théologales) propres à la conduite du bon chrétien. Le passage du sensible à l’intelligible se faisant au sommet de l’échelle où le maçon voyait le visage du divin (lumière) et redescendait pour appliquer et transmettre. Il y avait là une réadaptation du mythe lumineux de la caverne Socratique d'une part et du feu Prométhéen d'autre part, sous l’angle, non plus de la naissance à la lumière du subterrestre au terrestre, mais plus précisément de l’éveil initiatique faisant lien entre le terrestre et le céleste…

L’accès à la vision lumineuse, universelle sous l’angle éthique comme métaphysique, reste de nos jours comme hier une fin "en soi". (Soit une finalité constitutive du centre de soi et donc de nature immanente qui sera complétée par une vision transcendante ...)

Cette vision à la fois éthique et métaphysique de l’homme, tend finalement vers une fusion en un tout. Cette vision à la fois dédoublée et unitaire, est le propre des initiations aux Petits et Grands Mystères. Donc la franc-maçonnerie est une société à mystères, c'est-à-dire qu’elle conserve cachée derrière la porte du temple une vérité qu’il faut vouloir chercher et c’est la deuxième condition du secret, qui repose sur le clos et le couvert : la source cachée aux yeux profanes.

Le mystère est synonyme du secret et le secret découle à la fois du silence requis auprès de l’apprenti qui permet le passage du sensible à l’intelligible, mais aussi du sacré relatif au clos et couvert de la loge qui préserve les mystères liés à l’intelligible de la source. Le mystère se reçoit comme tel, comme immuable et inexprimable et se contemple en silence.

Ces deux notions du silence et du sacré liés par le secret sont ancestrales et immémoriales et font, à partir de la distinction du profane et du sacré, une ligne de partage symbolisée par la porte du Temple franchie par l’impétrant et figurée au tableau de loge. Donc le secret est dans la nature de la voie non pas extérieure et profane, mais intérieure et donc cachée. Voilà le troisième terme du secret lié à l’intime de la voie intérieure.

Le secret s’attache d’abord à ce qui est caché au regard extérieur, il est donc livré au regard intérieur et à ce titre accessible à ceux qui ont franchi la porte.

(Pour poursuivre sur la notion de secret initiatique, car c’est d’initiation qu’il s’agit, il faut revenir sur la lecture du texte « la porte sur l’invisible » parue à la RDM 4).

Le secret est donc lié à ce qui est caché et d’ailleurs on brise le serment du secret et donc du silence dans deux circonstances, la première, la moins élégante est celle de la divulgation qui n’est autre qu’une tentative de vulgarisation du secret (2) et la seconde celle qui est le propre de l’initiation s’appelle la révélation donnée dans un cadre clos, couvert et sacré(3)

2/ La divulgation et ses limites

C’est l’action de rendre publique une information. Cette information est donnée comme secrète au lecteur qui nous semble-t-il, ne peut la lire en profondeur. La question qui est posée : le lecteur profane d’une divulgation rituellique peut-il en saisir le sens secret ?

C’est une spécialité historique des francs-maçons en crise qui dès le XVIIIème Siècle ont abondamment publié les rituels prétendant délivrer à leurs lecteurs, les secrets de la franc-maçonnerie.

Il semble que toute divulgation auprès de profanes, confine ces derniers à un niveau de spiritualité de type parodique ou caricaturale. On ne retient du drame que les faits saillants sans en voir les fondements. Ainsi l’interprétation profane se retranche dans l’anecdotique. Donc de ce point de vue toute divulgation à une personne non qualifiée n’est que pure illusion. Le secret est par sa nature transcendante incommunicable car avant d'aborder la transcendance il faut avoir l’expérience (initiatique) de l’immanence.

Pouvait-on révéler un secret par la lecture d’un texte sans orthopraxie ?

L'exercice de la divulgation fut un échec en terme de révélation initiatique, car rien de strictement initiatique, reposant sur l’expérience, ne peut être révélé. Le rituel doit être joué avec des FF habilités (détenant l'influx de la transmission) et un cadre consacré. Donc ces divulgations servent plus les historiens. Les curieux et les non-initiés ne peuvent vivre réellement le secret maçonnique. Ici il faut souligner que le secret initiatique doit être vécu, or un simple lecteur n’est que spectateur ou lecteur d’un témoignage écrit et aucunement acteur du drame initiatique. Donc une divulgation de rituels maçonniques ne révèle pas un secret maçonnique et ne fait qu’apparaître la trame dramatique.

Le lecteur d’une divulgation n’est pas « initié » par cette lecture, il est simplement sensibilisé, mais il n’accède pas à cette fameuse frontière de l'intelligible qui suppose le don de double vue.

Nous en concluons que le secret ne peut être transmis par lecture extérieure, mais par expérience intériorisée.

Une deuxième question se pose s’agissant des divulgations volontaires et autres publications de textes historiques sur les rituels maçonniques et leurs règles et devoirs : peut-on affirmer que la transmission du secret et son processus y sont décrit ?

L’apport des divulgations et des publications universitaires sur les rituels maçonniques laissent entendre l’existence d'un secret maçonnique qui aurait toujours existé comme associé à la transmission d’un savoir technique assorti d’une connaissance, mais n’en décrivent pas la profondeur agissante ni la modalité de transmission. Certains historiens finissent par douter de la composante "connaissance" associée au savoir-faire, car vue de l’extérieur elle n'est pas accessible.

Au mieux on décrit le rituel avec les questions-réponses.

Au temps des Anciens devoirs gothiques le Regius fait état en 1390 d’un secret sous l’intitulé de la ligne 279 « le secret de la chambre » soit le secret des délibérations en loge comme en chambre du trait suivant l’art libéral (géométrie) et on précise la ligne 576 s’agissant des arts libéraux et donc notamment la géométrie « elle permet de discerner le vrai du faux » soit la vérité, mais on ne dit pas comment, et ajoute pour les arts libéraux « qui s’en sert correctement peut gagner le ciel » sans dire comment s’en servir ! (voir en ce sens : Franc-maçonnerie : documents fondateurs, éd de l’Herne éd 1992-2007 p 45 et 59). La méthode maçonnique n’est donc pas révélée, elle n’est que divulguée dans sa forme extérieure.

Il semble que le secret dans la voie opérative ne pouvait ainsi se limiter en la transmission d’un tour de main, mais plutôt par l’intégration de l’esprit dans la matière, de sorte que l’acte même de concevoir (soit la pensée et la volonté) l’architecture ne se départit pas d’une vison pratique, et donc de l’agir. Nous avons donc dans la voie artisanale déjà un secret qui fait le lien entre la pensée (céleste), la volonté (humaine) et l’action dans la matière (terrestre). Le secret repose sur la médiation et donc ne peut être que vécu. Ceci confirme "qu’il n’y a pas d’autre initiation que dans le réel", comme aimait à le rappeler Robert Ambelain.

Le secret serait donc relatif à la reliance d’éléments comportementaux et techniques dûment décrits ou énoncés dans les rituels et les divulgations, à une source ontologique que les légendes de la profession vont tenter d’évoquer, sans, là non plus, révéler.

Décrire est une démarche extérieure, révéler est une démarche intérieure.

L’initié fait lien entre la terre et le ciel. Cette fonction médiatrice nécessite une mise en place ritualisée. Ceux qui vont placer l’initié dans cette situation réceptive sont justement ceux qui vont lui transmettre la tradition du regard éclairé. Donc la divulgation ne révèle ni la parole ni l’image détenue par ceux qui savent transmettre et mettre en situation d’être relié (voir à ce sujet notre article sur religare et tradere « religion et tradition en franc-maçonnerie » RDM 9.) seule la révélation de l’image ou de la parole et du geste portent la transmission de l’initiation. Pour faire cette révélation, il faut avoir à sa disposition le cadre d’exercice et de franchissement qui est la loge et la connaissance de l’artifex qui œuvre par l’art du trait : le maître maçon est l'homme de l'art qui révèle dans un cadre consacré.

3/ Conséquences de la divulgation - notion de serment.

Appliquée à l’interprétation du serment de secret du franc-maçon, on constate que ledit serment fait sanction à celui qui « divulgue » le secret à des non-maçons, d’avoir:

a/ la gorge tranchée : ceci correspond au signe pénal. On tranche le lien existant entre la langue qui exprime la pensée et formule le langage et le cœur qui notre propre centre et le siège de l’âme. Autrement dit l’homme en divulguant le secret rompt le lien avec le siège de celui-ci qui est le centre de soi représenté par le cœur. C’est aussi l’intelligence du cœur qui fait l’homme qui est perdu, renvoyant celui-ci à un état qui n’est plus celui de l’homme créé dans la toute-puissance du divin.

b/ Généralement la sanction se poursuit par le cœur arraché, soit la perte de la qualité d’homme centré sur son âme.

c/ les entrailles déchirées et répandues, etc. C’est donc une dispersion centripète, une dissolution ! La divulgation du secret pour atteindre le centre et la conscience éclairée produit un effet inverse de celui de la révélation (opposition entre l'attraction centripète et la dissolution centrifuge). Le profane n’étant pas dans les conditions de réception requises, dévoie l’information sur le chemin du centre pour en faire quelque chose de contre initiatique, traduisant une vulgarisation de l’image de l’homme et de son comportement (c'est la définition du regard profane). Sachant que toute initiation tend vers la notion d’unité retrouvée, la contre initiation par vulgarisation tend vers la dispersion, rendant l’homme à sa nature animale et vidant le centre de sa force d’attraction, qui anime et rend l’homme à sa cohérence corporelle animatrice et spirituelle. C’est donc le centre en soi qui unit le corps à l’âme et à l’esprit.

On retrouvera le résultat du dévoiement et de vulgarisation du chemin menant vers le centre dans l’épisode bien connu de la tour de Babel, soit la confusion des « langues », la « dispersion » des hommes, la perte du centre et la perte de l’unité. La divulgation soumet l’initié à la sanction d’une force centrifuge qui détruit l’union de l’Homme au Tout.

Nous concluons que la divulgation du chemin à un profane (et donc sur les parvis) est de nature dissolvante et contre initiatique, d’où le sens du serment qui nous averti des conséquences en des termes symboliques conformes à la tradition des sociétés à mystères. Il est d’ailleurs remarquable de constater que ce point est complètement escamoté dans les séminaires donnés aux apprentis, ce qui laisse songeur sur la perte du sens traditionnel dans la franc-maçonnerie du XXIème Siècle. Nous verrons que, conformément à l’origine royale du secret (art royal), le serment fait appel à la puissance du divin ou du GADLU pris au sens d'une conscience supérieure et surplombante.

Pour le texte complet du serment et des explications complémentaires, voir « Le livre de l’Apprenti »

4/ la révélation du secret initiatique

Il y a deux types de révélation : la révélation "en soi" de type intérieure, et la révélation "à soi" de type extérieure. La révélation intérieure est de nature initiatique, la révélation extérieure sera de nature religieuse, car découlant d’une autorité surplombante, d’une déité. Mais nous verrons que dans ce dernier cas c’est toujours l’homme qui dans l’infini des possibilités cérébrales, intervient pour « initier », créer et interpréter la vision surplombante. La révélation "en soi" serait le réveil d’une image archétypale et la mise en place des éléments de la vision par la transmission du sachant-initié.

C’est ici qu’interviennent deux éléments : la transmission du sachant et la révélation intérieure de l’image. On imagine que la révélation repose sur le choix d’un « élu » par celui qui va prononcer la parole. L’élu va entendre la parole ou recevoir l’image (théophanie) du sachant.

En 1722 les constitutions Roberts qui sont des Anciens devoirs, nous déclarent « vous garderez secrètes les Parties obscures et complexes de la Science, ne les révélant qu’a ceux qui les étudient et les utilisent » (cité par Patrick Geay « critique de l'historiographie maçonnique contemporaine » in LRA n°23, et Villard de Honnecourt n°9- 1984). On peut se demander si au-delà du mot et du geste, ce n’est pas plutôt la "mise en état" de réception à "plus haut" qui est l’initiation même. Cette "mise en l’état" constitue le préalable à la reliance que nous étudierons plus loin.

La révélation a au moins deux aspects. C’est d’un coté la révélation prophétique qui repose sur la lecture du signe et l’inspiration, et de l’autre l’apparition, la révélation personnelle.

La révélation est, pour une religion monothéiste, la connaissance qu'elle affirme détenir directement de Dieu. Les manifestations divines par lesquelles cette connaissance est parvenue aux hommes sont tantôt des apparitions (théophanies), tantôt l'inspiration par des prophètes de textes considérés comme sacrés. Les religions abrahamiques comme le judaïsme, le christianisme et l'islam, en particulier, sont dites révélées. Mais la voie initiatique à pour fonction d’atteindre à la révélation en dehors de la voie sacerdotale. En effet la représentation mentale issue de l’interprétation des symboles et des mythes est la base de toute révélation « personnelle ». C’est pour cette raison que la tradition maçonnique s’attache à l’étude de la géométrie qui fait apparaître des images, qui permet l’élévation du plan et qui associe dans la matière l’action de l’esprit par le Compas et de la loi divine par la Règle. Elle s'appuie aussi sur l’hermétisme qui permet réinterprétation de l'image ou du texte. Il y a donc une recherche « active » voir prométhéenne de la vérité chez l’initié qui se retrouve notamment dans la révélation de la parole (divine) au sommet de la montagne. La recherche de la parole perdue est donc "en soi" une quête intérieure (à rapprocher de la quête gralico-chevaleresque) de la lumière, comme s'il s’agissait de retrouver une trace en soi de la parole divine originelle.

C’est ainsi qu’on ne peut, par la nature même du secret initiatique, le révéler à l’extérieur. Donc la révélation d’une donnée éminemment intérieure et cachée ne peut être faite à un spectateur ou à un lecteur qui ne participe pas physiquement au drame initiatique et qui n’y a pas été préparé par une réflexion sur lui-même.

L’impétrant doit donc subir une série d’épreuves dont le but est de le faire passer du domaine sensible au domaine de l’intelligible. Il est donc mis en accord par la parole et le geste, en corps, âme et esprit. Le geste est révélateur de « l’incorporation » (et donc de la compréhension) du secret.

Il faut, pour une transmission efficace du secret initiatique, un transmetteur qualifié qui s’inscrit dans une chaîne ininterrompue, un rituel traditionnel qui reprend les secrets de la gradation du sensible à l’intelligible, un lieu consacré par son orientation cosmogonique et sa relation au céleste.

La divulgation est faite sans les conditions sus-énoncées. Elle fait abstraction du cadre initiatique impliquant un transmetteur ainsi que de la mise en l’état de l’impétrant. Inversement, une révélation initiatique en soi s’appuie sur un cadre cosmogonique et une chaîne de transmission.

La fonction de la révélation initiatique est de faire apparaître l’image en soi, c'est-à-dire que le rituel dans sa transmission rend visible l’image ou la théophanie. Il fait appel aux fonctions analogiques et anagogiques qui sont le propre d’un cerveau humain et de l’intelligence d’un cœur. C’est donc une représentation mentale qui révèle l’image.

Peut-on dire alors que la perception du divin et sans doute son élaboration conceptuelle, relèvent d’une capacité de l’homme éveillé à élaborer une autorité surplombante dirimante des Petits et Grands mystères, témoins tangibles d’un ordonnancement du chaos naturel, dont la traduction éthique se fera par l’octroi des Tables de la Loi ?

Avec la pratique de l’exercice ritualisé, cette aptitude devient vision.

La vision est le propre de l’initié depuis la nuit des temps, c’est donc à cette aptitude d’une lecture de l’invisible et du caché que l’initiation maçonnique nous invite. L’homme se grandit par la connaissance de soi et du monde, c’est ici que la connaissance croise le chemin de la tradition prophétique.

La corrélation, l’analogie symbolique, l’herméneutique et la capacité de lire les écrits sacrés et de faire état des signes et symboles semblent une aptitude propre à l’initié sur le chemin de l’étoile.

5/ Le royal secret, le roi maçon et la reliance.

À quel niveau se situe le secret maçonnique ?

Le secret est dit "royal" par son origine divine transitant par celui qui dans les trois ordres initiatiques a la responsabilité d’aménager l’espace : le Roi. C’est donc la version traditionnelle du Roi-bâtisseur qui détient le royal secret suite à l’enseignement reçu de son prédécesseur et relié au divin par le sacre diligenté par l’église et par la couronne. David détenait par la remise de Plans que lui fit l'éternel, le secret initiant la construction du Temple maison du divin, mais c'est Salomon héritant des plans qui le construisit en déléguant une partie de l’œuvre et du chantier à Hiram. Héritiers d'Hiram nous sommes aussi les délégataires chargés de conserver et transmettre le secret initiant la mise en Œuvre des plans! Les plans et les proportions y figurant seraient ainsi associés au secret.

Le secret est dit aussi « royal » par la science qu’il met en œuvre en vue de conjoindre le divin sur terre. C’est donc l’inspiration venue de plus haut qui via la couronne inspire les grands actes d’architecture. Le secret royal deviendra art royal pour l’usage qui en est fait, en vue de relier symboliquement la terre au ciel. L’art royal se distingue des arts libéraux par sa reliance directe au divin, les arts dits libéraux n’étant qu’une échelle graduelle et progressive vers la lumière. La classe artisanale des constructeurs est donc détentrice dans son savoir-faire et sa tradition, des secrets initiant la "mise en Oeuvre".

Nous avons compris que ledit secret se basait sur la connaissance de soi et du tout, dans une reliance à établir avec une source originelle et ontologique. C’est le Dumfries de 1710 qui nous met sur la voie du secret royal de la construction universelle liant conception haute et réalisation bassement matérielle.

Traditionnellement c’est le roi qui remplit la fonction de l’art de bâtir. Le pouvoir royal et l'art de bâtir sont légitimés par l'autorité spirituelle. L’art de bâtir célèbre le Centre et la jonction avec le Ciel. C’est donc en cela que l’art est dit royal, car en relation avec le plus haut, cet art organise l’espace terrestre en fonction d’une origine céleste. Cette relation entre la terre et le ciel pouvant être exercée hors l’emprise de la voie sacerdotale ou avec l’appui du clergé. Ceci implique une relation directe entre le bâtisseur et l’écriture ce qui met potentiellement la puissance ecclésiale et son interprétation en position de servante de l’acte opératif. Ce sont les contraintes techniques liées à l’art de bâtir qui dominent la volonté du Roi et du Pape. L’affranchissement relatif du pouvoir temporel en regard de l’église donne au roi dans l’exercice de l’art royal une dimension sacerdotale que nous retrouverons dans certains rites maçonniques. On comprend la tradition des moines soldats devenus bâtisseurs qui unifient les trois voies initiatiques : art de bâtir, chevalerie et sacerdoce. La franc-maçonnerie écossaise en est une synthèse à la suite du discours de Ramsay et de l'origine stuartiste des rites continentaux. Finalement contrairement a ce que l'on pense, c'est la pierre qui s'empare de Roi et du Pape. Le roi s'assied sur le trône de Salomon lui même fondé (ou "enchâssé") d'une pierre cubique née de la voie artisanale pour enfin être couronné par la voie sacerdotale. Tout est fondé sur la pierre cubique depuis l’Église de Pierre: "tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église". (Voir notre article sur la pierre de Scone illustrant ce qui précède RDM 4, "Le franc-maçon et le chevalier"). Nous avons donc un alignement axial:une pierre de fondement superposée d'un trône qui intronise le roi médiateur qui reçoit la couronne descendue du ciel. Le pouvoir sur la pierre descend de la couronne et la pierre fonde la couronne. Ceci correspond au symbolisme axial de l'arbre dont le secret repose sur la sève montante qui est mue par la lumière.

Le secret est donc en relation avec la mission déléguée au roi par le divin suivant les principes opérants : de force, de beauté et de sagesse, ou de la foi de l’espérance et de la charité, ou encore de gomer, oz et dabhar. Cette relation au divin justifie chez le Roi sa couronne et son droit de bâtir. C’est une fonction divine déléguée au roi et on verra celui-ci en sub-déléguer l’exercice à son architecte en chef qui aura en charge la responsabilité des loges de bâtisseurs.

Donc le maitre maçon devient maître de la Loge et de l’œuvre à bâtir, il est aussi le chevalier qui défend l’œuvre et le Prince qui inspire l’œuvre.

On voit ainsi en 1599 en Écosse William Schaw élaborer des statuts pour d’organiser les loges calvinistes refusant les Anciens devoirs gothiques, en leur imposant le devoir de mémoire qui donnera le rituel du mot de maçon. « William Shaw était Maître des Travaux du roi Jacques VI d'Écosse ( Master of Work to the Crown of Scotland.) Il succéda en 1583 à sir Robert Drummond en tant « Surveillant général des maçons d'Écosse », devenant ainsi responsable de la construction, de la réparation et de l'entretien des palais royaux, des châteaux et de toute autre propriété du royaume d'Écosse.. On voit aussi Christopher Wren Surveyor-General of the King's Works, qui fut chargé de reconstruire Londres après le grand incendie de 1666. En 1683, Christopher Wren est vénérable de la loge de Saint-Paul, il est élu Grand-Maître de la « Très ancienne et vénérable confrérie des Maçons libres et acceptés d'Angleterre ». Il sera réélu à cette charge en 1698, mais s'en démettra après avoir été destitué de ses fonctions d'architecte de la Couronne par le roi Guillaume d'Orange » (sources wp). L'architecte du roi rendu à sa charge de Grand Maître, prit soin de mettre de l’ordre dans les rares loges de Londres en expulsant du métier les loges fédérées par Anderson pour non-respect des rituels anciens… ne laissant à celui-ci que la voie spéculative pour se développer. (Ce dernier avait importé de la loge de son père sise à Aberdeen, un rituel Écossais de Mot de maçon avec devoir de mémoire de type calviniste, cette novation à Londres n’était pas du goût de la Craft et des quelques loges de tradition opératives qui subsistaient péniblement.)

Nous voyons que la sub-déléguation de la mise en œuvre des plans (et du secret du bâti et des proportions divines) dans la lignée de Salomon, est octroyée à l'architecte patron des loges. Celui qui détient les plans détient le secret.

Le niveau auquel se situe le secret maçonnique n’est normalement pas accessible au simple maçon, mais il demeure accessible au maître maçon qui est l’équivalent ancien de l’architecte. C’est l’architecte délégué par pouvoir royal pour l’érection du Chef d’œuvre qui détient le secret de la mise en œuvre de la reliance. Cet aspect nous donnera naturellement l’apparition œcuménique du « Grand Architecte de l’Univers » par assimilation de l’acte matériel au « Plan universel ». Donc le plan étant un schéma, c'est le schéma de la manifestation et de la vie qui est le secret. D'un certain point de vue ce secret serait ce que cherchent nos scientifiques depuis 400 ans, secret déjà révélé il y a 4000 ans. Notons que ce goût particulier pour la recherche de l'universel lié au potentiel des facultés représentatives et intellectuelles de l'homme est né dans le sillage de la sensibilité rose-croix du siècle précédent. On note une identité interprétative et représentative entre la lecture d'un plan et la lecture d'un texte sacré. La lettre le trait et la parole, participent à l'élaboration d'une image, puis à la révélation d'une image.

La reliance au divin dessin par la transmission de la méthode maçonnique symbolique et herméneutique est donc le secret du maçon. Cette méthode aboutie par divers moyens mémoriels et de représentations mentales, à l’élaboration d’une image et d’une vision totalisante. Nous retrouvons ici le don de « double vue » (don de "seconde vue" relaté par Adamson en dans "The Muses threenodie" en 1638) qui nous renvoie à la perception éclairée aux frontières de l’intelligible.

Conclusion, suivant la tradition, c’est au roi couronné d’aménager l’espace et de bâtir le sacré par délégation de droit divin (remise des plans du temple de Salomon au roi David qui transmettra ceux-ci à son fils le roi Salomon). Il délègue cette charge à l’architecte (Hiram), ainsi l’architecte initié lit le plan divin (don de double vue) qui est en fait le secret des bâtisseurs.

Savoir lire le plan est en faire élévation médiatrice entre la terre et le ciel est le secret des bâtisseurs. C'est le secret de la reliance. Se pose alors la question de savoir si le secret est relatif à une connaissance inhérente aux capacités de l’homme et donc endogène, ou exogène venue du ciel comme la lumière d’une étoile.

6/ Les bâtisseurs du Sacré – notions herméneutiques - modalités de "l'en soi" et de "l'à soi"

« La double vue » implique sans doute des qualités prophétiques et certainement une herméneutique symbolique propre au bâti sacré

Le Chef d’Œuvre du maître maçon comme de l’architecte est de réaliser sur terre une image concrète de la Jérusalem céleste comme une sorte de cité idéale. L’acte de bâtir se prépare donc en esprit et s’inspire naturellement de la lecture des passages vétero et néotestamentaire qui parlent de symbolisme constructif :

Psaume 118 : 21 : Je te loue, parce que tu m'as exaucé, Parce que tu m'as sauvé. 22 La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle. 23 C'est de l'Éternel que cela est venu: c’est un prodige à nos yeux.…

Ce passage est donc relatif à la pierre rejetée, car illisible quant à sa forme et sa fonction. La lecture de la fonction, ainsi que l’essence symbolique de la forme, sont la base de tout symbolisme constructif dans sa dimension initiatique. L’enseignement initiatique de la forme doit recouper l’essence élévatrice de la construction et ne pas se limiter à sa "banalisation" matérielle.

Corinthiens 3 : 10 Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée, j'ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. 11, Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. 12 Or, si quelqu'un bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, 13 l’œuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu'elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu'est l'œuvre de chacun. 14 Si l’œuvre bâtie par quelqu'un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. 15 Si l'œuvre de quelqu'un est consumée, il perdra sa récompense; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu. 16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? 17 Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes.

Il s’agit ici de la pierre de fondement d’origine divine qui est la base de toute construction où la pierre et le temple sont assimilés au corps de l’homme. Le bâtisseur en matière et en esprit s’inscrit dans la perspective du divin. La forme dans son essence rejoint la destinée de l’homme créé à l’image de Dieu, ou plus précisément d’un homme qui abrite et héberge la notion divine. (Se pose la question de savoir si le divin n’est pas produit par la conscience éclairante de l’homme ?) Mais qu'elle est la nature de cette conscience éclairante si ce n'est cette vision totale qui transporte l'initié sur les plus hauts sommets?

Ézéchiel-40
2 « dans le pays d'Israël. Il m'y transporta, dans des visions divines, et me déposa sur une montagne très élevée, où se trouvait au midi comme une ville construite. 3 Il me conduisit là; et voici, il y avait un homme dont l'aspect était comme l'aspect de l'airain; il avait dans la main un cordeau de lin et une canne pour mesurer, et il se tenait à la porte. 4 Cet homme me dit: Fils de l'homme, regarde de tes yeux, et écoute de tes oreilles! Applique ton attention à toutes les choses que je te montrerai, car tu as été amené ici afin que je te les montre. Fais connaître à la maison d'Israël tout ce que tu verras. »

Ce passage induit le mécanisme de l’initiation où par une mise en l’état préalable (attention) et par transport élévateur de l’esprit (montagne très élevée) vers le centre (midi) (concentration) est communiqué (yeux, oreilles) par le sachant, la mesure secrète du temple et du tout (cordeau et canne). La porte est celle de la communication des secrets de l’initiation au « fils de l’homme » qui se traduiront par une révélation-vision "en soi". Ladite vison devra être transmise à son tour à la multitude mais cette fois sous la modalité du "à soi" (« fais connaître à la maison d’Israël »)

L'initiation nécessite ce double puis triple mouvement de "l'en soi" qui nous fait découvrir notre propre centre (transmission verticale des données) et à partir de celui-ci nous cheminons vers l'autre c'est "l'à soi" (altérité-rencontre-transmission horizontale des données) puis vers ce qu'il y a de plus élevé pour l'esprit c'est à dire l'unité de l'homme "au tout". "Au tout" fait la synthèse du double mouvement de "l'en soi" à "l'a soi".

Donc l'initiation marque ce double mouvement individuel puis collectif pour tendre enfin vers l'unité. C'est l'aspect collectif qui pèche par son hétérogénéité et le message incertain de "l'à soi" du fait de la non préparation du centre individuel. Il fallut trouver un facteur unifiant les individualités dans un périmètre commun, une autorité supérieure qui commande aux individus et qui ne soit pas l'un des leurs, ce fut une déité qui par son statut extérieur et dominant pouvait imposer la structure sociétale en l'approuvant par des signes. C'est ainsi que naquirent les charges de prêtres et les fonctions de rois de droits et de lignées divines les distinguant du collectif par leur légitimité hors d'accès pour les profanes. Ces charges et fonctions détentrices du secret formerons des castes et des lignées coopératrices puis héréditaires prétendant garantir la qualité de la transmission et la protection de l'arche.

On note que l’initiateur premier est une autorité surplombante au sens propre comme au sens figuré (« montagne très élevée »), et que le processus d’initiation maçonnique se servira des différents niveaux du Temple (nombre de marches) et de son orientation solaire et céleste (lumière orientée puis illuminatrice) pour établir le surplomb d’une conscience supérieure d’un point de vue terrestre (éthique-petits mystères) et céleste (métaphysique-grands mystères). Cette conscience individuelle éclairée a vocation par la transmission à devenir collective. Le collectif se référa aux deux étoiles des bâtisseurs qui sont le pentagramme pour le compagnon et l'hexagramme pour le maitre maçon.

La collectivité doit se référer à plus grand que soi pour la cohérence et le respect de la règle et de la mesure (norme symbolique), c'est la modalité du "à soi" figuré par la présentation par Moise des Tables de la Loi à son peuple. Moise par contre a reçu les Tables au sommet de la montagne caractérisant la modalité de "l'en soi". Cet "en soi" de la transmission se caractérise par la présence de cornes qui le relient au ciel. La distorsion entre "l'en soi" et le "à soi" se résoud par les Tables brisées, ou par les problèmes liés aux clefs de lecture. Il y a discordance en le centre intérieur de Moise l'initié témoin d'une théophanie et le centre de gravité spirituel inexistant du groupe profane accaparé par des idoles de pierre, ou un veau d'or!

C’est ici que l’initiatique auto-entretient la notion divine comme extérieure à soi du fait de la modalité collective de transmission et en considérant l’œuvre dans sa définition collective voir sociétale.

Tant que l’initiation reste individuelle, le divin est une production personnelle mais dès lors que l'initiation devient collective (cadre collectif de la loge) il faut l’extérioriser (triangle lumineux, pentagramme, hexagramme, GADLU) car la mesure et la règle qu’elle soutient doivent être dirimantes de l’éthique et asseoir la légitimité spirituelle et ontologique du pouvoir de réglementer et de transmettre (trône du Roi couronné considéré de droit divin, Table de la Loi s’imposant à tous, Rituel signifiant un modèle individuel et collectif, morale et vertus, etc.). Donc la vision initiatique individuelle est recadrée à la fois par l’autorité et le cadre éthique fondé sur l’altérité. On passe d’une révélation "en soi" unique par nature à une révélation "à soi" commune et organisatrice. Il y a souvent déphasage entre ces deux notions et l'oubli de la méthode, de la technique qui pour l'initié a rendu obligatoire l'usage de la déité en vue de garantir la stabilité sociétale. L'outil de l'autorité surplombante (déité) est devenu idole et institution créatrice, renvoyant l'initiatique dans un processus primitif et individuel. Le collectif oublia l'initiation pour se référer à la croyance en une déité surplombante. C'est ainsi que toutes les religions primitives ont conservé de manière secrète une dimension initiatique à l'aune de leur élaboration. Leur point commun entre l'initiation et la religion est de relier l'homme dans sa quête initiatique de l'unité, au point de l'origine première (voir notre article sur le "tradere" et le "religare" http://www.ecossaisdesaintjean.org/2014/12/tradition-et-religion-en-franc-maconnerie.html ). Par méconnaissance de ce processus, certains ont pu dire que la franc-maçonnerie était une nouvelle religion, ce qui est parfaitement faux. C'est la religion qui était un outil né de l'organisation collective de l'initiatique et c'est la religion qui par facilité idolâtre, par hégémonie sociétale et son accès simpliste, a supplanté l'initiatique, reléguant celui-ci dans des lieux clos et à l'abri des regards. Se livre alors une concurrence entre le pouvoir temporel qui conservait la dimension initiatique et le pouvoir dit spirituel qui voulut nier l'initiatique, le considérant comme incapable de faire les rois. Toute voie est initiatique si elle conserve et transmet sa tradition, son double mouvement et sa tension vers l'unité..mais aussi sa foi en l'homme et ses capacités de progression vers toujours plus de conscience et de lucidité.

Donc, la lumière intérieure personnelle et incommunicable devient par l’altérité, collective et contributive dans une version surplombante uniquement. L’initiation a donc deux aspects : la révélation "en soi" qui illumine la conscience individuelle et la révélation "à soi" normative dans un cadre partagé d’une conscience collective. La déité-outil se confond alors avec la conscience surplombante, puis relèguera l'initiatique. La déité se fondera moins sur la foi que sur la croyance, la croyance sera justifiée par le dogme et la lettre à laquelle il faut adhérer, la foi reste un phénomène vital qui touche à l'essence, fondée sur la force de l'esprit humain. Il n'y a pas de croyance maçonnique, il y a une foi maçonnique.

Suit le descriptif du Temple en vue de la représentation mentale propre à faire surgir l’image révélée et archétypale aux yeux des bâtisseurs.

Apocalypse 21 (…)« Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne et me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel (…)

suit la description de la Nouvelle Jérusalem, aboutissement ultime dans l’art de bâtir fondé sur un transport « en esprit ». Pour en comprendre la portée en matière initiatique on se référera aux 5 articles publiés sur le passage de la Loge au Temple qui feront l'objet d'un ouvrage : http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-ma-onnique-ou-temple-ma-onnique-121502525.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-ma-onnique-ou-temple-ma-onique-2em-partie-121602051.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-maconnique-ou-temple-maconique-3em-partie-121712268.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-ma-onnique-ou-temple-ma-onique-4em-partie-121820787.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-le-temple-ou-la-loge-5eme-partie-122576991.html ,

Le royal secret serait donc cette sagesse propre à l’art de bâtir, sagesse trouvant son origine dans le divin délégataire (l'architecte), suggérant cette fameuse capacité de lire ce qui est en haut et de le transcrire en bas (plan du temple). C’est ici le sens originel de l’hermétisme, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. C’est aussi la définition de base de l’art dit "royal", établissant la reliance avec le divin né "en soi" d’une spiritualité « construite » et le divin né "à soi" d’une spiritualité « révélée ».

Les francs-maçons opératifs et spéculatifs conservent consciemment la reliance par l’objet signifiant : l’attachement légendaire aux colonnes antédiluviennes, à la porte du Temple, à la sanction du Déluge, à la lumière, à la parole, aux gestes, aux Tables de la Loi et à l’Arche, à la loi d’amour, au principe de fraternité, etc. Cette reliance s’incorpore au plan comportemental par la pratique d’une morale fondée sur les vertus individuelles ayant un effet collectif et par la prière adressée à l'autorité surplombante. Le rituel du Mot de maçon plaça Yakin et Boaz en colonnes axiales et mot de passe. Elles sont intégrées dans un catéchisme reposant sur la mémoire liée à l’altérité miroir (système de la question-réponse et du mot partagé) et ayant pour objectif final l’entrée dans le Temple de Salomon. L’entrée dans le Temple se fait par l’échange du mot et de la griffe ou poignée de main imitant en cela la voie de la grâce et de la transmission tracée par Paul dans Galates2 :
« …8 car celui qui a fait de Pierre l'apôtre des circoncis a aussi fait de moi (Paul) l'apôtre des païens, - 9 et ayant reconnu la grâce qui m'avait été accordée, Jacques, Céphas et Jean, qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d'association, afin que nous allassions, nous vers les païens, et eux vers les circoncis ».

Ceci nous fait dire qu'on ne rentre pas seul dans le Temple, tout comme il faut être deux pour épeler . Ainsi par la poignée de main, la voie apostolique de Paul fit l’ouverture aux non-juifs.

C’est ici la preuve de la reliance au divin qui s’énonce dans l’échange rituel de la poignée de main en droit fil de la tradition paulinienne. C’est aussi la base manuelle et symbolique de la transmission ritualisée de la relation à plus haut. À partir de ce rite se développa un catéchisme d’images verbales en remplacement des images plastiques des Anciens devoirs. Pour entrer dans la reliance, il faut franchir la porte faisant référence aux colonnes et au Temple de Salomon.

Roi 6,7 « Lorsqu'on édifia le Temple, on n'employa que des pierres déjà entièrement taillées, de sorte que, pendant la construction, on n'entendit aucun bruit de marteau, de pic ou d'autre instrument de fer dans le Temple ».

Le secret résiderait derrière la porte du Temple, il réside dans la lecture du Plan divin, dans l'assemblage silencieux de chacune des pierres ordonnées dans un but de reliance collective. Le secret est bien lié au silence, au sacré, au bâti et à la reliance !

Cette reliance à plus haut se met en pratique sans difficulté dans sa dimension éthique sous une forme progressive. Tout acte éthique est en fait un acte de reliance, reliance avec autrui, reliance avec les siens, reliance avec la communauté, reliance avec l'humanité et, en dernière instance, insertion dans la reliance cosmique (voir en ce sens l’étude d’Edgard Morin sur la reliance et la synthèse au plan sociologique que nous adaptons au plan initiatique sous notre intitulé « reliance à plus haut » : E Morin, ‘La Méthode T I V, L’Ethique’, 2004, Ed du Seuil).

La franc-maçonnerie dite universelle témoigne du phénomène de reliance par la fraternité et la notion d’unité dans la diversité. La reliance de l’Art royal est donc bien présente dans la dimension sociale de l’art de bâtir.

À l’évidence le secret maçonnique est inhérent au chemin de « la reliance à plus haut » et pour poursuivre sur la notion de reliance, lire notre article déjà parut sur : http://www.ecossaisdesaintjean.org/2014/12/tradition-et-religion-en-franc-maconnerie.html

Le secret maçonnique initiatique est une aptitude acquise et conservée par la méthode maçonnique ritualisée dans un cadre sacré, à percevoir et voir la globalité et l’origine. Ce regard se fonde à la fois sur une reliance interdisciplinaire et humaniste, mais aussi sur une reliance transcendante rétablissant le lien avec l’ontologie.

Conclusion provisoire

Ne perdons pas de vue que la reliance à plus haut est une démarche humaine, née des capacités de l’homme à concevoir et représenter la perspective transcendante. L’image ainsi projetée devient révélation qui pour des raisons d’efficacité est conçue comme extérieure à soi par l’homme lui-même. Pour que la révélation soit parfaite et efficace, elle doit être reçue d’un plus haut que soi, relativement inaccessible. Il convient que l’homme oublie qu’il en est l’auteur, l’image révélée ou le texte doit venir d’une autorité surplombante. Ce système devenu institution sera conforté par la notion de mystère exprimé par le récit, la légende et le mythe qui tous se rattachent aux deux mystères principaux qui sont le mystère de la vie et le mystère de la création. L’accessibilité à l’autorité créatrice sera structurée sous la forme d’une échelle avec des médiateurs. Serait-ce le secret ?

Ainsi le passage du secret à la divulgation puis à la révélation met en relief le rôle exclusif de l’homme dans ses aptitudes à concevoir, symboliser, imaginer, représenter et croire.

Apparaît derrière les portes du Temple, la lisibilité des trois voies initiatiques traditionnelles qui bien qu’autonomes au plan organisationnel, n’ont de justification et de complémentarité que dans cette fameuse reliance mutuelle à plus haut. Le tressage initiatique des trois voies, artisanales chevaleresques et sacerdotales, est donc ascendant.

Il serait intéressant d’étudier « le tressage initiatique », protégé par le secret qui établi les trois reliances : 1/celle qui provient de l’orthopraxie organisant le passage du savoir-faire au savoir-être associé à une chaîne opérative devenue spéculative, 2/celle qui légitime le pouvoir royal (symbolisé par la clef d’argent) 3/celle qui justifie le pouvoir sacerdotal (symbolisé par la clé d’or) apostolique ou gnostique. Les clefs ouvrent les portes sur la révélation du secret, il s’agit souvent de mots et de gestes qui imitent ou évoque la renaissance ou la relation au divin.

Le secret dans les trois voies initiatiques est celui que l’homme peut élaborer et transmettre. Ce secret est donc d’origine humaine et exprime une volonté de reliance, de retour vers l’origine. Pour élaborer et organiser le secret, l’homme doit être l’auteur et metteur en scène du mystère. Cette affirmation est vérifiable dans tous les rituels de la franc-maçonnerie qui organisent les passages graduels vers le sommet de la reliance.

Le tressage du secret apparaît dans l’ambivalence du symbolisme constructif de la Bible, où le Temple de Salomon serait construit par le roi, le prêtre et l’architecte. De ce constat, une nouvelle ligne de partage viendrait enrichir le bloc initiatique, située entre une interprétation du symbolisme constructif au concret rapproché de Céphas, celui de l’église de Pierre, et une interprétation engagée dans la voie de l’esprit, celle de Jean. Au final, on percevrait à nouveau la ligne séparant l’éthique et la métaphysique, les Petits et Grands mystères, etc.

On peut ainsi transposer cette recherche à la franc-maçonnerie spéculative du XXIème Siècle : conserve-t-elle son chaînage ininterrompu qui donne le savoir-faire et le savoir-être ? Conserve-t-elle la reliance éthique et métaphysique par l’entretien et la transmission hermétique du secret royal comme décrit plus haut ?…

E.°.R.°.

En complément de cet article, sur d’autres aspects du secret maçonnique :

Yves Hivert Messeca l’encyclopédie de la franc-maçonnerie-pochothèque ed livre de poche 2000, celui de Philippe Colaneri paru au « dictionnaire de la franc-maçonnerie » sous la direction de Daniel Ligou éd PUF 1987, et enfin celui de Philippe Lhomme paru au dictionnaire thématique illustré de la franc-maçonnerie éd du Rocher 1993.

L'indispensable René Guénon pour revenir aux bases traditionnelles du secret initiatique: Règne de la Quantité et les Signes des Temps chap XII et Aperçus sur l'initiation chap VIII-éd Traditionnelles

Sur les Ancien devoirs et les arts libéraux: Franc-maçonnerie : documents fondateurs, éd de l’Herne éd 1992-2007 p 45 et 59

Patrick Geay « critique de l'historiographie maçonnique contemporaine » in LRA n°23, et Villard de Honnecourt n°9- 1984

Pour l’herméneutique appliquée au symbolisme constructif lire "L'éclectisme maçonnique- herméneutique maçonnique et philosophie Biblique" Patrick NEGRIER éd Ivoire Clair 2003.

Sur "la reliance à plus haut" faire des rapprochements avec E Morin, ‘La Méthode T I V, L’Ethique’, 2004, Ed du Seuil

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15 décembre 2014 1 15 /12 /décembre /2014 08:32

Religare et tradere pour le franc-maçon spéculant.

Peut on parler d'une complémentarité entre ce qui constitue la Tradition et ce qui fonde les religions? Dans les deux termes nous retrouvons la notion d'origine, de thesaurus et de transmission et donc de genèse, de lien et de dévolution. Il nous semble devoir traiter religare et tradere sous l'angle étymologique appliqué au divin révélé et à la connaissance initiatique. (1ere partie extrait)

(...)Augustin, lorsqu'il écrit que religion vient de "relier" (religare), fait valoir que la religion devrait être « ce qui relie à Dieu et à lui seul ». Mais on retient généralement pour religare la notion de lien et de relecture. Ceci supposerait un lien "direct", mais ce lien semble en réalité capté par l’institution religieuse de type ecclésiale qui se charge de relier le pratiquant plus à l’institution qu'au divin. C'est l'institution qui fait elle-même la relecture interprétée des textes sacrés (dogme) tout en s’interposant entre l’homme et Dieu. Or l’héritage maçonnique ancien est à la fois fondé sur la tradition et la religion, avec toutefois une évolution remarquable. Les Anciens devoirs gothiques catholiques (Regius 1390 et Ms Cook 1410) célébraient cette relation ecclésiale par l’œuvre accomplie et passée de décoration et de représentation plastique figurant le divin au fronton des cathédrales, alors que le rite du Mot de maçon calviniste depuis 1637 veut revenir au lien direct entre l’homme et Dieu par la « sola scriptura » (la lecture directe de la Bible sans decorum) tout en préservant le devoir de mémoire imposé par les Statuts Schaw de 1598 . Les deux rites maçonniques entretiennent un devoir de mémoire ou art de mémoire, soit sous la forme d'un récit assorti d'images plastiques (Anciens devoirs) soit sous la forme d'un catéchisme mnémotechnique favorisant la représentation mentale (Mot de maçon). La particularité des rites maçonniques est d'emporter dans leur mise en œuvre un répertoire d'images mentales découlant de représentation imagée (tableau de loge) ou d'échange verbaux évocatoires. Ces images mentales ont vocation à être transmises (tradere) depuis des temps immémoriaux et assurent ainsi le cheminement d'un lien mental avec l'origine ou la cause première (religare).

C'est en ce sens que nous pouvons avancer que ces représentations mentales sont des clefs (symboliques et hermétiques) qui ouvre la relation à l'ontologie et aux mystères de la, vie et de la création.

En examinant de prés le processus religieux et son empreinte sociologique, on voit un lien incontestable avec la notion de tradition qui est ici récupérée. En effet, la tradition fait aussi le lien avec ce point originel et se charge de versifier dans l’oralité une transmission d’images et de récits qui vont constituer le fonds commun des archétypes, le dogme viendra puiser dans cette bibliothèque les représentations qu’il entendra imposer et figer et interpréter. Ainsi le symbole et sa représentation peuvent faire l'objet d'une explication dogmatique.

Généralement le religare et le tradere vont s’appuyer sur les livres de Sagesse tels que la Bible. L’herméneutique qui consiste en son interprétation sera libre ou orientée suivant qu’elle s’attache à la cohérence d’un dogme ou qu’elle réserve son choix à une vision autre et traditionnelle c'est-à-dire dans la continuité de la pensée, de la volonté ou de l’action ayant un lien démontré et cohérent avec la notion d’origine contenue dans le texte étudié.

La définition du terme du mot tradition vient du latin traditio, dérive du verbe tradere qui signifiait "continuer", " transmettre".

Religare et tradere postulent à relier l'homme à son origine, il semblerait que ces deux notions soient de toutes façons indispensables au devoir de mémoire du franc-maçon. Mais les deux notions ne sont pas obligatoirement "religieuses" au sens commun de la croyance.

Le propre du franc maçon est de se situer dans une des grandes transmissions initiatiques qui reposent moins sur le dogme( orthodoxie) que sur le vécu et l’expérience (orthopraxis). Cette expérience initiatique découle à la fois du voir discursif et symbolique, du ressenti intuitif, et souvent de la raison.

L’objet, l’image ou le concept sont représentés en images mentales qui réveillent et éveillent l’esprit et restent intégrées dans notre bibliothèque des signifiants-signifiés. Cette bibliothèque préexiste probablement en nous et c’est l’initiation qui met en action les analogies et correspondances cachées qui ont toutes une relation finale dans le symbolisme dit cosmique (macrocosme-microcosme). C’est ici que l’initiation dans son sommet peut aboutir à la notion de révélation « graduelle ».

  • La filiation

On comprend alors que le tradere et le religare font le lien entre l’homme et son origine.

Se situer dans la ligne de transmission permet tout à la fois de bénéficier à titre personnel de l’accès aux « mystères de la franc-maçonnerie » mais aussi d’apporter à la collectivité la sensibilité et la vision inhérente à ce grand mouvement ancestral.

L’initiatique individuel du franc-maçon se pratique en groupe de bouche à oreille. C'est une oralité, une mise en situation assortie d'une gestuelle parfois dramatique qui donne à la transmission la profondeur du vécu et de l’expérience. La transmission suppose une parole prononcée par celui qui a la connaissance, dans oreille de celui qui sait entendre. Il s’agit de mettre en partage et en phase l’ensemble des vues et visions archétypales qui fondent l’homme bâtisseur. Ainsi on refait le baptême (la renaissance "élémentaire" d'un homme devenu franc-maçon par la vision de la lumière), et on revit la cène par l’agape en nourriture de l’esprit (partage du pain et du vin et amour fraternel). Il s’agissait de situer l'initiatique dans la lignée des bâtisseurs qui donnait forme à la matière grâce à l’ombre et la lumière et qui édifiaient des temples au divin (religare) en consolidant l’éthique de l’homme (tradere). Mais il fallait aussi suivre les rituels de la tradition qui fondent l’amour et le partage dans le réel et valorisent des préceptes sociétaux communs et ancestraux reconnus par tous (bonne morale dont la pratique est héritée des anciens et de la tradition: orthopraxis).

La démarche ne reposait donc pas sur l’invention ex abrupto d’une fausse filiation, mais sur la recherche de la transmission de l’authentique et du vrai. Ainsi nous pouvons dire que le franc-maçon spéculatif veut se situer dans la chaîne de transmission de la voie initiatique artisanale, dont l'objet surplombant est le Temple de Salomon et dont le but reste l’édification en soi dudit Temple de Salomon et qui derrière l'antique savoir-faire (tour de main) induit l'antique savoir-être (La Sagesse)!. Les deux savoirs sont les prérequis de la connaissance.

Ce souhait, ce désir d’intégration dans la chaîne d’union à la fois horizontale avec les FF présents dans toutes les loges et avec les FF du passé qui ont franchi la porte de l’Orient Éternel, démontre que l’initiatique se rattache par nécessité et par goût à un point originel situé dans les profondeurs de la mémoire présente et historique.

On voit l’avantage que l’on peut tirer de cette situation : il s’agit pour l’initié d’envisager l’origine de la transmission de la parole, de sa déformation dans le temps et de sa déclinaison dans des ordres et des mondes successifs. Cette relation ontologique va créer dans nos rituels suivants les grades et les degrés, une succession logique explicative de la dévolution de la parole, de l’image, du geste, et de l’acte. L’objectif restera de recouvrer la parole la plus proche du Logos, celle qui est la pensée précédant la volonté et l’action. Il s’agit de remonter le fleuve de la manifestation génésique pour atteindre le seuil qui précède la création.

Pour conclure sur le chapitre de la filiation, nous dirons que la voie initiatique de la franc maçonnerie spéculative est autonome est ne dépend d'aucune reconnaissance autre que celle quelle tient de sa propre lecture du livre sacrée qui est la Bible depuis 1637 et de sa connaissance de la symbolique des outils et du Temple de Salomon. Dans cette lecture directe du texte sans intermédiaire, la franc-maçonnerie a su intégrer une herméneutique "symbolique" et donc philosophique, plutôt que "littérale" de la scolastique cléricale. C'est le résultat des l'influences luthériennes et calvinistes écossaises mais aussi du mouvement Rose-croix dont l'idée est de déchiffrer les symboles secrets dans le grand livre de la nature. C'est sur cette base novatrice que la "spéculation" s'est associée au métier et à la voie initiatique dite artisanale et donnera aux cherchants, respectant a minima une orthopraxis morale, un authentique plan de réalisation et d'expression devant aboutir à une vision. C'est cette vision qui outrepasse les apparences (don de "seconde vue" relaté par Adamson en dans "The Muses threenodie" en 1638) et remonte jusqu’à l'origine qui constitue l'authentique pratique du religare et c'est cette technique de mise en œuvre qui est rituellement traditionnellement transmise (tradere) par induction dans l'imitation des maitres. Cette capacité à voir repose sur l'image évoquée par le catéchisme et la rituelie, projetée sur un plan mental. La représentation intérieure qui en découle est due à la capacité ancestrale qu'a l'homme à conscientiser le divin, développant ainsi un "point de vue" véritablement gnostique.

  • La spéculation

L’ontologisation philosophique de la franc-maçonnerie va de pair avec sa dimension universaliste. C’est ce qui apparaît nettement dans les Constitutions de Anderson, Désaguilier et Georges Paine en 1723.

On sort désormais du métier pour ouvrir à la spéculation et à l’élargissement des domaines d’investigation ; cette ouverture favorisera par la suite l’intégration des influences initiatiques et ésotériques diverses qui se retrouvent bientôt protégées, transmises et travaillées à l’intérieur d’une cadre initiatique alliant le religare et le tradere.

La franc-maçonnerie allait être à la suite des mouvements universalistes et , sous l'influence d'élites et de mouvements ésotériques et encyclopédiques , un grand conservatoire pour la pensée symbolique et permet de revoir l’homme dans son attachement aux différents états de l’Être et la définition de l’Esprit , sous-tendant la notion d’éternité (ne devrait-on pas dire plutôt la notion d’intemporalité ?).

Ainsi la tradition conçue comme un conservatoire du sens et de la parole en regard du Logos nous relie à l’instant premier dans la qualité et l’état actuel de « frère ». Le temps fait écran a la notion de reliance.

Être relié à l’instant premier qui est pour certains l’origine de la vie sur terre, pour d’autres l’origine de la création, et pour d’autres encore ce qui précédait la naissance de la lumière, implique de saisir le sens du mot religare.

On définit souvent religare par son vocable exotérique « religion » . Cette relation impliquant la foi était bien celle de l’Église des premiers siècles qui, en dehors du dogme rendu nécessaire pour occuper par le pouvoir l’espace et le temps, se nourrissait d'un message plus « essentiel » que la pratique des églises contemporaines. La religion expansive et conquérante des territoires et des âmes, avec un Pape voulant être Roi, a simplifié son discours pour le mettre au service d’un dogme facile d’accès. Elle le rendit le plus universel possible dans sa compréhension et syncrétique dans le recyclage des usages anciens et traditionnels en vue d’asseoir son autorité temporelle. L’aspect temporel dogmé domina l’aspect spirituel, les connexions et luttes avec le pouvoir royal accentueront le mouvement d’abandon du message ésotérique au profit de l’exotérisme plus immédiat et efficace au plan politique.

Dans ce message ésotérique se situait l’explication symbolique du lien ascendant et descendant reliant l’homme au divin, mais aussi les secrets (la tradition) du pouvoir royal et sacerdotal qui sont liés aux facultés de représentation transcendante de l’homme. Cette explication donnait un sens particulier à la notion d’origine des temps et de dévolution de l’esprit dans la matière. Il s’agissait donc de transmettre à nouveau le lien premier qui fait de l’homme une image matérialisée d’une volonté divine, ou une image accidentellement chutée d'un homme premier. Le religare nous reliait donc à l’instant premier, en donnant une explication qui pouvait être vécue en expérience initiatique avec les rituels fondamentaux de l’Église des premiers temps. Simplement cet aspect plus difficile d’accès se heurta à la nécessité du temps, à la raison et à la controverse des interprétations. Ainsi sont nés les mouvements dissidents, les schismes, les « hérésies » et réformes, etc, finalement plus occupées à leur survie qu’à défendre le religare et le tradere…

On mit donc sous le boisseau la dimension ésotérique de la religion pour ne conserver que l’aspect efficace et concret qui maintient la foule dans un cadrage comportemental et dogmé. Le Roi, étant de pouvoir divin (et donc « relié » à l’origine), on reporta toute la dimension du religare vers le Pouvoir matériel sur les consciences et sur les sociétés. La nécessité et la contingence ont vaincu la dimension ésotérique et essentielle du religare.

Le religare ne pouvait se passer du tradere dans une classe dite sacerdotale, car le rite illustrant la parole, interprétée au plan exotérique comme ésotérique est une transmission, une tradition en soi. La mise en œuvre du rite est traditionnelle par nature, sauf à être déformé par une mise en en œuvre erronée.

  • Que fait le maçon en loge ?

Par la voie dite initiatique, il redécouvre comme une expérience personnelle et collective, la transmission des anciennes traditions. Il est vrai qu’aux XVIIème et XVIIIème Siècles, les loges devinrent les réceptacles des différentes traditions initiatiques, et se retrouvèrent face à l’autorité spirituelle des Églises. Cette transmission des traditions et recherches vont accentuer automatiquement le désir de connaître le point de départ du logos, du verbe, de la lumière.

Tout dans les différents rituels tend vers cette recherche lumineuse (c'est-à-dire connaissance de l’Être, de la lumière-vérité et de l’esprit. Dans son parcours il pourra dire qu’il a été « relié » par le désir de connaître l’origine, en jonction avec l’ontologie. Pour être relié il en faut le désir persistant en s'appuyant sur une méthode, ou plus simplement bénéficier d'une forme de Grâce tombée du ciel ou trouvée en soi.

Tradere et religare sont donc les deux lices d’une échelle qui relie l’homme à la lumière « illuminatrice ». Les barreaux de l’échelle seront les plans successifs ou grades et degré de la franc-maçonnerie qui lui permettront d’accéder à l’ origine.

Pour les Anciens devoirs il s’agissait de gravir l’échelle des arts libéraux comme une échelle initiatique qui permettait de connaître soi et le monde, la vie dans le réel, puis arrivé au sommet de ses arts voir le visage de Dieu (la connaissance) puis redescendre pour transmettre a ses FF. En complément à cette échelle "libérale" une autre s'imposait: celle des vertus cardinales et théologales qui en toutes hypothèses offre un retour sur soi et les autres. La caverne socratique nous dépeint le même tableau partant du sub-terrestre pour voir la vraie lumière plutôt que son ombre, puis revenir et transmettre. Ceci est une démarche typiquement prométhéenne qui caractérise parfaitement la démarche initiatique.

Donc se dire relier à l’origine par le désir de transcendance et de connaissance implique le transfert à l’autre de la parole de l’image et du geste. Nous pouvons dire que la connaissance qui nous relie à l'origine n'a d’intérêt que si elle est transmise. Religare seul n’a de sens que par Tradere et inversement (du moins en matière initiatique, le cas de la démarche mystique de "l'état d'être" ou de la "grâce" diffère dans sa méthode et peut être sans schéma directeur ou méthodologique, et n'impose pas le tradere). L'association du tradere au religare est aussi vrai pour le voie initiatique que religieuse tant que cette dernière conserve son versant ésotérique et sa voie sacerdotale.

C’est donc les rituels qui ouvrent et ferment les espaces symboliques superposés (qui sont des mondes en soi ou des points de vue toujours plus élevés) qui formeront les barreaux de l’échelle.

  • Il existe cependant une différence notable entre le tradere et le religare.

La différence est dans le mouvement scientifique hermétique et constructif pour tradere, car il faut expliquer ce que l’on a vu, ou relaté par le rituel ce que l’on a ressenti au-delà des mots, ici l’initiation est liée à la vie. Pour religare la démarche est autre car, sans être passif, il faut se mettre en état de recevoir comme un miroir ce qui est en haut et l’intégrer de manière intuitive en soi suivant un conditionnement dogmé ou pas.

Il y a donc d’un coté une démarche volontaire, active et vitale d’un initié qui va apprendre à franchir la porte et les obstacles pour voir enfin la lumière, et l’autre démarche moins active que réceptive qui va accueillir l’empreinte de l’esprit originel en soi. L’herméneutique et l’anagogique vont donc se compléter successivement pour dépasser les difficultés du sens et de l'essence dans un cas, et pour recevoir et ressentir intuitivement une proximité ou une présence du divin dans l’autre cas.

La démarche initiatique du tradere vient compléter la démarche mystique du religare.

Nous évoquions une échelle dotée de deux lices, nous pouvons désormais dire que cette échelle est dotée d’une lice volontairement montante par l’initiation de l’homme recherchant l’origine de la transmission et d’une lice descendante qui fait descendre la lumière en tout homme relié. Jacob a vu les deux sens s'animer dans un songe.

  • Le rituel est indispensable

Sans doute que Tradere et Religare ne peuvent être mis en œuvre efficacement que par des rituels. La religion dite naturelle (morale pratique du bon comportement individuel et sociétal) qui préexiste au dogme d’une quelconque Église, ne s’en réfère pas moins aux usages surplombants et ritualisés de la bonne moralité et de l’art de vivre ensemble. La religion naturelle consistant en une orthopraxis immémoriale serait donc une tradition universelle qui précèderait l'orthodoxie religieuse plus récente?.

C’est par une autorité surplombante que l’homme réussit à faire naître et justifier la bonne morale. La bonne morale peut être noachite suivant les Constitution de 1738 (en regard des percepts de Noé), ou fondée sur les tables de la Loi et commandements, ou sur les vertus cardinales (puis théologales). Elle est donnée par un prophète ou par un messager divin dans le cadre d'une théophanie et s'accompagne d'un cadre rituelique.

Il s’agit donc de confier au nuage surplombant la foudre liée au non-respect des rituels de vie communautaire (préceptes de vie). Ces rituels vont « sacraliser » la vie humaine dans l’institution comme le rituel maçonnique va sacraliser la loge ou le temple qui est aussi une image de l’homme des origines. Celui qui intègre ces préceptes en art de vie serait alors sur la voie de la sanctification.

Dans ces conditions, les rituels fondés sur des préceptes surplombants sont facilement « reliables » à la pensée originelle, à la volonté originelle et à l’acte originel. Ces rituels favorisent soit la prise de conscience « lumineuse » résultant d’un travail (Labora) pour tisser et entretenir et transmettre le lien « tradere », soit la mise en l’état de réceptivité Graalique pour recevoir le lien « religare » par la prière notamment (Ora). Ce sont les deux exercices auquels nous invite le rite maçonnique fut-il œcuménique et fondé sur la religion naturelle comme le rite de la Grande loge d’Angleterre et ses constitutions de 1723, ou délibérément théosophique comme le RER depuis 1778. Notons que la Grande Loge d’Angleterre depuis sa réunification des Anciens et des Modernes en 1813 et ses principes de base de 1929, substitue à la religion naturelle Desaguilienne et à la foi maçonnique, la notion de croyance au GADLU et une vérité révélée. On contingenta par ce Landmark l’espace initiatique à la longueur du rayon de l’Architecte, avec pour perspective, peut être, la notion de mise en œuvre et d’ordonnancement, mais probablement pas celui de la création.

On s’adresse dans les deux systèmes, religare et tradere, à la même échelle, mais on suit plus ou moins l’une ou l’autre lice suivant que l'on dit religion ou initiation.

Pouvons-nous dire que dans une démarche initiatique (prométhéenne par nature et reposant sur la connaissance acquise par l’expérience) c’est l’homme qui part à l’assaut des trois enceintes pour atteindre le sommet ou le Centre, alors que dans une démarche chrétienne d’un religare dogmé (croyance et grâce) ce serait le divin qui descendrait au coeur-centre de l'homme pour sa rédemption ?

Les éléments initiatiques et mystiques sont quasiment identiques, mais leurs dynamiques sont celles de l’exhaussement par l’effort d’une recherche "essentielle" dans un cas et d'une discipline de l’intériorisation et de l’induction "cardiaque" dans l’autre cas. Ainsi les fonctions discursives seront mises de côté au profit des fonctions intuitives reposant sur la vision analogique ou la perception anagogique. (On retrouvera ces deux dynamiques associées aux notions de transcendance et d’immanence.)

On comprend pourquoi la voie artisanale du fait de sa nature volontaire et constructive, est plus adaptée à l’accueil d'une représentation de l'origine qui repose moins sur le dogme du croire, que sur l’expérience initiatique ritualisée du voir et du vécu associé à l’évocation (récit mythique ancestral sur l’origine et la fin) et à l’invocation (sollicitation de l’autorité surplombante). Cette voie modelante par la vision du Temple de Salomon et des deux colonnes est accessible en terme de représentation et puissante des symboles qui relie le maçon au divin. Il n'y a pas de révélations imposées en dehors de la bonne lecture du rituel est d'une interprétation personnelle, qui pourront aboutir au minimum à une foi maçonnique relative à l’éthique conforme à la morale, et peut-être à une vision métaphysique pouvant aboutir au "croire" ou à ses illustrations. (...)

E.°.R.°.

Cet article vient en complément de l'article: http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-spiritualite-maconnique-99413011.html

Pour élargir le sujet au plan historique:

on conseille la lecture de Patrick Negrier "Art Royal et Regularité" éd Ivoire-Clair, David Stevenson, "Les origines de la franc-maçonnerie" le siècle écossais 1510-1710 éd Telèthes et "Les premiers francs-maçons" éd Ivoire-Clair-

Au plan symbolique: René Guenon : "introduction générale à l'étude des doctrines hindoue"Tradition et Religions" mais aussi "Aperçus sur l'Initiation" et "Initiation et Réalisation Spirituelle" éd Traditionnelles-

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25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 16:29

Les Loges fêtent deux fois la St-Jean, lors des Solstices d’été et d’hiver.

Les fêtes solsticiales (fixées autour des 21 juin et 21 décembre) inaugurent pour le solstice d'hiver le début de la phase ascendante du soleil dans le ciel vers la lumière. Le solstice d'été amorce la phase descendante de l'astre vers l'obscurité

Ces fêtes sont des franchissements symboliques de portes donnant accès à la connaissance des mystères antiques liés à la lumière et à la vie. C’est un héritage de la tradition antique de l'initiation qui faisait de la lumière, l’élément essentiel de la compréhension de soi et de l’univers. Cette initiation qui n’est autre qu’un éveil à soi, en soi et au monde, s’est transmise dans le cadre rigoureux des traditions de métier

L’initiation de métier s'est transmise au monde chrétien pour se poursuivre au Moyen Âge au travers des corporations de constructeurs et du Compagnonnage qui eurent les Deux Saint-Jean pour patrons. Les Saint-Jean eux-mêmes sont les Héritiers du Dieu Janus qui présidait aux « Collegia Fabrorum ». Les constructeurs transmettaient l’initiation où était présente la lumière comme la condition nécessaire à l’exercice de leur “Art”qui deviendra "Art royal". Ceux qui bénéficiaient de leur transmission étaient jugés capables de percevoir la notion de mystère, autremenent de comprendre et de voir au-delà de l'apparence. Ils étaient donc initiés aux Mystères de la vie, de la création et donc de la lumière

La lumière est une notion diminutive du Logos et du Verbe Ces fêtes sont des franchissements symboliques de portes donnant accès à la connaissance des mystères antiques liés à la lumière et à la vie

La lumière est une notion diminutive du Logos et du Verbe divin et porte en elle une notion de puissance associée au mystère de la création et au mystère de la vie. La lumière est une philologie cognitive du « Commencement », une production mentale propre à chacun qui semble se fondre dans un seul et même archétype, celui de la lumière naissante !

Elle est à la fois une source universelle de vie et la source du trait du bâtisseur. Sans lumière point de forme, d’ombre ni de trait. La lumière emporte la structuration et l’ordonnancement du monde par l’apparition. La notion d’apparition, comprise au sens de la représentation mentale, porte aussi bien sur la forme, la structuration des choses et des êtres, les sens, l’intelligence de l’acte, l’intuition, etc. on peut affirmer que la lumière induit le monde des formes des sensations et des pensées qui fondent l’homme dans les profondeurs de son être.

Tout jaillissement implique une source. Si la lumière semble liée à la vie et à la création, elle est aussi une nourriture spirituelle pour l’homme pensant. La lumière semble donc une source de vie pour le corps, l’âme et l’esprit. La Lumière d’après la Genèse a pour écrin la ténèbre comprise comme la part de vérité inatteignable à l’homme, tout comme la notion divine est inaccessible dans sa totalité à nos esprits cheminant sur la voie de l’éveil. Il semble donc illusoire de vouloir opposer la ténèbre à la lumière d’autant que la dernière procède de la première et que la puissance divine préexistait dans la ténèbre avant de se manifester en lumière. La lumière prend sa source dans la pensée divine et apparaît par contraste.

La lumière nourriture de l’universel et du particulier.

Aucun instrument ou outil n’est agissant sans lumière. Le franc maçon donne à la lumière une valeur universelle et polysémique.

Le fondement vital de la Saint-Jean se situe dans la métamorphose du grain en épi. Il s’agit donc d’une dimension élévatrice et multiplicatrice propre à la germination jusqu'à l’épi, partant d’une unité initiale et répondant au Gn 1, 22 : « croissez et multipliez » du 5ème jour.. Dans la multiplication elle-même réside et se transmet le mystère de l’origine de la vie.

Cette part divine, inaccessible à notre intelligence est qualifiée depuis l’antiquité de « MYSTERES ». Rappelons que le soleil qui chasse l’inconnu et l’effroi fut la divinité Hélios chez les Grecs ou Ra chez les Égyptiens, la Lune apporta l’imagination et une lumière floue, intériorisée, donnant une forme imprécise et portant en elle une dimension parfois négative.

L’allégorisme agraire polythéiste succède à l’animisme, et va rapidement donner naissance à une évolution accompagnant l’homme dans sa destinée que sera caractérisée par le mythe de Perséphone : apparaît le symbolisme qui est une évolution puissante de l’allégorie à un niveau éthique. Désormais le symbole est signifiant au-delà du discours et occupe un vide qui n’est rien d’autre que l’angoisse de l’homme face au mystère de la vie (sous entendu que se passe-t-il après la mort ?).

Arrive enfin l’idée que la Lumière féconde l’âme et l’esprit… Il s’agit donc d’une lumière considérée comme nourriture spirituelle que l’on associera aux nourritures terrestres les plus symboliques.

Nous verrons dans la Bible, une assimilation extraordinaire faisant apparaître le pain et le vin, nés de la lumière, comme la nourriture du corps et de l’esprit… c’est ici notre héritage ancestral de la période polythéiste agraire qui se transmet dans la période monothéiste du Nouveau Testament sur un plan moral et psychique.

La lumière serait dans son essence, une nourriture pour l’esprit.

Le mystère personnifié

Les mystères de la Saint-Jean nous permettent d’établir que l’homme a toujours personnifié le mystère pour lui donner un sens qui soit à son image, car toute représentation mentale passe par le filtre du corps de matière. Ainsi les dieux du polythéisme agraire ont pris la forme humaine dans une représentation accessible à la compréhension humaine et à l’incantation.

L’incantation est passée par l’incarnation du concept suivant les anciens schèmes polythéistes. C’est ici que naîtra la confusion entre le symbole et sa représentation qui passe malheureusement par le filtre et les limites de la perception corporelle et de la représentation humaine. Ainsi sont nés les dieux et les saints à visages et formes humaines. Ceux-ci vont agir comme des modèles, des types comportementaux ou archétypaux qui vont « former » l’homme social et moral. En personnifiant le phénomène lumineux des solstices par deux Saint-Jean on veut dire et souligner la permanence de la fonction lumineuse dans l’esprit de l’homme, on veut institutionnaliser une notion qui fonde l’humain en regard du divin. Il nous appartient de tenter d’en découvrir les mécanismes secrets.

Naissance de la psyché, notion de limites.

La personnification johannique du mystère de la lumière et son dédoublement serait une réponse à deux angoisses, l’angoisse métaphysique et l’angoisse de la mort.

Face à l’angoisse de la mort et au désir de posséder et de comprendre, va naître la grande aventure de la psyché, perçue comme une intention consciente, et du soma, conçu comme le corps agissant, qui donneront au mystère de la vie et au mystère de la création, un visage « humanisé », et parfois idolâtre.

La psyché s’affirmera en l’homme en même temps que son évolution consciente. L’acquisition de la conscience de soi passe par l’épreuve d’une sorte de dédoublement où l’on est capable de se voir agir et être. C’est une projection de soi en soi comme si on se regardait dans un miroir. Cet exercice typiquement maçonnique de la conscience et plus qu’une autocritique, il est à l’origine de l’estime de soi et ne peut se départir de la notion éthique qui met en exergue ce qui est bon et bien et ce qui est mauvais et mal.

Mais il n’y a pas d’éthique sans la production préalable d’une norme surplombante. Donc l’éthique et les valeurs et vertus des hommes, s’inféodent historiquement à une origine plus haute et plus inaccessible, plus métaphysique, que l’homme retraduira en autorité divine et ses dérivées institutionnelles.

Il fallait en effet un miroir dans lequel se reflète la totalité des mécanismes mystérieux qui lient l’homme à la notion divine et sacrale. Ce miroir fut la conscience de soi, un moyen de voir en soi. Ce miroir à son tour, fut dépendant de la norme sociale inféodée au plus haut et se dérivées sociétales. C’est le plus haut sociétal qui donne les bornes dans l’agir et la morale, mais ce plus haut sociétal puise ses propres limites ou les justifient dans une pseudo origine divine. Or rien n’est plus significatif du divin que la lumière. La lumière fut donc analysée comme la volonté divine appliquée au monde. Il n’est pas étonnant de considérer les solstices comme les bornes du monde des vivants en considérant une porte pour les dieux située au solstice d'Hiver et une porte pour les morts, appelée porte des hommes située au solstice d'Eté.. Au milieu se situent les vivants et les 4 points cardinaux qui nous donneront les Quatre Vivants héritage des divinités polythéistes christianisées ordonnant le ciel et la terre.

La conscience éthique relative au mystère et au respect de la vie, ne s’est élevée qu’en humanisant le mystère, en pensant que l’homme était la mesure de toutes choses. C’est ainsi que, suivant les convictions éthiques de chacun, le divin descendit dans l’homme universel, ou que l’homme inventa le divin. Pour d’autres le divin est transcendant et universel de sorte qu’il échappe à la raison humaine et à toute tentative de représentation.

Les deux Saint-Jean vont encadrer et circonscrire le mystère à un espace-temps cyclique donnant naissance aux valeurs et aux vertus. A partir du jour et de la nuit synonyme de bien et de mal, va naître l’éthique. Les deux Saint-Jean vont encadrer la psyché comme ils encadrent la lumière et l’esprit.

Dans tous les cas nous pouvons dire que si l’homme est à l’image du divin c’est parce que l’homme peut concevoir le sacré comme une « présence » dans le particulier comme dans l’universel. Il y a donc une corrélation directe entre la création des 6 jours et la dimension sacrale du 7ème jour qui est le jour du repos et de la sanctification par dieu de son « chef d’œuvre ».

Ce chef d’œuvre et une double création, soit le monde et l’homme. Notre capacité à ressentir le sacré dépend ne notre acceptation « consciente » de la qualité de sujet mythiquement « crée » habitant un monde « manifesté » par le souffle et la lumière. Cette acceptation induit le double mystère et sa personnification pour le rendre lisible à tous. Nous aurons un Saint-Jean dédié à la frontière des petits mystères antiques et un Saint-Jean dédié aux limites inférieures des grands mystères. Le passage de l’un a l’autre impliquera un niveau de conscience plus approfondi, ce qui traduira un développement de la conscience dans le sens de l’éclairement voir de l’illumination.

Le ressenti s’appuie sur des notions concrètes telles des situations topographiques ancestrales et agraires (polythéistes et allégoriques), des notions célestes ou des dessins et objets (unitaristes et cosmogoniques), des lettres et nombres (individualistes, verbalisateurs et providentiels), etc.

Mais tout ressenti dépasse les cinq sens pour s’appuyer sur l’intuition qui nous relierait à l’ontologie.

L’apparence et le sacré

Le visible ne serait qu’un artefact de l’invisible.

Mais peut être que l’homme structure l’invisible, le pensant dans un ailleurs exogène alors que sans doute, cet invisible n’est qu’une donnée purement interne produite par une angoisse endogène.

C’est l’intuition qui nous parle d’invisible, car nous ne pouvons pas voir l’invisible ! Il y a donc un puissant travail de représentation mentale qui entre en action pour « voir » l’invisible. Ce travail de représentation mentale s’associe au langage du symbole et trouve à développer l’idée que la clef de lecture du monde se cache derrière les apparences.

Cette clef de lecture est du domaine de la révélation par le jeu de l’intuition imagée et représentée mentalement. Aucune révélation ne s’exonère de la représentation mentale.

Quoiqu’il en soit, le lien entre les deux notions, concrètes et intuitives, se fait par le symbole, le mythe ou sa cristallisation religieuse et dogmatique. Le langage qui en découle alimente le discours de la représentation mentale et le dépasse jusque dans le silence de la « non-représentation » où le vide est occupé par le divin créateur.

Le conjointement des deux notions, concrètes et intuitives, nous donnent l’Épiphanie. C’est une des potentialités dynamisantes du pavé mosaïque qui n’est rien d’autre qu’une table à tracer pour la représentation mentale de chaque maçon. On comprend alors les mécanismes originels de l’égrégore autour de ce pavé et du caractère agissant du diagramme symbolique qui en fait son écrin.

À partir de cette observation propre à tout espace consacré est délimité par le jeu de la lumière recréée, on comprend que la loge maçonnique est un outil pour assoir notre capacité à voir au-delà.

La Loge est un lieu symbolique de représentation traditionnelle du sacré où le temporel se marie à l’intemporel, le plein côtoie le vide, le blanc conjoint le noir. Ce sacré qui est une intuition puissante, va se situer dans trois approches relationnelles au divin :

1/ Celle relative à l’homme et sa raison universaliste, dans la tradition gréco-latine (« L’homme est la mesure de toute chose » Protagoras), le divin serait accessible à la raison proportionnée à l’homme en fonction du principe d’harmonie.

2/Celle inscrite dans une relation hermétique entre le visible et l’invisible (« ce qui est en bas et comme ce qui est en haut, et contribue au miracle d’une seule chose »Hermès Trismégiste), ce qui oblige à voir les correspondances et les analogies comme des éléments agissants.

3/Ou dans une transcendance universelle, innommable supérieure à l’homme, typique de la tradition Hébraïque iconoclaste (destruction des idoles par Abraham) Où l’image est bannie au point que l’esprit seul sans représentation reçoit la question…et interprète une absence... Il ne reste alors plus que l’écriture pour sa graphie à interpréter suivant les péri-schèmes archétypaux. C’est donc la lettre issue de la parole, elle-même issue du Verbe et du Logos qui sera imagée dans un travail cabalistique. On parlera de lettre-image, où de signe noir sur fond blanc est littéralement « signifiant ». Ceci nous rapproche de l’épellation vibratoire maçonnique où le silence inter-lettré fait puissance et supporte le signe comme les ténèbres sont écrin de la lumière.

Quoiqu’il en soit, le maçon bâtisseur utilisera la puissance intuitive du symbole pour construire sa spiritualité, offrant au divin la dimension construite issue du travail de la matière. À cette spiritualité « construite » se superposera à une spiritualité « révélée », celle du livre sacré qui contient la « Parole ». Mais la parole n’est-elle pas une expression humanisée de la lumière ?

Nous pouvons donc dire que dans un premier temps, c’est l’apparence qui fonde la lumière sacrale, puis dans un second temps c’est la représentation mentale pure qui fera passer l’homme d’une spiritualité matériellement réalisée à une spiritualité pure. Le lien se fera par les images archétypales, dont la loge est à la fois le conservatoire et le laboratoire, mais aussi par la parole qu’elle fut épelée lettre à lettre ou syllabe après syllabe.

La Parole ne sera qu’une production lumineuse de l’homme qui veut se rapprocher du Verbe. D’où le mythe de la parole perdue qui exprime la mécompréhension du sens profond de la lumière.

Avant le « Commencement » c’est « l’abîme » nous dit la Genèse, sans cycle ni puissance « apparente ». Après les six jours, c’est la sanctification soit l’arrivée du sacré qui accompagne l’apparence, laissant planer l’idée d’une puissance surplombante. Hors l’ensemble de cette pensée divine traduite en puissance réalisatrice a pour point central l’ordonnancement du chaos.

Cet ordonnancement est caractérisé par l’apparition de la lumière. Celle-ci est déclinée sous des aspects bien présents en loge, mais a pour point de départ les ténèbres.

Ces deux aspects, l’apparent et le sacré se tiennent en équilibre entre lumière et ténèbres, entre jour et nuit, entre plus haut et plus bas. Ils s’appliquent et s’imposent de manière surconsciente au Monde et à l’Homme pour l’espace symbolique qui lui est réservé par la Genèse.

Nous allons voir que la franc-maçonnerie, imitant la tradition antique solsticiale, conserve les rites qui célèbrent la conscience éclairée dans un espace borné et consacré de la Loge.

L’Œuvre et la Puissance ordonnatrice

Il n’y a pas de sacré sans espace ou lieu consacré.

Traditionnellement on dresse une pierre ou une colonne pour marquer un lieu en jonction entre la terre et le ciel.

Nous en revenons à la notion de bornes solsticiales, représentées par deux colonnes-Bethel dans le temple, qui marquent l’espace où sévit et agit la lumière et le souffle divin. Cet espace sera dûment consacré par le rituel d’allumage des feux au Rite Ecossais Primitif. Ces bornes sont au nombre de 4 (les deux colonnes le Soleil et la Lune) définissant le plan terrestre attribué à l’homme, après sont expulsion de la cité d’en haut, elles sont marquées par l’intersection du plan « terrestre » et de la course du soleil au jour le plus court et au jour le plus long tant pour le lever que pour le coucher du soleil. C’est cet espace qui est symboliquement reproduit en loge. Ceci reprend l’antique pratique du « Templum » qui faisait descendre un relevé céleste sur terre.

Donc derrière l’apparence des décors d’une loge est signifiée une présence, et une puissance créatrice et ordonnatrice d’origine céleste dont nous mimons rituellement la capacité à ordonner le Hékal de la loge à partir du Debhir. Cette présence se manifeste à nos yeux comme à notre conscience par la lumière répandue dans toute la loge.

L’aspect visible de la puissance divine est la lumière ordonnatrice. Quelque soit le point de vue religieux de chacun, le 6eme jour Dieu créa l’homme à son image (Genèse 1, 27), mais le premier jour Dieu dit : « que la Lumière soit », puis le troisième jour il la sépara des ténèbres (Gn 1 , 3-5), il sépara le jour de la nuit par les deux grands luminaires pour exprimer la puissance du jour et de la nuit et séparer la lumière et les ténèbres (Gn 1, 14-18). De ce qui précède nous concluons que la lumière précède la forme et l’homme.

Il n’y a pas d’image sans lumière et donc pas d’homme sans lumière intérieure, car l’homme produit lui aussi des images en lui qui elles précèdent son action réalisatrice dans la matière.

La lumière reste donc liée à l’ origine divine d’une Œuvre qui se fonde sur deux réalisations : la manifestation en général et l’apparition de l’homme en particulier, qui va chuter et s’éloigner de sa source première. Mais l’homme ainsi chassé du paradis conserve en lui, cette vision lumineuse et nostalgique qui éclaire sa pensée.

À bien relire la Genèse, celle-ci se déroule en trois phases que l’on retrouve dans la célébration rituelique de la Saint-Jean au REP :

1/La pensée divine émane dans le « vague » divin préalable à l’œuvre elle-même. Cette pensée va agiter (activer) la surface des eaux qui sépare le haut du bas,

2/puis la volonté intervient et s’impose au néant et enfin cette volonté va s’impliquer dans une coordination réalisatrice en six jours.

3/La réalisation : l’œuvre en 6 jours emporte l’exercice d’une puissance qui s’étend de la création du monde et au mystère de la vie.

Enfin la sanctification du 7ème jour viendra établir la « présence » dans cet espace.

La traduction dans la rituellie maçonnique du REP de la Saint-Jean d’Eté, celui de saint jean le Baptiste, introduit la pensée divine dans la structure même du rituel. Le nombre 6 installe la volonté organisatrice et illuminatrice dans le dessin d’une Étoile à cinq branches centré d’un foyer ontologique, et l’action se caractérise par l’eau versée du Jourdain à franchir, le sel de la vie jeté dans le centre, et le feu périphérique porté par les officiers de loge, réunie en son centre ontologique. (Au REP). Cette résorptions de la lumière de la périphérie au centre, corresponds a cette puissance décroissante du jour au profit de la puissance montante de la nuit. Ceci veut dire que l’homme plonge dans les tréfonds de son être à la découverte de lui-même.

Cette puissance divine en action dans la résorption comme dans l’accroissement sera représentée aux yeux des hommes par la lumière et son cycle. Il faut comprendre que si l’homme interprète le jour et la nuit comme une opposition apparente, c’est la même puissance agissante qui est à l’œuvre donnant à cette apparence un sens complémentaire dans une seule unité. Ainsi l’opposition apparente est en vérité une complémentarité réelle et nécessaire. Elle annonce la présence d’un cycle.

La complémentarité cyclique est le principe général qui conduit l’initiation maçonnique et qui se retrouve dans la lecture du tableau de loge intentionnellement placé sur un pavé d’une mosaïque des compléments.

L’Orientation et la Présence

La Lumière en tant que source ontologique reste l’artefact d’une indicible puissance, celle-ci va impliquer l’orientation du bâti sacré, jusqu'à l’orientation de la psyché. Avec l’évolution de l’homme, entraînant une perception consciente plus affirmée, la puissance sera perçue comme une « présence ». La Présence surplombante donnera la supraconscience en soi, comme le Temple de Salomon donnera le temple intérieur !

C’est elle, la « présence », qui va définir l’implantation de la porte du soleil levant appelée porte des Dieux et la porte du soleil couchant appelée porte des Hommes. Étant connue et reconnue par les bâtisseurs, c’est en fonction de cette lumière-présence que l’on décidait de l’emplacement des ouvertures dans les murs, ainsi que des vitraux dans la maison qui devait accueillir la « présence » divine.

Encore considérée comme exogène à l’homme, cette puissance devenue présence, fut l’apex de toutes pensées et civilisations. Dieu accompagna l’homme dans son évolution psychique, ce n’est qu’au Siècle des lumières que l’on envisagea le caractère endogène de la lumière et plus tard la mort de Dieu.

L’Orientation et la Présence sont bornées dans une échelle de temps propre à l’homme et à la nature. Le temps impacte la matière et l’homme sur lesquels il produit un effet.

Deux jours par an, pour les civilisations de l’hémisphère Nord, la lumière solaire présente un intérêt particulier impliquant la notion de cycle et de retournement. Ce sont les deux jours marquant l’expression antique d’une volonté divine marquée par le juste équilibre des forces centrifuges et centripètes, que nous retrouvons dans les rituels de la Saint Jean d’Eté et d’Hiver (REP).

Le point de retournement, bornage de l’espace et du temps

Un cycle est borné et implique un retournement consistant au passage du plus haut vers la plus bas et inversement.

Le jour le plus court de l’année correspond à la fête de St-Jean l’Evangéliste appelé solstice d’hiver et le jour le plus long correspond lui à la fête de St-Jean Baptiste appelé solstice d’été. Mais le paradoxe de cette définition, c’est qu’ils annoncent tous les deux le contraire de ce qui les caractérisent. Ainsi le jour le plus long annonce la décroissance de la journée et le jour le plus court sa croissance ! il s’agit d’un cycle elliptique fondé sur l’annonciation.

Les colonnes Jakin et Boaz viennent attester d’un espace limité, octroyé à l’homme par la puissance divine. Cette limitation en loge maçonnique suit les plans et dimensions du Temple de Salomon : seul le ciel est sans limites ! (« des pieds et des coudées sans nombres » !)

C’est à l’intérieur de ces limites que le les maçons perçoivent leur salaire de lumière, et plus précisément au pied d’une colonne. Donc les colonnes qui encadrent la porte du couchant sont une source d’enrichissement initiatique.

Ces deux Saints ont une valeur symbolique importante en maçonnerie par leur place dans le calendrier. C’est en effet un point de retournement du cycle des saisons et du temps cyclique. À ce sujet ce point de retournement est commun aux petits mystères et aux grands mystères en ce sens que le macrocosme (l’univers / création) est intervenant dans le microcosme (l’homme / vie). Ce point est donc une porte d’accès entre les petits et grands mystères, mais aussi un point commun entre le mystère de la manifestation et le mystère de la vie.

De plus le temps cyclique est parfaitement représenté dans les loges symboliques avec le cycle lunaire et solaire (grands luminaires du 3ème jour), avec les travaux qui s’effectuent de midi à minuit, conçu comme des plus hauts et des plus bas cycliques etc…

Les points de retournement sont présentés sur un plan éthique dans le cabinet de réflexion par le renversement du sablier, par la faux et la graine germinale, par la mort qui fait place à la vie….Il est représenté aussi par la marche à reculons du futur apprenti dans sa dernière épreuve, celle du feu de vérité ou feu purificateur.

Les deux baptêmes

Les loges de Saint-Jean sont héritières des loges opératives et des confréries de métiers consacrées à un saint, médiateur céleste.

Saint Jean-Baptiste, fut surnommé le « Baptiste » parce qu'il baptisait dans le Jourdain, et Jean le Précurseur prêchait le renoncement et le repentir. Il est le Saint jean de l’Ancien Testament, de l’ancien cycle.

C'est pour ses idées de fraternité et de justice qu'il fut décapité sur l'ordre d'Hérode d’où le sens ésotérique pour les Maçons. Sa décapitation marque la fin du cycle où la relation au divin était d’une nature descendante et craintive.

Il s’agit d’un signe qui nous invite à penser différemment, non plus avec nos habitudes et nos préjugés craintifs, mais avec notre nature spirituelle « renouvelée ».

Le baptême par l’eau est celui de la matière. C’est celui du franchissement du Jourdain du passage d’une rive à l’autre de l’Ancienne Loi à la Nouvelle Loi, de la Première Alliance à la Seconde Alliance. La tête tranchée est symboliquement un changement de repère, un changement d’état, une purification au sens alchimique (tête de corbeau).

La Maçonnerie moderne ayant une origine chrétienne, ceci nous fait comprendre pourquoi saint Jean-Baptiste, en analogie avec son rôle dans la Bible, représente dans le contexte maçonnique, l'initiateur et le purificateur par excellence, se purifier avant d’entrer dans la lumière du nouveau cycle ou le divin intègre le cœur de l’homme.

Les deux Jean et Jésus vont prendre symboliquement la place des « dieux » solaires. Ils vont définir la lumière dans sa forme apparente et dans son essence invisible et purement intérieure: le Baptiste annonce le lever du soleil. Il est donc représenté par un coq du réveil ou plus symboliquement de l’éveil. Le Rite Ecossais Primitif ne reprend pas le coq païen dans sa symbolique, il s’appuie sur le mercure qui est un métal à l’état liquide fort à propos en guise d’eau de la métamorphose de la matière et du passage d’état à un autre.

Ce mercure a donc la même signification par son aspect et sa capacité transformatrice et volatile que le coq situé au sommet de l’axe du clocher des églises.

Quant à l'Evangéliste, il était le disciple préféré de Jésus et c'est lui qui posa sa tête sur « le cœur » du maître assimilé « au centre » ou « lumière en soi » et fût logiquement symbolisé par un aigle, « l’Aigle de Patmos », le seul animal à pouvoir fixer et intérioriser le soleil dans tout son éclat.

Il reste à nos yeux le représentant du Nouveau Testament l’apôtre d’une parole d’amour fraternel et pour les francs-maçons celui qui dans sa grotte de Patmos transmet le message de lumière : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’on point reçue …». C’est une lumière illuminatrice dont il s’agit, celle d’une intériorité intemporelle, qui ne tient sa force de briller que d’elle même, au-delà des cycles.

La pureté prévaut et son association aux les épreuves purificatrices de l’initiation se justifient, comme dans le cas de la purification par l’eau lustrale de St Jean Baptiste. Cette pureté est bien une notion relative à notre intériorité que l’on veut inatteignable et inaltérable par le milieu extérieur, les vicissitudes et tentations, les désirs inassouvis et les refoulements…

Ni l’un ni l’autre ne se suffisent à eux-mêmes, ils sont dans une interdépendance typique du cycle lumineux. Les deux colonnes sont à la périphérie du cercle témoignant d’une unité centrale qui n’est autre que le centre générateur du cycle. C’est ici que se prépare l’intervention de celui qui va recentrer la signification de la lumière en lui donnant le sens final et purement intérieur et central.

La voie équinoxiale, la voie du milieu

Du double à l’unité : seul le père voie son enfant naître, l’enfant n’en conserve que l’interrogation.., il scrute la ressemblance et évalue la filiation. Le Jésus de l’Évangile aurait trouvé le point de jonction avec le centre des centres dans la figure qui le caractérise le mieux, la figure d’un schème absolu et directeur de l’esprit : le chrisme.

Enfin Jésus donne à cette lumière intérieure un aspect équinoxial et axial, c’est celui du juste équilibre de la chair et de l’esprit. Il s’agit de l’alliance de la matière et de l’esprit par l’amour fraternel.

En fait les deux colonnes trouvent à se conjuguer en un centre médiateur. Ainsi va naître à partir de cette figure antique et Jacobéenne la notion de médiateur céleste au rang desquels peuvent se situer le premier d’entre eux, le Christ, mais aussi tous les saints dont les deux Saint- Jean. Le fait qu’ils soient doubles dans deux domaines complémentaires corrobore la notion de provenance unitaire. On retrouve dans la notion de descendance céleste ayant échoué sur terre, Abel et Caïn issu d’une même parenté dans deux niveaux de spécialité différents : le nomade et le sédentaire, seulement l’éleveur va être tué par le cultivateur jardinier. La conciliation du lieu et du mouvement annonce les futurs conflits entre exilés et autochtones, entre indigènes du lieu dit sacré et détenteurs de l’interprétation des écritures. On retrouvera cette problématique dans la figure multiple d'Abraham à la fois tribale et universelle, mais aussi dans l’Épisode du retour d’Égypte, ou du retour d'exil à Babylone. Ainsi une colonne ne vaut que par sa base, le franc-maçon apprend à conjuguer les deux points d’appui de toutes spiritualités: le lieu et la pensée structurée du plus haut.

Le futur Christ du Nouveau Testament se tient dans le juste milieu qui est le centre d’une croix tridimensionnelle, comme le fera Saint-André suivant la légende. L’image archétypale des trois croix sur le sommet du Mont du Crâne (Golgotha) est suffisamment explicite, et suggère qu’entre les deux croix-colonnes se situe une troisième sommitale plus élevée.

Il ouvre la voie de l’esprit et de sa renaissance en soi, telle la lumière oubliée qui rejaillit des ténèbres. Le Christ prenant l’exemple de Saint-Lazare nous dit qu’il est possible de passer de l’autre coté de la nécessité et de la contingence, de l’insatisfaction de l’avoir, et de vivre en esprit de réveiller l’âme mourante en nous, de sortir de la grotte et de se libérer de ses bandelettes…soit renaitre en esprit libre de ses contraintes.

Comme l’apprenti chemine par trois pas dans l’axe de la lumière, comme le compagnon se tient entre la perpendiculaire et le niveau et comme le maître se tient entre l’équerre et le compas, il semblerait que la vérité lumineuse se tienne à la croisée des chemins, au centre de la croix formée de trois axes et six directions. Ce centre, foyer de l’origine, semble être la porte d’accès aux niveaux de conscience les plus éclairés.

C’est ici le sens universel de l’élévation initiatique fondée sur la fraternité des hommes. La fraternité ne tient que par l’amour au sens du Nouveau Testament. Cet amour est dit « fraternel » en maçonnerie et emporte dans sa définition la transmission des capacités transformatrices de l’homme par le devoir de mémoire. Ceci introduit au cœur de l’homme, et donc en son centre, la lumière des Saint-Jean pour une évolution spirituelle qui se traduit par une plus grande humanisation. C’est ainsi que le maçon arrive à situer sa lumière intérieure en son centre.

Esprit, tradition, humanisation sont les puissants moteurs de la méthode maçonnique johannique et donnent à l’initiation individuelle un cadre collectif intemporel et universel.

Synthèse de la voie du milieu

Ces deux notions, amour fraternel et devoir de mémoire, sont la base culturelle et symbolique que les francs-maçons mettent en œuvre dans leurs rituels johanniques. La transmission de la tradition dans la fraternité même, semble être le premier accès à l’intemporalité et à l’universalité. En effet la fraternité qui survit, intègre dans son « devoir » la mémoire lumineuse du FF passé à l’Orient éternel. Cette lumière mémorielle s’associe à la lumière de chaque maçon, et le jour de la Saint-Jean, comme à chaque chaîne d’union, les Frères du passé sont présents « en esprit ».

La « Saint-Jean d'été » et la « Saint-Jean d'hiver » furent établies par l'Église pour adapter et « christianiser » les coutumes païennes préexistantes qui étaient issues de la Grande Tradition Universelle.

C’est ainsi que la Saint-Jean-Baptiste fut placée le 24 juin.

Le choix du 25 décembre pour la nativité du Christ était destiné à « couvrir » les fêtes païennes du solstice d'hiver (le 13 décembre pour la Sainte Lucie des territoires du Nord).

Les fêtes de Saint-Jean, aux deux solstices sont la continuité de la fête de Janus le dieu des portes. . Les fêtes solsticiales renvoient au symbolisme romain de Janus, le dieu aux deux visages et, plus tardivement, aux fêtes chrétiennes de la Saint-Jean d'hiver (Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre) et de la Saint-Jean d'été (Jean le Baptiste fêté le 24 juin).

La fête de Janus qui « ouvre » et qui « ferme » sur un intérieur et un extérieur a soi, sont aussi les portes du cycle annuel, « Janua » signifiant « porte, accès ». Janus, le dieu bifront, regarde à la fois en direction de la phase ascendante et de la phase descendante du soleil, sous entendu a la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Son unité corporelle suppose donc une double vue.

Après la christianisation des mythes traditionnels ancestraux, les deux Jean prirent la place d’une des deux faces du Janus.

Ceci souligne que le dédoublement est toujours issu de l’unité, soit un Saint-Jean aux deux visages ou plus précisément aux deux domaines d’intervention, celui qui intervient sur la matière (l’eau) et celui qui intervient sur l’esprit (la lumière). Le Christ, héritier du mythe d’Orphée, l’illuminateur réconcilié avec Apollon, viendra parfaire l’unité et le principe d’équilibre de la matière et de l’esprit, de la substance et de l’essence que nous retrouvons dans l’entrelacement du compas et de l’équerre.

Ce fut Jean le Précurseur, dit le Baptiste, celui qui baptisait d’eau et annonçait la venue de celui qui baptiserait du feu, puis ce fut Jean l’Evangéliste, le confirmateur, témoin de cet amour fusionnel et symbolique du feu et de l’eau et qui allait inaugurer baptême en esprit. Tous les deux avaient pour point de convergence Jésus.

Le nom de la « Noël », qui signifie « fête », n’est apparu que vers 330. Il s’agit encore d’une fête de la lumière, qui cette fois-ci renaît en l’homme, en son cœur comme le nouveau-né dans la grotte.

Au moment où le Soleil atteint son apogée, la lumière spirituelle trouve la perfection de sa forme concrète et porte en elle toutes les potentialités d’une moisson abondante tant matérielle que spirituelle. Le Baptiste inaugure la descente en soi, la décroissance de la lumière s’analyse en introspection jusqu’à la découverte de cette pierre de fondement ou pierre philosophale suggérée par l’acronyme maçonnique et alchimique V.I.T.R.I.O.L et par l’adage pythagoricien « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux »

Saint-Jean d’hiver représenté par l’Evangéliste annonce l’élévation et la sortie de l’enferment corporel, il sera associé au passage des petits mystères aux grands mystères. Cette approche est fort ancienne : Elle nécessite l’usage de clé pour ouvrir les portes qui donnent accès à la connaissance. Janus alias les Saint-Jean, auront successivement une clé pour la porte des petits mystères (Le Baptiste) et une clé pour les grands mystères (L’Évangéliste).

Le Baptiste détient la clé d'argent (ou le sceptre) qui ouvre ou ferme la voie descendante vers l'obscurité ou l'ignorance (spirituelle) c’est l’eau descendante du baptême. L’Evangéliste possède en lui la clé d'or qui ouvre ou ferme la voie ascendante vers la lumière ou la connaissance spirituelle, c’est l’élévation de l’esprit hors du corps.

Les clés font de Janus le dieu de l'initiation aux “mystères”, pour passer la porte il faut avoir la clef. Cette clé n’est rien d’autre qu’une clé de lecture, un schème agissant en soi. L’association successive des deux clés ouvre sur un champ d’investigation qui remet l’homme au centre du Tout originel.

On peu dire que cette synthèse passe par un syncrétisme par étapes qui justifie la progression graduelle en franc maçonnerie. On comprend pourquoi au début de la Franc-Maçonnerie spéculative, les rites primitifs continentaux, aux rangs desquels se situait les rites écossais, se pratiquaient en deux grades avec des mots de passage inversés : Le sens Jakin –Boaz renvoyait aux Petits Mystères de la connaissance de soi, le sens Boaz-Jakin renvoyaient aux Grands Mystères de la connaissance du Tout. Autrement dit chacune des colonnes à salaire était représentative d’un état de conscience, résultant d’une direction et d’un parcours spirituel comme les deux faces du Bifront. Percevoir un salaire de lumière veut donc dire augmenter son niveau d’éveil.

L’arrivée du grade de Maître déplaça l’accès aux Grands Mystères avec un autre mot lié à la mort corporelle d’Hiram et sa survie axiale en esprit. L’apprenti et compagnon se partagèrent l’éveil des Petits Mystères par répartition entre la ligne et le plan, les deux mots furent scindés, perdant une partie du sens cyclique.

Ce que nous annonce le syncrétisme de la voie du milieu c’est bien plus qu’un simple retour à l’unité ou une faculté de double vue : C’est que la liberté se gagne par le centre lumineux de soi, par une conscience toujours plus éclairée et jamais asservie, indomptable, résistant à la force ou l’oppression, permettant l’accès aux niveaux supérieurs de la conscience et autorisant la joie de vivre et le réveil de l’âme.

Le rituel rappelle que c’est ainsi que les francs-maçons sont devenus les disciples de saint Jean, car bien qu’ils fussent enfants de la veuve, ils sont libérés des métaux et avant tout Enfants et « Fils de la Lumière », soit issus d’une unité originelle « essentielle » et vitale.

Le franc-maçon est un homme pris dans la matérialité de l’instant qui par son initiation renaît dans la lumière intemporelle. Acceptons que la lumière intemporelle ne soit pas visible en dehors de notre intériorité et quelle se traduise en actes positifs « lumineux ». Il est possible que cette lumière métaphysique ou divine surplombante, reste une modélisation inaccessible au commun des mortels, et ne relève finalement que du domaine éthique et de la nécessaire élaboration d’une norme sociale supérieure qui s’impose à tous. (Nous reviendrons sur cette question.)

L’initiation par l’esprit est en rapport symbolique avec la prise de conscience d’un point de retournement cosmogonique et éthique. Ce point de retournement est marqué par le cycle de la lumière et la germination de l’esprit au cœur de la matière. L’initiation réveille une parcelle lumineuse, une graine qui est et sera l’essence de l’homme, c’est l’éveil.

C’est en recevant et reconnaissant cette lumière par étapes successives et graduelles que le Maçon trouve en lui sa graine spirituelle qui va croître vers son propre chemin de Vérité.

C’est en célébrant la fête de la lumière à la suite de nos ancêtres que le franc-maçon, par son rituel, rend un hommage « illuminé » au mystère de la création et au mystère de la vie dont il se veut pleinement participant.

(pour aller plus loin voir le Livre de l'Apprenti au REP pages 219-226.)

E.°.R.°.

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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 10:11

IIIème / Le travail évolutif du franc-maçon, esprit et humanisation :

Tous les rituels maçonniques s’organisent autour de deux centres d’intérêt : la célébration du centre par la recréation de l’état manifesté sur le plan terrestre, et la célébration des qualités évolutives et cognitives de l’homme. Dans son processus évolutif l’homme est observant de lui-même et s’interroge, il spécule entraînant son image dans des perspectives montantes et descendantes qui font son humanité grandissante jusqu'à obtenir une révélation. C’est ce que nous donne à voir la pierre cubique à pointe.

Tout nous laisse à penser qu’il y a dans le travail du franc maçon un aboutissement, qui passant par la construction préalable de soi, débouche sur une sorte de révélation.

Cette pointe de la pierre cubique à pointe « révèle » un centre caché et une tentative de détachement de la matérialité. Cette pointe est une apparition et reste un mystère.

La question se pose de la séparation de l’esprit et du corps. Si la question se pose lors de la mort, on rejoint alors l’image de cette hache qui pourfendant la matière pourtant parfaite, vient libérer l’esprit. Je pense que la question ne se pose pas pour le franc-maçon. Ce dernier muni de sa parcelle illuminatrice ne s’interroge que sur la perfection et le tutoiement de son plus haut spirituel. La mort ne serait qu’un reconditionnement de la matière, quant à la destinée de l’esprit et sa naissance ou renaissance il appartient au véritable mystère de la vie comme la part irréductible qui sublime et irrigue la saveur de notre passage. Résoudre ce problème revient à cesser de chercher. Cependant l’angoisse est si forte que l’homme élabora deux types de réponses sous le vocable résurrection : la première est éthique, elle se rapporte au redressement de l’âme dans le corps par l’effet de l’élan vital réveillé en réponse au mythe de la chute d’Adam, la seconde est l’idée du salut et de l’immortalité consolatrice soit de l’âme soit de l’esprit après la mort corporelle. Ces deux aspects semblent présents dans le rituel d’élévation ou d’exaltation du maître.

On comprend l’intérêt de se départir du schéma et du filtre corporel déformant pour avoir la vision totale. Nous souhaiterions avoir pour guide non plus l’étoile à cinq branches, typique de l’homme dans ses proportions, mais l’étoile à six branches ouvrant sur la totalité.

L’homme peut-il vraiment tenter le détachement ?

Si l’évolution de l’homme repose sur sa capacité à être plus éclairé par une conscience plus profonde et plus harmonieuse avec la nécessité biologique, pourra-t-il se détacher de sa propre contingence ? Pourra-t-il se départir du pentagramme pour intégrer l’hexagramme, ou devra-t-il être les deux (hexagramme pentalphique)?

La démarche rituelique du franc-maçon accompagne et devance ce mouvement par l’assimilation consciente et harmonisante de l’esprit-conscience. L’esprit éclairé favorise l’introspection comme la prospective dans un tout harmonieux et durable. C’est alors que l’esprit éveillé prend le dessus sur la matière qui reste un support, un appui. La contingence sera le point d’appui pour l’envol, elle ne nuit pas à la démarche maçonnique. C’est tout le sens de l’humanisation évolutive de l’homme, soit le contraire de l’involution qui donnerait au support la prééminence au détriment de l’esprit.

a/ De la métamorphose du regard à la transmutation de l’être.

La pierre née de la grande nature et travaillée par l’homme est donc l’objet d’une évolution et d’une transformation-transposition, à laquelle répond une métamorphose du regard. Pour mémoire de ce qui précède (précédente parution), la transformation est relative à l’acte sur la forme résultant d’un savoir-faire, la transposition est relative à l’interprétation de la forme dans un niveau de conscience toujours plus élevé. Donc à la forme plus évoluée comme la pierre cubique à pointe, correspond un niveau d’interprétation plus évolué. L’évolution, s’agissant de la forme et de son interprétation, s’analyse relativement à la notion d’harmonie de la matière et de l’esprit. Autrement dit la forme harmonieuse nous donne accès au niveau supérieur de la conscience. Cet accès est clairement une « révélation ». La révélation est l’accès à « un plus haut » conscient.

Qu’en est-il du regard du franc-maçon : on le dit métamorphosé. La meta-morphose s’appuie, une fois encore, sur la forme qui donne accès à l’interprétation à haut niveau de conscience. La pierre sert toujours d’appui pour l’élan spirituel et vital.

Résumons : transformation+transposition = métamorphose.

À ce stade si l’objet observé s’interprète dans in plus haut évocatoire et révélateur, il semble évident que l’observant subisse aussi une métamorphose. Son être entier sera impacté par la révélation du niveau de conscience plus élevé (la fameuse lumière illuminatrice du franc-maçon). On parlera de transmutation, de changement d’état.

Ce nouvel état n’est pas extérieur à nous même, mais on le représente volontiers comme éthérique ou purement spirituel. Cette représentation doit être ramenée aux potentialités naturelles de l’homme que certaines techniques prétendent réveiller. Une fois de plus il ne faut pas prendre les vessies pour des lanternes (inversion du sens) et considérer que ce voyage de la transmutation se déroulera en dehors de nos niveaux supérieurs de conscience. La représentation mentale peut sembler nous extraire de notre corporalité, mais réellement tout ce déroule dans une supra conscience. Si l’on admettait que par notre conscience la plus élevée nous accédions à des contrées hors de notre enveloppe charnelle, il faudrait admettre que la supraconscience fut en partage chez tous les humains suffisamment avancés dans l’éveil, ce qui reste une option intéressante sur laquelle nous reviendrons, en faisant un rapprochement avec le mundus imaginalis propre à la voie chevaleresque. En toute hypothèse, il s’agira du point de vue le plus élevé, comme si l’observant avait changé de plan.

Donc transformation+transposition=métamorphose du regard + transmutation de l’être dans état de conscience plus élevé.

Revenons au schéma de la pierre cubique à pointe qui fait partie de la méthode initiatique maçonnique.

Le passage de la trans-formation à la meta-morphose de la vision à pour pivot la trans-position qui est un changement de monde par la représentation mentale. Il y a clairement un rapport d’identification entre l’objet et le sujet, associée à un transport dans un plus bas comme dans un plus haut de l’image mentale. Le rapport et le transport sont deux éléments conceptuels et matériels et intuitifs qui vont intéresser la démarche spéculative pour la faire aboutir sur l’immensité de territoriale de la révélation. Nous entendons la révélation comme une révélation à soi, à sa propre conscience éclairée au-delà de la contingence, soit une conscience directrice et surplombante qui produit dans le domaine de la perfection humaine les vertus cardinales et dans le domaine idéal les vertus théologales. En passant dans le territoire de la révélation, nous quittons la spéculation. Nous ne pouvons plus que contempler l’image découverte en nous. Continuer à spéculer face à la révélation de la conscience la plus haute, rend insaisissable l’absolu. Un esprit absolu n’est ni pensable ni imaginable. Cette constatation nous renvoie au divin lui aussi insaisissable, non représentable et innommable comme en ont décidé certaines religions.

b/ L’observant-spéculant face à la révélation, forme et déformation.

Le symbole prend tout son sens dans une lecture de soi en miroir.

Le franc-maçon devient lui-même l’objet de l’observation : « la pierre objet » se confond au « sujet observant ». Donc l’objet pierre cubique devenue pierre cubique à pointe est l’homme dans son potentiel évolutif passant du microcosme au macrocosme. Toute observation spéculante implique le sujet observant en l’objet observé. Les deux, sujet et objet, sont indissociables de la même spéculation, ce qui nous fait dire que l’homme spéculant génère par sa présence une vision transformée, voir déformée d’une réalité.

Aucune réalité ne peut se dissocier de la présence de l’observateur. Donc la pierre cubique à pointe dans ses trois niveaux de langage n’a de sens sans l’homme. Il en est de même du Temple et du Divin. Le regard de l’observant donne une tonalité différente à la description de l’objet suivant son propre niveau d’éveil. Donc l’absolu ne peut exister dans le regard de celui qui le décrit, ou du moins l’absolu ne peut être extérieur à la conscience de l’homme. Cet absolu n’est alors qu’une perception un point de vue relatif. Donc il perd sa qualité et devient inatteignable..

Le seul moyen de défaire l’influence du regard sur l’objet est de couvrir ce regard. C’est le sens le plus appuyé de l’initiation que de bander les yeux de l’impétrant ou de lui protéger les yeux derrière une main ou un masque, une voilette, etc. Ce qui est ici recherché c’est la vision sans observant, soit une vision totale au-delà du sujet observant… Il faut donc trouver un autre « observant » qui ne soit ni spéculant, ni dirimant pour l’objet et sa vision. Ce nouvel observant ne peut être que l’esprit dans ses facultés les plus hautes et les plus lumineuses. Il se trouve que cet esprit dans sa situation la plus lumineuse nous a toujours accompagné mais ne s’est pas toujours révélé à nous. Il ne se révèle à nous dans la méthode maçonnique qu’a l’issue d’une pérégrination spéculative sur nous-mêmes, qui aboutit à la révélation d’une présence lumineuse en nous.

Ce nouvel observant non spéculant que nous cherchons en nous est peut-être « la présence » en notre for intérieur. Cette présence n’est pas visible au regard spéculant, elle est littéralement une « vue de l’esprit » dans son sens non péjoratif. C’est pour certains la fameuse parcelle de lumière divine ! Dieu ne spécule pas il se révèle ou se théophanise.

c/ la présence illuminatrice

Comment outrepasser la présence déformante de l’observant ? C’est impossible, à moins que l’observant ne soit qu’un support pour la présence, ou plutôt que la présence (alias la lumière) se soit installée dans le centre profond de l’observant et y sommeille jusqu’a son Réveil-Eveil.

La vision serait alors révélation lorsqu’elle ferait appelle à la « présence en soi ». Ainsi nous ne pouvons voir qu’en nous-mêmes, et pour ce qui nous est extérieur nous ne pouvons que percevoir la traduction « déformée » que fait l’observant des formes couleurs sensations, etc. Nous n’avons de vision directe qu’en nous même et relativement à cette lumière intérieure qui est présence. C’est par cette vision intérieure que nous pouvons rétablir la déformation due à la présence de l’observant face à l’objet. L’initié pour voir doit transiter par sa lumière intérieure, appelée centre ou présence. Ainsi cette lumière intérieure qui est le centre de la pierre cubique se projette et éclaire la vision de soi et du monde, c’est la pointe de la pierre cubique a pointe.

J’insiste sur cette notion de « présence lumineuse » en soi qui est d’une certaine façon une paire de lunettes pour mieux voir. Cette « présence » est une conscience évoluée qui entraîne la vision symbolique ou le don de double vue du franc maçon et qui tend vers la vision totale de soi et du monde. Cette vision totale n’est plus spéculante, elle est révélée comme la pointe révèle le centre de la pierre cubique à pointe. Cette conscience évoluée ou supra conscience qui est cette présence lumineuse en soi, inspire l’harmonie, la complémentarité de l’Alpha et de l’Oméga, et donc le sens de la vie. Ceci se traduit par l’humanisation grandissante de l’homme qui n’est autre que la valorisation en soi, de cette présence que nous qualifierions de lumineuse.

Les francs-maçons se réclamant de l’humanisme social doivent apprendre cette importante notion de « présence illuminatrice » synonyme de supra conscience directrice au plan éthique, d’autant que sans l’exclure, elle peut se définir sur un strict plan psychique sans passer par une quelconque religion.

Cette présence illuminatrice ne serait-elle pas le résidu du Verbe en nous ?

d/ Le symbole de perfection « révèle » sans spéculation.

L’homme de manière intuitive confondra le tout à lui-même assez naturellement, car « la présence » est en rapport avec son véhicule corporel et la compréhension du tout. Ceci nous donnera de nombreuses tentatives de description de l’élan vital symboliquement présent dans la pierre cubique à pointe. Ces tentatives d’explications se feront sur le mode éthique et métaphysique. Nous aurons de nombreux symboles axiaux tels que : le temple, l’arbre (Ydgagsil ou séphirotique), le caducée d’hermès et ses deux serpents, jusqu’au mât de cocagne dans nos traditions villageoises qui n’est qu’une interprétation dégradée du symbolisme axial (voir notre étude sur l’axis mundi).

Ce symbolisme axial sera filtré et digéré par l’anthropomorphisme rappelant ainsi que l’absolu qui est l’intemporel, que l’on dégrade dans sa traduction humaine par l’éternel et par l’immortalité, est une production de la spiritualité de l’homme.

Le sommet du symbolisme axial sera atteint par la croix sur laquelle on crucifie le Christ. Ainsi le schéma corporel de l’homme qui serait la mesure de toutes choses selon Protagoras, est sanctifié dans un plus haut conjuguant à la fois le sens tridimensionnel de la croix que nous retrouvons dans le cube, mais aussi la transposition du corps et de l’esprit du Christ dans un ailleurs et dans un autre état. Cet autre état fait appel à un état spirituel élevé, il le révèle sans autre forme pour le polluer. Ce n’est que l’interprétation et la justification dogmatique qui va abîmer le sens de cette révélation en cristallisant la spéculation dans une explication peu convaincante.

Lors de cet évènement majeur et fondateur de la conscience supérieure (crucifixion du Christ en croix), on peut y voir l’évidence, la révélation d’une présence lumineuse en chaque homme, véritable ressort de la vie, plutôt que continuer à spéculer en prenant le symbole pour vérité autonome. Le symbole (crucifixion sur la croix) n’est pas autonome il se rapporte toujours à notre psyché, il ne peut donc être sujet d’idolâtrie, il doit rester objet support pour comprendre l’évolution de l’humanisation. Ce qui est immortel dans l’image du Christ sur la croix c’est son accomplissement. Cet accomplissement et potentiellement présent en nous et ne demande qu’a se réveiller. L’exemple symbolique de l’accomplissement du Christ est depuis lors transmis de génération en génération. L’accomplissement de soi dans l’exemple donné par le Nouveau Testament consiste au réveil de l’esprit en l’homme et dans sa part animatrice du corps ; appelée « âme ».

L’âme animatrice est ressort de vie, le verbe incarné qui allume la vie. Il n’y a de résurrection que dans le réveil d’une âme harmonisatrice oubliée, au profit de la contingence matérielle qui est l’aspect métallique en franc-maçonnerie. Cette résurrection est faite du vivant de l’homme. C’est finalement ce que propose la légende d’Hiram au nouveau maître : être pleinement en harmonie en corps et en esprit en relevant, en redressant, en réveillant une âme endormie dans la matérialité.

e/ De l’immortalité anthropomorphe à l’intemporalité. Problème de la survie par la transmission.

Face à l’angoisse de la mort totale, l’homme « anthropomorphise » l’image, la représentation mentale de sa survie.

Il s’engage dans l’idée d’une récompense ou d’une rétribution. C’est ici l’héritage de la période mythique qui organise et récompense et rétribution. Ce schéma corporel traduit en tripartition de l’Être suppose que quelque partie reste éternelle. C’est l’immortalité de l’âme qui dans l’expression Chrétienne s’en va rejoindre Dieu comme récompense éternelle ou le diable comme punition éternelle. Dans les deux cas dans une éternité impossible, car simplement intemporelle. On retrouve un autre schéma dans l’explication hindoue : l’âme réapparaît incessamment dans un cycle « normé » jusqu'à l’union éternelle dans le Nirvana. Voilà les plus beaux exemples de l’anthropomorphisme du divin. Mais l’homme même réfugié dans son plus haut niveau de conscience, dans sa lumière illuminatrice, ne sait rien de la vie après la mort. Pour l’initié véritable ce n’est plus sa préoccupation, car il n’est plus angoissé et n’a plus besoin de se raconter la suite : il est pleinement ce qu’il est, c'est-à-dire vivant. Ce qui se passe après n’a de sens que pour ceux qui restent dans l’angoisse, c'est-à-dire leurs proches ou leurs Frères. Ceci restera mystère incompressible pour tout un chacun.

La tentation est forte de vouloir se survivre est d’attacher une potentialité immortelle à une fraction de son être. On va affirmer que le corps va ressusciter, que l’âme va survivre dans un ailleurs, que l’esprit est immortel, car il ne nous est pas acquis, etc. Il faut donc exister au-delà de notre temporalité. Nous répondons ainsi facilement à notre angoisse de la mort. En acceptant ce détour de l’immortalité du corps, de l’âme ou de l’esprit nous concédons que le divin s’opère en nous en puissance extérieure à nous et donc exogène, car c’est lui qui décide et qui concède cette faculté d’immortalité. Je pense que ce point peut être revu de manière endogène en se fondant sur la « révélation à soi ». La révélation à soi caractérise le divin en-soi. Inutile de chercher à l’extérieur ce que nous avons en nous. Finalement le Divin appartiendrait à la conscience de l’homme qui ne sait pas le trouver. L’habitude animiste de considérer la puissance divine comme extérieure à soi reste forte. Remarquons que de considérer le divin de manière endogène ne rend ni les prières ni les invocations caduques. Au contraire on comprend alors que tout ce qui fut imaginé comme extérieur à soi n’était qu’une production anthropomorphisé de notre intériorité et que nous pouvons désormais en considérer l’efficacité en fonction de nos mécanismes psychiques. Donc les anges, les médiateurs célestes, les théurges et les occultistes, conservent leur utilité d’un point de vue endogène.

La franc-maçonnerie hérite de l’anthropomorphisme dans ses rituels, elle en fait même une étoile à cinq branches…. Tous les symboles maçonniques ont une application éthique à la mesure de l’homme et sont un miroir. La voie maçonnique considère la lumière de l’esprit en tout homme comme une donnée éclairante et humanisante. Au terme de la vie, ce qui subsiste de par la légende d’Hiram c’est l’idée du comportement éthique comme symbole de perfection. Le relèvement du maçon par les cinq points de la maîtrise nous engage à croire à notre tour au relèvement d’une sorte de maître intérieur. Ce relèvement est de même nature que l’apparition de la pointe sur une pierre cubique ou le relèvement de Bethel par Jacob. C’est au centre de soi que tout se déroule. C’est l’âme que l’on réveille et l’esprit qui se déploie. Nous en revenons à cette idée d’une présence en soi qui se réveille et se relève. Évidemment on fait immédiatement la corrélation avec le mythe de la chute Adamique dont le « relèvement » en nous, rend le retour dans l’axe possible après purification.

L’homme se parfait par son humanisation qui est l’harmonie du corps et de l’esprit.

Il n’y a pas d’humanisation sans fraternité, car c’est dans l’autre que nous voyons l’homme.

La fraternité induit la communauté d’esprit.

La communauté se fonde sur l’héritage des valeurs et le partage des expériences communes.

Donc l’humanisation, la fraternité, la communauté se construisent autour d’une pierre de fondation qui est le point d’appui de la transmission archétypale devenue « tradition ». La transmission- tradition relie le présent au passé essentiel. La tradition effectivement transmise est l’exercice collectif qui consiste à sauvegarder dans une organisation éthique et métaphysique les deux notions de « transformation » et de « transposition » indispensables à la représentation mentale. Ainsi la tradition de la transmission se fait par symboles et mythes, mis en situation et vécu dans l’intime par leurs potentialités représentatives. C’est l’expérience initiatique.

L’expérience initiatique de la transmission traditionnelle ne peut se faire sans fraternité. Le Frère transmettra à son prochain les techniques et les valeurs et les fameux « mots, signes et attouchements » qui ne sont autre chose que des diminutifs du Verbe (Logos) de l’Évangile de Jean, et qui feront de lui un homme plus humain que son aîné, détenteur à son tour de la conscience toujours plus éclairée. C’est le principe de l’évolution humanisante où l’esprit universel prend le dessus sur la matérialité égotique. Hors cette transmission à un lien avec la notion d’éternité qui n’est en réalité qu’intemporalité. Cette intemporalité n’est-elle pas le « non-lieu » de la Loge maçonnique ? La lumière métaphysique déclinée en Verbe – Verbalisation humaine de la pensée totale, ne réside pas dans un endroit donné qui soit extérieur à l’homme. Le Non-Lieu Métaphysique à son équivalent dans la totalité rayonnante et englobant d’une psyché illuminée. C’est à l’intérieur de la psyché que s’élabore le passage du microcosme au macrocosme, de l’endogène à l’exogène, de l’éthique au métaphysique. Avoir conscience du Verbe en soi, considéré comme une simple trace de nos origines ou comme une potentialité en sommeil, revient a admettre une « Présence » en soi.

L’éternité est insaisissable, car l’homme est mortel. La seule chose qu’on est sûr de faire vivre après notre mort c’est notre transmission, notre savoir-faire et notre savoir-être. La transmission (traditionnelle) remonte à la nuit des temps et nous survit comme moteur de l’évolution de l’homme. Elle est par « les mots, signes et attouchements » plus qu’un simple mimétisme ou une simple imitation, elle nait en nous, car elle y sommeillait. Ce que nous « révèle » la transmission ritualisée c’est l’intemporel plutôt que l’éternel.

Sous l’influence animiste, le profane cherche à se maintenir en éternité pour une fraction de lui-même qui s’en va rejoindre un ailleurs exogène qui est aussi un censeur, l’initié se fonde en intemporalité qui est une notion non-humaine, par sa nature insaisissable et purement endogène. Ainsi la réalisation de soi comme le salut de l’homme passent par la découverte en soi de sa supraconscience directrice et l’acceptation du mystère.

L’homme mortel par sa nature ne peut accéder à l’immortalité, mais il pourrait « connaître » l’intemporalité. Nous devons nous interroger sur ce qui est intemporel dans la méthode maçonnique. Le lieu consacré est lui-même hors du temps et hors de l’espace profane. Donc la loge est une cavité, un athanor qui est situé dans un ailleurs indéfini (gisement et influence exogène faisant état d’une force divine extérieure à soit) ou que l’on fonde au ciel de son psychisme (gisement et influence endogène faisant état du divin en soi considéré comme un niveau de supra conscience, soit une conscience très éclairée) . En réalité l’homme va utiliser les deux sources qui se répondent en miroir pour asseoir sa spiritualité, de même que pour se rassurer il va anthropomorphiser l’image d’une puissance divine, par exemple en représentant Dieu tout puissant assis sur un nuage ! En positionnant le divin sur un nuage ou lui donne une source dominante à soi, exogène à soi et éternelle. Cette imagerie ne peut être prise pour réalité sinon elle perdrait sa qualité de miroir du for intérieur. Cette imagerie naïve ne peut que souligner symboliquement l’intemporalité dominante et spirituelle du divin en-soi. Le problème est que cette image par vulgarisation du discours et cristallisation du dogme est prise pour idole-réalité, soit une inversion vaniteuse du sens que nous avons déjà étudiée à propos du symbole. Le symbole et son imagerie « révélée » doivent rester un miroir signifiant, mais le signifié est en soi, dans les hauteurs surplombantes de la psyché.

f / fraternité : l’altérité révélatrice

Rien en dehors de l’héritage matériel et spirituel, à recevoir ou à transmettre, ne semble perdurer. Et pourtant, si l’éternité résolue en intemporalité repose sur la transmission et le devoir de mémoire que l’on partage avec ceux qui ont fait l’effort, quelque chose se perpétue dans l’Œuvre à accomplir qui est bien plus que dans l’Esperance de la survie de l’âme.

L’œuvre est un miroir qui serait dressé, montrant le sens de l’œuvre accomplie ou à accomplir. Cette œuvre à continuer nous met en relation avec les concepteurs et ses exécutants d’hier. Ce que nous transmettons c’est l’intention d’œuvrer en esprit sur la matière, le chef d’œuvre est la prolongation matérielle et symbolique de l’intention. L’intention est de faire ressortir l’esprit de la matière, pas pour l’en extraire définitivement, mais plutôt pour affirmer la présence en l’homme d’essences spiritueuses. C’est le sens profond de la démarche maçonnique qui va décliner cette intention en prolongations morales et éthiques par le biais des vertus (cardinales puis théologales.) Mais ces vertus ne sont que des prolongations qui dessinent la forme sociale et la foi en la vie. Ces vertus seront agissantes sur le plan de l’exemplarité comportementale et permettent le chemin vers la prise de conscience du plus haut en soi. C’est une rectification-purification qui s’opère au contact de l’autre. Il n’y a pas de rectification sans contact, sans rencontre, sans altérité-miroir, sans fraternité, sans charité ni bienfaisance. Dans mon frère je rencontre ce reflet de lumière en partage qui est l’essence spirituelle de l’homme.

L’exemplarité de l’image-symbole porte autre chose que des considérations morales qui ne sont que des prolongations d’une intention lumineuse. L’âme animatrice de nos frères du passé entrerait en résonnance avec l’âme du maçon contemporain, de même l’esprit « éclairé » qui présidait à la pensée traduite en volonté et en action opérative, entre en concordance avec l’esprit qui préside à la pensée du maçon d’aujourd’hui. Donc une part « éclairante », imaginaire, mais signifiante, reste présente dans la succession de nos glorieux anciens disparus de corps. Nous en retrouvons la trace. Mais en vérité ce qui est mis en évidence dans cette chaîne de transmission ce n’est pas le caractère éternel du sens, mais l’intemporalité de ce dernier. Dans ce cas dire que l’âme ou l’esprit sont immortels dans certaines religions, revient à dire que l’essence de l’homme est hors du temps, insaisissable. La part spirituelle de ce qui nous est transmis ne révèle que l’intemporel. L’intemporel ne s’explique pas, il est induit dans la représentation mentale portée dans les hauts de la conscience. Pour cette raison, il faudra alors admettre qu’il existe un mystère à la vie qui ne peut être résolu par l’intellect.

La "présence" des FF passés à l’Orient Éternel et cités dans la chaîne d’union nous rappelle la valeur de la mémoire du chemin accompli et de ce qu’il faut faire au nom du Devoir de transmission. Ainsi la valeur de l’éternité insaisissable pour l’homme mortel se résorbe en intemporalité saisi sans intellect par le franc-maçon. N’est-il pas remarquable que la loge se dise réunie dans un lieu « hors du temps ». Le Templum lui-même était dessiné dans le ciel, à l’écart de la contingence temporelle. (Voir notre étude « Loge maçonnique ou Temple maçonnique, » « Temple et Contemplation » sur ce blog)

La mémoire collective sous-tendue par les archétypes induisant le savoir-être est le véritable lieu de la survie du maçon passé à l’Orient Éternel. L’Orient Éternel est en vérité la Lumière Intemporelle. La mémoire est aussi un ressort qui pousse le franc-maçon vers sa perfection en humanité. La Foi est la confiance en l’homme en sa conscience illuminatrice et son devenir, l’Esperance est la participation éventuelle à la mémoire collective dans le lieu consacré de la Loge et enfin la Charité sera la bienfaisance maïeutique accordée à son Frère, véritable réceptacle de la mémoire traditionnelle et détenteur lui aussi de cette parcelle de supraconscience illuminatrice.

Finalement dans sa phase la plus achevée, c'est-à-dire à l’issue de son évolution (comme la PCAP qui provient de la pierre brute) le symbole se « révèle » en soi, sans qu’il ait lieu à spéculations sur l’objet même.

La PCAP est donc le symbole d’une perfection qui se « révèle » l’invisible en soi.

g/ Rendre visible l’invisible.

Cette pierre est comme toutes les pierres travaillées, un fantastique outil de projection mentale.

Mais revenons sur l’inversion du symbole : si la signification du symbole dépend de l’observateur, le risque est que le symbole soit considéré comme entité.

De ce qui précède, il semblerait que la pierre cubique à pointe soit une image cristallisée de l’esprit présent au sein de la matière...... Peut-on affirmer que partout où la matière est présente l’esprit l’est aussi ?

Il n’y a pas d’œuvre sans lumière pour l’éclairer, or la manifestation-différentiation telle que nous la lisons dans la Genèse est bien une Œuvre de l’esprit Divin, soit un Verbe créateur et ordonnateur. Il serait normal que la matière porte la trace de cet instant, et la vocation de l’initié est d’en rejoindre l’essence par le symbole.


Ainsi on peut facilement illustrer par la PCAP le schéma fondamental et axial qui relie l’immanence à la transcendance. Le cherchant, va alors s’interroger sur le lien de causalité entre la création, l’esprit et la matière ! Ce lien se manifeste dans le schéma spirituel de la PCAP.

Ici tout enchaînement de questions aboutira à un cheminement initiatique qui passe par le travail sur soi:

h/ Le travail , la sueur et la lumière.
"Le schéma volumétrique de la PCAP est-il « transposable » en deux dimensions?

Oui, il l’est de fait dans le tablier qui est une loi de perfection par le travail pour tout maçon.

Le tablier est le symbole de la transposition par la chute dans un domaine inférieur en spiritualité.

« Le tablier » est une table où se projette la perfection de la PCAP.

Une table ou tablier est un plan à 2 dimensions.

Mais la perte d’une dimension est toujours une chute dans un plan inférieur : c’est la chute d’Adam qui devra gagner sa vie à la sueur de son front.

Selon un certain point de vue, l’androgyne ou l’Andros total, va se diviser dans la matière : l’Adam –Esprit (soleil) et l’Adam-imaginaire (lune) à l’origine, soit Isch et Ischa dans une même entité, a perdu une dimension, la verticalité, fil de l’esprit pur.

Mais Adam dans cette chute s’est dédoublé en male spirituel et solaire (isch) et femelle imaginaire et lunaire (Ischa), en contraste et complémentarité. La vision est donc née de la différenciation entre esprit et imaginaire. La lumière (visuelle) distingua les contrastes et les formes du monde de la chute qui fut le monde de la matière. Il y a scission de l’unité initiale en deux complémentaires distinctes, c’est la caractéristique étymologique du symbolum. Chacune des deux moitiés a vocation à se retrouver unie à l’autre, tant en matière, en imaginaire et en esprit.

Mais « il n’y a pas de symbole sans lumière pour l’éclairer ». La lumière ontologique qui fit naître la différenciation est donc le fil conducteur pour remonter dans l’axe à l’intérieur de soi.

La perte du paradis depuis la chute d’Adam, est ainsi associée au fardeau qu'est le travail, malédiction de l'homme déchu. C’est donc le travail de la matière qui « éprouve » le corps de chair, afin de démontrer la capacité de l’homme par sa lumière intérieure à se perfectionner jusqu’au chef d’œuvre. Le chef d’œuvre (pierre cubique à pointe) est une manière de se réaliser à l’image de l’esprit, soit une manière de mimer la remontée vers la lumière de l’origine. Nous voulons tous retrouver ce paradis perdu.

Cette chair doit se protéger par le tablier de la corruption par la matière, car la chair serait incarnée de la lumière et du souffle du divin. Ici on veut souligner que la corruption de la chair passe par l’amoindrissement de l’esprit en soi. Le « travail » ne vise ni l’accumulation ni le nombre, mais la qualité en esprit et dans la chair. Le travail est une volonté qui recherche l’harmonie vitale et spirituelle, qui arbitre le besoin et promeut le désir d’élévation. Le tablier nous porte au travail et nous protège de la matérialisation de la chair.

C’est ici la représentation du tablier d’agneau qui évoque le travail innocent et la tâche à accomplir, ou plutôt le détachement à accomplir pour le retour. Cette représentation ne peut s’exonérer d’une organisation sur base carrée (la matière) et suivant un centre (c’est la bavette abaissée), ou une pointe guide étoilée (bavette relevée).

La bavette relevée renvoie à une notion haute en désignant non plus le centre du plan, mais l’origine axiale de la lumière qui éclaire le plan. Le tablier marque symboliquement l’origine de la lumière et sa descente dans la matière. Il est le travail de création associant matière par le carré long 4 et l’esprit par le triangle 3, soir les 6 jours de la création plus le jour du repos.


" L’homme s'est-il approprié l'image de la PCAP dans sa tenure de Maçon? » Oui, car depuis la chute il cessa d’être jardinier ou berger de l’Éden pour revêtir la tenure qui est à l’image de la PCAP. Cette tenure est un tablier-labora, mais aussi une table-loi, une table ou est tracé le chemin vers la remontée dans l’axe. Le franc-maçon spéculatif travaille moins sur la finalité de la forme que sur la lumière ontologique; la hache nous libère de la forme.

Le travail difficile sur cette pierre doit nous affranchir de la forme en la sublimant.

i/ Lien de causalité : transcendance ou immanence ?
Après avoir étudié la cause et l’effet dans la précédente publication, il nous reste à situer le franc-maçon dans le lien de causalité :

"Cependant, se pose la question de la modélisation de la pierre cubique à pointe: peut-on rattacher son image tridimensionnelle aux archétypes qui suggèrent l'élévation, la progression ou l'exaltation?" Oui, car l’idée même de l’exaltation n’emporte pas le désir assimilé au besoin du multiple et de l’avoir : il s’agit de l’essence de la vie, à l’instar de la lumière qui éclaire le trait et le plan de l’architecte.

C’est donc une causalité à la fois transcendante et immanente que veut nous démontrer la PCAP. Si elle n’était qu’immanente, il ne s’agirait que d’une Pierre Cubique où le centre aurait une face en projection, c'est-à-dire un visage. Si elle n’était que transcendante, il ne s’agirait que d’une étoile visible. Ici avec la PCAP nous avons deux étoiles, l’une cachée au cœur de la matière et l’autre dans un zénith imaginaire assimilé à l’incommensurable. Le FM doit faire le lien axial, le pont entre la Terre appréciée dans son centre en soi (dieu nommé) et l’immensité céleste perçue comme apex innommable.

Inversement on peut passer de l’innommable au nommable parle Verbe, mais il faut pour cela changer d’alliance et admettre l’Esprit-Saint, ou accepter l’ajout d’une lettre dans le nom !!!

La Pierre Cubique à Pointe semble enjoindre immanence et transcendance en l’homme lui-même.

j/ La nécessaire purification
Pour recevoir le plein effet de la cause, il faut avoir un regard pur.

La cristallisation peut-elle être conduite jusqu'au diamant?

Oui nous pouvons être diamant dans notre matérialité passagère.

La PCAP marque un passage ultime dans l’état de matière.

L’état matériel poussé jusque dans son cœur semble faire apparaître quelque chose d’immatériel qui relève de l’esprit. Nous sommes à la frontière (ce qui est le propre du 9), à la limite de la substance d’une pierre cubique, c’est à dire dans l’essence même de ce que nous sommes ou serions.

Ce que nous sommes ou serions est la potentialité. La pointe organise une jonction entre l’esprit et la matière, entre l’unique et le multiple. La pointe signifie la potentialité de l’être jusqu'à l’envol, le détachement de la matière.

Mais cette jonction suit un processus de purification pour le cherchant.

Pour l’homme, depuis les temps immémoriaux, la matérialisation de la forme est symboliquement, une pensée divine qui se manifeste. C’est le triptyque: Pensée : pensée divine, Volonté :volonté de l’Esprit Saint, Action : manifestation, différentiation et incarnation.

La vie est un élan qui associe la matière, le souffle et l’esprit.

Le diamant serait donc l’état de celui qui par purifications successives, nées de l’alchimie spirituelle aurait atteint la réalisation de la pierre philosophale ou le salut de l’âme.

Mais attention le diamant reste matière, il n’est pas esprit bien que son état corresponde à la purification la plus absolue dans l’état matériel. Au-delà de cette étape, nous passons dans un autre état, celui de l’esprit.

k/ Le point de contact et le compendium.

La PCAP est la partie inférieure d’un sablier qui se remplit d’essence.

Nous conclurons en suggérant que le symbolisme de la taille sommitale de la matière permet d’atteindre un sommet invisible dans le seul domaine de l’esprit.

C’est donc une représentation du point de contact avec l’invisible présence de l’esprit-essence.

Ainsi on peut s’interroger sur la permanence de cette « présence » spirituelle et notre capacité à la percevoir. C’est le niveau de conscience et de lucidité toujours plus élevées qui caractérise l’évolution de l’homme. Il désire harmoniser son état corporel et son état spirituel. La cubique à pointe en est une illustration…

Ce point sommital semble être le lieu de la récompense dans l’acte de bâtir le chef-d’œuvre.

Il n’y a pas de plus haute perfection dans l’acte issu de la pensée que l’affinage de la pointe.

Cette PCAP à pour pendant symétrique la pierre sommitale ou pierre du dôme ou encore clef de voûte. Le positionnement de cette dernière se faisant du ciel vers la terre. C’est la pierre de fondement (yesod) qui par élévation devient pierre du couronnement (kether) Cette image de la verticalité divine, rejoint la tradition du couronnement cher aux Stuarts qui furent couronnés debout ou assis sur un trône « prenant appui » sur la fameuse pierre du destin (pierre de Scone, voir notre étude sur l’histoire du REP).

Nous retiendrons que bâtir c’est se construire soi-même dans l’esprit autant que dans la matière. Donc nous tendons vers un niveau toujours plus élevé de conscience spirituelle. Outre la métaphysique se confortent l’éthique, l’altruisme purificateur et la pratique maçonnique des vertus cardinales et théologales. La lucidité conduit la recherche de l’essence dans tous les domaines de l’homme : une conscience anthropologique et la découverte de l’unité dans la diversité ; mais aussi une conscience écologique; une conscience civique, une conscience spirituelle qui est la lumière en soi.

Cette tension vers l’esprit est une foi en l’essence, un ressort vital pour l’homme et une certitude pour l’initié en devenir.

Le compendium de la Pierre Cubique à Pointe vaut pour un éloignement définitif des ténèbres de l’infra conscience. Ici s’installe de manière effective une représentation mentale résumant la tension de l’homme vers le plus haut en lui, le plus subtil dans sa chair et le plus lumineux dans son cœur.

Ainsi la Pierre Cubique à Pointe fait achopper l’aveugle sur le chemin. Elle est à la fois celle qui est rejetée par le profane, celle qui interroge le cherchant, et surtout ce diamant qui éclaire notre conscience d’homme qui retrouve le centre en soi ; pour certains elle demeure la clef de voûte d’un hymne à la lumière.

E.°.R.°.

Ce sont ici quelques points qui mettent en appétit le cherchant, la planche qui suivra se propose par un certain détour de lever le voile d’autres aspects de la pierre cubique à pointe ....

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La pierre cubique à pointe, pierre de vie.

Extrait par B.°.P.°.

« C'est un sujet où un livre n'y suffirait pas tellement il est vaste !


N'oublions pas le tracé au compas et le passage à l'équerre.

Je pourrai parler des six directions représentant les qualités à équarrir

sagesse richesse, rigueur, vie, consécration, et paix, dont le tout fait une croix qui si on

replis ses pans forme en tout un carré.

La pierre cubique à pointe a neuf faces elle, trois de plus que la pierre de l'apprenti.

Mais il y a plus …

Le pyramidion serait-il une illustration de l'utilisation de la diagonale par les bâtisseurs?

Formant l'élément crucial rejoignant la clé de voûte des cathédrales point central de toute construction, à noter qu'il manque le pyramidion d'or sur

la pyramide de Guizèh ...Pourquoi?

 

La pierre on peut la voir sur sa surface, qu'il nous faut aplanir

par la taille qui se fait toujours dans le sens se la cristallisation

pour éviter les entailles, et pourrait se blesser, c'est pour cela que nous portons

un tablier, qui est plus large pour l'apprenti et est fait en peau qui recouvre

notre taille, notre sexe , et dont la boucle qui est au niveau du sacrum est elle est

en forme de serpent, un peu comme la Kundalini, le serpent lié au cycle vie: mort et renaissance.

Le terme aroum dans le livre des proverbes désigne le sage, le rusé.

 

 

Regardons les droites qui formes le tablier, les croisements sont sur des points significatifs du corps humain , on peut faire une approche énergétique ou d'acupuncture, ça se rejoint .

Les ramifications nerveuses et les canaux lymphatiques ont une grande importance, faites une recherche sur le nerf honteux, par exemple.

La forces énergétique, que l'on peut appeler fluide passe par

l'éros , le désir , l'appétence qu'il faut contrôler par le souffle et la concentration,

pour que cette énergie lovée se déploie tel un ressort le long

du tronc cérébrospinal au lieu de rester libidinale.

La pierre cubique à pointe est un passage d'une élaboration à une autre

Passage à une élévation représentée par le triangle pointant vers le haut.

Elle est l'achèvement du travail de compagnon, qui a poli son carré, elle a le carré

long, pour corps et le triangle équilatéral pour tête qui est la pointe vers les cieux.

 

On peut la voir de l’intérieur, d'une façon tridimensionnelle, neuf faces

intérieures. Un triangle intérieur.

 

En imaginant des droits partants de ses côtés qui se rejoignent

toutes en deux axes principaux un au-dessus du carré long et l'autre au milieu.

 

On peut tracer des droites du centre des faces aussi , le centre sera le même.

On peut faire le rapprochement avec l'homme son sacrum et

et son crâne ou boîte à os .

Ne frappe-t-on pas sur notre pierre cubique lors d'une augmentation?

 

Jacq a dit ma tête est la boîte , mes dents sont les os, mes cheveux sont

le poil, ma langue est la clé.

Le verbe prend toute son importance dans ce passage, et

l'on comprend que chaque parole ne doit en aucune manière

être prononcée sans passer par la pesée de l'esprit.

La prière prononcée agit comme un moteur pour le déploiement

énergétique.

 

La parole est l'élément clé de la création elle a été donnée à l'homme.

 

Le Sacrum quant à lui ou est lové une force principielle , énergie

que l'on retrouve en toute chose que cela soit en haut ou en bas

cette énergie élévatrice qui doit par différents degrés

se diriger vers la porte d'or , pour mener à la décorporalisation.

Je vous invite à lire voyage autour de ma chambre.

On peut faire un rapprochement avec le fameux bâton d'Hermès,

car cette force est bifide , masculine et féminine, l'homme

aboutit est hermaphrodite, il a trouvé son assiette son juste équilibre

sans en prendre son identité , mais en la surpassant de son étant d'origine

incomplet car inachevé sans travail sur soi, l'ida cherche désespérément son

pingala, la femme et l'homme cherche leur ombre .

 

Les séphiroths se retrouvent aussi à l'intérieur de la pierre cubique à pointe

ces dix émanations de forces créatrices.

On retrouve le chiffre dix .

La pierre cubique a neuf angles, une base et son sommet en pointe.

Nous sommes sur nos pieds et l'énergie circule de nos pieds au sommet de notre tête

en partant de la terre passant par le feu l'eau et l'air.

Le corps dégage de la chaleur, nous sommes composés d'eau, de minéraux,

et l'air que l'on respire nous est vital.

L'œuvrant doit apprendre à voir les choses de l'intérieur , rien n'est

figé tout se meut c'est un peut comme du fractal.

Le souffle permet un changement d'état de conscience, c'est par son contrôle

que l'on peut peu à peu voir différents plans qui autrefois

nous étaient inconnus.

En transcendant la vision profane pour une vision du coeur

on peut ainsi voir et interpréter la nature dans ce qu'elle a de plus caché son essence.

 

On nomme la pierre cubique à pointe pierre diamant aussi.

 

Dicton compagnonnique:

Le point qui va dans le cercle - qui va dans le carré - et qui va dans le triangle -
Tu connais ce point - alors tout va bien - tu ne le connais pas - alors tout est vain !

Cherchons notre centre!

Pour finir une petite citation de Kipling:
« N’est-il pas amusant
Que princes et rois
Que clowns cabriolant
Dans la sciure de bois
Que gens ordinaires comme vous et moi
Soit des constructeurs devant l’éternité.
A tous sont échus des outils
Un livre de Loi, une pierre informe.
Pourtant avant que ne s’achève
Le fleuve de leur vie
Par leurs soins, cette pierre informe
Sera devenue ouvrage vacillant
Ou pur diamant. »

B.°.P.°.

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17 mai 2014 6 17 /05 /mai /2014 23:16

La pierre cubique à pointe (E.°.R.°.)

La pierre travaillée est la base de l’initiation dans l’ordre artisanal.

En tant que base associée à la construction de l’homme, il faut regarder la pierre sous l’angle de la substance (matière) et de l’essence (esprit).

L’artisan travaille et modèle la matière jusqu'à la perfection. La perfection naît ici d’une vision inspirée que l’on réalise. La réalisation de la vision « directrice » (qui peut être un modèle, un abaque, un plan, une Loi) va s’inscrire dans la matière. La réalisation sera alors conjonction harmonieuse de la matière et de l’esprit.

Dans cette voie initiatique, ce qui vaut pour la pierre vaut aussi pour l’homme.

Nous pensons utile de préciser la notion de perfection (I) en général qui préside à l’élaboration d’une forme en harmonie avec l’esprit. Nous ferons cette approche en 9 points succincts.

L’engagement de l’artisan dans un acte rectifiant la matière, sera interprétée comme la réalisation d’une image « lisible » à vocation spirituelle, car relatant symboliquement un signifié en relation avec l’un des deux mystères, celui de la vie ou celui de la création.

Toute perfection (fut-elle matérielle ou comportementale) évoque dans sa lecture haute ce double mystère. La franc-maçonnerie par sa méthode bien connue de l’image symbolique comme modèle de réalisation extérieure et intérieure, nous donne l’exemple de la Pierre cubique à Pointe comme objet de perfection.

Nous essaierons dans une deuxième partie d’en tirer toute la quintessence et de voir dans cet objet parfait un miroir pour notre Être. Nous y trouverons une apparition mystérieuse de l’esprit dans la matière (II) fruit d’une forme parfaite à l’image d’un soi idéal répondant aux questions éthiques et métaphysiques. Nous aurons dans cette apparition la révélation d’un centre et d’un sommet soit la polarisation propre au symbolisme axial et qui donne à voir l’invisible. Mais la condition de cette apparition devenue révélation repose sur le principe d’harmonie qui préside à l’alliance parfaite de la matière et de l’esprit.

Enfin nous aborderons, suivant les principes de la méthode maçonnique, l’usage que nous pouvons faire de cette révélation pour nous améliorer, ce sera Le travail évolutif du franc-maçon, esprit et humanisation (III)

En guise de conclusion récapitulative nous relirons le travail de notre F.°. B.°.P.°. : Pierre cubique à pointe, pierre de vie (IV).

  1. Vers la perfection

La perfection c’est parfaire, c'est-à-dire faire au-delà, autrement dit l’artisan place son acte dans un niveau supérieur à sa simple utilité. L’acte se situe au-delà de la fonction utile, il veut tendre vers un plus haut suivant des modalités particulières que nous allons tenter d’approcher en 9 points.

C’est ici que l’ouvrier devient Œuvrier.

Pour être Œuvrier il faut être en capacité de comprendre les mécanismes de la représentation mentale, connaître les codes du langage symbolique, mythique et archétypal, le seul qui soit véritablement universel et enfin admettre que la matière et l’esprit n’ont pas à être dissociés dans la voie initiatique artisanale, et que leur union est la base de toutes les « spéculations » scientifiques, sociales, philosophiques et religieuses. Nous prendrons garde de ne pas nous laisser séduire parle symbole qui reste avant tout attaché à son maître qui le conçoit et lui donne sens à savoir : l’esprit de l’homme.

a/ Le chemin de pierre

Le chemin du maçon est « borné » par trois pierres, la pierre brute, la pierre cubique, la pierre cubique à pointe.

Plus on avance sur le chemin plus le niveau de conscience du maçon est élevé, il est donc logique que la pierre tende dans sa forme jusqu'à la perfection, et qu’elle rejoigne les limites de celle-ci soit la sublimation de la forme.

La perfection dans l’ordre artisanal est la conjonction de la substance et de l’essence qui donnera une forme « harmonieuse ». L’harmonie, quelque soi le domaine, nous transporte et nous ravie, elle est donc symboliquement une habile rencontre de la terre et du ciel.

Pour cette conjonction, des facultés intellectuelles sont mobilisées, mais elles ne peuvent suffire (voir le syndrome de Babel). Il faut leur adjoindre une conscience ouverte sur la spiritualité. C’est à cette triple condition (spiritualité, intelligence et conscience) que l’on parlera de chef d’œuvre.

On résume assez bien cette triple condition dans le domaine de la « réalisation », par la Pensée (spirituelle par l’élaboration du Plan -Principe), la Volonté (mise ordre des moyens-ordo ab chaos) et l’Action (réalisation-manifestation).

b/ La construction psychique

Dans le domaine psychique, les trois stades de la réalisation se décomposent en « intention » et « prolongation ».

L’intention est une pensée « orientée » en fonction d’une norme légale.

Ladite norme est à la fois de nature divine et morale, soit un point de vue supérieur que nous qualifierons de supra conscience. Cette intention dûment normée au plan législatif nous la retrouvons en Loge, elle est symbolisée par le Debhir surélevé de trois marches et tous les symboles qui s’y trouvent et notamment le Soleil et la Lune et le VM.

La traduction lisible de l’intention « normée » ou « orientée » se fera dans l’équerre le compas entrelacé sur le livre de la loi sacré, à défaut de livre sacré c’est la règle à 24 pouces qui prendra le relais, ou la conscience du franc-maçon située au point d’équilibre entre matière et esprit.

La deuxième composante du psychisme est la prolongation de l’intention orientée vers la lumière.

La prolongation vise la satisfaction concrète de l’intention ici orientée vers la lumière : la pensée est traduite en volonté et en action. Une pensée orientée vers la lumière va associer l’essence et la substance dans sa réalisation. C’est à ce moment que le maçon devra veiller à harmoniser matière et esprit dans une réalisation cohérente dont le sens volontaire se traduit en forme visuelle et symbolique.

La lecture psychique de la réalisation sera un miroir de l’harmonie intérieure du maçon.

La Psyché (pensée) et le Soma (réalisation concrète corporelle et matérielle) se font écho.

c/ Une construction en miroir

La Pierre cubique à pointe serait donc un miroir montrant la réalisation harmonieuse de la pensée lumineuse.

La forme apparente est la manifestation de l’esprit dans un état d’intellect donné. Donc l’intellect ne peut s’affranchir d’un plan divin suggéré par notre supraconscience. Cette supraconscience en tant que norme légale et ordonnatrice est présente en tout homme. Elle recoupe le grand mystère de la création et le grand mystère de la vie.

La pierre devient le miroir de l’intention. La pierre travaillée est la prolongation du franc-maçon. Sa forme évolutive nous permettra de lire le plan divin qui nous habite secrètement. Lire la pierre et l’harmonieuse association de l’esprit à la matière dans une unité cohérente, c’est lire en soi. Nous ne sommes plus très loin, à partir d’une forme extérieure parfaite, d’atteindre la pierre philosophale, typiquement intérieure (VITRIOL) chère à bien des initiations. C’est encore une pierre, intérieure qui annonce le chemin de l’initiation soit une progression vers les profondeurs de soi jusqu'à en trouver « la vivante et vivifiante racine » (L.C.de Saint Martin).

Il apparaît clairement qu’une évolution a saisi l’homme dans son mode de vie et dans sa spiritualité comme dans son ouverture d’esprit. Plus l’homme avance en conscience, plus il élabore la forme avec esprit et plus il devrait se détacher de la forme. La forme n’est alors qu’un « support » témoin de la métamorphose du regard. Ce regard qui témoigne de l’Éveil passe progressivement des yeux du corps à celui de l’âme et de l’esprit. C’est le sens profond du miroir hermétique qui propose une triplication de l’image dans trois mondes superposés.

d/ Perfection et langage

Le critère « apparent » de l’évolution semble reposer sur le perfectionnement de la forme donnant lieu à l’élaboration de nouveaux langages, car la forme est nommée dans ses trois sens : concret, intellect et spirituel. Chaque nom signifiant la forme a donc trois sens concordants. C’est le cas de la pierre qui se perfectionne en même temps qu’on la nomme.

La forme (et le langage) évolue de conserve avec la quantité matérielle et la qualité d’esprit qui occupe la conscience de l’homme. C’est ainsi que la pierre « matière » entre en résonnance harmonique avec la spiritualité de l’homme.

La pierre brute est aussi la pierre dans son origine, vierge de la main de l’homme et de toute nomination législative, au centre indéfini comme si l’esprit transformateur de l’homme (et du divin) n’était pas descendu en elle, comme si l’homme angoissé par son devenir était absent du paysage. La pierre cubique et la pierre cubique à pointe emportent chacune leurs trois sens propres aux trois acteurs qui sont la matière, le langage et l’homme. Ces trois termes vont évoluer de conserve en même temps que le sens s’inscrit dans la forme nommée.

Ainsi, la pierre cubique est aussi : une perfection matérielle, un centre cubé ; la pierre cubique à pointe est aussi : une pyramide à base cubée, un centre sublimé. On voit qu’il y a une progression apparente du sens qui part de la matière et va à l’esprit, ce qui implique une zone de contact entre les deux domaines. Il faudra revenir sur ce point.

On comprend déjà que l’acte de transformation est un acte de transposition relativement à l’état d’éveil spirituel de l’homme. Il faut admettre que l’éveil de l’esprit est fonction de la naissance de l’angoisse métaphysique et éthique de l’homme.

C’est donc le directeur légal qui va ordonner ce chaos, ce directeur légal est la supra conscience.

e/ La double lecture

Nous verrons que le symbole s’inscrira dans une double lecture et qu’il sera tentant de confondre les deux sens dans un seul objet…

Il est possible de passer le cap de la forme substantielle, pour atteindre le symbole essentiel, sans pour autant prendre la forme pour l’essence, ce qui serait le comble de la vanité du cherchant. Cette confusion entraînerait la perte du sens premier du symbole qui est de signifier au-delà de la forme et de la matière.

Le symbole n’est pas la forme a priori, il est l’essence-imagée dans l’esprit de l’homme. C’est cette image que le maître artisan va faire redescendre en forme narrative dans le domaine de la matière, il ne le fait qu’a posteriori. Malheureusement la vessie sera prise pour une lanterne, l’objet devient symbole de matière, alors que seule l’image représentée dans notre for intérieure est symbole agissant.

f/ L’inversion

Ainsi par méconnaissance, le symbole associé à l’image spirituelle va s’inverser dans sa lecture à partir de sa représentation matérielle. L’image sculptée sera prise pour ce qu’elle n’est pas à savoir une idole de pierre.

C’est de ce phénomène d’assimilation et d’inversion du sens symbolique que nous devons nous prémunir, car il n’est que vanité et inversion. C’est la définition même de la confusion des langages que d’inverser le sens, c’est l’enseignement de Babel. Le symbole n’est vérité non pour lui-même, mais pour signifier une représentation en soi de nature spirituelle soit une élaboration psychique propre à l’homme illuminé d’esprit. Le symbole est donc un désir, une aspiration en relation avec le mystère de la vie et de la création. Donc le signifiant découlant de l’harmonie de l’objet travaillé n’est pas l’objet fait de matière, mais sa projection mentale, profondément évocatrice en notre for intérieur.

g/ De l’énergie vitale au souffle de l’esprit

On dit que la pierre est porteuse d’énergies qu’elle concentre en prenant place dans la grande nature. Comme l’homme et l’arbre, elle serait traversée de champs énergétiques dont la source reste énigmatique.

Si on admet que la pierre est associée à l’action de l’homme et de la nature, il restait un pas à faire pour qu’elle fût le support du divin. Ce sera l’ère des idoles, des pierres à foudre, puis par l’évolution technique la pierre de construction du temple, ou pierre de fondation, ou pierre d’autel. C’est alors que plus qu’une idole, la pierre devient objet servant le divin, une pierre dressée et ointe (Bethel de Jacob). Sa nature ontologique lui confère un statut archétypal au même titre que l’arbre.

h/ Modélisation du schéma universel

La pierre devient par l’action de l’homme, le modèle en réduction de la grande explication de l’univers « manifesté ». La pierre devient vectrice du divin par l’esprit qu’elle semble contenir et qui ne demande qu’à s’exprimer via la représentation mentale de l’homme.

L’homme par sa recherche interprétative liée à sa progression spirituelle n’aura de cesse que de faire vivre en esprit une matière en apparence inerte. Ainsi comme avec l’arbre, la pierre sera modèle et support de progressions initiatiques et spirituelles pour l’homme, et image d’une puissance divine à découvrir. Naîtront les deux voies initiatiques par la matière, d’abord celle du Bois (Arche de Noé, l’Arche d’Alliance) puis celle de la Pierre (Bethel, Temple de Salomon).

Nous pouvons dire que la pierre est le support expressif du principe dans sa plus grande concentration. C’est donc un compendium qui affirme la quintessence. Il appartient à chaque maçon d’en faire apparaître, en son for intérieur, la part interprétative spirituelle.

i/ Mystère de la vie et de la création

En observant la forme, je m’interroge sur son mystère, son élaboration et sa signification. Mais je suis prévenu : en interrogeant la pierre qui est un miroir, c’est mon intériorité que je rencontre.

La pierre dans sa forme évolutive est un miroir pour l’homme, un support pour son langage et son imaginaire. Ce que nous offre la pierre c’est la conscience du Je devenu Soi, mais aussi une « présence » que l’on fera apparaître dans la pierre cubique à pointe qui ne sera au final qu’un support pratique de projection de notre part spirituelle. Cette part spirituelle se traduira logiquement dans la représentation « formée » du mystère de la vie et de la création.

Notre part spirituelle s’exprime dans un support, mais le support est chef d’œuvre c'est-à-dire production de l’esprit et de l’harmonie, il n’est ni esprit pour lui-même, ni idole à vénérer.

Nanti de cet avertissement, nous approfondirons l’aspect universel de la pierre symbole dans laquelle nous retrouverons l’univers dans son entier, mais aussi l’apparition mystérieuse de l’esprit dans la matière (II) par E.°.R.°..

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  1. Apparition mystérieuse de l’esprit dans la matière.

Ici nous passerons d’une spiritualité « construite » à une spiritualité « révélée ».

Toute pierre travaillée de main de l’homme l’est en corps, en âme et en esprit. Mais il faut ajouter que le corps et la matière se confrontent, pendant que l’âme et l’esprit résident dans l’Œuvrier. De la confrontation va naître une sorte de fusion. On va voir l’Œuvrier faire corps avec la forme naissante au sens.

Nous faisons usage d’un maillet et d’un ciseau d’une manière intelligente, mais aussi de manière spirituelle, suivant un plan, une pensée, car nous voulons signifier quelque chose qui relève de l’intemporel ou de l’ontologie à partir d’une pierre brute. L’intention de l’homme s’inscrit dans la matière et il est le seul à en comprendre le sens. L’homme a découvert la matérialisation du sens, la signification dans la forme travaillée.

À l’inverse la forme se livre à l’interprétation de l’observant sans être autre chose qu’une suggestion, une interprétation potentielle pour l’intelligence logique, pour l’émotion (âme) et pour l’esprit de l’observant.

a/ L’expression humaine de l’esprit

Préalablement à la forme, il y a une pensée, une volonté et une action « orientée » par une direction de conscience. La pensée devient schème (schéma) avant d’être forme travaillée ; c’est le symbole de la planche à tracer des maîtres.

« Cette direction de conscience provenant d’en haut, est au plan psychique, ce qu’on appelle dans l’ordre humain une supraconscience exigeante, celle qui dirige l’homme vers la lumière ».

« À l’opposé (…) se situe, le subconscient. Ce dernier dans sa dictature du besoin enferme l’être dans la matérialité de l’avoir, du besoin insatisfait devenu désir qui est ici figuré par la pierre. Cette pierre plutôt que d’être laissée en « l’état brut » sera « dressée » par Jacob, symbolisant que l’éveil passe par le redressement. Ainsi on l’appellera pierre dressée « Bethel », celle qui désire l’accès au ciel. Ce désir est une vraie force qui reste celui de l’homme et pas celui de la pierre, ceci démontre que la pierre doit rester support d’exercice du symbole lisible par l’homme. Il faut donc dépasser son aspect magique et occulte pour se concentrer sur le psychisme de l’observateur devenu acteur.

Elle sera lieu de culte, mixant le désir vital et le désir d’un ailleurs. Elle devient borne, séparant le monde pétrifié et brut, rendu à un état de régression, du monde vitalisé par une lumière propre à la conscience de l’homme.

La pierre par l’action de l’homme est changeante : elle peut être brute, pierre à feu, dressée (dressée en esprit : Béthel- dressée en puissance : Menhir) ou taillée en perfection immanente (pierre cubique), sublimée en perfection transcendante (pierre cubique à pointe, clef de voûte) et gravée du signe (tables de la loi, cathédrales). Elle donne lieu à interprétation en fonction de l’intention de son sculpteur. Il faut donc comprendre l’intention plutôt que de sur-interpréter l’œuvre qui n’est que la prolongation de l’intention. À défaut de cette précaution c’est la pierre qui serait acteur et non plus support. Cette attitude nous renverrait aux périodes primitives de l’humanité, celles de l’animisme qui voyaient un dieu dans chaque objet et qui dériva en idolâtrie, si bien combattue par Moise.

Notons enfin que le Temple lui-même est la conjonction de toutes les prolongations dans la pierre (brute, taillée, menhir, Bethel, table hiéroglyphique, compendium) d’une seule et même intention : saisir sans expliquer vraiment, au-delà de l’intellect, le mystère de la création et célébrer l’élan vital. C’est ici une notion intuitive qui s’installe dans le monde en prenant forme, un savoir-être en quelque sorte, avec pour servant le savoir-faire.

La transformation de la pierre marque un changement d’état chez le tailleur de pierre qui recouvre les trois états, le naturel, l’humain et le divin. La pierre est un mercure principiel qui parcourt les trois mondes, elle est comme le mercure des alchimistes un lien-support unificateur. On la retrouve au cœur de soi c’est la pierre philosophale.

Nous sommes la carrière du cherchant et c’est en nous que la pierre doit être retrouvée (V.I.T.R.I.O.L), avant d’être redressée (Temple) et de servir de point d’appui pour l’envol de l’esprit (c’est ce que signifie le relèvement du maître intérieur au REP). Le travail avec la pierre est l’œuvre d’une vie maçonnique. » (Extraits de nos commentaires sur « l’échelle de Jacob et Bethel » déjà parus sur ce blog)

a/ L’Esprit se « forme » en harmonie

Il convient de dépasser la forme matérielle pour en arriver à l’interprétation symbolique liée à la psychè du tailleur de pierre. Ici nous voulons dépasser la forme pour aller non pas dans un ailleurs spatial, mais à l’intérieur même de la psyché qui trouve en la « présence » divine une explication fondatrice. Nous avons déjà vu que la « présence » est nécessaire à la production de la croyance et n’est autre qu’une production inhérente à l’identification de l’esprit en soi. L’idée du divin s’associe à cette présence de l’esprit dans l’homme ce qui sur un plan pragmatique n’est autre que la capacité à vivre le mystère de la création et de la vie sans l’expliquer, autrement que par représentations mentales. On fait ici le lit de l’esprit qui s’exprime en spiritualité. La spiritualité repose donc sur 4 notions : la présence, la représentation mentale via le symbole, les deux mystères de la vie et de la création.

Le franc-maçon apprend que l’esprit harmonise la matière en lui donnant forme signifiante.

C’est ce qu’on appelle une œuvre de l’esprit.

Ainsi la forme travaillée dans l’harmonie doit nous parler de l’esprit. Pour l’observant, la forme travaillée, ne peut se limiter à l’excellence de l’intellect ou du tour de main que l’on retrouve dans la pierre cubique simple, il faut que l’intellect ne se limite pas au pré carré du cube. La matérialisation de la pensée n’est pas le but du franc-maçon, son véritable objectif est d’accueillir et d’harmoniser « la présence » de l’esprit en lui, en transférant sa charge signifiante dans la matière qu’il travaille. On transforme la matière en même temps qu’on y projette notre esprit.

La pierre cubique, aussi parfaite soit-elle, ne pouvait être qu’intellect parfait. Il lui fallait être marqué par l’élan spirituel qui nous rapproche de l’esprit lumière. C’est ici la différence que l’on établi entre le savoir « faire » et le savoir « être ». Ce double aspect est la marque de l’initié.

b/ Cohérence hermétique et construction de soi.

On comprend alors le sens des lumières d’ordre Sagesse, Beauté (harmonie) et Force qui interviennent dans la formation de toutes choses et de tout être. Mais ici c’est le maçon qui tient maillet et ciseau et qui doit, dans la taille de la pointe de cette pierre cubique, atteindre une perfection technique qui ne peut se départir d’une approche spirituelle.

En effet le maçon qui s’identifie à la pierre constate que la perfection de l’œuvre est aussi la perfection de l’individu. L’un ne peut aller sans l’autre.

C’est une démarche précieuse que d’associer le symbole maçonnique à la plus grande humanisation de l’homme. Cette plus grande humanisation est, à l’exemple de la pierre cubique à pointe, l’accueil puis l’extrapolation de l’esprit à partir du centre de soi.

De plus le centre de la pierre qui s’extériorise suppose que le maçon ait trouvé en lui-même son propre centre, conformément à l’adage « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux » associé à l’acronyme V.I.T.R.I.O.L.

Donc le centre de soi est lié à l’élaboration de la pointe et la pointe est l’extériorisation du cœur de la pierre.

Autrement dit le centre du « connais-toi toi-même » appelé V.I.T.R.I.O.L, et le centre dans la matière formée, sont identiques et leurs associations dans l’art royal donnent une « œuvre de l’esprit » en forme de sommet.

Ce sommet est le point ultime de l’élévation du cœur de la matière, se situant à la frontière de l’esprit. Symboliquement nous décrivons le détachement de l’esprit de l’emprise de la matière, ou pour être plus gnostique nous reconnaissons en nous, le détachement de l’âme de l’emprise du corps de matière pour rejoindre l’esprit.

Il est entendu que lorsque le franc-maçon aborde la pierre cubique et ses dérivées il aborde aussi bien la géométrie sacrée que l’art de la perfection artisanale ou la recherche de la pierre philosophale. Il y a bien 3 niveaux d’interventions et d’interprétations qu'il convient de distinguer. Nous avons vu en introduction que le danger est grand d’aboutir à une confusion des trois niveaux en inversant le sens du symbole.

Rappelons que le symbole n’existe que s’il peut être lu ou compris, donc il n’existe que par la capacité émotive et spirituelle de l’homme. Il n’y a pas de symbole sans homme pour le lire. Pour le lire, il faut le projeter en soi. Chaque lecteur donne au symbole son efficacité évocatoire. Le symbole est un outil de communication propre à la psyché de l’homme où transparaît une dimension universelle, voire archétypale. Mais l’objet symbole n’est rien sans l’homme.

Nous faisons une série d’observations pour mieux cerner la spiritualité « révélée » associée à la pointe et au centre, en gardant à l’esprit que le point extérieur est une duplication du point central intérieur et caché. Il faudra regarder la pierre avec les yeux d’un géomètre émotif. Le franc-maçon s’attachera à faire le lien entre le monde visible et invisible, entre la réalité visible et ses désirs d’harmoniser en lui la terre et le ciel. Ce désir d’harmonie est né de la dynamique de la vie, la vie découle d’une puissance harmonisante des contraires et oppositions devenues complémentaires (pavé mosaïque). Nous remarquons que l’harmonie des formes va de paire avec l’élévation du sens..

c/ La pierre cubique symbole d’harmonie. La pierre n’est pas qu’une simple expression minérale elle referme une puissance interprétative que l’on peut percevoir avec les yeux de l’âme.

Reprenons le fondement de la loi symbolique des nombres que nous retrouvons en Sagesse XI-20. : « Dieu à tout réglé avec mesure, nombre et poids ».

La Pierre cubique allie le 4 du plan matériel et le 3 de l’élévation spirituelle. Le 4 du carré est à deux dimensions, mais sur la base du carré on « élève » une dimension de plus qui est l’épaisseur ou la hauteur. Ainsi nous pouvons affirmer que le cube est l’expression ternaire de l’unité sur un plan manifesté. Le cube démontre par la mesure le passage d’une dimension à l’autre. Ceci sous-entend que l’évolution à partir du cube est encore possible, et qu’une nouvelle élévation nous ferait découvrir une nouvelle dimension….La pierre vue par l’homme est un microcosme à partir duquel peut se déployer un macrocosme.

Le Cube a donc une relation avec le monde en trois dimensions (trois axes). Il est constitué de 6 faces et 12 arrêtes soit un total de 24. Le nombre 24 exprime le double 12 (le zodiaque majeur et le zodiaque mineur soit l’expression du tour d’horizon du cube ayant pour centre un soleil rayonnant). De même que le nombre 6 exprime l'espace dans sa « hauteur » et sa « profondeur » en regard du plan, le nombre 24 exprime le temps. Il est la clé du grand cycle de manifestation. Si on y ajoute un axe traversant la figure de haut en bas pour suivre les principes hermétiques, nous obtenons 25, symbole de perfection dans l’ordre humain (5x5). La preuve de son installation dans l’ordre humain, celui du microcosme repose sur l’affectation chacune des faces des 6 métaux correspondants aux six planètes a partir d’un centre rayonnant soit un Soleil/Or : Soleil-Or pour le cœur, Lune-argent, Mercure-mercure, Vénus-cuivre, Mars-fer, Saturne-plomb, Jupiter-étain.

Ceci laisse entendre que le tailleur de pierre peut atteindre la perfection dans son art en suivant l’axis mundi. Ce dernier harmonise son environnement, il n’y a pas d’harmonie sans qu’un centre ou un axe ne soit présent, même s’il est invisible. (La perfection dans son art est pour la voie artisanale le chemin de la connaissance).

d/ La pierre cubique à pointe (PCAP) est une « révélation », une extrapolation de la pierre cubique en ce sens qu’elle montre en nous une vérité cachée en suivant l’axe, et donc la possibilité d’une autre dimension.

Elle est constituée par 9 faces et 16 arrêtes soit un total de 25 qui Représente le Verbe Universel appliqué aux lois de l’art royal. Si nous tenons compte de la présence de l’axe, nous avons alors le nombre 26 qui est le nom du divin inscrit dans l’hexagramme. Nous avons vu que le nom d’une chose formée était signifiée dans les trois états, mais s’agissant du divin ses états sont innombrables comme ses noms. Il faut comprendre que l’art royal met en pratique et en forme le chevauchement symbolique de la matière par l’esprit, et tente de faire paraître l’esprit en nous par le truchement d’une forme signifiante. Par la forme signifiante, on veut ici établir une révélation, mettre l’invisible en exergue. En poursuivant la démarche, la réduction théosophique du nom divin qui est 26 nous donne 8 qui est une superposition de deux cercles ou horizons traversés d’un axe. On traduira cette nouvelle figuration symbolique par l’unité divine générant les deux cercles céleste et terrestre. Dans cette nouvelle figure des deux cercles superposés dans l’axe s’insère parfaitement notre pierre cubique à pointe avec ses deux plans carrés superposés dans l’axe.

Nous sommes ici dans l’extournement du centre vers la polaire, soit le point de contact absolu entre terre et ciel. La pointe ainsi énumérée est l’expression d’une polarité totale, intérieure et extérieure, Sud et Nord, invisible et visible, l’immatériel et le matériel. Dans les deux cas, ni le centre ni la pointe n’ont de dimensions, on ne fait que les imaginer (les imager en soi). L’extournement peut être représenté à partir de la pierre cubique : on se représente 6 pyramidions ayant pour bases les six faces et dont les pointes convergent au centre du cube, puis on retourne celui du dessus (voir en complément sur ce point le travail de Zied Odnil : le Temple et ses symboles, Shekinah éditions). C’est la même quantité de matière, mais on rend visible un centre imaginé. C’est en ce sens que l’on doit comprendre la révélation qui est une apparition de ce qui est caché, ce qui en notre for intérieur et s’agissant du Centre, est la théophanie de l’architecte.

e/ La pierre cubique à pointe à 9 angles et 9 faces ou visages :

Par l’extériorisation du centre dans la pointe on passe du 6 faces à 9 faces soit le 3X3 : nous avons l'expression de "la puissance élévatrice du Saint-Esprit", En tant que produit de 3 x 3 , il est l'expression de la perfection. Neuf est le nombre de celui qui accomplit la volonté divine. Selon la kabbale, c'est aussi le chiffre de l'accomplissement. Étant le dernier nombre simple, il est le nombre de finalisation ou de finition (perfection). 9 représente les trois manifestations divines dans les trois plans: monde de l'esprit, monde de l'âme, monde de la matière, ce qui donne une triple manifestation de la Trinité - 3 x 3. Nous avons ici le symbole de la totalité de l'être.

Du fait que le neuf a la particularité de se recomposer lui-même lorsqu'on le multiplie par tout autre nombre (9x4=36, 3+6=9), il symbolise la matière qui mariée à l’esprit ne peut être détruite : la hache qui surplombe la PCAP est destinée moins à détruire qu’à libérer l’esprit ou du moins à rendre visible l’invisible aux yeux du cherchant.

f/ La pierre cubique à pointe suggère en nous une Polarisation de l’intériorité :

Nous pouvons dire que la pointe est l’essence d’un centre invisible, l’invisible devenu visible en nous.

L’essence à pour caractéristique de définir l’objet dans sa « trace spirituelle » la plus originaire, or ici nous constatons que le centre, invisible au regard superficiel, « émane » en une pointe polaire. La pointe du pyramidion est littéralement une extrapolation du centre, ce que les Égyptiens avaient déjà exprimé dans la transcendance. À l’inverse le centre est une interpolation de la zone de contact entre la terre et le ciel, ce que les psychologues ont redécouvert dans la relation psychique de l’homme au monde, réinterprétant l’adage socratique et l’adage hermétique par une géométrisation du désir et du refoulement.

La polarisation intérieure ou extérieure se fait toujours le long d’un axe à double sens que Hermès Trismégiste a largement détaillé que l’on retrouve dans l’échelle de Jacob. Cet axe à double sens sera le caducée « ailé » du messager des mondes…

Ramené au questionnement de l’homme, ce dernier devra s’exercer tant à la transcendance qu’a l’immanence selon un centre invisible, un axe et une étoile surplombante. L’exercice sera mené sur le plan métaphysique et sur le plan éthique afin de répondre au mystère de la création et de la vie.

g/ L’effet est dans la cause :

Il n’y a point de cause sans effet, ici le centre est la cause de la pointe, et la pointe l’effet du centre. La pierre cubique à pointe serait un miroir ? En langage métaphysique je le traduis ainsi « le centre est le point, la pointe est dans l’axe ! » L’effet est une élévation axiale du centre, soit une élévation du point de vue. Nous allons voir que cette élévation est un envol, ce qui est le propre de l’élan vital.

Nous sommes dans la phase matérielle la plus évoluée qui consiste à atteindre le sommet tout en trouvant le centre en soi. Les deux aspects, de l’apparence et de la source cachée, sont en relation c’est ce que détermine l’ancien adage compagnonnique de la Connaissance que cite notre F.°. B.°. P.°. dans la dernière partie :

Le point qui va dans le cercle - qui va dans le carré - et qui va dans le triangle -
Tu connais ce point - alors tout va bien - tu ne le connais pas - alors tout est vain !

L’élévation à pour but de rejoindre un plus haut, un état supérieur où la matière ne serait qu’un point d’appui pour prendre son élan.

À l’image de la pierre d’envol de Mahomet appelé le rocher de l’envol, situé au Dôme du rocher à Jérusalem. Selon l’Islam, c’est de là que Mahomet a rejoint le paradis. Le point final d’un voyage fantastique. Le Prophète serait parti de la Mecque jusqu’à Jérusalem, sur une monture peu conventionnelle. Un coursier appelé Bouraq, sorte de cheval ailé prêté pour l’occasion par l’archange Gabriel (Jibril en arabe).

C’est par conditionnement harmonique du centre en soi et de la pointe en contact avec le monde supérieur que la construction se justifie sur le plan de l’esprit, sinon, sans cause spirituelle la pointe n’est que vanité (voir tour de Babel), ou intellectualisation excessive. Il faut donc doser l’intellect et l’esprit. La PCAP tente de réconcilier matière et esprit, comme l’entrelacement de l’équerre et compas dans un même point d’équilibre servant de base et d’appui pour transcender.

Ainsi tout centre établi est un lieu pour l’envol de l’esprit. Il suffit de retrouver le sens de la pierre de fondation pour s’en convaincre. Il s’agit de l’interpénétration des centres et des états : chaque centre est la cause d’un nouvel état dont la pointe en est l’aspect visible et c’est la pierre qui sert de support : Elle sera ainsi doublement qualifiée par sa cause et son effet, de pierre de fondation du lieu sacré « even shetiyyah » assimilée a Yesod puis de pierre d’angle du bâti sacré, ou de pierre de tête ou angulaire de l’édifice terminé assimilée à Kether.

Revenons au lieu sacré qui pour les anciens est un omphalos c'est-à-dire un centre du monde. Ici nous dirons que Jérusalem est le centre du monde et que le centre de Jérusalem est le Temple de Salomon, le centre du Temple est le Debhir, le centre du Debhir est l’Arche d’Alliance où repose la présence divine, la « Shekinah » ; le tout soutenu par la pierre de fondation.

Cette pierre de fondation, d’après la cabale, serait lancée par Dieu au milieu du Chaos pour fonder sa création : nous pouvons ainsi confirmer le lien originaire entre le divin et la centralité de la pierre, cette pierre d’appui est le centre de la manifestation, elle est aussi le centre des centres de toute la création et donc associée à la cause originelle : la pensée, la volonté et l’action divine.

Donc le divin est synonyme de centre dans l’espace « terrestre » et ce centre se projette de manière axiale dans le niveau céleste. Il prendra la « forme » harmonieuse de l’étoile.

h/ Les deux étoiles de la conscience ; de l’homme au Divin :

L’homme tel le berger suit son étoile. L’étoile est un ailleurs transcendant d’un centre qui nous est intérieur. C’est ici toute la profondeur intérieure qui rejoint l’horizon sans fin. Cette perspective inatteignable reste mystérieuse pour le profane et semble constituer le ressort de toute quête.

Chaque extrapolation se fait à plusieurs niveaux suivants l’état d’esprit du groupe d’individu. Extrapoler c’est admettre de comprendre aux limites de ce qui peut être formulé.

La transposition d’un centre terrestre en centre céleste revient à le situer dans un ailleurs inaccessible en supposant que cette transposition nous rapproche du divin originaire. Toute transposition est précédée d’une projection mentale. L’homme, suivant ses niveaux de conscience, a perçu ces projections dans des ailleurs qu’il a voulu rendre accessibles au prix d’un apprentissage et sur lesquelles il pouvait avoir une capacité soit d’agir soit d’intercéder.

La capacité d’action sur le réel en passant par un ailleurs est du domaine humain et repose sur les voies d’action qui tourne autour de la magie.

Ici c’est l’objet signifiant qui agit magiquement en nous, non pas par sa matérialité, mais par sa forme évocatrice. La forme évoquée en représentation mentale se fait suggérante et agissante. Ici le divin est absent ce ne sont que des possibilités d’ordre humaines qui sont mobilisées. Ces possibilités sont donc accessibles à la vision terrestre comme les sept planètes traditionnelles qui forment l’horizon de notre monde. Ici le franc-maçon est sur son premier terrain d’élection, celui de l’imaginaire maîtrisé ou démiurgique, celui des petits mystères.

On choisira l’Étoile du berger, ou celle des mages, qui du reste guida les Rois Mages (magicien = révélateur d’images) sur le strict plan terrestre. Ces Étoiles ne sont en fait que des planètes. Ici c’est la pierre cubique qui représente les facultés de l’homme dans son horizon, c’est donc dans l’ordre microcosmique qu’il organise ses voies d’action et c’est l’étoile à 5 branches qui représente ces possibilités humaines. Ce qui est magique, c’est la force évocatrice de l’image, c’est le symbole.

L’évocation suggère la transformation et la transformation l’idéalisation.

L’intercession s’adresse au divin par l’entremise d’intercesseurs, qui sont les théurges, les saints et les anges. L’intercession entraîne la transposition dans un monde supérieur d’un problème et autorise sa résolution. Le monde supérieur en soi est supposé plus éclairé, c’est le niveau de conscience supérieur.

Là rien n’est visible ni accessible en dehors de la vie, seul demeure irréductible le mystère de la création, mais la vie n’est qu’une évolution de l’esprit. Cette évolution de la vie suppose une progression harmonique entre l’état d’éveil et l’état matériel. Le divin n’existe qu’autant que l’homme se le représente, il semble nécessaire à la genèse (mystère de la création), et de fait sont influence est bien réelle dans le sens d’une conscience toujours plus absolue. Plus le niveau de conscience est élevé plus l’image de soi ou la résolution d’un problème peuvent se transposer dans un niveau supérieur afin d’être éclairé. Au final ce qui est divin c’est la conscience, ou plus précisément cette supraconscience directrice (morale, éthique) et ordonnatrice (création et son renouvellement).

Le divin se résume à la conscience totale qui, ramenée à la vie, donne l’élan et la joie d’être au monde. Ce sentiment de la totalité n’a plus d’horizon ni limites. Plus précisément l’homme ne supporte plus l’horizon de ses limites. Il faut donc intercéder, par le biais d’un prêtre ou d’un apex visuel puissant qui semble résumer le Tout et permettre le franchissement de l’horizon. On choisira l’invisible ou la permanence de l’impermanence en prenant par exemple l’étoile Polaire représentant l’axe immobile. L’axe est l’image mentalisée du centre directeur. Le long de cet axe se formalise l’idée hermétique que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. C’est donc l’étoile à six branches, soit au double triangle inversé et superposé qui représentera le macrocosme inaccessible aux voies d’action, mais accessible aux intercesseurs aillés. Nous retrouvons un triangle montant dans la pierre cubique à pointe, il nous manque le triangle descendant en apparence, mais il est bien présent dans l’imaginaire, c’est un triangle descendant qui va rejoindre le centre de la simple pierre cubique. L’hexagramme est donc dressé en matière comme en esprit.

Il y a donc un dédoublement horizontal humain limité et vertical divin et illimité du centre intérieur : le centre se duplique en apex sur le plan de la matérialité construite. La pointe est l’Étoile visible qui sert de guide aux rois mages, et n’est historiquement qu’une conjonction de planètes, soit une perception appartenant à l’horizon visuel et terrestre. En conséquence pour l’homme, la première étoile donne le gisement du nouveau-né sur l’horizon humain. Cette étoile est comme l’innocence du nouveau-née cachée au centre de soi, comme le nouveau-né dans la grotte, et elle peut se dupliquer en Vénus annonciatrice sur le plan, puis en Étoile polaire dans l’axe. La première étoile est l’Étoile des mages et des bergers, celle des voies d’action et du connais-toi toi-même, la seconde est l’Étoile des initiés à la conscience supérieure, de ceux qui sont dans la remontée-réintégration (ce qui est en haut est comme ce qui est en bas).

La pointe doit bien être interprétée dans ce double sens en fonction de l’état d’avancement horizontal (transformation) ou vertical du franc-maçon (transposition). C’est l’effet (la pointe-étoile) en relation avec la cause (le centre), mais l’effet (étoile) est fonction du discernement. Le discernement est synonyme de l’éveil ici microcosmique puis macrocosmique.

E.°.R.°.

Dans une prochaine parution...

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 22:22

«Mes Frères, Prenez place » dans le grand ensemble universel.

Du microcosme au macrocosme, les initiés ont toujours cherché le chemin qui est celui de l’élévation. L’échelle de Jacob représente l’archétype de ce désir d’élévation pour certain ou de réintégration pour d’autres et situe symboliquement son fondement sur Terre voir dans le subterrestre pour monter jusqu’au ciel. Cette image archétypale est reproduite sous différentes variantes dans tous les rites maçonniques. Elle est donc l’expression d’une voie commune à tous les initiés qui relie clairement « l’ici et maintenant » à un « ailleurs » que l’on veut bien qualifier symboliquement de céleste ou sur-céleste.

La place occupée par chacun dans une loge va faire apparaître cette échelle de progression. La place du maçon en loge dépend de son grade et de sa fonction. Elle peut varier dans le temps et dans l’espace et notamment en fonction du grade d’ouverture des travaux. Ainsi le maçon aura dans son parcours maçonnique et donc initiatique, cheminé à de nombreuses places et de nombreuses fonctions et charges. Il aura acquis dans son parcours une solide expérience et surtout des points de vue à chaque fois renouvelés. Ces points de vue sont des perspectives, à chaque fois différentes en fonction de la place occupée. Ce qui importe c’est que l’ensemble des points de vue se fondent sur une expérience de la périphérie, car le maçon aura usé ses fonds de culotte sur les bancs des deux colonnes comme sur les plateaux et postes d’officiers, aussi bien dans le Hékal qu’au Débhir. On dira de lui qu’il à fait le tour de la loge.

1/ Cette expérience est à la fois convergente et intégrative.

Convergente, car quel que soit la place occupée dans la loge celle-ci n’est jamais que périphérique et le regard de chacun « converge vers un centre » que l’on veut à la fois lumineux, spirituel et universel et intérieur.

Cette place est intégrante, car la place qu’occupe le maçon n’a de sens et d’efficience qu’en regard de la place occupée par les autres FF. Il n’y pas de loge sans un collectif de FF et par voie de conséquence, il n’y a pas de Temple mythique à rebâtir, ni de Temple intérieur à découvrir, sans l’autre, l’indispensable Frère qui renvoie à un autre soi-même.

La communauté des FF justifie ma place et fera naître cette convergence dans laquelle le « Je » s’agrège dans l’œuvre bâtie autour d’un centre géographique, géométrique, spirituel, mystique, et mythique. C’est ici le véritable sens du symbolisme des grenades au sommet de l’axe-colonne. La communauté initiatique s’agrège autour d’un centre lumineux ou d’un « foyer de lumière » qui à la fois élève et intériorise le regard, ceci est vrai depuis la nuit des temps, c’est ce qu’on appelle une constante traditionnelle.

2/ Double convergence

En vertu du constat précédent rapprochant l’individuel et le collectif, nous devons rechercher le lien existant entre l’individu et le groupe. C’est à cette condition que nous pourrions affirmer que lorsque je « prends place » en loge je suis un individu intégré au groupe et en regard du centre que je veux appréhender.

C’est donc le ressort de l’initiation individuelle dans un cadre collectif, dans l’hic et nunc qui doit être établi. Mais l’initiation elle-même va se dérouler autour de cette notion de place, de positionnement au sein de la loge toujours en regard du centre et de la lumière. C’est par ce constat de convergence qu’on justifiera l’expression « prenez place mes Frères ».

La convergence est découverte au centre « géographique et géométrique» de la loge qui est au sein du Hékal. Il se situe au centre du pavé mosaïque et du tableau de loge autour duquel nous circulons. Ce centre est le lieu du concret et de l’opération des outils et instruments. Mais il est dédoublé au Debhir.

Il s’agit alors d’un centre «doublement lumineux » qui se trouve à l’Orient et qui se manifeste sous l’aspect du rayonnement et du flamboiement. Ce centre n’est pas opérant à proprement parler, il est lumineux, or c’est la lumière qui permet l’opération et l’acte de bâtir. Ceci se traduit par une propagation axiale d’une lumière, dans le sens traditionnel Est/Ouest. Ce sens conditionnera un développement architectural du Temple où résiderai cette fameuse lumière. Ici le temple sera en trois parties proportionnées et/ou entourées de trois enceintes. Le but de cette architecture est d’héberger et protéger la lumière divine qui fait de ce centre un centre spirituel. La structure lumineuse tripartite du temple de Salomon sera le Debhir, le Hékal et l’Ulam.

Le centre matériel de convergence est indiqué par un lieu topographique autour duquel le maître de cérémonie va ordonner le chaos en mettant en ordre le Temple dans la partie Hékal, mais il le fera qu’en fonction d’un ordre venu de l’Orient et du VM, celui-là même qui intimera l’ordre à chacun de prendre place dans ce Mundus recrée !

En même temps que le maître de cérémonie « œuvre dans le Hékal, le VM « œuvre » au Debhir en entretenant et protégeant la lumière double dans son rayonnement et dans son flamboiement. N’oublions pas que ce Mundus est fondé au sens propre par une structure concentrique, et au sens figuré par une organisation ascensionnelle vers la lumière.

Concrètement le centre du Hékal sera une croix tridimensionnelle qui est constituée par les trois axes de la Loge, et pour le Debhir nous aurons la « présence » qui se manifestera par le triangle ou l’hexagramme au REP et sera transmise via le maillet et l’épée flamboyante du VM.

La place que j’occupe dans la loge doit me permettre d’assister et participer à l’étalonnage ritualisé de ce centre lumineux du Debhir dans sa relation descendante au centre du Hékal matériel.

3/ Non-temps et non-lieu

Ainsi en loge on célèbre dans un même lieu et un même temps sacré le centre et la lumière. Ce temps et ce lieu sont dits sacrés, car à couvert des regards et du temps profane. Cela veut dire qu’en loge nous serions hors du temps chronologique et hors de l’espace d’une géométrie profane. Nous serions dans un espace relevant de la géométrie sacrée.

Nous pouvons donc affirmer que notre place en loge est prise dans un ailleurs. Cet ailleurs est hors du temps profane et hors des lieux profanes. Nous dirons que notre place en regard de notre quotidien se situe dans un « non-temps » et dans un « non-lieu » invisible aux yeux profanes. C’est à cette condition que nous pouvons « intégrer » le miroir spéculatif que nous offre la franc-maçonnerie. La transformation du regard passe par cette prise de conscience : Je suis dans l’ici et maintenant, mais je suis aussi dans un ailleurs littéralement sacré qui me relie à l’ontologie, c'est-à-dire au l’alliance de « l’en haut » et « l’en bas ». Cette place privilégiée me permet d’agir au plan social et humain pour une plus grande humanisation de l’homme en vertu d’une prise de conscience d’un tout auquel je participe et par la place que j’occupe. C’est donc l’accès au sacré qui nous met hors de l’espace et hors du temps profane. Le déroulement scénographique du rituel en loge doit donc s’inscrire dans un imaginaire fait d’ombres et de lumière ou ma place est réservée dès lors qu’il y a eu dessillement du regard. Il va falloir porter son regard au-delà d’une certaine frontière. C’est tout le sens du don de double vue propre à la spéculation et au jeu du miroir.

4/ De la Convergence au Passage

À l’évidence ce qui est décrit ici n’est pas toujours expliqué en loge, car l’idée même d’une célébration de l’universel implique trop d’explications partisanes et relatives à la croyance ou à la non-croyance. Ceci nous rappelle les épisodes déchirants au seins de loge lorsque le points dit de « concorde » disparait. C’est justement à ce moment précis de l’incompréhension que l’expression « prenez place » prend force et vigueur. Prenez place ne veut pas dire défendez un point de vue partisan bec et ongles au risque d’organiser une bataille d’ego au-dessus du pavé mosaïque. Ce n’est pas la bonne démarche. Il faut en revenir à l’image d’un centre commun aux trois axes de la loge qui pour le franc maçon sera l’œuvre de synthèse et de rassemblement de ce qui est épars. En effet les axes Est-Ouest, Nord- Sud, Zénith-Nadir, sont pour chacun dédoublés en deux directions opposées. L’axe est donc double dans sa direction, mais le croisement de deux axes « stabilise » les quatre directions dans une construction commune qui est la croix. Nous avons ici l’illustration de ce que représente l’angle droit de l’équerre du VM soit le point commun ou de convergence de deux mesures dans deux directions différentes : c’est donc le rôle du VM que de réunir dans un même point de convergence et dans un même lieu symbolique des FM qui occupe des places différentes ! C’est aussi son rôle que de faire équilibrer les colonnes.

De cette croix symbolique formant un plan horizontal dont l’équerre est une fraction opérante, nous poursuivrons notre démonstration par le principe de l’élévation propre aux bâtisseurs. Pour l’élévation (ou l’exaltation) nous utiliserons l’axe Zénith-Nadir qui est une représentation au même titre que l’échelle de Jacob. Nous avons encore deux directions opposées, la descente et la montée qui vont trouver un point de « concordance » dans le plan quelles traversent. Ce plan est notre Mundus, celui de notre tableau de loge et donc de notre grade. C’est aussi le plan de la manifestation (graduelle) au sens métaphysique du terme, c'est-à-dire le niveau, la strate ou le monde dans lequel le logos et la parole agissent et ordonnent.

La superposition des plans, comme des tableaux de loge justifieront l’analogie comme l’anagogie.

Donc le point d’intersection des trois axes de la loge se révèle à nos yeux dans le tableau du grade posé sur le plan du pavé mosaïque. C’est ici littéralement « la révélation du centre ontologique » d’un monde donné, et notre travail spéculatif consiste à le visionner au-delà des apparences comme un lieu ou une porte d’accès à l’immatériel.

La « révélation » au sens maçonnique serait alors le lieu de concorde des six directions, soit le lieu de rencontre des trois axes. Ici se résolvent tous les antagonismes, soit tous les points de vue. Dans ce point de concorde, il n’y a plus d’opposition et donc il n’y a plus de point de vue. Ici nous pouvons émettre l’hypothèse que la place de chaque maçon qui donnait un point de vue dans la loge s’est transformée en conjonction de tous les points de vue en un centre rayonnant. Ce centre faisant converger tous les regards révèle l’unité. C’est en ce sens que nous parlons de révélation, car ce qui apparaît dépasse le point de vue d’un observateur. Ici l’observateur se confond lui-même avec ce centre lumineux qui est une porte d'accès surplombant toutes les causes et conséquences. Tout les points de vues y convergent en se confondant, réduisant littéralement à zéro les antagonismes. Cette porte est la voie royale qui relie l’analogie symbolique et de l’anagogie sacrale.

5/ La porte du temple intérieur

La franc-maçonnerie à pour habitude de matérialiser cette porte des convergences et conjonctions derrière le VM à l’Orient. Cette porte donnerait accès à un extrême Orient que d’aucuns ont qualifié d’Orient éternel. D’autres rites matérialisent cette porte comme une sorte de Naos au centre du Hékal. Voilà deux points de convergence qui n’en forment qu’un seul.

Ces points de convergence sont les centres de soi, de la loge et du temple. On résout cette superposition coïncidente dans l’expression construire son Temple Intérieur ! On accède a la vision de cette superposition par la con-templation (voir notre quadriptyque sur le thème « Loge ou Temple maçonnique » sur ce blog.) Ce qui est révélé découle de l’unité du centre intégré en soi. Du coup lorsque j’entends « mes FF prenez place » j’entends que je participe avec mes FF de cette superposition-convergence qui est, au premier degré(…), une révélation englobant tous les « points de vue ». Ici il n’y a plus de perspective à un point de vue car nous sommes le point initial et la perspective totale.

Bien entendu, tout ceci relève de l’intériorité et la représentation mentale induite par les symboles et les images archétypales. C’est ici, dans cette intériorité que se rejoue l’ouverture des travaux : l’espace de la représentation mentale est véritablement le « non-lieu » et le « non-temps » universel. C’est un espace non borné, à la fois invisible matériellement mais visible par représentation mentale, probablement intermédiaire entre ce qui est en haut et ce qui est en bas ; il s’agirait d’un non lieu sommital où convergent tous les chemins initiatiques.

C’est probablement dans cet ailleurs qu’ont été "tracés" les plans du Temple et pourquoi pas « dictées » les Tables de la Loi, c’est en tous les cas un non-lieu accessible à l'initié sur le chemin, où vivent de manières impérissables les images archétypales chères aux prophètes (voir la vision d'Ézéchiel). Il n’y a plus de prophète, il ne reste que des "cherchants" qui spéculent. Cependant c'est bien la main de l'homme qui mettra en œuvre les plans du Temple ou la lettre des Tables de la Loi. L’homme pourrait-il retrouver le chemin de l’image ?

Cette plateforme, ce non lieu située dans un ailleurs, dans la nuée, sert de point d’appui supérieur à l’échelle de Jacob. C’est ainsi que nous pouvons gravir les échelons et les redescendre en leur donnant un nom.

Nous en arrivons à considérer que la place du maçon dans le grand dispositif de la loge est à la fois sur la périphérie et au cœur de la loge, et que si chacun à sa place participe à la recréation ritualisée du monde au plan symbolique, il en est à la fois maçon et architecte, signifiant et signifié, objet et sujet. En prenant place à l’ouverture des travaux, chacun est le centre de la loge en étant le centre d’un autre lui-même.

« Mes frères prenez place » dans l’ouverture des travaux, se traduit aussi par une participation au le grand ordonnancement de l’univers. Nous devons alors plaider, témoigner, bâtir et rayonner, en sorte que l’homme trouve en lui la grandeur de ses origines et le rôle qui est le sien ici-bas. Par ma place au sein de la loge je participe à la célébration du centre et de la lumière qui sera à la fois centripète et centrifuge. La Lumière que je viens chercher au cœur de la loge sera en moi-même. Je devrais la répandre à l’extérieure de la loge et la faire fructifier en mon for intérieur.

C’est ainsi que germent les graines, en prenant leur place dans un devenir lumineux.

E.°.R.°.

Mes Frères prenez place. (2ème Partie) par E.°.R.°.
Mes Frères prenez place. (2ème Partie) par E.°.R.°.
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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 23:06
Mes Frères prenez place! (1ère Partie)

Mes Frères prenez place.

Le chemin initiatique déjà parcouru nous a appris que le Symbole est agissant, transcendant, et qu’il nourrit notre être autant que nous le nourrissons par notre travail effectué en loge. Depuis sa source primordiale il est à l’image de l’univers, en mouvement, en perpétuelle expansion.

L'article « La Loge Matrice Initiatique et Symbolique », faisait apparaitre une conception de la Loge, véritable athanor où par le processus d’initiation et par la re-création de l’univers qui s’y joue, chaque frère peut naître à la lumière et progresser sur son chemin initiatique. Toujours dans cet article il était envisagé la portée symbolique de l’injonction du V.°.M.°. aux Officiers et aux FF lorsqu’il leur est demandé de reprendre leur place.

A la lecture de cet article, on pressentait que cette approche pouvait à elle seule faire l’objet d’un travail. Effectivement tout étant calibré à sa juste mesure dans le rituel, celui-ci ne laisse rien au hasard ; on peut penser que cet ordre ne pouvait pas être qu’une simple injonction nous invitant à nous rassoir sur les colonnes.

Que signifie cette expression: « MES FRERES PRENEZ PLACE ».

On envisagera ce sujet selon le thème de la « double vue »chère à notre ordre initiatique. On traitera l'expression « prendre sa place » selon que l’on considère le travail des FF comme une démarche spirituelle individuelle et introspective ou comme une démarche spirituelle collective. On expliquera comment et en quoi elles se rejoignent.

La démarche spirituelle intérieure

Chaque FF vient en loge chercher les réponses aux questions qu’il se pose. Par le processus initiatique de dissolution-décomposition et recomposition de son être, il va pouvoir quêter sur son chemin intérieur.

Bien que le but initiatique soit commun à tous les initiés, ce chemin n’appartient qu’à lui-même et sera différent de celui de ses FF présents avec lui sur les colonnes en loge. (Je me demande parfois dans quelle mesure ce chemin de lumière ne serait pas commun à tous puisque tous les FF le suivent dans le même axe et dans le même sens de circulation : seul alors le point de vue de chaque FF diffèrerait…) (réponse chacun à son axe qui passe par l’ouverture de la fontanelle voir maitrise!)

Au 1er degré, chaque FF est dans le silence, siège sur la colonne du Nord car il ne peut soutenir une pleine lumière car il n’a pas encore atteint un niveau d’éveil spirituel suffisant pour la comprendre ; il se trouve ainsi en partie dans les ténèbres, mais pas complètement. En effet sa colonne est régie par la lune, astre symbolisant la réflexion. Il est comme elle non pas dans la passivité mais dans la réflexion : il reçoit par la lune la juste quantité de lumière assimilable à son niveau que cette dernière réfléchit elle-même du soleil, source traditionnelle du TOUT. Il observe, écoute et se tait, et dans le silence il commence à comprendre ou du moins à avoir l’intuition de ce qui passe en loge et donc dans son intériorité.

Par progression graduelle sur l’échelle symbolique et initiatique et selon la méthode maçonnique, il va pouvoir travailler sur lui-même et chercher à prendre place dans le grand TOUT. Pour cela, il va utiliser (dans l’axe de la lumière et autour de l’axe du monde universel) les outils qui seront les siens en fonction de son état d’avancement initiatique : à chaque étape franchie correspond un niveau d’éveil et de conscience différents.

Au 1er degré, son travail va consister d’abord à tailler sa propre pierre brute. Il exécute sous la vigilance du 2nd surveillant ce travail essentiellement avec le maillet, le ciseau et l’équerre. Il suit les recommandations de son maître et les applique. Le second surveillant symbolise le fil à plomb ; tout ce travail de dégrossissage de sa pierre brute correspond à la nécessité de sonder les tréfonds de son être à la recherche intuitive de son CENTRE. Son Monde et ses possibilités sont celles contenues dans le tableau de loge du 1er degré; Il peut ainsi cheminer vers la lumière avec trois pas effectués en ligne sur l’axe limité OUEST-EST. Reprendre sa place pour un FF apprenti, par exemple après une l’intervention d’un FF sur tel ou tel sujet, c’est après s’être mis en phase d’écoute active, méditer dans l’instant présent sur ce qu’il vient d’entendre non pas avec ses oreilles mais avec le cœur.

Vient enfin le moment où le l’apprenti devient compagnon.

Ayant dégrossi sa pierre brute, il en parachève la taille afin qu’elle soit exploitable dans la construction de son temple intérieur. Son tableau de loge, l’imago mundi du 2nd degré lui permet dorénavant d’atteindre un nouveau niveau de conscience. Il ne suit plus le chemin de la lumière de façon uniquement axiale mais cette fois-ci il découvre le plan en pouvant chasser un pas du côté de la colonne du midi. Il a acquis une certaine technique et même s’il reste sous l’œil bienveillant du FF 1er surveillant, il est autorisé à travailler sur le chantier de midi à minuit. Dorénavant il s’émancipe, prend conscience de ses possibilités et arrive à conceptualiser le résultat final vers lequel il doit tendre.

Il prend part aux travaux en siégeant sur la colonne du septentrion et reçoit cette fois ci la pleine lumière : à midi, baigné par la lumière du soleil qui est au zénith, il ne dégage pratiquement pas d’ombre, il est au sommet de son art. Sous l’égide du FF 2nd surveillant, il va approcher à nouveau la notion de verticalité, mais non pas cette fois ci pour sonder le tréfonds de son être et vérifier qu’il est dans le bon axe. Cette fois ci grâce au niveau, il va devoir comprendre quelle est sa place en se situant sur la ligne de foi de cet outil : il va déterminer comment sa spiritualité va interagir avec sa propre vie.

Ses maîtres lui ont enseigné la géométrie ; l’étude de cette discipline lui permet de reconnaitre en toute chose matérielle du monde manifesté l’art du trait du créateur, sa trace et son signe. Par effet miroir, il va géométriser à son tour son esprit pour faire en sorte que son œuvre soit également une œuvre de l’esprit : ainsi le compas et l’équerre se croisent ils à ce moment là ! Il va être guidé sur Son parcours initiatique par l’étoile à cinq branches qui pointe à l’horizon et lui permet d’aller vers sa lumière intérieure à la recherche de son centre. Ainsi, par l’étoile à cinq branches, il découvre comme dit précédemment la géométrie mais aussi la beauté, l’harmonie des formes à travers le nombre d’or : il devient alors créatif et toujours par le jeu du miroir de ce qui est en haut sur ce qui est en bas, il va se retrouver tel l’homme de Vitruve à la place du « G » au sein de l’étoile flamboyante pour rayonner par lui-même. Il va reprendre sa place dans le grand œuvre. "Il y a certes, le compagnon qui sait se situer sur le grand chantier du temple à construire et qualifier son acte "d’œuvre de l’esprit", mais il y a désormais son double inclusivement associé à l’étoile. Le compagnon s’identifie à l’étoile qui guide ses pas, c’est un point capital. Désormais il est à l’œuvre sur terre et avec l’aide du ciel ! Nous pouvons donc affirmer que la place du compagnon est prise matériellement sur les colonnes en loge et sur le chantier, mais aussi en fonction d’un ailleurs céleste".

Reprendre sa place lorsque l’on est compagnon, c’est donc être dans une construction de soi dans la place qui est la sienne "dans un dispositif qui épouse la terre, lieu de matière et le ciel lieu d’esprit. Le soi maçonnique est un rapport d’un moi renouvelé en regard de l’axe terre-ciel".

Toujours du point de vue de l’œuvre individuelle, il est à noter que chacun a sa place et son rôle à jouer en loge, qui est le chantier préparatif à la construction du temple intérieur de chacun. Après une mise à l’ordre où chacun se met en position de verticalité, d’écoute active ou bien encore après l’intervention d’un FF sur les colonnes, chaque FF reprend ensuite sa place en son rang, grade ou qualité. Ainsi chaque FF reprend sa place selon qu’il est apprenti, compagnon, maître, officier ou encore VM. « C’est donc le principe d’ordonnancement du chaos autour de la célébration de la lumière ! Il semble qu’une volonté soit à l’œuvre par le truchement du rituel, une sorte de logos venu d’en haut qui s’impose naturellement à la collectivité comme à l’individu ».

Bien évidemment, si la construction de son temple intérieur est une œuvre en partie individuelle, elle est également une œuvre collective. Le temple est autant en moi que je suis en lui. " Il y a donc une véritable relation entre le temple et l’intériorité du compagnon. Nous pressentons alors les potentialités transformatrices des rituels bien vécus sur les individus. "

Prendre sa place, une œuvre collective

J’ai tout à l’heure mentionné les charges et fonctions de certains FF officiers ou du VM en loge. Au-delà de la fonction de chacun d’entre eux, il faut en envisager le résultat du point de vue de leur charge et de leur œuvre collective qui peut être symbolisée par l’hexagramme : les FF maitre de cérémonie, FF trésorier et le FF terrible forment une triangulation descendante alors que le VM et les FF 1er et 2nd surveillants forment une triangulation montante. Ainsi le monde de matière et le monde spirituel sont ils entrelacés, indiquant comme il a été enseigné par Hermès : « tout ce qui est en bas est comme tout ce qui est en haut pour faire les miracles d’une seule chose ». Ces officiers à travers leur charge et l’énergie qu’ils transmettent à l’ensemble des FF de l’atelier permettent d’envisager la tri-unité et faire en sorte que le microcosme (l’être )et le macrocosme (l’univers) se confondent en l’esprit.

Si la démarche initiatique du maçon est individuelle, elle ne peut se faire qu’avec le soutien de l’ensemble de ses FF. Ainsi, toujours par l’effet miroir, il va observer les compléments apportés ou les différences de point de vue énoncées par les autres FF sur les colonnes en vue d’enrichir son propre point de vue. Il va avec le FF avec qui il échange devenir Symbole : tour à tour chacun sera signifiant ou signifié.

Quelque soit son état d’avancement spirituel et son niveau d’éveil, chaque FF va par son état d’être et son état d’Esprit enrichir d’énergie positive le pot commun de tous les FF et alimenter l’Egrégore.

Ainsi, l’Egrégore, cette énergie positive et bienfaitrice sera le résultat de cet assemblement d’êtres en une Unité, un être collectif : elle se manifestera dès lors pendant la chaîne d’union.

Toujours dans le cadre de l’œuvre collective, le concours de chaque FF va produire la notion de Fraternité.

Si l’égrégore se manifeste dans l’espace et le temps sacrés de la loge, la fraternité, elle, se manifeste dès les parvis et dans le monde profane : peut être est elle le rayonnement de l’égrégore ? D’ailleurs nous ressentons tous avec le Cœur cette joie lorsque nous rencontrons dans le monde profane un FF et que nous nous reconnaissons comme tels. D’un illustre inconnu, par les mots paroles et attouchements il devient notre F.°.. De quelqu’un d’avec qui nous pouvons avoir des opinions et des centres d’intérêt différents, nous nous retrouvons, en tant qu’initiés sur le chemin, en une filiation spirituelle commune : nous avons la même racine.

En effet, si je bâtis mon temple intérieur, j’œuvre également avec mes FF la perspective de la construction du temple de l’humanité. Reprendre sa place dans ce cas de figure, c’est reprendre sa place en tant que pierre à l’édifice commun bâti par tous les maçons vivants, futurs ou passés à l’orient éternel : Je suis à la fois une pierre taillée qui s’insère dans l’édifice et le maillon d’une chaine initiatique traditionnelle qui va là encore se manifester lors de la chaîne d’union.

Complémentarité des œuvres individuelles et collectives

Bien évidemment cette faculté de double vue, matérielle et spirituelle, terrestre et céleste, individuelle et collective, sur laquelle j’ai basée mon travail est une notion finalement unitaire, rassemblant deux notions différentes mais complémentaires : Il n’y à pas un travail de cheminement intérieur OU un travail de cheminement collectif : il y à UN travail de cheminement tout simplement. « La finalité de ce travail se qualifie donc sous deux points de vue ayant un seul objectif : accéder par l’éveil spirituel à une plus grande humanisation de l’homme, qui fera de nouveau de lui un fils de la lumière. »

Dans l’édification de ce temple d’Esprit, chacun de nous représente comme je l’ai dit une pierre polie qui PREND SA PLACE dans la construction. Si d’avance je ne respectais pas les plans tracés et que je mettais les pierres taillées dans n’importe quel ordre, le temple s’effondrerait ! « Nous devons donc respecter les plans de construction du Temple élaborés dans un plus haut inaccessible au même titre que les Tables de la Loi ,et tenter de déchiffrer l’écriture et les signes du Grand Architecte ».

Mais nous mes FF savons que chaque pierre est unique, « elle possède sa marque sa signature qui l’identifie compagnon qui lui a donné forme individuelle et destin collectif. Ainsi dans l'édifice qui se veut maison du divin (temple de Salomon), le compagnon conjoint sa volonté participative à une destinée collective et à une providence». Chacune ne peut prendre sa place qu’à un seul endroit, ce qui fait que l’édifice est d’équerre et d’aplomb « conformément aux plans de l’architecte! »

D.°.D.°. RL « Les Ecossais de Saint Jean »

Suit une 2ème Partie à la prochaine parution.

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15 février 2014 6 15 /02 /février /2014 21:11

7 / La recherche d’une clef de lecture universelle

Il subsiste chez l’homme le constant désir de rechercher dans la nature les signes de la divinité. Ces signes seront la clef explicative, celle qui permet la compréhension et le retour, soit l’entrée dans les temples successifs.

En entrant en loge je me rapproche du secret de l’art royal en relation avec la construction du Temple.

Le temple de Salomon remplit parfaitement ce rôle de clef universelle. On prétendit y trouver dans les proportions le principe d’harmonie universel à l’origine du Tout. Ainsi 60, 20, 30 coudées de long de large et de hauteur seront base de proportions célestes où le ciel et la terre se conjuguent (I Roi VI,2) par des escaliers tournants dextrocentrique ou sinistrocentrique donnant accès aux trois étages ou niveau de conscience. L’acte s’y réalise dans la perfection de la pierre taillée dans un ailleurs métallique. Ici tout est perfection dans l’assemblage silencieux de la juste proportion. Les temples se superposent les uns successibles des autres. Mythiquement la franc-maçonnerie succède les temples d’Enoch, l’arche de Noé, puis le temple de Salomon jusqu'à sa destruction remplacement par le temple de Jérusalem. Nous avons ainsi une succession de temples qui se superposent. L’ultime temple ne sera reconstruit qu’à l’intérieur de soi sur les ruines des précédents. C’est ce que nous révèlent la plupart des rituels maçonniques.

Ainsi la mesure mathématique de l’édifice dont il est dit qu’il est l’expression de la volonté divine exécutée par Salomon en regard des plans donnés à Moise par Dieu lui-même. Cette relation directe entre la matière et la volonté divine ne pouvait qu’être une source et un modèle universel. Ce modèle universel sera celui d’une spiritualité construite, ce qui débouchera sur la recherche d’explications scientifiques et magiques, établissant l’influence croisée entre l’homme et la grande nature.

C’est ainsi que Isaac Newton (4 janvier 1643  – 31 mars 1727) fit de très sérieuses recherches sur ce sujet comme ses contemporains. Ainsi la plupart de ses co-cherchant étaient membre de la Royale Society et aussi franc-maçon. Faut-il préciser que Newton était lecteur assidu du Théatrum Chemicum d’Elias Ashmole rosicrucien et alchimiste reconnu, l’un des premiers francs-maçons acceptés en loge opérative dès 1648.

Newton l’alchimiste lisait les ouvrages de Michael Maier (1569 - 1622) rosicrucien et commentateur de la Monas hieroglyphica de ; cette John Dee (13 juillet 1527 – 1608). LaMonas hiéroglyphique était le symbole de l’union des mathématiques et de l’alchimie pour expliquer et comprendre le monde. Or force est de constater que la loge maçonnique héberge dans ses symboles la totalité de la Monas dans une recomposition de type Temple. Le temple, et donc la loge alchimico-maçonnique, est le contenant expressif d’une corrélation secrète entre toutes les composantes symbolisées : Lune /Soleil, les 4 éléments, le feu, le mercure, la pierre philosophale, l’axis mundi, le monde manifesté, la croix symbole du carré, la terre, le ciel etc.

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 La recherche scientifique découlait de cette conviction hermétique d’une lecture universelle possible par une clef : dans le nombre et les proportions résidait l’explication universelle cachée.

Copernic avait en 1511 fait de belles avancées démontrant l’héliocentrisme, Newton acheva en 1686 la démarche exploratoire avec la découverte de la Gravité que Giordano  Bruno avait pressentie. Tous ces débouchés scientifiques prenaient leurs sources dans l’analyse mathématique et dans l’observation du grand temple de la nature.

On considérait que le divin mécanisme pouvait être découvert, ce que réfutait l’Église. Le refuge dans la pensée hermétisante, d’une science sacrée cachée et transmise à l’ origine des temps hantait les esprits curieux. La réponse Papale ne sied guerre aux cherchants, surtout que depuis Luther et la reforme donnent à chacun la lecture et l’analyse sans dogme des Saintes Écritures. De cette liberté de ce goût pour l’adogmatisme est né l’esprit critique qui s’abreuva aux sources hermétisante.

Des 1604 le rosicrucien Simon Studion publia le Naometria, qui se traduit « La mesure du Temple » ; Newton s’en inspira dans le but d’y lire une vérité universelle une clef majeure, une proportion idéale, qui dépassera le concept de Cornelius Agrippa où l’homme était la mesure du Tout ; ce qui est cherché ici la mesure de l’homme et du Tout inscrits dans le Temple. Ce qu’un cherchant de cette importance cherche à lire c’est le plan divin !

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(Mesures du Temple de Salomon suivant le tracé de Newton)

Ainsi, la loge est et sera toujours liée et adossée au Temple, considéré dans son idéal architectural et spirituel. Cet idéal bâtisseur doit s’analyser en fonction du rôle que le franc-maçon se donne dans les progrès de l’humanisation et dans sa volonté d’atteindre une perfection lumineuse. Finalement l’œuvre du franc-maçon est au service du rapprochement entre l’homme et la lumière ! La lumière divine à sa maison dans le Temple.)

La recherche d’une clef associée à l’image du temple au-delà de ses proportions aboutira au système matinezien qui sous-entend que le Temple est l’Univers et donc un Temple Cosmique dont la loge maçonnique n’est qu’un reflet ici bas, l’homme lui-même dans sa dimension archétypale est le Temple dit de Salomon, mais l’image du Temple s’étend au Réparateur, c'est-à-dire au Christ. Donc au final l’étude du temple de Salomon revient à étudier l’homme archétypal, mais aussi l’Univers. La raison en est simple, elle repose sur l’idée que la Temple est de double naissance : Les plans du Temple de Salomon furent donnés à David son père et mis en œuvre à la demande de Salomon par Hiram l’architecte. Donc en étudiant l’image agissante du Temple de Salomon et donc son symbolisme secret, on étudie sa propre image originale et l’univers dans son entier. Le lien est indissoluble entre l’homme et le cosmos. C’est ce lien qui est la clef ouvrant le passage entre le microcosme et le macrocosme.

 

8 / La verbalisation du Temple en Loge, matérialisation de la pierre d’angle et de la pierre du dôme. (Principe d’élévation.)

Le refus du temple dans la loge chez certains s’analyse comme la pierre rejetée qui finalement viendra couronner l’édifice. Le rejet est donc normal et non définitif.

Nous avons ici l'expression formelle et verbale de la spéculation maçonnique: doit-on faire référence à la loge ou au temple?

Ce phénomène ne serait-il pas le fait d’une identification maçonnique de l’œuvre dont le sommet dans le langage des bâtisseurs serait le Temple.

Les arcanes du Temple seraient le secret des initiés, la loge serait le stade préalable à son accès.

 

Nous sommes passés dans le langage maçonnique de l'atelier à la loge pour aboutir au temple.

La verbalisation maçonnique est donc passée du stade opératif au stade spéculatif, par la morale puis par l'ordre social et son progrès universaliste pour rejoindre la transcendance pour certains ou l'immanence pour d'autres.

La verbalisation du Songe de Jacob fut une pierre dressée et ointe. L’acte est le mot. Bethel signifie maison de Dieu. La verbalisation du Nouveau Testament transformera cette pierre axiale en Pain, ce sera Bethel-lehem : la maison du Pain. Ainsi la pierre du bâtisseur devient le pain du compagnon. Or le compagnon taille la pierre et partage le pain avec ses Frères ; dans la même mesure, la Loge est le lieu de la taille (élaboration) et le Temple de lieu de l’assemblage idéal et parfait (perfection).

Le point commun à la loge comme au temple est le maçon. Le maçon pose les pierres taillées dans un ordonnancement qui suit l’exécution du Plan. Le Plan est le tracé de l’Œuvre.

Donc le point commun réside dans la finalité du travail maçonnique: la pose de la pierre angulaire qui ordonne et justifie l'ensemble des pierres d'assemblage de l'édifice, et en regard de cette première pierre d'angle, la pose de la dernière pierre, celle qui fut rejetée, à savoir la pierre du dôme ou clef de voûte. On voit bien que la première pierre est souterraine et que la dernière est aérienne. Donc l’œuvre et le plan s’expriment pour conjoindre en un lieu donné, l’état terrestre et l’état céleste.

Or c'est à partir d'une loge opérative que l'on construit une cathédrale et donc un temple! Je dirais que la loge, par ses maçons, construit le temple, c'est logique, historique, simple et imparable.

 

Voilà pour le modèle qui s'impose de lui-même et qui explique en grande partie le glissement sémantique qui va de l’atelier pour la taille conforme au plan élaboré dans la loge qui se réalise dans le chef d’œuvre appelé temple. Je situerais ce temple au centre de la loge en lieu et place du tableau de loge situé au point d’intersection des trois axes de l’espace. C’est aussi le lieu de la projection de la pierre du Dôme.

 

 9 / Le lieu et le nom, de l’affectation et la destination royale.

 

Le roi se caractérise par sa couronne.

Traditionnellement, le Temple est le lieu qui héberge une présence particulière que certains appellent "présence divine" et d'autres la "Shekinah" et d'autres encore "la lumière".

Cette question de la présence transcendante repose sur le ressenti lié au sacré plutôt que sur une rationalité pure. Il s’agira « d’intelligence » du cœur pour certains ou « d’intuition intellectuelle » pour d’autres. L’une et l’autre aboutissent à ce ressenti qui ne peut se départir du temple.

Nous devrons donc dépasser l'aspect matérialiste moral et organisationnel des Constitutions d'Anderson pour expliquer ce glissement sémantique de nature initiatique.

L'aspect universaliste des Constitutions d'Anderson sort renforcé par l'élaboration du terme" temple" par la communauté des cherchants.

Ainsi le temple est un endroit où ce qui est en haut rencontre ce qui est en bas (rencontre des trois axes de la loge). Mais il ne faut pas confondre le lieu qui met en scène la rencontre du haut et du bas et le point précis qui donne vie à ce phénomène.

Ce lieu de la mise en scène peut ne pas s'appeler temple, il peut s'appeler taverne ou hall voir hall de gare ou foret caverne. N'importe quel lieu appelle à considérer l'intuition de la verticalité comme une source d'interrogation ou de révélation.

Le lieu n'est dénommé qu'en fonction de l'affectation et de la mise en scène qu'on veut lui donner. Je peux, si je le désire transformer une arrière taverne en tripot clandestin ou en un lieu d'où émane une ambiance et un égrégore particulier. Dans ce cas c’est ma volonté associée à mon imagination interprétative qui affecte le lieu notamment si je lui imprime un tracé symbolique qui vaut consécration.

En revanche certains lieux architecturés et déjà « tracés » dictent une forme particulière de concentration, c'est le cas des temples et cathédrales en général. Ceux-ci furent consacrés par un tracé ou diagramme symbolique que les francs-maçons reproduisent dans leur fondation de loge. 

Donc le lieu n'est à prendre en compte uniquement en fonction de l'affectation que je suis enclin à lui accorder, par un tracé qui implique la connaissance du trait. Mais je reste influençable aux lieux déjà « tracés » (ou consacrés).

Lorsque je rentre dans une cathédrale je suis enclin à considérer ce lieu comme vertical et transcendant, il ne me viendrait pas à l'idée de le transformer en fast-food!

Idem dans une abbaye romane d’où exhale un tellurisme fort, ou dans une mosquée qui évoque la présence du non représentable. Je suis ainsi sous l'influence de la volonté de l'architecte du bâtiment et de son plan, de son dessin comme de son dessein, c'est ainsi que l'art de bâtir serait un art libéral pour certain, ou royal pour d'autres! Cet art royal sera complété, couronné par l’art sacerdotal.

Le temple couronne la Loge, car le temple est la destination la finalité de la loge, c’est ce que démontrait la plupart des grades supérieurs de la Franc-maçonnerie. Nous avons ici un début d’explication à l’expression « art royal ».

Ainsi le passage de la loge au Temple sera celui des petits aux grands mystères, soit la césure entre l’apprenti-compagnon et le maître.

 

 

10 /Le lieu intérieur et consacré, notion de présence.

 

Donc le lieu lui-même et sa qualification doit être relativisé par sa situation naturelle exceptionnelle (centre spirituel) et par ce qu'on veut bien y apporter: en franc-maçonnerie opérative puis acceptée, le lieu fut secondaire et sommaire dès lors que les outils instruments et symboles étaient correctement disposés et le tableau de loge tracé au charbon et à la craie et orienté.

Seuls sont reconnus dans les textes maçonniques les lieux mythiques ou historiques comme le mont Heredom ou le Temple de Salomon. Il est vrai que l’apparition du grade de Maître met en scène Hiram Salomon et le temple, puis les grades suivants ont évoqué la destruction et la reconstruction de la période Zorobabel, pour conclure à l’impossible reconstruction en dehors de soi.

Le temple serait ainsi au centre de la loge comme au centre de nous même.

 

C’est l’acception bourgeoise et nobiliaire en franc-maçonnerie devenue « acceptée » qui créa le Hall comme un palais que nous voyons « gravé » sur le frontispice de l’exemplaire original des Constitutions d’Anderson. Cette institutionnalisation immobilière endetta matériellement et éroda spirituellement la Grande Loge de Londres puis d’Angleterre. C’est  la course au « confort institutionnel » qui fit oublier le plan et l’œuvre à accomplir. (Ce phénomène de l’endettement matériel au détriment du spirituel semble toujours bien présent dans nos diverses Grandes Loges)

On oublia en effet que le temple puisse être intérieur. On eut besoin de construire des palais spéculatifs à force de capitations bourgeoises. La spéculation devient une culture de l’entre-soi bourgeois. Ainsi naquit le conflit des Anciens et des Moderns avec l’éviction des Irlandais et des Écossais de culture provinciale.

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(Il fallait un « Hall »majestueux pour accueillir le théorème de Pythagore et la lumière venue d’en haut)

 

Le Temple est donc synonyme d’espace consacré. C’est sa première définition.

En loge, cette espace consacré serait suivant le type de consécration de la loge, l’espace tracé du tableau de loge, ou l’espace du pavement compris entre les trois piliers.

En l’homme l’espace consacré serait le lieu de résidence de l’âme soit le cœur, or je remarque que la loge est un terme médical affecté au corps humain et synonyme de cavité. Donc nous pourrions en déduire que le temple dit intérieur est hébergé par une cavité close et couverte appelée loge.

 

A minima et à la source, c'est donc la réalisation du tracé, ou l’orientation du diagramme symbolique, fût-il sommaire, qui fait potentiellement le lieu de la "présence" qui anime la vie. Le lieu n'est que l'exécution du plan de l'architecte, et donc du tracé qui est d’origine spirituelle. C'est sur cet aspect qu'il faut affiner l'approche corrélative des termes "loge" et "temple":

 

Il est vrai que le tracé du diagramme se fait en écho de l'environnement que l'on veut, en franc-maçonnerie, retirée des regards profanes. ("Nous sommes à couvert et à l'abri des regards profanes!") c’est le lieu du templum, espace tracé et consacré, réceptacle du ciel.

C'est donc l'orientation et la disposition des symboles, furent-ils sommaires, qui font la loge, et non pas le bâti matériel : les premières loges militaires Stuartistes qui pratiquaient un rite écossais "primitif" en deux grades dès 1688, se réunissaient sous la toile de tente, avec très peu de décors. Une toile de tente militaire n'est pas un temple, c’est une loge (cavité-athanor) spéculative au sens de l’élaboration alchimique et de la prise de conscience; donc le temple est dans un ailleurs!

Ce temple n'est évidemment pas à prendre uniquement dans un sens religieux et exotérique. Il est à considérer sur un plan immatériel, c'est-à-dire spirituel et ésotérique, et pour certains, lieu de médiation entre le haut et le bas.

 

Le Temple dans une franc-maçonnerie des trois premiers grades ne peut être qu’un Temple intérieur (à l'image du cœur) .

Ce Temple intérieur met le franc-maçon en présence d'un autre lui-même, de cet autre soi débarrassé de son ego esclavagiste.

Le franc maçon est supposé s'être dénudé (cœur à nu), s'être débarrassé de ses métaux sur les parvis et surtout dans le cabinet de réflexion, il est donc prêt pour se rencontrer dans un lieu intérieur et aussi sacré que le cœur. C’est aussi dans ce « Sacré-Cœur » qui lui vient l’intuition de la « présence ». La Shekinah habite aussi ce lieu. C’est un lieu magnifique.

 

Donc le lieu dans sa dénomination n'est pas sans importance, car il faut considérer celui-ci comme extérieur ou strictement intérieur à soi-même. En ce sens, pour un franc-maçon universaliste le terme « Temple » ne se justifie qu'en nous même, quelque soit l'endroit du déroulement de la cérémonie maçonnique. Lorsqu’une cérémonie d'allumage des feux ou une cérémonie de consécration à lieu, ce n'est pas un temple de matière qui est consacré, mais un point de rencontre spirituel commun à tous les FF et SS présents.

Ce point de rencontre des trois axes de l'espace n'est visible qu'avec les yeux du cœur, c'est aussi le point de jonction entre le ciel et la terre. Ce lieu est aussi en nous.

 

11 /Double schème du temple de l’homme en loge et du temple en l’homme 

 

Il ne faut pas confondre le doigt qui montre le ciel et l'étoile.

Donc le terme "temple maçonnique" dans les trois premiers degrés de la franc-maçonnerie n'est pas représenté par un lieu matériel et concret, il reste quasi-immatériel et spirituel et surtout intérieur à soi. Tout juste arrive-t-on à le tracer.

 Le Temple est universel comme la franc-maçonnerie, car il est en partage chez tous les francs-maçons (parfois sans qu'ils s'en soient rendu compte).

Cette assimilation du Temple à l’homme est véritablement universelle

La loge des trois premiers degrés n'est pas le temple matériel: la loge est tout simplement le lieu de mise en œuvre de modalités organisationnelles et ritualisées . Ces modalités vont agir à l'intérieur d'une cavité ou d'un lieu à couvert et favoriser une forme maçonnique de « concentration ». Ceci qui nous donnera la fameuse méthode maçonnique de l’introspection-ascension et du « connais-toi toi-même (descente) et tu connaîtras l’univers et les Dieux (remontée) ».


Ce qui distingue le temple et la loge, c'est la spiritualité et la matérialité: je suis "présent en loge", la loge est le temple de l’homme "concentré" pour entrer dans mon temple intérieur, soit « le temple » en l’homme. Nous passons ainsi de temple de l’homme en loge, au temple en l’homme !

N’oublions pas que le dessin du Temple se superpose au dessin de l’homme lui-même à l’image de Dieu aussi bien dans la Genèse hébraïsante que dans la genèse hermétique. Ce Temple est donc aussi le temple de l’homme. C’est ici que le discours du Chevalier Ramsay en 1736 prend tout son sens  s’agissant du maçon et du Temple et introduit une double lecture : « Le nom de franc-maçon ne doit pas être pris dans un sens littéral, grossier et matériel, tout comme si nos instituteurs n’avaient été de simples ouvriers de pierre…mais aussi de nos prince religieux et guerriers, qui voulurent éclairer édifier protéger les « Temples vivants » du Très-Haut »:.

     temple_salomon_arbre_kabalistique-1-.jpg

(Représentation de l’homme face au Temple de Jérusalem)

 

Le plan au sol de l’édifice représenta avant tout, le corps de l’Homme cosmique. La correspondance Homme/Plan/Temple crée un état d’identification et de «sympathie vibratoire» entre l’homme et le cosmos. L’entrée dans le temple représente l’entrée dans corps de l’Homme, c’est-à-dire une introspection. Or, l’introspection prend appui pour commodité représentative sur la structure de la loge qui emprunte au Temple la représentation de l’univers. Au moyen-âge chaque partie de la cathédrale possède les qualités transférables aux parties du corps humain.

 Le Cercle absidial représente la tête, la croisée de la nef et du transept, le cœur, c’est-à-dire la vie qui bat dans l’édifice. C’est le fameux cardo dont on dit qu’un enfant frappant le clou du cardo d’une canne pouvait au rythme de son cœur faire vibrer l’édifice, etc. il y a donc identité vibratoire entre l’homme et le temple.

cathedrale-chartres-homme-proportion-copie-1 

(Mise en relation de l’homme au Temple, et principe d’harmonie entre le terrestre et le céleste. Le centre du transept correspond au cœur de l’homme.)

La méthode maçonnique permet d'entrer en soi et de rencontrer l'autre, aussi bien le frère que le JE.

La loge est orientée EST-OUEST/NORD-SUD soit les points cardinaux matériels alors que le Temple est en rapport avec des dénominations spirituelles : entre le haut et le bas à savoir le Zénith et le Nadir, l'Orient et l'Occident, le Septentrion et le Midi. Il y a donc dans nos rituels un double langage celui de la loge et celui du Temple spirituel intérieur.

Autrement dit la loge se limite aux murs (matérialité-cavité), le temple est sans limites (spiritualité) particulièrement vers le ciel. Le frère se situe dans ce double lieu en vertu de sa double nature matérielle et spirituelle.

L'atelier enfin est l'endroit où on manipule et entrepose les outils et instruments des maçons qui transformeront la matière brute en matière burinée à l'image ou à la forme de l'esprit.

C’est au maçon de faire dans la loge son temple, son athanor où s’élabore son intériorité.

Ainsi la loge maçonnique propose un double schéma en miroir, une image du temple dans la proportion humaine et un écho du temple dans le cœur de l’homme.

La franc-maçonnerie propose une méthode pour relier les différents centres que nous avons évoqués.

 

 

 

 12 / Le travail intérieur : centre et concentration.

 

Se pose alors la question suivante :

Quel est le point commun entre le Temple, la Loge, l'Atelier?  : Le travail pour accéder au Centre appelé aussi concentration.

La réponse repose donc sur la méthode maçonnique qui veut favoriser par l’expérience vécue et la mise en situation, la "concentration" circumambulatoire et lumineuse du maçon. C’est aussi le parcours du croyant dans la cathédrale ou le pèlerinage de « la lieu de Jérusalem » sur le labyrinthe. Tout est concentration pour passer d’un niveau terrestre à un niveau céleste..

C’est la signification de l’expression centre de l’union, qui est un lieu clos et couvert, où règne la lumière, à l’abri des profanes.

Le terme "concentration" implique que le maçon dirige son regard et son action vers le Centre et la lumière. Le centre en soi devient lumineux pour certains, illuminé pour d’autres.

labychartres 

(Le labyrinthe à sortie verticale est l’illustration parfaite du travail de concentration.. Ici Laby de Chartres.)

 

Ainsi nous avons une construction en poupées russes autour d’un centre:

Le centre de l'atelier ou du chantier est la loge, le centre de la loge est l'image mentalement représentée du temple de Salomon (archétype /plan/ tables de la loi / loi-règle), le centre du temple mentalement représenté est le Temple intérieur, soit le Centre de soi ou le cœur.

 

La lumière est au centre de soi ; ce centre se superpose à d’autres centres comme un retour vers l’unité. C’est ce Centre qui nous réunit. 

Ce Centre comme la Lumière qui y réside sont donc au sens propre comme au sens figuré universel. 

Nous retrouvons la vocation universaliste des Constitutions d'Anderson par delà les religions.

 

Le temple n'est pas la loge ni le Hall ou la taverne, mais la loge, le Hall et la taverne peuvent devenir le lieu de concentration pour entrer dans notre temple intérieur!

C'est une affaire de méthode, de ritualisation et de concentration adaptées à la mesure du tracé, du plan ou du tableau de loge.

Enfin si tout ce qui est bâti dans la matière à vocation à être détruit puis spirituellement rebâtit suivant l’expression de Marc XIV, « détruisez ce Temple et je le rebâtirai en trois jours », il semble donc logique que s'il on est homme de désir, que la construction se vive en soi et au-delà de soi, ainsi que la destruction et la reconstruction. La reconstruction sera dans la tradition chrétienne une résurrection. C’est ici le point central, le point  de concentration et de liberté par lequel l’homme peut "se frayer un passage vers la lumière en cherchant le ciel et le souffle céleste" (Sonnets mystiques de Philip Sidney 1586).

 

Conclusion: Le franc-maçon travaille en loge ou dans le Temple?

 

Si le passage du Templum au Temple s’explique par la métonymie et la magie cérémonielle, l’adossement de la loge au Temple explique la dichotomie, et l’aboutissement dans un même sommet des voies initiatiques artisanales et sacerdotales. L’ensemble de ces espaces sont consacrés en qualité d’écrin du Centre. Ce centre en fonction de la sensibilité de chacun s’interprétera comme le centre ontologique, le centre divin, le centre source de lumière ou de vérité. Ce centre est au plan humain un axe ou une échelle qui permet de traverser un certain nombre de plans. Sur chaque plan est à nouveau représenté Temple suivant des modalités d’expressions différentes, mais concourant d’une même unité reproduite à l’infini. C’est ici que l’infini et l’unité se rejoignent d’un point de vue hierologique.

Au final la Loge et le Temple constituent une architecture du conjointement de l’humain au divin. Ceci nous ramène comme une évidence à la double nature de l’homme. Le franc-maçon qui fréquente les deux lieux en un seul accepte d’envisager en lui-même la présence de la loge et du temple, soit sa nature humaine et divine à la fois. Celui qui ne fréquente que la Loge ne maîtriserait que les règles de la morale de sa classe et tendrait naturellement vers un « entre soi » philanthropique. Donc l’idée de la loge pour elle-même ne peut suffire, elle débouche obligatoirement sur la notion d’œuvre de l’esprit, autrement dit de chef d’œuvre.

Enfin, sur le plan du vécu et de l’expérience maçonnique, nous pouvons donner la réponse suivante:

Le franc maçon entre en loge, s'y "concentre" en s’orientant rituellement pour enfin entrer et visiter son temple intérieur (son cœur)  et entrer en partage (amour-fraternité). Cette entrée est faite hors du temps et hors de l’espace. Nous sommes ici littéralement dans un "non-lieu" où les travaux sont perpétuellement ouverts et à couvert de la profanation.

Une tenue en loge réussie est celle où nous entrons dans le temple intérieur par un travail de concentration, afin d’atteindre un lieu de liberté à l'abri de l'ego. Dans ce lieu je retrouve mes FF et SS "coedificamini"(bâtis ensemble) réunis pour bâtir ensemble le chemin vers le centre et l’universel.

Dome du rocher sceau templierE.°.R.°. Loge de recherche "Le cherchant Ecossais" GLSREP

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30 décembre 2013 1 30 /12 /décembre /2013 00:27

Dome-du-rocher-sceau-templier.jpg5/Dématérialisation et  Rematérialisation de l’idée principielle.

 

Le travail de la matière et de la forme est le propre du franc-maçon. Ce travail se fait en fonction d’un état d’âme ou d’un état d’esprit conforme à la voie initiatique. C’est ainsi que l’on parlera d’une œuvre de l’esprit. L’alliance de la matière à l’esprit est le domaine du franc-maçon, sa voie initiatique depuis toujours.  

La construction est un acte de matérialisation de l’idée archétypale, la dématérialisation est une destruction de l’apparence matérielle, mais n’affecte pas l’image archétypale de la maison de Dieu sur Terre.  

Nous avons vu que l’apex maçonnique tend vers la lumière, ce qui sur un plan géométrique est assimilé au centre à la fois point de convergence, de conjonction et de réunification. Ce travail de réunification est graduel et en loge, il se fait par les paliers des grades et de leurs tableaux de loge. Le tableau ou tapis de loge est du domaine de la loge (deux premiers grades) et a pour finalité de faire découvrir le sens ontologique et eschatologique du Temple (troisième grade et suivants), nous avons déja évoqué que la loge serait l'antichambre du Temple.    

L’expérience de la pierre brute, de la pierre cubique puis de la pierre cubique à pointe signifie la métamorphose autour de la découverte des 6 faces des 3 axes et du centre conjonctif. C’est un travail à la fois extérieur et intérieur. Cet ensemble symbolique présent dans le travail de la pierre l’est tout autant dans la structure même du temple. D’ailleurs la pierre d’angle ou de fondation et la clef de voûte corrèlent les trois axes d’une croix tridimensionnelle qui fait l'union du carré et du cercle, du cube et de la sphère...

On peut dire que l’objet "pierre" dans tout ses états, ou "temple" dans ses constructions-destructions sucessives, se forme en rayonnant à partir de son centre et des ses axes. On transportera cette idée principielle à l’échelle de l’homme (voir plus loin N°11 Le temple en l’homme).  

La métamorphose de la pierre brute et la construction du temple représentent, à deux échelles différentes, une manière d’exprimer l’idée d’un principe constructeur voir créateur. Ceci implique une intervention du haut vers le bas. Le principe sera microcosmique pour le rapport de la pierre à l’homme et macrocosmique pour le rapport du Temple à l’homme. Ce principe constructeur s’extériorise dans la matière et la forme, il s’intériorise dans l’espace réservé de notre pensée comme un dédoublement à découvrir par notre âme plus que par notre corps.

 

 Nous voyons poindre à l’horizon le problème de l’association la matière et de l’esprit dans un même objet réceptacle. Nous percevons que cet objet peut tout à la fois être matériel et concret, comme immatériel car projeté dans notre imaginaire et cependant doté d’effets concrets. Les effets joueront sur la vision et l’interprétation, et donc sur le savoir-être qui suivra le savoir-faire.

La métamorphose de l’être s’associera à la métamorphose de l’objet support et de son double projeté.    

Le lien entre la matière et l’esprit se fait par notre capacité à représenter mentalement la forme dans un ailleurs surplombant et prégnant. C’est l'efficacité opératoire du symbolisme associé au rituel qui fonde la franc-maçonnerie spéculative. À partir de cet espace intemporel de représentation mentale, on peut participer à l’idée principielle, intemporelle elle aussi. Dans cet espace médian entre la matière et l’esprit, entre substance et essence, la liberté d'âme de la "franche maçonnerie" joue à plein, et ceci depuis l’époque des cathédrales.  

C’est avant tout une vision qui sans nier l’espace concret permet de voir au-delà et plus loin.  

Destruction, exil et reconstruction sont les diminutifs de la dématérialisation et de la rematérialisation du Principe.  

La destruction du Temple est donc un parallèle de la dématérialisation du Temple. La destruction se pose dans l’affect du vécu terrestre, la dématérialisation se joue dans un ailleurs situé entre matière et esprit. Le temple, fut-il celui de Salomon, fait donc apparaître cet ailleurs.

C'est au sens propre un révélateur! 

Ce parallèle nous renvoie dans l’exil (ou la chute) dans la matière, mais aussi dans une traversée méditative du désert (40 ans pour le peuple de Moïse et 70 ans mythiques pour l'exil babilonien et 81 jours aussi mythiques pour la traversée du retour à Jérusalem), qui produit la dématérialisation du Temple et son renvoi dans un imaginaire archétypal. Par la destruction et l'exil, le Temple de pierre sera remplacé par le Temple de papier, la Thorah, autrement dit le Plan divin.) Ce renvoi sur les deux niveaux (Pierre-Plan), provoque une démarche méditative autour de la reconstruction et de la rematérialisation. Est-ce utile de reformer le Temple dans une matérialité vouée à l’érosion ? L’image reste suffisamment agissante pour transporter l’emprise du Temple dans l’individu qui y trouve un lieu d’accueil pour son ascension spirituelle. De même, le peuple en exil peut reformer le Temple dans une supraconscience collective ainsi l’image restera agissante... (je ne parle pas de subconscient trop réducteur et non opérant sur cet espace médiant supéieur.)    

Ainsi le franc-maçon va réitérer le questionnement classique de sa présence sur terre et de sa finalité, de la présence effective ou imaginaire d’un ailleurs et d’un devenir pour son être en regard du grand tout, etc.  

 L’idée de la chute de l’homme dans la matière implique la nécessité d’une remontée de l’homme vers sa source première. Pour connaître le chemin de la lumière, il faut un plan, un schéma. Ce plan serait donc celui du Temple situé en haut d’une montagne, soit une sorte d’échelle montante et descendante, un point de contact entre terre et ciel. Cette station intermédiaire sera cet ailleurs où la forme naît de l’esprit et se matérialise sur l’espace terrestre (parabole des plans donnés à David et "formés" et bâtis par Salomon). Ainsi la forme appartient au concret de la matière sous la direction de  l’alchimie de l’imaginaire et de l’âme, mais sa source initiale réside dans l’esprit.  

La Loge veut être le lieu de la découverte de l’image du Temple idéal. Ce dernier devient produit de l’imagination "con-templarisée".  On tente de passer d’un plan dressé dans l’imaginaire à la matérialisation. Mais à partir de ce plan tracé dans un "imaginaire actif" ou "opérant" on peut aussi bien poursuivre notre exhaussement jusqu’au domaine de l’esprit et de l’intelligible. C’est donc l’image du Temple projeté en notre for intérieur, comme palier intermédiaire, qui fera lien entre matière et esprit inaccessible et qui rendra l'image vivante et donc agissante bien au-delà de la forme materielle. (Nous pourrions faire la même analyse avec le couple pierre cubique-croix tridimentionnelle comme nous le faisons avec le couple Loge-Temple.)  

C’est par le procédé diminutif de représentation symbolique que l’architecte exprime le sens de l’œuvre à accomplir. Le temple que nous concevons ou nous croyons voir, à l'instant ou vous lisez ces lignes, est donc une pré-matérialisation de l’absolu. C'est Hiram qui a rendue cette image accessible à notre speculation et uniquement par sa mort qui le fait passer de l'espace intermediaire entre matière et esprit (entre équerre et compas), à l'Orient éternel lieu de toutes les unités.

Ainsi, le Temple se trace sur terre et dans le ciel (Templum) et s’imagine, se met en image, dans un lieu médian et se met en forme dans le monde physique. Mais la scène d'un plan median est la même que celle du plan inferieur. Ce qui lui fait défaut  c'est la matiere, l'image est mise en scène sans la densité d'un support concret et sans le repère fuyant du temps linéaire. Ce temps immuable ou immobile est donc sans perspective car il est source de la perspective.  (Nous retrouvons la reflexion temps linéaire/ temps cyclique que nous avions déjà abordé lors de l'étude de la règle à 24 pouces du tableau de loge)

La matérialisation du temple et sa dématérialisation se poseront au sens concret et institutionnel...  

 On a l'aboutissement d'une institutionnalisation "formée": les Statuts de 1805 qui "interdisent aux loges de tenir leurs assemblées dans des auberges ou autres lieux publics. Elles auront pour leurs ateliers un local particulier ou commun à plusieurs. Aucune loge ne pourra travailler dans un lieu où soit une loge irrégulière, soit une autre assemblée profane ne se réunirait".   

Il fallut un lieu "ad hoc" qui accueille les loges et qui s’appela Temple pour l’image spécifique qu’il évoquait dans le cœur de chaque maçon. Le Temple suggère donc une image qui existe dans une autre réalité, située à la fois dans l’ici et maintenant du mur des Lamentations et dans l'elèvement du dôme du rocher, mais aussi dans un antérieur Salomonien et dans un temps eschatologique, celui de la vision d’Ezéchiel. Et portant audelà de la puissance evocatrice ce temple est "formé".  

Le temple « ad hoc » se substitua au principe du tracé "magique" du charbon et de la craie du tableau de loge sur le plancher de l'arrière taverne. Le diagramme symbolique tracé sur le plancher était une image "agissante" introductive au cheminement vers le Temple.

Le bâtiment par sa consécration officielle deviendra l’image concrète d’un tracé originellement symbolique !  

Ainsi la forme « extérieure » se qualifia en fonction du centre « intérieur ». Le Temple se nomma par l’apex qu’il représente soit la recherche intérieure d’un point de jonction avec le ciel.  

Il en est toujours ainsi lorsque la forme est à l’image du verbe. Les mots deviennent des miroirs où se reflètent de manière parfois subtile, l’image du divin. Quelque part, le Temple de la loge est le lieu du secret et du mystère de la vie. Y réside le nom du principe que l’on approche sans jamais l’atteindre.  

Se pose alors la question de l’universalité de l’image d’un centre principiel qui prend « forme » de Temple. Le Temple n’a de sens que si nous dépassons le temps profane qui conduira à sa destruction. Pour comprendre le Temple en loge, il nous faut une vision détachée du temps profané, il nous faut une dématérialisation. Pour conserver la saveur de cette image agissante, il nous faut accepter d’y introduire l’intemporalité d’un sacré ouvrant un nouvel espace grand et profond comme un miroir médiateur reflétant le ciel. …

 

 

6 / L’omnipotence du Templum. Temps profane et temps sacré.

 

Nous constatons que la notion de Temple au sens du Templum et sa capacité à lire les augures à toujours était présente dans les rituels et légendes maçonniques. La lecture des augures s’est traduite plus prosaïquement dans la lecture de l’origine, des signes du divin mettant en relation l’Homme Premier et la Grande Nature.

 

Les premiers francs-maçons positionnaient symboliquement cette origine mythique aux origines de la maçonnerie elle-même (comprendre: aux origines de l'art de bâtir dont on subodore le potentiel démiurgique).

Il fut tout naturel pour eux de placer cette origine à l'époque d'ADAM (le premier homme, selon la conception traditionnelle de l'époque), à celle de Noé (construction de l'Arche et religion première), ou, beaucoup plus fréquemment, à celle de la construction du temple de Salomon par l'architecte Hiram Abif.

 

Vers 1390 déjà, le « Manuscrit Régius », qui décrivait les usages des maçons anglais, plaçait emblématiquement leur corporation sous l'égide d'Euclide et de Pythagore, pères de la lecture géométrique du Monde crée, et sous la protection du roi Athelstan.

 

En 1736, en France, le Chevalier Ramsay rattache la franc-maçonnerie aux Croisés revenus riches de leur fréquentation du centre spirituel de Jérusalem. D'autres, un peu plus tard, feront une référence symbolique au Saint-Empire Romain Germanique ou à l'Ordre du Temple (en Allemagne, en Angleterre et en France).

 

À la suite de la redécouverte de l'Egypte Antique par les Occidentaux, c'est tout naturellement que certains rituels maçonniques déplacèrent l'origine symbolique à l'époque de la construction des pyramides.  

Au milieu du XIXe siècle romantique enfin, à l'occasion de la redécouverte de l'héritage du Moyen Age le mythe maçonnique renforça tout aussi naturellement ses références dans la construction des cathédrales.

 

Le Temple de Salomon se mit en concurrence archétypale avec les pyramides d’Égypte. Ainsi l’influence hébraïsante et vétérotestamentaire prenant Adam et Noé pour modèle se compléta d’une influence hermétiste. On dit qu’Hermès Trismégiste enseigna aux Égyptiens l’art de l’écrit et du calcul. Cette confusion chronologique rendant les pyramides contemporaines du Temple de Salomon mit en osmose une genèse hébraïsante et une genèse hermétisante.  

Le point de ralliement resta le temple de Salomon, véritable archétype de la pensée architecturée des francs-maçons.  

Au surplus, la pensée hermétisante, inspirée par le Corpus Herméticum attribué à Hermès Trismégiste et traduit par Marcel Ficin en 1576, avait imprégné la pensée des penseurs de la renaissance. Casaubon dans son analyse du Corpus Hermeticum en 1614, détruisit la croyance selon laquelle ces textes avaient été écrits par un quasi contemporain de Moïse ; il les data, en effet, entre 200 et 300 ap J-C ce qui remit en cause l’intérêt de cet enseignement que l’on croyait antérieur à Platon.  

Ce bouleversement impliqua le déclin progressif de la pensée hermétisante à la fin du XVIIème Siècle, mais resta bien présente dans la culture des premiers francs-maçons acceptés. Si la genèse hermétique perdait pied, la genèse hébraïque se renforça dans un esprit salomonien. Malgré cette découverte, deux genèses se côtoyèrent dans un même temple. Finalement le Temple égyptien a bien des points communs avec le Temple de Salomon, à ceci prés que Pharaon et Moise n’incarnent pas la même lumière céleste. Pharaon incarne la lumière, il est Dieu parmi les hommes. Au contraire, Moise fuit la lumière profane, il erre dans le désert pendant quarante ans avec son peuple, avant de le stabiliser autour de l’idée d’un centre, soit un Temple au sommet d’une montagne qui sera la maison de Dieu et des Tables de la Loi destinées aux hommes.

 

Le Temple en loge est donc le point commun qui focalise et « métamorphose les regards ». On devine que cette image universelle est présente de manière concomitante dans plusieurs mondes superposés. Détruit dans le monde matériel, le Temple existe encore dans le monde intermédiaire entre matière et esprit. Il n’entend pas disparaître et reste pleinement agissant. Retiré de la matérialité physique, il reste dans la matérialité des consciences, en partage entre tous les cherchants, un peu comme si sa redécouverte et sa reconstruction étaient une scène initiatique qui se rejouait à l’infini pour tous les initiés des générations successives. Cette intemporalité, cette constante cyclique impose ce schéma en boucle: plan/construction/destruction/exil/retour/puis méditation hors la matière. Cette dernière phase signifie un changement de niveau. Ce constat semble immuable depuis 2500 ans et se répète dans la conscience des initiés depuis la nuit des temps. On notera que le cycle  de construction d'une maison pour l'Arche d'Alliance et sa destruction, n'est pas sans rappeller la synthèse de l'épisode de l'Arche de Noé, des colonnes d'Henoch et de la Tour de Babel. 

La scène se rejoue constamment malgré l’écoulement du temps, donc cette scène est bien hors du temps et échappe à l’entendement de l’historien. (En effet on ne peut utiliser la même méthode pour écrire l'histoire temporelle profane et l'histoire intemporelle du sacré). Cette fameuse scène existe dans un ailleurs intermédiaire accessible à notre conscience mais hors du temps. On lui affecte des variantes: henochienne, salomonienne, zorobabelienne, ezchielienne... Mais sur le fond, rapporté à la voie  artisanale initiatique et à l'homme, la scène est toujours dans la "modalité" Hiramienne.

On parle de Temple Idéal comme de Temple intérieur, les deux notions se reflettent l'une dans l'autre: ce qui est au centre serait aussi en periphérie . On lui accole le qualificatif d’idéal. Ce monde idéal est celui d’une chevalerie mystique devenue céleste. Elle devance l’abandon du corps et donc le découverte du centre en soi pour l’accès au mondes supérieurs. Le tout dans un  "ici et maintenant". Cette chevalerie ne craint donc pas le sacrifice car elle se perpétue dans le monde intermediaire tel un archétype à disposition de tous les chevaliers en quête et de tous les maçons dans la construction intérieure Hiramienne qui fait écho aux plans donnés à Salomon. Ce modèle translatif temple interieur/temple idéal nous est donné dans la crucifixion du Christ et de manière plus accessible dans la crucifixion de Saint-André. C'est ainsi que les ordres de chevalerie seront "Chevalerie du Christ", "Chevalerie de Saint André", Chevalerie de Saint Lazare, etc.

Ce monde des images idéales décorporalisées, alimente le cherchant, c’est le lieu des projections, des représentations mentales individuelles et collectives. Cet espace fait un pont entre le terrestre et le céleste.

La Jérusalem terrestre a son double dans le Jérusalem céleste. Ainsi le maçon terrestre, comme le chevalier aurait son double céleste.

Le Temple fait donc lien médiateur ou vecteur entre ce qui est en bas et ce qui est en haut. Les potentialités archetypales du Temple sont à envisager sur les trois niveaux superposés, et de manière individuelle et collective. On conserve ainsi tout le sens de l’initiation qui porte l’universel dans l’individu et dans le monde. Le Temple de pierre et de lumière est donc un modèle comme un point de départ dans l’exercice initiatique d’élévation graduelle. Cette double vision  qu’il implique est utilisable à tous les stades et à tous les grades maçonniques.

Un grade ou un degré qui ne suggérerait pas l’accès au monde médian (par un tableau de loge par exemple) puis spirituel n’aurait aucun fondement initiatique. Le grade est souvent associé à ce qu’on appelle une légende de grade. Celle-ci doit évoquer et évoluer sur les trois plans. Le plan matériel et moral exotérique, le plan médian et subtil avec la scène conscientisée dans le Templum qui nous donne le sens anagogique, et enfin le sens ultime dans l’intelligible qui pose la perspective métaphysique.

 

Par son omnipotence dans les trois mondes, le Temple et ses images agissantes, tracent et ouvrent les portes de la transcendance par un "subtil" jeu de dédoublement et de miroirs.

(...) 

  E.°.R.°.

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 18:20

images.jpg3 / L’absence constitutionnelle et résonnance sacrée.

Pas plus une Constitution qu’un règlement ne traite de sujets initiatiques. Une Constitution organise le pouvoir et le processus de décision en Loge et en Grande Loge. La Grande Loge n’est pas un lieu de transmission initiatique. Il est donc normal que nous n’y trouvions que des considérations traitant de l’art de vivre ensemble, et rien de plus. L’initiatique en 1723 appartient encore à la transmission verbale et a sa résonnance en chaque franc-maçon. Un article de Constitution n’a jamais transmis un semblant de lumière. Il n’est donc pas sérieux de se référer toujours et constamment aux Constitutions de 1723 et de 1738 pour y trouver une source initiatique. En dehors de l’article premier qui fixe le cadre philosophique et humaniste de l’affectio societatis, nous n’y trouverons que des cadres organisationnels. Le symbolisme constructif est donc « logé » dans la cellule de base où s’opère la transmission sur la trame du devoir de mémoire.

Or la notion de Temple ou Loge se réfère à la transmission initiatique via une véritable hiérologie alors que la notion de Grande Loge se réfère à la conservation de "l’organisation" maçonnique.

Finalement en dehors de l’art 1 des Constitutions de 1723,  c’est dans les chants en dernière partie de la publication que vont transparaître certains aspects initiatiques réservés aux connaisseurs.

On peut se référer aux Constitutions d’Anderson de 1723 non pas pour répondre à la question posée, « Pourquoi les francs-maçons utilisent-ils le mot temple pour définir le lieu de leurs travaux ? » mais pour tenter d’en avoir une approche organisationnelle. Si on examine attentivement les Obligations et les Statuts de la très Vénérable Confraternité des francs-maçons, on se rend à l’évidence que le mot temple, et encore moins le mot atelier, sont absents des textes fondateurs de la franc-maçonnerie de 1717. Ces textes recommandent aux frères de se réunir dans un lieu convenable. Peut-on dire que les tavernes furent considérées comme des lieux convenables ? Les anciens rituels londoniens stipulaient qu’il convenait de couvrir la loge hors des aboiements d’un chien ou du chant d’un coq. Soit un lieu clos et couvert éloigné de l’indiscrétion profane de la « basse » cour.

Mais le texte dans ses annexes laisse transparaître quelques éléments qui feront naître l’idée du Temple.

On trouve dans les chants en fin des Constitutions ce passage : « ADAM, le premier de l'Espèce humaine, Créée avec la GÉOMÉTRIE Gravée en son Royal Esprit, Instruisit bientôt sa Descendance CAIN et SETH, qui améliorèrent alors La Science libérale dans l'Art De l’ARCHITECTURE, qu’ils aimaient, Et communiquèrent à leurs Fils. » Il y a donc aucune prescription pour designer le temple si ce n’est l’architecture comme art transmissible d’origine surhumaine et donc sacrée ; l’architecture sera la future servante du Temple-Templum, c’est elle qui lui donnera forme et proportion.

Cette abstention dans la citation du Temple ramène la valeur de celui-ci à la science sacrée de sa mesure géométrique (naométria) et de sa traduction démiurgique : l’architecture et la géométrie.

On évite ainsi l’utilisation d’un terme partisan à connotation religieuse (temple protestant, Église, cathédrale synagogue, etc.). Mais on constatera que la substitution du Temple par la vision et la modalité qui le construira, positionne l’architecte-géomètre sur le trône d’une connaissance antédiluvienne. Le temple sera ainsi lié à une connaissance réservée à l’édification du Temple comme à celui d’Adam.

Il s’agit de la capacité à lire et mettre en œuvre les plans divins. L’architecte-géomètre se situe ainsi hors la dimension temporelle et historique ce qui explique l’échec annoncé de toutes les écoles d’historiens qui cherchent l’arbre généalogique des francs-maçons spéculatifs. Ce qui doit être recherché ce n’est pas la transmission de la patente (modalité organisationnelle) ou un lien direct immédiat et écrit entre loges spéculatives et les loges opératives, mais la transmission d’une sensibilité hiérologique. Cet aspect souvent oublié des historiens, travesti et confine la recherche généalogique en un point de vue dit « documenté ». Mais aucun document ne peut relater la dimension et la perception du sacré si ce n’est le symbole dans son expression graphique ou glyphique universelle. Au mieux la démonstration portera sur la transmission de l’idéogramme ou la reproduction du signe associant signifiant-signifié. L’architecture du Temple et la géométrie sacrée seront une verbalisation du symbole sacré. Or force est de constater que sur ce point le symbole s’inscrit dans une représentation universelle avec une évocation-narration qui forme la base des archétypes de la pensée. Cette notion archétypale est trop souvent mise à l’index dans la recherche d’une filiation initiatique.

La voie initiatique passe par la mise en explication et en sensibilité du phénomène symbolique et sacral. Si l’historien ouvert à l’intemporalité acceptait de recroiser les indices liés aux symboles, il n’aurait aucune peine à se faire le génial découvreur de la filiation initiatique hiérographique de la franc-maçonnerie. Les affirmations par les Anciens Devoirs, par les Constitutions d’Anderson ou le Discours de Ramsay, de liens avec aussi bien l’Égypte, le roi Altestan, la chevalerie revenue d’Orient, etc, ne sont pas à interpréter sur un plan historique, mais sur un plan hiérologique. L’aspect historique fut-il maladroitement relaté par nos anciens, met en exergue le cheminement universel de la dimension sacrale associée aux voies initiatiques.

Les Constitutions de 1723 sont nées dans l’opposition armée des Hanovres protestants et des Stuarts catholiques. Se voulant universelles, elles ne tombent pas dans le piège du qualificatif partisan de la maison de Dieu, mais s’en rapprochent par la science géométrique et par l’art de bâtir. On note par contre dans la fin du Titre I que « la Maçonnerie devient le Centre d'Union et le Moyen de concilier une véritable Amitié parmi des Personnes qui auraient dû rester perpétuellement Éloignées. »

Ce but, le « Centre de l’Union » correspond précisément à la situation du mont du Temple de Jérusalem qui jouxte et conjoint dans une proximité propre aux lieux universels les 3 religions du Livre en 4 quartiers : le quartier juif, le quartier musulman, le quartier chrétien, le quartier arménien. On retrouvera cette vocation de l’union dans la manière dont les Hanovres (protestants) vont tenter par la Franc-maçonnerie de récupérer les débris Stuartistes. Il est vrai que les deux maçonneries vont continuer de se fréquenter et dialoguer aux pires moments des tentatives de reconquête. Ainsi, d’une manière presque utopiste, le centre de l’union pouvait prétendre réunir ce qui est épars.

 

Je conclurais en disant que l’absence constitutionnelle et parfois rituelique (suivant le rite) du mot temple, vaut substitution habile au profit de la science et de l’art (géométrie-architecture) qui permet sa construction. Cette perception en amont du Temple par l’art de bâtir le sacré, appelé aussi art royal nous conduit à l’universalisme non partisan de la franc-maçonnerie. Cette pseudo-neutralité dans les constitutions se traduira par un mot d’emprunt qui sera le terme « Hall ». Ce terme deviendra emphatique, voire majestueux et englobant, à la dimension des ambitions encyclopédiques et universelles des penseurs du XVIIIème Siècle.

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Voici la représentation du Hall d’apparat à gauche qui diffère dans sa majesté et ses intentions de celle de la loge en appartement à droite, plus modeste et plus fonctionnelle.(musée des Beaux Arts de Lyon, Feddersen (AQC Bayreuth), tirées de l'exellent ouvrage de Philippe Langlet, « Lecture d’image de la Franc Maçonnerie, ed Dervy).

La dénomination « Hall » devient par son œcuménisme verbal et spéculatif plus conforme à la tradition maçonnique des Maçons francs et acceptés devenus spéculatifs. Cette tradition d'ouverture et d'élargisement à l'universel est bien antérieure à 1717 puisqu’en trouve trace dès 1646 avec l’admission du rosicrucien alchimiste anglais Élias Ashmole. Mais il convient de souligner que l’avènement de la franc-maçonnerie à Londres, se référant aux anciennes chartes constitutives de la Maçonnerie opérative et puis de la Maçonnerie franche et acceptée, se distingue particulièrement par son approche de nature organisationnelle et délibérante via la Constitution de la Grande loge sous l’autorité d’un Grand Maître et de son collège de Grands officiers. La Grande Loge ne se réunit en aucune façon dans le Temple. Il faudra donc revoir la problématique du Temple uniquement au niveau des loges détentrices de la transmission initiatique, c’est ici que se fera la mise en éveil et la perception du sacré.

Le Hall est donc une surenchère institutionnelle de l’organisation maçonnique. La franc-maçonnerie veut peser dans le paysage sociopolitique. La loge est ici abritée par le Hall avec une identification sociale distincte des autres lieux cultuels ou institutionnels. A l’évidence nous ne sommes plus dans une arrière taverne.

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La notion de Hall est bien présente dans l’édition des constitutions de 1723(à gauche). L’élitisme transformera la vocation oecuménique en Freemason's Hall (à droite) réservé à la gentry Anglaise.

 

4 /  Influences et confluences mystiques et initiatiques.

L’image du Temple irradie la pensée autour du sacré, ce Temple fut un point de ralliement de l’histoire événementielle. Le Temple suscite la contemplation. Il est le point de liberté qui conduit à la grande perspective. C’est par l’approche du bâti sacré que se situe la transmission maçonnique.

La pratique démontre que les francs-maçons utilisent le mot temple pour définir le lieu de leurs travaux. Doit-on y voir une influence écossaise de type protestante où la notion de Temple n’est pas absente ? S’agit-il d’une influence où le temple est l’équivalent de l’athanor humain chez certains rosicruciens et Stuartistes présents dans l’Invisible Collège et dans la Royale Society ? Ces mêmes personnages seront aussi francs maçons spéculatifs…

Sans doute l’apparition du grade de Maître vers 1730 va cristalliser au plan architectural et archétypal la notion de Temple. Le propre du franc-maçon est de vivre le symbole et donc ici le Temple de Salomon sera intériorisé.

Précédemment comme le démontrent les premières Constitutions d’Anderson nous n’avions que deux grades maçonniques, à savoir le grade d’Apprenti et le grade de Compagnon. L’ensemble des frères travaillaient à cette époque sous l’autorité du Maître de la Loge. Donc point de grade de Maître Maçon. Ce grade fut constitué après 1723, on retient 1730-1740. Naturellement, la légende qui compose le corpus de ce nouveau grade témoigne d’une démarche rituelle christique, mais la notion de temple n’est pas nécessairement liée au Christ. Le temple serait dans son acceptation initiale plutôt hébraïsante. C’est pourtant la légende d’Hiram qui scelle le transfert christique, mais elle se déroule dans un cadre vetérotestamentaire.

Sur ce, les francs-maçons Irlandais de Londres, catholiques comme les partisans Stuartistes, demandeurs de la reconnaissance de l’Arche royale, ont accéléré l’acceptation du mot temple. Ils furent chassés en 1717 par une bourgeoisie londonienne, qui cultivait son entre-soi et ils entrèrent plus tard victorieux dans un accord mémorable… De par les accords de 1813 entre les Modernes et les Anciens, ils réussirent à imposer l’Arche royale au grade de Maître Maçon au sein de la Grande Loge Unie d’Angleterre. En d’autres termes ils adossèrent la Loge au Temple. Ainsi « l’élaboration » en loge servait le secret du Temple.

Enfin le génie français à la suite du chevalier de Saint-Lazare Ramsay "en mission"  par ses deux discours de 1736-1737, reveille et suscite ce qu’on appellera de manière générique « l’écossisme », comprenant le grade Maître Écossais de différentes appellations, notamment le Maître Parfait Écossais du Early Grand Scottish Rite, les grades chevaleresques et templiers et le grade Rose-croix. Les deux discours associent la chevalerie au temple par l’entremise des « croisés ». Selon Ramsay, le Temple devient ainsi le compendium d’une connaissance initiatique et sacrée qui fut instillée dans les loges écossaises.

La chevalerie « croisée » revient avec un ésotérisme chrétien éprouvé au pied de la muraille du temple. Ils conjoindront le temple et la loge entraînant dans cet élan une multitude influences donnant des grades ésotériques et hermétiques. L’influence gnostique ou hermétisante déjà présente dans les milieux intellectuels (rosicrucianisme anglais et allemand), s’en trouva définitivement installée, en marge de l’influence christique templière. De cette double influence naît un heureux mélange autour de la figure du temple qui reste une valeur universelle commune. Tout cet ensemble s’amalgame dans le théâtre de la loge.  

Une telle diversification de grades et de pratiques sera plus ou moins réceptionnée par le Grand Chapitre de Clermont notamment. Le Grand Orient de France de l’Ancien régime régula en 1785 les trois grades symboliques et institua les quatre ordres de sagesse. Ce fut l’œuvre de Roëttiers de Montalaud (1748-1807). Le talentueux Jean Baptiste Willermoz rectifia en 1778 les grades templiers du baron de Hund en y faisant revivre le dépôt traditionnel des premiers chrétiens. Le temple fut donc présent dans un aspect templier puis dans l’esprit rectifié, c'est-à-dire épuré, par une théosophie chrétienne.

L’esprit du Temple souffle sur l’occident depuis les croisades et la rencontre dans la mêlée d’un combat pour la reconquête, du plus fameux centre spirituel (Jérusalem). Cette mêlée créa un pont allant du soufisme à la chevalerie d’occident, soit de l’expire oriental à l’inspire occidental.

Nous assistons alors à un « conjointement de la voûte ». Les deux arcs nord et sud vont se rejoindre sur la même clef de voûte : la tradition occidentale chevaleresque devenue "templière" et la tradition orientale du Temple ont pour clef commune Jérusalem et la fontaine de Siloé.

La tradition chevaleresque de l’Occident et la fotowwat (Compagnons Chevaliers) de la tradition orientale vont mêler leurs souffles sous la muraille du temple et au Dôme du rocher. Mûrit alors dans l’inconscient et dans les récits, l’image archétype du Temple en Orient comme en Occident . Cette image archétypale n’est pas séparable de la méthode des bâtisseurs et de celle des chevaliers, et aboutira dans ses plus hauts degrés à une méthode « contemplative » visant l’image sublimée, la légende et la répétition. Finalement « le con-templateur, la con-templation et le Temple ne font qu’un » selon Henri Corbin.

Ainsi nous avons un Temple avec trois enceintes, ce qui veut dire que nous avons 3 Temples : le Temple d’Hénoch le plus proche des temps premiers, il sera celui de l’ontologie, le Temple de Salomon bâtit suivant les plans ou pendant la construction « on entendit ni marteau, ni pics ni outils en fer » R6,7, puis nous aurons le Temple de Zorobabel, celui de la reconstruction. L’image chrétienne se résume dans le Temple de Jérusalem qui sera celui centre, « point de liberté » en jonction entre la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste.

Ces trois constructions sont bâties dans la représentation mentale du franc-maçon qui fera le lien entre le haut et le bas, entre la chute et la réintégration. Cette espace médiateur nous revient par la planche à tracer des maîtres qui fera devenir réalité ce qui y est tracé par le doigt divin, soit une représentation sublime qui reste à déchiffrer.

C’est le pouvoir contemplatif qui construit le Temple en soi. Il s’agit donc d’une vision intégrative du sacré propre au chevalier comme au maçon. Elle peut être mystique et ésotérique. Alors le Temple dressé dans l’Imaginaire par la représentation mentale devient ainsi Porte du Ciel. C’est ainsi que la transcendance se manifeste en nous. C’est notre temple intérieur qui « prends corps ».

E.°.R.°.(suite et fin prochaine parution) 

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15 décembre 2013 7 15 /12 /décembre /2013 00:05

 

images-1---3-.jpg1/ Coexistence de la Loge face au Temple ou la Loge consubstantielle du Temple. (Point de vue organique)

 

 

 

La Loge n’a de sens historique qu’en vue de l’édification d’un temple fut-il virtuel.

 

C’est ici la fonction organique de la loge ; le Temple, en tant que structure d’accueil du centre, serait l’objet du travail en loge.

 

On ne fait pas la même chose dans le temple et dans la loge, mais le temple trouve sa source matérielle dans la Loge des bâtisseurs, et la Loge  situe l’acte de bâtir en regard de la con-templation, c’est-à-dire dans la méditation autour du sens ontologique et cosmogonique du temple. Ainsi l’essence provient du Temple et la substance provient de la Loge.

 

 Le point de vue organique passe par l’entrelacement du compas et de l’équerre. Il nous apprendra la descente de l’esprit dans la matière et la remontée dans l’axe, ou la réintégration du centre ontologique commun à la terre et au ciel.

 

Le principe de synchronicité inversée entre la Loge et le Temple est clairement établi par les rites maçonniques qui animent et organise la Loge. C’est ainsi que l’on trouvera l’inversion de la Lune et du Soleil, l’inversion des colonnes, l’inversion du sens d’entrée, etc. (voir notre étude sur la position des colonnes dans le livre de l’apprenti au REP p 205 .). La symétrie indique que les deux mondes célestes et terrestres se superposent, mais ne se confondent pas et que le Vénérable Maître n’est ni Dieu ni Démiurge, mais l’interprète transmetteur de la lumière sur les colonnes. Ainsi le temple est synonyme d’univers créé et incréé, la loge en devient le miroir de ce qui est en haut et le support d’apprentissage d’une construction en fonction de la lumière. Le miroir inverse ou symétrise à l’échelle de l’homme, l’image originelle. L’image originale serait le Temple et la loge son reflet avec de nombreuses implications.

 

 Le franc-maçon se déplace rituellement dans un lieu consacré, nous pouvons dire que le Temple est une destination pour les membres d’une loge. Il a un pouvoir d’attraction.

 

Dans l’antiquité, les membres du Collège des Artisans (Collegia Fabrorum), comme tout un chacun,  suivaient leurs cultes: ceux de la religion officielle; de même, les écoles initiatiques ou des mystères, se réunissaient dans les forêts, les grottes, les endroits éloignés particulièrement telluriques, mais jamais principalement dans les temples, car les temples antiques étaient faits pour abriter exclusivement la statue de la divinité, rien de plus. Nous avons vu dans l’introduction que, dans leurs processions, les confréries du Moyen Âge passaient rituellement par l’Église pour rendre hommage à leur saint patron et terminaient leur procession circumambulatoire solaire, voir stellaire, dans un lieu civil ou naturel où ils procédaient à l’intégration des nouveaux membres et prenaient les arbitrages du mestier. 

 

Le temple en qualité de bâti sacré faisait certes partie du paysage, mais n’était pas le lieu ordinaire de réunion de la loge ou de la confrérie. S’il n’était pas le lieu permanent de réunion rituelique et sacré du métier, l’Église faisait bien partie du voyage processionnel circumambulatoire initiatique.

 

De l’organisation du déplacement du corps en regard du Temple, nous passons à l’image superposée du Temple et du corps.

 

 

Le Temple et le corps de l’homme sont résonance organique. Ils expriment l’excellence de la construction alliant prouesse technique et proportion divine, reliant la terre au ciel. Les trois axes et les six directions de l’espace ont une signification à la mesure du corps de l’homme pour la Loge et du divin pour le Temple. Ce constat n'est qu'une déclinaison du principe défini par Protagoras.

 

Le Temple est le lieu orienté de la rencontre descendante de l’axe sur une quadrature céleste, qui va pour le Temple de l’Orient à l’Occident répandant la Lumière, du Septentrion au Midi pour donner le plan manifesté, du Zénith au Nadir pour donner l’axe de l’ascendance et de la superposition des mondes. La Loge est strictement orientée dans le sens symétrique à l’échelle microcosmique humaine qui va d’Ouest en Est, allant à la rencontre de la lumière, du Sud au Nord pour connaître le plan géométrique, du subterrestre au céleste (bas et haut) pour rencontrer le visage du Dieu.

 

L’usage ritualisé en loge de termes voués au Temple (orient-occident, midi- septentrion, zénith-nadir) démontre que les francs maçons « spéculatifs » ont fait du corps de l’homme (microcosme) une image du temple. Le modèle du temple est donc passé du microcosme des Petits Mystères au macrocosme des Grands Mystères. Donc le Temple possède dans son image même un pouvoir d’exaltation, il  éclaire notre pensée à l'image d'un un archétype universel rassemblant les 3 axes de l'incommensurable.

 

Les rituels maçonniques vont donc emprunter les perspectives incommensurables et divines du Temple de l’univers pour les appliquer à la Loge des maçons. Dans la plupart des rituels maçonniques, la voûte étoilée est sans dimension « des coudées sans nombres », contrairement aux autres proportions de la loge, indiquant ainsi le sens de la transcendance pour le maître.

 

La loge deviendra support d’apprentissage corporel de la marche vers la lumière. Les outils et instruments s’appliqueront à se définir en fonction de la Loge et du plan du Temple. Dans le premier cas ils seront prolongation du corps, dans le second cas ils seront prolongation de l’esprit. C’est ici que se situe l’un des plus grands secrets des symboles maçonniques ; les outils-instrumentum trouvent à s’appliquer sur deux plans superposés au moins. Par voie de conséquence l'outil-instrumentum se confondra avec sa finalité templière, porte d’accès aux niveaux supérieurs d’une échelle de l’esprit. C'est donc le niveau d'interpretation en son cadre materiel et moral d'un coté, puis symbolique et anagogique de l'autre qui nous fera passer de la matière à l'esprit et de la Loge au Temple. De ce point de vue, nous pouvons affirmer que la loge est une antichambre organique du Temple. Sans ce dedoublement nous ne pouvons "concevoir" ni "réaliser" l'ascendance.

 

 

 

La Loge et le Temple forment système d'exhaussement de l'esprit.

C’est ainsi que la Loge et son centre devint « l’image du Temple d’en haut » pour reprendre les termes du rituel de compagnon au REP. Cette affirmation caractérise la réalité initiatique d’une loge à la fois « ouverte et couverte ».

 

170px-Salomon_tenant_le_Temple_-portail_de_la_cathedrale_d.jpg 

 

(Cathédrale de Laon : Salomon tenant le Temple dans ses mains et sur son "cœur". Le Temple de Dieu se transporte dans notre centre intime.)

 

 

 

La vision organique de la Loge la fait persister sous differentes formes à travers les âges confirmant ainsi par sa finalité une indiscutable transmission. C'est la nature plus ou moins spiritualisée de la transmission qui a évolué, assimilant l'homme à la pierre brute.

Les guildes médiévales se réunissaient dans les ateliers - loge où travaillaient des appareilleurs, des carreleurs, des tailleurs de pierre. Les maçons libres avaient un endroit à leur usage exclusif situé sur le site de construction. Ils s’en servaient de lieu de rencontre clos et couvert « organique » au sens du repos des corps et des outils, de ressourcement à  la lecture des plans, de programmation des phases du chantier. La loge était alors le lieu de la "concentration" de la pensée en fonction de l'agir. Cette attitude est encore présente dans nos loges spéculatives.

 

Dans la franc maçonnerie de transition puis dans la franc-maçonnerie spéculative, les rencontres dans les tavernes, dans les ponts des navires, ou des casernes militaires ou sous la toile de tente en campagne militaire ont existé et persisté avant et après l’adoption des Constitutions d’Anderson.

 

 En 1776, le premier temple maçonnique a été inauguré à Londres, nommé par «HALL» plutôt que Temple. Mais ce Hall manquait peut être de la modestie qui sied au cherchant. On ressentit très vite la volonté d’institutionnaliser la franc-maçonnerie à un niveau différent de la tradition opérative. D’organique la loge dans le multiple devient « organisation ». Ce lieu dit de spéculation réunissait des hommes de qualité allant de la haute bourgeoisie à la noblesse avec une prétention universaliste et encyclopédique propre à l’air du temps. Le lieu devient ainsi un enjeu social, où le Roi tenait la main de l’institution et/ou le Grand Maître élu devait « représenter » par son rang et son apparence une certaine idée œcuménique de la franc-maçonnerie. L’organique devient organisation institutionnelle et « outil » d’une politique de l’Universel.

 

La Grande Loge finit par s’endetter pour acquérir des bâtiments à la hauteur de ses ambitions. La confusion s’installa entre le temple de matière lieu de réunion des FF et le Temple centre d’une pseudo universalité politique et idéologique. Le pseudo universel politique profite de l’universel surjacent du Temple.

 

C’est ici que la question se pose : les francs-maçons se réunissent en Loge ou au Temple ? La réponse est que les maçons se réunissent en Loge pour bâtir le Temple ou la cathédrale.

 

De cette vision organique et fonctionnelle, il nous est resté la vision finale du bâtisseur : le Temple. La vision deviendra idéale au sens propre, et se transformera en quête.

 

La pratique assimile ce fait, au point que, par abus de langage, le Temple semble désigner le bâtiment et la loge l’assemblée des frères. Mais ce  n’est qu’un raccourci qui consiste à qualifier l’objet ou l’outil en fonction de sa finalité.

 

La loge porte en elle un temple idéal qu’il convient de définir.

 

Ce temple idéal nous renverra à celui de Salomon puis de Zorobabel d’une part et à ce fameux temple intérieur, véritable cœur universel de la franc-maçonnerie d’autre part.

 

 

 

    

2 / Refondation du Temple dans la Loge suivant la Loi et le Plan. (Point de vue ontologique.) Trilogie:Templum-Temple et Loge.

 

La meilleure façon de qualifier l’espace maçonnique consiste à se pencher sur sa fondation et sa consécration. Faisons ici la synthèse de ce que nous trouvons dans les encyclopédies.

Voyons du coté du temple, la modalité "essentielle" de sa création : Le templum découle d’un procédé de magie cérémonielle , il est une transcription gréco-latine qui désigne une pratique divinatoire étrusque destinée à délimiter un espace sacré (pour édifier un temple étrusque, les limites d'une ville, celles d'un domaine ou d'une maison) par la prise d’auspices, un prêtre (l’haruspice) chargé d'interpréter les présages (wp).

Il se trouve que ce procédé met en relation ce qui est en haut et ce qui est en bas, plus précisément on fait descendre ce qui est dans le ciel sur terre, dans un espace spécifique et délimité.

Le templum (fenêtre) est tracé dans le ciel par l'haruspice tenant le litius (bâton), et le vol des oiseaux de proie le guide pour interpréter les signes(la prise de décision, aidée par les phénomènes naturels). Il s’agit de lire le plan divin et d’accueillir ici bas sa présence.


Le mot templum donne ensuite par contiguïté le mot temple soit un bâtiment dont l'emplacement a été défini par cette pratique, qui abritera la représentation d'une divinité, ou même le lieu d'un rassemblement non religieux. D'une fraction d'espace celeste nous sommes donc passés à une fraction d'espace terrestre.


Revenons à la Loge qui semble être un diminutif du Temple :

Suivant les rites, différentes techniques de fondation et de consécration de la Loge sont utilisées. Les plus remarquables sont celles qui restituent par imitation symbolique le Temple dans la Loge en fondation.

Les rituels de fondation de la Loge ou de consécrations de la Loge sont en réalité des imitations de la construction et de la consécration du Temple en tant que maison accueillant la présence Divine. Il s’agit plutôt d’une "duplication" traditionnelle du centre ontologique que d’une création au sens strict.

Cette présence spirituelle s’insère dans l’édifice bâti par les maçons suivant les Plans divins confiés à David puis transmis à Salomon. C’est Hiram Abif qui exécutera les plans fidèlement et c’est Hiram de Tyr, « Roi loyal » qui fournira le meilleur de la matière (bois et carrières) des territoires extérieurs où s’exerce sa couronne vers un centre spirituel. (Principe de concentration de la matiere vers un centre ou se manifeste l'esprit).

 

Les trois voies initiatiques vont ainsi concourir à bâtir en forme et en esprit la maison de l’éternel. La voie sacerdotale s’associe à la voie artisanale et à la voie royale dans « l’animation » d’un centre spirituel qui fait le lien entre le haut et le bas.

Ce qui anime ces trois acteurs, c’est la « loyauté » (synthèse de « Loi » et « Royauté » dont on retrouvera la mise en pratique dans l’expression « Art Royal »), c'est-à-dire le respect de la loi divine telle que les Tables de la Loi représentées dans l’art de bâtir, par le respect des règles de construction et des plans divins.

Certains rites font intervenir les consécrateurs, sacrificateurs de la tribu des lévites, d’autres organisent le voyage des quatre espèces,  sèment et le carré long de blé pour le renouveau et la fécondité, de sel pour la purification et l’alliance, de vin pour la joie et l’allégresse et d’huile pour la concorde et la paix, encensent les trois maillets ou trois points du triangle et invoquent l’éternel.

Le rituel de l’encensement du Temple atteste la présence de Divin au sein de la Loge, présence « cachée », comme doivent rester cachés le Visage et le Nom de Dieu.

D’autres se contentent d’animer le carré long d’y placer les colonnettes et de faire entrer la lumière ontologique imitant la recréation du monde, d’autres encore par le nombre le poids et la mesure, « dimensionnement l’espace » laissé libre par le créateur par l'utilisation de la corde à nœuds partant du point-centre et s’élargissant jusqu’aux hauteurs de la loge…ou de baguettes en 3,4,5 données aux porteurs de maillet... ou "mettant en gloire le travail" du carré long en opérant, à partir de deux centres "rayonnants" situés sur le milieu des colonnes. Le centre de la colonne Soleil represente la source pseudo-ontologique, le centre de la colonne Lune représente son reflet de la source soit sa duplication…( Il est entendu que le Soleil est lui-même centre secondaire, dans un ordre supérieur, d’un centre ontologique.) etc.

 

D’autres encore procèdent à l’entrée de trois coupelles d’encens posées au pied des trois piliers. Souvent la clôture se fait par une invocation, une incantation ou une prière dédicatoire.etc.

Ainsi la référence au Temple "maison du divin" existe dans certains rites maçonniques alors que d’autres s’en tiennent à une dimension soit plus métaphysique, soit plus humanisante. Ce triple aspect est à l’origine des variations dans l’approche spirituelle en franc-maçonnerie. Il y aurait donc une maçonnerie des Parvis, une maçonnerie du Saint, une maçonnerie du Saint des Saint. On remarquera que conformément aux principes et lois de correspondances, chacune de ces maçonneries est "orientée" et dotée d'une porte d'acces au niveau superieur.

Les approches vétérotestamentaires, chrétiennes,  gnostiques ou métaphysiques restent contenues dans un espace spirituel plus ou moins vaste alors que la démarche humanisante irradie une démarche d’utilité sociétale mettant l’homme au centre. Il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux démarches dès lors que l’on considère que les pierres du Temple sont des pierres vivantes représentées par tous les maçons.

En conséquence lors des rituels maçonniques de fondation et de consécration de loge on invoque la présence divine pour certains, jusqu'à la lumière de la conscience, synonyme de vérité pour d’autres. Pour le divin il faut un Temple, pour la vérité un espace d’élaboration alchimique de type athanor suffit. C’est ici que naîtrait la dichotomie entre le Temple et la Loge. De plus on coupe en deux voir trois parties un espace de recherche (temple ou loge) qui devient restreint à l'une de ces deux ou trois parties, humaine, suprahumaine ou divine. Dans chacune de ses trois parties est célébrée la lumière et ses modalités d'accès.


Quoiqu’il en soit, il faut être admis en loge pour percevoir toute l’étendue archétypale du Temple associé à la Loi et aux Plans.

On pose ici le principe d’une vision diachronique du triptyque « Templum-Temple-Loge »réservé au Frères et Soeurs de la Loge et donc inaccessible au profane.

L’interaction du Temple et de la Loge semble donc liée au secret maçonnique ce qui explique son approche difficile...

E.°.R.°. suite prochainement...

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 22:43

Cles de voute pierre du sommet pierre angulaire 001Loge maçonnique ou Temple maçonnique ?

Ou la Naometria maçonnique et l’apologie du centre universel lumineux.

(Note de synthèse)

Aller au Temple ou en loge semble synonyme. C’est symptomatique d’un sens évolutif qui apparente la loge et le temple dans un même dessin.

Si le Temple est la maison de Dieu, l’espace consacré, la loge est la maison du savoir-faire et du savoir-être de l’Œuvrier. Les Francs Maçons sont occupés à construire le Temple.

 Le temple est le lieu de célébration d’une religion, la loge est le lieu de transmission initiatique se rapportant à l’art de bâtir. Il se trouve que l’art de bâtir est directement lié au sacré aux lieux consacrés et religieux dont il est chargé d’illustrer le sens.

L’illustration du sens divin suppose le préalable de l’initiation. C’est ainsi que la loge et le temple ont formé un indissociable binôme initiatique et religieux.

Le Temple est l’image architecturée d’un divin archétypal dont la loge rapporte un effet miroir lisible et transmissible à l’Œuvrier. La lisibilité passe donc par la représentation mentale dont on connaît le rôle essentiel dans l’interprétation des symboles et le devoir de mémoire. Rappelons que le devoir de mémoire est ni plus ni moins un catéchisme de grade appris par cœur, découvrant les vérités fondamentales du grade et héritage scolastique de la notion de « somma ». La somma est une totalité interprétative et explicative des Saintes Écritures. Le franc-maçon héritera d’une sorte de « somma » transmise par ses aînés, consistant dans l’interprétation cohérente de l’universalité des symboles et des rites qui se déroulent dans la loge. L’interprétation restera personnelle tout en étant fondée sur une conscience collective et empruntera les chemins de la méthode maçonnique à l'image d'un plan graduel et structuré en parties successives.

Tous les symboles maçonniques ont pour finalité la recherche intuitive ou déductive d’un centre universel lumineux qui fera lien entre poussière terrestre et souffle de vie. Ce centre par son universalité peut être compris au sens traditionnel (hébraïsant, Greco-Christique, christique), associé au Temple et à la cathédrale, comme au sens humaniste (associé au Temple intérieur). Ce constat nous aidera à répondre à la question : le franc-maçon travaille dans la loge ou dans le temple ?

Ainsi, la question d’une éventuelle confusion entre le loge et le temple s’expliquerait par la nature universelle de la recherche d’un centre et d’une unité, commune aux opératifs et aux spéculatifs ainsi qu’aux courants de pensée du XVII et XVIIIème siècle.

Auparavant, la métaphysique de la lumière prônée par Denis le Pseudo-Aréopagite puis par Scots Erigène (810-877) produira ses effets dans l’apparition du style gothique qui va sortir la conscience collective de l’indistinction tellurique des modes d’expression et de pensée. Ainsi Pseudo-Aréopagite dans Hiérarchies Célestes affirme que notre Esprit peut s’élever à ce qui n’est pas matériel sous la conduite de se qu’il est. La meilleure expression artistique de cette évolution sera l’apparition de la perspective qui fait descendre le ciel sur le carré long. La représentation des tableaux de loge du XVIII et XIXème siècles portent encore témoignage de cette descente du ciel en terre par le traitement « graduel » de l’effet de perspective (accepté depuis 1330 et Giotto). Ici est représenté le non représentable : l’immatérialité du point de fuite caractérisant l’insaisissable infini et où l’observateur est renvoyé en lui-même. Il confondra son regard et son parcours final avec un centre en abîme. Ce centre en abîme est au centre de la loge.

 On comprendra alors que le principe d’élévation architectural se confonde avec l’élévation de la compréhension pour dépasser l’interprétation symbolique classique et aboutir à l’interprétation anagogique…soit une méthode interprétative, qui littéralement « conduit vers le haut » ; c’est ici l’essence même d'un message gothique classique réactualisé, dans lequel le franc-maçon opératif tends la main est passe le levier de l'interprétation anagogique au franc-maçon spéculatif.

À ceux qui s’interrogent sur la cohérence de la chaîne de transmission initiatique entre le moyen-âge et le XVIIème siècle, nous avons ici la réponse. Le message et le rituel initiatique de la lumière furent fixés par l’orientation et la déambulation dans l’église à construire puis dans la cathédrale par les opératifs porteurs d’outils et les clercs porteurs de paroles et lecteurs de l’évangile selon saint Jean. Cette déambulation « lumineuse » se faisait en regard d’un centre à atteindre. La ritualisation de l’entrée et de la sortie du bâti sacré, n’était pas liée à la religion exotérique, mais conçue comme une véritable expérience initiatique dont il nous reste de manière très visible le labyrinthe qui deviendra pavé mosaïque en loge. La déambulation initiatique dans l’église ou la cathédrale, n’était qu’un exercice vécu et pratiqué en d’autres lieux plus adéquats pour la voie artisanale. À l’époque, l’église dotée d’une voie sacerdotale complète dispensait encore cet enseignement ésotérique. Divers mouvements et confréries réunis autour d’un saint intercesseur ont  procédé à la célébration du saint dans l’enceinte même réservée au sacerdoce. Par leurs offrandes et célébrations et par les déambulations en cortège, ils ont ainsi perpétué ce message anagogique d’élaboration alchimique et de construction lumineuse jusqu'à en remettre le dépôt dans cette franc-maçonnerie de transition du XVIIem siècle puis spéculative du XVIIIème Siècle. La pratique initiatique et la transmission ne furent point perdues ou dissipées comme certains le pensent, elle survécut en divers mouvements et organisations et nous revinrent en loge spéculative.

La Loge du franc-maçon, où la forme parfaite reste une « œuvre de l’esprit », deviendra réceptacle de toutes ces variantes traditionnelles (parfois secondaires) qui expliquent et célèbrent l’alchemia de la lumière née du Centre (hermétistes, rose croix, alchimistes, gnostiques, cabalistes, astrologues, etc.). Ici l’Esprit et la lumière seront synonymes.

La « franc-maçonnerie-réceptacle », fût-elle spéculative (de "speculum" le miroir), n’aurait donc subi aucune rupture dans la chaîne de transmission lumineuse ainsi que l’affirmait René Guenon (les historiens sont dubitatifs sur ce point, car la documentation fait défaut). La franc-maçonnerie de l’art de bâtir "spéculatif" ou "en miroir" resterait la dernière organisation initiatique authentique en occident qui transmet le « savoir-faire » ritualisé et méthodique et le « savoir-être » lié à la découverte et l’expérience intérieure d’un centre universel lumineux. C’est le sens de la démarche initiatique.

 

Un état d’esprit commun, distillé dans l’inconscient collectif, abouti à une matérialisation possible d’un centre lumineux. L’homme avait la capacité de le représenter physiquement pour mieux le ressentir intérieurement. Ainsi la lumière se confondait avec le divin centre et avait un aspect créé et concret et un aspect non concret voir incréé. Le signifiant (sculpture ou cathédrale) produisait le signifié (lumière), qui à son tour devenait signifiant appelant un signifié (lumière incréée).

 Ce mouvement se traduit par une esthétique de l’élévation et du cheminement méthodique et hiérarchisé et parfois intuitif, mettant l’art de bâtir au service d’une élévation de l’âme.

 Cette élévation se structura sur le plan d’une conscience collective façonnée par l’école de type scolastique qui tente d’associer Aristote et le Christ. Ainsi s’établit au moyen âge un fond commun de vérité greco-christique, une « somma » induisant une représentation mentale alliant une métaphysique de la lumière et le principe trinitaire. Ce phénomène qui influencera l’architecte et le clerc, était déjà dessiné et mis en pratique dans les loges de constructeurs. En effet, la tradition voulait que depuis la nuit des temps le bâti sacré fut orienté en vis-à-vis de la lumière solsticiale et en direction d’un centre lumineux dédoublé en terrestre et céleste (lever du soleil et étoile du Nord). C’est cette volonté de « mise en œuvre » par imitation traditionnelle de l’école (scolastique) et du maître que va revitaliser un schéma inconscient et collectif autour de la lumière. Ce schème était déjà connu des Égyptiens. On redonne du sens à la tradition conservée dans les rites célébrant la lumière. Ces rites de célébration de la lumière ont toujours été conservés dans la voie artisanale. La chaîne de la transmission se perpétuera entre le maçon opératif « initié » à la lumière et sous la rose et le franc-maçon en quête d’une vérité universelle.

La scolastique donnera au moyen-âge une méthode répétitive et planifiée de la lectio, du discours, des arguments, du raisonnement et de la disputatio. Cette méthode se perfectionnera et aboutira à concilier les contraires dans une lecture de niveau supérieur qui donnera plus tard l’esprit de synthèse (rassembler ce qui est épars). La méthode scolastique, par imitation de raisonnement, se retrouvera en architecture et en sculpture et donc dans les loges de bâtisseurs et dans les cathédrales en construction.

Les maçons opératifs habitués à conjuguer la matière et la lumière, furent témoins de cette conscience commune fondée sur la lumière métaphysique et le ternaire qui aboutira à montrer ou démontrer par le visible l’invisible.

Le jeu scolastique consiste à donner à voir les arguments qui en architecture mènent la lumière à l’intérieur du bâti. Ce jeu se retrouvera dans l’élaboration des idées et des constructions qui devront faire apparaître les modalités de raisonnement et de planification, partant de la pierre de fondation jusqu'à la croisée d’ogives. Ainsi deviennent visibles les nervures de la construction et les dentelles de lumières, les rosaces et les arcs brisés. L’ombre colorée et diffractée de la lumière filtrée par le vitrail fit le passage entre l’apparent et le caché, laissant entendre que la lumière se décline en plusieurs niveaux subtils à partir d’un centre (distinction maçonnique du rayonnement lumineux et du flamboiement du centre). Cet état multiple projeté et manifesté sur le pavement justifie la quête d’une remontée vers la cause première.

L’architecture gothique deviendra le lieu du raisonnement structurant l’idée lumineuse et la réalisant dans l’élévation du plan sur trois niveaux et plus. Aussi l’apologie du centre (le prêche de Saint Bernard réveille dans l’inconscient collectif de la quête du centre lumineux) aboutira aux 8 croisades (1095/1270) pour sa reconquête, aussi extérieures et matérielles que vaines.

Cette reconquête du tombeau de Christ se confondit géographiquement avec celle du Temple et s’affirmera sur un fond de représentation collective de « libération du centre », et reactivera l'idée de reconstruction du Temple. Le centre, alias la Jérusalem terrestre, était le point ultime du pèlerinage chrétien. Ce centre des centres sera traduit par le géomètre par un point commun au cercle, au carré et surtout au triangle, soit le point de contact absolu entre le bas et le haut, entre la matière et l’esprit entre la Jérusalem terrestre et céleste.

   

Le centre universel se confondra avec l’unité retrouvée, soit un point de vue métaphysique qui correspondra au désir d’unité, voire de réintégration avec le principe originel. Il y aurait ainsi superposition du centre dit « initiatique » et du centre dit « religieux »; autrement dit du Temple même. Cette superposition est due, qu’on le veuille ou non, au fait que l’art de bâtir soit une voie initiatique complète qui atteint le même sommet, ou centre, que l’art sacerdotal ou chevaleresque. Ce sont trois voies initiatiques et la religion dans son versant ésotérique oublié, possédait sa méthode initiatique complète. Or ces trois voies ont le Temple en source commune.

Il semblerait que tous les points de vue concourent à la recherche d’un centre universel. On retrouve dans l’art martial de la chevalerie, à travers le Graal, l’idéal ultime d’une réalisation volontaire et maîtrisée de soi jusqu'au sacrifice du corps du combattant. Ce centre de réalisation de soi deviendra une porte libératrice pour le chevalier.

 

Qu’ils soient avoués et reconnus sur le plan de la recherche personnelle, ou déclinés dans le point de vue collectif et social, les notions d’unité et le centre ont trouvé en Franc-Maçonnerie des moyens d’élaboration qui font de la loge un athanor pour la découverte de notre Temple ou Église intérieure. Cette idée d’un centre dénommé « Temple » nous sortira de l'impasse idéologique se bornant à exclure le Temple « religieux » de la loge. Il s’agirait donc d’un Temple initiatique commun à la voie artisanale, à la voie sacerdotale et chevaleresque.

La franc-maçonnerie n’est pas une religion, car on ne célèbre pas de culte en loge, mais elle ne s’interdit pas d’étudier le nomen, la source métaphysique et la traduction phénoménale du nom de Dieu.

Je tenterai de démontrer que chaque loge quelque soit son rite héberge un Temple en son Saint, dès lors quelle abrite un espace consacré (templum), tel que le carré long et le tapis de loge ou équivalent.

Nous concentrerons notre réflexion sur les trois premiers grades, en notant cependant que dans certains degrés dits « supérieurs » la rituelie se déroule clairement dans le temple. À ces grades la question est donc sans objet, mais affirme clairement le désir de faire exister le Temple en franc-maçonnerie.

 

Les prolégomènes ainsi posés, nous tenterons de répondre en 12 points à la question : le franc-maçon travaille-t-il en loge ou dans le temple ?  (Développement à suivre)

E.°.R.°.     

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 17:15

douleur       De la douleur à la souffrance initiatique  

 

  -Maîtrise de l’ego (1erDegré)

 

 

 « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître. Nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert » (Alfred de Musset – La nuit d’octobre)

 

La douleur n’est certes pas une fin en soi, mais il semble bien qu’elle fasse partie du parcours de l’homme dans la vie. La vie ressemble à un labyrinthe avec un début de parcours et une fin. À moins que la fin ne soit un début, il faut bien reconnaître à l’homme qui cherche depuis toujours la lumière, une forme d’endurance et d’opiniâtreté à vouloir lutter contre l’animal en lui.

 

De l’animal il a conservé la douleur, de son humanisation par les sens devenus sensations puis sentiments, il a découvert la souffrance.

 

Le franc-maçon connaît ce parcours labyrinthique par ses voyages : au contact des éléments, il a appris à redécouvrir ses sens /sensations/sentiments-émotions. S’il comprend fort bien la douleur, il s’interroge sur la nature réelle de la souffrance. Celle-ci n’aurait-elle pas un lien de cause à effet avec la perte, la privation, l’envie, l’insatisfaction, le désir inassouvi, etc.

 

Vaincre ses passions et faire des tombeaux pour les vices. Quelle est donc cette partie de nous même que nous cherchons à contenir ?

 

La souffrance est liée à la douleur c’est une évidence, comme l’âme est liée au corps. Mais il est aussi possible que la souffrance soit liée à la part insatisfaite de nous même en regard de ce que notre ego prétend nous faire paraître ou devenir. Se posera la question du rôle de l’ego mal contrôlé dans la naissance d’une souffrance qui nous éloigne de la liberté.  

 

Nous vous invitons à découvrir cette approche de la douleur qui très vite aboutira à l’exploration de la souffrance et du rôle de l’ego.(E.°.R.°.)

 

 

  (...)

 

 

De la douleur

 

Dans la constitution d’un monde humain, c’est-à-dire un monde de signification et de valeurs accessibles à l’action de l’homme, la douleur est une donnée fondatrice. Elle est sans doute l’expérience la mieux partagée, avec celle de la mort.

 

Tout d’abord, il semble opportun de revoir quelques définitions de la douleur.

 

La douleur est la sensation ressentie par un organisme dont le système nerveux détecte un stimulus nociceptif. Habituellement, elle correspond à un signal d’alarme de l’organisme pour signifier une remise en cause, de son intégrité physique.

 

La douleur est une expérience sensorielle et psychologique déplaisante accompagnée de dommages réels ou potentiels. Elle peut être physique ou morale.

 

Impression de souffrance, état pénible produit par un mal physique mais aussi une peine de l’esprit ou du cœur.

 

Processus impliqué dans le traitement de l’information. La douleur correspondrait à la composante cognitive du processus de nociception tandis que la souffrance correspondrait à la composante affective.

 

Il en existe bien d’autres. Le mot douleur dans la langue française contient une ambiguïté sémantique. Il peut signifier non seulement un état physique, mais aussi un état psychologique. On lui reconnaît des synonymes comme : mal, affliction, calvaire, chagrin, déchirement, souffrance, peine, désespoir, désolation, tristesse, épreuve, misère, détresse, tourment (grand Larousse de la langue française).

 

 

 

Historique de la douleur

 

L’histoire de la douleur s’inscrit dans les grands courants de pensées rationalistes ou mystiques qui ont divisé les civilisations au cours des siècles. Au tout début, la médecine était imprégnée de pensée magique. La douleur était vue comme une malédiction, un être maléfique, un démon, un « djinn » qui s’emparait de notre corps et le détruisait. Cela pouvait également représenter une punition, un châtiment, une expiation.

 

Les premiers « soignants » étaient des sorciers, des magiciens, des guérisseurs de toutes sortes ou des prêtres qui servaient d’intermédiaires entre les malades et les puissances supérieures.

 

Puis vint le temps des philosophes médecins qui refusèrent d’associer la douleur à une quelconque intervention surnaturelle ou divine. Il faut donc l’étudier avec intelligence et raison.

 

Les philosophes grecs vont faire porter leurs efforts sur l’attitude mentale à adopter face à la douleur. L’homme devra donc rester stoïque. Pour les stoïciens, la douleur sera donc un mal que si celui qui l’éprouve la juge ainsi. L’homme doit se soumettre avec dignité à la douleur et de fait à la loi naturelle de la mort. Cicéron affirme le rôle de la volonté dans l’acceptation de la douleur : « Qu’y a-t-il qui vaille mieux pour éloigner la douleur que de comprendre qu’elle ne sert à rien et qu’il est vain de l’accueillir ».

 

Epictète prône l’entraînement du corps face à la douleur afin d’être indifférent aux sensations et aux instincts. Hippocrate affirme quand à lui que ni la magie, ni la philosophie, ni la religion n’ont leur place en médecine. 

 

Cet ascétisme est cependant très loin des morales religieuses à venir.

 

 

 

La rédemption par la douleur

 

Au commencement de notre ère, le grand courant monothéiste influencera fortement l’approche, voire la définition de la douleur.

 

L’Ancien Testament, la Tora, est un récit plein de violences, et donc de fait, de douleurs.

 

Du péché originel, condamnant la femme à enfanter dans la douleur au Nouveau Testament et la crucifixion de Jésus se sacrifiant par amour pour effacer nos péchés, on retiendra que c’est Dieu qui envoie la douleur à l’homme pour l’éprouver ou le punir. Pour notre civilisation judéo-chrétienne, la douleur devient une fonction morale de signification ambivalente. Elle peut donc revêtir une forme salutaire permettant la rédemption de l’âme ou alors représenter un châtiment destiné à expier ses fautes. Cette notion de douleur rédemptrice restera bien ancrée dans les mentalités. Beaucoup l’accepteront et même s’en réjouiront, car elle donnera accès à la « vie éternelle ». S’infliger des douleurs pour plaire à Dieu tels les « flagellants » deviendra donc un nouveau phénomène. N’oublions pas le « cilice », un des principaux instruments des chrétiens des premiers siècles, tunique ou ceinture de crin, d’étoffe rude ou de métal portée sur la peau nue pour mortification. Le cilice est encore systématiquement porté par les membres de l’Opus Déï...

 

 

 

La douleur n’existe que de manière transitoire si elle aboutit au sacrifice. Pour de nombreuses religions, le sacrifice est une porte d’accès  au divin. Elle est un préambule nécessaire pour un passage dans un ailleurs. C’est donc pas la douleur ni le passage qui sont initiatiques, mais ce qui se passe après.

 

Dans le sacrifice, on est heureux de se débarrasser de son corps enveloppe mortelle pour accéder au monde de l’esprit ou au paradis (Christ en croix, Saint-André en croix). La douleur est donc liée au corps et à sa disparition, à  son souvenir. Ce n’est qu’un passage en regard de ce qu’il advient de l’âme et de l’esprit qui continuent leur chemin.

 

Le sentiment lié à la douleur est relatif à la perte de la vie ou à son amputation. Le samouraï, le kamikaze, les fous de Dieu du djihad sont dans cette mouvance. Le templier aussi ce qui explique son aveu pour mourir.

 

 

 

De la douleur rituélique

 

 

 

De nombreux autres exemples d’automutilations ou de douleurs auto-créées verront le jour.

 

 

 

Il faut également noter un grand nombre de pratiques « douloureuses » pratiquées par tradition religieuse ou pour marquer son appartenance à un groupe.

 

La plus connue est sans aucun doute la circoncision.

 

Des dessins rupestres datant du néolithique ainsi que des hiéroglyphes égyptiens décrivaient déjà la circoncision. Hérodote en attribue la paternité aux Égyptiens dès le Vème siècle av. J.-C. Elle représentait pour les pharaons un caractère initiatique.

 

La circoncision se justifie tour à tour par une prescription hygiénique, une renonciation symbolique au péché de chair, un rite de passage à l’âge adulte, un signe d’appartenance à une communauté religieuse.

 

L’on retrouve cette pratique dans le judaïsme, l’islam, certaines communautés chrétiennes ainsi que plusieurs religions animistes.

 

Dans le judaïsme, elle intervient au huitième jour du nouveau-né lors d’un rite fondateur, la « Brit milah » en présence de 10 hommes adultes.

 

Appelée « Khitan, Touhour ou Tahara » dans l’islam elle est pratiquée dès le 7ème jour et jusqu’à l’âge de 13 ans.

 

On la retrouve également chez les Coptes d’Égypte aux Philippines et en Afrique.

 

Elle est présente dans de nombreux pays d’Afrique noire, en Polynésie et dans la plupart des tribus aborigènes.

 

Très répandue au Canada et aux États-Unis, une récente étude américaine à récemment classé les pays en voie de développement selon le taux de circoncision des hommes !

 

 

 

Une autre pratique malheureusement encore très ou trop répandue pour des pseudo motifs d’ordre religieux se nomme excision. Une étude parue en 2013 nous donne des chiffres révélateurs. Cette étude pratiquée ces vingt dernières années sur des femmes et des fillettes âgées de 15 à 49 ans, montre certes un recul de cette pratique, mais les chiffres restent impressionnants : 98% en Somalie, 96% en Guinée, 93% à Djibouti, 91% en Égypte soit près de 140 millions de personnes concernées dont la plupart ont subi cette pratique avant l’âge de cinq ans.

 

 

 

La douleur est-elle nécessaire, voire utile ?

 

 

 

Une chose est sûre. La douleur est inévitable, qu’elle soit physique (maladie, accident….) ou psychique (perte d’un être cher, déception amoureuse, échecs…….) chacun de nous aura à composer avec elle.

 

Dans certains cas, la douleur reste un baromètre indispensable aux soignants pour pouvoir adapter des traitements afin de la soulager sans danger d’excès médicamenteux.

 

« Il y a des maux qui sont absolument nécessaires pour savoir ce qui se passe exactement….On est plus capable de comprendre qu’il y a des souffrances utiles. On est des hêtres humains, on n’est pas encore des clones ….» La douleur a une utilité et « en insensibilisant la souffrance, on insensibilise le jeu des sens, on suspende le rapport au monde » (Le  Breton, 1995).

 

Cette citation du professeur David Lebreton * se vérifie tout particulièrement dans le cas d’une femme sur le point d’accoucher.

 

Sous péridurale, le problème réside dans le fait que la femme ne ressent plus suffisamment les signes de son corps pour faire correspondre les poussées à bon escient. Il faudrait donc mieux doser les antalgiques de façon à rendre cette douleur plus acceptable sans pour autant totalement la faire disparaître.

 

La douleur est également un garde fou nous empêchant de nous exposer à certaines situations, car nous savons que nous aurons à payer en souffrance le prix de nos actions.

 

 

 

Dans certains cas également, la souffrance psychique se révèle tellement intense qu’elle débouche sur des douleurs physiques. Ici la souffrance créerait la douleur. Nous aurions ainsi une douleur suscitée par quelques mécanismes biochimiques ou psychologiques inconnus.

 

Citons le cas d’une pathologie qui prête à controverse dans le milieu médical, la fibromyalgie.

 

Après avoir été considérée comme un syndrome, cette maladie caractérisée par un état douloureux musculaire chronique (myalgies diffuses) étendu ou localisé à des régions du corps diverses se manifeste notamment par une allodynie tactile et une asthénie (fatigue) persistante et pouvant devenir invalidante.

 

Une moyenne mondiale de 2 à 10 % (selon les pays) de la population des « pays industrialisés » est touchée par cette maladie (2 % de la population américaine avec une prédominance féminine nette).

 

En France un rapport gouvernemental de 2007 donne une prévalence française estimée à 3,4 % chez la femme et à 0,5 % chez l’homme.  Il y a enfin, en dehors de tout contexte médical, la douleur acceptée pour sa valeur initiatique.

 

 

 

La douleur initiatique

 

 

 

Toute initiation passe par un certain nombre de rites et d’épreuves qui  rendent effective la dichotomie Douleur/Souffrance.

 

 

 

Ceux-ci se déclinent en enseignements, cérémonies et épreuves. De nombreux rites qui seront dans la grande majorité des cas des rites de passage imposeront aux impétrants des épreuves douloureuses.

 

Présente dans les rites initiatiques de nombreuses sociétés traditionnelles, cette douleur est une mémoire d’autant plus chevillée dans la chair qu’une marque désormais bien visible signe l’apparence physique de l’initié. Subincision, limage ou arrachage des dents, amputation d’un doigt ou d’un membre, scarifications, excoriations, brûlures, tatouages, etc. sont autant de pratiques douloureuses qui laisseront des traces indélébiles sur les corps, mais aussi dans les esprits. L’épreuve marque et « transforme » littéralement l’être. À la modification extérieure de l’apparence correspondent un prise de conscience et une métamorphose du regard.

 

 

 

Cette douleur est l’encre de la loi commune écrite directement sur le corps de l’initié. Elle atteste la mutation ontologique de ce dernier, le passage par exemple d’un univers social à un autre. Elle bouleverse d’un trait l’ancien rapport au monde et la trace corporelle avec la douleur qui l’enracine signifiera la gravité de l’engagement.

 

La douleur devient alors source d’honneur. En surmontant la part physique et sa conséquence psychique appelée souffrance, le nouvel initié démontra son courage, sa virilité et la force de son engagement. Mais il restera toujours un enseignement discret dans toute épreuve vécue.

    

 

Pour être vrai, il faut avoir subi une épreuve initiatique

 

 

Comment ne pas parler de ces rites de passage plus communément connus sous les termes de « bizutage, bachotage (ou bahutage), usinage » ou autres.   

 

Que se soit dans les armées, dans certaines administrations, dans des corporations ou dans les grandes écoles, ces rituels ont  pour but de faire adhérer le futur initié à des valeurs communes à cette catégorie de personnels. Cela va les conforter dans ce sentiment d’appartenance à une collectivité. Après une période d’apprentissage, de tests et d’évaluation, ils sont prêts à franchir le pas et passent donc de l’état « d’apprenti » à celui d’initié.

 

Il va de soi que certaines pratiques dégradantes ainsi que des traitements sexistes ou cruels doivent être bannis de ces rituels. Malgré que la loi interdise ce type de rituel, il est évident qu’un grand nombre subsiste après avoir fait cependant l’objet de modifications tendant à les rendre plus acceptables.   

 

À la différence d’un bizutage subit et exagéré qui humilie et avilie la confiance en soi, un rite de passage bien ordonné et bien compris ne sera plus une épreuve douloureuse pour le candidat. Au contraire cette épreuve renforcera son identité et l’ancrera dans sa culture. Elle lui donnera un sentiment de fierté d’appartenance au groupe et lui offrira la reconnaissance du groupe. Elle viendra enrichir son estime de soi. Mais ici on perçoit que le rite de passage strictement social ne débouche que sur la reconnaissance des autres où l’ego reste dominant. Ce n’est pas une véritable initiation lumineuse, c’est un passage sociétal.      

 

 

De l’initiation

 

 

  Selon Mircea Eliade, historien des religions.

 

 

On comprend généralement par initiation un ensemble de rites et d’enseignements oraux, qui poursuit la modification radicale du statut religieux et/ou social du sujet à initier. Au-delà de ce but général, il est possible d’identifier des fonctions plus spécifiques. On peut ainsi distinguer trois types d’initiations traditionnelles : les initiations tribales (ou de puberté) qui permettent le passage de l’enfance à l’âge adulte ; les initiations religieuses qui ouvrent l’accès à des sociétés secrètes ou à des confréries fermées ; les initiations magiques qui font abandonner la condition humaine pour accéder à la  possession de pouvoirs surnaturels. Bien que toutes appartiennent à la catégorie générale des rites de passage, on doit éviter de les confondre avec n’importe lequel de ces rites.

 

En effet, l’initiation présente la spécificité de rendre possible un double passage : il s’agit d’une part de faire passer le néophyte de la vie infantile à la société des hommes, et, d’autre part, de le faire passer de la vie profane à la vie sacrée. Alors que la première transition peut être l’objet des rites de passage, la seconde est propre à l’initiation, donc on peut dire qu’elle est plus qu’un rite de passage. Plus qu’un changement de statut social, elle représente en effet une nouvelle naissance par le passage à une ontologie transcendante.      

 

Encore faut-il comprendre cette transcendance de façon assez large puisque l’initiation est un acte qui n’engage pas seulement la vie religieuse de l’individu, dans le sens moderne du terme « religion » - il engage sa vie totale.         

 

Il me paraît intéressant de dire quelques mots sur une initiation ritualiste très explicite : la danse de soleil.   

Ce rituel (de type chamanique) est pratiqué par plusieurs tribus indiennes d’Amérique du Nord et dans certaines traditions mexicaines. Il représente un moment très important dans le parcours initiatique des chamanes.

 

Chaque participant se présente devant « l’homme médecine » qui lui pince une partie de la peau de sa poitrine, lui pratique une incision de façon à pouvoir lui glisser une baguette en bois ou en os qui sera reliée à l’aide d’une lanière en cuir à un mât.

 

Le participant doit ensuite se libérer en tirant sur cette lanière en courant vers le poteau puis se jetant en arrière avec « la rapidité d’un cheval de guerre et la férocité d’un lion » dans une tentative d’arracher les broches de sa chaire.

 

Ces lanières représentent les rayons de lumière émanant du Grand Esprit. Le mât est le grand esprit, ce que nous interpréterons de manière initiatique comme « l’axis mundi » qui relie le haut et le bas.

 

Simplement, l’initiation chamanique reste dans un ordre inférieur et touche uniquement aux moyens d’action sur les êtres et les choses (magie cérémonielle) et aux communications avec un ailleurs fait d’esprits et d’ancêtres intercesseurs.

 

 

L’initiation chamanique et l’initiation maçonnique ne sont pas de même nature.

 

La démarche chamanique repose sur une communication interprétative avec la grande nature, d’un certain point de vue sa technique est proche du Mage… Ce n’est pas ici la préoccupation de la franc-maçonnerie qui s’occupe des progrès de l’humanisation de l’homme et de la découverte de l’unité principielle pour certains ou de la recherche de la vérité pour d’autres.imagesCAZG31D3.jpg

Les deux lanières sont la droite et la gauche en toutes choses et particulièrement dans le chemin horizontal de tout homme, doit-il aller à droite ou à gauche ?    

La libération des deux lanières fait que l’homme échappe au  choix binaire pour être homme libre sur le chemin. L’homme n’est plus la marionnette suspendue au bon vouloir des esprits et démons.   

En général, en deux ou trois heures, le participant parvient à se libérer, mais il existe de nombreux cas où il est nécessaire de doubler, et même de tripler ce temps.

 

Comment doit-on appeler dans ce cas précis les ressentis de cet «exercice » ? Douleur, car physique ou souffrance, car il n’est pas impossible que cela soit accompli en état de transe ?

 

En tout état de cause, ces douleurs ou souffrances sont assumées comme des épreuves indispensables à la transformation mystique qui n’est pas obligatoirement initiatique.

 

Les autorités américaines interdirent la Danse du Soleil et autres rites tribaux en 1881. La pratique continua cependant dans la clandestinité jusqu’en 1934, date à laquelle l’interdiction fut levée par « l’Indien Reorganization Act ».

 

Nous en venons à considérer que l’animation des sens par les épreuves de types initiatiques animent les sens et donc les sensations dans un sens remontant jusqu’au cerveau. Un état d’épreuve corporelle produisant la douleur physique crée un état d’âme et un état d’esprit. À partir d’un simple état d’âme naît la souffrance psychique qui dans le sens descendant se transforme en une douleur physique.

 

Il s’agit maintenant d’étudier le sens descendant de la souffrance, de l’âme à la douleur physique.

 

 

 

Approche Maçonnique du sujet

 

Avons-nous, nous francs-maçons soufferts, avons-nous aussi ressenti des douleurs, des souffrances, et aujourd’hui, souffrons-nous encore ?

 

Pour répondre dans un ordre chronologique, il nous faut tout d’abord nous replonger dans notre cérémonie d’initiation.

 

 

Nous avons été introduits les yeux bandés dans une petite pièce, puis notre accompagnant, après avoir fermé la porte nous a autorisés à enlever ce bandeau Il faut garder en mémoire que le but de l’initiation par l’épreuve est de plonger l’impétrant dans un certain état corporel, puis dans un état d’âme et pour finir dans un état d’esprit. C’est la perception de ces trois états qui donne à l’homme la conscience de son unité en rapport d’une totalité.    

Souvenons-nous, comme nous étions seuls dans ce cabinet noir éclairé par une faible lumière.    

Souvenons-nous également de ce crâne, ces ossements, ce morceau de pain, ce sel, ce mercure et ce « V.I.T.R.I.O.L. ».    

Cela nous effrayait quelque peut, mais ce n’était pas fini ! Le but sous-jacent de cet effraiement était d’affecter la partie secrète qui motive nos agissements et nos comportements. Cette partie secrète de nous-mêmes est appelée « l’ego ». L’homme est prisonnier de son ego comme le guerrier de ses deux lanières qui font de lui une marionnette. Dans le cabinet de réflexion, nous devons piéger notre ego, le rendre secondaire et servile à notre volonté, pour enfin trouver notre liberté. C’est ici le tombeau de nos vices et de notre prétention à paraître.    

Plusieurs fois, cette voie devant la porte nous invective, nous parle de ces objets qui doivent « nous suggérer des réflexions sérieuses sur le néant des choses d’ici bas ».    

Elle nous parle de résolutions, de penchants (égotiques), d’Ordre, de ténèbres et pour finir elle nous annonce « Monsieur, on vient vous chercher pour vous faire subir de violentes épreuves, physiques et morales. Êtes-vous encore disposé à les subir ? » (C’est ici que l’ego devrait vouloir fuir l’épreuve, mais un sentiment intuitif nous pousse à vouloir nous libérer de nos liens et déterminismes égotiques).    

Prenant notre courage (libératoire) à deux mains nous répondons que oui et la cérémonie continue.    

Après avoir juré de garder le silence, s’être rebandé les yeux, notre accompagnant va nous faire enlever nos emblèmes égotiques ;  montre, gourmette, chaîne, mais aussi notre veste, fait enlever un bras de la chemise, relever une jambe du pantalon, ébouriffer les cheveux, et même chausser je ne sais quelle pantoufle ! Notre ego est mis en situation de défaite et de résorption laissant la place au « je » dégagé du « je suis ».    

Puis viendront les questionnements, les trois voyages, l’eau, l’air et le feu, une pointe d’acier sur le cœur.    

Le serment ensuite, à genoux la main sur le Livre, la pointe d’un compas sur la mamelle gauche suivi des trois coups de maillet sur l’œil du compas.    

Cette pointe transpercera la carapace de l’ego pour inonder notre cœur de lumière, c’est la sortie de la caverne socratique.    

Et c’est seulement à ce moment que le Vénérable nous donnera la Lumière libératrice du « Je » et qu’enfin notre appréhension va laisser place à notre renaissance à une nouvelle vie. « Je suis » est mort ou maîtrisé, que vive le « Je »libre !    

Bien évidemment nous n’avons pas, à proprement parler, souffert de cette cérémonie. Peut être pouvons nous reconnaître que certes nous avons été déboussolés, que nous avons perdu nos repères, peut être même que nous avons eu peur, mais c’est suite à cette initiation que nous allons comprendre que pourtant nous sommes des souffrants. C’est la part parasitaire et égotique du « je » qui fut impacté.

 

Nous sommes des souffrants

 

Nous sommes des souffrants, car il nous faut maintenant faire table rase de ce que nous ou plus précisément notre égo, pensions juste. Il va nous falloir faire sacrifice de notre amour-propre (ego), de nos préjugés (ego), de nos quêtes individuelles des choses matérielles au détriment de l’autre (ego). Il va falloir œuvrer sans fin afin de trouver la vraie Lumière sans se décourager par les obstacles (mis en place par notre ego), car, si l’homme a perdu la Lumière par l’abus de sa liberté (égotique), il peut la recouvrer par une volonté ferme et inébranlable dans la pratique du bien (sans ego). Il faudra pour cela réprimer nos passions et réfréner nos désirs (qui dans les deux cas sont égotiques). Il va nous falloir unir l’esprit, l’âme et le corps pour être à la hauteur de toute chose et ainsi espérer parvenir à la Lumière du vrai Orient, car, jusqu'à présent, notre ego nous voilait la vraie lumière.

 

On peut donc dire que la Franc-maçonnerie, et ce, quel que soit l’obédience ou le rite, est une certaine forme d’antalgique aux turpitudes de la vie moderne (l’initiation par l’épreuve permet d’endormir les puissances de l’ego). La vie maçonnique correspond à mon sens, à une certaine forme de thérapie plus que jamais nécessaire aux hommes minés par la douleur de vivre, la peur de vivre, du lendemain , de la maladie, de l’angoisse, de cette peur existentielle, de cette « longue maladie » comme le disait Platon.

 

Notre quête initiatique va nous permettre de s’affranchir des passions en suivant un cheminement intérieur même s’il est semé d’embûches. En « visitant l’intérieur de la terre » et en pratiquant le rituel, nous allons nous ouvrir à la Lumière de l’ici-maintenant, dégagée de la gangue égotique. Suivre le rituel va nous permettre d’en comprendre les symboles qui vont nous parler directement au cœur sans intermédiaire parasite et favoriser le silence intérieur.

 

La mort initiatique et bien sûr la renaissance qui en découle, nous permet de dépasser notre « petit moi » et c’est notre travail intérieur qui nous permettra de réaliser l’interdépendance de tous les phénomènes et ainsi donc de nous unir à tous les êtres et à tout l’univers.

 

C’est tout le travail accompli pour équarrir cette pierre brute qui transformera ce monde de souffrance en un asile de paix, de bonheur et de fraternité, grâce à la culture de l’amour et de la connaissance, représentées par les deux colonnes du Temple. L’épreuve la douleur et la souffrance vont exiler l’ego dans un rôle subalterne.  Le maçon sait désormais que l’ego existe et qu’il doit le contenir, car il ne pourra jamais le faire disparaître. Au final c’est un maçon libre qui persévère dans sa marche vers l’Orient et c’est son ego qui souffre de ne plus être aux commandes.

 

Véritable science de l’esprit, la Franc-maçonnerie, universelle, n’impose aucune conversion et respecte toutes les croyances. En s’appuyant sur la tradition, la transmission, la connaissance de soi, l’initiation et la recherche dans la vérité dans une approche non dogmatique, elle n’a pour but que la perfectibilité et la liberté de l’homme.  

bouddha 

On pourrait faire un parallèle avec le Bouddhisme, car de nombreux points communs les rapprochent. Si le Bouddhisme dit qu’intérieurement l’homme a la nature de Bouddha et qu’il peut la réaliser en la débarrassant de ses différents voiles (égotiques) et ainsi se libérer progressivement de l’illusion (égotique), la Franc-maçonnerie fait référence à la pierre brute qu’il convient de tailler, de dégrossir, de travailler afin de la rendre cubique ou parfaite. Cependant, cette perfection n’est pas celle du « je suis », mais celle du « Je »    

Une chose est sûre, cette quête de la Lumière nous permet de soigner cette maladie de l’ignorance pour trouver la réponse à la question de Socrate « Connais-toi toi-même ».    

Encore faut-il admettre qu’être Maçon en Loge, c’est aussi l’être en son Temple intérieur et dans tous les actes de la vie quotidienne. La métamorphose de la substance purifiée est révélatrice de l’essence...

Luc Seb.°. R.°.L.°. "Ecossais de la sainte Beaume"

  

Sources : *Wikipédia Wiktionary – David Lebreton Anthropologie de la douleur, Paris, Métailié, 1995 – De la violence II, F. Héritier, éditions Odile JACOB, 1999 – Halshs-00119421, version 1, 9 dec2006 – Configurations relationnelles de la douleur, Michel Houseman CNRS – Fabrice Hervieu-Wane, une boussole pour la vie, les nouveaux rites de passage, Albin Michel 2005 – Mistral soignant n°22 – François Saint Pierre, chef de projet à l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la Santé –  hemato-icl.fr – psychobiologie.ouvaton.org –

 

* David Le Breton (né le 26 octobre 1953) est professeur à l'Université de Strasbourg, membre de l'Institut universitaire de France et chercheur au laboratoire Cultures et Sociétés en Europe. Anthropologue et sociologue français, il est spécialiste des représentations et des mises en jeu du corps humain qu'il a notamment étudiées en analysant les conduites à risque.

 

*A noter l’excellent passage sur la question de l’ego en franc-maçonnerie dans « L’arbre séphirotique maçonnique » par Rabi Zied Odnil éd Shekinah (ER°).

 

       

 

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