Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 00:00

L’ennéade traditionnelle des outils, et la gradualité

 

La franc-maçonnerie avec ses trois grades établit une progressivité dans l’acquisition des connaissances. Après les 4 épreuves purificatrices de l’initiation, l’apprenti apprend le métier de la taille de la pierre et pour cela il apprend le bon usage des outils. Traditionnellement c’est l’échelle (ou les marches) qui sert d’archétype à la progressivité de l’enseignement. Cette échelle est celle de la Scala philosophorum, échelle à neuf degrés représentant les neuf outils et instrument de la réalisation et de perfection de soi. Cette échelle ascendante et descendante est décrite par Robert Ambelain dans « La symbolique maçonnique des outils » et nous en faisons ici une interprétation adaptée à notre étude.

Notons qu’il existe différentes hiérarchies dans l’ordonnancement des outils. Suivant les rites et il est courant d’étudier le symbolisme des outils deux par deux du fait de leurs interactions et de leurs complémentarités. Ainsi on étudiera volontiers les couples maillet et ciseau, le niveau et la perpendiculaire, et bien sûr l’équerre et le compas.

 

 

 

Les 9 instruments-outils du maçon de tradition suivant la tradition hermétique-alchimique des rituels Ecossais. Le maçon est préalablement accoutré comme il se doit, d’un tablier et de gants, quel que soit le grade. Il est donc en situation de travail tant physique, psychologique et symbolique. Ceci constitue un préalable sans lequel l’usage d’outils et instruments perd toute valeur initiatique. N’oublions pas que le temple maçonnique est une "imago mundi", une reproduction symbolique de l’univers dans sa totalité tant microcosmique que macrocosmique. Cette double représentation fait de l’échelle ascendante et descendante un axe de progression que nous pourrions appeler « axis Mundi ». Ainsi, la loi des correspondances vient à s’appliquer naturellement et le monde macrocosmique devient agissant sur le monde microcosmique, et inversement. Ce double flux irrigue la totalité du système initiatique. L’idée reste de progresser sur soi pour rejoindre la totalité et l’universalité. L’action sur soi n’est donc pas sans effet sur l’univers et inversement.

 

Les instruments de l’apprenti sont :       

                                       1° Maillet

                                       2° Ciseau

                                       3° Levier

 

Les instruments du compagnon :    

                                       4° Perpendiculaire

                                       5° Niveau

                                       6° Equerre

 

 

Les instruments du maître maçon :

                                       7° Compas

                                       8° Règle

                                       9° Truelle

 

Cette ennéade est encadrée en sont point de départ par l’initiation dont le processus initial se caractérise par la vêture de l’oeuvrant (le tablier et les gants), qui va transformer la pierre brute, jusqu'à la polir en pierre cubique à pointe et se termine par la légende palingénésique d’Hiram, consistant au relèvement du maître intérieur. Notons enfin que les lois de correspondances se retrouvent interprétées non seulement dans le sens vertical macro- microcosme, mais aussi dans le sens horizontal purement microcosmique où sont données des équivalences entre les éléments, les couleurs, les sens, les vertus, les arts libéraux, les nombres, les planètes. Ces équivalences sont censées réinsérer l’être dans un ensemble d’interactions globales.

 

 

L’apprenti réalise la connaissance et la prise de conscience du Soi. C’est une renaissance à soi. L’apprenti s’identifie avec la pierre brute en phase de transformation par le travail.

Les vices de la pierre brute sont ceux de la nature profonde de l’apprenti.

 

Il s’agit donc d’inventorier ses propres vices. Ce sont les aspérités, défauts de la pierre, le tout constituant le Soi, et d’amener un processus de travail vertueux pour dégrossir, polir et rendre une forme carrée, puis cubique.

Les instruments permettent d’accomplir ce type de travail, à la fois d’investigation de l’esprit et de réalisation technique.

L’apprenti maçon observe, réfléchit, prend conscience des émotions, des passions, et de tout ce qui anime sa propre personnalité, sa propre conscience. À ce stade ce sont les pulsions primaires, propres à l’état évolutif de l’enfance qui déterminent irrévocablement le futur de sa personnalité, le caractère et les modalités comportementales.

Nos défauts découlent d’une énergie vitale déviée qui ne permet pas au Soi de se développer comme individu et d’interagir harmonieusement dans la société.

 

Ce sont les ressorts de la passion, des émotions et des impulsions primaires qui doivent être gérées, freinées, contrôlées et selon les cas modifiés. C’est dans ce cadre général que nous aborderons l’ennéade des outils.

 

Avant d’aborder la neuvaine, il faut en définir le socle.

 

Le tablier représente la vêture initiatique de l’apprenti. Le tablier est associé à l’élément Terre, qui indique aussi l’abîme ou la profondeur du cabinet de réflexion, grotte de laquelle en remontant, il prend conscience de sa corporalité.

Le tablier est associé à l’élément terre dont l’impétrant s’extrait avec cette retenue et cette crainte face à la lumière. En découlent l’avarice pour le vice et la prudence pour vertu.

On voit par cette association que le symbole est complexe, mais correspondance dans ses tenants et ses aboutissants.

Dans l’échelle philosophique, tout se tient et tout est cohérent.

 

L’apprenti utilise trois outils qui sont des aides pour sa progression :

 

-Le maillet symbole de la volonté agissante, emblématique du pouvoir et de l’intelligence, s’associe à l’élément eau, au vice de la gourmandise, et ayant pour vertu cardinale la tempérance.

 

-Le ciseau symbolisant le discernement dans l’action et l’efficacité, est associé à l’élément air, au vice de la luxure et pour vertu cardinale la justice.

 

-Le levier[1] symbole de l’effort dans la réalisation et donc de puissance, est associé à l’élément feu, au vice de la paresse et à la vertu cardinale de la force.

 

L’apprenti, en gravissant les trois premiers degrés de cette échelle à neuf barreaux, effectue paradoxalement une plongée dans se profondeurs secrètes qui sont ni plus ni moins les états élémentaires et inférieurs de l’être. Son état est prénatal, sa naissance se fera dans le monde de la matière. C’est donc la force, l’inconscient et l’instinct qui constituent son socle identitaire

 

Le compagnon travaille à l’inverse, sur une pierre déjà dégrossie par l’apprenti, débarrassée de ses aspérités disgracieuses et pourtant non finie. Nous ne sommes plus dans les profondeurs du soi, mais sur une horizontalité contemporaine. Cette horizontalité permet la rencontre et l’enrichissement de tous les compagnons évoluant sur le même plan. Il pratique la géométrie et l’art du trait, il connaît l’usage du niveau et du fil à plomb pour construire des murs.

Son objectif est d’obtenir une pierre parfaitement taillée, au volume régulier du cube. Ainsi la taille du compagnon met en valeur non seulement la surface dans sa finition, mais aussi son volume dans un élan ascensionnel. De l’horizontalité le compagnon passe à la verticalité. Cet élan ascensionnel de la troisième dimension est représenté par la pointe de la pierre cubique qui n’est autre qu’une pyramide surplombant un cube. L’ensemble réunit en son sommet la totalité du cube et de la pyramide soit du quaternaire[2] et du ternaire. Nous ne sommes plus dans les états inférieurs de l’être, mais dans le monde de l’âme qui donne le souffle à la vie.  Le compagnon se situe concrètement dans l’édification d’un mur du temple dont il est qu’une partie indispensable.

Si les vices de l’apprenti sont vitaux, ceux du compagnon sont des maladies de l’âme. Il doit les combattre, s’il veut atteindre son accomplissement ascensionnel. Ce sont des maladies qui avilissent et rongent la psyché, en amenant le compagnon sur la pente de l’abrutissement et de la violence envers lui et envers les autres.

Viennent en aide au compagnon les instruments suivants :

 

-Le niveau qui symbolise la sérénité dans l’application, mais aussi l’égalité, a pour vice l’envie et pour vertu de la charité.

 

-La perpendiculaire ou fil à plomb symbolise la profondeur dans l’observation, mais aussi l’équilibre, et à pour vice la colère et pour vertu l’espérance

 

-L’équerre qui est la rectitude dans l’action et la justice, à pour vice orgueil et pour vertu la foi.

 

Le compagnon s’exerce dans les trois dimensions de la matière. Il recherche la beauté de la taille et fait entrer le subconscient et le sentiment dans son travail. Dans l’exécution de la tâche, il est né à lui-même.

 

Le Maître travaille traditionnellement sur la planche à tracer, espace à 2 dimensions, sur laquelle il dessine et projette.  Il possède l’art de la géométrie et de la représentation en trois dimensions. Sa représentation devient conceptuelle. Il sait faire les calculs mathématiques, et passer d’une dimension à l’autre. C’est en ce sens qu’il connaît les grands mystères. Son monde est l’esprit, sa vision est globale. Il a seulement 3 instruments opératifs la règle et le compas, avec lesquels il peut tracer chaque type de ligne droite ou courbe et tracer des figures polygonales. Il sait utiliser la truelle, l’instrument de l’harmonie, de la perfection et de l’unification qui donne sens à l’ensemble bâti. C’est l’expression de sa sérénité et de sa bonne volonté, avec lesquels il maintient la paix et la sérénité de sa loge en aplanissant les divergences.

 

Les vices du maître sont dans la sphère de l’esprit. Il n’y a plus de point commun avec le compagnon, si ce n’est le symbolisme constructif. Ce qu’enseigne la légende du 3° grade concerne la régénération de la vie, de toutes les facultés physiques ou psychiques de l’initié, et plus particulièrement le relèvement du maître intérieur qui sommeille en nous.

 

 

Pour l’aider dans sa tâche, le Maître utilise les instruments suivants :

 

-La règle symbolise la régularité dans l’application et la rectitude, a pour vice l’aveuglement et pour vertu l’intelligence.

 

-Le compas symbolise la précision dans l’application, mesure dans la recherche de la vérité, a pour vice la folie et pour vertu la sagesse.

 

-La truelle symbolise la perfection, a pour vice l’erreur et pour vertu la réintégration c'est-à-dire la prise de conscience supérieure d’une complète totalité.

 

Les vices du maître sont ceux qui amènent à l'aliènement collectif, à l’extinction de la lumière intérieure de l’esprit : contre-initiation, aveuglement et folie. Ce sont les forces obscures qui créent le Maître Noir  illustré par l' Holocauste et à la folie nazi d’Hitler, les génocides perpétrés par Staline et par Pol Pot, le génocide arménien de la part des Turcs en 1910, aux explosions atomiques et des centaines d’autres terribles exemples. En plus petit aspect, mais non moins dangereux, ces vices engendrent des personnes dédiées à la suprématie, à la destruction, à la violence verbale, mentale et physique envers les autres. L’initié saura les détecter et se tenir à l’écart.

Pour conclure, le maître évolue dans le domaine de la sagesse en mariant conscience et raison. Il est sorti du travail de la matière, pour intégrer le domaine de l’esprit.

(…)

 

Extrait de la Planche commune franco-italienne « Lumière Ecossaise » à l’O\ D’Ollioules et «Acacia » à l’O\d’Asti. 

Eric R\ et Walter Mu\

 

 

 

 

 

[1]              Nombreux sont les rites qui réservent le maniement du levier au compagnon, il s'agit en effet d'un instrument de levage dont l'usage peut être destructeur. Son usage ou son mésusage est révélateur de l'état d'esprit du maçon. Il ne peut être mis entre les mains d'un apprenti débutant sans surveillant. Le bon usage du levier à la suite de l'action du Maillet et du Ciseau sur la pierre, ouvre la passage au grade de compagnon. C'est un instrument de transition et de translation.

[2]              Le quaternaire n’est qu’un développement du binaire.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de ecossaisdesaintjean
  • : Site de publication et de recherche en franc maçonnerie. Le symbolisme et l'histoire y sont étudiés ainsi que la rituelie comparée. Les rites dits "Écossais" et le Rite Ecossais Primitif (REP) et leurs symbolismes y sont décrit. Le blog est ouvert, les planches de différents rites sont acceptés .
  • Contact

La Revue du Maçon (RDM)

La Revue Du Maçon (RDM) publie regulièrement les morceaux d'architectures et les planches sur les thèmes des symboles , des mythes et de la tradition, véritables bases de toutes démarches initiatiques. Le franc-maçon éclairé en son for intérieur par la valeur et le sens universel des symboles est alors apte à agir dans son environnement.

"La recherche symbolique reste la valeur de base de toute démarche humanisante".

http://www.glsrep.org/article-la-revue-du-ma-on-123848203.html

Rechercher

Commander la Revue Du Maçon sur Rakuten

commandez la Revue Du Maçon à prix réduit sur Rakuten

ou sur   info@ecossaisdesaintjean.org

Autres Etudes

Etudes Récentes

  • INITIATION, ARCHETYPE ET EVEIL SPIRITUEL
    Venus de Laussel un des premiers archétype de l'humanité De tous temps, en tous lieux et dans toutes civilisations, l’homme a cherché à s’élever spirituellement par la pratique de rites initiatiques. En effet, contingenté dans le monde des formes, soumis...
  • Les dimensions de la Loge et l'universel maçonnique
    Qu' entend on lorsque l'on parle des dimensions de la Loge ? Pourquoi faut-il passer de la Géométrie sans limites à la philosophie temporelle pour revenir enfin dans le champ du sacré intemporel? Comment allier universalité, unité et diversité dans une...
  • Franc-Maçonnerie: un voyage biblique Conférence Jean Solis
    Jean Solis conférence GLSREP L'écrivain philosophe et éditeur d'ouvrage sur la Franc-Maçonnerie Jean Solis nous entretiendra de la dimension biblique présente dans la Franc-Maçonnerie. Cette conférence portera sur la dimension historico-biblique à l'origine...
  • L'évangile ésotérique de Saint Jean interprété par Paul Le Cour
    LE PROLOGUE DE SAINT JEAN De l'ouvrage de Paul Le Cour, nos auteurs donnent quelques notes complémentaires qui précisent la dimension ésotérique et hellénique de l'Evangile de Saint-Jean. Ces notes "éclairantes" viennent enrichir nos publications précédentes...
  • Pythagore et la Loge - Modélisation et harmonie - 2ème partie
    PYTHAGORE: vers la modélisation harmonique du réel Le franc-maçon se conduit dans la vie suivant les trois lumières qui ordonnent et font vivre son tableau de Loge. L’image parfois idéale qu’il peut avoir du monde vient de ce qu’il le contemple et y agit...
  • Pythagore chez les francs-maçons. 1ere partie.
    Dans cette première partie, je vous ferai part de mes recherches et lectures sur Pythagore au-delà de son théorème dont nous avons tous entendu parler et de ses autres avancées en mathématiques (résumées en annexe 1). Dans une seconde partie (prochaine...
  • Réflexions sur le Prologue de Jean.
    En loge, la Bible est placée sur le plateau du Vénérable, ouverte à la page du Prologue de Jean. L’équerre et le compas la recouvrent. Elle est le symbole d’une tradition immémoriale qui dicta nos règles de vie et notre morale collective. La présence...
  • LA CLÉ D'HIRAM, notes de lecture - 4ème Partie
    par Christophe Knight et Robert Lomas (1997) - Editions J’AI LU - Traduit de l’anglais par Arnaud d’Apremont 4ème et dernière partie des notes de lecture. de Tha.°. Coq.°. et Elth.°. Bia.°. « Ecossais de l'Hermione » GLSREP Table des matières des notes...
  • LA CLÉ D'HIRAM, notes de lecture 3 ème partie
    « LA CLE D’HIRAM » par Christophe Knight et Robert Lomas (1997) - Editions J’AI LU - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Arnaud d’Apremont « 3 ème partie des notes de lecture (en 4 parties) de Tha.°. Coq.°. et Elth.°. Bia.°. « Ecossais de l'Hermione...
  • LA CLÉ D'HIRAM, notes de lecture 2 ème partie
    2ème partie Nous abordons ici la 2ème partie des notes de lectures sur « La Clé d’Hiram » par C. Knight et R. Lomas – J’AI LU. Nous devons ce travail de synthèse à Tha.°. Coq.°. et Elth.°. Bia.°. « Écossais de l'Hermione » (Mai 2020). Nous conseillons...